M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne, auteur de la question n° 163, adressée à M. le ministre de la défense.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Le 9 novembre dernier, dans une déclaration conjointe, les gouvernements allemand, britannique et français sont convenus de la nécessité urgente d'une réorganisation des industries d'aérospatiale et d'électronique de défense au plan européen. Ils ont demandé aux industriels concernés de présenter, pour le 31 mars, un projet et un échéancier en vue de cette réorganisation.
Les premières étapes de ce processus devraient comprendre des progrès rapides dans la transformation d'Airbus en société intégrée européenne.
Ainsi, le 13 janvier, le président d'Aérospatiale a présenté au comité central d'entreprise plusieurs décisions concernant le groupe, notamment la proposition de création d'une société Airbus, de droit français, basée à Toulouse, et de quatre filiales, une par pays.
Seraient compris dans la filiale française les sites de Nantes, Méaultes, Saint-Nazaire et une partie des établissements de Toulouse.
Sur Toulouse, 1 000 à 1 500 salariés pourraient être exclus du nouveau périmètre, notamment ceux qui dépendent de la production des ATR, les avions de transport régional, soit 800 personnes.
En effet, la direction de l'entreprise a annoncé la création d'une future société franco-italienne ATR pour le développement, la production et la commercialisation des avions de transport régional.
Du fait du refus du partenaire allemand, cette entité ne serait pas, dans l'immédiat, incluse dans la future société européenne Airbus.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles garanties peut-on avoir d'une intégration a posteriori des sociétés Airbus et ATR ? Pourquoi les Allemands changeraient-ils d'avis ?
Comment assurer la pérennité et le développement de la société ATR dans l'intervalle ?
Après l'échec de la société Aero International (Regional), AI(R), du fait du retrait du partenaire britannique et de l'abandon de l'Airjet, que peut devenir une société ATR isolée sur le marché très concurrentiel des avions régionaux ?
Comment cette société pourrait-elle étudier de nouveaux programmes sans l'utilisation intensive des moyens d'études de la société Airbus ?
Comment ce choix peut-il s'intégrer avec l'idée d'une grande société aéronautique civile et militaire sur le plan européen ?
Est-il judicieux pour Airbus de ne viser que le créneau concurrentiel avec Boeing et non l'ensemble du marché ?
Ce choix de ne pas intégrer ATR ne programme-t-il pas la mort, non annoncée, des avions de transport régional ?
L'Etat est l'actionnaire unique de la société Aérospatiale ; il est donc légitime que le Gouvernement, mais aussi la représentation nationale soient associés à la réflexion sur le devenir de cette industrie phare pour notre pays et créatrice de plusieurs milliers d'emplois.
Vous est-il possible, monsieur le secrétaire d'Etat, d'inviter la direction du groupe Aérospatiale à reconsidérer le devenir des avions de transport régional et à négocier fermement avec nos partenaires leur intégration dans la future société Airbus ? (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants. Madame le sénateur, votre intervention souligne à juste titre la complexité des questions que les Européens devront résoudre s'ils veulent construire un ensemble industriel capable de rivaliser, dans les domaines de l'aéronautique et de la défense, avec ses principaux concurrents internationaux, dont Boeing McDonnell Douglas.
Comme vous le rappelez, les gouvernements allemand, britannique et français sont convenus, dans une déclaration conjointe du 9 décembre dernier, de la nécessité urgente d'une réorganisation de l'industrie aérospatiale et de l'industrie d'électronique de défense, et ils ont demandé aux industriels concernés de présenter, pour le 31 mars prochain, un projet clair en vue de la réorganisation de l'industrie aéronautique européenne.
Je tiens également à rappeler que cette déclaration conjointe précisait que ce processus de réorganisation devait inclure, dans le secteur aérospatial, les activités tant civiles que militaires. Permettez-moi d'y voir la confirmation d'une orientation proposée depuis l'origine par ce Gouvernement, qui est en effet convaincu que la constitution d'un pôle aéronautique européen ne doit pas se limiter aux seules activités Airbus. Un périmètre industriel plus large doit permettre de jouer pleinement sur les synergies et les complémentarités entre les différents métiers.
S'agissant de la question de l'aviation régionale, il appartient d'abord aux industries d'évaluer dans leurs travaux, d'ici au 31 mars, les modalités qui garantissent le développement de cette activité et des complémentarités qu'elle entretient avec les autres métiers d'Aérospatiale, en particulier avec Airbus.
Sans préjuger le résultat de ces travaux, M. le ministre de la défense considère que l'intégration, à un terme à préciser, des activités d'aviation régionale au sein du futur pôle aéronautique européen est souhaitable et cohérente d'un point de vue industriel. Je note d'ailleurs que l'aviation régionale fait déjà l'objet d'un partenariat européen entre Aérospatiale, British Aerospace et l'italien Alenia.
En tout état de cause, quel que soit le schéma industriel qui apparaîtra pertinent aux entreprises concernées, le Gouvernement sera particulièrement attentif à ce que la pérennité et le développement de l'activité d'aviation régionale soient assurés.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Je suis rassurée par votre conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je voudrais tout de même insister encore, car la partie qui se joue est d'importance non seulement pour ma région, mais aussi pour l'industrie aéronautique française tout entière.
Tout le monde reconnaît maintenant la nécessité de créer une société européenne Airbus. Toutefois, cette intégration ne doit pas se faire à tout prix, au nom de l'objectif européen notamment, c'est-à-dire en cédant aux exigences de nos partenaires. Nous savons qu'en raison de la nature même de leur actionnariat nos partenaires britanniques et allemands ont des objectifs de rentabilité à court terme et ils ont besoin d'un retour rapide d'investissement. Or ces objectifs de rentabilité ne conviennent pas à l'industrie aéronautique, qui est cyclique et dont les retours d'investissement sont à dix ou quinze ans.
Pour nous, l'Etat est actionnaire. Vous l'avez rappelé dans votre réponse : les complémentarités et la solidarité entre les différents métiers ont permis à Aérospatiale, à notre industrie française de tenir bon, sans trop de dégâts, dans les moments difficiles.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, les orientations qui sont données par le Gouvernement et que vous avez rappelées sont bonnes, mais ce dernier doit suivre de près les négociations en cours. Il lui appartient vraiment de suivre, presque au jour le jour, les évolutions.
Les salariés d'Aérospatiale, je peux vous le dire, sont inquiets, car ils ne savent pas ce qu'ils vont devenir. Quant à ceux d'ATR, ils le sont encore plus ; ils se sentent un peu isolés, exclus de ce futur périmètre d'Airbus. Ils craignent même, à l'avenir, de n'être pas intégrés. Ils le seront plus tard, leur dit-on, mais « plus tard », dans l'aviation, cela suppose d'avoir des programmes et de pouvoir tenir le coup. Cela signifie peut-être aussi la fin d'ATR.
Je sais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous serez l'interprète de leurs préoccupations auprès du ministre de tutelle, mais aussi de tous les autres ministres, dont celui des transports, qui sont également concernés par le devenir de l'industrie aéronautique.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vous écoute !
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Avec votre permission, monsieur le président, je souhaite préciser, tant à Mme Bergé-Lavigne qu'à M. Robert, que le ministre de la défense répondra par écrit aux questions nouvelles qui ont été posées à la suite des réponses que j'ai faites en son nom.

AVENIR DU CENTRE DE RECHERCHE AÉRONAUTIQUE
DU FAUGA-MAUZAC