M. Charles Descours : la dérive des lois de financement de la sécurité sociale a été sanctionnée

M. Charles Descours (RPR - Isère), rapporteur de la commission des Affaires sociales du Sénat, estime que la décision du 19 décembre 2000 du Conseil constitutionnel sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 sanctionne de manière justifiée un certain nombre de dérives du Gouvernement. Ce dernier a montré depuis 1997 une conception pour le moins étrange des lois de financement de la sécurité sociale. Elles ont pourtant leur spécificité : elles ne sont ni des lois de finances bis, ni des lois portant diverses mesures d’ordre social. Leurs dispositions, même celles relatives aux prévisions de recettes et aux objectifs de dépenses, ont une valeur normative au regard de l’exigence constitutionnelle de l’équilibre de la sécurité sociale. Or, la discussion au Parlement de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a été marquée par le sceau de la désinvolture.

 Le Gouvernement a tout d’abord " joué " avec le feu, à travers le financement de plus en plus complexe de la sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement, dont le fameux FOREC. Le Conseil constitutionnel a considéré comme recevable le grief tiré de la violation de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité de la loi et a reconnu " le surcroît de complexité " introduit par celle-ci. Si le Conseil n’a pas annulé l’ensemble de la loi, estimant que ce " surcroît de complexité " n’était pas à lui seul de nature à la rendre contraire à la Constitution, le " boulet " d’une annulation totale n’est pas passé loin pour le Gouvernement.

 Le Gouvernement a également " joué " avec ses partenaires de la majorité plurielle, leur laissant espérer une abrogation de la loi Thomas qu’il savait pourtant impossible en loi de financement.

 Le Gouvernement a " joué " avec les finances sociales, laissant au FSV la charge de financer le contentieux AGIRC-ARRCO. Il appartiendra à l’Etat de tirer les conséquences de l’annulation de cette disposition.

 Enfin, le Gouvernement a " joué ", pour des raisons purement électoralistes, avec les Français les plus modestes, en leur laissant espérer, avant les élections municipales, un gain de pouvoir d’achat au travers de la CSG, qui est " caractérisée par sa proportionnalité, son universalité et sa simplicité ", comme l’a souligné le Conseil dans son communiqué de presse. Il est essentiel que la CSG reste un prélèvement universel, dont l’objet unique est de financer la sécurité sociale. Il est pour le moins regrettable, dans notre démocratie, qu’il ait fallu attendre le passage au Conseil constitutionnel pour qu’une mesure hâtive, préparée dans le secret des cabinets ministériels, néfaste pour l’avenir de notre pays et rejetée par l’ensemble des partenaires sociaux, soit enfin supprimée.

M. Charles Descours s’étonne enfin des déclarations de M. Didier Migaud, rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, qui indique " quelques difficultés à comprendre le raisonnement juridique du Conseil constitutionnel ". Ce spécialiste de la fiscalité ne pouvait pas ignorer qu’un dispositif, pour être compatible avec le principe d’égalité devant les charges publiques, doit prendre en compte l’ensemble des revenus du foyer fiscal.

 Le Gouvernement annonce désormais un projet de loi pour janvier prochain. Le Sénat, loin de vouloir pénaliser les actifs les moins aisés, avait proposé en loi de finances un mécanisme alternatif de crédit remboursable d’impôt sur le revenu, qui, tenant compte des situations familiales, n’encourait pas les reproches d’inconstitutionnalité relevés par le Conseil constitutionnel. Le Gouvernement, M. Didier Migaud et la majorité de l’Assemblée nationale n’en ont pas voulu, leur principal argument étant que le dispositif du Sénat ne serait pas " immédiat ". Le futur projet de loi, s’il s’inspire du mécanisme proposé par le Sénat, pourrait représenter un nouveau " Canossa ".