Séance du 10 juin 1998







M. le président. « Art. 8. - I. - Il est inséré, dans le code du travail, un article L. 322-4-16-3 dont le 1, le 2, le 3 et le 4 sont ainsi rédigés :
« 1. Les conventions mentionnées à l'article L. 322-4-16 peuvent être conclues avec des associations intermédiaires.
« Les associations intermédiaires sont des associations ayant pour objet d'embaucher les personnes mentionnées à l'article L. 322-4-16 afin de faciliter leur insertion professionnelle en les mettant à titre onéreux à disposition de personnes physiques ou de personnes morales.
« L'association intermédiaire assure l'accueil des personnes mentionnées à l'article L. 322-4-16 ainsi que le suivi et l'accompagnement de ses salariés en vue de faciliter leur insertion sociale et de rechercher les conditions d'une insertion professionnelle durable.
« Il peut être conclu une convention de coopération entre l'association intermédiaire et l'Agence nationale pour l'emploi définissant notamment les conditions de recrutement et de mise à disposition des salariés de l'association intermédiaire. Ces conventions de coopération peuvent également porter sur l'organisation des fonctions d'accueil, de suivi et d'accompagnement mentionnées à l'alinéa précédent. Des actions expérimentales d'insertion ou de réinsertion peuvent être mises en oeuvre dans ces cadres conventionnels.
« Une association intermédiaire ne peut mettre une personne à disposition d'employeurs ayant procédé à un licenciement économique sur un emploi équivalent ou de même qualification dans les six mois précédant cette mise à disposition.

« 2. Seules les associations intermédiaires qui ont conclu la convention de coopération mentionnée au quatrième alinéa du 1 peuvent effectuer des mises à disposition auprès des employeurs visés à l'article L. 131-2, à l'exception des personnes morales de droit privé à but non lucratif, dans les conditions suivantes :
« a) La mise à disposition pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire d'une durée supérieure à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat n'est autorisée que pour les personnes ayant fait l'objet de l'agrément visé au IV de l'article L. 322-4-16 ;

« b) Aucune mise à disposition auprès d'un même employeur ne peut dépasser une durée maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Toutefois, cette durée peut être renouvelée une fois, après accord de l'Agence nationale pour l'emploi et dans des conditions fixées par décret, s'il s'avère qu'un tel prolongement est nécessaire pour l'insertion du salarié ;
« c) La durée totale des mises à disposition d'un même salarié ne peut excéder une durée fixée par décret en Conseil d'Etat, par périodes de douze mois à compter de la date de la première mise à disposition.
« La rémunération au sens des dispositions de l'article L. 140-2 que perçoit le salarié ne peut être inférieure à celle que percevrait dans l'entreprise concernée, après période d'essai, un salarié de qualification équivalente occupant le même poste de travail. Le paiement des jours fériés est dû au salarié d'une association intermédiaire mis à disposition des employeurs visés au premier alinéa du 2, dès lors que les salariés de cette personne morale en bénéficient.
« 3. Le salarié d'une association intermédiaire peut être rémunéré soit sur la base du nombre d'heures effectivement travaillées chez l'utilisateur, soit sur la base d'un nombre d'heures forfaitaire déterminé dans le contrat pour les activités autres que celles mentionnées au 2 ci-dessus.
« 4. Les salariés des associations intermédiaires ont droit à la formation professionnelle continue, que ce soit à l'initiative de l'employeur dans le cadre du plan de formation de l'association ou des actions de formation en alternance ou à l'initiative du salarié dans le cadre d'un congé individuel de formation ou d'un congé de bilan de compétences.
« Dans le cas d'une mise à disposition d'une durée supérieure à la durée visée au b ci-dessus, le salarié est réputé lié à l'entreprise utilisatrice par un contrat de travail à durée indéterminée. L'ancienneté du salarié est appréciée à compter du premier jour de sa mise à disposition chez l'utilisateur. Cette ancienneté est prise en compte pour le calcul de la période d'essai éventuellement prévue.
« II. - 1. L'avant-dernier alinéa du 3 de l'article L. 128 du code du travail est complété par les mots : "dans des conditions d'accès et de financement prévues par décret".
« 2. Dans le 3 de l'article L. 128 du même code, qui devient le 5 de l'article L. 322-4-16-3, les mots : "du présent titre" sont remplacés par les mots : "du titre II du livre Ier".
« 3. L'article L. 128 du même code est abrogé.
« III. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 1er janvier 1999, à l'exception de celles relatives à la mise à disposition auprès des employeurs visés au 2 de l'article L. 322-4-16-3 du code du travail qui prennent effet au 1er juillet 1999. »
Par amendement n° 33, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose, dans le premier alinéa du 2 du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 322-4-16-3 du code du travail, après les mots : « à l'exception », d'insérer les mots : « des personnes physiques et ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les mises à disposition auprès des personnes physiques, pour des travaux ménagers notamment, ne sont pas soumises à agrément préalable de l'ANPE.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement serait favorable à cet amendement si ce dernier était complété par les mots suivants : « pour des activités ne ressortissant pas à leurs exercices professionnels et ».
M. le président. Monsieur le rapporteur, que pensez-vous de la suggestion de Mme la ministre ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. J'y suis favorable, et je rectifie par conséquent mon amendement en ce sens.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 33 rectifié, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, et tendant, dans le premier alinéa du 2 du texte proposé par le I de l'article 8 pour l'article L. 322-4-16-3 du code du travail, après les mots : « l'exception », à insérer les mots : « des personnes physiques pour des activités ne ressortissant pas à leurs exercices professionnels et ».
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 34, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose, après les mots : « ayant fait l'objet », de rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa a du 2 du texte présenté par le I de l'article 8 pour l'article L. 322-4-16-3 du code du travail : « d'un agrément par l'agence nationale pour l'emploi, le service départemental d'aide sociale ou un centre communal ou intercommunal d'action sociale ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. S'agissant de salariés souvent très éloignés du marché du travail, le caractère exclusif de l'agrément par l'ANPE prévu pour les entreprises d'insertion ne semble pas justifié pour les associations intermédiaires. C'est pourquoi cet amendement prévoit que l'agrément pourra être accordé par l'ANPE, mais aussi par d'autres réseaux susceptibles d'entrer en contact avec les personnes les plus démunies.
C'est l'amendement que j'avais annoncé tout à l'heure à M. Eckenspieller, qui avait alors bien voulu retirer son amendement, ce dont je le remercie, de nouveau.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, car seule l'agence nationale pour l'emploi est à notre avis habilitée à agréer les personnes ayant vocation à s'adresser aux structures de l'insertion par l'activité économique.
Il s'agit en effet d'évaluer les handicaps de la personne sur le marché du travail en fonction du marché local, ainsi que des offres d'emploi du secteur marchand et non marchand afin de l'orienter vers les propositions les plus adaptées. Seule l'ANPE nous paraît disposer de l'ensemble de ces informations.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 34, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 35, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer la première phrase du dernier alinéa du 2 du texte présenté par le I de l'article 8 pour l'article L. 322-4-16-3 du code du travail.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Le texte relatif aux associations intermédiaires voté par l'Assemblée nationale prévoit que la rémunération d'un salarié mis à disposition par une association intermédiaire ne peut être inférieure à celle que percevait, dans l'entreprise concernée, après période d'essai, un salarié de qualification équivalente occupant le même poste de travail.
Cette mesure s'inspire des dispositions prévues en matière de travail temporaire. Pourtant, les salariés des associations intermédiaires sont souvent des personnes très éloignées du monde du travail, et leur activité dans l'entreprise où ils sont envoyés en mission n'est généralement pas prise en charge par les salariés permanents de cette entreprise.
Il reste qu'un risque d'interprétation litigieuse du texte existe. La mention peut avoir un effet dissuasif vis-à-vis des employeurs qui recourent aux services des associations intermédiaires.
Enfin, il est curieux de faire allusion à la période d'essai alors qu'il est prévu par ailleurs que le salarié ne peut être mis à disposition pendant plus d'un mois dans la même entreprise.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter l'amendement n° 35.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, car il considère que la rémunération du salarié mis à disposition par l'association intermédiaire ne peut être inférieure à celle que percevrait un salarié de qualification équivalente occupant le même poste de travail. La référence à la période d'essai est liée au fait que, pour les ouvriers par exemple, celle-ci est en général d'une semaine, soit une durée bien inférieure au délai que nous prévoyons. Lorsque sa durée est supérieure, elle ne s'applique bien évidemment pas.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 35.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. M. le rapporteur nous propose de supprimer une disposition introduite par l'Assemblée nationale.
Après Mme la ministre, je veux souligner que je trouve tout à fait injuste de traiter différemment le secteur de l'insertion par l'économie et les autres secteurs.
En effet, pourquoi ne pas transposer au secteur de l'insertion par l'économie l'ensemble des dispositions protectrices et pénalisantes qui existent pour d'autres secteurs ? Je rappelle tout de même que le sous-amendement qui avait été voté par l'Assemblée nationale ouvrait la possibilité de requalifier un contrat en cas de dépassement de la durée de mise à disposition.
Ainsi, le salarié placé en entreprise par une association intermédiaire sous contrat à durée déterminée sera réputé lié à l'entreprise utilisatrice par un contrat à durée indéterminée lorsque celle-ci ne respectera pas le délai d'un mois renouvelable.
Je suis fort étonnée que l'on veuille remettre ici en cause une disposition conçue pour éviter les pratiques de certaines entreprises qui abusent un peu trop, à mon avis, d'une main-d'oeuvre en quête d'insertion. Il serait bon que, ce soir, le Sénat s'oppose à sa suppression !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je suis un peu étonné par les propos tant de Mme Beaudeau que de Mme la ministre !
Nous examinons un texte relatif à la lutte contre l'exclusion. Nous savons tous, par notre pratique du terrain - qui est un peu plus poussée que celle de certains fonctionnaires du ministère ! - comment fonctionnent les associations intermédiaires : elles s'adressent à des chômeurs qui, pour ne pas se « déshabituer » de l'activité, sont prêts à effectuer un certain nombre de travaux dans les entreprises, mais aussi le plus souvent chez les particuliers.
L'idée d'assimiler ces chômeurs à des salariés « classiques », de leur faire effectuer une « période d'essai », de leur accorder les mêmes rémunérations est une idée intellectuellement brillante, mais sans aucun rapport avec la réalité.
Si nous continuons à mettre en place des législations protectrices « type 1936 », les associations intermédiaires ne trouveront plus d'entreprises prêtes à faire faire quelques heures de travail à des chômeurs. Si c'est le résultat que l'on cherche, continuons dans cette voie !
Je considère que cette disposition adoptée par l'Assemblée nationale est tout à fait superfétatoire et je crois qu'il faut voter l'amendement de la commission.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 35, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 36, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose de compléter le 2 du texte présenté par le I de l'article 8 pour l'article L. 322-4-16-3 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le cas de mise à disposition d'une durée supérieure à la durée visée au b) ci-dessus donne lieu à résiliation de la convention mentionnée au premier alinéa du 1. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement est lié à un amendement que nous examinerons par la suite et qui tend à supprimer les dispositions introduites par l'Assemblée nationale prévoyant que, lorsqu'un salarié a été mis à disposition pendant plus d'un mois dans la même entreprise, celui-ci est réputé lié à l'entreprise utilisatrice par un contrat de travail à durée indéterminée.
On comprend l'intention de cette mesure - à savoir éviter les abus - car certaines entreprises ont tendance à recourir aux associations intermédiaires pour bénéficier, sur une longue période, d'une main-d'oeuvre à bon marché.
Il reste que l'affichage de la sanction peut avoir pour effet de décourager certaines entreprises de recourir aux associations intermédiaires, sachant que l'entrepreneur n'est pas toujours en contact direct avec les salariés envoyés par l'association.
C'est la raison pour laquelle il paraît préférable de remplacer la sanction qui pèse sur l'entreprise par une sanction pesant sur l'association intermédiaire qui, en cas de dépassement, verrait automatiquement résiliée la convention passée avec l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. En un certain sens, je comprends le souci de M. le rapporteur, qui souhaite remplacer la sanction de la requalification, qui a été retenue à l'Assemblée nationale, par une autre sanction, la résiliation.
Je crois vraiment qu'il n'y a pas de difficulté du côté du chef d'entreprise, puisque cette requalification du contrat de travail ne s'applique qu'à l'entreprise unique qui reçoit un salarié pendant plus d'un mois - donc, par définition elle le sait - et non pas à une multiplicité d'employeurs. Par conséquent, l'entreprise se met elle-même en contravention avec la loi et elle sait qu'elle court, dès lors, un risque.
Je préfère la formule que nous proposons - d'autant qu'elle existe déjà pour le contrat à durée déterminée et pour le travail temporaire en cas de dépassement de ces durées - à la résiliation, dont les effets ne sont pas extrêmement évidents pour l'entreprise.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement, comme il le sera à l'amendement n° 37.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 36, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 37, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer le second alinéa du 4 du texte présenté par le I de l'article 8 pour l'article L. 322-4-16-3 du code du travail.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement précédent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable, par coordination.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 37, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Article additionnel après l'article 8