1. La problématique recyclage - stockage pour le combustible irradié et le plutonium de retraitement

Plus qu'aucune autre question portant sur la filière nucléaire, la question du retraitement suscite des controverses. Il paraît important de reprendre les données de base du problème.

Pour les uns, le retraitement, par l'ampleur et la durée des investissements qu'il nécessite, introduit une rigidité dans les choix de la filière. Pour les autres, le retraitement est effectivement la clé de la cohérence de celle-ci, en ce qu'il apporte une double contribution économique et dans un certain sens écologique à l'équilibre de la filière.

La problématique recyclage-stockage est bien sûr conditionnée en France par l'existence d'une industrie qui a un poids économique très important. Il faut par ailleurs souligner que le recyclage du plutonium et de l'uranium des combustibles usés permet une réduction de la toxicité des déchets.

Une fois rappelées ces données fondamentales, vos Rapporteurs examinent dans la suite l'importante question du plutonium sous le triple aspect de sa physique, de ses stocks et des flux correspondants. La question du plutonium considéré comme déchet est ensuite traitée. Mais, compte tenu du potentiel énergétique et de la toxicité du plutonium, la France s'est engagée dans la voie du recyclage et de sa valorisation dans le combustible Mox 7( * ) . Les différentes contraintes techniques portant sur la composition et l'utilisation du Mox sont détaillées ultérieurement. EDF souhaite porter à 28 réacteurs sur 58 les autorisations de chargement. Cogema quant à elle souligne que les installations du cycle du combustible sont calibrées pour cette situation et verraient leur rentabilité économique ruinée si l'on s'arrêtait " au milieu du gué " .

Au total, il apparaît clairement à vos Rapporteurs que la France est désormais dans une situation de retraitement d'une partie encore indéfinie des combustibles irradiés. Deux ans après que votre Rapporteur a révélé en mars 1996 qu'une partie substantielle du combustible n'allait pas être retraitée, il se confirme que l'aval du cycle nucléaire est désormais dual en France.

Une partie du combustible est retraitée et une autre, un tiers, ne l'est pas. Il s'agit d'une situation de fait qui ne traduit pas la victoire des partisans du non-retraitement sur ceux du retraitement mais qui est la résultante d'arbitrages économiques. Pour commencer à en tirer les conséquences, peut-être faut-il redonner une marge d'évolution à un ensemble d'entreposage à court terme proche de la saturation. Mais il faut surtout tirer les conclusions de cette situation pour l'avenir et prévoir avec plus de précision des techniques d'entreposage à moyen terme voire de stockage à très long terme pour les combustibles irradiés non retraités.

Introduction

Le contexte de l'aval du cycle français est sans équivalent dans le monde, dans la mesure où l'objectif de l'ensemble des opérateurs a été de maîtriser l'ensemble des techniques susceptibles d'intervenir dans la filière. A la prise en compte du contexte économique doit s'ajouter, pour recenser tous les paramètres de décision, une inscription des problèmes dans une réalité physique de base, celle de la fission des éléments lourds que sont l'uranium et le plutonium.

Des installations de retraitement opérationnelles jusqu'en 2030

L'industrie française du retraitement est la 1 ère du monde. Il s'agit là de l'un des domaines où une politique volontariste et globale, conjuguée à un savoir-faire technologique de premier plan, a porté la France à la pointe des industries mondiales. Pour les détracteurs du retraitement, cette singularité dénote, au contraire, un isolement de la France et, somme toute, remet en cause la pertinence du choix du recyclage. En réalité, vos Rapporteurs estiment que c'est sans doute cette position dominante qui a permis à l'industrie française de vendre des centrales à l'étranger. C'est aussi d'ailleurs la raison de la concentration des attaques d'organisations internationales qui visent plus la France que les choix industriels qu'elle incarne.

Tableau 1 : l'industrie du retraitement dans le monde 8( * )

Pays

opérateur

site

capacité finale

France

Cogema

La Hague

1 600 t/an

Royaume-Uni

BNFL

Sellafield

900 t/an

Japon

JNFL

Rokkasho-Mura (mise en service après 2003)

800 t/an

 

PNC

Tokaï-Mura (arrêt après 2003)

90 t/an

Russie

 

Tcheliabinsk-65

400 t/an

 
 

Krasnoïarsk (inachevée)

1 500 t/an

Les principales étapes de la construction de l'outil industriel français du retraitement civil sont les suivantes :

- 1960 : choix du site de La Hague

- 1962 : définition du procédé, des matériels et des installations de retraitement

- 1966 : démarrage de l'usine UP2 de La Hague pour le retraitement du combustible uranium naturel graphite gaz (UNGG)

- 1976 : construction au sein de l'usine UP2 d'un nouvel atelier de 400 t/an (atelier HAO destiné au traitement du combustible des REP

- 1987 : arrêt du retraitement du combustible UNGG à La Hague et transfert à l'usine UP1 de Marcoule

- 1990 : mise en service de l'usine de retraitement UP3 de La Hague, dimensionnée pour 800 t/an

- 1994 : mise en service de l'usine de retraitement UP2-800

- 1998 : démantèlement de l'usine UP1 de Marcoule commencé le 1 er janvier

Au final, le site de La Hague est un complexe industriel de très grande taille comprenant 6 installations nucléaires de base (INB). Le montant des investissements réalisés dans l'usine de La Hague est évalué à 90 milliards de F.

L'usine de La Hague est un outil fonctionnant selon les prévisions. Il devrait être amorti sur le plan financier vers 2001. Alors, la rentabilité augmentera fortement. Mais plus probablement, le coût total d'exploitation et par conséquent les prix de traitement des combustibles et corrélativement celui du plutonium s'abaisseront.

S'agissant de la durée de vie des installations, celles-ci devraient pouvoir fonctionner jusqu'en 2030-2040 environ avant d'être déclassées. L'exemple d'UP1 de Marcoule, construite entre 1955 et 1959 et opérationnelle jusqu'en 1998 montre que l'exploitation d'une telle installation peut s'étendre sur une période de 40 ans. La nature des équipements et la qualité de la maintenance à La Hague laissent présager la possibilité de gagner un large nombre d'années supplémentaires.

La logique économique voudrait donc que ces installations soient utilisées jusqu'à cette période et que l'option du retraitement soit confirmée d'ici à une vingtaine d'années.