4. La télévision interactive à Issy-les-Moulineaux

" Les nouvelles technologies doivent développer des outils de démocratie locale et contribuer à réduire les inégalités. C'est la mission de tout élu d'éviter la création d'une nouvelle inégalité entre les cyber-branchés et les autres... La télévision interactive, qui est une expérience récente, permet de montrer le déroulement des séances du conseil municipal et de renforcer le dialogue avec la ville puisque les administrés peuvent poser les questions en direct ".

Cette déclaration faite par M. A. SANTINI, député-maire d'Issy-les-Moulineaux à l'ouverture des " Sixièmes rencontres de l'Observatoire des Télécommunications dans la ville " a été suivie d'une application en grandeur nature le jeudi 23 janvier 1997.

A 18 heures, les citoyens d'Issy-le-Moulineaux des 5 000 foyers de la ville reliés au réseau câblé peuvent suivre, de chez eux, la séance du conseil municipal ; elle est retransmise depuis la salle multimédia de l'Hôtel de ville, salle inaugurée en 1994 et dotée de trois caméras motorisées ; la discussion porte sur l'établissement du budget de la commune : une interruption de séance permet de donner la parole, de chez eux, à qui souhaite la prendre ; chacun peut donner son avis soit en utilisant une numéro vert spécialement mis en place, soit par Internet, la mairie disposant d'un site.

Après cette expérience, le maire en présente les difficultés de réalisation et les résultats enregistrés : " pour mettre en place le système de conseil municipal en public, nous avons dû obtenir une autorisation du CSA. France Télécom a accepté de retransmettre le premier conseil et Plein Câble a pris en charge les relations avec la régie. Nous avons reçu 216 appels. 86 % des personnes ont jugé l'expérience satisfaisante ou très satisfaisante et 98 % ont souhaité qu'elle continue. L'émission a été très suivie et les personnes étaient véritablement passionnées et heureuses de découvrir le fonctionnement du conseil. Cette télévision interactive permet d'une part de restaurer l'image du politique, et d'autre part de produire un débat de qualité " [127] .

La retransmission des conseils municipaux pose plusieurs questions :

- un minutage très précis des débats imposé par le créneau télévisuel ne risque-t-il pas de porter préjudice à l'expression des conseillers et plus particulièrement des minoritaires ?

- ne peuvent intervenir que les habitants disposant des équipements nécessaires et d'une relative habitude de leur usage, d'une aptitude à prendre la parole. Les inégalités sont-elles réduites ou accrues? Tous les foyers n'étant pas équipés, ne risque-t-on pas une nouvelle discrimination entre citoyens et, finalement, de ne servir qu'à la promotion de l'équipe en place ?

- les différences de qualité et de capacité des équipements peuvent être à l'origine de différences de participation. Faudrait-il, est-ce possible, standardiser ceux-ci ?

- le conseil municipal ne risque-t-il pas de se déterminer en fonction de la réaction majoritaire observée en cours de mandat ?

Cette expérience, incontestablement innovante, met en évidence des interrogations qui, progressivement, concerneront l'ensemble des collectivités, quelle que soit leur taille : la démocratie directe contribue-t-elle véritablement à l'expression des citoyens ? La suppression d'échelons de représentation ne conduit-elle pas à renforcer le pouvoir central par le biais d'un rapport direct entre la contestation et une autorité décisionnelle quelle qu'elle soit : maire, président de conseil général, président de conseil régional, président de structure de coopération intercommunale, Président de la République ?

La version vertueuse de l'expression directe des citoyens interrogés par NTIC, permettrait, selon certains observateurs, de dégager des orientations consensuelles : les causes d'un déficit budgétaire soumises au peuple, par Internet, par exemple, lui donneraient l'occasion de choisir les postes d'économies ; par interactions successives, l'équilibre budgétaire serait rétabli.

La version plus pessimiste des conséquences d'un tel processus concerne l'exemple des meurtres d'enfants. Face à un tel drame, tous les responsables seraient à coup sûr submergés de messages réclamant le rétablissement de la peine de mort pour les meurtriers.

Entre ces deux extrêmes, l'utilisation des NTIC pour l'expression citoyenne est sans doute difficile à définir.