RÉFORME DE CERTAINES PROFESSIONS
JUDICIAIRES ET JURIDIQUES

Adoption d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 163, 1996-1997), adoptée par l'Assemblée nationale, modifiant les articles 54, 62 et 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. [Rapport n° 176 (1996-1997).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi du 31 décembre 1990 modifiant la loi du 31 décembre 1971, qui a principalement réalisé la fusion des conseils juridiques et des avocats au sein de la nouvelle profession d'avocat, a également édicté des dispositions destinées à garantir aux consommateurs, aux usagers du droit, une prestation de qualité en matière juridique et elle a exigé des personnes autorisées à exercer le droit à titre principal ou accessoire qu'elles satisfassent à une condition de diplôme.
Comme vous le savez - les débats de l'époque le montrent - le principe de cette exigence n'a pas été acquis d'emblée ni sans difficulté : cela a constitué l'un des points de discussion majeurs de la loi de 1990.
Ainsi, l'article 54-1° de la loi du 31 décembre 1971 modifiée précise que ce diplôme est la licence en droit ou un diplôme ou titre reconnu comme équivalent par un arrêté interministériel.
La condition de diplôme ou de titre devait être applicable quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi de 1990, soit au 1er janvier 1996. Cette date d'application a été successivement reportée - sur ma proposition, d'ailleurs - au 1er janvier, puis au 1er juillet 1997. En effet, en dépit des efforts menés depuis le vote de l'article 54-1°, l'arrêté d'équivalence n'a pu être publié à ce jour.
Monsieur le rapporteur, je partage tout à fait votre avis selon lequel les difficultés rencontrées ne découlent pas du caractère inapplicable, dans son principe, du texte adopté en 1990. Elles résultent davantage de l'impossibilité de trouver un consensus, d'une part, sur le contenu de l'arrêté entre les professions juridiques et judiciaires et celles, fort nombreuses, qui exercent le droit à titre accessoire et, d'autre part, sur la logique d'équivalence retenue par le législateur, qui est apparue, en pratique, difficile à mettre en oeuvre.
Votre analyse est donc parfaitement exacte, monsieur le rapporteur, et je la partage. Vous vous souvenez d'ailleurs sans doute de la discussion que nous avons eue l'an dernier à ce sujet lorsque je vous avais présenté un amendement tendant à repousser ces délais compte tenu des difficultés rencontrées.
La complexité de cette réglementation de l'exercice du droit ne vous avait pas échappé, monsieur le rapporteur, car, à l'occasion de l'examen de cette loi par le Sénat, vous déclariez que, « même si la commission a beaucoup travaillé sur ce dossier, il n'est pas possible d'affirmer qu'il ne faudra pas, plus tard, légiférer à nouveau », et vous ajoutiez qu'il était « difficile, en effet, de parvenir d'emblée à un texte parfait ». En l'occurrence, je crois que vous parliez d'or, monsieur le rapporteur.
Si le texte de 1990 nécessitait quelques aménagements, la proposition de loi déposée par M. le député Porcher, enrichie par les suggestions de votre commission des lois, me paraît apporter une contribution décisive pour la mise en oeuvre de la réglementation du droit.
En effet, le texte issu de l'excellent travail - dont je tiens à saluer la qualité - accompli par votre rapporteur et complété par celui des membres de votre commission des lois apporte au dispositif voté par l'Assemblée nationale des précisions tout à fait opportunes, sans toutefois affecter l'esprit de la proposition de loi initiale.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale substitue au mécanisme de l'équivalence à la licence en droit la notion de compétence juridique appropriée à un secteur d'activité.
Par ailleurs, il opère une distinction entre les professions judiciaires et juridiques, qui sont réputées disposer de cette compétence, les professions réglementées, pour lesquelles cette compétence résulte des dispositions les régissant, et, enfin, les personnes autorisées à exercer le droit mais n'entrant pas dans ces deux catégories, dont la compétence juridique appropriée doit résulter d'un agrément délivré par arrêté interministériel, sur l'avis d'une commission.
Les modifications que le Sénat propose d'apporter au texte de l'Assemblée nationale sont au nombre de quatre.
En premier lieu, votre commission, tout en acceptant l'abandon de la logique d'équivalence à la licence en droit au profit de la notion de compétence juridique appropriée, a tenu à préciser que cette compétence juridique doit être appropriée non pas à l'exercice de l'activité professionnelle, mais à la pratique du droit pour laquelle la personne est autorisée à donner des consultations juridiques et à rédiger des actes sous seing privé en vertu des articles 56 à 66.
En deuxième lieu, votre commission a estimé que les juristes d'entreprise qui, à titre habituel et rémunéré, donnent des consultations juridiques ou rédigent des actes sous seing privé pour les sociétés du groupe auquel appartient leur employeur étaient, eu égard à la nature de leurs fonctions et à leur rôle spécifique au sein du groupe, réputés, comme les autres professionnels du droit, posséder une compétence juridique requise pour exercer ces activités.
En troisième lieu, en ce qui concerne l'exercice du droit à titre accessoire par des professions non réglementées, la compétence juridique appropriée résulte d'un agrément accordé par un arrêté, sur l'avis d'une commission composée de membres du Conseil d'Etat, de la Cour des comptes et de la Cour de cassation, ainsi que d'un professeur de l'enseignement supérieur. Votre commission des lois a souhaité préciser, à juste titre, qu'il doit s'agir d'un professeur de droit, et non d'un professeur de mathématiques ou de physique nucléaire. Cela se comprend !
Cette commission peut formuler des recommandations sur la formation initiale et continue des professionnels sollicitant l'agrément dans ces conditions.
Les commissaires des lois du Sénat ont ajouté que l'agrément donné peut, sur l'avis de cette commission, être subordonné à des conditions de qualification ou d'expérience juridique. Cette précision permettra à la commission d'apprécier si, pour certaines activités, des garanties spécifiques doivent être apportées pour bénéficier de l'agrément.
Les mêmes exigences ont été instituées par votre commission des lois pour les personnes exerçant le droit sous l'autorité des organismes visés aux articles 61, 63, 64 et 65.
En quatrième lieu, l'étude des conditions d'exercice des centres et associations de gestion agréés, visés à l'article 63 de la loi, a conduit à considérer que ces centres et associations, qui ne sont aujourd'hui habilités par cet article qu'à donner des consultations juridiques alors même qu'en pratique ils rédigent couramment des actes sous seing privé, devaient voir leur situation clarifiée.
Votre commission des lois a estimé que, eu égard à l'existence d'une réglementation très précise concernant leurs activités, les associations et centres de gestion agréés pouvaient relever de l'article 59 de la loi qui concerne les activités professionnelles réglementées.
Ces quatre modifications, que votre rapporteur aura l'occasion, dans un instant, d'expliciter mieux encore que je ne l'ai fait, constituent des précisions ou clarifications très utiles qui, sans bouleverser l'économie de la proposition adoptée par l'Assemblée nationale - et dans l'esprit du législateur de 1990 - me paraissent tout à fait satisfaisantes. Elles méritent d'être approuvées et je souhaite donc que la Haute Assemblée adopte les propositions que vous fera la commission des lois.
En revanche, je m'opposerai à l'adoption sans modification, par le Sénat, de l'article, introduit par l'Assemblée nationale, relatif au secret professionnel. Vous savez d'ailleurs, pour avoir lu les débats à l'Assemblée nationale, que cette disposition avait fait l'objet d'un avis défavorable du Gouvernement.
Je persiste en effet à penser que la modification de l'article 66-5 est aussi inopportune qu'inutile, et ce pour plusieurs raisons : celles-là même que j'ai déjà évoquées devant l'Assemblée nationale et d'autres, nouvelles.
Tout d'abord, la modification du texte relatif au secret professionnel des avocats ne présente, bien entendu, aucun lien avec la réglementation relative aux conditions d'exercice du droit, sur laquelle vous êtes aujourd'hui appelés à vous prononcer.
Ensuite et surtout, dans sa rédaction actuelle, l'article 66-5, contrairement à ce qui a été dit par les auteurs de la disposition nouvelle, est parfaitement clair et ne nécessite aucune modification tendant à en préciser la portée.
A ce titre, d'ailleurs, l'argument tiré d'une divergence de jurisprudence entre deux chambres de la Cour de cassation, argument évoqué à l'Assemblée nationale, ne me paraît pas déterminant.
En effet, en matière civile, il est en principe interdit de produire en justice des pièces couvertes par le secret professionnel et, en matière pénale, un autre principe, le respect des droits de la défense, garantit la protection absolue des échanges entre l'avocat et son client.
Il n'y a donc pas contradiction entre le civil et le pénal. En l'occurrence, tous deux vont dans le même sens. Ils reconnaissent que les correspondances échangées entre un avocat et son client sont couvertes par le secret professionnel.
Bien sûr, ils n'en tirent pas les mêmes conséquences procédurales, car, dans la première hypothèse, il s'agit d'un procès entre deux parties privées et, dans l'autre, d'une procédure répressive pour laquelle la loi donne des pouvoirs de contrainte à l'autorité judiciaire, tout particulièrement au magistrat du siège instructeur.
Il est clair que le secret professionnel ne peut faire obstacle à la recherche de la vérité, celle-ci s'exerçant, bien sûr, dans le strict respect des droits de la défense tels que définis dans le code de procédure pénale.
A cet égard - c'est là une précision nouvelle que je veux donner aujourd'hui au Sénat - la chambre criminelle de la Cour de cassation vient, dans un arrêt tout récent, en date du 6 février dernier, de préciser quelle était la portée de la notion de droits de la défense.
Elle a donné à cette notion une interprétation extensive, donc plus protectrice des intérêts des avocats et de leurs clients, en cassant un arrêt de la chambre d'accusation de Paris du 17 mai 1996, qui refusait de restituer à un avocat des documents saisis dans son cabinet à la suite d'une perquisition.
C'est exactement le sujet que les auteurs de l'amendement voulaient couvrir lorsqu'ils ont proposé ce nouvel article.
La chambre d'accusation avait considéré que ces documents n'étaient pas confidentiels, car l'avocat n'était pas chargé de la défense de la personne mise en examen.
La chambre criminelle estime, au contraire, que les droits de la défense ne concernent pas seulement les avocats des personnes poursuivies dans l'instance pénale en cours, une telle conception lui paraissant trop restrictive.
Cet important arrêt de principe, que je tiens, bien évidemment, à la disposition de tous ceux qui voudraient l'étudier en détail - je ne doute pas que M. le rapporteur en a pris connaissance - semble répondre totalement aux inquiétudes de ceux qui entendent modifier l'article 66-5 pour, précisément, faire prévaloir la conception extensive des droits de la défense, que la Cour de cassation vient de reconnaître.
Aller au-delà et vouloir conférer une protection absolue aux consultations et correspondances échangées entre l'avocat et son client reviendraient à créer, au bénéfice de cette profession, une situation tout à fait exorbitante, et je ne voudrais pas que les cabinets d'avocats puissent comme c'est le cas dans d'autres pays devenir des « sanctuaires », où la délinquance et la criminalité pourraient se trouver à l'abri de toute poursuite.
D'ailleurs, - je l'ai dit à l'Assemblée nationale, je le répète ici - je m'interroge même sur la pertinence de la proposition qui a été faite au regard de l'objectif visé. En effet, aucun des parlementaires qui ont proposé cette modification n'avait l'intention de créer cette espèce de sanctuaire.
Voilà pourquoi s'en tenir à la jurisprudence de la Cour de cassation telle qu'elle est fixée aujourd'hui me paraît de grande sagesse, et voilà pourquoi, je l'ai dit, je présenterai un amendement de suppression de l'article 4.
Mesdames, messieurs les sénateurs, hormis ce dernier point, qui n'est d'ailleurs pas essentiellement lié au texte tendant à améliorer la loi du 31 décembre 1990, je vous invite à adopter cette proposition de loi, sous réserve de l'adoption des amendements de la commission des lois, dont j'ai dit tout à l'heure que je les approuvais tout à fait.
C'est un volet important de la réforme de la nouvelle profession d'avocat que nous allons améliorer aujourd'hui ; je m'en réjouis, et ce d'autant plus qu'il s'agit d'une initiative parlementaire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Luc Dejoie, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Comme le disait à l'instant M. le garde des sceaux, la loi de 1990 comportait deux volets. C'est le second qui nous intéresse aujourd'hui, celui qui concerne la réglementation de l'exercice du droit.
Ce second volet de la réforme, auquel le Sénat a été tout particulièrement attentif, est d'une grande importance puisqu'il a pour objet de garantir aux consommateurs la qualité des prestations juridiques fournies par des professionnels.
La loi réglemente, à cet effet, l'exercice de la consultation en matière juridique et la rédaction d'actes sous seing privé en disposant que « nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré », donner de telles consultations et rédiger de tels actes « pour autrui » s'il ne remplit quatre conditions cumulatives : justifier d'une compétence juridique, que l'intéressé exerce le droit à titre principal ou à titre accessoire ; répondre à des exigences d'honorabilité et de moralité ; exercer ces activités juridiques dans le cadre d'une profession autorisée à cet effet et dans le respect des limites de cet exercice, telles qu'elles résultent de la loi ; enfin, justifier d'une assurance civile professionnelle et d'une garantie financière appropriée.
La première condition, qui résulte du deuxième alinéa de l'article 54 de la loi de 1971, a été introduite en 1990 à la demande du Sénat. Selon les termes mêmes de cet alinéa, la compétence juridique exigée résulte soit de la licence en droit, soit d'un « titre ou diplôme reconnu comme équivalent par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice et du ministre chargé des universités. »
Ainsi que M. le garde des sceaux l'a rappelé tout à l'heure, le législateur avait prévu un délai pour l'entrée en vigueur de cette condition de compétence, l'arrêté devant être publié dans l'intervalle pour permettre aux professionnels concernés de faire valoir, auprès des ministères compétents, leur compétence juridique pour exercer le droit accessoire à leur activité ou, à défaut, de les acquérir avant le 1er janvier 1996.
Or, il apparaît que cinq années n'auront pas suffi pour permettre la publication de cet arrêté. C'est pourquoi le Gouvernement a saisi le Parlement d'une demande de report de quatre années supplémentaires.
Vous vous rappelez sans doute mes chers collègues, que, à la suite des observations présentées par le Sénat, ce délai a finalement été réduit à un an, soit au 1er janvier 1997.
L'arrêté n'étant toujours pas publié à la veille de cette nouvelle échéance en raison des objections formulées de part et d'autre, tant par les professionnels du droit que par l'Université, notre collègue député Marcel Porcher a pris l'heureuse initiative de proposer une nouvelle rédaction de la condition de compétence, susceptible d'aplanir les difficultés.
Tout en regrettant que les obstacles n'aient pas pu être surmontés et l'arrêté publié, la commission des lois estime que le dispositif proposé par l'Assemblée nationale, et dont M. le garde des sceaux vient de rappeler l'économie générale, constitue une solution acceptable, tant pour le législateur, qui reste en cohérence avec les orientations fixées en 1990, que pour les professionnels, qui, je pense, y soucrivent très largement.
La commission a toutefois estimé utile d'apporter au dispositif quelques précisions qui, sans remettre en cause les principes généraux, renforcent certaines exigences.
C'est ainsi qu'elle a admis que la condition actuelle d'équivalence de la licence en droit soit remplacée, « à défaut » d'une telle licence, par la justification d'une compétence appropriée à la consultation et à la rédaction d'actes en matière juridique.
S'agissant des professions juridiques stricto sensu, la commission des lois estime, comme l'Assemblée nationale, que les personnes les exerçant sont réputées posséder la compétence juridique exigée par la loi. Il est proposé d'ajouter au nombre de ces personnes les juristes de groupe, dans la mesure où, s'ils consultent effectivement, dans certains cas, pour autrui, c'est uniquement dans le cadre fermé du groupe auquel appartient leur employeur.
S'agissant des personnes exerçant une activité professionnelle réglementée, la commission des lois propose de considérer, comme l'Assemblée nationale, que leur compétence juridique résulte « des textes les régissant ».
Pour les personnes exerçant une activité non réglementée, dans les limites et selon les conditions fixées par l'article 60, l'Assemblée nationale a retenu le principe d'un agrément accordé à l'activité par un arrêté pris après avis d'une commission.
La commission des lois estime que l'agrément doit porter non pas sur l'activité prise dans son ensemble, mais sur la pratique du droit accessoire de celle-ci. Elle propose de le préciser.
Elle souhaite, par ailleurs, encadrer l'exercice du droit par ces professionnels, en prévoyant que l'arrêté peut fixer les conditions de qualification ou d'expérience juridique exigées des intéressés dès lors qu'ils souhaitent pratiquer le droit à titre accessoire de leur activité principale.
Des dispositions de même nature sont proposées pour les organismes visés aux articles 61, 63, 64 et 65.
La question de la composition de la commission, dont je rappelle le caractère purement consultatif, semble soulever un certain intérêt, si j'en juge par les amendements déposés.
Pour sa part, la commission des lois, tout en observant le caractère réglementaire de cette composition, estime que la mise en oeuvre de la procédure d'agrément sera accélérée si la loi fixe les grands principes régissant cette composition.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Tout à fait !
M. Luc Dejoie, rapporteur. Il en sera question tout à l'heure et j'interrogerai alors M. le garde des sceaux à la demande de la commission. C'est dans cet esprit, et dans le souci que la commission soit affirmée dans sa nature d'instance chargée d'apprécier des compétences juridiques, que la commission des lois propose d'indiquer qu'elle comprend des membres de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes, ainsi qu'un professeur de droit de l'enseignement supérieur. Toute adjonction de professionnels en changerait malencontreusement la nature, j'insiste bien sur ce point.
Quant à l'entrée en vigueur du dispositif ainsi modifié, la commission des lois souhaite, bien entendu, qu'elle intervienne dans les meilleurs délais. La proposition faite à cet égard par notre collègue M. Gélard lui paraît donc tout à fait opportune puisqu'elle reporte d'un an, à compter de la publication de la loi, l'entrée en vigueur de la condition de diplôme ou de compétence juridique appropriée. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles.
L'Assemblée nationale a, par ailleurs, complété l'objet initial de la proposition de loi en introduisant deux dispositions nouvelles : l'une pour étendre à tout rédacteur d'actes sous seing privé l'obligation de faire figurer ses nom, prénom et qualité dans l'acte ; l'autre pour confirmer la portée du secret professionnel des avocats.
S'agissant de la première disposition, la commission des lois estime, après réflexion, qu'elle procède d'une confusion des genres et qu'elle est inapplicable.
Confusion tout d'abord avec l'acte authentique, dont le rédacteur est identifié, dont il assume la responsabilité juridique et dont il est le gardien, alors que le rédacteur d'un acte sous seing privé ne remplit aucune de ces conditions, ni aucune de ces missions.
Inapplicable ensuite, car l'acte peut avoir de multiples rédacteurs ; il peut même consister en un imprimé sur lequel on ajoute les nom, prénom et signature. Quant à la sanction de l'obligation, il n'y en a pas - ce qui vaut sans doute mieux.
Nos collègues MM. Hyest et Jolibois proposent la suppression du texte en vigueur ; la commission des lois vous propose de les suivre.
Enfin, pour ce qui concerne le secret professionnel de l'avocat, la commission des lois estime, comme l'Assemblée nationale, que la modification de l'article 66-5 conforte utilement la portée de ce secret, afin de lever toute incertitude.
Je rappelle d'ailleurs que, lors de l'examen, en décembre 1993, d'un projet de loi relatif au droit pénal et à la procédure pénale, notre collègue M. Jolibois avait fait adopter par le Sénat un amendement similaire au texte qui nous est aujourd'hui soumis.
Avant de conclure, j'indique au Sénat que la commission des lois lui propose également d'introduire un article additionnel pour supprimer de l'article 63 la mention des centres et associations de gestion agréés dans la mesure où leurs responsables habilités exercent une activité professionnelle réglementée régie par l'article 59, dans les conditions fixées par les textes les régissant.
Il est évident que ces centres font partie des professions réglementées ; il est donc parfaitement inutile de les mentionner dans un alinéa supplémentaire, ce qui entraînerait obligatoirement une confusion pour le lecteur de la loi.
Mes chers collègues, je souhaite que le dispositif ainsi présenté apportera l'effet recherché, à savoir la meilleure protection possible du consommateur, et prouve ainsi sa pleine et totale efficacité.
Je vous demande donc de bien vouloir adopter la présente proposition de loi de l'adoption sous réserve des amendements que je viens d'évoquer. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le garde des sceaux, la loi de 1990, qui avait fait l'objet - vous vous en souvenez ! - de longues discussions en d'autres lieux que celui-ci s'est révélée d'application difficile.
Je rappelle qu'elle avait pour finalité de permettre à l'usager de recourir à des professionnels ayant une qualification juridique reconnue. Que voulait-on éviter à l'époque ? Que n'importe qui s'intitule conseiller en je-ne-sais-quoi et donne des conseils ou rédige des actes sans présenter des garanties suffisantes.
Il était apparu que la garantie de cette qualification juridique était la possession d'une licence en droit. Certains prétendent que cela ne confère pas la compétence juridique. Cela assure au moins une qualification. Un diplôme de docteur en médecine ne garantit pas nécessairement les bons résultats que l'on peut en attendre !
La licence en droit donne quand même la garantie, pour toutes les professions réglementées, que ses détenteurs ont reçu une formation juridique suffisante.
Mais, bien sûr, quand on a voulu trouver des équivalences, personne n'était d'accord. On retrouve là le problème auquel on est confronté en permanence à travers la loi de 1990, à savoir le périmètre du droit. Qui avait le droit de donner des conseils ?
On se souvient des grands débats qui se sont déroulés et qui sont d'ailleurs toujours un peu sous-jacents s'agissant de certaines professions. Monsieur le garde des sceaux, il arrive même à des ministres de se tromper, quand ils proposent à des professionnels d'avoir recours, pour les conseils juridiques, à des personnes qui ne sont pas habilitées à en donner à titre habituel ! Cette erreur a été corrigée. Récemment, quelques petites polémiques nous ont opposés sur ce sujet...
Il était donc nécessaire de trouver une porte de sortie pour ce texte qui était difficilement applicable, et il convient de remercier notre collègue M. Porcher et l'Assemblée nationale de l'avoir trouvée.
La disposition qui nous est proposée me paraît raisonnable.
De nombreuses professions réglementées, c'est vrai, font du droit. Je vais en citer quelques-unes.
M. Jacques Toubon, garde des sceaux. Tout le monde fait du droit maintenant, comme M. Jourdain faisait de la prose !
M. Pierre Fauchon. Encore heureux !
M. Jean-Jacques Hyest. Un agent immobilier rédige des actes sous seing privé tous les jours. Un assureur également. Dans ce cas d'ailleurs, un petit problème se pose, car sur un acte sous seing privé, le nom de l'auteur doit être mentionné. Quand une compagnie d'assurance établit un contrat type, faut-il que le nom de l'auteur y figure ?
De même, l'achat d'une voiture donne lieu à la signature d'un contrat ; c'est, là aussi, un acte sous seing privé...
Doit-on inscrire systématiquement le nom de l'auteur ? Il est bien difficile d'en décider.
C'est pourquoi M. Jolibois et moi-même avons déposé un amendement visant à supprimer cette disposition.
Le texte de 1990, qui faisait obligation au rédacteur de justifier d'une assurance professionnelle, visait à éviter que n'importe qui puisse faire des actes sous seing privé, sans aucune garantie.
Mais, dès lors que l'on réglemente et que l'on prévoit toutes les garanties, cette disposition devient inutile. C'est pourquoi, je le répète, nous proposons de la supprimer.
Mais, monsieur le garde des sceaux, la commission va avoir un rôle difficile, et nous lui souhaitons bon courage ! Elle n'est pas au bout de ses peines, car elle va devoir trouver, dans toutes ces professions non réglementées, les équivalences. Il ne faut rien moins que des hauts magistrats et des professeurs de droit ! Je note d'ailleurs que l'on fait appel une fois de plus aux pauvres magistrats de la Cour de cassation, comme si ces derniers n'avaient pas déjà assez de travail ! Je ne sais pas comment ils vont faire. On verra... En tous cas, ce sera mieux qu'actuellement, puisque nous n'avons pas pu appliquer la loi.
On a dit aussi qu'une telle commission relevait du pouvoir réglementaire. Bien évidemment ! Mais le législateur adore créer des commissions, en fixer la composition. Et tout le monde a envie d'en faire partie !
Je pense que nous devrions résister à cette tentation, et même saisir cette occasion pour opérer un mouvement inverse à celui qui se développe depuis quelques années. Mais je ne suis pas sûr que la majorité suivra ce point de vue !
J'en viens au dernier point qui a été ajouté par l'Assemblée nationale.
Bien entendu, quand on discute d'un texte, on a tendance à vouloir régler des situations peu claires. En l'espèce, cela n'entre pas vraiment dans le cadre de la loi de 1990, même si cela touche l'une des professions visées par ladite loi. Il s'agit du secret professionnel.
Monsieur le garde des sceaux, s'il n'y avait pas des difficultés d'interprétation, s'il n'y avait pas eu des difficultés d'application du code de procédure pénale, nous ne serions pas amenés à préciser le sens que nous souhaitons donner à la loi.
Jusqu'où s'étend le secret professionnel des avocats ? Vous nous avez donné des indications. Mais je ne suis pas tout à fait convaincu que l'arrêt cité couvre tous les problèmes rencontrés en matière de secret professionnel.
En tout cas, je souhaite que le secret professionnel demeure ; il représente une garantie, et j'estime qu'il ne peut être découpé en morceaux.
Je rappelle également que si certains professionnels manquent à la déontologie, les ordres doivent veiller et faire le nécessaire ; c'est leur raison d'être.
Telles sont les observations que je souhaitais faire.
Le groupe de l'Union centriste soutient bien sûr la commission des lois et votera la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Pierre Fauchon. Excellent !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er

M. le président. L'article 1er a été supprimé par l'Assemblée nationale.