UNE DEUXIEME CHAMBRE EUROPEENNE

Rapport de M. Daniel HOEFFEL

Au moment où l’Union européenne va connaître la plus grande mutation de son histoire avec l’élargissement, la création d’une deuxième chambre européenne issue des parlements nationaux permettrait de répondre à des préoccupations essentielles pour sa démocratisation et son fonctionnement harmonieux.

D’abord, mieux ancrer l’Europe dans chaque pays. Déjà aujourd’hui, les institutions européennes paraissent lointaines, voire inaccessibles, pour les citoyens des quinze Etats membres. Cela ne pourra que s’accentuer dans une Europe à vingt-cinq ou à trente Etats membres. Le rôle d’intercesseur, de médiateur, d’exutoire parfois, que joue le parlementaire national dans chaque pays ne peut être assumé aujourd’hui par les députés européens. L’instauration d’une deuxième chambre permettrait de restaurer le lien entre les parlements nationaux et les institutions européennes qui s’est relâché en 1979 avec l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct.

Ensuite, associer de manière plus harmonieuse petits et grands Etats à la construction européenne. Le Conseil européen de Nice a montré l’écart qui s’était creusé entre les visions des petits et des grands Etats à l’égard du système institutionnel de l’Union. La crainte de n’être plus représenté au sein de la Commission, la baisse de leur importance relative au sein du Parlement européen, les effets de la repondération des voix au Conseil ont provoqué un raidissement de la plupart des Etats les moins peuplés de l’Union, qui ont évoqué le spectre du " directoire des grands ". Là encore, la mise en place d’une deuxième chambre où tous les Etats membres seraient représentés à égalité serait de nature à favoriser un consensus entre les Etats membres.

Enfin, assurer un meilleur équilibre. Un meilleur équilibre au sein des institutions de l’Union en premier lieu. La Commission n’a actuellement face à elle qu’une assemblée, le Parlement européen, dont le poids s’est considérablement accru dans le triangle institutionnel. Il serait bon qu’elle puisse dialoguer non seulement avec le Parlement européen, mais aussi avec une assemblée composée de parlementaires nationaux mieux placés, en raison de leur proximité avec les électeurs, pour refléter les demandes ou les craintes des citoyens des quinze Etats membres. Un meilleur équilibre aussi entre l’Union et les Etats membres grâce à une attention plus soutenue à l’application du principe de subsidiarité. Les institutions actuelles de l’Union, naturellement portées à une certaine centralisation, seraient contrebalancées par une deuxième chambre qui, par sa composition, serait davantage encline à privilégier la décentralisation.

L’Europe ne doit pas être laissée aux seuls spécialistes. Le Parlement européen, lorsqu’il était composé de parlementaires nationaux, comprenait de nombreux responsables éminents des forces politiques des différents Etats membres. Cela est moins aisé depuis l’élection au suffrage universel direct, et le Parlement européen tend à n’être plus composé que de parlementaires qui s’occupent de l’Europe et d’elle seule tout au long de l’année, se détachant par là même des contextes politiques nationaux. Une deuxième chambre européenne aurait sans doute pour effet de favoriser la participation de parlementaires nationaux éminents aux débats européens.

A cette fin, la deuxième chambre européenne devrait être composée de parlementaires nationaux, chaque Etat membre étant représenté par le même nombre de parlementaires.

Elle ne devrait pas voter les directives et règlements, mais jouerait un rôle essentiel dans l’application du principe de subsidiarité. A cet effet, elle aurait la possibilité d’examiner au regard de la subsidiarité tout texte communautaire en cours d’élaboration et de décider que sa mise en œuvre est subordonnée à un contrôle par la Cour de Justice de sa conformité aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Elle aurait aussi une fonction de contrôle en matière de défense européenne et de politique étrangère commune ainsi que pour les questions de justice et d’affaires intérieures, c’est-à-dire dans les domaines où l’intergouvernemental domine et où, de ce fait, le Parlement européen ne peut jouer pleinement le rôle de contrôleur.

Elle pourrait aussi tenir des débats généraux sur l’avenir de l’Union et débattre chaque année de l’état de l’Union, voire entendre les dirigeants de la Banque centrale européenne exposer les objectifs de leur politique monétaire.

Dans un but de simplification de l’architecture institutionnelle européenne, la création de la deuxième chambre européenne pourrait s’accompagner de la suppression, d’une part, de l’Assemblée de l’UEO dont elle reprendrait la mission et, d’autre part, de la COSAC qui réunit actuellement chaque semestre six parlementaires nationaux de chaque Etat membre et six députés européens.

Les membres de la deuxième chambre européenne doivent rester avant tout des parlementaires nationaux et ils doivent continuer de participer pleinement aux activités de leurs assemblées respectives. En conséquence, la deuxième chambre européenne devrait avoir environ six sessions par an, chaque session durant une journée et demie, de préférence le lundi et le mardi matin. Une de ces sessions se tiendrait chaque semestre à l’invitation du Parlement du pays qui exerce la présidence dans l’Union, comme c’est le cas actuellement pour la COSAC.