M. DOMINIQUE DE VILLEPIN FAIT LE POINT

DEVANT LES SÉNATEURS SUR LES CRISES AFRICAINES

Réunie le jeudi 22 janvier 2004 sous la présidence de M. Robert Del Picchia, vice-président, la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a procédé à l'audition de M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, sur l'état des crises sur le continent africain.

Le ministre des affaires étrangères a tout d'abord exposé les fondements de la politique menée par la France en Afrique.

L'action de la France en Afrique s'appuie sur le constat de changements profonds sur un diagnostic simple : l'Afrique du XXIème siècle est une Afrique qui change, consciente des risques de marginalisation auxquels l'expose la mondialisation et qui revendique l'accès à la démocratie, à la société de consommation, aux services sociaux de base, aux médias. L'Afrique est désormais au cœur des débats internationaux dans les enceintes de l'OMC ou du G8, mais aussi au centre des préoccupations des mouvements altermondialistes ou du Forum social mondial. L'Afrique s'adapte et renforce son autonomie sur le plan politique, comme en témoignent l'émergence de partenaires comme l'Afrique du sud, la mise en place du NEPAD ou la montée en puissance de l'Union africaine. De nombreux conflits africains sont désormais résolus ou en passe d'aboutir sur une issue positive, comme en Angola, dans les Grands Lacs ou au Soudan. La population africaine est jeune -42 % de la population a moins de 15 ans-, urbaine, et le continent dispose d'un potentiel de croissance considérable -son taux de croissance est supérieur à celui du monde développé- alors que se dessine une nouvelle carte géostratégique sous l'effet de l'émergence de nouveaux Etats pétroliers et de nouveaux acteurs extérieurs, comme la Chine et les Etats-Unis.

L'action de la France repose ensuite sur une triple conviction : il n'y aura pas de sécurité efficace pour le monde contemporain sans développement et pacification du continent africain. Les crises qui le secouent menacent en effet directement l'équilibre et la sécurité du monde contemporain, comme ses perspectives de croissance. Il n'y aura pas de développement durable de l'Afrique en l'absence de paix et de sécurité. Pour être efficaces, les bailleurs doivent s'impliquer résolument en faveur du règlement de conflits. Enfin, il n'y a pas de solution militaire durable à des crises dont les racines sont anciennes et profondes et les implications inévitablement régionales.

Le ministre des affaires étrangères a rappelé les principes qui président à l'action de la France dans les crises africaines : respect de la légitimité du pouvoir, tant dans ses conditions d'accès que dans ses modalités d'exercice, défense de la souveraineté de l'Etat et de l'intégrité du territoire national, souci de la stabilité et de la cohésion régionale, refus de l'unilatéralisme et donc mobilisation de la communauté internationale à travers ses différentes instances.

M. Dominique de Villepin a ensuite dressé un bilan de l'action de la France sur différents points du continent africain.

A Madagascar, la France a mobilisé la communauté des bailleurs de fonds, dès que la tenue d'élections législatives anticipées a permis de confirmer la légitimité du président Ravalomanana et que le pays a, de ce fait, pu retrouver sa place au sein de l'Union africaine. La France suit désormais avec attention les progrès réels de la situation, en maintenant sa vigilance sur le respect des droits de l'homme, notamment à l'égard des personnalités du précédent régime. A Madagascar comme ailleurs, la stabilité politique doit aussi s'appuyer sur un processus de réconciliation nationale, qui implique d'éviter les « chasses aux sorcières », à l'instar du processus conduit en Afrique du Sud à la fin du régime d'apartheid.

En Côte d'Ivoire, un an exactement après Marcoussis, des étapes essentielles ont été franchies, après l'accélération imprimée par les entretiens de Libreville le 21 novembre entre le Président Gbagbo et le Ministre, sous l'égide du président Bongo. Les ministres des forces nouvelles ont réintégré le gouvernement. La totalité des projets de loi prévus par Marcoussis a été adoptée. Le retour à un fonctionnement normal de l'administration est engagé. Le regroupement des armes et des forces ex-rebelles a démarré. Le déplacement du Président Gbagbo à Bouaké, qu'il entend accomplir prochainement pour annoncer la fin de la guerre, symbolisera le retour à l'intégrité du territoire ivoirien et à la souveraineté nationale.

Le ministre des affaires étrangères a indiqué que l'étape de la pleine application des accords de Marcoussis, qui doit conduire, fin 2005, à la tenue d'élections libres, transparentes et ouvertes à tous, était désormais ouverte. Elle s'accompagnera d'une mobilisation accrue de la communauté internationale qui, réunie au sommet de Kléber, a garanti la mise en œuvre des accords de Marcoussis et s'est engagée à l'appuyer. Elle se concrètisera, par la mise en place d'une opération de maintien de la paix de l'ONU et le retour des bailleurs de fonds. Demandée par la CEDEAO et fortement appuyée par la France, l'opération de maintien de la paix accompagnera la mise en œuvre des programmes de désarmement et de démobilisation et la préparation des élections, savoir-faire parfaitement maîtrisé par les Nations unies. Dans cette région fragilisée, la communauté internationale doit agir de manière cohérente et coordonnée. Rapporté aux effectifs de 12.000 et 15.000, respectivement présents en Sierra Leone et au Libéria, au titre des Nations unies, le chiffre de 6.000 proposé par le Secrétaire général pour la Côte d'Ivoire est raisonnable. Par ailleurs, les questions transversales comme le trafic d'armes, les réfugiés ou les enfants-soldats doivent faire l'objet d'approches régionales. Le ministre a confirmé que la France maintiendrait sa présence militaire jusqu'à la tenue des échéances électorales. Il a estimé qu'une opération de maintien de la paix devrait pouvoir être mise en place d'ici à la mi-2004. Parallèlement, la France a d'ores et déjà, pour sa part, réorienté son dispositif de coopération civile. En 2004, 24 millions d'euros devraient être consacrés aux actions de redéploiement de l'administration, de réinsertion de jeunes et de préparation du programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion (DDR).

Rappelant le caractère exigeant et inédit de la solution choisie et du processus conduit en Côte d'Ivoire, M. Dominique de Villepin a souligné que les étapes difficiles qui ont été franchies témoignent de la détermination du Président Gbagbo, et avec lui des nombreux acteurs de ce conflit complexe, à conduire la Côte d'Ivoire hors de la crise. Son aboutissement devrait prouver la capacité d'un grand pays africain à faire l'économie d'une guerre civile pour mettre en œuvre une solution rapide, strictement politique, et fondée sur le dialogue et la réconciliation.

En République centrafricaine, le processus de transition appuyé par les pays voisins de la CEMAC (organisation régionale de l'Afrique centrale) se poursuit. La France a choisi de concentrer son effort sur l'appui aux forces de sécurité et aux administrations financières tout en mobilisant l'Union européenne et les bailleurs de fonds pour une reprise rapide de l'aide multilatérale.

Aux Comores, la France a accompagné les efforts de médiation du Président Mbeki, menés au nom de l'Union africaine, qui ont débouché sur l'accord signé à Moroni, le 20 décembre 2003. Pour appuyer financièrement la mise en œuvre d'un accord qui demeure fragile, La France a réuni, à Paris, le 21 janvier, les principaux bailleurs des Comores.

Evoquant les perspectives pour 2004, M. Dominique de Villepin a indiqué que deux sujets majeurs occuperaient l'actualité du continent africain : le processus de paix dans la région des Grands Lacs, avec la préparation de la conférence prévue en novembre et la situation dans la Corne de l'Afrique.

Le processus en cours en République démocratique du Congo a connu une accélération sensible depuis l'été 2002. La France a assuré le rôle de nation chef de file lors de l'intervention militaire conduite par l'Union européenne en Ituri afin d'appuyer le processus politique en cours et d'assurer la transition avec le renforcement de l'opération de maintien de la paix des Nations unies (MONUC). Le ministre a souligné que l'opération Artémis constituait la première opération militaire conduite par l'Union européenne avec ses moyens  propres et en dehors du continent européen. Rappelant qu'il n'y aurait pas de paix dans les Grands Lacs sans paix au Burundi, le ministre a relevé l'importance du processus en cours dans ce pays. La visite de travail, la semaine dernière, du Président burundais à Paris, M. Domitien Ndayizeye, a permis de confirmer le soutien de la France au processus de sortie de crise.

Après plus de vingt ans de guerre, la conclusion d'un accord de paix au Soudan, dont le potentiel pétrolier, minier et agricole, au sein du continent africain, est considérable, sera décisive. L'intérêt particulier des Etats-Unis pour ce pays, lié à la fois aux ressources pétrolières, au risque terroriste, à la dimension religieuse du conflit et aux menaces sur les droits de l'homme, explique la forte pression en faveur de la conclusion de cet accord. Or l'aggravation récente des troubles dans la région du Darfour peut menacer cette perspective. C'est pourquoi la France suit avec beaucoup d'attention l'évolution de cette situation avec les autorités tchadiennes et soudanaises. Le ministre des affaires étrangères a reçu en début de semaine les émissaires du Président soudanais, notamment le ministre de l'énergie, et s'est entretenu, hier, avec le président Deby. Parallèlement, M. Dominique de Villepin a évoqué les difficultés de mise en œuvre de l'accord frontalier conclu sous l'égide de l'ONU entre l'Ethiopie et l'Erythrée. Il a enfin fait part de sa préoccupation face à la situation en Somalie et souligné la nécessité que la communauté internationale se penche sur ce conflit « orphelin » qui peut menacer la stabilité de la sous-région. Le ministre a annoncé qu'il se rendrait dans les semaines qui viennent au Tchad et au Soudan, puis, d'ici l'été, en Ethiopie et en Erythrée.

 Un débat a suivi l'exposé du ministre.

M. Didier Boulaud a considéré que la France avait gagné une grande autorité sur la scène internationale par son refus de la guerre en Irak. Il a souhaité savoir si ce qu'il considérait comme le silence actuel de la diplomatie française sur la question irakienne pouvait s'expliquer par notre souci d'obtenir un accord des Etats-Unis sur la mise en place d'une opération de maintien de la paix en Côte d'Ivoire. Il a par ailleurs souhaité un bilan de l'action de l'émissaire français dans le cadre des négociations de paix au Soudan.

M. Dominique de Villepin a précisé que le montage d'une opération de maintien de la paix ne relevait pas d'une politique de « donnant donnant » diplomatique. La position française au sujet de l'Irak est claire. Il convient d'assurer le retour, le plus rapide possible, de la souveraineté en Irak. Les dispositions de la résolution n° 1511 du Conseil de sécurité ont constitué un premier pas, mais sont insuffisantes. L'accord conclu le 15 novembre 2003 entre la coalition et le Conseil de gouvernement irakien prévoit, après des étapes intermédiaires, le retour à la souveraineté irakienne au 1er juillet prochain, des élections générales et démocratiques étant prévues en 2005. La réaction des chiites, par la voie de l'Ayatollah Sistani, a été l'exigence d'élections à une échéance plus rapprochée. La France considère que, pour être légitime, le processus politique doit être le plus inclusif possible et que son suivi doit être assuré par les Nations unies. Il convient, à cet égard, de préparer l'échéance du 30 juin 2004, date à laquelle un gouvernement irakien de transition sera en place. La France s'est déclarée disposée, dès cette date, à accompagner la formation des forces de sécurité et à concourir à la rédaction d'une constitution, comme demandé par les responsables irakiens lors de leur passage à Paris.

M. Dominique de Villepin a évoqué la proposition française d'une conférence internationale pour la définition de l'architecture générale de sécurité dans la région. Par ailleurs, la réunion qui s'est tenue le 19 janvier dernier avec le Secrétaire général des Nations unies, la coalition et le Conseil de gouvernement irakien a permis d'examiner les difficultés posées par le processus politique tel que précédemment défini. Cette réunion peut être considérée comme proche des idées défendues par la diplomatie française, la France souhaitant que l'ONU soit en mesure de jouer tout son rôle dans la crise irakienne. Le ministre des affaires étrangères a par ailleurs indiqué que le Secrétaire général des Nations unies avait accepté de réunir un groupe de contact avec les pays de la région afin que tous travaillent dans le même sens. Rien ne pourra se faire pour l'Irak futur sans ses voisins, notamment l'Iran, la Turquie ou l'Arabie saoudite.

M. Dominique de Villepin a indiqué que  l'action de la diplomatie française visait à l'harmonisation des positions européennes, notamment avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne avec lesquelles les consultations étaient constantes, à l'appui de la montée en puissance des Nations unies, au dialogue avec les Etats-Unis et à l'action en direction des pays voisins, comme en témoigne notamment la récente rencontre avec M. Rohani, Président du Conseil de sécurité d'Iran.

Au Soudan, le ministre a précisé que l'ambassadeur de Coignac était chargé de suivre l'évolution du processus de paix en cours à Nairobi (Kenya) sur le sud-Soudan.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, tout en saluant le volontarisme du ministre et les résultats positifs qu'il a produitS, en particulier en Côte d'Ivoire, a fait part de son « pessimisme actif » s'agissant de l'état général du continent africain. Celui-ci se trouve marginalisé sur les plans économique et culturel. Il souffre d'hémorragie en raison du départ de la plupart de ses élites vers d'autres pays. L'absence de liaisons aériennes et d'infrastructures routières modernes le condamne à l'atomisation. Le Sida et le paludisme, parmi d'autres maladies, frappent très durement ses populations. Le caractère prédateur de nombre de leaders « politico-affairistes » bride tout développement économique. Mme Cerisier-ben Guiga a demandé au ministre quels moyens pouvaient être mis en œuvre pour limiter l'effet déstabilisateur sur les pays africains de leurs importantes ressources naturelles, dont les populations ne tirent aucun bénéfice et qui engendrent des conflits. Elle a également mis l'accent sur la nécessité de considérablement renforcer les actions d'éducation et de formation en direction des jeunes et des femmes.

M. Hubert Durand-Chastel a évoqué les perspectives d'adoption, par les Nations unies, d'une résolution instaurant une force internationale en Côte d'Ivoire. Il a souligné l'ampleur des ravages du Sida en Afrique, en relevant que les fonds promis par la communauté internationale au cours de la dernière décennie étaient bien loin d'avoir été effectivement mis en place pour la lutte contre le sida. Il a estimé qu'en dehors des actions thérapeutiques, un important travail d'information et d'éducation auprès des populations était nécessaire. Il a demandé des précisions sur l'action de la France en ce domaine.

Mme Danielle Bidard-Reydet, évoquant une rencontre avec de jeunes élèves d'origine africaine dans une école de la région parisienne, a tout d'abord estimé qu'il existait sur le continent africain une aspiration générale à la paix, et que l'Europe constituait de ce point de vue un exemple envié. Elle a ensuite rappelé que la question du pillage des ressources naturelles en Afrique était examinée au sein d'une instance spécifique de l'ONU et elle a souhaité connaître les actions concrètes qui avaient pu être décidées dans ce cadre. Elle s'est demandé si l'attention croissante des Etats-Unis et de la Chine pour l'Afrique pouvait remettre en cause les positions de la France sur le continent. Elle a demandé des précisions sur l'évolution de la situation au Rwanda. Enfin, elle a souligné la nécessité d'accentuer l'aide internationale dans les domaines de l'éducation et de la formation.

M. Pierre Biarnès a salué la qualité des analyses du ministre sur les différentes crises que connaît actuellement l'Afrique mais il s'est déclaré moins optimiste que lui sur l'avenir du continent. Il a estimé que beaucoup des difficultés actuelles tenaient à des causes anciennes et profondes, liées à l'histoire de la colonisation puis aux conditions de la décolonisation. Ainsi la plupart des frontières entre pays africains sont-elles totalement artificielles, résultant moins des réalités humaines et géographiques que des différentes étapes de la conquête coloniale et des partages de zones d'influence entre puissances. La relative cohésion maintenue tant que s'exerçait l'administration coloniale a disparu avec cette dernière, faisant apparaître le manque d'unité de pays composés de différentes ethnies. Par ailleurs, le désengagement des anciennes puissances coloniales, qui ont fortement réduit le niveau de leur aide et de leur coopération, a accentué ce phénomène de désagrégation. En ce qui concerne le Sida, M. Pierre Biarnès a douté de l'efficacité de l'aide internationale telle qu'elle se pratique aujourd'hui. Il a estimé que seul un effort international massif dans la recherche scientifique en vue de découvrir un vaccin permettrait réellement de vaincre ce fléau.

Mme Hélène Luc a évoqué le rôle de la France à Djibouti, estimant qu'il tenait surtout à nos moyens militaires qui y sont stationnés. Elle s'est interrogée sur l'évolution du règlement du conflit érythréo-éthiopien. Évoquant le développement économique du continent africain, elle a jugé indispensable d'apporter au sein de l'Organisation mondiale du commerce des réponses satisfaisantes à la question du prix du coton, l'aide au développement n'ayant pas de sens si l'on ne permet pas préalablement aux producteurs africains de vivre des fruits de leur travail. Elle a souligné l'importance des actions d'éducation et de formation, en insistant sur le rôle majeur devant être joué par les femmes africaines.

M. Louis Moinard a estimé que la présence française à Djibouti était un facteur très positif pour la région. Se référant au processus de paix au Soudan, il s'est demandé comment ce pays pourvu d'un réel potentiel économique envisageait ses relations avec ses voisins beaucoup plus pauvres, en particulier l'Ethiopie.

En réponses à ces différentes interventions, M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, a apporté les précisions suivantes :

- le regard porté sur l'avenir de l'Afrique ne peut se réduire à la confrontation entre une vision optimiste et une vision pessimiste ; bien qu'il faille interpréter avec beaucoup de prudence les indications statistiques, on constate même, si l'on s'en tient à des paramètres quantifiables, de réelles améliorations ; ainsi, près de 17 pays africains ont bénéficié d'une croissance économique supérieure à 5 % en 2003 alors qu'ils n'étaient que 11 en 2002 ; par ailleurs, l'intérêt croissant porté à l'Afrique par des pays traditionnellement peu présents dans la région est un facteur encourageant supplémentaire ;

- adopté en 2001, le NEPAD traduit aujourd'hui la volonté de la communauté africaine de définir de façon autonome et responsable les conditions de son propre développement. Il s'agit d'un chantier de long terme qu'il est essentiel de garder au cœur des préoccupations de la communauté internationale. Les principes qui l'inspirent -renforcement du partenariat public-privé, amélioration de la gouvernance, accent sur les infrastructures régionales, attention accrue à la prévention et au règlement des conflits- sont de nature à favoriser l'émergence d'un développement plus durable et plus autonome. Ils doivent également fonder la nécessaire évolution de nos instruments d'aide. Pour sa part, dans le cadre de sa présidence du G8 en 2003, la France a multiplié les initiatives : réflexion sur une meilleure insertion des produits agricoles africains dans les circuits mondiaux, conférence des bailleurs sur le financement des infrastructures, réunion pour le financement du Fonds mondial sur le SIDA -la France y a annoncé le triplement de son effort, qui s'élèvera à 150 millions d'euros en trois ans - démarche européenne en faveur du coton africain ;

- le sous-développement du continent africain n'est pas une fatalité ; l'aide des pays développés n'est certainement pas suffisante et peut donc être augmentée ; les structures internationales en charge du développement doivent être améliorées ; l'Europe enfin consacre un effort financier important pour l'Afrique, mais ne dispose pas encore de la véritable politique africaine susceptible de donner à son action sa pleine efficacité ; dans tous ces domaines, d'importantes marges de progression existent ;

- s'agissant du comportement des dirigeants africains et de leur capacité à favoriser le cercle vertueux du développement, il est illusoire de réduire à des personnes les difficultés provenant des structures mêmes de la société ; c'est pourquoi il est important d'agir résolument sur l'accompagnement démocratique des pays africains, par exemple en les encourageant à définir un réel statut de l'opposition et des anciens dirigeants ;

- le développement de l'Afrique exige sans doute des formes de coopération différentes de celles pratiquées jusqu'à présent ; aux actions diffuses et étalées dans le temps, il pourrait être souhaitable de substituer des modes opératoires beaucoup plus rapides et vigoureux ; par exemple, des équipes réduites d'experts pourraient, en l'espace de quelques mois, définir les quelques actions fortes de nature à impulser une dynamique de réforme et de développement dans un pays donné, notamment dans un contexte de sortie de crise. Tous les acteurs, depuis les instances européennes jusqu'aux collectivités locales impliquées dans la coopération décentralisée, devraient être associés de manière coordonnée à cette nouvelle forme de coopération ; il est par ailleurs indispensable d'obtenir des succès pouvant à leur tour servir de modèle aux autres pays ;

- l'aide au secteur de l'éducation en Afrique est l'une des priorités de l'action de la France ; dans le cadre du programme de conversion des dettes en investissements (C2D), les projets concernant l'éducation sont les premiers à bénéficier des fonds disponibles ; la France soutient également activement l'initiative rapide (fast-track) de la Banque mondiale pour l'éducation ; enfin, elle entend accorder une importance toute particulière à la formation et à la réinsertion des jeunes, dont le chômage constitue aujourd'hui un facteur de risque majeur pour le continent africain ;

- les dernières élections qui se sont déroulées au Rwanda l'ont été dans des conditions jugées acceptables par la communauté internationale ; beaucoup reste à faire et nous suivons la situation avec vigilance, en liaison étroite avec nos partenaires occidentaux. Le Rwanda est un acteur essentiel dans la région des Grands Lacs ;

- il serait dangereux de vouloir entreprendre une redéfinition des frontières en Afrique, quand bien même beaucoup d'entre elles peuvent être considérées comme artificielles ; une telle remise en cause exacerberait inévitablement les tensions existantes et créerait surtout des conflits pour l'appropriation des richesses naturelles ; seule la coopération et l'intégration régionales permettront d'éroder les difficultés liées à l'imperfection des frontières ;

- la France encourage et appuie le dialogue entre l'Ethiopie et l'Erythrée, indispensable pour assurer la mise en œuvre, dans les meilleures conditions, de la décision de la Commission de démarcation des frontières ;

- l'intérêt nouveau manifesté pour l'Afrique par les Etats-Unis obéit probablement à plusieurs motivations ; aux préoccupations économiques s'ajoutent également les liens entre certaines communautés religieuses américaines et des pays africains ; l'engagement américain en Afrique est essentiel et la France est disposée à nouer un partenariat fructueux en faveur du développement.

A la suite des réponses de M. Dominique de Villepin, Mme Monique Cerisier-ben Guiga l'a interrogé sur la multiplication d'incidents récents impliquant des ressortissants français aux Etats-Unis, certains d'entre eux ayant été arrêtés par les autorités américaines et se trouvant sous la menace de peines d'emprisonnement.

M. Dominique de Villepin a estimé qu'il convenait d'examiner avec une grande prudence les cas de ces ressortissants français mis en cause par les autorités américaines. Il lui a paru difficile d'opérer un amalgame entre des situations présentant chacune leur particularité. Il a rappelé que les Etats-Unis sont un pays où l'on ne transige pas avec le respect de la loi et des règles collectives. Au demeurant, certaines de ces règles, par exemple relatives à la sécurité du transport aérien, sont appliquées tout aussi rigoureusement dans d'autres pays, notamment en France. Le ministère des affaires étrangères effectuera toutes les démarches nécessaires auprès des autorités américaines dès lors qu'un ressortissant français se trouvera injustement mis en cause et ne se sera pas placé en contravention avec la législation américaine.

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