C) LE POUVOIR
Mais c'est sans doute pour ce qui concerne le pouvoir que les conséquences de la société de l'information sont les plus importantes.

Selon Toffler, le savoir gagne de l'importance en tant qu'élément de pouvoir , et cela par rapport à la richesse et à la force, anciennes références de la société traditionnelle. Aujourd'hui, constate-t-il, la valeur ne repose plus seulement sur la combinaison de la terre, du travail et du capital. Intégrées de façon plus sophistiquées par ce triple mouvement de diversification, de complexification et d'accélération, qui caractérise l'avènement de l'actuelle société de l'information, les activités requièrent un degré supérieur de traitement de l'information, une coordination accrue et un travail intellectuel plus dense.

L'ensemble du cycle de la production et de la distribution dépend donc de plus en plus du savoir qui s'y investit , et l'importance de l'investissement immatériel ne cesse, par conséquent, de s'accroître. De sorte que la création de richesses est désormais fondée, non plus sur le labeur, mais sur l'intelligence, à tel point qu'au " prolétariat " ancien se substitue de nos jours ce qu'il convient d'appeler avec Toffler un " cognitorat ". Pourquoi ? Parce que le savoir est devenu la ressource décisive de l'économie avancée : il réduit les besoins en matières premières, en travail, en temps, en espace et en capital. En outre, il est inépuisable, contrairement aux ressources physiques.

Les années 70 virent l'apparition du slogan " On n'a pas de pétrole mais on a des idées ". Peut-être prend-il vraiment tout son sens aujourd'hui ?

Mais la production de richesse, si elle repose davantage sur le savoir, exige également beaucoup plus d'informations et de communication. Car si le savoir tend à s'organiser en structures relationnelles, la position des entreprises, dans un contexte de concurrence mondiale, ne dépend donc plus seulement de leurs ressources internes, mais aussi de leurs relations externes.

Toffler a eu ainsi le mérite de percevoir très tôt, en 1990, l'importance du savoir en tant que tel - mais aussi, et surtout, de son organisation et de sa circulation . Il a insisté, d'autre part, sur le rôle déterminant des échanges de données et d'informations. car les informations, ce sont des faits, reliés entre eux, qui, comme l'argent et plus encore que la monnaie, circulent sous la forme d'impulsions électroniques et deviennent de ce fait un véritable moyen d'échange.

Les conséquences de cette évolution sont, on s'en doute, primordiales. Toffler : " Nous sommes en train, en créant des réseaux, de réorganiser la production et la distribution du savoir, et de transformer les symboles qui servent à communiquer ". Sans attendre, la technologie informatique mine les citadelles monopolistiques du savoir dans leurs fondements. L'organisation - et notamment l'organisation du savoir, devenue le facteur décisif dans le système actuel - devrait logiquement contribuer à une restructuration des entreprises et des administrations, ainsi qu'à une modification plus générale des pouvoirs. Pour exprimer cette idée, Toffler a de belles expressions, qu'on reprendra ici : il évoque " la fin des alvéoles ", le passage " des monolithes aux mosaïques ", bref un modèle plus flexible, moins hiérarchique, moins bureaucratique.

Ne le constate-t-on pas chaque jour : l'arrivée des ordinateurs personnels, connectés à des unités centralisées, a permis une vaste déconcentration de l'information ?

D'ailleurs, le temps lui-même devient un produit de valeur - à ceci près, cependant, qu'il ne s'obtient désormais plus par l'exploitation forcenée de la force de travail mais par une réorganisation intelligente ainsi que par des échanges accélérés d'informations utilisant des techniques hautement sophistiquées. La circulation de l'information devient dès lors un facteur de fluidité (au sein d'un système de production plus flexible et plus personnalisé) et d' accélération (de la création des richesses).