Hier, la Délégation aux entreprises du Sénat, présidée par Élisabeth Lamure (LR - Rhône) , a adopté le rapport et les recommandations de Michel Canévet (UC - Finistère) et Guy-Dominique Kennel (LR - Bas-Rhin) portant sur les difficultés de recrutement dans un contexte de forte évolution des métiers.

Élisabeth Lamure a rappelé que, "depuis deux ans, les retours du terrain à l’occasion des déplacements de la Délégation dans les départements étaient récurrents et lancinants : nous n’arrivons pas à recruter, nous ne trouvons pas les compétences dont nous avons besoin ou n’arrivons pas toujours à les garder. Ceci handicape gravement notre activité ! Tels sont les témoignages de nombreux chefs d’entreprise, en particulier dans les PME et TPE".

En février 2020, avant même que ne débute la crise, la France connaît le 4 ème taux de chômage le plus élevé de l’Union européenne. Pour Michel Canévet et Guy-Dominique Kennel, " il est inacceptable que tant de personnes soient exclues de l’emploi tandis que nombre d’entreprises peinent à recruter les compétences dont elles ont besoin . Et les mutations technologiques, qui impactent ou impacteront quasiment tous les métiers, renforcent l’urgence de prendre à bras le corps ce paradoxe français, avec lucidité et bon sens . L’électrochoc que nous connaissons a le mérite de nous encourager, collectivement et individuellement, à remettre les cartes sur la table et à jouer franc jeu avec toutes les parties prenantes . Au cas présent, les "parties prenantes" vont des acteurs publics de l’éducation, de l’orientation des jeunes, du service public de l’emploi, aux régions, aux demandeurs d’emploi et personnes en future reconversion, en passant - bien entendu - par les recruteurs eux-mêmes , les entreprises au premier chef ".

La donne économique et sociale a changé avec la covid-19 mais ce constat et cette nécessité restent d'actualité et se conjuguent avec les nouveaux défis des "jours d’avec" et des "jours d’après" la crise .

Au-delà des chiffres évolutifs et des mesures conjoncturelles, nécessaires, il nous faut anticiper et nous adapter aux évolutions structurelles pour mieux rebondir. C’est dans cette perspective que se sont inscrits les rapporteurs pour partager leur conviction : "la clé de l’avenir passe par le renforcement des compétences des Français afin de permettre leurs insertion et épanouissement professionnels tout au long de la vie, et de répondre aux besoins de la société et de l’économie. Les deux sont bien sûr liés".

Les rapporteurs ont conduit 40 auditions et présenté 24 recommandations (ci-dessous). Débutant leurs auditions le 26 septembre, ils les ont poursuivies en visioconférence pendant le confinement, prenant ainsi pleinement la mesure des nouveaux enjeux.

Les 24 recommandations de la Délégation sénatoriale aux entreprises :

La numérotation est chronologique et n’indique pas un ordre de priorité

Recommandation n°1 : Rendre obligatoires les immersions en entreprise, organisées avec les régions, pour tous les prescripteurs d’orientation de l’Éducation nationale (chefs d’établissement, professeurs principaux, psychologues de l’Éducation nationale, ...) lors de la formation initiale (futurs enseignants) et tout au long de la vie. Inciter les autres enseignants à s’engager dans de telles immersions.

Recommandation n°2 : Renforcer l’information des familles sur les débouchés professionnels et mieux les accompagner dans l’orientation de leurs enfants.

Recommandation n°3 : Organiser une Journée nationale dédiée aux métiers : "Le printemps des métiers".

Recommandation n°4 : Favoriser la réorientation des professeurs de l’enseignement professionnel de secteurs en crise vers les métiers des secteurs en croissance, dans une logique de bonne utilisation des compétences.

Recommandation n°5 : Encourager le développement d’outils comme la contextualisation des diplômes nationaux, en prévoyant des spécialisations recherchées dans les secteurs qui recrutent.

Recommandation n°6 : Mobiliser les entreprises pour accueillir des jeunes et des enseignants en immersion en entreprise ; s’engager dans la co-conception - lorsque cela est pertinent – et la mise en œuvre de programmes plus adaptés aux besoins économiques ; mobiliser des salariés à travers le mécénat de compétences.

Recommandation n°7 : Instaurer un dispositif de reprise des contrats de travail rompus à l’initiative des entreprises entre mars 2020 et mars 2021, permettant aux apprentis de ne pas perdre leur statut ni le bénéfice de leur début de parcours.

Recommandation n°8 : Lors du choix d’une filière en apprentissage, prévoir a minima une journée de découverte des métiers pour que les jeunes puissent confirmer leur choix ou au contraire le rectifier.

Recommandation n°9 : Systématiser les mises en situation en milieu professionnel ou les formations d’adaptation préalable organisées par Pôle emploi pour les jeunes apprentis qui sont recrutés par des TPE ou des PME de taille modeste.

Recommandation n°10 : Garantir à tous les apprentis une aide à la restauration et à l’hébergement.

Recommandation n°11 : Pérenniser et étendre à d’autres secteurs le suramortissement fiscal actuellement prévu pour les investissements des PME industrielles dans le domaine de la robotique et de la transformation numérique.

Recommandation n°12 : Permettre l’amortissement de l’investissement immatériel contribuant à améliorer les compétences, y compris les prestations de conseil et de formation.

Recommandation n°13 : Sensibiliser les PME à l’absence de candidat idéal pour l’emploi proposé et aux atouts de la formation professionnelle au travers de la mission d’accompagnement de la GPEC par les OPCO, dans tous les territoires.

Recommandation n°14 : Faciliter le recours à la clause de dédit-formation pour encourager les employeurs à investir davantage dans la formation de leurs salariés.

Recommandation n°15 : Organiser la transmission intergénérationnelle des savoir-faire entre les seniors sans emploi et les jeunes qui ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation.

Recommandation n°16 : Tirer rapidement les conséquences de la crise économique par secteur pour mettre en œuvre des plans de reconversion des actifs des secteurs en crise vers les secteurs en tension.

Recommandation n°17 : Simplifier la présentation et mieux faire connaître les offres de services aux entreprises par Pôle emploi. Renforcer les démarches pro-actives de ses conseillers en direction des employeurs sur le terrain.

Recommandation n°18 : Adapter le cadre des nouvelles pratiques professionnelles, notamment le télétravail.

Recommandation n°19 : Accélérer les procédures de certification. Trouver notamment les modalités de contrôle a posteriori permettant de raccourcir le délai d’enregistrement des certifications au RNCP pour l’aligner sur celui de la procédure prévue pour les métiers en évolution ou émergents.

Recommandation n°20 : Encourager les financeurs publics de la formation professionnelle à utiliser le dispositif d’abondements en droits complémentaires du compte personnel de formation (CPF) pour flécher des formations répondant aux besoins des entreprises.

Recommandation n°21 : Inclure systématiquement les informations relatives à la formation initiale dans le système d’information AGORA, et rendre publiques les statistiques nationales et régionales anonymes, en indiquant a minima le niveau de salaire et le taux d’emploi à la sortie de chaque formation.

Recommandation n°22 : Rationnaliser et rendre plus accessible la production publique des études, enquêtes et autres données sur l’emploi et les besoins en compétences.

Recommandation n°23 : Garantir le transfert, des URSSAF aux OPCO, des statistiques sur l’emploi issues du recouvrement de la contribution à la formation professionnelle.

Recommandation n°24 : Confier le pilotage des acteurs publics de l’emploi (y compris Pôle emploi) à la seule région, qui doit s'attacher à mobiliser les entreprises et les filières économiques des territoires pour construire une politique régionale.

Pour en savoir plus : Consulter, dès à présent, la synthèse du rapport en ligne sur le site internet du Sénat. Le rapport sera mis en ligne le mercredi 24 juin 2020.

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Philippe PÉJO
presse@senat.fr