Séance du 10 juin 1998






LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS

Suite de la discussion
d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 445, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions. [Rapport n° 450 (1997-1998), avis n° 472 (1997-1998), n° 471 (1997-1998), n° 478 (1997-1998) et n° 473 (1997-1998)].
Je rappelle que la discussion générale a été close hier.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat. Je répondrai très brièvement aux différentes questions qui m'ont été posées, me réservant d'être plus explicite au cours de la discussion des articles.
Je suis certaine, après avoir entendu les orateurs des différents groupes du Sénat, que l'engagement et la bonne volonté partagés dans cet hémicycle vont nous permettre d'améliorer substantiellement le dispositif de traitement du surendettement. La lutte contre les exclusions doit nous rassembler, comme l'a souligné M. le président de la commission des affaires sociales, relayé d'ailleurs par les rapporteurs des diverses commissions saisies.
Il s'agit, plusieurs intervenants l'ont dit, d'améliorer le dispositif actuel, qui a montré ses limites.
Monsieur Loridant, vous l'avez rappelé, il était nécessaire d'apporter une réponse aux situations d'impasse qui engorgent les commissions de surendettement et, surtout, laissent les intéressés sans solution.
Vous avez noté avec satisfaction que votre rapport, rédigé avec M. Hyest, nous a inspirés pour élaborer les dispositions que nous proposons dans ce projet de loi. Cependant, vous auriez souhaité l'instauration d'un suivi social plus systématique de l'établissement et de l'exécution du plan de redressement. Cette remarque est pertinente ; nous pourrons peut-être trouver une solution qui vous convienne lors de l'examen des articles.
Vous avez également demandé un observatoire, afin que l'on connaisse vraiment la réalité. Je vous rejoins sur ce point. En effet, les commissions de surendettement, submergées par les dossiers, ont du mal à établir des suivis de qualité non seulement s'agissant de la situation du surendetté au jour où il se présente devant la commission de surendettement mais également s'agissant des origines du surendettement ; sur ces origines, les statistiques font défaut.
La présence au sein de la commission de surendettement du représentant des services sociaux du département, comme le proposent Mmes Terrade et Borvo ainsi que M. Fischer, me paraît de nature à répondre à l'ensemble de vos préoccupations.
Sans doute, monsieur Loridant, s'agissant de votre amendement relatif à la composition de la commission, le débat nous permettra-t-il d'aboutir à une solution globalement satisfaisante et acceptable par tous.
C'était d'ailleurs le souci du Gouvernement lorsqu'il proposait de prévoir la présence du président du conseil général au sein de la commission. Nous n'avons pas toujours été compris sur ce point. Dans mon esprit, il s'agissait de renforcer le lien avec les services sociaux locaux appelés à connaître de ces situations de détresse et non pas avec le conseil général ou son président en tant que tel. Je partage la crainte des uns et des autres qu'une contribution financière ne soit alors demandée aux conseils généraux.
Qui plus est - ce sont vos collègues de l'Assemblée nationale, notamment Mme Neiertz qui l'ont souligné - il serait mauvais qu'une des institutions soit représentée par un élu alors même que l'esprit des commissions est de regrouper des représentants des services et de l'administration. Nous sommes donc bien d'accord sur ce point.
Avec la présence de représentants des services sociaux locaux, les commissions disposeront de renseignements sur l'antériorité de la situation de la famille concernée, ainsi que sur le suivi de celle-ci.
Actuellement, nous ne savons rien de la situation des familles après leur saisine de la commission de surendettement. Je pense qu'avec l'aide de la Banque de France, qui assure le secrétariat des commissions, nous allons pouvoir disposer de données importantes. Je vous proposerai, au cours du débat, de fixer un calendrier de rendu du rapport à l'ensemble de la représentation nationale afin qu'elle puisse suivre l'application des mesures qui seront éventuellement décidées.
Madame Derycke, vous avez souhaité que l'Etat ne reste pas sourd à la remise des dettes fiscales.
Je tiens à vous rassurer, l'Etat n'est pas sourd, l'Etat ne le sera pas. Comme vous le reconnaissez les uns et les autres, les dettes fiscales et sociales ne doivent pas être banalisées. C'est tout à fait le sens de la démarche du Gouvernement. Mais il ne s'agit pas de refuser la remise de leurs dettes aux personnes sans ressources.
Je rappelle les chiffres relatifs aux remises gracieuses, qui ont déjà été cités dans la discussion générale : 1,1 milliard de francs pour 560 000 remises gracieuses en 1997. J'ai constaté, avec les représentants de l'association des maires de France, que c'est bien l'Etat qui prend en charge les remises, même lorsqu'il s'agit d'impôts locaux.
Je remercie Mme Dusseau et M. Loridant d'avoir rappelé que ces remises portent surtout sur la taxe d'habitation, ainsi que sur d'autres dettes parafiscales, et en premier lieu la redevance audiovisuelle - c'est l'une des remises qui est le plus souvent consentie. Même si son montant paraît modeste, il faut savoir que c'est l'accumulation de petites sommes qui conduit au surendettement. Pour une famille dans une situation difficile, qui dispose du minima social, la somme de 500 francs représente une semaine de nourriture, et cette somme est primordiale pour la survie de la famille.
Le Gouvernement a, pour des raisons constitutionnelles et pratiques, que j'ai déjà exposées - je les rappellerai lors de l'examen des amendements - voulu préserver la spécificité de la procédure du traitement des dettes fiscales. Mais, parallèlement, son engagement politique fort consiste à dire et à écrire que les liens seront resserrés entre les deux dispositifs pour que soit pris en compte l'ensemble des dettes et qu'il y ait un véritable aller et retour entre la commission de surendettement et les services fiscaux, y compris pour connaître la décision qui aura été prise après la proposition de la commission de surendettement, de telle manière qu'il ne subsiste plus de doute sur l'application des décisions prises par l'ensemble des créanciers, publics et privés, au bénéfice du surendetté. Cette information nous permettra, de plus, de vérifier si notre système, tel qu'il est proposé, fonctionne bien.
Monsieur Paul Girod, je maintiens qu'il y a une différence d'essence - si je peux me permettre de m'exprimer ainsi - entre les dettes bancaires et les dettes fiscales. En revanche, je suis d'accord avec vous sur le fait que la solidarité nationale doit jouer dans les deux cas face aux situations difficiles qu'il nous faut traiter. C'est ce que nous proposons. Sur ce sujet, nous serons tous d'accord.
Enfin j'ai bien noté les préoccupations de Mmes Derycke et Terrade quant aux risques que représentent pour les ménages déjà fragilisés certains crédits à la consommation.
J'ai donné un mandat au Conseil national de la consommation - ainsi le veut la procédure. Le consul doit être en mesure de faire des propositions au bout d'un temps suffisamment long - deux mois, quatre mois suivant les cas, voire davantage lorsque le problème est complexe. Au sein du Conseil national de la consommation, siègent à la fois des consommateurs et des professionnels. C'est vraiment le lieu où l'on pourra procéder à des échanges, en particulier sur les crédits dits revolving mais aussi sur les cartes de magasin. D'après l'étude de certaines commissions de surendettement, certains ménages possèdent sept ou huit cartes de crédit de ce type. En revanche, nous ne pouvons pas dire que le prêteur est responsable tant que nous n'avons pas la volonté de nous attaquer au problème du fichier des incidents de crédit aux particuliers.
Le Gouvernement s'efforcera de prendre les mesures nécessaires en la matière lorsque le CNC aura formulé ses propositions quant à l'information et au suivi de ce type de crédit. Nous pourrons alors introduire dans le code de la consommation les mesures appropriées aux nouvelles formes de crédit.
Comme l'a proposé Mme Derycke, des campagnes d'information des consommateurs pourraient être conduites. Certaines associations de consommateurs se sont d'ailleurs déjà atelées à cette tâche. Mais nous disposons aussi de l'Institut national de la consommation. Cet institut dépend des pouvoirs publics, donc de l'argent public, des associations de consommateurs y siègent et le Gouvernement pourrait lui confier un mandat spécifique en matière de crédit à la consommation.
Pour aller jusqu'au bout du raisonnement, si nous constatons, après le rapport du CNC, que la loi bancaire doit être modifiée, ce sera au ministère de l'économie et des finances de proposer de la réviser.
En fait, il est inquiétant que nous ayons tous l'envie, sinon raisonnable du moins affective dans ces dossiers d'exclusion, de lever la barrière de l'accès au fichier et de proposer que le prêteur sache si l'emprunteur a déjà des dettes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à la suite de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, personne n'a envie que chaque vendeur de magasin qui délivre une carte de crédit puisse avoir accès au solde du compte bancaire de son client.
Autant nous avons une confiance absolue dans la gestion par la Banque de France du fichier négatif des incidents de paiement, autant nous ne voulons pas d'un fichier positif ouvert à tous les prêteurs, y compris aux vendeurs des magasins qui délivrent des cartes de crédit spécifiques. C'est pourquoi nous avons institué une limite.
J'indique par ailleurs que le code de la consommation nous permettra de travailler plus à fond sur ce sujet.
L'éducation, la formation et l'information des consommateurs, pour que chacun apprécie bien ses droits, s'approprie ses droits, c'est l'une des priorités que nous avons développées depuis un an, reprenant en cela les voeux de nos prédécesseurs.
C'est l'information des particuliers qui nous permettra de réaliser les progrès les plus flagrants.

Par ailleurs, l'observatoire des commissions de surendettement des particuliers pourra apporter des informations au CNC, lequel pourra présenter des propositions sur ce dossier particulièrement délicat. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - MM. Hoeffel et Trucy applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir loué le travail de MM. les rapporteurs, je voudrais adresser mes remerciements aux intervenants, tout particulièrement à celles et à ceux qui ont abordé plus spécialement le volet logement : MM. Mouly, Darniche, Joly, Gournac et Vezinhet, Mme Terrade, MM. Vasselle, Mercier, Mme Dusseau, MM. Huguet, Payet et Ostermann.
Je souhaiterais apporter quelques éléments de réponse aux principales questions qu'ils ont soulevées, étant entendu que l'examen des articles et des amendements nous permettra d'examiner plus au fond les points en débat.
J'ai été très sensible, monsieur Braun, au fait que la commission des affaires économiques et du Plan ait reconnu que les interventions des fonds de solidarité pour le logement, les FSL, étaient mieux cadrées, et ce d'autant plus que la commission des affaires sociales, quant à elle, a des inquiétudes en la matière.
Je souhaite à cet égard dire à M. Seillier que, par les précisions apportées à la loi du 31 mai 1990, comme par le décret qui les complétera, notre volonté est d'assurer le respect du principe d'équité territoriale, qui doit être bien évidemment mis en oeuvre pour l'application de toute loi de la République.
Aujourd'hui, il existe de très fortes disparités entre les départements. Certains, par exemple, n'ont pas accepté durablement que les FSL interviennent sous forme de subventions. En privilégiant la formule de l'avance, ces départements traitent donc en priorité les cas des demandeurs les moins en difficulté, on supposait en effet que ces derniers pourraient rembourser l'aide qu'on leur verserait.
Dans d'autres départements, en revanche, peut-être en raison des crédits disponibles, l'admissibilité a été conditionnée au niveau des dettes de loyers, les demandeurs ayant dépassé un certain niveau n'étant pas retenus.
A l'évidence, nous sommes obligés d'harmoniser les règles de fonctionnement pour qu'il n'y ait pas, d'un département à l'autre, des différences aussi radicales.
Toutefois, il faut préserver les possibilités d'adaptation aux situations locales. A cet égard, je veux vous assurer, monsieur Seillier, que les initiatives très intéressantes que j'ai eu l'occasion de découvrir sur le terrain doivent, dans mon esprit, pouvoir perdurer et qu'il ne faut pas enfermer dans un moule trop rigide l'ensemble de ces actions.
Le deuxième point fort de la discussion concerne, me semble-t-il, l'approche intercommunale de la question du logement.
Tout le monde s'accorde aujourd'hui pour reconnaître que le problème de l'habitat, plus spécialement celui de la mixité sociale et urbaine, se pose et doit être traité à l'échelle du bassin d'habitat. Dans ce cadre, je l'ai dit dans mon intervention d'hier, la commune ne perd pas ses prérogatives du simple fait qu'elle est invitée à inscrire ses initiatives dans une dynamique et une approche plus larges pour l'obtention d'un équilibre à la bonne échelle géographique.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les membres de la Haute Assemblée, en votre qualité de représentants et de défenseurs des institutions locales, si une collectivité sait s'adapter pour faire face à des attributions, des rôles nouveaux, elle se conforte. A l'inverse, si la collectivité se montre incapable de relever les défis, elle s'expose à être contestée, voire remise en cause.
La défense des institutions locales ne peut pas se gagner dans l'immobilisme, elle relève de l'adaptation permanente.
C'est le sens qu'il faut donner aux dispositions qui vous sont proposées.
La délimitation des bassins d'habitat selon des critères objectifs pourrait nous permettre d'atteindre un objectif difficile : le droit au logement dans la mixité. Pour assurer la cohésion sociale à un échelon territorial pertinent, il convient en effet de coordonner les actions.
Pour ce qui est de la mobilisation du patrimoine existant, notamment du patrimoine privé ancien, dans lequel on observe la proportion de vacances qui a été indiquée, la plupart des intervenants ont souligné l'aspect positif des mesures qui ont été prises ou qui sont proposées pour faciliter, par les organismes d'HLM ou par des associations, la « production » de logements à occupation sociale, à la fois moins chers et mieux adaptés. Parmi vous, seul M. Philippe Darniche en a douté.
Je veux donc attirer son attention sur les prêts locatifs aidés d'intégration qui figurent dans la loi de finances à côté des prêts locatifs aidés à loyer minoré. En effet, par un retour significatif de l'aide à la pierre, ces prêts locatifs aidés d'intégration permettront d'offrir des loyers de sortie accessibles aux plus modestes. Trente mille prêts locatifs - 20 000 en PLA-LM et 10 000 en PLA d'intégration - sont disponibles. Il ne saurait être question de les passer par pertes et profits. Il faut, au contraire, se mobiliser pour les consommer car ils constituent le financement d'un gisement non négligeable de nouveaux logements affectés à l'usage social que nous souhaitons.
La loi de finances pour 1998 a consenti un effort en anticipation sur la loi « exclusion ». Je rappelle que cet effort est de l'ordre de 1,6 milliard de francs et que nous entendons bien le répéter dans les années à venir.
Je voudrais également appeler l'attention de M. Philippe Darniche sur la proposition qui est faite d'élucider le régime fiscal de la fin du bail à réhabilitation. Il est évident que cette mesure constitue une possible relance du bail à réhabilitation, dont chacun s'accorde à reconnaître qu'il n'a pas eu l'efficacité souhaitée.
Il convient d'ajouter à tout cela - pour m'en tenir aux principales mesures - la décision d'exonération pendant quinze ans, avec compensation par l'Etat, de la taxe foncière bâtie, dans le cadre d'opérations d'acquisition-amélioration.
Il s'agit là d'une incitation à mieux mobiliser les énergies en faveur de l'ancien. Il fallait prendre cette mesure, car la disparité avec le traitement fiscal de l'offre nouvelle financée par des prêts locatifs aidés n'incitait pas à faire bon usage de la fongibilité des crédits.
Quinze ans d'exonération de taxe foncière bâtie pesaient très lourd en faveur du neuf au détriment de l'ancien. Sur ce point, on ne peut donc pas nier les avancées.
Je suis sûr, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous aurons, à l'occasion de l'examen de l'article 30, un débat sur la taxation de la vacance.
J'ai bien entendu les propos qui ont été tenus à ce sujet par plusieurs d'entre vous. Je souhaite leur faire écho en précisant que la rédaction de l'article 30 qui vous est proposée s'inspire de celle de l'article 1389 du code général des impôts, qui régit le dégrèvement de la taxe foncière pour vacance ou inexploitation.
Vous le savez, la jurisprudence exonère chaque fois qu'il y a vacance ou inxeploitation pour cas de force majeure. Nous ne disons rien d'autre lorsque nous mentionnons que la taxe n'est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable.
D'aucuns se sont interrogés pour savoir s'il n'y avait pas là une initiative allant trop loin au regard du droit de propriété.
Il n'est pas normal, mesdames, messieurs les sénateurs, d'être confronté, dans une agglomération urbaine, d'une part, à une demande très forte et, d'autre part, à un important parc sans emploi.
Bien sûr, il convient de respecter le principe fondamental qu'est la liberté. Mais celle-ci est limitée ; elle consiste, en effet, à faire ce qui ne nuit pas à autrui. Or, lorsque l'accès au logement est difficile, il est évident que la détention prolongée d'un logement peut être perçue comme étant à l'origine d'un préjudice social. C'est en tout cas le sens que nous donnons au dispositif que nous avons prévu.
J'insiste sur le fait que ce n'est pas la première fois qu'un traitement fiscal différent est institué selon l'usage que le propriétaire fait de son bien. Il en est ainsi pour une disposition que vous connaissez bien : la taxe sur les locaux à usage de bureaux en Ile-de-France. C'est également le cas pour un certain nombre d'incitations fiscales ou certaines aides de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, par exemple, pour inciter à la remise en location de logements vacants.
Quoi qu'il en soit, mesdames, messieurs les sénateurs, pour que les choses soient claires, je précise que nous proposons de taxer une situation et non un comportement qui pourrait entraîner des appréciations subjectives, même si on espère de cette taxe non pas un produit fiscal mais un changement d'attitude.
Ces précisions sont de nature, me semble-t-il, à lever un certain nombre d'interrogations et de réserves.
Plusieurs d'entre vous ont dit leur préférence pour des mesures d'incitation positives. Mais elles existent ; elles sont même nombreuses. La mise en place d'une taxe sur les logements vacants, en cas de vacance durable et délibérée, permettra d'en faire prendre conscience et de mieux les faire connaître.
Aujourd'hui, si quelqu'un veut aliéner un bien vétuste vacant, il dispose non seulement des moyens de financement existants, que nous avons améliorés, comme je l'indiquais à l'instant, mais aussi des aides de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, notamment les aides renforcées en cas de programme social thématique « logement social ». Enfin, si quelqu'un est complètement démuni, la formule du bail à réhabilitation peut le dispenser de tout financement lui incombant.
Cette taxation sera donc, je l'espère, l'occasion de populariser ces incitations fort positives qui existent déjà et que je souhaite que l'on n'oublie pas.
La prévention de l'expulsion a été soulignée par la plupart d'entre vous comme une avancée très positive du projet de loi. La seule interrogation qui a été exprimée à ce sujet est la suivante : ne va-t-on pas vers un allongement des délais ?
Dans les intentions du Gouvernement, il ne s'agit nullement d'un allongement des délais. Il s'agit d'une meilleure utilisation de ces délais inhérents au déroulement des procédures d'expulsion.
Aujourd'hui, dans le cas de logements privés, le préfet n'est alerté qu'après que l'huissier a constaté son incapacité à obtenir le départ volontaire des occupants après une mesure d'expulsion. Mais il s'est souvent écoulé des mois, pour ne pas dire des années, avant d'en arriver là. C'est pourquoi nous vous proposons de faire obligation aux huissiers de justice procédant à l'assignation aux fins de constat de la résiliation du bail d'envoyer une copie de cette assignation au préfet, à faute de nullité ; cette mesure existait pour les baux commerciaux mais n'existait pas pour les baux d'habitation.
Il est évident que le préfet sera ainsi prévenu beaucoup plus tôt et que la mobilisation des services sociaux permettra l'intervention du fonds de solidarité pour le logement, voire l'organisation du relogement. Il y aura ainsi moins de bailleurs exaspérés par les délais et, surtout, moins de familles traumatisées par l'intervention des forces de l'ordre pour régler un problème qui, lorsque les familles visées sont de bonne foi, n'est après tout qu'un problème social, qui doit être traité comme tel et non pas comme un problème d'ordre public.
Mesdames, messieurs les sénateurs, après ces premières explications sur les points sensibles du texte, je vous confirme que, comme vous l'a indiqué hier Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, nous nous montrerons bien évidemment ouverts aux propositions destinées à améliorer le texte, sous réserve qu'elles n'aillent à l'encontre ni de sa philosophie ni des objectifs que nous nous sommes assignés, ce texte ayant été élaboré, sur ce point, en bonne concordance, je crois, avec les vues de tout le mouvement associatif pour la lutte contre l'exclusion. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à la suite de cette discussion générale et après mes collègues, je voudrais répondre à certaines des interrogations qui sont nées de vos débats.
Je crois que la discussion a fait apparaître, comme à l'Assemblée nationale, un grand nombre de réflexions convergentes, mais aussi quelques oppositions, dont un certain nombre peuvent être levées dès à présent. Je pense notamment aux critiques qui relèvent du devoir d'opposition, auquel faisait référence M. Descours lorsqu'il nous disait qu'il ne serait pas dans son rôle s'il ne critiquait pas le projet de loi.
M. Charles Descours. Ce n'est pas tout à fait cela !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je vous cite exactement !
Sur un sujet comme celui-là, il est en effet indispensable de dépasser les clivages partisans pour nous rassembler sur l'essentiel. C'est le sens du message qu'a adressé Mme Anthonioz-de Gaulle aux parlementaires et que chacun ici a qualifié à juste raison de propos d'une sagesse extrême.
En ce sens, je ne peux que souscrire à l'invitation de M. le président Fourcade, qui nous a dit : « Pourquoi ne pas tenter de rapprocher les points de vue de l'Assemblée nationale et du Sénat ? »
Je voudrais rapidement répondre aux quelques points essentiels que vous avez soulevés, et je commencerai par le financement.
Le premier thème qui a été abordé par beaucoup d'entre vous porte sur les moyens financiers mobilisés pour le programme de prévention et de lutte contre les exclusions.
Je ne peux laisser dire, monsieur Seillier, que la lutte contre les exclusions serait « le parent pauvre des choix budgétaires ». En effet, 51,4 milliards de francs sur deux ans et demi, qui viennent s'ajouter aux crédits existants, c'est un effort considérable, et personne ne peut le contester sérieusement. Vous l'admettez vous-même en parlant de « vertige quantitatif ». Je pourrais également citer M. Gournac, qui reproche au programme un « effet quantitatif » qui primerait le qualitatif, ou bien d'autres interventions de cette nature.
D'autres ont évoqué des redéploiements pour minimiser la porté de ce chiffre. Mais, comme l'a très bien souligné Mme Derycke, certains, sur les mêmes bancs, s'en félicitent alors que d'autres le regrettent !
Je voudrais ici très simplement et très clairement répéter l'engagement qu'a pris M. le Premier ministre : il n'y aura pas d'impôt supplémentaire pour financer ce programme. Il y aura donc un redéploiement au sein du budget de l'Etat, mais à aucun moment ce programme de prévention et de lutte contre l'exclusion ne sera financé par des crédits déjà affectés à l'exclusion aux mêmes publics, aux mêmes secteurs.
A cet égard, permettez-moi de vous dire, comme l'a rappelé M. Huguet, que le précédent gouvernement avait présenté son projet de loi en disant - je cite là M. Barrot - que même si l'on affichait 3 milliards de francs, le texte n'aurait aucun coût puisqu'il serait financé par la réforme de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS. Il s'agissait bien là d'un redéploiement interne à la lutte contre les exclusions, ce que nous refusons à faire.
Nous avons été, je crois, d'une transparence totale en distinguant les mesures financées sur des crédits inscrits en loi de finances pour 1998 et en insistant sur des mesures qui avaient déjà été annoncées.
Faut-il entrer dans le débat que MM. Seillier et Oudin ont ouvert concernant le point de savoir si la revalorisation de 6 % de l'allocation de solidarité spécifique, annoncée le 26 février par le Premier ministre, ou l'instauration de l'allocation spécifique d'attente, adoptée par le Parlement le 18 avril, doivent ou non être prises en compte ? Très franchement, cela n'a pas grande importance.
Ce qui compte pour les titulaires de l'ASS, c'est qu'il y ait un rattrapage du passé - et c'est 1 milliard de francs qui a été mis sur la table - et ce qui compte pour ceux qui ont cotisé pendant quarante ans, c'est d'avoir droit à leur retraite. Or nous en sommes bien là aujourd'hui !
Certains soulignent enfin qu'une partie des mesures du programme font appel à des cofinancements. Or, comme l'a également souligné Mme Derycke, ce sont les mêmes qui, à la fois, s'en inquiètent et regrettent par ailleurs que le programme ne s'appuie pas assez sur les collectivités locales.
Je crois que M. Huguet a trouvé les mots justes pour décrire la situation : c'est un effort important qui est attendu, qui témoigne de notre volonté d'une action de proximité et de notre confiance dans la décentralisation. Mais ce n'est pas un effort insurmontable, compte tenu de l'enjeu majeur de ce programme.
Je souligne, d'ailleurs, que rien n'est imposé aux collectivités locales, qu'il s'agisse du programme TRACE, le trajet d'accès à l'emploi, ou bien des plans locaux d'insertion par l'économique, les PLIE. Les collectivités locales qui s'inscriront dans le partenariat le feront sur la base du volontariat et auront une opportunité unique de démultiplier leur action grâce aux crédits d'Etat. Ceux d'entre vous qui ont un plan local d'insertion savent bien de quoi je parle.
Cette bataille de chiffres n'est donc pas le plus important dès lors que personne ne conteste que les dépenses sur ce programme de lutte contre l'exclusion sont significatives, et vous pourrez constater très concrètement, dès le budget pour 1999, que l'ensemble des engagements annoncés du Gouvernement sont, bien évidemment, tenus.
Deuxième critique, ou thème sur lequel nous souhaitons discuter : la décentralisation.
M. Seillier a dénoncé un texte qui serait « éloigné de l'esprit de la décentralisation ». Vous vous référez, monsieur le rapporteur, à l'appui de cette thèse, au programme TRACE, qui « confirme », dites-vous, « de manière expresse la défiance du Gouvernement vis-à-vis de certains aspects de la décentralisation ».
Si vous entendez par là que l'Etat, garant de la solidarité nationale, doit assumer ses responsabilités, je suis prête à assumer ce reproche, comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, car l'Etat doit effectivement faire en sorte que personne ne reste à l'écart de l'application des droits qui fondent notre République.
Si, en revanche, vous sous-entendez que le Gouvernement a souhaité mettre à l'écart les régions, les départements ou les communes, je crois qu'il y a là une réelle incompréhension. Nous appelons à la mobilisation de tous.
Je ne prendrai que deux exemples, les plus significatifs.
Tout d'abord, s'agissant du programme TRACE, la loi quinquennale a effectivement prévu de transférer aux régions les stages de formation professionnelle des jeunes, qualifiants ou préqualifiants, dans le cadre de la décentralisation. Mais elle n'a jamais indiqué que le champ de compétence couvrirait l'ensemble des actions d'insertion professionnelle des jeunes. Ainsi, les formules d'accès direct à l'emploi, comme les contrats emploi-solidarité, les contrats emploi consolidé, les contrats initiative-emploi, notamment, sont restées du domaine de l'Etat. Quant à l'accompagnement des jeunes, il n'a pas fait non plus l'objet d'un transfert aux régions.
Tout le monde s'accorde à dire que l'enjeu, pour l'insertion des jeunes, est, aujourd'hui, de parvenir à une meilleure articulation entre les actions de formation qui sont engagées par les régions et celles qui le sont par l'Etat en matière d'accès à l'emploi.
C'est une des conclusions, d'ailleurs, du dernier rapport du Comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue, dont la majorité des membres est issue des conseils régionaux.
C'est précisément l'objet du programme TRACE : construire des parcours vers l'emploi pour les jeunes en difficulté par une articulation et une coordination des actions de l'Etat et des régions dans un cadre conventionnel ; en effet, c'est bien évidemment ainsi que nous avancerons. Les principaux intéressés ne s'y sont d'ailleurs pas trompés : la présidente du Comité de coordination des programmes, Mme Marie-Thérèse Geffroy, a approuvé le programme TRACE, tout comme M. Robert Galley, le président du Conseil national des missions locales.
Votre critique, monsieur Seillier, aurait au contraire été pertinente, me semble-t-il, à l'égard des itinéraires personnalisés d'insertion professionnelle, les IPIP, qui étaient prévus dans le projet de loi de cohésion sociale, car ces parcours étaient entièrement pilotés par l'Etat, via des organismes de formation sélectionnés par les préfets et financés sur des crédits d'Etat, sans aucune participation des régions. Les IPIP avaient été fortement critiqués pour cela, et c'est sans doute la raison des difficultés rencontrées pendant la phase expérimentale. En revanche, cette critique est erronée s'agissant du programme TRACE, car nous avons tiré les leçons de l'échec du précédent dispositif.
Aussi, je me réjouis que la quasi-unanimité d'entre vous aient approuvé ce programme, certains plus fortement que d'autres, je pense particulièrement à M. Fischer et à Mme Derycke.
Notre volonté d'ancrer ce projet dans le sens de la décentralisation s'illustre également de manière très forte dans les articles 80 bis et 80 ter du projet de loi qui instituent, d'une part, un comité départemental destiné à coordonner les différents organismes existants et, d'autre part, une commission déparementale des aides d'urgence.
M. Michel Mercier a souligné l'esprit d'ouverture et de dialogue que le Gouvernement avait manifesté pour l'élaboration du dispositif institutionnel. Je l'en remercie sincèrement et, comme lui, je souhaite que cet état d'esprit continue de prévaloir à l'avenir, tant nous avons de sujets en commun et devons nous accorder dans l'intérêt des Français.
La coordination des dispositifs est en effet essentielle. Elle repose sur la volonté de tous les acteurs d'agir ensemble. Le fonctionnement du fonds d'urgence sociale a été à cet égard exemplaire, et je regrette le jugement très sévère porté par M. Oudin sur ce dispositif. Je ne pense pas qu'il y ait eu des gâchis. Au contraire, nous avons évité, en coordonnant mieux les aides, certaines redondances. Nous avons eu une meilleure connaissance des familles et des personnes concernées et donc mieux adapté les aides qui pouvaient leur convenir. Aussi faut-il maintenant tirer les leçons de ce mécanisme. En effet, une meilleure coordination n'est pas un facteur de dérive des finances publiques. Bien au contraire, c'est un gage de leur meilleure utilisation.
Je regrette également, malgré ce satisfecit sur la forme, que la commission des affaires sociales ait proposé de supprimer l'article 80 ter , qui crée un comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre l'exclusion, qui a pourtant reçu l'accord de l'Association des présidents de conseils généraux et a été voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Je voudrais aussi me féliciter du consensus sur les dispositions qui visent à améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens les plus défavorisés. Sur toutes ces dispositions, les amendemens proposés vont essentiellement dans le sens de l'amélioration du dispositif, qu'il s'agisse de l'insaisissabilité des minima sociaux, du droit à l'énergie, au téléphone ou au compte bancaire.
Sur ce dernier point, monsieur Gournac, le Gouvernement fait étudier avec beaucoup d'attention l'amendement que vous avez déposé avec conviction et qui vise à remédier à des pratiques qui ont déjà été dénoncées à l'Assemblée nationale et auxquelles il convient de mettre un terme.
Par ailleurs, plusieurs d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont évoqué la question majeure de l'accès aux soins et à la prévention, qui continue à poser un problème à nombre de nos concitoyens.
Ces difficultés sont liées, d'une part, à la porosité du système actuel de couverture sociale, qui fait que certains n'arrivent pas à avoir accès à la sécurité sociale bien qu'ils en aient théoriquement le droit, d'autre part, à l'inadaptation de l'offre de prévention et de soins pour les personnes en situation de précarité.
En ce qui concerne le premier point, il s'agit d'une question très complexe, comme l'a souligné M. Mercier. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité prendre le temps pour engager les consultations nécessaires.
Une mission relative à la couverture maladie universelle a été confiée à M. Jean-Claude Boulard, député, qui remettra ses conclusions au mois de juillet.
J'ai entamé moi-même des rencontres, avec la mutualité, notamment. Certaines ont déjà eu lieu au niveau départemental, nous allons poursuivre avec l'association des présidents de conseils généraux. Nous devons parvenir à un accord.
Je redis très clairement à tous ceux qui s'en inquiètent, que ce soient MM. Huguet, Fourcade, Mercier, Darniche ou Descours, qu'un projet de loi relatif à la couverture maladie universelle sera soumis au Parlement à l'automne, car, s'il nous paraît cohérent de lier ce texte au programme de lutte contre les exclusions, il n'est pas moins nécessaire de le lier au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je tiens à dire à Mme Borvo qu'elle a raison de souligner l'intérêt des dispositifs d'avance de frais, ainsi que la nécessité de veiller à ce que les personnes les plus démunies bénéficient d'une couverture complémentaire leur permettant un accès aux lunettes et autres prothèses ; nous travaillons sur le sujet.
Ces deux dimensions constituent une différence majeure avec le projet d'assurance maladie universelle, qui n'envisagerait que la couverture de base du régime général.
Toutefois, au-delà de ces problèmes de couverture sociale, nous devons parler d'un véritable droit à l'accès aux soins, et non pas nous exprimer de façon symbolique, monsieur Lorrain, même si, comme M. Autain, je pense qu'en politique les symboles ont leur importance.
Deux avancées notables sont proposées, qui s'inspirent, comme l'a d'ailleurs souligné M. Lorrain, d'initiatives émanant des professionnels de santé, notamment de l'hôpital, et des associations. Oui, il faut le dire, ces professionnels de santé, ces associations nous ont ouvert la voie. A nous de donner à leurs actions innovantes la dimension institutionnelle nécessaire, à travers la généralisation des dispositifs d'accueil médico-social à l'hôpital, qui seront financés, monsieur Descours, sur le budget hospitalier, et au travers de la systématisation des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, dont, à l'instar du Conseil économique et social, nombre d'entre vous se félicitent.
Ces programmes seront, bien sûr, dotés de moyens qui prennent en compte les indices de précarité, dont on connaît le niveau élevé, notamment dans des régions telles que le Nord - Pas-de-Calais - M. Huguet l'a souligné - ou en outre-mer, comme M. Payet l'a dit.
Ces programmes permettront notamment, comme le souhaite avec raison M. Autain, de développer la formation des acteurs sanitaires et sociaux, qui est une condition majeure de meilleure prise en compte de la prévention et de l'accès aux soins.
Pour répondre aux préoccupations légitimes exprimées à plusieurs reprises, hier soir, relativement à la santé scolaire, je rappellerai, d'une part, que le Gouvernement a veillé à ce que, dès 1998, 600 postes nouveaux soient créés - 300 postes d'infirmières et 300 postes d'assistantes sociales - d'autre part, que, conformément au souhait des députés, un rapport soit remis sur ce sujet au Gouvernement et au Parlement.
Enfin, monsieur Mercier, vous avez souligné combien il était important de s'inspirer d'expériences locales pour faire avancer ce dossier. Vous avez raison. A cette fin, le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la santé ont mis en oeuvre deux expériences pilotes, dans l'Oise et en Seine-Saint-Denis ; d'autre suivront.
Concernant les moyens dégagés, permettez-moi de clarifier un point qui a été évoqué, notamment, par M. Seillier dans son rapport.
En 1997, les crédits déconcentrés alloués en matière de lutte contre l'exclusion et de santé se montaient à 41 millions de francs. Dans la loi de finances initiale pour 1998, ils n'étaient plus que de 28 millions de francs, accusant donc effectivement une baisse. Mais cette baisse résulte en grande partie de ce que la campagne de vaccination contre l'hépatite B en milieu carcéral avait été inscrite sur cette ligne en 1997 et qu'il n'a pas été nécessaire de reconduire une campagne de même ampleur en 1998.
Nous souhaitons renforcer significativement l'effort budgétaire dans ce domaine. Dès 1998, 90 millions de francs seront consacrés à la mise en oeuvre progressive des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, effort qui sera porté à 250 millions de francs à partir de 1999.
Vous voyez, monsieur Seillier, nous entendons nous donner les moyens de faire vivre les symboles.
Nous reviendrons au cours des débats sur les sujets essentiels qui ont été évoqués avec force par certains d'entre vous. Je pense notamment aux actions spécifiques en direction des femmes en difficulté qu'ont appelées de leurs voeux Mmes Derycke et Dusseau, mais aussi à la lutte contre les exclusions dans les départements et territoire d'outre-mer, évoquée par MM. Payet et Tui.
Alors, rupture ou continuité ? Je vais répondre aux nombreux intervenants de la majorité sénatoriale qui se sont posé la question de savoir à qui attribuer la paternité de ce projet de loi.
Je souhaite être très claire à ce sujet : ce débat n'a pour moi que peu de sens.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je n'ai jamais parlé de rupture entre le projet de loi de cohésion sociale et l'actuel projet de loi. Pour le Gouvernement, il ne peut s'agir que d'une simple continuité entre le travail des associations, un premier travail réalisé par le Conseil économique et social et par le précédent gouvernement, et le présent projet de loi, même si nous considérons, comme l'a souligné M. Gruillot et comme l'ont dit abondamment les associations, que ce projet de loi constitue une avancée significative par rapport au précédent.
Bien sûr, ce projet de loi reste perfectible. C'est tout le sens du travail parlementaire.
Comme l'a rappelé Mme Derycke, nous nous devons de rester humbles sur ces sujets et ne pas prétendre régler l'ensemble des difficultés auxquelles sont confrontés nos concitoyens.
Ce texte constitue néanmoins un tournant majeur dans la lutte contre les exclusions, eu égard à la mobilisation et à l'implication de l'ensemble des départements ministériels, eu égard aux moyens déployés, mais aussi par le fait que, malgré la subsistance de quelques divergences, l'ensemble de la représentation nationale peut se retrouver sur le vote de ce texte.
Contrairement à ce que certains ont pu feindre de croire, il ne s'agit pas de voter ou non un quitus au gouvernement. Je n'aurais ni l'indélicatesse ni d'ailleurs, je l'avoue, le souhait de ranger M. Gournac dans la majorité plurielle si son vote devait finalement être positif. (Sourires.) Qu'il se rassure ! Pour la majorité, comme l'ont rappelé MM. Huguet et Fischer, ce projet de loi de lutte contre les exclusions s'inscrit dans un ensemble cohérent de lutte contre le chômage que nous avons engagé dès notre arrivée. Même si cet ensemble cohérent n'a pas recueilli une totale adhésion dans cette assemblée, nous devons nous employer à nous retrouver quand le sujet en vaut la peine, comme c'est le cas aujourd'hui, et que l'attente de nos concitoyens est extrêmement forte.
Au-delà des hommages convenus, il appartient maintenant à chacun de prendre en conscience ses responsabi-lités.
L'exclusion est notre défaite collective. Grâce à ce texte, qui n'est pas un texte partisan, nous pouvons y apporter une réponse collective, et je crois que c'est ce qu'attendent de nous les Françaises et les Français.
J'ai entendu parler du devoir d'opposition. Mais, au-delà de ce devoir, il y a le devoir tout court, Or, sur un sujet semblable, exacerber nos différences reviendrait à nourrir l'indifférence. Dans ce domaine plus que dans tous les autres, nous devons être clairs : face à l'exclusion, il n'y a pas de place pour la résignation. J'espère que nous parviendrons à nous retrouver sur cette attitude. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, sur celles du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

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