La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a adopté, le mercredi 12 mars, le rapport de sa présidente, Mme Gisèle GAUTIER (groupe de l'Union centriste - Loire-Atlantique) sur les inégalités salariales entre les hommes et les femmes.

La délégation a tout d'abord dressé un état des lieux juridique et statistique.

Les jeunes filles réussissent mieux leurs études et sont plus diplômées que les hommes ; pourtant, les femmes perçoivent des salaires en moyenne inférieurs de 27 %. Il s'agit là, non seulement d'une situation socialement inéquitable, mais aussi d'un certain gaspillage économique : comme le relève à juste titre l'OCDE, c'est le signe d'une sous utilisation de l'esprit d'initiative et des capacités intellectuelles des femmes. La main d'œuvre féminine a, d'ores et déjà, contribué à accompagner la tertiarisation et la mutation économique de ces dernières décennies ; l'intérêt des femmes, ainsi que la logique de la société et de l'économie française, doivent conduire à franchir une nouvelle étape.

La délégation a, ensuite, analysé en détail le cadre juridique en vigueur et constaté que « l'égalité salariale ne se décrète pas », pour employer une formule lapidaire. En effet, depuis dix ans, la production de normes juridiques destinées à poser des principes et à fixer des règles anti-discriminatoires s'est intensifiée : on recense aujourd'hui trois traités ou conventions conclues dans le cadre des Nations unies, une actualisation du traité de Rome, quatre directives, trois lois françaises récentes de mise en conformité au droit européen et une jurisprudence abondante de la Cour de justice des Communautés européennes ainsi que des tribunaux français. Or, cette inflation normative s'est accompagnée, ces dix dernières années, d'un ralentissement de la réduction de l'écart salarial entre les hommes et les femmes.

Enfin, elle s'est efforcée de fonder ses recommandations sur la mesure aussi exacte que possible de l'évolution des écarts de salaires entre les sexes. A travers la diversité des sources statistiques et des méthodes de mesure, il apparaît assez nettement que les écarts de rémunération entre hommes et femmes ont diminué entre les années 1970 et le début des années 1990. Depuis cette période, cette diminution des écarts semble s'être ralentie, et le salaire moyen des femmes reste globalement inférieur de 27 % à celui des hommes.

Cette différence globale n'est pas spécifique à la France ; comme en témoigne une analyse très détaillée effectuée au sein de l'Union européenne, on la constate dans les autres pays et dans des proportions semblables.

Deux principaux facteurs permettent d'expliquer, à parts égales, 85 % de l'écart global de rémunération entre les femmes et les hommes :

- le premier est l'inégale répartition des hommes et des femmes dans les différentes catégories professionnelles : certains économistes discernent dans ce phénomène une certaine « ségrégation professionnelle ». Plus diplômées en moyenne, les femmes sont comme « aspirées » vers les emplois moins bien rémunérés;

- l'autre moitié des 85 % de l'écart de salaire non imputable à une discrimination directe s'explique par le travail à temps partiel qui touche 30 % des femmes, contre à peine 5 % des hommes (660.000 hommes et 3.230.000 femmes travaillent à temps partiel selon l'enquête « emploi 2001 » de l'INSEE).

Si l'on écarte l'influence des facteurs « extérieurs » (durée du travail, qualification, etc.), un écart irréductible et non justifiable perdure à hauteur de 5 à 6 %, « toutes choses égales » (du point de vue statistique) par ailleurs.

Les inégalités salariales : un révélateur de la place respective des hommes et des femmes dans le monde du travail

Nombreuses sont les femmes qui travailleraient volontiers à temps plein si l'articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle était mieux organisée et si le partage des tâches familiale était plus équitable. Rappelons que le « temps libre » des femmes est largement consacré à des activités non rémunérées : l'éducation des enfants, les soins aux personnes âgées et les tâches ménagères sont assurées à 70 % par les femmes. Au total, et dans tous les pays, en cumulant les activités rémunérées et non rémunérées, les femmes travaillent plus que les hommes, mais leur autonomie financière est moindre. Les prolongements de cette situations doivent être soulignés : par exemple, en France, les retraites des femmes sont de 42 % inférieures à celles des hommes.

Ceci amène à un constat plus général : aujourd'hui, le rapport démographique entre cotisants et pensionnés menace l'équilibre du système des retraites ; or, les femmes n'ont jamais autant manifesté leur aspiration à l'indépendance financière et à l'emploi. En même temps, un certain nombre de « nouveaux pères » sont prêts à améliorer leur contribution à l'accomplissement des tâches ménagères non rémunérées. Tout conduit donc à encourager l'emploi féminin et il serait dommage de ne pas saisir cette occasion historique d'harmoniser les choix individuels avec les équilibres collectifs.

Quelles solutions ? La priorité à accorder aux mesures concrètes permettant de concilier la vie professionnelle et familiale

La délégation estime qu'il faut, avant tout, veiller à mieux faire connaître le droit existant fondé sur le principe d'« une rémunération égale pour un travail de valeur égale » : la première partie de son rapport, qui analyse la dimension juridique de l'égalité salariale, pourra y contribuer. On peut cependant apporter au cadre juridique les ajustements requis par une très récente directive qui incite les États membres à instituer une autorité indépendante ou une cellule rattachée à une autorité existante chargée de la surveillance de l'égalité salariale entre les sexes, et d'apporter une aide concrète aux victimes de discriminations.

Face aux clichés passéistes sur le travail des femmes, il importe également de provoquer une évolution des mentalités à travers les medias et l'éducation au sens large. Sans cela, le contentieux de la discrimination salariale, aujourd'hui très limité, pourrait se développer sur la base des nouvelles règles de procédure qui font plus largement peser la charge de la preuve d'absence de discrimination sur les employeurs.

Au delà de l'idée selon laquelle les véritables solutions relèvent d'une évolution globale de la société, la délégation estime fondamental de favoriser une approche très concrète de l'articulation entre la vie professionnelle et familiale. Il convient, avant tout, d'améliorer la souplesse et l'articulation des mécanismes de garde d'enfants et d'accueil périscolaire. Une idée résume les recommandations formulées en la matière : les structures doivent mieux s'adapter à la demande des familles et non l'inverse.

Autant que faire se peut, il est souhaitable d'impliquer les entreprises dans cette démarche. Il y a sans doute, ici, une occasion pour les employeurs de réfléchir aux contraintes du travail féminin, et de prendre conscience que les intérêts de celui-ci pour l'entreprise sont peut-être supérieurs à ses inconvénients : bien des interlocuteurs de la délégation se sont, par exemple, interrogés sur l'utilité réelle des réunions de cadres organisées à des heures tardives ou imprévues.

La formation initiale et continue a également un rôle à jouer pour réduire les disparités de carrières et de rémunération : d'abord pour infléchir l'orientation scolaire, universitaire et professionnelle des femmes vers un trop petit nombre de métiers, et ensuite pour que le congé de maternité et le congé parental soient un peu moins perçus comme une discontinuité de carrière et un peu plus comme une opportunité de formation permanente.