Le système de sécurité sociale consacré par la Constitution est une composante fondamentale du paysage institutionnel français. Son budget dépasse largement celui de l'État. Le Parlement, à partir des années 80, a progressivement exercé un droit de regard sur les recettes et les dépenses sociales.

La fiscalisation croissante des ressources de la sécurité sociale et la déconnexion progressive entre versement de prestations et exercice d'une activité ont eu pour corollaire une « publicisation » des finances sociales. Cette évolution a justifié la révision constitutionnelle de 1996, instituant les lois de financement de la sécurité sociale.

Le contenu des lois de financement de la sécurité sociale

La loi constitutionnelle du 22 février 1996 a complété l'article 34 de la Constitution comme suit :

« Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ».

Aux lois de financement annuelles sont annexés un certain nombre de documents qui constituent une information abondante soumise au Parlement.

1 - Un plan pluriannuel de financement des comptes sociaux

La loi de financement de l’année comprend quatre parties respectivement relatives à l’exercice clos, l’exercice en cours, les recettes et l’équilibre général pour l’année à venir et les dépenses pour l’année à venir.

Trois types de données sont présentés par la loi de financement :

a - Les prévisions de recettes

Le Parlement approuve les recettes de la sécurité sociale par branche, à travers les «prévisions de recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et, de manière spécifique, celles du régime général ainsi que les recettes des organismes concourant au financement de ces régimes».

Depuis la première loi de financement, ces recettes sont réparties en sept catégories : les cotisations sociales effectives, les cotisations fictives, les contributions publiques, les impôts ou taxes affectés, les transferts entre régimes et les autres ressources qui recouvrent des recettes de nature très diverse.

b - Les objectifs de dépenses

Le Parlement approuve désormais les dépenses de la sécurité sociale, à travers les «objectifs de dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base, du régime général et des organismes concourant au financement de ces régimes».

Ces dépenses correspondent aux opérations courantes des régimes, effectuées en métropole et dans les DOM. Elles recouvrent : les prestations sociales, les prestations des services sociaux, les frais de gestion engagés par les organismes de sécurité sociale, les transferts entre régimes de protection sociale, les frais financiers et les autres dépenses.

Quatre branches sont retenues :

  • la branche maladie-maternité/invalidité/décès ;
  • la branche accidents du travail/maladies professionnelles ;
  • la branche vieillesse ;
  • la branche famille.

c - Les plafonds d'avances de trésorerie

Enfin, le Parlement fixe, d'une part, pour chacun des régimes obligatoires de base dont les objectifs de dépenses sont fixés par la loi de financement et, d'autre part, pour les organismes concourant à leur financement, le plafond de recours à l'emprunt.

Cette disposition est l'une des plus normatives des lois de financement justifiant, le cas échéant, le dépôt d'un projet de loi de financement rectificatif en cas de dérives financières des régimes de sécurité sociale les conduisant à dépasser le plafond autorisé. Aussi le Parlement veille-t-il, en principe, à ce que le plafond fixé dans le projet de loi soit correctement évalué sans marge de précaution excessive et que le Gouvernement n'abuse pas de la procédure d'urgence lui permettant de majorer ce plafond par décret sous réserve d'une ratification dans le prochain projet de loi de financement.

En outre, le Sénat a adopté fin janvier 2008 une proposition de loi organique tendant à prévoir l’approbation par les lois de financement de la sécurité sociale des mesures de réduction et d’exonération de cotisations et contributions de sécurité sociale adoptées en cours d’exercice. Ce texte a été transmis à l’Assemblée nationale, qui ne l’avait pas encore examiné lors de la mise à jour 2008 du présent recueil.
 

2 - Un domaine protégé

Si l'article 40 de la Constitution, relatif à l'irrecevabilité financière, s'applique dans les conditions de droit commun aux amendements déposés sur les projets de loi de financement, en revanche, le contenu même des lois de financement est protégé de manière stricte. Seules des lois de financement peuvent modifier les dispositions relatives aux prévisions de recettes, aux objectifs de dépenses et aux plafonds d'avances de trésorerie.

Les dispositions introduites par voie d'amendement ne sont recevables que si elles ont un effet direct sur l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou si elles améliorent le contrôle sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

L'irrecevabilité s'applique à la fois :

  • aux amendements sur les projets de loi de financement, afin d'éviter les «cavaliers» sociaux ;
  • aux dispositions des projets et propositions de loi qui empiéteraient sur le domaine «exclusif» des lois de financement.

Au Sénat, elle peut être soulevée par le Gouvernement, la commission des Affaires sociales, la commission saisie au fond ou tout sénateur. L'irrecevabilité est examinée par la commission des Affaires sociales (à l'Assemblée nationale, cet examen relève de la compétence du Bureau de la commission des Finances).

L'irrecevabilité est admise de droit, sans qu'il y ait lieu à débat, lorsqu'elle est affirmée par la commission des Affaires sociales. L'amendement est mis en discussion lorsque la commission des Affaires sociales ne reconnaît pas l'irrecevabilité.

Une procédure spécifique et proche de celle des lois de finances

Depuis l'adoption de la loi organique relative aux lois de financement du 2 août 2005, la procédure d'adoption des projets de loi de financement de la sécurité sociale a été calquée assez largement sur l'examen des projets de loi de finances tel qu'il résulte de la nouvelle loi organique du 1er août 2001.

1 - La procédure fixée par les dispositions constitutionnelles et organiques

a) Des délais stricts

Le projet de l'année doit être déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale au plus tard le 15 octobre ou, si cette date est un jour férié, le premier jour ouvrable qui suit.

L'Assemblée nationale doit se prononcer, en première lecture, dans le délai de 20 jours après le dépôt du projet, le Sénat, dans un délai de 15 jours après avoir été saisi.

Si l'Assemblée nationale n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet dans le délai de 20 jours, le Gouvernement saisit le Sénat du texte qu'il a initialement présenté, modifié, le cas échéant, par les amendements votés par l'Assemblée nationale et acceptés par lui. Le Sénat doit alors se prononcer dans un délai de 15 jours après avoir été saisi.

Si le Sénat n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet dans le délai de 15 jours, le Gouvernement saisit à nouveau l'Assemblée nationale du texte soumis au Sénat, modifié, le cas échéant, par les amendements votés par le Sénat et acceptés par lui.

Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de 50 jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance.

Les délais fixés sont suspendus lorsque le Parlement n'est pas en session et, pour chaque assemblée, au cours des semaines où elle a décidé de ne pas tenir séance.

b) La procédure d'adoption : l'urgence

Le projet de loi de financement étant examiné, de droit, selon la procédure d'urgence, dans le cas (habituel) où à l'issue de la première lecture, les deux assemblées n'ont pas pu se mettre d'accord sur l'ensemble du texte, le Gouvernement peut demander la réunion d'une commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion : si la commission parvient à un accord, le texte qu'elle a adopté est soumis au vote, en séance plénière, de chacune des deux assemblées. Dans le cas contraire ou si le texte de la CMP est rejeté, le projet de loi est examiné en nouvelle lecture, d'abord à l'Assemblée nationale, puis au Sénat. En cas de désaccord persistant, le Gouvernement a alors la faculté de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale.

2 - La pratique

La commission compétente au fond est la commission des Affaires sociales, la commission des Finances étant saisie pour avis.

Au Sénat, cette discussion a lieu en automne avant l'examen en séance plénière du projet de loi de finances (à l'Assemblée nationale, la discussion de la deuxième partie de la loi de finances est interrompue pour faire place à la discussion de la loi de financement).

Le contrôle de l'application de la loi de financement

Comme pour la loi de finances, la Cour des Comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'application des lois de financement.

Par ailleurs, les rapporteurs de la commission des Affaires sociales suivent et contrôlent, sur pièces et sur place, l'application de ces lois auprès des administrations de l'État, de l'ensemble des organismes gérant des régimes de base obligatoire de sécurité sociale ainsi que des établissements publics compétents. Réserve faite des informations couvertes par le secret médical ou le secret de la défense nationale, tous les renseignements d'ordre financier et administratif de nature à faciliter leur mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tout document de quelque nature que ce soit.

À ce titre, les rapporteurs de la commission des Affaires sociales du Sénat rendent publics régulièrement, sous la forme de rapports d’information, leurs travaux de contrôle qui s’inscrivent le plus souvent dans le cadre de la préparation de la discussion du prochain projet de loi de financement.

En outre, la commission des Affaires sociales a créé, en son sein, une mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) chargée d’assurer le suivi continu des lois de financement.