PROJET DE LOI EN FAVEUR DES PERSONNES HANDICAPEES : LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES DU SENAT ENTRE SATISFACTION ET REGRETS

Réunie le mercredi 11 février 2004 sous la présidence de Nicolas About  (UC - Yvelines), la commission des Affaires sociales du Sénat a approuvé les analyses et les propositions de son rapporteur, Paul Blanc (UMP - Pyrénées orientales), sur le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées dont elle était saisie en première lecture.

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Annoncé depuis des mois et ardemment attendu par les personnes handicapées et leurs familles qui en espèrent des solutions enfin concrètes à leurs difficultés quotidiennes, ce texte constitue la traduction législative de la troisième grande priorité du mandat présidentiel : celle de l'intégration pleine et entière des personnes handicapées dans notre société.

Depuis deux ans, notamment à la suite des débats occasionnés par l'arrêt Perruche, le Sénat refuse d'accepter que la seule façon d'assurer une vie décente à un enfant handicapé puisse consister, pour ses parents, à rechercher une faute leur ouvrant droit à une indemnisation judiciaire.

C'est bien à la solidarité nationale qu'il appartient de compenser les conséquences d'un handicap. Le principe en est posé depuis 2002. Encore fallait-il organiser sa mise en oeuvre pratique.

La commission des Affaires sociales du Sénat a consacré à ce sujet de très nombreux travaux : un premier rapport, dès juillet 2002, sur la compensation du handicap, une commission d'enquête sur la maltraitance des personnes handicapées, une proposition de loi, déposée l'an dernier par Nicolas About et Paul Blanc et cosignée par l'ensemble des commissaires de la majorité, enfin, tout récemment, une large série d'auditions publiques des associations et partenaires concernés afin de préparer l'examen du texte.

C'est forte de cette expertise qu'elle a abordé l'analyse du projet de loi.

   Elle approuve la distinction entre droit à compensation et moyens d'existence.

  • La commission considère que la future prestation de compensation constitue un réel progrès puisque son versement ne sera conditionné par aucun critère de ressources. Cette allocation prendra enfin en considération l'ensemble des surcoûts liés au handicap dans la vie quotidienne : il pourra s'agir de financer des aides humaines, y compris la rémunération des aidants familiaux, conjoints inclus, des aides techniques, des appareillages ou autres.
  •  La commission se réjouit que l'allocation aux adultes handicapés, AAH, soit clairement destinée à faire face aux dépenses liées à la vie quotidienne et se déclare favorable à son cumul avec un revenu pour encourager l'activité professionnelle des personnes handicapées.

   Elle se préoccupe des restrictions posées par le texte.

  • La commission, sensible aux objections légitimes des personnes handicapées et de leurs familles, estime nécessaire d'encadrer la prise en compte des ressources du bénéficiaire pour calculer le montant de l'aide, au risque de vider de son sens le principe de compensation du handicap par la solidarité nationale.
  • Elle refuse l'application d'un taux d'invalidité minimum à l'entrée de la prestation, 80 % vraisemblablement, qui ne permettrait pas d'apprécier les besoins concrets de la personne.
  •  Elle regrette l'exclusion des enfants pour lesquels l'actuelle AES, allocation d'éducation spéciale, reste toujours insuffisante pour compenser réellement aux familles les dépenses liées au handicap. Elle demande donc qu'ils y soient intégrés, dès l'âge de treize ans, dans un délai de dix ans.

  Elle soutient le principe de l'accès de tous à tout .

  •  Accès à l'école : la commission confirme que la priorité absolue doit être la scolarisation des enfants handicapés, si possible dans l'établissement ordinaire le plus proche de leur domicile, et renforce le degré d'exigence du texte pour y parvenir : organisation de passerelles entre éducation ordinaire et spécialisée, reconnaissance de la langue des signes aux examens, obligation d'assurer l'accessibilité des locaux scolaires, formation de tous les enseignants à l'accueil d'élèves handicapés...
  • Accès à l'emploi : elle accroît la responsabilité de l'Etat dans le domaine de l'insertion professionnelle des personnes handicapées en imposant à la fonction publique les contraintes d'emploi applicables dans le secteur privé et en transformant l'AGEFIPH en établissement public, afin d'améliorer le contrôle de l'utilisation des fonds collectés par les entreprises assujetties à l'obligation d'emploi de personnes handicapées.
  • Accès à la cité : elle impose une obligation stricte d'accessibilité pour les constructions neuves, une obligation de mise en accessibilité à l'occasion de travaux dans les bâtiments existants et un délai limite imparti aux établissements recevant du public. Elle limite les cas de dérogations, oblige à la mise en oeuvre de mesures de substitution et contraint les propriétaires récalcitrants à se mettre en conformité, sous astreinte.

  Elle complète le dispositif des maisons départementales des personnes handicapées.

  • La commission approuve le principe d'un « guichet unique » traitant globalement le cas de chaque demandeur pour mettre fin au parcours du combattant des personnes handicapées qui souhaitent connaître leurs droits. Elle propose d'y adjoindre un médiateur des personnes handicapées, nommé par l'autorité judiciaire, et qui devrait rassurer les personnes handicapées sur l'indépendance avec laquelle seront évalués leurs besoins et les moyens de compensation nécessaires.
  • Elle  regrette que la définition de la forme juridique et des modalités d'organisation des maisons départementales manque d'ambition. Elle propose de faire porter ces maisons par des groupements d'intérêt public. Cette formule permettrait la mise en place de partenariats souples et éviterait la perte de certains financements extralégaux - associations, mutuelles, fondations... - qui apportent aujourd'hui un appoint non négligeable à la compensation du handicap. Une telle structure ne serait pas incompatible avec la création de la future Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

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Le débat en séance publique se déroulera les mardi 24, mercredi 25 et jeudi 26 février prochains.

Contact presse : Bruno Lehnisch  01 42 34 25 93    b.lehnisch@senat.fr