2011 : « au rendez-vous de la croissance et du désendettement ?
dix questions pour le moyen terme

Le rapport d'information de M. Joël BOURDIN (UMP, Eure), Président de la Délégation du Sénat pour la Planification, présente comme chaque année au moment de la discussion budgétaire,
« les perspectives macroéconomiques et des finances publiques à moyen terme (2007-2011) ».

Ce rapport d'information s'appuie sur les travaux de modélisation macroéconomique réalisés avec la collaboration de l'Observatoire Français de Conjonctures Économiques (OFCE). Ces travaux permettent ainsi d'illustrer les relations entre la croissance et les évolutions en matière de finances publiques, d'analyser la cohérence d'ensemble de la programmation pluriannuelle des finances publiques présentée par le Gouvernement à la Commission européenne dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance et de soulever les principales questions de politique économique pour le moyen terme qui, cette année coïncide avec la prochaine législature

1.   Pour que l'objectif de croissance de 2,2 % par an - retenu par le Gouvernement - soit compatible avec l'objectif de réduction structurelle du déficit de 0,7 % par an, il faut que la demande intérieure soit tirée par les agents privés, enchaînement qui n'est pas acquis. Pour les ménages, leur consommation doit augmenter de 2,6 % par an. La progression du revenu des ménages étant limitée à 2,1 % (1,7 % pour le salaire par tête et 0,4 % d'augmentation de l'emploi), cette évolution de la consommation suppose donc une baisse du taux d'épargne des ménages de 1,8 point sur la période 2006-2011 (de 14,8 % à 13 %).

Le rapport d'information s'interroge ainsi sur le réalisme de cette hypothèse : certes, le taux d'épargne des ménages a baissé au cours des dernières années (-0,9 point entre 2001 et 2005) mais cela en raison de la forte hausse des prix de l'immobilier et de la baisse des taux d'intérêt qui ont nourri l'endettement et le développement du crédit.
Or, la stabilisation des prix de l'immobilier et l'orientation de plus en plus restrictive de la politique monétaire - dans un contexte qui est pourtant de désinflation -, rendent plus aléatoire une nouvelle baisse du taux d'épargne.

2.   Le rapport d'information rappelle, par ailleurs, qu'un objectif à moyen terme de réduction du déficit public structurel qui correspond à une croissance totale des dépenses publiques de 0,7 % par an en volume, traduirait une véritable rupture de tendance (2 % par an en volume sur les dix dernières années).

M. Joël BOURDIN rappelle donc l'impératif d'instauration d'un dispositif d'évaluation des politiques publiques qui permettrait d'opérer des choix « informés » en matière de dépenses publiques et juge indispensable l'élaboration d'une loi de programmation pluriannuelle des dépenses publiques, qui traduirait clairement les priorités et les arbitrages collectifs entre les différentes catégories fonctionnelles de dépense (santé, éducation, dépenses militaires...).

Si cet objectif de réduction structurelle du déficit de 0,7 % par an était atteint sans interrompre la dynamique de croissance, la dette publique serait réduite de l'équivalent de 8 % en trois ans. En prolongeant cet effort à l'horizon 2020, le ratio dette/PIB serait inférieur à 40 % et nul à l'horizon 2040. Le désendettement programmé entre 2008 et 2010 va d'ailleurs bien au-delà des besoins de couverture des dépenses sociales à long terme, dont le poids sera accru par le vieillissement.

3.   Sur ce point, il faut tirer les importantes conséquences de la révision des projections de population active à l'horizon 2050 que l'INSEE vient de publier :

- ces projections se traduisent par un rehaussement des perspectives d'évolution de la population en âge de travailler : de +0,04 % sur 2006-2011 par an dans les anciennes projections à +0,36 % dans les projections révisées. A plus long terme, la croissance potentielle de l'économie française est réévaluée de 0,3 % par an. A l'horizon 2050, cela conduit à relever le niveau prévisible du PIB de 12 points ;

- ces révisions sont de nature à alléger la contrainte de réduction de la dette publique. Les travaux de la Commission sur la dette publique, s'appuyant sur les anciennes projections qui déploraient la disparition de « l'atout démographique » de la France sont, sur ce point, à nuancer ;

- ces révisions ont également un impact à long terme sur les perspectives financières des régimes sociaux pour les retraites : le déficit potentiel en 2050 évalué jusqu'alors à 3,2 % du PIB sur la base des anciennes projections démographiques, ne serait que de 2 % sur la base des nouvelles projections ;

- à l'horizon 2011, la progression de la population active désormais projetée ne remettrait toutefois pas en cause la perspective d'une baisse du taux de chômage (à 7,5 % en 2011). Cette augmentation de la population active resterait en effet nettement inférieure à celle enregistrée au cours des dix dernières années (+0,7 % par an, soit 180.000 actifs supplémentaires chaque année sur 1995-2005 contre 80.000 actifs supplémentaires sur 2008-2011), rendant plus aisée une diminution du chômage.

4.   Le rapport d'information s'interroge enfin sur l'absence de stratégie de croissance en zone euro et sur le déficit de régulation macroéconomique qui explique, à l'inverse des États-Unis, que la zone euro reste, depuis la crise mondiale de 2001 consécutive à l'éclatement de la « bulle Internet », engluée dans une croissance molle.

Il relève que, faute de stratégie collective de croissance, les Etats membres se lancent successivement dans des politiques de désinflation compétitive, dont l'objectif est de capter une part de la croissance de leurs partenaires. Celles-ci vont connaître un degré supplémentaire en 2007 avec la hausse de la TVA en Allemagne, qui servira, pour partie, à financer des baisses de cotisations sociales et un allègement du coût du travail.

Sur la durée, ces stratégies sont vaines car elles finissent par s'annuler et pèsent sur la demande intérieure de la zone euro.

M. Joël BOURDIN souligne que seul un cadre macroéconomique favorable permettrait de conduire les réformes structurelles nécessaires à l'élévation de la productivité du travail en Europe (effort de formation, de recherche, libéralisation des marchés de biens et des services financiers de détail...) et d'entraîner des gains substantiels de pouvoir d'achat.

Ce cadre macroéconomique suppose des efforts pour déboucher sur des politiques plus coopératives entre les Etats et que l'autorité monétaire prenne en considération et accompagne l'effort d'assainissement budgétaire structurel et de modération salariale conduit dans les Etats membres et que s'engage, enfin, un dialogue avec les autorités politiques sur la question du taux de change.

Faute de cet environnement favorable, la « Stratégie de Lisbonne » n'a pour l'heure débouché que sur un processus de réduction des coûts et de concurrence fiscale et sociale.

Contact presse : Olivier Graftieaux, 01 42 34 25 38,   o.graftieaux@senat.fr

  Les dix questions : Le comportement des ménages : moteur de la croissance à moyen terme ? Une croissance pénalisée par une chute des prix de l'immobilier ? Une inflation sous contrôle ? Commerce extérieur : poursuite de la dégradation ou stabilisation ? Quelle productivité pour quelle croissance potentielle ? Quelle démographie pour quelle croissance potentielle ? Une réduction structurelle du déficit public vraiment indolore ? Quelles tendances pour la dette publique ? Les révisions des projections de population active remettent-elles en cause la perspective d'une baisse du chômage ? Quelles politiques économiques en zone euro : poursuite des stratégies non coopératives ou véritable coordination ?