LE PROJET DE LOI RELATIF A LA LUTTE CONTRE LA PIRATERIE MARITIME : UN TEXTE QUI PERMETTRA DE DOTER LA FRANCE DE MOYENS EFFICACES POUR LUTTER CONTRE LE FLEAU DE LA PIRATERIE TOUT EN REPONDANT AUX GRIEFS DE LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME DANS SON ARRET MEDVEDYEV DU 29 MARS 2010

Lors de sa réunion du 30 mars 2010, tenue en présence du ministre de la défense, M. Hervé Morin, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, présidée par M. Josselin de Rohan (UMP, Morbihan), a examiné le projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’Etat en mer.

Ce projet de loi intervient dans un contexte de forte résurgence de la piraterie, notamment dans le Golfe d’Aden et au large des côtes somaliennes, qui a conduit la France, avec d’autres pays européens, à lancer la première opération navale de l’Union européenne « Atalanta » de lutte contre la piraterie dans cette région. Actuellement, 7 navires et 135 otages sont aux mains des pirates somaliens.

Son examen s’est effectué au lendemain de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, réunie en grande chambre, dans son arrêt Medvedyev du 29 mars 2010, dans lequel elle a estimé que la rétention à bord des personnes interpellées à la suite d’une opération de la marine nationale contre un navire transportant de la drogue pour les acheminer en France s’était effectuée sans base légale.

Le projet de loi comprend trois principaux volets :

- il tend d’abord à mettre en place dans notre droit un cadre juridique relatif à la répression de la piraterie, inspiré des stipulations de la Convention des Nations unies sur le droit de la Mer, dite convention de Montego Bay. Le projet de loi détermine ainsi les infractions pénales constitutives d’actes de piraterie, les modalités de recherche et de constatation de ces infractions, ainsi que les agents habilités à y procéder ;

- il reconnaît ensuite aux juridictions françaises une compétence « quasi universelle » pour juger des actes de piraterie commis hors du territoire national, quelle que soit la nationalité du navire ou des victimes. La compétence des juridictions françaises ne serait toutefois retenue que lorsque les auteurs seront appréhendés par des agents français et à défaut d’entente avec tout autre Etat, en particulier l’Etat dont les victimes sont des ressortissants ;

- il vise enfin à établir un régime sui generis pour la rétention à bord des personnes interpellées dans le cadre de l’action de l’Etat en mer, afin de se conformer aux observations de la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt Medvedyev du 29 mars dernier. D’après le projet de loi, le procureur serait informé sans délai des mesures restrictives et privatives de liberté et, à l’issue d’un délai de quarante-huit heures, le juge de la liberté et de la détention devrait autoriser la prolongation de ces mesures, pour une durée de cinq jours, renouvelable.

Saisie de 25 amendements, la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat a adopté 20 amendements, dont 18 présentés par son rapporteur M. André Dulait (UMP, Deux-Sèvres), et a apporté des modifications substantielles au texte présenté par le Gouvernement.

Concernant le cadre juridique relatif à la répression de la piraterie, la commission a souhaité mettre davantage en valeur les dispositions relatives à la lutte contre la piraterie, en insérant ces dispositions en tête de la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’Etat de ses pouvoirs de police en mer.

La commission a également adopté une disposition permettant aux commandants des navires ou aux officiers de la marine nationale de procéder à la saisie des documents ou objets liés à des actes de piraterie sans autorisation du procureur de la République en cas d’extrême urgence.

Sur proposition de M. André Trillard (UMP, Loire-Atlantique), la commission a introduit la possibilité de procéder à la destruction des embarcations ayant été utilisées pour des attaques de piraterie.

La commission a rejeté en revanche l’idée de retenir une compétence universelle des juridictions françaises pour juger des actes de piraterie, au regard notamment des précédents belge et espagnol et afin de privilégier un traitement judiciaire régional.

Elle a également écarté la proposition de subordonner la remise des suspects à un autre Etat à des garanties en matière de procès équitable et de non-application de la peine capitale, en estimant que l’inscription de ces garanties n’était pas utile, dès lors qu’elles figuraient déjà dans les normes françaises et internationales, ainsi que dans les accords conclus entre l’Union européenne et les pays concernés.

La commission a estimé que le régime proposé pour la rétention à bord était de nature à concilier les contraintes opérationnelles de l’action en mer et le nécessaire respect des libertés individuelles, ainsi que de nature à répondre aux griefs de la Cour de Strasbourg, concernant le contrôle juridictionnel de la détention assuré par un magistrat du siège présentant les garanties d’indépendance requises à l’égard de l’exécutif.

Elle a souhaité préciser les conditions dans lesquelles le procureur de la République doit être informé dans les plus brefs délais des mesures de restriction ou de privation de liberté, afin de garantir une application uniforme de ce régime, quelles que soient la nature de l’opération et l’autorité dont elle relève. En revanche, elle n’a pas repris la proposition émise par le groupe socialiste de prévoir une durée maximale de trente deux jours pour la rétention à bord, en estimant que l’inscription d’un tel délai maximal dans la loi pourrait soulever des difficultés pratiques et que l’autorisation du juge des libertés et de la détention pour prolonger cette mesure tous les cinq jours était de nature à offrir toutes les garanties nécessaires.

Afin de prendre en compte les situations où ces personnes seraient transférées par la voie aérienne, la commission a jugé utile de prévoir que ce régime pourra s’appliquer également à bord d’un aéronef.

Enfin, la commission a estimé indispensable de préciser que, dès leur arrivée sur le sol français, les personnes faisant l’objet de mesures de coercition seront mises à la disposition de l’autorité judiciaire.

Contact presse : Sophie de Maistre: 01.42.34.36.39  s.demaistre@senat.fr