LE SENAT SUPPRIME L’ECOTAXE ET PRECONISE UN DISPOSITIF ALTERNATIF

Au cours de sa séance du 18 décembre 2000 consacrée à l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2000, le Sénat a rejeté la création d’une " écotaxe ", taxation des consommations d’énergie des entreprises destinée à financer les 35 heures.

Par la voix de Philippe Marini (RPR-Oise), rapporteur général de sa commission des finances présidée par Alain Lambert (UC-Orne), le Sénat a fait valoir une série d’arguments forts.

1- La Commission des finances estime que cette taxe est potentiellement désastreuse au plan économique :

- elle engendrera des décisions de délocalisation ou de non-implantation en France en raison de son poids trop lourd pour des entreprises évoluant dans un contexte fortement concurrentiel ;

les coûts de gestion induits pour les entreprises seront très importants (déclarations, comptabilités, expertises à financer, etc.) et les coûts de gestion pour l’administration seront encore plus élevés (gestion et contrôle des déclarations, gestion des plafonnements, un millier d’engagements à contracter avec les redevables en 2001) ;

- l’écotaxe va servir à financer les 35 heures.

2- Elle estime que cette taxe est incertaine au plan écologique :

les deux tiers des émissions de dioxyde de carbone seront exonérés ;

- dans certains cas de figure, les redevables pourront avoir intérêt à gaspiller de l’énergie pour pouvoir réduire leur charge fiscale ;

- si une unité de production se localise dans un autre pays, plus laxiste que la France au plan environnemental, car la charge de la taxe est trop lourde en France, le bilan mondial de l’effet de serre se trouvera dégradé ;

- d’autres absurdités environnementales demeurent dans le texte : un seul des six gaz à effet de serre est pris en compte ; l’électricité est taxée comme le gaz naturel alors qu’elle n’émet pas, à 95 %, de gaz à effet de serre : le dispositif n’incite donc pas à se reporter sur des énergies moins polluantes.

3- Elle estime que cette taxe est fragile au plan juridique :

au plan constitutionnel, plusieurs arguments peuvent être invoqués (le principal d’entre eux a trait à la rupture de l’égalité devant l’impôt) ;

au plan communautaire, la taxe contrevient vraisemblablement à la réglementation sur les aides d’Etat ainsi qu’à une directive de 1992.

4- Elle juge la méthode employée par le gouvernement peu acceptable :

- cet article est d’une complexité extrême ;

- or il a été intégré, suite à des arbitrages tardifs et hâtifs, dans un collectif budgétaire qui est traditionnellement examiné rapidement par les assemblées : il aurait fallu un débat démocratique plus large permettant de prendre une décision qui replace la question de la taxation de l’énergie dans une vision globale de la politique énergétique de la France.

M. Philippe Marini a esquissé en séance, les grandes lignes d’un dispositif alternatif. Celui-ci devrait être un mécanisme simple d’application, efficace au plan environnemental et qui prendrait en compte les contraintes des entreprises face à la concurrence internationale. Il pourrait s’agir d’un dispositif comportant les deux volets suivants, complémentaires mais non liés :

- une accise à faible taux assise sur toutes les consommations courantes d’énergie ;

- des engagements de l’industrie à limiter ses consommations d’énergie et ses émissions de gaz à effet de serre, éventuellement sanctionnés par des amendes.