Séance du 16 juin 1998






SOMMAIRE


PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Modification de l'ordre du jour (p. 1 ).

3. Lutte contre les exclusions. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 2 ).

CHAPITRE IV DU TITRE II. - MOYENS D'EXISTENCE

Article 68 A. - Adoption (p. 3 )

Article 68 (p. 4 )

Amendement n° 318 de Mme Derycke. - Mme Dinah Derycke, M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. - Retrait.
Amendement n° 284 de Mme Dusseau. - Mme Joëlle Dusseau, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet. Adoption de l'article.

Articles additionnels avant l'article 69 (p. 5 )

Amendement n° 319 de Mme Cerisier-ben Guiga. - Mme Dinah Derycke, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 377 de Mme Borvo. - Mme Nicole Borvo, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait.
Amendment n° 378 de Mme Borvo. - Mme Nicole Borvo, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait.

Article 69 (p. 6 )

Amendements n°s 379 et 380 de Mme Borvo. - Mme Odette Terrade, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait des deux amendements.
Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 69 (p. 7 )

Amendement n° 514 du Gouvernement. - Mme le ministre, M. le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 69 bis (p. 8 )

Mme Nicole Borvo.
Adoption de l'article.

Article 70 (supprimé) (p. 9 )

Article 71. - Adoption (p. 10 )

Articles additionnels après l'article 71 (p. 11 )

Amendement n° 93 de la commission. - M. le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 447 de M. Darniche. - MM. Hubert Durand-Chastel, le rapporteur, Mme le ministre, M. Jacques Habert. - Retrait.
Amendement n° 448 de M. Darniche. - MM. Hubert Durand-Chastel, le rapporteur, Mme le ministre, M. Jacques Habert. - Retrait.

Article 72 (p. 12 )

M. le rapporteur, Mme le ministre.
Amendement n° 476 rectifié de M. Bohl. - MM. Jacques Machet, le rapporteur, Mme le ministre, MM. Charles Descours, Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales ; Alain Vasselle. - Retrait.
Amendement n° 246 rectifié de M. Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, et sous-amendement n° 478 rectifié de M. Bohl ; amendements n°s 477 rectifié de M. Bohl et 449 de M. Darniche. - MM. Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Jacques Machet, André Maman, le rapporteur, Mme le ministre, M. Alain Vasselle. - Retrait du sous-amendement n° 478 rectifié et des amendements n°s 477 rectifié et 449 ; adoption de l'amendement n° 246 rectifié. Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 72 (p. 13 )

Amendement n° 381 de Mme Borvo. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme le ministre, Mme Nicole Borvo. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 467 de M. Vezinhet. - MM. Serge Lagauche, le rapporteur, Mme la ministre. - Retrait.
Amendement n° 482 rectifié de M. Vasselle. - MM. Alain Vasselle, le rapporteur, Mme le ministre, MM. Philippe Marini, Michel Mercier, en remplacement de M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Irrecevabilité.

Article 73 (p. 14 )

Amendement n° 191 de M. Girod, rapporteur pour avis de la commission des finances. - Adoption.
Amendement n° 438 rectifié de M. Gournac. - MM. Alain Gournac, Paul girod, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Mme le ministre. - Rejet.
Amendement n° 247 de M. Oudin, rapporteur pour avis. - MM. Michel Mercier, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendments identiques n°s 192 de M. Girod, rapporteur pour avis, et 248 de M. Oudin, rapporteur pour avis. - MM. Paul Girod, rapporteur pour avis ; Michel Mercier, rapporteur financier ; le rapporteur, Mmes le ministre , Dinah Derycke. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 73 (p. 15 )

Amendement n° 439 rectifié de M. Gournac. - MM. Alain Gournac, le rapporteur, Michel Mercier, rapporteur pour avis ; Mme le ministre. - Retrait.

Article 73 bis (p. 16 )

Amendement n° 249 de M. Oudin, rapporteur pour avis. - MM. Michel Mercier, rapporteur pour avis ; le rapporeur ; Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 430 de M. Machet. - MM. Jacques Machet, le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait.
Amendement n° 250 de M. Oudin, rapporteur pour avis. - Adoption.
Amendement n° 251 rectifié de M. Oudin, rapporteur pour avis. - MM. Michel Mercier, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 73 bis (p. 17 )

Amendement n° 515 du gouvernement. - Mme le ministre, MM. le rapporteur, Michel Mercier, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Philippe Marini, Alain Vasselle, Guy Fischer, Mme Joëlle Dusseau, M. le président de la commission des affaires sociales. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

TITRE III. - DES INSTITUTIONS SOCIALES

Aticle 79 A. - Adoption (p. 18 )

Article additionnel avant l'article 79 (p. 19 )

Amendements n°s 103 rectifié de la commission et 483 de M. Vasselle. - MM. le rapporteur, Alain Vasselle, Mmes le ministre, Joëlle Dusseau, Dinah Derycke. - Retrait de l'amendement n° 483 ; adoption de l'amendement n° 103 rectifié insérant un article additionnel.

Article 79 (p. 20 )

Amendements n°s 104 à 106 de la commission. - M. le président de la commission ; Mme le ministre. - Retrait de l'amendement n° 106 ; adoption des amendements n°s 104 et 105.
Adoption de l'article modifié.

Article 80 (p. 21 )

Amendement n° 322 de Mme Derycke. - Mme Dinah Derycke, M. le président de la commission ; Mmes le ministre, Joëlle Dusseau. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 80 bis (p. 22 )

Amendements n°s 107 et 108 de la commission. - M. le président de la commission, Mme le ministre, MM. Guy Fischer, Michel Mercier. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.

Suspension et reprise de la séance (p. 23 )

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE

4. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 24 ).

5. Rappel au règlement (p. 25 ).
M. André Egu, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité.

6. Lutte contre les exclusions. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 26 ).

Article 80 ter (p. 27 )

Amendement n° 109 de la commission. - M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité ; Mmes Dinah Derycke, Joëlle Dusseau. - Adoption, par soutien public, de l'amendement supprimant l'article.

Article 80 quater (p. 28 )

Amendement n° 110 de la commission. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 81 (p. 29 )

Amendement n° 394 rectifié de M. Fischer. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme le ministre. - Retrait.
Amendement n° 286 de Mme Dusseau. - Mme Joëlle Dusseau, M. le rapporteur, Mme le ministre. - Rejet. Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 81 (p. 30 )

Amendement n° 292 de M. Tui. - MM. Daniel Millaud, le rapporteur, Mme le ministre, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances. - Irrecevabilité.

Article additionnel avant l'article 82 (p. 31 )

Amendement n° 323 rectifié de Mme Cerisier ben Guiga. - Mme Dinah Derycke, M. le rapporteur, Mme le ministre, M. Jacques Habert. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 82 (p. 32 )

Amendement n° 428 de Mme Bardou. - MM. James Bordas, le rapporteur, Mme le ministre. - Adoption.
Amendement n° 111 de la commission. - M. le rapporteur, Mmes le ministre, Joëlle Dusseau, Dinah Derycke, M. Jean Chérioux. - Adoption.
Amendement n° 484 de M. Vasselle. - MM. Alain Vasselle, le rapporteur, Mmes le ministre, Joëlle Dusseau. - Adoption. Adoption de l'article modifié.
Mme Hélène Luc, M. le président.

Suspension et reprise de la séance (p. 33 )

Seconde délibération (p. 34 )

Demande d'une seconde délibération. - Mme le ministre, M. le rapporteur. - Adoption.
M. Louis Souvet, vice-président de la commission des affaires sociales

Suspension et reprise de la séance (p. 35 )

M. le président.

Article 5 bis A (p. 36 )

Amendement n° A-1 du Gouvernement. - Mme le ministre, M. le rapporteur. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 72 bis (p. 37 )

Amendement n° A-2 du Gouvernement. - Mme le ministre, MM. le rapporteur, Charles Descours, Mme Nicole Borvo. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Vote sur l'ensemble (p. 38 )

M. James Bordas, Mme Dinah Derycke, MM. Hilaire Flandre, Guy Fischer, Jacques Machet, Mme Joëlle Dusseau, MM. Jacques Habert, le rapporteur, Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales ; Mme le ministre.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.

7. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 39 ).

Suspension et reprise de la séance (p. 40 )

8. Politique de réduction des risques en matière de toxicomanie. - Débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 41 ).
MM. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé ; Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales.

Suspension et reprise de la séance (p. 42 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

Mme Nicole Borvo, MM. Paul Masson, Jean-Louis Lorrain, Philippe Darniche, Jean-Marie Girault, Gilbert Chabroux, Franck Sérusclat.
M. le secrétaire d'Etat.
Clôture du débat.

9. Transmission d'un projet de loi constitutionnelle (p. 43 ).

10. Transmission d'un projet de loi (p. 44 ).

11. Dépôt de propositions d'acte communautaire (p. 45 ).

12. Ordre du jour (p. 46 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

MODIFICATIONS DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. M. le président a reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement deux lettres par lesquelles le Gouvernement demande :
1° L'inscription, à la fin de l'ordre du jour prioritaire de la séance du jeudi 18 juin 1998, de la proposition de loi de M. Loridant pour l'extension de la qualification d'officier de police judiciaire au corps de maîtrise et d'application de la police nationale.
2° L'inscription, à la fin de l'ordre du jour prioritaire de la séance du jeudi 25 juin 1998, de la troisième lecture du projet de loi relatif à la partie législative du livre VI du code rural.
Acte est donné de ces communications.
L'ordre du jour des séances des jeudis 18 et 25 juin 1998 est modifié en conséquence.

3

LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 445, 1997-1998), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions. [Rapport n° 450 (1997-1998), avis n° 472 (1997-1998), avis n° 471 (1997-1998), avis n° 478 (1997-1998) et avis n° 473 (1997-1998)].
Dans la discussion des articles du projet de loi, nous en sommes parvenus, au sein du titre II, à l'examen du chapitre IV.

Chapitre IV

Moyens d'existence

Article 68 A



M. le président.
« Art. 68 A. - Après l'article L. 351-10 du code du travail, il est inséré un article L. 351-10 bis ainsi rédigé :
« Art. L. 351-10 bis . - L'allocation d'insertion prévue à l'article L. 351-9 et l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 351-10 sont incessibles et insaisissables.
« Les blocages de comptes courants de dépôts ou d'avances ne peuvent avoir pour effet de faire obstacle à leur insaisissabilité.
« Nonobstant toute opposition, les bénéficiaires dont l'allocation d'insertion ou l'allocation de solidarité spécifique est servie par versement à un compte courant de dépôts ou d'avances peuvent effectuer mensuellement des retraits de ce compte dans la limite du montant de leur allocation. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 68 A.

(L'article 68 A est adopté.)

Article 68



M. le président.
« Art. 68. - Au deuxième alinéa de l'article L. 553-4 du code de la sécurité sociale, après les mots : "Toutefois, peuvent être saisis", sont insérés les mots : "dans la limite d'un montant mensuel déterminé dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 553-2". »
Par amendement n° 318, Mmes Derycke, Dieulangard, Printz, MM. Huguet, Vezinhet, Autain et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le texte présenté par cet article pour modifier le deuxième alinéa de l'article L. 553-4 du code de la sécurité sociale, après les mots : « d'un montant mensuel », d'insérer les mots : « ne pouvant dépasser 20 % du montant des prestations familiales et ».
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Notre objectif, qui est voisin de celui visé par Mme Dusseau dans son amendement n° 284, est de limiter la saisie des prestations familiales.
Je rappelle que, selon le principe établi par l'article L. 553-4 du code de la sécurité sociale, les prestations familiales sont incessibles et insaisissables. Nous devons veiller à nous éloigner le moins possible de ce principe, sauf lorsqu'il apparaît que la saisie va dans le sens des intérêts de l'enfant lui-même, par exemple lorsqu'il s'agit de financer des frais d'éducation.
Mme Dusseau propose un « reste à vivre » au moins équivalent au RMI et tenant compte de la composition de la famille. Nous suggérons, quant à nous, que le montant saisi soit limité à 20 % des prestations familiales, tout en conservant l'application des conditions prévues à l'article L. 553-2 du code de la sécutiré sociale, qui ont trait à la composition de la famille, à ses ressources, à ses charges de logement et aux autres prestations servies.
Pourquoi avons-nous retenu cette proportion de 20 % ? Parce qu'elle correspond à la pratique le plus souvent observée aujourd'hui. En effet, de nombreux comptables des caisses d'allocations familiales limitent eux-mêmes à 20 % le montant des saisies.
Nous défendons notre amendement tout en approuvant celui de Mme Dusseau, très proche du nôtre, je le répète, l'important étant que, dans l'intérêt des familles et des enfants, l'un de ces deux amendements recueille l'assentiment du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Celui-ci aurait pu avoir un sens au regard du projet de loi initial, qui prévoyait que le taux maximal autorisé de la saisie sur prestations familiales ne pouvait excéder 50 %.
Mais la solution retenue par l'Assemblée nationale est nettement plus avantageuse puisqu'elle consiste à faire référence à la disposition qui a été incluse dans la « loi famille » du 25 juillet 1994 et, pour la fixation du taux maximal, à la composition de la famille, au niveau de ses ressources, à l'ampleur des charges de logement auxquelles elle doit faire face et au montant total des prestations qui lui sont servies par les caisses d'allocations familiales.
Dans certains cas, notamment s'il s'agit d'une famille nombreuse ayant de faibles ressources, le taux maximal de la saisie autorisée pourra donc être inférieur à 20 %. Dès lors, l'amendement est moins avantageux puisqu'il risque de conduire à appliquer systématiquement un taux de 20 %, alors que, par décret, il est permis de s'adapter à la situation de la famille et donc d'appliquer un taux bien moindre.
La commission approuve par conséquent le texte adopté par l'Assemblée nationale, qui rend hommage à la pertinence de la loi « famille », et est hostile à l'amendement n° 318, qui paraît plutôt restrictif.
En revanche, il devient essentiel que le décret qui est attendu maintenant depuis le 25 juillet 1994 puisse être publié le plus rapidement possible. La Caisse nationale d'allocations familiales a fait savoir qu'elle avait donné son accord sur un projet de décret sans qu'aucune suite y ait été donnée. Pouvez-vous vous engager, madame la ministre, sur la date de parution de ce décret, qui ne devrait plus poser de problèmes techniques insurmontables ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est opposé à cet amendement pour des raisons identiques à celles que vient d'exprimer M. le rapporteur. En effet, si je comprends parfaitement l'objectif des signataires de l'amendement, je crains qu'il ne présente un certain nombre d'inconvénients par rapport à la rédaction actuelle de l'article 68 dans la mesure où, effectivement, nous pouvons dorénavant adapter la saisie à la situation familiale et pécuniaire réelle de la famille.
M. le président. Madame Derycke, l'amendement n° 318 est-il maintenu ?
Mme Dinah Derycke. Compte tenu des explications qui viennent d'être données, j'accepte de retirer mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 318 est retiré.
Par amendement n° 284, Mme Dusseau propose de compléter le texte présenté par l'article 68 pour compléter le deuxième alinéa de l'article L. 553-4 du code de la sécurité sociale par les mots : « et en garantissant un niveau de ressources au moins égal au montant du revenu minimum d'insertion correspondant à la composition de la famille. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Comparable à celle de Mme Derycke, ma démarche obéit toutefois à une logique légèrement différente puisque son amendement visait à instituer un pourcentage maximal de saisie, alors que le mien tend à faire en sorte que le montant saisi garantisse néanmoins un plancher de ressources à la famille.
J'ai bien entendu l'argumentation de M. le rapporteur et celle de Mme la ministre. S'il est vraiment acquis que, en tout état de cause, la saisie ne peut pas ramener les ressources de la famille à un niveau inférieur au RMI, compte tenu de la composition de la famille, je serai disposée à retirer mon amendement. Je souhaite donc que Mme la ministre veuille bien m'apporter des assurances sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission rejoint le souhait de Mme Dusseau d'entendre Mme la ministre sur cette question.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. La saisie des prestations familiales est aujourd'hui extrêmement encadrée, et cela dans le souci de prendre en compte les besoins des enfants. C'est ainsi qu'elle peut concerner le remboursement des frais de cantine scolaire non acquittés par les parents ; dans ce cas, il ne s'agit évidemment pas de soustraire purement et simplement telle somme à la famille.
Dès lors, il peut arriver que cette saisie effectuée dans le souci du bien-être des enfants ne permette pas de maintenir pour les personnes concernées des ressources équivalant au RMI.
En tout état de cause, dans la plupart des cas, la rédaction actuelle, puisqu'elle permet de prendre en compte la situation réelle de la famille, est plus avantageuse que le texte que vous proposez, madame Dusseau.
M. le président. Madame Dusseau, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Joëlle Dusseau. Oui, monsieur le président.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 284, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 68.

(L'article 68 est adopté.)

Articles additionnels avant l'article 69



M. le président.
Par amendement n° 319, Mme Cerisier-ben Guiga et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, avant l'article 69, un article additionnel ainsi rédigé :
« A. - I. - Les allocations servies par le fonds d'aide sociale du ministère des affaires étrangères sont indexées sur l'évolution des prix dans chaque pays concerné.
« II. - Il est créé une allocation d'insertion locale qui est versée mensuellement aux personnes en situation d'extrême difficulté durable. L'allocation d'insertion locale se substitue à l'allocation à durée déterminée.
« III. - Un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions d'application des I et II ci-dessus.
« B. - Les pertes de recettes entraînées par l'application des dispositions du paragraphe A ci-dessus sont compensées à due concurrence par l'augmentation des droits sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Le fonds d'aide sociale du ministère des affaires étrangères - 90,7 millions de francs en 1998 - est très insuffisant pour apporter un secours aux Français de l'étranger en situation de détresse.
L'indexation sur l'évolution des prix dans chaque pays permettrait un réajustement de cette aide par rapport au coût de la vie.
Par ailleurs, l'allocation actuellement versée est à « durée déterminée », c'est-à-dire qu'en l'absence de crédits suffisants le ministère des affaires étrangères en interdit la reconduction, même si la situation de l'allocataire ne s'est pas améliorée.
Si cette allocation était conçue comme le substitut du RMI pour les Français résidant à l'étranger, elle serait versée en fonction de la situation réelle du bénéficiaire et serait modifiée selon l'évolution de celle-ci au lieu d'être arrêtée arbitrairement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. A entendre Mme Derycke, il s'agirait de verser aux Français résidant à l'étranger un substitut du RMI lorsqu'ils sont en situation d'extrême difficulté durable.
J'ai déjà eu l'occasion d'expliquer combien nous étions attachés à ce qu'il soit tenu compte de la situation difficile que traversent certains Français de l'étranger à leur retour en France. De même, nous souhaitions que soit respecté le principe de l'accès de tous aux droits de tous, sans stigmatiser telle ou telle catégorie de Français selon sa résidence géographique.
Cela étant, l'amendement soulève quelques problèmes d'ordre pratique : si la solidarité nationale, en l'espèce le budget de l'Etat, assure un RMI à nos ressortissants à l'étranger, il ne serait pas totalement illogique que ces ressortissants contribuent à cette solidarité nationale pour participer fiscalement au financement de cette nouvelle dotation, même si, par ailleurs, ils sont imposés dans le pays où ils résident et où ils travaillent. Cela peut poser des problèmes techniques du point de vue des conventions fiscales.
Mais admettons que l'on fasse abstraction de ce point, car la solidarité nationale est une. Il faut se demander si, dans certains pays, ces ressortissants étrangers n'ont pas droit à une aide sociale de la part du pays d'accueil, tout comme les étrangers résidant sur notre territoire ont droit, au-delà d'un certain délai, au RMI s'ils sont en situation régulière. Tous les pays n'ont pas une protection sociale développée. Cependant, si la France institue le RMI à l'étranger, ces pays, justement, ne vont-ils pas demander que les Français réclament d'abord à la France ce qui serait dû, pour n'intervenir qu'à titre subsidiaire ? Cela pourrait s'avérer fort coûteux, car le dispositif jouerait en Europe aussi bien que dans des pays plus défavorisés.
Enfin, dernière interrogation, que doit-on faire pour les bi-nationaux qui résident à l'étranger ? Ils auraient automatiquement droit, pour une durée illimitée, à l'allocation d'insertion locale, alors que leur souhait n'est pas de s'établir en France. Du point de vue de la bi-nationalité, les effets pervers sont considérables.
Aussi la commission a-t-elle décidée de s'en remettre à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour toutes les raisons que M. le rapporteur a indiquées, il nous paraît difficile, aujourd'hui, d'attribuer l'équivalent du RMI aux Français de l'étranger.
L'attribution du RMI est en effet actuellement soumise à une condition première, la résidence en France, parce qu'elle suppose une connaissance réelle de la situation du demandeur mais aussi parce qu'elle est assortie de la mise en place d'un contrat d'insertion, ce qui n'aurait pas véritablement de sens pour un Français résidant à l'étranger.
Par ailleurs, ainsi que M. le rapporteur l'a souligné, les Français de l'étranger n'étant pas soumis à la fiscalité française, il paraît difficile de prendre en compte une telle proposition.
En revanche, le Gouvernement émettra un avis favorable sur l'amendement n° 323, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 82, qui permet de dresser un bilan de la situation générale des Français à l'étranger.
Nous devrons notamment étudier la question du fonds social du ministère des affaires étrangères, qui peut être mobilisé pour venir en aide à des Français de l'étranger connaissant des difficultés particulièrement graves.
En outre, l'attribution du RMI à des Français résidant à l'étranger poserait d'énormes problèmes en cas de double nationalité.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 319.
M. le président. Monsieur le rapporteur, puis-je en conclure que la commission émet également un avis défavorable ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Oui, monsieur leprésident.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 319, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 377, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 69, un article additionnel ainsi rédigé :
« Lorsque les conditions d'ouverture des droits sont réunies, les minima sociaux sont attribués aux bénéficiaires au premier jour du mois de la demande. »
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement vise à supprimer les conséquences pénalisantes de l'écart qui existe entre la date de la demande et la date de versement des minima sociaux, étant donné que ceux-ci constituent souvent les seules ressources de la famille.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement est bien compréhensible, mais il est sans doute un peu général dans sa rédaction.
Il existe huit sortes de minima sociaux ; il faudrait donc examiner les règles qui s'appliquent à chacun d'eux pour savoir s'il n'existe pas parfois des solutions avantageuses.
Par exemple, pour le RMI, il existe un système d'acomptes et d'avance qui permet de répondre aux problèmes urgents. La question n'est en effet pas tant de verser une mensualité que de verser le minimum social dans un délai rapide.
Il serait souhaitable d'examiner la situation de chaque minimum social avant de s'engager sur cet amendement, dont l'intention est tout à fait louable. Cela étant, la commission souhaiterait, avant de donner son avis définitif, recueillir l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il existe effectivement une distinction selon les minima sociaux ; mais, aujourd'hui, la situation est, dans la réalité, plus favorable que celle qui résulterait de l'amendement proposé.
En effet, pour le revenu minimum d'insertion comme pour l'allocation de parent isolé, c'est d'ores et déjà la date de la demande qui est prise en compte ; en revanche, en ce qui concerne l'allocation d'insertion ou l'allocation de solidarité spécifique, c'est la date à laquelle le droit a été ouvert, que la demande ait ou non été déposée. Par conséquent, on anticipe parfois le versement. Ainsi, une personne qui ne fait sa demande d'allocation spécifique de solidarité que quinze jours après avoir cessé de percevoir ses indemnités de chômage, bénéficiera de l'ASS à compter non pas de la date de sa demande mais de son arrivée en fin de droits.
La réalité aujourd'hui est donc soit conforme à vos souhaits soit plus favorable. Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement, tout en en comprenant l'esprit.
M. le président. Madame Borvo, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 377 est retiré.
Par amendement n° 378, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article 69, un article additionnel ainsi rédigé :
« Au plus tard dans le délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement, après concertation des partenaires sociaux, présentera au Parlement un projet de réforme de l'ensemble des minima sociaux en lien avec la réforme nécessaire du régime de l'assurance chômage dont l'objectif sera notamment de s'assurer qu'aucune personne ne bénéficiera de ressources inférieures au seuil de pauvreté. »
La parole et à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement a pour objet de demander au Gouvernement de présenter au Parlement, après concertation des partenaires sociaux, un projet de réforme de l'ensemble des minima sociaux en liaison avec la réforme nécessaire du régime de l'assurance chômage, dont le but sera, notamment, de s'assurer qu'aucune personne ne bénéficiera de ressources inférieures au seuil de pauvreté. Il s'inscrit dans une volonté de prévoir une étape nouvelle de justice sociale et de progrès dans l'action de la gauche.
Au début du mouvement des chômeurs, vous vous étiez engagée, madame la ministre, à remettre à plat l'ensemble du système d'indemnisation du chômage.
Par ailleurs, Mme Join-Lambert a fait un certain nombre de constats à ce sujet dans son rapport et proposé de nombreuses pistes intéressantes.
Depuis 1984, le chômage est, en quelque sorte, scindé en deux parties. L'assurance chômage reste officiellement à la charge des entreprises, mais le chômage de longue durée est, lui, renvoyé à la responsabilité de l'Etat par le biais de l'ASS et, de plus en plus, du RMI.
N'est-ce pas là une certaine perversion du système ?
Il est significatif que l'instauration de l'allocation unique dégressive se soit traduite par un bond en avant du nombre de bénéficiaires du RMI. Ainsi, on le constate, ce qui a massivement diminué, c'est non pas le chômage, mais le nombre de chômeurs indemnisés.
Cet état de fait ne peut, à notre avis, durer indéfiniment, et c'est pourquoi je vous propose d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commisison ne verrait aucune objection à ce qu'un rapport sur les minima sociaux soit établi pour favoriser une certaine harmonisation et une meilleure cohérence des dispositifs. Sur ce point, elle s'en remettrait donc à la sagesse du Sénat.
Cela étant, demander au Gouvernement de déposer un projet de réforme législative constitue une injonction, et la commission ne peut donc pas suivre les auteurs de l'amendement sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Pour répondre à ce souci de réforme et de meilleure cohérence dans les minima sociaux, le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé un certain nombre de mesures.
Mme Join-Lambert a effectivement bien montré qu'il existait, outre des distorsions entre les minima sociaux, des incohérences et parfois même de véritables trous dans les dispositifs, ce qui pose problème pour les allocataires.
Nous avons donc entamé ce travail de mise en cohérence, qui, d'ailleurs, doit se faire de pair avec celui que nous avons entrepris concernant l'indemnisation du chômage. C'est pourquoi j'ai écrit à la présidente de l'UNEDIC pour lui demander de bien vouloir travailler avec nous, car, ces dix dernières années, les conditions d'entrée dans le dispositif d'indemnisation du chômage ont été extrêmement restreintes, et nombre de personnes ont basculé dans les minima sociaux alors qu'elles auraient eu droit, auparavant, à des indemnités de chômage.
Il nous faut donc considérer les problèmes dans leur ensemble.
Il n'est pas normal que des jeunes parfois au terme de plusieurs contrats à durée déterminée ne puissent avoir droit à l'indemnisation du chômage et se retrouvent effectivement sans ressources. Nous devons donc revoir la cohérence entre ces différents minima sociaux.
Le Gouvernement a déjà pris un certain nombre de décisions. Il s'agit du rattrapage de l'ASS, pour un milliard de francs cette année, à comparer aux pertes de pouvoir d'achat des années passées, ainsi que de l'assurance donnée par le Gouvernement d'indexer sur les prix l'ASS et l'allocation d'insertion, ce qui n'était pas encore le cas, contrairement à ce qui se passe pour les autres minima sociaux.
Par ailleurs, si l'article 82 du projet de loi prévoit un bilan, je pense qu'avant même ce bilan nous aurons pris un certain nombre de décisions sur les minima sociaux à partir des travaux qui sont conduits dans la ligne du rapport de Mme Join-Lambert.
Je vous demande donc, là encore, d'accepter de retirer cet amendement.
M. le président. Madame Borvo, l'amendement n° 378 est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, je retire l'amendement, mais j'attends du Gouvernement qu'il donne effectivement suite à notre demande.
M. le président. L'amendement n° 378 est retiré.

Article 69



M. le président.
« Art. 69. - I. - Au dernier alinéa de l'article L. 351-9 du code du travail, les mots : "à l'exception des taux qui sont fixés par décret" sont remplacés par les mots : "à l'exception du taux de cette allocation, qui est révisé une fois par an en fonction de l'évolution des prix et est fixé par décret". »
« II. - La dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 351-10 du même code est ainsi rédigée :
« Le taux de cette allocation, qui est révisé une fois par an en fonction de l'évolution des prix, est fixé par décret. »
Je suis saisi de deux amendements présentés par Mme Nicole Borvo, M. Guy Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Le premier, n° 379, propose :
A. - Dans le texte présenté par le paragraphe I de cet article pour modifier l'article L. 351-9 du code du travail de remplacer les mots : « en fonction de l'évolution des prix » par les mots : « en fonction de l'évolution du SMIC ».
B. - Pour compenser la perte de ressources résultant des dispositions du A ci-dessus d'insérer, après le paragraphe I de cet article, un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de ressources résultant du remplacement du mode de révision du taux de l'allocation d'insertion est compensée à due concurrence par un relèvement du taux prévu à l'article 978 du code général des impôts. »
Le second, n° 380, vise :
A. - Dans le texte proposé par le paragraphe II de l'article 69 pour modifier l'article L. 351-10 du code du travail, à remplacer les mots : « en fonction de l'évolution des prix » par les mots : « en fonction de l'évolution du SMIC ».
B. - Pour compenser la perte de ressources résultant des dispositions du A ci-dessus, à insérer, après le paragraphe I de cet article, un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de ressources résultant du remplacement du mode de révision du taux de l'allocation d'insertion est compensée à due concurrence par un relèvement du taux prévu à l'article 978 du code général des impôts. »
La parole est à Mme Terrade, pour défendre ces deux amendements.
Mme Odette Terrade. Ces deux amendements, l'un pour l'allocation de solidarité spécifique, l'autre pour l'allocation d'insertion ont un objet commun : indexer l'augmentation de ces minima sur le SMIC, afin d'assurer, d'une part, une évolution au regard du coût de la vie et, d'autre part, la parité entre le niveau de vie du SMIC et celui des bénéficiaires de tels minima, ce qui permettrait de ne pas décrocher les minima sociaux de l'évolution des salaires.
Depuis la création de certains minima sociaux, dans les années quatre-vingt, cela a, malheureusement, trop souvent été le cas.
Permettez-moi, pour appuyer mon propos, de vous citer le dernier rapport du Conseil économique et social, qui constate que « les ressources minimales garanties par le RMI, ainsi que par d'autres minima créés au cours des années quatre-vingt comme l'AI et l'ASS, sont sensiblement inférieures à celles qui sont procurées par les autres minima sociaux dans des situations familiales comparables. Dans le cas du RMI, cet écart est de 30 % pour une personne et dépasse 40 % pour un couple ».
De plus, comme l'a déjà dit Mme Nicole Borvo dans la discussion générale, malgré l'augmentation de 30 % du nombre d'allocataires, les masses financières sont restées strictement égales à 1 % du PIB, pour 10 % de la population. C'est ainsi que près d'un enfant sur dix grandit dans un foyer ayant un revenu inférieur au seuil de pauvreté, soit moins de 5 800 francs pour un couple avec un enfant de moins de quatorze ans et 6 700 francs pour un couple avec deux enfants de moins de quatorze ans.
Pour toutes ces raisons, il serait à la fois juste et nécessaire de prendre des mesures importantes de rattrapage de ces minima. C'est ce que propose notre groupe avec ces deux amendements, que je vous demande, mes chers collègues, d'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 379 et 380 ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises, de se prononcer en faveur de l'indexation sur l'indice des prix - et non pas sur le SMIC - d'un certain nombre de prestations sociales, faisant valoir que l'indice des prix est une donnée constatée, alors que le SMIC peut intégrer une augmentation volontariste qui résulte, elle, d'un choix politique.
C'est pourquoi, ayant adopté une position très générale qui consiste à privilégier l'indexation sur les prix, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements, pour les mêmes raisons que celles qu'a développées M. le rapporteur.
J'ajoute que l'article 69 constitue un progrès, puisqu'il inscrit dans la loi - ce qui n'était pas le cas auparavant - que l'allocation de solidarité spécifique et l'allocation d'insertion sont dorénavant indexées sur les prix. Il convient, pour l'instant, d'en rester là.
M. le président. Madame Terrade, les amendements n°s 379 et 380 sont-ils maintenus ?
Mme Odette Terrade. Nous avons entendu l'appel du Gouvernement ; nous retirons ces deux amendements. Mais nous serons attentifs à l'évolution de la situation.
M. le président. Les amendements n°s 379 et 380 sont retirés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 69.

(L'article 69 est adopté.)

Article additionnel après l'article 69



M. le président.
Par amendement n° 514, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 69, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 9 de la loi n° 91-1407 du 31 décembre 1991 modifiant et complétant les dispositions du code rural et de la loi n° 90-85 du 23 janvier 1990 relatives aux cotisations sociales agricoles et créant un régime de préretraite agricole est ainsi modifié :
« I. - Le I est ainsi rédigé :
« I. - Une allocation de préretraite peut être allouée aux chefs d'exploitation agricole âgés de cinquante-cinq ans au moins, ayant exercé une activité à titre principal pendant une durée fixée par décret, s'ils cessent définitivement leur activité agricole suite à des difficultés économiques ou à de graves problèmes de santé mettant en cause le fonctionnement de leur entreprise et rendant leurs terres et bâtiments d'exploitation disponibles à des fins de restructuration.
« L'allocation de préretraite est servie à l'intéressé jusqu'à l'âge de soixante ans.
« Les agriculteurs remplissant les conditions pour bénéficier de l'allocation de préretraite peuvent en faire la demande à compter du 1er janvier 1998.
« Un décret fixe le montant de cette allocation, ses conditions d'attribution et les obligations de restructuration des terres libérées ainsi que les conditions de cumul avec la poursuite d'activités à temps partiel autres qu'agricoles.
« Cette allocation n'est pas cumulable avec la perception d'un avantage de retraite d'un régime de base, d'une allocation aux travailleurs âgés servie, en application de l'article L. 322-4 du code du travail ou d'un revenu de remplacement servi en application de l'article L. 351-2 de ce code.
« Un décret fixe les conditions particulières de restructuration pour les départements d'outre-mer.
« II. - Dans la seconde phrase du second alinéa du III, les mots : "l'année 1995" sont remplacés par les mots : "l'année 1998".
« III. - Le IV est ainsi rédigé :
« IV. - L'allocation de préretraite versée aux agriculteurs contraints de cesser leur activité par suite de difficultés financières ou de graves problèmes de santé, qui ont déposé leur demande depuis le 1er janvier 1998, n'est pas saisissable par les créanciers des bénéficiaires quels qu'ils soient. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Après la venue à échéance, au 14 octobre 1997, du mécanisme de préretraite introduit par la loi du 31 décembre 1991 pour les agriculteurs en difficulté, il est nécessaire de permettre, par une nouvelle mesure, la cessation d'activité pour des motifs d'ordre économique et social.
A la différence du dispositif précédent, qui avait un caractère général et permettait le remplacement des générations à un coût relativement élevé - 60 000 départs pour 3 milliards de francs en cinq ans - le dispositif aujourd'hui proposé s'adresse aux agriculteurs âgés de cinquante-cinq ans à soixante ans touchés par des difficultés économiques ou par de graves problèmes de santé mettant en cause le fonctionnement de leur exploitation.
Cette mesure à caractère économique et social est ouverte en 1998. Son financement sera prévu dans le projet de loi de finances initial pour 1999 et concerne 1 000 agriculteurs par an. Le coût de cette mesure est de 40 millions de francs, dont la moitié est prise en charge par le fonds d'aménagement des structures agricoles et la moitié par le fonds européen d'orientation et de garantie agricole-garantie, le FEOGA-garantie, dans le cadre du règlement de la Commission du 30 juin 1992.
S'agissant d'une mesure sociale qui sera appréciée au cas par cas, dans des conditions fixées par décret et avec l'accord du ministère de la justice, l'allocation de préretraite versée par le CNASEA, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, n'est pas saisissable par les créanciers des bénéficiaires, quels qu'ils soient. Les terres libérées à l'occasion de cette cessation d'activité seront prioritairement destinées à l'installation des jeunes bénéficiant des aides prévues à cet effet.
Le dispositif est ouvert aux chefs d'exploitation âgés de cinquante-cinq ans à soixante ans ayant exercé à titre principal pendant les dix années précédentes. Le bénéfice de la réversion est accordé au conjoint survivant âgé de cinquante ans à cinquante-cinq ans à la date de décès du titulaire de la préretraite.
L'allocation comporte un forfait de 36 000 francs par an pour le conjoint survivant, versé trimestriellement jusqu'à son cinquante-cinquième anniversaire.
Les dossiers pourront être retirés à l'association départementale pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles.
Cela dit, j'ai bien conscience, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous avoir exposé non seulement l'amendement du Gouvernement, mais aussi les décrets et la circulaire d'application ! Je pense que les agriculteurs concernés pourront nous en savoir gré ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Un mécanisme de préretraite agricole avait été mis en place par la loi du 31 décembre 1991. Il avait une finalité avant tout économique et provisoire. Il a pris fin au 15 octobre 1997, après avoir concerné 60 000 personnes.
Le présent amendement tend à instaurer un régime de préretraite permanent pour les chefs d'exploitation âgés de cinquante-cinq ans au moins, en cas de difficultés économiques ou de graves problèmes de santé. La finalité est, ici, sociale.
L'amendement vise, en fait, à donner une base législative au décret n° 98-311 du 23 avril 1998 relatif à « la mise en oeuvre d'une mesure de préretraite pour les agriculteurs en difficulté », complété par la circulaire du 28 avril 1998. Ce décret donne déjà toutes les conditions d'application de la mesure présentée.
Ce nouveau régime de préretraite devrait effectivement concerner 1 000 personnes par an, pour un coût de 40 millions de francs, pris en charge pour moitié par le budget du ministère de l'agriculture et pour moitié par le FEOGA-garantie.
Le projet de loi de lutte contre les exclusions est apparu comme le seul vecteur législatif possible à court terme. La loi d'orientation agricole était, à mon avis, un bien meilleur vecteur au plan des principes, mais elle ne sera pas adoptée avant la fin de l'année. La procédure est, du reste, tout à fait étonnante, puisque ce mécanisme a déjà été créé par décret.
Sous le bénéfice de ces observations de forme, étant entendu que l'objectif poursuivi semble consensuel, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 514, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 69.

Article 69 bis



M. le président.
« Art. 69 bis . - Dans le cadre de la mise en oeuvre du droit au transport, une concertation entre l'Etat, les régions, les départements, les communes, les associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce et les directeurs d'entreprise de transport sera engagée, dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, sur la mise en oeuvre de mécanismes d'aide aux chômeurs en fin de droits et aux demandeurs d'emploi de moins de vingt-six ans leur permettant l'accès aux transports collectifs.
« Le financement de ces mesures reposera sur la modulation des tarifs. »
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Bien entendu, nous voterons l'article 69 bis introduit à l'Assemblée nationale sur l'initiative des groupes socialiste et communiste. Il vise à initier une concertation entre l'Etat, les régions, les ASSEDIC et les directeurs d'entreprise de transport pour ouvrir un droit aux transports collectifs au bénéfice de deux catégories de demandeurs d'emploi.
Lors des consultations que nous avons menées pour préparer ce projet de loi, beaucoup se sont exprimés, et à de nombreuses reprises, pour que l'on mette fin en quelque sorte à l'exclusion des transports et pour que l'on adopte une solution de gratuité. Cet article 69 bis apporte un début de réponse au problème.
Cela étant, si diverses catégories d'usagers de la SNCF bénéficient de réductions, chacun le sait, les personnes privées d'emploi sont les seules à ne pouvoir prétendre à une quelconque réduction, alors que ce moyen de transport leur est quelquefois nécessaire, en tout cas utile, que ce soit pour se rendre à un entretien, à diverses convocations, ou tout simplement pour satisfaire leurs besoins légitimes de déplacement.
Pour que l'accès à ce type de transport soit ouvert, une réflexion devrait s'engager, en partenariat avec la SNCF.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 69 bis.

(L'article 69 bis est adopté.)

Article 70



M. le président.
L'article 70 a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Article 71



M. le président.
« Art. 71. - L'article 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« En vue d'assurer le respect du droit à une vie familiale des membres des familles accueillies dans les établissements ou services mentionnés aux 1° et 8° ci-dessus, ces établissements ou services doivent rechercher une solution évitant la séparation de ces personnes ou, si une telle solution ne peut être trouvée, établir, de concert avec les personnes accueillies, un projet propre à permettre leur réunion dans les plus brefs délais, et assurer le suivi de ce projet jusqu'à ce qu'il aboutisse.
« Dans ce but, chaque schéma départemental des centres d'hébergement et de réinsertion sociale évalue les besoins en accueil familial du département et prévoit les moyens pour y répondre. » - (Adopté.)

Articles additionnels après l'article 71



M. le président.
Par amendement n° 93, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, après l'article 71, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le second alinéa de l'article 375-7 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le juge peut indiquer que le lieu de placement de l'enfant doit être recherché afin de faciliter, autant que possible, l'exercice du droit de visite par le ou les parents. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Les décisions de placement d'enfants, qui sont parfois prises lorsque les familles, entraînées dans la spirale de l'exclusion, traversent de très graves difficultés sont souvent extrêmement mal vécues par les parents qui sont légitimement attachés au fait de garder un contact avec leurs enfants. La présence de ces derniers est ressentie comme un élément stimulant pour rechercher une réinsertion rapide.
Il paraît utile de préciser, et c'est l'objet de cet amendement, que le juge des enfants, lorsqu'il prend sa décision, peut mentionner qu'il convient de faciliter autant que possible l'exercice du droit de visite.
Avertis par l'instance judiciaire, les services de l'aide sociale à l'enfance pourront veiller, dans toute la mesure possible, c'est-à-dire sur le plan de la réalité physique, à ce que le lieu de placement de l'enfant ne l'éloigne pas trop de ses parents.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le maintien des liens familiaux, sauf dans le cas où cela se révélerait préjudiciable à l'intérêt de l'enfant, est en effet excessivement important, et d'ailleurs activement recherché par l'ensemble des professionnels de la protection de l'enfance. Je peux même dire que c'est une pratique quasi généralisée chez les juges, mais il est bon d'en affirmer le principe dans la loi. Aussi le Gouvernement émet-il un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 93, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 71.
Par amendement n° 447, MM. Darniche, Durand-Chastel, Habert, Maman proposent d'insérer, après l'article 71, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En vue d'assurer le respect du droit à une vie familiale des membres des familles accueillies dans les établissements ou services mentionnés aux 1° et 8° ci-dessus, ces établissements ou services doivent rechercher une solution évitant la séparation de ces personnes ou, si une telle solution ne peut être trouvée, établir, de concert avec des personnes accueillies, un projet propre à assurer leur réunion dans les plus brefs délais. »
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Cet amendement a pour objet d'organiser un accueil groupé des familles dans les établissements sociaux. La mère, le père et les enfants se verront proposer un projet d'accueil groupé visant à prévenir les séparations et l'éclatement qui pouvaient, jusqu'à présent, résulter de simples raisons administratives ou, parfois, de l'absence d'équipements adaptés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Les auteurs de l'amendement souhaitent modifier l'article 3 de la loi du 30 juin 1975, qui vient lui-même d'être modifié par le Sénat à la suite de l'adoption de l'article 71 du présent projet de loi. Il y aurait donc une contradiction à adopter maintenant l'amendement n° 447.
Cela étant dit, sur le fond, cet amendement vise à rétablir la rédaction de l'article 6 de l'ancien projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale, s'agissant du respect de la vie familiale pour les personnes accueillies en centre d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS.
A cet égard, la nouvelle rédaction proposée sur cette question par l'article 71 apparaît meilleure. On y indique qu'il faut chercher, pour les familles concernées, « un projet propre à permettre leur réunion dans les plus brefs délais » et, ce qui est nouveau, qu'il faut « assurer le suivi de ce projet jusqu'à ce qu'il aboutisse ». Une telle formulation semble garantir un suivi pour que l'objectif soit atteint dans les meilleurs délais.
L'amendement que M. Barrot avait proposé pour rétablir le texte de son projet de loi a été retiré à l'Assemblée nationale. C'est pourquoi, tout en comprenant bien l'esprit qui a animé les auteurs de l'amendement n° 447, je considère que la législation, qui a d'ailleurs été adoptée par l'actuel article 71, va plus loin et nous paraît plus efficace. Il serait donc intéressant et opportun de retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Même avis, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 447 est-il maintenu ?
M. Jacques Habert. Je n'ai pas compris pourquoi M. le rapporteur considère qu'« il serait intéressant de retirer l'amendement ». En effet, nous rétablissons une rédaction qui existait précédemment, mais qui, vous en êtes convenu, monsieur le rapporteur, est meilleure.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. le rapporteur a dit exactement ce que le Gouvernement pense, à savoir que la nouvelle rédaction est meilleure que l'ancienne. C'est la raison pour laquelle j'ai dit : « même avis ». J'aurais dû préciser : « avec les mêmes arguments ».
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. M. Barrot lui-même avait proposé cet amendement à l'Assemblée nationale, mais il l'a retiré devant l'évolution de la législation que nous sommes en train d'établir.
M. Hubert Durand-Chastel. Dans ces conditions, nous retirons cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 447 est retiré.
Par amendement n° 448, MM. Darniche, Durand-Chastel, Habert, Maman proposent d'insérer, après l'article 71, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les caisses d'allocations familiales et les caisses de mutualité sociale agricole peuvent, au titre de leur action sociale, apporter leur soutien aux actions de nature à favoriser la vie familiale, notamment aux actions de conseil et de médiation en matière familiale. »
La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Cet amendement vise à organiser, dans les cas de fugue d'enfant, de conflit familial et de risque de rupture, des actions de médiation familiale pour prévenir la séparation ou le divorce, ou pour s'entendre sur des lieux de visites enfants-parents.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement reprend le contenu de l'article 8 de l'ancien projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale. Après réflexion, cet amendement n'avait pas été proposé par la commission afin de ne pas porter atteinte à l'autonomie de gestion de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, par les partenaires sociaux, conformément au souhait exprimé par les responsables de cette branche, que nous avons reçus et qui souhaitent affecter, en toute liberté, les fonds d'action sociale en fonction des besoins constatés.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je souhaite le retrait de cet amendement, tout en en partageant les propositions et, je dirai même, en allant au-delà.
L'Etat a signé un accord avec la CNAF, qui prévoit effectivement que, pour les années 1997 à 2000, les caisses d'allocations familiales développeront leurs interventions dans le domaine de la médiation familiale. Il s'agit donc aujourd'hui de l'un des éléments des dépenses du fonds d'action sociale de la CNAF, que nous allons d'ailleurs abonder cette année.
Toutefois, je souhaite préciser que, au-delà des CAF, d'autres institutions, comme les centres communaux d'action sociale, les CCAS, interviennent pour mettre en place des lieux de médiation familiale, des lieux de rencontres parents-enfants. Le Gouvernement lui-même a annoncé vendredi dernier, lors de la conférence sur la famille, que, dans les deux années à venir, il affecterait 200 millions de francs à l'accroissement du nombre de lieux de rencontres parents-enfants.
Aussi, je crains que cet amendement, qui donne à penser que seules les caisses d'allocations familiales et les caisses de mutualité agricole mettent en place ce type de lieu, ne soit restrictif par rapport à une pratique que nous souhaitons tous voir développer - sur ce point je vous rejoins.
Je vous demande donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 448, est-il maintenu ?
M. Jacques Habert. Nous prenons note, madame la ministre, des précisions que vous venez de donner. J'observe, en particulier, non seulement que vous approuvez nos propositions, mais que vous souhaitez aller au-delà. Vous avez bien voulu énumérer vos intentions à cet égard, et même les chiffrer. Nous vous en remercions. Dans ces conditions, nous retirons l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 448 est retiré.

Article 72



M. le président.
« Art. 72. - La loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion est ainsi modifiée :
« 1° L'article 43-5 est ainsi rédigé :
« Art. 43-5 . - Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières du fait d'une situation de précarité a droit à une aide de la collectivité pour accéder ou pour préserver son accès à une fourniture d'eau, d'énergie et de services téléphoniques.
« Le maintien de la fourniture d'énergie et d'eau est garanti en cas de non-paiement des factures jusqu'à l'intervention du dispositif prévu à l'article 43-6. » ;
« 2° Au premier alinéa de l'article 43-6, les mots : "d'électricité et de gaz" sont remplacés par les mots : "d'eau, d'électricité et de gaz" ;
« 3° Le deuxième alinéa et le troisième alinéa de l'article 43-6 sont ainsi rédigés :
« Ce dispositif fait l'objet de conventions nationales passées entre l'Etat, Electricité de France, Gaz de France et les distributeurs d'eau, définissant notamment le montant et les modalités de leurs concours financiers respectifs.
« Dans chaque département, des conventions sont passées entre le préfet, les représentants d'Electricité de France, de Gaz de France et des distributeurs d'eau et, le cas échéant, avec les collectivités territoriales ou les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, les organismes de protection sociale et les associations de solidarité. Elles déterminent notamment les conditions d'application des conventions nationales et les actions préventives et éducatives en matière de maîtrise d'énergie ou d'eau. »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Le Sénat a adopté conforme, en séance publique, le 9 avril dernier, le dispositif de l'allocation spécifique d'attente pour les chômeurs âgés de moins de soixante ans et ayant versé quarante annuités de cotisations au titre de l'assurance vieillesse. Depuis, à ma connaissance, le décret d'application n'est toujours pas paru et les chômeurs concernés s'inquiètent de la situation. Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter quelques précisions sur l'évolution de ce dossier ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je comprends que M. le rapporteur ne lise pas le Journal officiel le week-end (Sourire), mais le décret a été publié au Journal officiel du vendredi 12 juin !
La loi est effectivement datée du 17 avril, mais il a fallu passer par le conseil d'administration de la CNAF - c'était une obligation - avant de transmettre le décret au Conseil d'Etat. La procédure a été engagée tout de suite après l'adoption de la loi. Le décret est paru, je le répète, le 12 juin. C'est une bonne chose pour ceux qui l'attendaient.
M. le président. Par amendement n° 476 rectifié, MM. Bohl, Machet et Blaizot proposent de rédiger comme suit le premier alinéa du texte présenté par le 3° de l'article 72 pour les deuxième et troisième alinéas de l'article 43-6 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion :
« Ce dispositif fait l'objet de conventions nationales passées entre l'Etat et les opérateurs assurant la distribution en réseau de l'eau et de l'énergie : les conventions concernées définissent notamment le montant et les modalités de leurs concours financiers respectifs. »
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Cet amendement a pour objet d'associer tous les acteurs intéressés au règlement des difficultés que rencontrent les personnes en situation de précarité pour accéder ou préserver leur accès à la fourniture d'eau et des différentes énergies distribuées.
En effet, la distribution en réseau concerne tous les opérateurs et toutes les énergies. L'amendement que nous présentons inclut donc dans la liste des entreprises ou collectivités passant des conventions nationales avec l'Etat les entreprises locales de distribution de gaz, d'électricité et tous les distributeurs de chaleur.
Cette rédaction présente l'intérêt d'inscrire de façon expresse dans la loi la possibilité pour tous les concessionnaires, fermiers ou établissement public industriel et commercial de participer au dispositif d'aide aux personnes en situation précaire, institué par le présent projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le dispositif des conventions nationales aux distributeurs d'énergie en réseau, c'est-à-dire, selon les auteurs de l'amendement, aux distributeurs de chaleur.
Le principe de ces conventions nationales, déjà passées avec les représentants d'EDF, de GDF ou les distributeurs d'eau, est de prévoir une concertation préalable afin de définir les concours financiers qui seront apportés par chacun.
S'agissant des réseaux de chaleur, qui relèvent souvent de régies municipales, nous n'avons pas connaissance des négociations en cours, ce qui n'exclut pas l'existence de dispositions. Sur ce point, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Si vous le permettez, monsieur le président, je donnerai l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements qui ont été présentés sur l'article 72, car ils participent tous du même esprit.
M. le président. Je vous en prie, madame le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ces amendements ont en effet pour objet d'associer tous les acteurs intéressés au règlement des problèmes des personnes qui rencontrent des difficultés pour payer leur facture d'eau et d'énergie. En fait, si l'objectif est louable, l'adoption de ces amendements conduirait à la non-application du dispositif prévu par l'article 72.
En effet, le Gouvernement souhaite officialiser un dispositif qui existe déjà, et qui s'est d'ailleurs traduit par la signature de deux chartes au niveau national et par une déclinaison sous la forme de conventions à l'échelon départemental.
Deux conventions ont donc été signées au niveau national.
La première, avec les représentants d'EDF et de GDF, porte sur l'énergie. Il n'a pas été jugé souhaitable d'élargir les signataires dans un domaine où il existe un quasi-monopole, à plus de 95 %.
La seconde a été conclue avec les représentants des distributeurs d'eau, à savoir le syndicat professionnel des entreprises de service d'eau, la Fédération nationale des collectivités concédantes en régie et l'Association des maires de France. Ouvrir à l'ensemble des distributeurs d'eau la signature de cette convention conduirait à demander à quelque quinze mille distributeurs d'eau leur approbation alors que, à l'échelon local, le souhait exprimé risquerait, eu égard au morcellement communal, de rendre dans les faits extrêmement difficile la mise en place du dispositif.
Ce dispositif, je le rappelle - et c'est l'objet des deux conventions - vise à ce qu'aucune coupure d'eau, d'électricité ou d'énergie ne soit réalisée avant qu'un contact et qu'un accord aient eu lieu avec la personne concernée pour essayer de lisser les dettes. Lorsque l'accord n'a pas lieu, ou lorsqu'il est difficile à l'intéressé de remplir ses obligations, il doit y avoir saisie obligatoire du préfet et de la structure d'urgence sociale que nous mettons en place pour trouver une solution avant une éventuelle coupure, dans des cas de mauvaise foi.
Par conséquent, toutes les procédures qui sont mises en place visent à trouver des recours avant une coupure éventuelle, et donc à éviter dans la quasi-totalité des cas, sauf en cas de mauvaise foi, ces coupures d'eau, d'électricité et d'énergie qui concernent des éléments sans lesquels on ne peut pas dire que l'on puisse vivre.
C'est donc l'objet des conventions. Je crois souhaitable de rester dans cette logique contractuelle, puisque l'ensemble des fournisseurs d'énergie et d'eau ont accepté d'entrer dans ces logiques, notamment les syndicats professionnels, qui se sont constitués, j'y ai d'ailleurs contribué, au début de l'année dernière pour essayer de faire en sorte qu'il y ait une convention collective dans ce secteur qui aujourd'hui n'en a pas. Nous devons continuer sous cet élément contractuel.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 476 rectifié, comme sur les autres amendements déposés à l'article 72.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission sur l'amendement n° 476 rectifié ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 476 rectifié.
M. Charles Descours. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. J'ai bien écouté Mme la ministre. Je n'ai néanmoins pas très bien compris ce qui se passera dans les villes, telles la mienne et Strasbourg, je crois, ayant des régies ou des sociétés d'économie mixte distributrices de gaz et d'électricité. Ce ne sont pas des petites villes. Les chômeurs et les personnes menacées d'expulsion risquent-ils de ne pas être soumis au même régime que ceux qui sont desservis par EDF ? Je voudrais que Mme la ministre nous apporte des précisions sur ce point.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je comprends parfaitement la position de Mme la ministre, mais je crois que M. Descours soulève un point important.
L'article 72, qui est un texte amélioré, fait référence aux distributeurs d'eau - ils sont plusieurs - mais à un seul distributeur d'électricité et de gaz.
Comme cela ne correspond pas à la réalité, je considère qu'il faut modifier l'article...
M. Charles Descours. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... afin de préciser que, sur le plan départemental, des conventions peuvent - ce n'est pas une obligation - être conclues avec les distributeurs d'électricité, de gaz et d'eau.
Les dispositions applicables à l'eau doivent l'être aussi aux autres sources d'énergie.
M. Charles Descours. Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. En effet, si nous nous en tenons à EDF et à GDF, certaines villes seront à l'écart de ce dispositif.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je veux ajouter aux remarques tout à fait pertinentes faites à l'instant par notre collègue Charles Descours et par M. le président de la commission des affaires sociales que l'amendement qui me paraît de nature à répondre au mieux à notre attente est certainement l'amendement n° 246 de la commission des finances, que nous allons examiner dans un instant.
J'ajouterai, pour compléter ce qui a été excellemment dit par nos collègues, qu'il faudra se préoccuper non seulement de la prise en compte des collectivités ou des groupements de collectivités gérant en régie le service de l'eau, voire l'électricité à travers les SICAE, les sociétés d'intérêt collectif agricole pour l'électrification, mais aussi - je ne doute d'ailleurs pas que M. le rapporteur pour avis de la commission des finances y ait veillé - de la juste compensation, de la part de l'Etat, des charges que représentera, pour les collectivités gérant les services en régie, la contribution financière alimentant le fonds pour couvrir la situation précaire dans laquelle se trouvent nombre de familles.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, nous discutons actuellement de l'amendement n° 476, qui porte sur le premier alinéa de l'article 72, c'est-à-dire sur les conventions nationales.
Or, le problème soulevé par M. le président de la commission des affaires sociales vise le deuxième alinéa de l'article 72, sur lequel je ferai une proposition tout à l'heure.
Par conséquent, s'agissant du premier alinéa de l'article 72 et de l'amendement n° 476 rectifié, sur lequel le Gouvernement a émis un avis défavorable, il n'y a pas de problème, je crois.
M. Jacques Machet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, je retire l'amendement n° 476 rectifié, au profit de l'amendement de la commission des finances.
M. le président. L'amendement n° 476 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 246 M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose de rédiger comme suit la première phrase du second alinéa du texte proposé par le 3° de l'article 72 pour modifier le deuxième et le troisième alinéas de l'article 43-6 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion :
« Dans chaque département, des conventions sont passées entre le représentant de l'Etat, les représentants d'Electricité de France, de Gaz de France, chaque distributeur d'eau ou chaque collectivité territoriale ou groupement de collectivités concerné et, le cas échéant, avec chaque centre communal ou intercommunal d'action sociale, les organismes de protection sociale et les associations de solidarité. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° 478 rectifié, présenté par MM. Bohl, Machet etBlaizot, et tendant, dans le texte proposé par l'amendement n° 246, à remplacer les mots : « d'Electricité de France, de Gaz de France, chaque distributeur d'eau », par les mots : « des opérateurs assurant la distribution en réseau de l'eau et de l'énergie ».
Par amendement n° 477 rectifié, MM. Bohl, Machet et Blaizot proposent, dans le second alinéa du texte présenté par le 3° de l'article 72 pour les deuxième et troisième alinéas de l'article 43-6 de la loi n° 88-1088, de remplacer les mots : « d'Electricité de France, de Gaz de France, et des distributeurs d'eau » par les mots : « des opérateurs assurant la distribution en réseau de l'eau et de l'énergie ».
Par amendement n° 449, MM. Darniche et Maman proposent, à la fin de la première phrase du second alinéa du texte présenté par l'article 72 pour remplacer les deuxième et troisième alinéas de l'article 43-6 de la loi n° 88-1088, de remplacer les mots : « les associations de solidarité » par les mots : « les associations familiales, de solidarité, et de consommateurs ».
La parole est à M. Oudin, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 246.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. L'article 72 vise à modifier la loi de décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion et à étendre aux distributeurs d'eau le principe de non-coupure, dans l'attente de la mise en jeu des mécanismes d'aide pour les personnes défavorisées. Il prévoit, en particulier, un dispositif de convention départementale, ainsi que vous nous l'avez expliqué, madame le ministre.
Toutefois, comme l'a indiqué M. Descours, la question est de savoir qui supportera la charge finale du non-paiement de ces prestations. En matière d'eau, en fonction d'ailleurs des contrats de distribution d'eau, il se peut qu'au moins les deux tiers de la charge finale du non-paiement se portent sur les collectivités locales distributrices d'eau, lesquelles auront ainsi à supporter l'essentiel du coût des abandons de créances, ce qui n'est pas le cas pour l'électricité ou pour le gaz, à l'exception peut-être des sociétés d'économie mixte, dont je connais mal le fontionnement.
Par conséquent, l'amendement n° 246 vise à permettre à chaque collectivité territoriale concernée d'être partie prenante aux conventions départementales, sans toutefois que cette participation soit obligatoire.
Une telle disposition est, je crois, fidèle à la tradition que nous maintenons d'éviter les transferts de charges sans l'avis des collectivités territoriales concernées.
M. le président. La parole est à M. Machet, pour défendre le sous-amendement n° 478 rectifié et l'amendement n° 477 rectifié.
M. Jacques Machet. Le sous-amendement n° 478 rectifié a pour objet d'associer l'ensemble des opérateurs assurant la distribution d'eau et d'énergie au dispositif d'aide aux personnes en situation de précarité.
Quant à l'amendement n° 477 rectifié, c'est un texte de coordination.
M. le président. La parole est à M. Maman, pour défendre l'amendement n° 449.
M. André Maman. L'article 72 du projet de loi vise à renforcer et à élargir les dispositions de la loi du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion portant sur l'accès à une fourniture minimum d'eau et d'énergie.
Comme les associations de solidarité, les associations de consommateurs et les associations familiales, en tant que partenaires dans l'économie et représentants des consommateurs individuels et des intérêts des familles, doivent être également partie prenante des conventions nationales et des actions préventives et éducatives en matière de maîtrise d'énergie ou d'eau.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 246 et le sous-amendement n° 478 rectifié, ainsi que sur les amendements n° 477 rectifié et 449 ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. J'ai entendu Mme la ministre dire qu'elle était susceptible de faire des propositions. Je souhaiterais donc entendre l'avis du Gouvernement avant de donner la position de la commission.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 246 et le sous-amendement n° 478 rectifié, ainsi que sur les amendements n°s 477 rectifié et 449 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. S'agissant de l'amendement n° 246, je comprends bien le souhait de M. le rapporteur pour avis, que je partage totalement. Je voudrais néanmoins que la rédaction de cet amendement traduise bien de ce que nous souhaitons.
L'amendement n° 246 fait référence à « chaque collectivité territoriale ou groupement de collectivités concerné », et vous avez dit souhaiter, monsieur Oudin, que chaque collectivité territoriale, si elle le désirait, puisse être partie prenante à ces conventions.
Je ne voudrais pas que la rédaction donne l'impression que toutes les collectivités territoriales sont obligées, même si elles ne le veulent pas, de signer la convention.
Je propose donc, pour répondre au souci de M. le président de la commission des affaires sociales, de rédiger ainsi le texte proposé par l'amendement n° 246 : « Dans chaque département, des conventions sont passées entre le représentant de l'Etat, les représentants d'Electricité de France, de Gaz de France, chaque distributeur d'énergie ou d'eau » - ce ne sont pas les mêmes, d'ailleurs - « et, s'il le souhaite, chaque collectivité territoriale ou groupement de collectivités concerné et, le cas échéant, avec chaque centre communal », le reste sans changement.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ainsi, nous répondons à toutes les questions soulevées sans imposer une obligation aux collectivités locales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Très bonne solution !
M. le président. Monsieur Oudin, que pensez-vous de la suggestion de Mme le ministre ?
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Je me rallie à la formulation suggérée par Mme le ministre, et je rectifie donc l'amendement n° 246 en ce sens.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 246 rectifié, présenté par M. Oudin, au nom de la commission des finances, et tendant à rédiger comme suit la première phrase du second alinéa du texte proposé par le 3° de l'article 72 pour modifier le deuxième et le troisième alinéas de l'article 43-6 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion :
« Dans chaque département, des conventions sont passées entre le représentant de l'Etat, les représentants d'Electricité de France, de Gaz de France, chaque distributeur d'énergie ou d'eau et, s'il le souhaite, chaque collectivité territoriale ou groupement de collectivités concerné et, le cas échéant, avec chaque centre communal ou intercommunal d'action sociale, les organismes de protection sociale et les associations de solidarité. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cette proposition. Elle était déjà favorable à l'amendement initial, qui semble ainsi perfectionné.
M. Jacques Machet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Compte tenu de la rectification de l'amendement n° 246, je retire le sous-amendement n° 478 rectifié et l'amendement n° 477 rectifié, qui sont satisfaits.
M. le président. Le sous-amendement n° 478 rectifié et l'amendement n° 477 rectifié sont retirés.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 449 ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La mention des associations familiales et des associations de consommateurs semble intéressante.
Mais je voudrais attirer l'attention des auteurs de l'amendement sur le fait que, dans le dispositif actuel, les associations de solidarité sont présentes parce qu'elles contribuent au financement du système.
Je voudrais donc être sûr que les auteurs de l'amendement sont en parfait accord avec les associations familiales, les associations de solidarité et les associations de consommateurs. En effet, le fait d'inclure ces associations dans le dispositif risque de les amener à contribuer financièrement au fonctionnement du système. Je ne voudrais pas leur imposer d'entrer dans une mécanique qui aurait sur leur responsabilité financière des conséquences qu'elles n'ont peut-être pas mesurées au départ.
Avant de me prononcer, je souhaiterais recueillir l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je partage le souci exprimé par M. le rapporteur. L'article 72 concerne essentiellement des conventions passées avec les financeurs. Un certain nombre d'associations de solidarité, comme le Secours catholique, par exemple, participent à ces financements. Il n'en est pas de même pour les associations familiales, les associations de solidarité et les associations de consommateurs. Il ne serait pas sain de les intégrer dans le système, car cela donnerait l'impression que nous souhaitons leur imposer une partie du financement. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Maman, l'amendement n° 449 est-il maintenu ?
M. André Maman. A la suite des explications fournies par M. le rapporteur et par Mme la ministre, je constate que nous n'avons peut-être pas tout à fait réfléchi aux implications financières que le dispositif proposé pourrait entraîner. Par conséquent, je préfère retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 449 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 246 rectifié.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. J'ai dit tout à l'heure que l'amendement n° 246, présenté par M. Oudin, me paraissait le mieux répondre à nos préoccupations. Néanmoins, avant de me déterminer définitivement sur cet amendement, j'aimerais qu'un point soit éclairci.
Lors de la réunion de la commission des affaires sociales, j'avais interrogé Mme la ministre sur le financement des aides exceptionnelles qui seront apportées aux familles en situation d'exclusion, c'est-à-dire les familles qui seraient menacées de coupures d'électricité et d'eau parce qu'elles n'honorent pas leurs factures.
La question était de savoir qui supporterait le poids des dépenses financées par la collectivité. J'ai cru comprendre, dans la réponse de Mme la ministre, que les collectivités locales n'avaient pas de souci à se faire, car c'est bien la solidarité nationale qui jouerait, avec le concours d'EDF lorsqu'il est fournisseur d'électricité, et que c'est dans le cadre de ce fonds que l'ensemble des dépenses seraient couvertes.
Or, la rédaction de l'amendement n° 246 rectifié me laisse à penser que, en définitive, les communes qui auront un service en régie, qu'elles soient seules ou qu'elles se situent dans un cadre intercommunal, devront en définitive supporter le poids de la charge de ces impayés. En conséquence, il n'y aura pas de compensation.
Nous allons donc nous trouver confrontés, sur le territoire national, à des situations très disparates. Autant le poids de cette charge sera supportable et assez bien réparti lorsque le service sera géré par une société d'économie mixte ou par une structure intercommunale comprenant plusieurs dizaines de communes, autant, dans le cas d'une commune rurale peu peuplée qui gère son service en régie, par exemple, pour peu que cette commune compte sur son territoire plusieurs familles exclues, il en résultera pour les autres habitants une charge disproportionnée.
Je tenais simplement à attirer l'attention du Gouvernement et de nos différents rapporteurs sur ce point. Il faudra en mesurer les conséquences à terme, car elles pourraient être dommageables pour un certain nombre de collectivités et mettre en cause la liberté des collectivités de gérer en régie ou non : ce serait là une mesure incitative forte à quitter la régie pour entrer dans un autre système !
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Oudin, rapporteur pour avis.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Notre collègue Alain Vasselle n'a pas tort. Cela étant, si l'on est en régie, en fermage ou en gérance, en cas de non-paiement, on supporte la charge finale : le comptable qui ne peut récupérer telle ou telle facture la met en non-valeur.
La situation nouvelle diffère dans la mesure où, avant, la coupure était autorisée alors que, maintenant, c'est le maintien qui prévaut. La charge peut donc s'accroître, ce qui n'est pas négligeable.
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité que, le cas échéant, les collectivités territoriales - et, de toute façon, les distributeurs concernés - soient parties prenantes à la convention pour au moins cadrer le dispositif.
Il n'en demeure pas moins vrai qu'il reviendra à quelqu'un de payer la charge. Si les fournitures et les prestations sont maintenues, elles peuvent cependant l'être à un niveau minimal, à un kilowattheure, par exemple, voire à trois si le chauffage est électrique, et il peut en aller de même pour l'eau. Quelles que soient les adaptations choisies, la charge ne sera donc pas énorme pour les collectivités locales.
En tout état de cause, il me paraît nécessaire que ces dernières soient parties prenantes dans le dispositif.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais préciser la pensée de M. le rapporteur avec des données chiffrées.
En ce qui concerne EDF-GDF, la convention nationale a été appliquée dans quasiment tous les départements. En 1998, EDF-GDF a ainsi porté son financement de 40 à 75 millions de francs, et l'Etat a contribué à la dépense pour 15 millions de francs. D'autres financeurs interviennent, d'ailleurs : les CAF, les ASSEDIC, les départements et les communes peuvent participer à ces dépenses. Donc, rien, dans le projet de loi, n'accroîtra la charge des collectivités locales sans leur accord.
En ce qui concerne l'eau, le fonds de solidarité pour le logement prend en charge les factures, pour un montant de l'ordre de 20 millions de francs. Là aussi, l'Etat contribue donc à prendre en charge les difficultés éprouvées par les catégories les plus défavorisées.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 246 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 72, ainsi modifié.

(L'article 72 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 72



M. le président.
Par amendement n° 381, Mme Borvo, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 72, un article additionnel ainsi rédigé :
« La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 9 de la loi n° 88-1088 relative au revenu minimum d'insertion est complétée in fine par les mots : "et de l'allocation pour jeune enfant visée à l'article L. 531-1 du code de la sécurité sociale". »
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement, qui a pour objet d'excure l'allocation pour jeune enfant, l'APJE, de la base de ressources du RMI, s'inscrit tout autant dans la remise en forme de la politique familiale annoncée par le Gouvernement que dans un souci de justice et d'efficacité sociale.
Sur les 3,3 millions de ménages bénéficiant des minima sociaux, un quart ont des enfants à charge, comme l'indique la Caisse nationale d'allocations familiales dans sa revue Recherches et prévisions. Au total, ce sont 1 790 000 enfants - soit un enfant sur dix - qui vivent en France dans la pauvreté, dont 950 000 dans des familles touchant au moins l'un des minima sociaux.
Les familles démunies se trouvent dans une situation de plus en plus difficile lorsque les enfants grandissent. Les prestations comme le RMI ou l'ASS, en effet, ne varient pas avec l'âge des enfants, alors qu'un adolescent « coûte », si je puis dire, beaucoup plus cher qu'un jeune enfant.
Le mécanisme du RMI est loin de prendre suffisamment en compte le fait familial.
Faire en sorte que les RMIstes puissent bénéficier de l'allocation pour jeune enfant et exclure celle-ci de la base de ressources du RMI, ce serait commencer à se donner les moyens de sortir de cette logique qui pénalise les familles les plus démunies.
C'est pourquoi nous vous proposons d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il s'agit d'un problème de fond et il faut être bien conscient des exigences de la cohérence du système du revenu minimum d'insertion.
Le RMI intègre déjà une composante familiale dans la mesure où il augmente en fonction de la taille de la famille. C'est une première logique : il s'agit de prendre en compte l'aspect familial au travers de l'évolution du montant du RMI.
L'autre logique consisterait à intégrer cet aspect familial au travers de la diminution des bases.
Les deux logiques sont possibles, mais il y aurait incohérence à appliquer les deux techniques en même temps. Or intégrer dans tous les cas l'allocation pour jeune enfant modifierait la technique de prise en compte de l'intérêt familial au travers du RMI.
Par conséquent, dans l'état actuel de la législation, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
L'allocation du RMI se calcule, vous le savez, par différence entre le minimum garanti au foyer compte tenu de sa configuration et l'ensemble des ressources du foyer, y compris les prestations familiales, donc l'allocation pour jeune enfant.
Une fois que l'enfant est né, par définition, il compte pour une part supplémentaire et il est donc pris en compte dans le RMI. Par conséquent, il y bien effectivement, en fonction du nombre d'enfants à charge, une modification du montant du RMI.
Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé vendredi dernier que les majorations dues à l'âge des prestations familiales ne seraient dorénavant plus prises en compte dans le mode de calcul du RMI. C'est très important car, effectivement, les dépenses sont plus importantes à un certain âge.
Le problème est réglé pour les jeunes enfants, puisqu'un RMI complémentaire est prévu pour eux et que la majoration va permettre d'améliorer en partie la situation.
Je suis donc défavorable à cet amendement, et je souhaite qu'il puisse être retiré.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 381.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je vous ai bien entendue, madame le ministre, mais j'ai entendu aussi M. le Premier ministre, qui a affirmé que ces dispositions seraient inscrites dans la loi sur la lutte contre les exclusions.
Par conséquent, une partie au moins de notre amendement pourrait être retenue dans le texte dont nous discutons aujourd'hui.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Compte tenu des informations données pour Mme Borvo à l'instant, l'avis défavorable de la commission n'a plus lieu d'être : nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 381, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 72.
Par amendement n° 467, M. Vezinhet, Mme Derycke et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, après l'article 72, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le deuxième alinéa de l'article L. 35-1 du code des postes et télécommunications est complété par une phrase ainsi rédigée : "Les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion défini par la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988, de l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 315-10 du code du travail, de l'allocation de parent isolé prévue à l'article L. 524-1 du code de la sécurité sociale, de l'allocation aux adultes handicapés prévue à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, de l'allocation veuvage prévue à l'article L. 356-1 du code de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse prévu à l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale bénéficient pendant un an en cas de difficulté de paiement de ce service restreint". »
La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. L'article L. 35-1 du code des postes et télécommunications, issu de la loi du 26 juillet 1996, a prévu, dans le cadre du service universel du téléphone, la mise en place de « tarifs sociaux » ainsi que, sur l'initiative du Sénat, l'instauration d'un « service téléphonique restreint ».
Voilà bientôt deux ans que la loi de réglementation des télécommunications a été adoptée, mais les décrets d'application, s'agissant des tarifs sociaux et du service téléphonique restreint, n'ont toujours pas été publiés. J'avoue ne pas bien comprendre cette lenteur, d'autant que les autres textes réglementaires visant à la mise en oeuvre de la concurrence dans ce secteur ont été publiés, eux, dans des délais record. J'aurais aimé avoir des éclaircissements sur ce point.
Certes, France Télécom a institué, depuis mars 1998, une forme de tarif social avec un abonnement à 34 francs par mois au lieu de 68 francs, mais avec un tarif de communications deux fois plus élevé que le tarif normal pour les 184 premières unités de la facture bimestrielle ! A quand de vrais tarifs sociaux ?
Il a été, par ailleurs, indiqué, à l'Assemblée nationale, que serait mis en place un fonds des impayés. Pouvez-vous nous donner quelques indications à ce sujet ? Sera-t-il utilisé pour financer les tarifs sociaux, le service téléphonique restreint, ou encore les impayés, qu'ils soient ou non liés à des situations de surendettement, comme le prévoit la loi ? Et, s'il finance le service restreint, ce fonds prendra-t-il en charge le coût de l'abonnement, qui est relativement élevé puisqu'il atteint maintenant 68 francs ?
Pour revenir à notre amendement, je tiens tout d'abord à préciser que son objet consiste, d'une part, à donner corps au principe du droit au téléphone énoncé à l'article 72 et, d'autre part, à enrichir la notion de service restreint.
Ce service a pour objet, aux termes de l'article L. 35-1 du code des postes et télécommunications, de maintenir pendant un an, en cas d'impayés, la réception des appels, l'accès aux numéros verts et aux appels d'urgence pour les personnes surendettées et pour celles qui font l'objet d'une saisie par le juge de l'exécution.
C'est, en quelque sorte, le service a minima du service universel du téléphone. C'est le service auquel toute personne défavorisée doit pouvoir avoir accès.
C'est pourquoi nous proposons d'étendre le service restreint téléphonique aux personnes bénéficiant des minima sociaux retenus par le plan triennal de lutte contre les exclusions, ainsi qu'aux personnes âgées démunies, dans les conditions prévues par l'article L. 35-1 du code des postes et télécommunications, c'est-à-dire en cas d'impayés et pour une durée d'un an. Il ne s'agit donc pas de créer un droit dérivé.
Je pense que c'est là un droit minimum que l'on peut imposer aux opérateurs de téléphone en charge du service public sans, d'une part, contrevenir à la législation européenne et, d'autre part, compromettre leur développement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'actuel article L. 35-1 du code des postes et télécommunications a prévu qu'un décret fixerait les conditions tarifaires spéciales applicables aux personnes en difficulté en raison de leur niveau de revenus ou de leur handicap.
Il est prévu, en outre, le maintien d'un service téléphonique restreint pour les débiteurs saisis et les débiteurs bénéficiant de la loi relative au surendettement des particuliers.
Cet amendement prévoit d'étendre le maintien du service restreint à tous les titulaires de minima sociaux en cas de difficultés de paiement. On changerait nettement ainsi la dimension du dispositif puisqu'il existe trois millions de titulaires de minima sociaux qui peuvent tous déclarer avoir des difficultés de paiement, compte tenu de l'imprécision de la notion.
Nous devons, dans ces conditions, nous interroger sur le coût de ce dispositif et savoir s'il ne fait pas peser une charge lourde sur un opérateur public par ailleurs soumis à la concurrence.
Si les auteurs de l'amendement souhaitent une réduction de tarif, il semble préférable d'attendre la prochaine parution du décret sur les réductions tarifaires spécifiques pour les personnes en difficulté.
La commission des affaires sociales est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. A la suite de ce que vient de dire M. le rapporteur, je veux juste préciser que le projet de décret qui prévoit, d'une part, la réduction de la facture téléphonique pour les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, de l'allocation spécifique de solidarité ou de l'allocation aux adultes handicapés et, d'autre part, la prise en charge des dettes téléphoniques - qui constituent un fonds d'impayés de 900 millions de francs supportés par les opérateurs - sera publié avant l'été, ce qui devrait répondre largement au souci des rédacteurs de l'amendement.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Monsieur Lagauche, l'amendement est-il maintenu ?
M. Serge Lagauche. Les engagements du Gouvernement m'amènent à le retirer.
M. le président. L'amendement n° 467 est retiré.
Par amendement n° 482, MM. Vasselle, Ostermann et Doublet proposent d'insérer, après l'article 72, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale peuvent décider, par délibération motivée, d'exonérer des redevances ou taxes prévues aux articles L. 2333-76, L. 2333-77 et L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales, toute personne ou famille visées à l'article 43-5 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988.
« II. - L'augmentation des charges résultant de l'application du I ci-dessus précédent est compensée par l'augmentation, à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.
« III. - L'augmentation des charges résultant du II ci-dessus est compensée par le relèvement, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement, que j'ai déposé avec mes collègues MM. Ostermann et Doublet, tend à étendre le dispositif qui a été mis en place pour l'eau et l'électricité au service des ordures ménagères.
Vous le savez, madame la ministre, ces services d'ordures ménagères pèsent de plus en plus lourd dans le budget des ménages. C'est d'autant plus vrai que nombre de collectivités se sont orientées vers l'incinération, et nous savons que, lorsque de tels services sont mis en place, les prix peuvent atteindre de 450 francs à 500 francs par habitant et par an. Pour une famille de quatre ou cinq enfants, une simple multiplication montre le poids que cela représente pour le budget du ménage.
S'il s'agit d'une famille en situation d'exclusion, incapable de supporter cette charge, elle se trouvera confrontée aux recours engagés par le percepteur pour recouvrer le montant de la somme, avec des saisies sur le revenu, etc.
Le dispositif que nous proposons mérite, à mon sens, de retenir l'attention tant du Gouvernement que de notre Haute Assemblée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a estimé qu'il fallait s'en tenir, dans ce domaine très délicat, à la règle traditionnelle selon laquelle la collectivité locale prend en charge le coût d'une mesure d'exonération décidée par une délibération motivée de son conseil.
En tout état de cause, on peut se demander si le dispositif proposé ne risque pas d'aboutir à une exonération du propriétaire plutôt que du locataire, qui est celui qui se trouve généralement en difficulté.
La commission est défavorable à cet amendement, surtout en raison du gage que prévoit son paragraphe II, à savoir une compensation par la DGF. Si M. Vasselle acceptait de le supprimer, elle s'en remettrait alors à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement n'est pas favorable au dispositif présenté, qui, comme vient de le dire M. le rapporteur, profiterait plus au propriétaire qu'au locataire, ce qui réduit la pertinence de l'argumentaire de M. Vasselle.
Par ailleurs, la prise en charge financière du dispositif par l'Etat n'est pas acceptable.
Je suis donc défavorable à l'amendement n° 482.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 482.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je ferai deux observations pour répondre aux remarques de M. le rapporteur et de Mme la ministre.
D'abord, aux termes des dispositions législatives et réglementaires qui régissent la redevance pour l'enlèvement des ordures ménagères, en aucun cas, celle-ci n'est supportée par le propriétaire ; c'est le bénéficiaire du service qui doit l'acquitter. Sur ce point, la législation est claire et sans ambiguïté.
Ensuite, s'agissant de la taxe, compte tenu de son assiette sur le foncier bâti, certes le propriétaire reçoit le rôle, mais il répercute, dans 99 % à 100 % des cas, le montant de cette taxe sur le locataire. Sans doute peut-il y avoir quelques cas exceptionnels qui tendent à montrer le contraire, mais, dans tous les cas de figure que je connais, tout au moins dans mon département, c'est ainsi que les choses se passent. C'est donc bien l'usager qui supporte le poids de la taxe, ce qui me permet de répondre au premier argument qui a été développé tant par M. le rapporteur que par Mme le ministre.
Enfin, s'agissant du gage, j'accepte la proposition de M. le rapporteur et je retire le paragraphe II de mon amendement.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Moi, je ne suis pas d'accord !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 482 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Ostermann et Doublet, et tendant à insérer après l'article 72, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale peuvent décider, par délibération motivée, d'exonérer des redevances ou taxes prévues aux articles L. 2333-76, L. 2333-77 et L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales, toute personne ou famille visées à l'article 43-5 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988.
« II. - L'augmentation des charges résultant du I ci-dessus est compensée par le relèvement, à due concurrence, des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. J'ai bien entendu les observations de M. Vasselle. L'argument selon lequel le propriétaire répercute la taxe sur le locataire est un argument de fait. Mais, en droit, si nous adoptions cet amendement, nous accorderions une exonération de la taxe au propriétaire. Tel est le problème juridique que pose cet amendement et qui est un peu gênant dans ce projet de loi de lutte contre les exclusions.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 482 rectifié.
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Au nom de quoi traiterait-on un propriétaire en situation de précarité plus mal qu'un locataire ?
Dans certains cas - les critères sont assez faciles à définir - notamment en milieu rural, des personnes peuvent être en situation de précarité tout en étant propriétaires de leur petit logement. Que souhaite-t-on ? Les faire partir ? Les obliger à trouver un logement locatif ?
Je ne suis pas du tout convaincu par la réponse de Mme le ministre. Dès lors qu'il existe des critères précis et dès lors que des personnes sont effectivement en situation de précarité, au nom de quoi traiterait-on plus mal le propriétaire occupant ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire que si l'on est propriétaire de logements et qu'on peut les louer, on ne se trouve pas véritablement en situation de précarité. On peut toujours les vendre !
M. Philippe Marini. Et le propriétaire occupant ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Dans ce cas, la règle normale s'applique !
Selon votre logique, toute la fiscalité immobilière, y compris l'impôt de solidarité sur la fortune, pourrait être répercutée sur le locataire ! Tout cela n'a guère de sens. (M. Philippe Marini proteste.)
En réalité, même si, lorsque les taxes sont importantes, le propriétaire a tendance à augmenter le loyer, c'est tout de même lui qui en est redevable. On ne peut donc vous suivre dans votre raisonnement.
En tout état de cause, le gage qui figure au paragraphe II de l'amendement impose une charge financière à l'Etat : j'invoque donc l'article 40 de la Constitution.
M. le président. L'article 40 est-il applicable ?
M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 482 rectifié n'est pas recevable.

Article 73



M. le président.
« Art. 73. - L'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit est ainsi rédigé :
« Art. 58 . - Toute personne physique résidant en France, dépourvue d'un compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte dans l'établissement de crédit de son choix ou auprès des services financiers de La Poste ou du Trésor public.
« L'ouverture d'un tel compte intervient après remise auprès de l'établissement de crédit d'une déclaration sur l'honneur attestant le fait que le demandeur ne dispose d'aucun compte. En cas de refus de la part de l'établissement choisi, la personne peut saisir la Banque de France aux fins de lui désigner un établissement, les services financiers de La Poste ou le Trésor public.
« Tout établissement de crédit ou les services financiers de La Poste et du Trésor public qui déciderait de limiter les services liés à l'ouverture d'un compte de dépôt aux services bancaires de base ne pourra le faire que dans des conditions définies par décret.
« En outre, l'organisme désigné par la Banque de France, limitant l'utilisation du compte de dépôt aux services bancaires de base, exécute sa mission dans des conditions tarifaires fixées par décret.
« Toute décision de clôture de compte à l'initiative de l'établissement de crédit doit faire l'objet d'une notification écrite et motivée adressée au client et à la Banque de France pour information. Un délai minimum de quarante-cinq jours doit être consenti obligatoirement au titulaire du compte.
« Ces dispositions s'appliquent aux interdits bancaires. »
Par amendement n° 191, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose, dans la seconde phrase du deuxième alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, de remplacer les mots : « aux fins de lui désigner un établissement, les services financiers de La Poste ou le Trésor public. » par les mots : « afin qu'elle lui désigne soit un établissement de crédit, soit les services financiers de La Poste, soit ceux du Trésor public. »
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement, purement rédactionnel, a pour objet d'éviter que, dans le texte, ne se glisse un éventuel malentendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 191, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 438 rectifié, MM. Gournac, Ostermann et Doublet proposent, après le troisième alinéa du texte présenté par l'article 73 pour l'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« A la demande du titulaire, ce compte peut être réservé à l'encaissement des sommes rendues insaisissables par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Le décret prévu à l'alinéa précédent précise les conditions d'application des présentes dispositions. »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Le législateur, dans sa sagesse, a prévu qu'aucun créancier ne pouvait saisir la totalité des revenus d'une personne, celle-ci devant toujours pouvoir disposer d'un minimum alimentaire, qui demeure donc insaisissable.
Cette disposition peut se trouver mise en échec par des procédures à la disposition des créanciers. Des sommes provenant d'un RMI, notamment, peuvent ainsi faire l'objet d'une saisie ou d'un avis à tiers détenteur, car elle ne sont pas identifiées comme « allocation RMI » sur le compte où elles sont virées.
Il appartient au titulaire du compte de prouver que ces sommes étaient insaisissables, ce qui est très difficile pour une personne déjà fragilisée.
C'est pourquoi il est nécessaire de prévoir une protection supplémentaire pour ces personnes.
Nous proposons donc, par cet amendement, qu'à la demande de son titulaire le compte de dépôt puisse être réservé à l'encaissement des sommes insaisissables et qu'aucun créancier ne puisse y effectuer de saisie. Il s'agit de protéger le détenteur du compte afin qu'il dispose d'un minimum alimentaire.
Je sais que l'on va me rétorquer que de tels cas n'existent pas. J'en connais un !
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. La commission des lois s'interroge sur le sens de l'amendement n° 438 rectifié : il va créer une situation un peu bizarre.
Par définition, la personne qui détient un compte de ce type n'en a qu'un puisque, n'ayant pas réussi à se faire ouvrir un compte de dépôt, on lui donne d'autorité droit à l'ouverture d'un tel compte dans tel ou tel établissement de crédit, auprès des services financiers de La Poste ou du Trésor public. Elle peut toucher non seulement des sommes insaisissables mais également des sommes saisissables. Si le compte est bloqué et ne peut recevoir que des sommes insaisissables, où seront versées les sommes saisissables ? On risque de priver le détenteur du compte de toute possibilité de circulation d'argent.
Je ne vois pas très bien comment, selon la législation en vigueur, on pourrait bloquer de fait un compte à la sortie.
La commission des lois, dans sa perplexité, recommande au Sénat de ne pas adopter cet amendement, s'il n'est pas retiré.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernemnt ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. A l'instar de M. le rapporteur pour avis, je considère que le dispositif proposé est inapplicable.
Je voudrais par ailleurs rappeler à M. Gournac que la loi relative au RMI ainsi que la loi du 9 juillet 1991 relative aux procédures civiles d'exécution garantissent expressément l'insaisissabilité du RMI et d'un certain nombre de revenus limitativement énumérés ; nous avons, dans ce texte, étendu ces dispositions à l'ASS et à l'API.
La préoccupation de M. Gournac étant déjà satisfaisante, l'avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 438 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 247, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose de supprimer le quatrième alinéa du texte présenté par l'article 73 pour l'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit.
La parole est à M. Michel Mercier, rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, en remplacement de M. Oudin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La commission des finances propose de supprimer le quatrième alinéa de l'article 73, qui précise que le fait de limiter l'ouverture d'un compte aux services bancaires de base ne peut se faire que dans des conditions tarifaires fixées par décret, pour les seuls établissements de crédit désignés par la Banque de France.
Cette disposition, adoptée par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement, crée une rupture d'égalité entre les établissements de crédit et porte atteinte au principe de liberté tarifaire posé par l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 247, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 192 est présenté par M. Paul Girod, au nom de la commssion des lois.
L'amendement n° 248 est déposé par M. Oudin, au nom de la commission des finances.
Tous deux tendent, dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du texte présenté par l'article 73 pour l'article 58 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, après les mots : « de l'établissement de crédit », d'insérer les mots : « désigné par la Banque de France ».
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 192.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement de précision. En droit positif, ce qui va sans dire va encore mieux en le disant.
Cette exception de motivation des raisons pour lesquelles un établissement de crédit ferme un compte figure au sein d'un article qui crée ce type particulier d'ouverture de compte sur injonction de la Banque de France. Une mauvaise lecture du texte pourrait laisser penser que toute fermeture de compte devrait être nécessairement motivée.
Telle est la raison pour laquelle la commission des lois, en accord avec la commission des finances, qui a déposé un amendement identique, propose de bien préciser que ce sont les comptes ouverts dans ces conditions, sur ordre de la Banque de France, qui doivent faire l'objet d'une décision de fermeture motivée.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, avez-vous quelque chose à ajouter à cette explication ?
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Mon argumentation est la même que celle de M. le rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 192 et 248.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. En fait, je souhaite expliquer notre vote négatif sur l'amendement précédent n° 247. En effet, il ne nous semble pas souhaitable de laisser faire la libre négociation entre le banquier et le client, en particulier lorsque le client est une personne défavorisée et donc très fragilisée.
En revanche, nous voterons les amendements identiques n° 192 et 248.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 192 et 248, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 73, modifié.

(L'article 73 est adopté.)

Article additionnel après l'article 73



M. le président.
Par amendement n° 439 rectifié, MM. Gournac, Ostermann, Vasselle et Doublet proposent d'insérer, après l'article 73, un article additionnel rédigé comme suit :
« Le cinquième alinéa de l'article 65-3 du décret-loi du 30 octobre 1935, modifié par la loi n° 91-1382 du 30 décembre 1991 unifiant le droit en matière de chèques et relatif aux cartes de paiement, est remplacé par une phrase ainsi rédigée :
« A défaut du paiement du chèque lors de sa seconde présentation ou de la constitution de la provision dans le délai de trente jours à compter de la première présentation, le tiré adresse un certificat de non-paiement au porteur du chèque. »
La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Comme je l'ai dit à l'occasion de la discussion générale, nous proposons de mettre un terme à une pratique qui consiste à multiplier les présentations des chèques sans provision et qui, je l'ai souligné tout à l'heure, met souvent en grande difficulté des personnes fragiles.
J'ai appris que ce processus pouvait rapporter plus de 3 milliards de francs aux banques ! S'il est bien normal qu'un chèque soit présenté une ou deux fois, il est moins normal qu'il le soit quatre, cinq, voire six fois. C'est pourquoi mes collègues et moi-même souhaitons interdire ce genre de pratique.
Quand des personnes en grande difficulté ont émis un chèque sans provision, nous proposons que les frais bancaires ne s'accumulent pas afin d'éviter qu'ils n'atteignent des sommes allant de 400 francs à des montants considérablement plus élevés. Il en a coûté 5 400 francs au débiteur que j'ai sélectionné !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La portée de cet amendement est si grande qu'elle dépasse les limites d'un projet de loi consacré à la lutte contre les exclusions.
En effet, il vise à modifier la législation bancaire et les relations contractuelles entre les banques et leurs clients, ce qui pose des problèmes immenses, dont la commission des affaires sociales n'a d'ailleurs pu apprécier complètement la portée.
De plus, les pratiques sont variables selon les banques.
Aussi la commission souhaite-t-elle recueillir préalablement l'avis du Gouvernement.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. La commission des finances s'associe à la demande de M. le rapporteur.
Néanmoins, elle tient à faire connaître d'ores et déjà au Sénat que, sous réserve de l'avis du Gouvernement, elle est plutôt défavorable à cet amendement, dont l'adoption créerait des contraintes trop fortes pour les créanciers.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. M. Gournac pose un vrai problème, auquel il faut effectivement trouver des solutions. Mais je ne suis pas sûre que celle qui est préconisée ici soit la meilleure.
La maîtrise de la présentation d'un chèque au paiement appartient, dans la plupart des cas, au bénéficiaire du chèque et non à la banque. L'amendement proposé porte donc atteinte au droit légitime du créancier - qui peut être un particulier, mais également une PME, un commerçant, un artisan... - à obtenir ce qui lui est dû. Il est donc justifié que des chèques qui n'ont pas été honorés soient présentés à plusieurs reprises à la banque en vue d'essayer d'en obtenir le paiement.
Le Gouvernement craint que l'envoi automatique d'un certificat de non-paiement, qui rendrait caduque la poursuite de la présentation de ces chèques, n'entraîne une intervention plus rapide et plus systématique des huissiers aux fins de recouvrement des chèques impayés. Votre souci, qui est louable, que je partage, et qui est d'éviter que les banques ne fassent supporter à des particuliers, déjà en situation difficile, des frais très importants pour présentation de chèque impayé, risque de se retourner contre ces particuliers.
Pour avancer sur ce sujet, je compte saisir l'Association française des banques et lui demander de prendre des dispositions, peut-être dans un code de déontologie interne, pour éviter les cas que vous avez évoqués et qui, je suis totalement d'accord avec vous, sont tout à fait inacceptables.
Si nous n'y arrivons pas, peut-être devrons-nous, alors, à l'occasion d'un autre texte, en rediscuter. Mais je préfère d'abord essayer de trouver une solution par la concertation.
M. le président. Monsieur Gournac, l'amendement est-il maintenu ?
M. Alain Gournac. Je tenais à attirer l'attention sur ce point, madame le ministre. Globalement, le message est reçu : il faut protéger les personnes en grande difficulté.
Je suis d'accord avec vous pour que l'on essaye de trouver avec les banques une solution correcte, respectant la déontologie et mettant fin à ce commerce, car il s'agit bien de cela dans certains cas ! Celui qui devrait bénéficier du chèque ne perçoit rien du tout et c'est la personne en difficulté qui paie !
Par conséquent, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 439 rectifié est retiré.

Article 73 bis



M. le président.
« Art. 73 bis . - I. - Il est inséré, dans le code général des collectivités territoriales, un article L. 1611-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 1611-6 . - Dans le cadre des actions sociales qui concernent notamment l'alimentation, l'hygiène, l'habillement et les transports, des actions éducatives, culturelles, sportives ou de loisirs qu'elles mènent, à l'exclusion de l'aide sociale légale, les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale, les centres communaux et intercommunaux d'action sociale et les caisses des écoles peuvent remettre directement ou par l'intermédiaire d'associations agréées aux personnes qui rencontrent des difficultés sociales des titres dénommés "chèque d'accompagnement personnalisé" pour acquérir des biens et services dans les catégories définies pour la collectivité ou l'établissement public.
« Les personnes à qui des chèques d'accompagnement personnalisé sont remis peuvent acquérir, à hauteur du montant figurant sur sa valeur faciale, auprès d'un réseau de prestataires les biens, produits ou services prévus sur le chèque, à l'exclusion de tout remboursement en numéraire, total ou partiel.
« Les valeurs faciales sont modulées de façon à permettre aux distributeurs de pouvoir tenir compte des différentes situations des bénéficiaires, tant économiques que sociales.
« Les chèques d'accompagnement personnalisé sont émis par des entreprises spécialisées qui les cèdent aux distributeurs contre paiement de leur valeur libératoire, et, le cas échéant, d'une commission.
« Ces titres ont une durée de validité limitée à l'année civile et la période d'utilisation dont ils font mention.
« Les chèques d'accompagnement personnalisé qui n'ont pas été présentés au remboursement à l'émetteur par les prestataires avant la fin du deuxième mois suivant l'expiration de leur période de validité sont définitivement périmés.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. Il détermine notamment :
« - les caractéristiques de sécurisation et les mentions obligatoires figurant sur le chèque d'accompagnement personnalisé ;
« - les conditions d'utilisation et de remboursement des chèques d'accompagnement personnalisé ;
« - les modalités de prise en compte de ces titres de paiement spéciaux dans la comptabilité des services et organismes publics ;
« - les modalités d'organisation et de contrôle du système entre les différents partenaires. »
« II. - Le 3 de l'article 902 du code général des impôts est complété par un 16° ainsi rédigé :
« 16° Les titres émis conformément aux dispositions de l'article L. 1611-6 du code général des collectivités territoriales. »
Par amendement n° 249, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par le I de cet article pour insérer un article L. 1611-6 dans le code général des collectivités territoriales, de supprimer les mots : « directement ou par l'intermédiaire d'associations agréées ».
La parole est à M. Michel Mercier, rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. La commission des finances souhaite supprimer la possibilité qui est reconnue par le présent article aux associations de remettre, en lieu et place des collectivités publiques, des chèques dénommés « chèques d'accompagnement personnalisé ».
Une telle possibilité semble en effet en contradiction avec les principes de la comptabilité publique et de nature à favoriser des situations de gestion de fait pour mandat fictif de dépenses.
En effet, une dépense d'une collectivité locale ne peut être payée qu'au véritable destinataire, c'est-à-dire, en l'espèce, au bénéficiaire du chèque. Or, ici, l'association se substituerait à la collectivité pour réaliser une dépense publique.
Cela ne veut nullement dire - je tiens à le préciser - que la commission est hostile au fait que certaines grandes associations caritatives, telles que la Croix-Rouge française ou d'autres, remettent sur leurs propres deniers des titres de cette nature. En revanche, il nous semble contraire au droit de la comptabilité publique qu'elles le fassent sur les fonds des collectivités publiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 249, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 430, MM. Machet, Lorrain et Mme Bocandé proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par le I de cet article 73 bis pour l'article L. 1611-6 du code général des collectivités territoriales, de remplacer les mots : « chèque d'accompagnement personnalisé » par les mots : « chèque d'insertion sociale ».
La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Il est important de mettre l'accent sur la notion d'insertion, qui est une notion positive - c'est le « I » du sigle RMI. La notion d'accompagnement est, en effet, tout à la fois une notion passive et trop générale : un tuteur « accompagne » une personne protégée, un parent « accompagne » un enfant, un majeur « accompagne » un mineur, une infirmière d'un service de soins palliatifs « accompagne » un mourant, etc.
Or l'intention du législateur est de permettre aux personnes en situation de précarité de mieux s'insérer dans la vie normale de la cité, avec un titre ressemblant comme deux gouttes d'eau au titre de restauration des salariés et accepté dans un réseau similaire de commerces agréés.
Il semble donc opportun de donner un nom générique qui soit à la fois très positif et marqué par ce souci de l'insertion. Il y va aussi de la réussite globale de ce titre-service.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission des affaires sociales n'est pas convaincue que ce titre de « chèque d'accompagnement personnalisé » puisse être définitif. Elle est encore moins convaincue que celui de « chèque d'insertion sociale » soit la substitution sémantique appropriée pour expliciter ce dont il s'agit.
Elle craint, au contraire, que cette dénomination n'entraîne des confusions tant sur la portée que sur l'enjeu de ce chèque, et que cela ne corresponde finalement pas à une insertion sociale.
Les termes d'« accompagnement personnalisé », même s'ils ne sont pas convaincants, paraissent meilleurs qu'une dénomination qui semble promettre plus qu'elle n'est capable de tenir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Même avis que la commission.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Machet ?
M. Jacques Machet. J'ai bien écouté les arguments de M. le rapporteur, et je m'y rallie. Il n'est effectivement pas toujours facile de faire dire aux mots ce que l'on veut qu'ils disent.
En conséquence, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 430 est retiré.
Par amendement n° 250, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 73 bis pour insérer un article L. 1611-6 dans le code général des collectivités territoriales, de remplacer les mots : « définies pour la collectivité » par les mots : « définies par la collectivité ».
La parole est à M. Michel Mercier, rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à corriger une erreur grammaticale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 250, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 251 rectifié, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose de rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte présenté par le I de l'article 74 bis pour insérer un article L. 1611-6 dans le code général des collectivités territoriales :
« Les titres de paiement spéciaux dénommés "chèques d'accompagnement personnalisé" sont cédés aux distributeurs par les émetteurs contre paiement de leur valeur libératoire, et, le cas échéant, d'une commission. Tout émetteur de ces titres de paiement spéciaux doit ouvrir un compte auprès d'un établissement de crédit ou d'un organisme ou service visé à l'article 8 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, intitulé "compte de chèques d'accompagnement personnalisé", et en faire la déclaration préalable auprès d'une commission spécialisée. »
La parole est à M. Mercier, rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. La commission des finances souhaite définir la notion d'émetteur de chèques d'accompagnement personnalisé.
Elle a en effet considéré qu'il convenait d'éviter que l'émission de tels chèques ne soit réservée à la catégorie, juridiquement mal identifiée, des « entreprises spécialisées », expression retenue par le texte.
Outre l'incertitude juridique, la commission des finances a estimé qu'il n'existait aucune raison d'accorder une quelconque exclusivité dans ce domaine.
C'est pourquoi elle vous propose de substituer à cette notion d'« entreprises spécialisées » la notion plus générale d'« émetteur », et d'instituer en vue d'une meilleure sécurité dans ce domaine, un régime comparable à celui qui est retenu pour les tickets restaurant et qui prévoit notamment l'ouverture d'un compte spécialisé auprès d'un établissement bancaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Avis favorable, monsieur le président.
J'avais d'ailleurs indiqué à l'Assemblée nationale qu'il fallait mieux encadrer le dispositif. Si la commission des finances du Sénat n'avait pas déposé cet amendement, le Gouvernement l'aurait donc fait lui-même.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 251 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 73 bis, modifié.

(L'article 73 bis est adopté.)

Article additionnel après l'article 73 bis



M. le président.
Par amendement n° 515, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 73 bis, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A la fin du second alinéa de l'article 5-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, les mots "est conclue au plus tard le 31 décembre 1998" sont remplacés par les mots "doit être conclue, au plus tard, deux ans après la date de publication du décret prévu à l'article 27 quater ". »
« II. - Le premier alinéa de l'article 5 de la loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 tendant, dans l'attente du vote de la loi instituant une prestation d'autonomie pour les personnes âgées dépendantes à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'institution d'une prestation spécifique dépendance est abrogé.
« III. - Le même article 5 est complété in fine par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les montants maximum et minimum de la prestation pour chaque niveau de dépendance défini par la grille nationale visée à l'alinéa précédent sont fixés, d'une part pour les personnes hébergées en établissement, d'autre part pour les personnes âgées résidant à leur domicile, par le règlement départemental d'aide sociale.
« Compte tenu des règles de tarification des établissements d'hébergement des personnes âgées, un décret peut fixer, pour chaque niveau de dépendance, des seuils minima pour les montants de la prestation mentionnés à l'alinéa précédent, par référence à la majoration pour aide constante d'une tierce personne, mentionnée à l'article L. 355-1 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Cet amendement comprend deux parties.
Le paragraphe I permet de faire en sorte que les conventions qui sont prévues par la loi du 30 juin 1975 et qui doivent être conclues au plus tard le 31 décembre 1998 puissent être reportées deux ans après la date de publication du décret sur la tarification.
Le paragraphe II vise à permettre au Gouvernement de fixer par décret les montants maximaux et minimaux de la prestation spécifique dépendance pour chaque niveau de dépendance.
Comme vous le savez, le Gouvernement est soucieux d'une juste application de la loi du 24 janvier 1997 instituant cette prestation. Sans doute, et je l'ai dit à plusieurs reprises, cette loi est-elle perfectible et, au fur et à mesure des bilans que nous réaliserons, nous verrons comment la perfectionner.
En attendant, elle a constitué une première tentative de mettre en place une aide aux personnes âgées dépendantes et comporte, je l'ai souvent dit, plusieurs avancées par rapport à la situation antérieure.
D'abord la loi rend possible la prise en compte du degré de dépendance de la personne âgée grâce à la grille AGIR, qu'elle met en place.
Ensuite, la loi permet d'évaluer le degré de dépendance en fonction non seulement de l'état de santé de la personne, mais aussi de son environnement, et ce grâce à une équipe spécialisée pluridisciplinaire comprenant, évidemment, une équipe médicale, mais aussi une assistante sociale, qui prend en compte l'environnement réel dans lequel vit la personne âgée.
Enfin, la loi autorise la passation de conventions entre les départements et les caisses primaires d'assurance maladie en vue d'assurer les conditions d'une prise en charge des personne âgées.
Voilà pour les points positifs.
D'autres points ont fait l'objet de critiques et seront réexaminés à l'occasion du bilan qui est prévu dans la loi et qui doit être établi au mois de juin.
A plusieurs reprises - en octobre dernier et, plus récemment, en mars - j'ai déjà été amenée à faire un bilan de l'application de la prestation spécifique dépendance, bilan que le Gouvernement n'a pas jugé satisfaisant, et cela pour plusieurs raisons.
D'abord, un certain nombre de départements n'ont toujours rien fait - ils sont six.
Ensuite, les conventions qui devaient être passées entre les départements et les caisses primaires d'assurance maladie ne le sont pas encore dans un grand nombre de départements.
Enfin, les prestations et les montants des prestations versées varient de manière extrêmement importante d'un département à l'autre, et pas toujours pour de bonnes raisons, c'est-à-dire pas toujours en fonction du coût réel de la journée dans les établissements spécialisés.
Si le Gouvernement souhaite que la loi continue de s'appliquer - en effet, si nous voulons que les personnes âgées dépendantes soient prises en charge dans de bonnes conditions, il faut bien qu'elle s'applique - il souhaite aussi être en mesure de fixer, par décret, des minima par grands groupes de dépendances.
Il est clair que cette prestation spécifique dépendance n'aura son véritable sens que lorsque la réforme de la tarification des établissements aura été mise en place.
En fait, aujourd'hui, dans les prestations versées aux établissements, la partie dépendance n'est pas aisément perceptible : il est très difficile de déterminer ce qui relève de la dépendance, de la maladie, de l'hébergement, dans la prise en charge des personnes âgées.
Ainsi, un certain nombre d'établissements font supporter par la partie dépendance ce qui relève de soin, alors que certains autres donnent l'impression d'être médicalisés alors qu'un médecin libéral passe seulement de temps en temps pour délivrer des ordonnances aux personnes concernées.
Il est donc important de réaliser cette réforme de la tarification, non seulement pour déterminer les financeurs et la part assumée par chacun d'eux, mais aussi pour accroître la transparence dans le fonctionnement des établissements, et afin que soit bien claire pour chaque personne âgée la catégorie dont relève sa prise en charge.
Le Gouvernement a déjà préparé ces décrets de tarification, qui ont fait l'objet d'une concertation au niveau des services et qui, dès cette semaine, doivent donner lieu à une concertation générale afin d'être publiés, assortis de modifications éventuelles, dans les plus brefs délais - j'espère cet été. Ils constitueront la base de calcul du montant de la prestation spécifique dépendance. C'est après avoir dressé un bilan de la réalité de la prestation spécifique dépendance que, s'il en est besoin, le Gouvernement prendra le décret fixant les minima.
J'espère ne pas avoir à intervenir car je souhaite que, lors de l'établissement des conventions avec les établissements, les règles de répartition des frais entre l'assurance maladie et les départements soient appliquées convenablement afin que les personnes âgées dépendantes puissent, d'une part, bénéficier de la prestation spécifique dépendance - qui, aujourd'hui, n'est versée qu'à très peu d'entre elles - et, d'autre part, percevoir cette prestation dans des conditions qui prennent en compte la qualité réelle des établissements dans lesquels elles sont placées.
Tel est l'objet de cet amendement, qui, je le répète, donne au Gouvernement la possibilité de fixer des montants minima en cas de nécessité et qui repousse la date du 31 décembre 1998 - date qui n'est pas du tout réaliste - à deux ans après la publication du décret, ce qui devrait permettre de conventionner les quelque 9 000 établissements qui, aujourd'hui, reçoivent des personnes âgées.
Si ce délai n'était pas allongé, à partir du 31 décembre 1998, un certain nombre d'établissements ne pourraient plus, faute de conventionnement, recevoir des personnes âgées dépendantes.
Au fur et à mesure de l'établissement des bilans, nous aurons l'occasion de discuter des décisions à prendre, à la fois pour améliorer la loi et pour faire en sorte que son application soit le plus favorable possible aux personnes âgées qui sont réellement dépendantes, à la fois physiquement et financièrement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement déposé par le Gouvernement est le résultat d'un compromis entre le Sénat et le Gouvernement.
Vous vous souvenez, mes chers collègues, que le Gouvernement avait fait adopter, en nouvelle lecture, à l'Assemblée nationale, deux articles additionnels au projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. Le premier repoussait du 31 décembre 1998 au 31 décembre 2000 la date d'achèvement de la réforme de la tarification des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes. Le second prévoyait qu'un décret fixerait des montants maxima et minima de la PSD - la prestation spécifique dépendance - à domicile et en établissement.
A la demande de la commission des affaires sociales, ces deux articles additionnels avaient été supprimés le 27 mai par le Sénat lors de l'examen en nouvelle lecture du projet de loi portant DDOEF.
Probablement inquiet des risques d'inconstitutionnalité de la procédure utilisée, le Gouvernement avait finalement décidé de faire supprimer par l'Assemblée nationale ces deux articles lors de la lecture définitive du texte, le 3 juin.
Toutefois, M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, avait, à cette occasion, indiqué que ces dispositions seraient reprises dans le projet de loi de lutte contre les exclusions.
Notre commission, par la voix de son président, a alors fait savoir au Gouvernement que le dépôt de dispositions identiques serait inacceptable.
Le texte qui nous est aujourd'hui proposé tient compte des réserves exprimées par le Sénat.
Notre assemblée avait en effet souligné que les dysfonctionnements de la PSD en établissement provenaient avant tout de l'absence de réforme de la tarification, réforme sur laquelle devait précisément reposer la prestation spécifique dépendance en établissement. Dès lors, toute modification législative ou réglementaire du dispositif de la PSD apparaissait prématurée.
Le Gouvernement a compris cette position de principe, qui faisait de la publication des textes porteurs de la réforme de la tarification le préalable à l'éventuelle publication d'un barème de minima nationaux.
L'amendement présenté par le Gouvernement prévoit, tout d'abord, que les conventions tripartites entre les établissements, l'assurance maladie et les départements devront être conclues dans les deux ans suivant la publication du décret porteur de la nouvelle tarification.
Il prévoit également qu'un décret pourra fixer des montants minima de PSD « compte tenu des règles de tarification des établissements d'hébergement des personnes âgées », c'est-à-dire des règles résultant de la nouvelle tarification.
Ce dispositif législatif est complété par l'exposé des motifs de l'amendement et par les engagements que vient de prendre Mme Martine Aubry lors de la présentation de cet amendement.
Ces éléments permettent d'éclairer les intentions exactes du Gouvernement.
Le bilan annuel prévu par l'article 1er de la loi du 24 janvier 1997 sera réalisé prochainement sur la base des statistiques arrêtées au 30 juin prochain.
Les textes réglementaires porteurs de la nouvelle tarification seront publiés « dans les plus brefs délais », soit au cours de l'été.
Au vu des résultats qui suivront la publication de ces textes, le Gouvernement décidera ou non de prendre le décret fixant des minima nationaux pour la PSD. Il ne prendra un tel décret que si cela s'avère nécessaire. Mme la ministre a bien voulu préciser qu'elle ne souhaitait pas, justement, être conduite à prendre un tel décret.
Dans ces conditions, cet amendement semble tout à fait acceptable, et je vous propose, mes chers collègues, conformément à la décision de la commission, de lui donner un avis favorable.
J'aurai cependant une question à vous poser, madame la ministre.
Le futur troisième alinéa de l'article 5 de la loi du 24 janvier 1997 permet au Gouvernement de fixer des minima de la PSD par décret.
S'applique-t-il uniquement à la PSD en établissement, comme pourrait le laisser croire la référence aux « règles de tarification des établissements d'hébergement des personnes âgées », ou concerne-t-il également la PSD à domicile, comme peut le laisser supposer la référence aux « montants de la prestation » mentionnés à l'alinéa précédent ?
La rédaction de l'amendement laisse planer une ambiguïté, et j'aimerais que vous nous précisiez, madame la ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le rapporteur, si le Gouvernement a été amené à déposer deux amendements de manière un peu rapide, qui a pu choquer certains sur tous les bancs, c'est parce que le bilan relatif à l'application de la loi du 24 janvier 1997, qui nous a été communiqué voilà trois semaines, n'était pas satisfaisant.
Il nous avait alors été conseillé de les présenter lors de l'examen du DDOEF. Finalement, en raison d'un risque d'inconstitutionnalité, comme l'a dit M. le rapporteur, nous avons préféré en insérer les dispositions dans le projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions.
Je me réjouis que nous soyons tombés d'accord.
La volonté du Gouvernement était bien de procéder à la réforme de la tarification. Je ne l'aurais pas préparée depuis mon arrivée au ministère, je n'aurais pas déjà procédé à une consultation au niveau des services, si ma volonté n'avait pas été telle.
Il n'y avait donc pas de désaccord sur le fond entre le Sénat et le Gouvernement. Vous avez souhaité que je dise ce que je comptais faire. Je n'ai aucune difficulté à répondre à votre souhait puisque c'était mon intention.
A votre question, monsieur le rapporteur, je répondrai que c'est bien pour la tarification de la PSD en établissement que les seuils minima pourront être définis par décret.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 515.
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mercier.
M. Michel Mercier. Je voudrais tout d'abord, madame la ministre, vous remercier d'avoir fait retirer par l'Assemblée nationale les articles additionnels que le Sénat avait rejetés manifestant ainsi votre volonté de dialogue et donnant du temps pour qu'un meilleur texte soit élaboré.
Je voudrais vous remercier également de votre disponibilité.
Acceptez que nous puissions aussi remercier vos collaborateurs, qui ont su faire preuve d'imagination dans cette affaire.
Cet amendement nous semble marquer la reconnaissance de la prestation spécifique dépendance comme procédé de prise en charge de la dépendance dans notre pays.
Pour ma part, je pense que le dispositif de prestation spécifique dépendance, qui peut et qui doit être perfectionné dans un certain nombre de ses modalités, est, dans son principe intéressant et constitue une prestation moderne d'aide sociale.
Cette prestation prend en compte à la fois l'état de dépendance et les revenus de la personne âgée.
Il s'agit d'une prestation individualisée, qui est servie assez largement, puisque les titulaires de revenus moyens peuvent y prétendre.
La PSD est aussi - c'est une autre de ses qualités - une aide en nature. Cela a été ressenti pour ce qui est de la PSD servie à domicile.
Grâce à l'amendement que vous nous présentez, madame la ministre, vous allez pouvoir faire en sorte que la PSD servie en établissement soit également une aide en nature. Je suis presque tenté de dire que cet amendement n° 515 va donner tout son sens à la PSD.
La loi du 24 janvier 1997 avait certes posé des principes, mais, jusqu'à présent, la PSD servie en établissements ne pouvait pas s'appliquer autrement que comme un moyen de solvabilisation complémentaire.
Dès lors qu'interviendra une réforme de la tarification, qui permettra à la personne âgée et à sa famille d'y voir un peu plus clair, de percevoir quelles sont les prestations qui lui sont servies au titre de sa dépendance, nous donnerons tout son sens à la PSD.
C'est la raison de fond qui nous amène à soutenir cet amendement.
Par ailleurs - c'est peut-être accessoire, mais néanmoins important - l'amendement met fin à la querelle des chiffres.
Il est extrêmement difficile de disposer de statistiques sûres dans le domaine social. Je souhaite donc que l'Etat et les collectivités locales - plus spécialement les départements - transmettent régulièrement les chiffres exacts au niveau central, afin qu'un bilan clair de la PSD puisse être établi. Si des améliorations méritent d'être apportées, notamment en ce qui concerne les GIR 3 et 4, ou en ce qui concerne la somme recouvrable sur successions, nous sommes ouverts à toutes les suggestions qui pourraient être faites à la suite de l'examen des différents bilans.
Cela étant posé, la loi doit être appliquée dans son esprit, et nous sommes tout à fait d'accord pour que le Gouvernement prenne les mesures ad hoc : si, après la publication des décrets de tarification, il apparaissait que certaines collectivités ne mettent pas en oeuvre la nouvelle règle à cet égard, il serait normal, voire nécessaire, que le Gouvernement fasse appliquer des minima par décret.
Nous souhaitons donc que l'esprit de dialogue qui a présidé au dépôt de cet amendement vous guide également, madame la ministre, dans l'élaboration des décrets relatifs à la tarification.
Je dirai pour conclure que nous voterons d'autant plus volontiers cet amendement qu'il permet de démontrer le rôle éminemment utile du Sénat.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Voilà plus d'un an, le Parlement adoptait une loi dont l'objectif annoncé était de mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l'instauration d'une prestation spécifique dépendance.
Les parlementaires socialistes avaient refusé de voter ce texte, car ils estimaient que la logique dans laquelle s'inscrivait cette nouvelle prestation était en complet décalage avec l'ampleur des enjeux de la prise en charge de la dépendance des personnes des troisième et quatrième âges.
Parce que nous pressentions que cette loi portait en elle les germes des inégalités que chacun constate aujourd'hui, nous avions déposé un recours devant le Conseil constitutionnel. Celui-ci, prenant acte du positionnement de la PSD dans le champ de l'aide sociale, n'avait pu que rappeler la liberté de manoeuvre des conseils généraux en la matière.
Intervenant au nom du groupe socialiste, j'avais exprimé nos doutes sur la réalité de l'amélioration de la situation des personnes âgées en raison de l'absence d'engagement financier supplémentaire, de l'effet dissuasif de la récupération sur succession sur l'ensemble des légataires - contrairement à ce qu'il en est concernant l'allocation compensatrice pour tierce personne - des risques qu'il y avait à confier au financeur de la PSD l'évaluation des handicaps, ou encore des inéluctables dérives de la contractualisation de gré à gré.
Bref, les personnes âgées et leur famille allaient au-devant de bien des désillusions et de bien des difficultés, ce qui devait correspondre à un progrès ne pouvant que déboucher sur d'immenses drames.
Mes chers collègues, après quelques mois de fonctionnement, nous y sommes.
Les constats dressés par les acteurs de la prise en charge de la dépendance sont édifiants. Chacun de nous a pu prendre connaissance du livre noir de la PSD élaboré par le comité de vigilance, qui illustre, au fil de cas personnels concrets, le bien-fondé de toutes les craintes que nous avions exprimées.
En revanche, s'il est un objectif que la loi de 1997 a parfaitement atteint, c'est bien celui de la maîtrise des dépenses des départements dans ce domaine. L'évaluation de l'ODAS fait état d'une diminution des dépenses liées à l'ACTP de 400 millions de francs et de celles qui ont trait à la PSD de 100 millions de francs.
Madame la ministre, en octobre 1997, vous aviez mis en garde certains conseils généraux contre la persistance d'inégalités trop criantes, mais vous estimiez qu'il était « nécessaire d'attendre au moins la fin de la première année de fonctionnement pour avoir suffisamment de recul avant d'envisager une réforme législative ».
L'amendement que vous nous proposez a tout d'abord pour objet de repousser à l'an 2000 la date butoir pour la signature des conventions tripartites, en raison des délais supplémentaires requis pour la mise en oeuvre de la réforme de la tarification, qui devrait s'articuler autour de l'état de la personne et non plus du statut de la structure d'hébergement.
Il vise ensuite à fournir au Gouvernement un outil lui permettant d'intervenir si des inégalités intolérables persistaient d'un département à l'autre, l'Etat jouant ainsi son rôle de garant de la cohésion nationale.
Madame la ministre, vous liez votre intervention sur les minima à la réforme de la tarification. S'il faut reconnaître le bien-fondé de cette articulation, il faut alors aussi exclure toute précipitation. En effet, et vous vous y êtes engagée, une étroite concertation doit s'engager non seulement avec les financeurs, mais également avec l'ensemble des acteurs de la prise en charge des personnes âgées dépendantes. Dans ces conditions, on peut imaginer qu'un point pourrait être fait à l'automne prochain.
Il reste que, même après l'adoption de cet amendement susceptible de mettre un terme à certaines pratiques abusives, la loi de 1997, qui fut adoptée « en l'attente », ne peut tenir lieu de politique de prise en charge de la dépendance.
La génération actuellement concernée par la PSD est principalement celle qui a été cruellement frappée par les deux guerres mondiales, et les évolutions démographiques de notre pays ne peuvent qu'engendrer des besoins supplémentaires.
Dès lors, comment penser sérieusement que les conseils généraux pourront continuer à assumer une responsabilité de plus en plus lourde, de plus en plus exigeante ?
Je souhaite que le débat que nous amorçons à l'occasion du bilan d'une année de fonctionnement de la PSD soit l'occasion de relancer la réflexion sur de nouvelles orientations dans ce domaine, notamment en termes de financement.
Nous mesurons parfaitement les contraintes liées à ce financement, et nous ne pensons pas qu'il soit réaliste d'imaginer immédiatement la création d'un cinquième risque.
M. le président. Je vous demanderai de bien vouloir conclure, madame.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je conclus, monsieur le président.
Nous suggérons cependant que soit très rapidement mise à l'étude la possibilité de financements associés. Faire intervenir, par exemple, la solidarité intragénérationnelle en complément des financements des conseils généraux nous paraît aujourd'hui envisageable, au moins dans une première étape.
Je crois que les personnes âgées n'y sont pas opposées, tant leurs inquiétudes sont fortes. D'ailleurs, les banques et les assurances ne s'y trompent pas lorsqu'elles multiplient les formules de plan permettant de constituer une épargne en perspective du grand âge.
Madame la ministre, ce chantier-là ne sera pas simple ! Cependant, il s'impose à nous. En attendant de s'y engager avec vous, les sénateurs socialistes voteront votre amendement, qui leur apparaît comme un bon palliatif. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Philippe Marini. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Madame le ministre, votre amendement est plein d'enseignements.
Tout d'abord, il conforte la loi de janvier 1997 instituant la prestation spécifique dépendance, loi qui a pris naissance ici, au Sénat, et qui résulte de nos travaux.
En même temps, il conforte les principes sur lesquels cette loi repose : principe de décentralisation et de responsabilité locale, principe de prestations en nature accordées selon une grille tenant compte de l'état physique des personnes, et cela sans aucune démagogie, dans l'unique souci de bien cerner les situations individuelles et familiales.
J'observe par ailleurs, après avoir entendu Mme Dieulangard, que règne sur ce sujet un certain trouble chez vos amis politiques ou au sein de la base qui vous soutient. En effet, beaucoup demandaient et demandent encore que, à la conception empirique que nous avons fait prévaloir ici, on substitue une conception beaucoup plus systématique, se traduisant par l'institution d'un nouveau risque au sein du système de sécurité sociale.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Philippe Marini. Or l'amendement que vous nous soumettez, madame le ministre, montre que vous vous ralliez à nos raisons et à notre analyse, ce dont je ne peux que me réjouir, d'autant que vous le faites après un pas de clerc - je veux parler de l'épisode du DDOEF - et après avoir observé que les réactions de l'Association des présidents de conseils généraux et d'un grand nombre de sénateurs fixaient des limites à ne pas franchir.
Même si ce système doit demeurer décentralisé, il faut néanmoins instituer des garde-fous. Par cet amendement, vous permettez au Gouvernement de les tracer, et je m'en félicite, car la prestation spécifique dépendance que nous avons définie doit être mise en place honnêtement, de manière constante ou aussi constante que possible, et il ne faut pas que quiconque puisse être tenté de traîner les pieds.
Le dispositif arrêté à la suite de la concertation de ces dernières semaines se situe bien dans l'esprit de la loi du 24 janvier 1997.
Compte tenu de tous les efforts qui avaient été réalisés par la commission des affaires sociales, en particulier par son président, pendant un certain nombre d'années pour enclencher ce processus, je ne peux que voter un amendement qui tend à le prolonger.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Vous permettrez à celui qui a été le rapporteur de la proposition de loi résultant de l'initiative prise par le président Jean-Pierre Fourcade et de nombreux membres de la commission des affaires sociales du Sénat, proposition de loi qui est devenue la loi du 24 janvier 1997, de donner son sentiment sur l'amendement qui nous est présenté par le Gouvernement.
Comme mes collègues MM. Michel Mercier et Philippe Marini, je me réjouis de constater que le Gouvernement conforte ainsi l'initiative du Sénat et confirme le bien-fondé de la démarche que nous avions entreprise puisque cet amendement ne remet nullement en cause l'économie générale de la loi de 1997.
Vous allez même plus loin, madame le ministre ; forte du bilan dont vous avez pris connaissance, vous avez en effet considéré qu'il était souhaitable de prendre une nouvelle mesure pour avancer encore dans la mise en oeuvre de la prestation spécifique dépendance.
Il est évident que cette démarche ne peut que nous agréer et nous inciter à voter cet amendement.
Je veux cependant, madame le ministre, appeler votre attention sur la nécessité d'agir le plus rapidement possible en ce qui concerne la réforme de la tarification.
Vous avez pris aujourd'hui - à cet égard - des engagements très clairs, nous assurant que les décrets d'application allaient être très prochainement publiés ; j'espère qu'ils le seront effectivement avant la fin du mois de juin comme cela a été indiqué à la commission des affaires sociales.
Il apparaît clairement que c'est l'absence de réforme de la tarification qui est à l'origine de la position frileuse d'un certain nombre de départements, qui ont préféré adopter un profil bas, attendant que cette réforme soit décidée pour s'engager plus avant dans la mise en oeuvre de la prestation dépendance en établissement. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté à cet égard.
Je note également avec satisfaction que vous manifestez la même détermination que celle dont avait fait preuve votre prédécesseur, M. Barrot,...
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Dommage qu'il n'ait pas fait la réforme !
M. Alain Vasselle. ... qui avait, lui aussi, beaucoup travaillé - certains de ses collaborateurs sont d'ailleurs à vos côtés aujourd'hui - pour engager la réforme de la tarification.
Je remercie notre rapporteur, M. Seillier, d'avoir obtenu de votre part une réponse claire sur la question de savoir si, après la parution des décrets relatifs à la réforme de la tarification, dans l'hypothèse où vous seriez amenée à prendre le décret visant à instituer des minima et des maxima, ceux-ci s'appliqueraient à la fois à domicile et en établissement.
Vous avez précisé que le dispositif ne s'appliquerait qu'en établissement. Il est bien évident qu'il aurait été extrêmement difficile de fixer un minimum à domicile. Les situations étant très variables d'un département à l'autre, d'une personne à l'autre, compte tenu des critères pris en compte pour le montant de la prestation, ç'aurait été un exercice particulièrement hasardeux.
Par conséquent, je ne doute pas que les départements qui pratiquaient des tarifs très bas, de 15 francs, comme le département des Landes, rejoindront très rapidement la moyenne, voire se rapprocheront des départements des Hauts-de-Seine, de l'Oise et de la Savoie, qui pratiquaient un tarif correspondant à ce que vous attendez de la mise en oeuvre de la prestation dépendance en établissement.
Je me réjouis enfin de l'attitude adoptée par le Gouvernement, qui a fait le choix de la concertation, renonçant à la méthode brutale qu'il avait employée lors de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
La solution proposée par le Gouvernement, qui résulte d'une négociation menée avec la commission des affaires sociales du Sénat et le président Fourcade, va permettre de préserver les principes fondateurs de la PSD et sauvegarder l'avenir de cette prestation. Puisse cela laisser présager une bonne coopération entre le Gouvernement et le Sénat pour faire évoluer à terme la PSD vers la prestation autonomie, tant souhaitée par la majorité, pour ne pas dire la quasi-unanimité, des membres du Parlement, et surtout par M. le Président de la République, qui a instamment invité le Gouvernement à s'engager et le Parlement à faire oeuvre utile sur cette question.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Face, d'une part, au vieillissement de la population - on estime à plus de 700 000 le nombre de personnes de plus de soixante ans souffrant de handicaps - et, d'autre part, à l'inadaptation des dispostifs existants - qu'il s'agisse de l'aide ménagère ou de l'allocation compensatrice pour tierce personne - en 1995, l'unanimité s'était faite sur l'urgence d'une réponse globale à la dépendance.
Or, au lieu d'opter pour une prise en charge de la dépendance des personnes âgées par la solidarité nationale, en concevant cette dépendance comme un cinquième risque, position que ma formation politique soutenait, le gouvernement de M. Chirac a choisi de traiter en assistés des personnes âgées qui, ayant cotisé toute leur vie, ont pourtant largement contribué au développement de la France.
Lors de l'examen de la loi du 24 janvier 1997, instituant la prestation spécifique dépendance, les parlementaires communistes s'étaient opposés à la mise en place, au niveau départemental, de ce dispositif d'aide social rémunérant en nature un service d'assistance pour la personne dépendante, considérant que cette prestation, modulée en fonction de l'incapacité de la personne et de ses ressources, mais à des conditions trop restrictives par rapport à l'ACTP, permettrait seulement de prendre en charge les personnes les plus démunies et les plus dépendantes.
Nous étions alors résolument contre cette prestation dépendance, la jugeant insuffisante et par trop inégalitaire.
Après un an, le bilan de cette réforme, inachevée, de la dépendance est malheureusement négatif à nos yeux. En témoigne le Livre noir de la PSD, conçu par une quinzaine d'associations qui prônent l'abrogation de la loi de 1997 et demandent une véritable prestation d'autonomie.
Par ailleurs, madame la ministre, vous avez vous-même regretté les graves dysfonctionnements dans l'application de cette loi.
En effet, la direction de l'action sociale constate que, prévue initialement pour toucher, à terme, 300 000 personnes, la PSD ne serait servie qu'à 15 000 personnes âgées, de nombreux bénéficiaires potentiels restant exclus du fait du durcissement des conditions d'octroi et de l'effet dissuasif du recours sur succession.
De plus, lorsque les départements s'engagent pour financer la PSD, de fortes disparités apparaissent, tant selon les modes d'hébergement que d'un département à l'autre, certains allant même jusqu'à ne pas financer cette prestation. Ainsi, en raison des effets pervers de ce système et de sa mauvaise utilisation par les départements et les caisses de retraite, 100 millions de francs seulement auraient été consacrés à la prestation dépendance, une économie de 600 millions de francs étant réalisée pour 1997. Des rapports très objectifs sont nécessaires à cet égard.
Pour remédier à ces inégalités, le Gouvernement, dans le cadre du projet de loi portant DDOEF, avait tenté d'intervenir pour apporter des « correctifs », notamment en proposant de fixer nationalement un montant minimal de PSD, dispositions rejetées par la majorité sénatoriale soucieuse de préserver l'autonomie de ses présidents de conseils généraux. (M. Alain Vasselle proteste.)
Aujourd'hui, madame la ministre, vous introduisez dans le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions une disposition qui prévoit la réforme de la tarification dans les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes, laquelle devra intégrer, à côté de la part faite aux soins et à l'hébergement, la part dépendance. Certes, la loi est là, mais nous aurions souhaité que les partenaires qui oeuvrent dans ce domaine soient davantage associés à ces modifications.
Les établissements auront à nouveau un délai de deux ans à compter de la précédente réforme pour négocier des conventions. Ensuite seulement, un décret pourrait intervenir pour fixer un montant minimal pour chaque niveau de dépendance. Les départements sont donc incités à modifier leurs pratiques ; s'ils n'obtempèrent pas, alors la sanction tombera !
Nous apprécions votre démarche, madame la ministre, qui tend à améliorer concrètement la situation de nombre de nos concitoyens. Pour cette raison, nous voterons votre amendement.
M. Charles Descours. Ah ?
M. Guy Fischer. Toutefois, je tiens à rappeler que, sur le fond, notre position est inchangée : nous rejetons la logique de la loi de 1997.
Nous attirons votre attention sur le fait que votre réforme devrait, nécessairement, s'accompagner non seulement d'une refonte de la grille AGIR, afin de satisfaire, notamment, les malvoyants, mais aussi d'une modification du niveau de recours sur succession.
De plus, nous serons attentifs au bilan qui sera présenté chaque année, soucieux de ne pas voir les établissements « payer les pots cassés » et les familles supporter encore le coût de ces mesures alors que, normalement, c'est un effort de la solidarité nationale, seule à la hauteur des enjeux, qui s'imposait. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. La prise en charge de la dépendance est au coeur de notre réflexion depuis quelques années. Elle a évolué entre la notion de cinquième risque et celle d'aide sociale.
Sans remonter aux calendes grecques, je rappelle simplement que le projet de loi de Mme Codaccioni, dont la discussion fut arrêtée en vol du fait de la formation du deuxième gouvernement Juppé en novembre 1995, prévoyait précisément une prestation autonomie qui faisait jouer la solidarité à la fois nationale, par le biais du Fonds de solidarité vieillesse, et départementale. Or, chacun s'en souvient, au moment même de l'annonce du remaniement ministériel, le Sénat débattait de cette prestation et M. Barrot, qui siégeait au banc du Gouvernement, nous assurait que la discussion serait poursuivie. On sait ce qu'il en est advenu par la suite !
Quelles que soient les critiques que nous devions ensuite formuler sur la proposition de loi sénatoriale, nous étions donc obligés de combler une lacune née de l'absence de prise en charge effective, sauf par l'ACTP, des problèmes de dépendance.
Cela a justifié le dépôt de la proposition de loi de M. Fourcade.
On en connaît les aspects positifs, tels que la prestation en nature, la grille des dépendances... Je n'insiste pas. Les points négatifs, on les connaît aussi, notamment le choix d'une prise en charge exclusivement par l'aide sociale et non plus par la solidarité nationale, les distorsions entre les départements, mais c'était dans la logique du texte, le tout, bien sûr, sur fond de réforme de la tarification.
S'agissant précisément de la réforme de la tarification et du minimum qui serait applicable dans tous les départements et qui serait fixé par décret si les départements n'arrivaient pas à une position raisonnable, je crois que la négociation qui a eu lieu entre le ministère et le président de la commission des affaires sociales a permis d'aboutir à une solution acceptable par tous. Il est difficile de faire mieux dans la situation présente.
Je vois dans ce petit affrontement davantage un problème de communication, d'incompréhension, qu'un problème de fond, les uns et les autres ayant le même souci de parvenir à une prise en charge correcte de la dépendance.
Dans un avenir proche, les départements, qui font aujourd'hui des économies, les verront automatiquement diminuer avec le poids de la démographie et l'alourdissement des handicaps et des prises en charge financièrement coûteuses qui en résulteront.
Nous serons donc, dans un avenir proche, les uns et les autres confrontés à l'obligation de faire une nouvelle lecture de ce problème pour aboutir à une prise en charge de la dépendance, sinon totale, du moins partielle, par la solidarité nationale. Il importera alors d'en revenir à un système de financement croisé pour un risque qui va peser inévitablement de plus en plus lourd.
Vous l'aurez compris, je suis favorable à l'amendement présenté par le Gouvernement.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Madame la ministre, avant un vote qui, je crois, va rassembler l'ensemble du Sénat, je tiens à vous remercier de votre ouverture d'esprit sur un sujet difficile et contesté : la décentralisation, semble-t-il, n'est toujours pas passée dans les moeurs et un certain nombre de présidents d'associations d'associations ou de présidents d'associations considèrent que, de la Lozère aux Hauts-de-Seine, la France entière doit être traitée selon les mêmes canons et que la diversité territoriale n'existe pas !
Comme vous l'avez rappelé très justement, ainsi que Mme Dieulangard, ce n'est pas quand le total des prélèvements sur le PNB au titre des cotisations sociales atteint 21,6% - chiffre record toutes catégories dans l'Union européenne ! - que l'on peut se permettre, sauf à être complètement irresponsable, de majorer les cotisations sociales et de créer un cinquième risque !
M. Charles Descours. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je remercie Mmes Dieulangard et Dusseau de l'avoir dit : on ne peut pas, à l'évidence, se lancer dans ce genre d'improvisation. Car, alors, quid de l'euro ? Quid du développement économique ? Quid de la lutte contre le chômage ? Bref, cela nous ramène à nos débats favoris.
La PSD ne vaut absolument pas le torrent de critiques qu'elle a pu susciter. Elle ne méritait pas davantage ce fameux Livre noir commis par quelques dirigeants d'associations - ils auraient certainement mieux employé leur temps à autre chose - qui ont oublié que, très souvent, les vraies questions étaient, d'une part, le passage de la prestation en espèces à la prestation en nature, d'autre part, la récupération sur succession, soit deux innovations que nous avons longuement méditées.
Je crois, madame la ministre, que la PSD a deux avantages.
Premièrement, elle comble une lacune de notre législation.
Voilà en effet six ans que la commission propose au Gouvernement de mettre en place un dispositif efficace pour prendre en charge les personnes âgées dépendantes, et ce en s'occupant de chaque personne et non pas d'une catégorie nouvelle de personnes âgées dépendantes. En effet, les unes et les autres ont non seulement des problèmes médicaux, mais aussi des problèmes d'environnement et des problèmes sociaux et doivent donc être suivies de manière globale et non pas fractionnée.
Deuxièmement, le grand intérêt de la loi de 1997 après l'expérimentation des années précédentes, c'est d'avoir imposé une coordination locale autour des personnes âgées.
L'idée de faire travailler ensemble les nombreux intervenants - le conseil général, les organismes de sécurité sociale, quels qu'ils soient, les associations, les collectivités, les mairies - est fondamentale ; il est ainsi démontré qu'on peut mieux dépenser les 15 milliards de francs que représente à l'heure actuelle l'aide aux personnes âgées dépendantes en coordonnant les actions et en réglementant au plan local l'activité des différents acteurs. On doit trouver là un certain nombre d'économies et de modifications possibles.
Le texte que vous nous proposez nous rassure, madame la ministre, sur la sortie prochaine des décrets de tarification.
Nous allons donc vers une tarification à trois niveaux : d'un côté, une aide médicale en fonction de l'état de la personne ; de l'autre, un forfait d'hébergement, qui concerne uniquement des prestations d'hôtellerie ; au milieu, une PSD, qui permet de raccorder les deux autres éléments et qui tient compte de l'état réel de la personne. C'est bien dans cette direction qu'il faut aller, à notre avis.
Nous comprenons parfaitement qu'il faille un certain temps pour passer toutes les conventions. Grâce à ce texte, qui institue une aide non pas monétaire mais effective aux personnes âgées dépendantes, et qui va enfin mettre un terme au grand désordre des établissements d'hébergement - il y en a de toute espèce et de toute nature - on peut penser que, d'ici à un ou deux ans, nous aurons apporté une contribution utile au traitement du problème des personnes âgées dépendantes.
Je tiens donc, au nom de la commission, à vous remercier, madame la ministre, de ce texte revu et corrigé, qui nous donne non pas toute satisfaction - un texte n'est jamais parfait ! - mais qui permet de faire avancer le débat et qui est davantage au service des personnes âgées dépendantes.
Les quelques départements qui, jusqu'a présent, pour des raisons parfois idéologiques, parfois financières - mais les deux motifs ont été mêlés ! - n'avaient pas accepté d'entrer dans le jeu de la PSD vont sans doute y entrer. Je souhaite que les quelques présidents de conseil général qui n'avaient pas vu qu'il était nécessaire de faire quelque chose seront maintenant incités à le faire dans de bonnes conditions.
Comme l'avait dit notre collègue Roland Huguet, président du conseil général du Pas-de-Calais et qui n'appartient pas à la même sensibilité politique que moi, il ne fallait pas, au motif que certains n'avaient pas appliqué le texte, punir l'ensemble des départements et des collectivités.
Vous l'avez parfaitement compris, madame la ministre.
Nous sommes d'accord pour vous donner un instrument de régulation qui permette d'éviter à l'avenir de trop grandes disparités sur le territoire national entre les personnes âgées dépendantes. Elles méritent toutes d'être prises en charge dans des conditions satisfaisantes.
Le cumul de la réforme effective de la tarification des établissements d'hébergement et de la possibilité qui vous est donnée de mettre en place des barèmes minima, avec peut-être, comme l'a dit M. Fischer - il a en effet raison - une modification de la grille AGIR car elle ne tient pas compte de tous les problèmes actuels des personnes âgées, notamment des problèmes de vue comme l'amblyopie, nous permettra de parvenir à des solutions constructives.
Je sais bien que beaucoup militent pour la création d'un cinquième risque. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Charles Descours. Après l'assurance maladie universelle !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Il faut d'abord réduire le poids du prélèvement avant de s'engager dans des actions nouvelles sur le plan national. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. Joly applaudit également.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je souhaite répondre à certaines interventions.
Tout d'abord, je préférerais effectivement que nous puissions mettre en place un cinquième risque, c'est-à-dire que nous ayons la possibilité de faire en sorte que la solidarité nationale puisse aider les personnes dépendantes.
Toutefois, chacun sait - d'ailleurs, M. Fischer l'a lui-même indiqué - que, en raison à la fois de l'état de financement de la sécurité sociale et du problème du financement des retraites, qui doit être notre priorité dans les mois à venir, ce cinquième risque ne peut être financé aujourd'hui par la solidarité nationale.
Si nous devons prendre en charge la réflexion - M. Fischer et Mme Dieulangard nous y ont poussés - autour de la dépendance dans l'avenir, nous devrons progresser dans deux domaines, et c'est peut-être à cet égard qu'il faudra envisager d'améliorer la loi : d'une part, la dépendance physique et une meilleure appréciation - M. le président Fourcade et vous-même, monsieur Fischer, avez cité quelques exemples concernant l'adaptation de la grille AGIR - et, d'autre part, la dépendance financière.
Au fond, la solidarité nationale, aujourd'hui, consiste à dire que l'on doit vous aider non pas dès que vous atteignez par exemple l'âge de soixante-cinq ou de soixante-dix ans, mais dès que vous avez des problèmes de dépendance que nous sommes capables de mesurer, y compris dans votre environnement. Et si vous avez des problèmes financiers, nous devons d'autant plus vous aider ! C'est au croisement de ces deux éléments que nous devrons réfléchir dans les mois à venir, pas seulement d'ailleurs pour les personnes âgées, mais peut-être aussi pour les handicapés, la garde des enfants...
Si l'objectif ne peut être atteint aujourd'hui, nous devrons y réfléchir dans cette double logique : dépendance physique et dépendance financière.
Ensuite, il faut le dire très simplement - M. Fischer, Mme Dieulangard et Mme Dusseau l'ont d'ailleurs indiqué - la loi en vigueur, qui est une loi de transition, est sans doute perfectible sur plusieurs points. Nous devons examiner, par exemple, si le seuil qui a été fixé pour la récupération sur succession n'est pas trop bas. C'est un des points que nous devrons étudier.
Pour ma part, je ne suis pas choquée par le fait que les personnes qui ont des revenus et qui peuvent prendre en charge leur dépendance ne voient pas la solidarité s'exprimer à la même hauteur que les autres. Encore faut-il vérifier que le montant qui a été fixé ne fait pas renoncer aujourd'hui certaines personnes âgées à demander cette prestation spécifique dépendance. Cela fera partie du bilan que nous allons faire, comme vous l'avez souhaité.
Monsieur Fourcade, les réactions face à la loi sur la prestation spécifique dépendance ne me paraissent pas traduire un refus de décentralisation. Je reconnais que les montants de la PSD peuvent et doivent être différents, pour tenir compte de la situation non seulement des régions, mais aussi des établissements, qui offrent des services différents. Nous le verrons avec les décrets de tarification.
M. Marini a cité la situation dans les Landes. Certes, la prestation n'est que de 15 francs mais pour un prix de journée moyen oscillant entre 80 francs et 100 francs, alors qu'il atteint souvent 350 francs à 400 francs dans les Hauts-de-Seine ! Comparons ce qui est comparable !
J'aurais pu citer les Hautes-Alpes, l'Yonne ou la Corrèze. Vous auriez constaté que, chez vos amis, la situation n'est pas toujours plus enviable, alors qu'il s'agit de départements où les prix de journée sont supérieurs. Je voulais éviter ce type de critiques, mais puisqu'on m'interpelle, je réponds !
Personne ne nie la nécessité de la décentralisation. La gauche a fait voter les lois de décentralisation. Donc, nous y croyons. Nous estimons toutefois que la proximité ne doit pas entraîner de rupture de l'égalité. Cela signifie non pas une égalité totale, mais un accès aux droits pour chacun. Or, aujourd'hui, dans notre pays, il n'y a pas accès aux droits en matière de PSD dans tous les départements.
Je veux bien croire que cela est dû, en partie, au fait que la loi n'est en vigueur que depuis un an. Je veux bien croire que cela tient aussi au fait que l'on attend la réforme de la tarification, comme certains l'on dit. Nous verrons lorsque cette réforme de la tarification aura eu lieu.
Je voudrais maintenant répondre à M. Marini... qui a quitté l'hémicycle.
Mme Joëlle Dusseau. Il a eu peur. (Sourires.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le ton qu'il a employé ce matin m'a paru pourtant plus agréable.
« Vous avez enfin compris, vous avez tiré des enseignements », m'a-t-il dit. J'ai tiré des enseignements d'un bilan qui n'est pas favorable, c'est tout. (M. Michel Mercier fait une moue dubitative.) Vous le savez bien, monsieur Mercier. J'ai parlé de 15 000 bénéficiaires de la PSD. Peut-être en est-on maintenant à 25 000 puisqu'un mois s'est écoulé. Mais même avec 25 000 bénéficiaires en France, contre un million et demi de personnes qui perçoivent une prestation dépendance en Allemagne, on ne peut pas dire que ce soit un franc succès.
C'est précisément parce que ce n'est pas un franc succès, peut-être des raisons que nous avons soulevées, que je souhaite, en effet, faire avancer les choses.
Quant au pas de clerc... J'ai dit que j'avais été désolée face à un bilan qui n'était pas bon d'être obligée, rapidement et sans concertation, de déposer un texte qui, pour des raisons juridiques, et non pour des raisons de fond, a changé finalement de support. Mais, encore une fois, c'est la réalité qui conduit. Et si pas de clerc il y a, je le dis très gentiment à M. Marini, c'est de faire voter une loi, de la défendre et de ne pas l'appliquer ! Pour moi, cela c'est un drame !
Quand on est au gouvernement, on essaie de faire appliquer les lois qui ont été votées. C'est ce que je m'efforce de faire, même si je pense que ces lois sont perfectibles.
Monsieur Vasselle, je ne tire aucune conséquence des premiers bilans que j'ai faits de la loi de 1997.
Je constate que, aujourd'hui, il existe une inégalité sur le territoire en ce qui concerne non seulement les montants, mais aussi l'accès à la PSD pour les personnes âgées. Nous allons déjà faire en sorte que cela fonctionne, et nous ferons un bilan. Nous le ferons en commun. Nous verrons alors ce qui doit être modifié dans la loi de 1997.
Pour ma part, je fais preuve de pragmatisme, je ne confirme en rien le bien-fondé de quoi que ce soit. J'ai vu les avancées de cette loi, je l'ai dit. Je vois aussi ce qui ne fonctionne pas aujourd'hui, les problèmes qui se posent et qui ont été évoqués par certains d'entre vous. Eh bien, quand nous ferons le bilan, nous en tirerons les conséquences, y compris sur le plan législatif si cela est nécessaire.
M. Barrot avait peut-être l'intention de publier le décret de tarification. Il avait beaucoup d'intentions. Mais, moi, je retrouve nombre de dossiers sous les tapis, que je suis obligée de traiter. Le dossier de tarification des établissements en fait partie.
M. Michel Mercier. Il a manqué de temps !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Moi, je ne suis là que depuis douze mois. Or, le décret est prêt. Il a déjà fait l'objet d'une première concertation. Il donnera lieu à une concertation générale dans les semaines à venir.
S'il en est ainsi, c'est tout simplement parce que je pense qu'il faut le faire si nous souhaitons que les personnes âgées soient mieux accompagnées et qu'il y ait une plus grande transparence.
Je conclurai en disant, comme Mme Dieulangard, que le bilan concernant l'amélioration de la loi s'imposera à la fin de l'année ; il s'agira peut-être de modifier certains points, mais peut-être aussi de trouver d'autres types de solutions.
Pour ma part, je retiens ce que Mme Dieulangard a dit sur la solidarité entre générations : nous devons réfléchir à la façon de faire en sorte que la solidarité à l'égard des personnes âgées dépendantes soit le plus largement possible ouverte dans notre pays. Il faut y réfléchir et y travailler ; nous avons quelques mois devant nous pour le faire.
Je remercie le Sénat d'accepter que le Gouvernement, comme l'a dit le président Fourcade, ait un élément de régulation pour faire appliquer un texte que vous avez voté. Ce que je ne puis accepter, c'est que l'on donne des droits et qu'on ne les fasse pas appliquer.
Tel est l'objectif de ce texte. Nous tirerons tous ensemble les conséquences de cette pratique et nous prévoirons éventuellement d'autres modifications juridiques et législatives si celles-ci s'imposent. Mais nous n'en sommes pas là. Pour l'instant, donnons-nous la possibilité de faire appliquer une loi qui a été votée par le Parlement. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Mme Dusseau applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 515, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. Charles Descours. L'unanimité ! Quel succès, madame le ministre !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 73 bis .
Je rappelle que les articles 74 à 78 bis, ainsi que l'amendement visant à insérer un article additionnel après l'article 78 bis ont été examinés le vendredi 12 juin.

TITRE III

DES INSTITUTIONS SOCIALES

Article 79 A



M. le président.
« Art. 79 A. - Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 138 du code de la famille et de l'aide sociale, après les mots : "doivent figurer", sont insérés les mots : "un représentant des associations qui oeuvrent dans le domaine de l'insertion et de la lutte contre les exclusions,". » - (Adopté.)

Article additionnel avant l'article 79



M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 103, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose d'insérer, avant l'article 79, un article additionnel ainsi rédigé :
« Pendant une période de cinq ans à compter de l'exercice 1998, les dépenses consacrées à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et aux actions en faveur de l'insertion visées au douzième alinéa de l'article 36 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion peuvent être financées sur les crédits que les départements sont tenus d'inscrire annuellement à leur budget en application de l'article 38 de ladite loi dans la limite de 10 % de ces crédits. »
Par amendement n° 483, MM. Vasselle et Doublet proposent d'insérer, avant l'article 79, un article additionnel ainsi rédigé :
« Pendant une période de cinq ans à compter de l'exercice 1998, les dépenses consacrées aux actions en faveur de la réinsertion des chômeurs de longue durée peuvent être financées sur les crédits que les départements sont tenus d'inscrire annuellement à leur budget en application de l'article 38 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 103.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet article additionnel reprend le contenu du dispositif voté par le Sénat en séance publique le 5 mars dernier et selon lequel pendant une période de cinq ans à compter de l'exercice 1998, les dépenses consacrées à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion visées par le plan départemental d'insertion peuvent être financées sur les crédits départementaux d'insertion que les départements sont tenus d'inscrire annuellement à leur budget.
Il s'agit de poursuivre la discussion sur la proposition de loi présentée par M. Jean Delaneau et ses collègues du groupe des Républicains et Indépendants, à laquelle votre rapporteur a consacré un rapport au mois de février dernier.
Cette disposition exceptionnelle, à caractère temporaire, permettrait sur cinq ans aux départements d'affecter à l'ensemble de la lutte contre l'exclusion 10 % au plus du montant des crédits dont l'inscription est obligatoire.
Sachant que les départements consomment aujourd'hui à 97 % en moyenne les crédits départementaux d'insertion, trois cas de figure sont possibles.
Le premier : les départements consomment l'ensemble de leurs crédits d'insertion et ne disposent pas de crédits reportés. Ces départements ne sont pas a priori concernés par le dispositif temporaire et continueront à financer l'insertion comme ils le faisaient auparavant.
Deuxième cas de figure : les départements consomment leurs crédits d'insertion annuels et font apparaître un montant cumulé de reports importants sur les exercices précédents. Grâce au dispositif proposé, ces départements pourront, dans la limite de 10 % des crédits annuels d'insertion, résorber en cinq ans leurs reports sans porter atteinte aux moyens qu'ils consacrent à l'insertion.
Enfin, troisième cas de figure : indépendamment de l'existence ou non de crédits reportés, les départements pourront éventuellement affecter temporairement à la lutte contre l'exclusion une fraction des crédits non consommés au titre de l'insertion, tout en veillant, sur une période de cinq ans, à assurer une consommation complète de ces crédits au profit des bénéficiaires du RMI.
Au total, le dispositif ne remet donc pas en cause le niveau des crédits destinés aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion.
Il ne crée pas de dépenses supplémentaires : il permet seulement, dans l'esprit du texte de M. Jean Delaneau, de dépenser mieux des crédits qui sont aujourd'hui inutilisés et qui pourraient utilement être mis au service de la lutte contre l'exclusion au cours des cinq prochaines années.
La commission vous demande, mes chers collègues, d'insérer cet article additionnel par voie d'amendement.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour défendre l'amendement n° 483.
M. Alain Vasselle. Dans l'esprit qui a présidé à la rédaction de l'amendement n° 103, il s'agit d'étendre le dispositif qui nous est proposé dans ce dernier à la réinsertion des chômeurs de longue durée.
Je rappelle d'ailleurs à nos collègues que, au cours de l'examen du présent projet de loi, nous avons déjà adopté des dispositions permettant d'ouvrir aux chômeurs de longue durée le bénéfice de certaines dispositions, notamment en ce qui concerne la réinsertion par le travail.
Pour ma part, je suis prêt à me rallier à l'amendement n° 103 si M. le rapporteur accepte d'y intégrer la proposition que je viens de présenter.
M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de modifier l'amendement n° 103 ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 103 rectifié, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, et tendant à insérer, avant l'article 79, un article additionnel ainsi rédigé :
« Pendant une période de cinq ans à compter de l'exercice 1998, les dépenses consacrées à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et aux actions en faveur de l'insertion visées au douzième alinéa de l'article 36 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion ainsi qu'aux actions en faveur de la réinsertion des chômeurs de longue durée peuvent être financées sur les crédits que les départements sont tenus d'inscrire annuellement à leur budget en application de l'article 38 de ladite loi dans la limite de 10 % de ces crédits. »
En conséquence, l'amendement n° 483, est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 103 rectifié ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Une telle proposition me paraît d'ailleurs un peu paradoxale au moment où il est question de lutter contre les exclusions, principalement des personnes qui touchent des minima sociaux, et alors que nous savons que l'insertion des bénéficiaires du RMI est largement insuffisante dans notre pays puisque 100 000 RMIstes touchent le RMI depuis dix ans, c'est-à-dire depuis sa création.
En novembre dernier, en concertation avec les présidents de conseils généraux, nous avons souhaité faire porter l'effort commun sur trois points.
Tout d'abord, nous avons voulu faire en sorte que l'ANPE et les services publics de l'Etat reçoivent ces 100 000 personnes pour voir où elles en sont et quelle est leur situation réelle ; peut-être certaines peuvent-elles être considérées comme des adultes handicapés et peut-être d'autres ont-elles besoin d'être accompagnées rapidement vers des mesures d'insertion.
Par ailleurs, nous avons demandé - les premiers résultats sont d'ailleurs très satisfaisants - que les dispositifs visant les chômeurs de longue durée et les RMIstes servent beaucoup plus que ce n'était le cas jusqu'à présent à faire sortir les RMIstes de l'assistance - je pense aux contrats initiative-emploi, aux contrats emploi-solidarité, par exemple - et des efforts importants sont faits actuellement par les préfets et par les services publics de l'emploi pour qu'il en soit ainsi.
Enfin, nous avons demandé aux départements de mettre fin à certaines pratiques, certes isolées, qui consistaient à utiliser les crédits d'insertion du RMI à d'autres fins que l'insertion, comme, par exemple, au paiement du personnel de l'action sociale, ce qui n'est pas l'objet de ces crédits.
Je considère que, même si le taux d'utilisation de ces crédits est aujourd'hui relativement important - il est de l'ordre de 95 % - des efforts restent à faire, notamment par les départements qui n'utilisent pas ces fonds dans cette proportion. Il faut rappeler que quelque vingt-cinq départements consomment moins de 90 % de l'enveloppe du RMI, dont douze départements moins de 85 %.
Notre responsabilité, alors que nous parlons de la lutte contre les exclusions, est donc d'inciter ces départements, voire de les aider lorsqu'ils ont besoin de conseils, à utiliser correctement ces fonds d'insertion du RMI, alors que tel n'est pas le cas aujourd'hui, afin, conformément à notre objectif, de faire sortir de l'assistance un certain nombre d'exclus, et donc de les insérer.
Je crains vraiment que le fait de réserver 10 % de ces fonds à d'autres personnes que les RMIstes, notamment aux chômeurs de longue durée dont l'Etat s'occupe largement par le biais des dispositifs importants que nous avons mis en place, y compris dans ce projet de loi, ne nous détourne de cette insertion des RMIstes, qui est parfois plus difficile à réaliser que celle d'un chômeur de longue durée, qui, s'il est resté un an au chômage, travaillait voilà encore un an.
Je crains même que ceux qui dépensent 97 %, 98 % de ces fonds ne soient tentés d'en utiliser 10 % pour les chômeurs de longue durée parce que c'est plus facile.
Nous devons ensemble, en ouvrant davantage les dispositifs d'Etat aux RMIstes et en utilisant à bon escient les crédits d'insertion, tout faire pour sortir de l'assistance ces personnes bénéficiaires du RMI.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 103 rectifié.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 103 rectifié.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de note.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Je suis défavorable à cet amendement. L'originalité du système français résidait, certes, dans le « I » du RMI, le « I » de l'insertion, financée à hauteur de 20 % du total du revenu minimum par les départements.
S'il faut être plus exigeant sur la consommation des fonds ainsi que sur la qualité et l'efficacité du dispositif, il ne me paraît cependant pas raisonnable, lors de l'examen de ce projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, de prévoir que l'on va diminuer les crédits d'insertion pour les personnes les plus en difficulté qui relèvent précisément du RMI. Tendre à faire bénéficier du dispositif des personnes qui ne sont pas au RMI et qui disposent donc de revenus supérieurs revient à diminuer les crédits de ceux qui se trouvent le plus en difficulté.
C'est à mon avis une erreur.
Je voterai donc très fermement contre l'amendement n° 103 rectifié.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Nous voterons également contre l'amendement n° 103 rectifié. Nous aussi sommes très attachés au « I » du revenu minimum d'insertion. Lors de l'examen de la proposition de loi de M. Delaneau, nous avions d'ailleurs déclaré combien nous étions choqués par le fait que certains départements se soient affranchis de cette obligation.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 103 rectifié, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 79.

Article 79



M. le président.
« Art. 79. - I. - L'article 29 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales est ainsi rédigé :
« Art. 29 . - Les établissements publics ou privés dispensant des formations sociales, initiales, permanentes et supérieures contribuent à la qualification et à la promotion des professionnels et des personnels salariés et non salariés engagés dans la lutte contre l'exclusion, la prévention et la réparation des handicaps ou inadaptations, la promotion du développement social. Ils participent au service public de la formation.
« A cet effet, ces établissements sont agréés par le ou les représentants des ministres compétents dans la région et, le cas échéant, dans l'académie, dans des conditions définies par décret. Ils s'engagent notamment à recruter des personnels directeurs et formateurs inscrits sur une liste d'aptitude nationale, dans des conditions fixées par voie réglementaire, et à exercer leurs missions suivant les orientations du schéma national des formations sociales arrêté par le ministre chargé des affaires sociales après avis du Conseil supérieur du travail social.
« Les formations sociales définies par le schéma national susmentionné assurent à la fois une approche globale et transversale et une connaissance concrète des situations d'exclusion et de leurs causes. Elles préparent les travailleurs sociaux à la pratique du partenariat avec les personnes et les familles visées par l'action sociale. Ce schéma s'attache également à coordonner les différentes filières de formation des travailleurs sociaux, notamment avec l'enseignement supérieur, et favorise le développement de la recherche en travail social.
« Les formations initiales sont sanctionnées par des diplômes et des certificats d'Etat définis par voie réglementaire.
« L'Etat garantit aux établissements le financement des dépenses de fonctionnement afférentes à ces formations dans les conditions définies à l'article 29-1. »
« II. - Il est inséré, à la fin du chapitre VII de la même loi, deux articles 29-1 et 29-2 ainsi rédigés :
« Art. 29-1 . - I. - Les organismes responsables d'établissements de formation mentionnés à l'article 29 bénéficient d'une aide financière de l'Etat dont les modalités sont fixées par voie de contrat.
« II. - L'aide financière de l'Etat est constituée par une subvention couvrant, d'une part, les dépenses liées à l'emploi des formateurs nécessaires à la mise en oeuvre des formations définies par le contrat, d'autre part, les dépenses d'ordre administratif et pédagogique sur la base d'un forfait national par étudiant.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine le contrat type et fixe les modes de calcul de la subvention.
« Les établissements sous contrat perçoivent, de la part des étudiants, des droits d'inscription dont le montant maximum est fixé chaque année par le ministre chargé des affaires sociales. En supplément des droits d'inscription, ils peuvent prélever des frais de scolarité dont le montant maximum est fixé chaque année par le ministre chargé des affaires sociales. Ils peuvent également bénéficier des rémunérations de services, participations des employeurs ou subventions des collectivités publiques.
« Art. 29-2 . - I. - Les étudiants inscrits dans les établissements mentionnés à l'article 29 peuvent, pour l'accomplissement de leur scolarité, prétendre à l'attribution d'aides financières de l'Etat, dont la nature, le taux et les conditions d'attribution sont fixés par décret.
« II. - Les étudiants inscrits dans les établissements mentionnés à l'article 29 disposent de la liberté d'information et d'expression à l'égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels. Ils l'exercent, à titre individuel ou collectif, dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux activités d'enseignement et de recherche et qui ne troublent pas l'ordre public. »
Par amendement n° 104, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose de rédiger ainsi le I du texte présenté par le II de cet article pour l'article 29-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 :
« I. - Les organismes responsables d'établissements de formation mentionnés à l'article 29 sous contrat bénéficient d'une aide financière de l'Etat adaptée aux objectifs de formation définis par le contrat. »
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si vous le permettez, je vais maintenant remplacer M. le rapporteur.
La commission des affaires sociales a déposé à cet article trois amendements visant à améliorer le fonctionnement et le financement des organismes responsables d'établissements de formation.
L'amendement n° 104 a pour objet d'apporter des garanties accrues en matière de financement à ces établissements de formation des travailleurs sociaux. En effet, il ne sert à rien, madame la ministre, de réserver des crédits pour l'insertion si nous n'avons pas sur place des travailleurs sociaux bien formés et de bonne qualité. C'est vraiment le point sur lequel nous manquons de personnel.
Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai également les amendements n°s 105 et 106.
M. le président. J'appelle donc également en discussion les amendements n°s 105 et 106, présentés par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 105 vise, dans le premier alinéa du II du texte proposé par le II de l'article 79 pour l'article L. 29-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, après les mots : "la mise en oeuvre", à insérer les mots : "quantitative et qualitative".
L'amendement n° 106 tend, après le premier alinéa du texte proposé par le II de l'article 79 pour le II de l'article 29-1 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, à insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les dépenses liées à l'emploi des formateurs tiennent compte du nombre et de la qualification des formateurs nécessaires à la mise en oeuvre des filières prévues par le schéma national des formations sociales et du coût moyen estimé de la rémunération des formateurs. »
Veuillez poursuivre, monsieur le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. L'amendement n° 105 vise à préciser que la subvention budgétaire doit tenir compte du coût de la mise en oeuvre quantitative et qualitative des formations.
Quant à l'amendement n° 106, il prévoit que les dépenses liées à l'emploi sont prises en charge en tenant compte du nombre et de la qualification des formateurs nécessaires ainsi que du coût moyen estimé de leurs rémunérations.
Ces trois amendements, qui participent de la même logique, visent à améliorer la formation des travailleurs sociaux.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 104, 105 et 106 ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement donne un avis favorable sur les amendements n°s 104 et 105, qui améliorent effectivement le dispositif de financement.
En revanche, il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 106, qui vise à calculer la subvention au niveau national alors que c'est le contrat entre l'Etat et l'organisme responsable de la formation qui doit permettre de calculer la subvention. En effet, la référence au coût moyen estimé de la rémunération des formateurs manque totalement de portée opérationnelle au plan national, compte tenu de la variété non seulement des statuts, mais aussi des formations données au plan local.
C'est donc au niveau du contrat, en prenant en compte les spécificités de l'organisme, et non de façon générale, qu'il faut appréhender cela.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. La commission ayant été prise en flagrant délit de centralisme (Sourires) elle retire l'amendement n° 106 en contrepartie de l'accord favorable du Gouvernement sur les amendements n°s 104 et 105.
M. le président. L'amendement n° 106 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 104, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 105, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 79, modifié.

(L'article 79 est adopté.)

Article 80



M. le président.
« Art. 80. - I. - Il est créé, auprès du Premier ministre, un Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale chargé de rassembler, analyser et diffuser les informations et données relatives aux situations de précarité, de pauvreté et d'exclusion sociale ainsi qu'aux politiques menées en ce domaine.
« Il fait réaliser des travaux d'études, de recherche et d'évaluation quantitatives et qualitatives en lien étroit avec le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Les administrations de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics sont tenues de communiquer à l'observatoire les éléments qui lui sont nécessaires pour la poursuite de ses buts sous réserve de l'application des dispositions législatives imposant une obligation de secret.
« Il contribue au développement de la connaissance et des systèmes d'information dans les domaines mal couverts, en liaison notamment avec les banques de données et organismes régionaux, nationaux et internationaux.
« Il élabore chaque année, à destination du Premier ministre et du Parlement, un rapport synthétisant les travaux d'études, de recherche et d'évaluation réalisés aux niveaux national et régionaux. Ce rapport est rendu public.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine la composition, les missions et les modalités de fonctionnement de l'observatoire institué par le présent article.
« II. - Le troisième alinéa de l'article 43-1 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion est ainsi rédigé :
« - de réaliser ou de faire réaliser, notamment par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, toutes études sur les situations et phénomènes de précarité et d'exclusion sociale. »
Par amendement n° 322, Mmes Derycke, Dieulangard, Printz, MM. Huguet, Vezinhet, Autain et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, après la première phrase du deuxième alinéa du paragraphe I de cet article, d'insérer une phrase ainsi rédigée : « Ces travaux mentionnent la proportion d'hommes et de femmes respectivement touchés par la pauvreté et l'exclusion. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Notre amendement ne part pas de la volonté d'opérer une liste par catégories des personnes victimes de la pauvreté et de l'exclusion. Nous faisons simplement une observation : 60 % des allocataires de minima sociaux sont des femmes.
Les femmes sont les victimes prioritaires du travail à temps partiel contraint, avec ce qu'il entraîne de précarité, de sous-rémunération et de difficultés quotidiennes. Les familles monoparentales sont, dans l'immense majorité, placées sous la responsabilité de femmes pour lesquelles elles constituent une charge lourde. Ces familles monoparentales sont aussi les premières victimes de la pauvreté et de l'exclusion, comme l'ont rappelé plusieurs experts entendus par la commission des affaires sociales.
Or, il s'avère que cet aspect spécifique de la pauvreté n'est pratiquement jamais pris en compte, si ce n'est de façon quasi anecdotique. Des études fort intéressantes sont consacrées au chômage des jeunes, au chômage de longue durée. En revanche, il est pratiquement impossible de trouver une étude consacrée au chômage des femmes, alors que celles-ci sont majoritaires parmi les chômeurs.
Je viens même de parcourir une étude consacrée au chômage, à ses mécanismes et à ses conséquences sociales et humaines publiée en 1997 à la Documentation française, étude qui réussit le prodige de ne pas consacrer le moindre chapitre aux femmes. Mieux : le chômage des femmes n'est envisagé qu'à travers les effets sur la vie familiale et « le changement dans les rapports conjugaux conduisant parfois à la séparation du couple ».
« Si la personne au chômage est une femme, la transition entre l'activité professionnelle et les activités domestiques s'effectue sans heurts majeurs. La femme retrouve un rôle qui, sans être nécessairement celui qu'elle souhaitait exercer, est reconnu culturellement : celui de la femme au foyer. En revanche, si c'est l'époux qui devient chômeur, la femme peut être incitée à chercher un emploi afin de pallier la diminution - voire parfois l'absence - de revenu qui en résulte », peut-on lire également.
Pour caricaturaux qu'ils apparaissent, les extraits que je viens de citer reflètent un état d'esprit encore très répandu : celui qui tend à considérer les femmes non à partir de leur vie personnelle et professionnelle, mais à partir de la représentation que certains s'en font, c'est-à-dire en fonction d'une image de la famille et de la femme contribuant aux soins du ménage par un salaire d'appoint.
La réalité vécue par les femmes est infiniment plus variée et ne peut être réduite à un seul mode de vie. S'agissant des femmes en difficulté, elle est même incontestablement très différente, comme je le soulignais à l'instant : familles monoparentales, précarisation, travail à temps partiel contraint. S'y ajoutent les difficultés particulières liées au mode de garde des enfants pour les femmes isolées.
Nous souhaitons donc, à partir de cette simple mention dans les travaux de l'Observatoire des proportions d'hommes et de femmes touchés par le chômage et l'exclusion, que les femmes cessent enfin d'être ignorées par les statistiques et qu'à partir de cette information, de cette nécessaire prise de conscience, se développent les moyens de porter remède à leur situation, en prenant en compte leur spécificité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. La commission a été sensible à la préoccupation exprimée par Mme Derycke. Il lui a semblé que, dans un Etat fonctionnant normalement, les travaux devraient normalement mentionner la proportion d'hommes et de femmes. Mais, comme l'a dit Mme Derycke, le risque existe qu'il n'en soit pas ainsi. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est bien évidemment favorable à cet amendement. Mme Derycke a dit mieux que je ne pourrais le faire combien les femmes sont touchées à la fois par le chômage, par la précarité et par des situations de détresse.
Je ne citerai qu'un chiffre pour compléter ceux qu'a donnés Mme Derycke : 40 % des familles en difficulté sont des familles monoparentales, dont 90 % de femmes.
Si l'on souhaite mesurer et analyser la réalité de la pauvreté et des exclusions dans notre pays, il convient absolument de distinguer les hommes et les femmes.
Je remercie Mme Derycke d'avoir présenté cet amendement, qui complète efficacement le texte.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 322.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Bien entendu, je voterai l'amendement n° 322. Il nous faut avoir une politique volontariste, et adopter des mesures particulières en direction des femmes en difficulté, lesquelles rencontrent, par rapport aux hommes, des problèmes tout à fait spécifiques, et trouver des instruments nous permettant de mieux cerner les réalités. Il faut donc disposer le plus possible de statistiques ou de rapports faisant apparaître les différences de situation entre les hommes et les femmes.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 322, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 80, ainsi modifié.

(L'article 80 est adopté.)

Article 80 bis



M. le président.
« Art. 80 bis . - Le préfet du département et le président du conseil général prévoient par convention la mise en place d'une commission de l'action sociale d'urgence chargée d'assurer la coordination des dispositifs susceptibles d'allouer des aides, notamment financières, aux personnes et aux familles rencontrant de graves difficultés.
« La commission comprend notamment des représentants des services de l'Etat, du conseil général, des communes et des caisses d'allocations familiales ainsi que de tout autre organisme intervenant au titre des dispositifs mentionnés à l'alinéa précédent. »
Par amendement n° 107, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose de compléter le premier alinéa de l'article 80 bis par les mots suivants : « en vue notamment d'harmoniser les procédures de recueil d'informations et d'améliorer l'orientation des personnes rencontrées. »
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Les amendements n°s 107 et 108, présentés par la commission des affaires sociales, ont pour objet de regrouper dans un même article les dispositions qui, dans le texte initial, figuraient dans les articles 80 bis et 80 quater .
L'amendement n° 107 tend à préciser le rôle de la commission de l'action sociale d'urgence, afin de lui donner un enjeu concret susceptible de motiver les intervenants. L'objectif est d'harmoniser les procédures de reccueil d'informations et d'améliorer l'orientation des personnes rencontrées.
Cette harmonisation est souhaitée sur le terrain : des expériences novatrices ont été conduites afin de rassembler en un même lieu un certain nombre d'intervenants du secteur social. Ces expériences ont rencontré un certain succès et nous souhaitons leur donner une habilitation légale.
Quant à l'amendement n° 108, il n'a d'autre objet que de laisser la porte ouverte à des initiatives locales pour favoriser cette harmonisation tout en corrigeant l'une des lacunes du texte, qui ne fait pas suffisamment état du rôle central des centres communaux ou intercommunaux d'action sociale.
Cet amendement prévoit donc que ces centres auront un rôle pilote pour passer des conventions avec un certain nombre d'organismes ou d'associations intervenant dans le domaine social.
Quant au deuxième alinéa de cet amendement, il reprend le texte proposé par l'Assemblée nationale pour l'article 80 quater.
Ainsi rédigé, l'article 80 bis sera plus cohérent, en laissant une place plus importante à l'action locale des centres communaux ou intercommunaux d'action sociale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je comprends bien le souci des auteurs de l'amendement n° 107 : la commission visée à l'article 80 bis doit harmoniser les procédures relatives au recueil des informations et améliorer l'orientation des personnes rencontrées. Toutefois, je pense qu'elle doit aller plus loin. C'est bien, d'ailleurs, ce qu'a décidé à l'unanimité l'Assemblée nationale.
Cette commission est chargée de recevoir les dossiers des personnes ayant frappé à la porte d'un guichet qui ne s'est pas révélé compétent afin de rechercher l'institution la mieux à même d'apporter une réponse d'urgence ou une réponse structurelle à l'intéressé.
Je ne voudrais pas qu'en adoptant cet amendement on donne l'impression que l'harmonisation des procédures de recueil d'informations et l'amélioration de l'orientation des personnes rencontrées constituent l'élément majeur de l'action de cette commission.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amen-dement n° 107.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 107.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, nous nous opposerons aux deux amendements n°s 107 et 108 car, si nous nous posons les mêmes questions et si nous formulons les mêmes remarques que Mme la ministre, nous sommes obligés de prendre également en considération l'amendement n° 110, que nous allons examiner dans un instant et qui vise à la suppression de l'article 80 quater , c'est-à-dire à la suppression du comité de coordination à l'échelon départemental. Certains considèrent que c'est une structure de trop, mais, compte tenu de l'importance des problèmes en cause, nous ne pouvons admettre cette suppression.
M. Michel Mercier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Cet amendement n° 107 apporte des précisions utiles sans rien exclure du dispositif de l'article 80 bis , qui est équilibré et qui tient compte de la réalité.
Ainsi, dans chaque département, le préfet et le président du conseil général pourront passer une convention afin d'apporter une réponse rapide aux personnes qui sont en situation d'urgence sociale. Ce dispositif nous permettra de prendre le relais du fonds d'urgence sociale, qui a été instituté à la fin de l'année dernière, et de mieux répondre aux demandes qui se font jour sur le territoire.
Avant même de savoir qui va répondre à la demande, le fait de mettre en place un imprimé unique pour instruire un dossier d'aide d'urgence sociale me semble tout à fait utile et nécessaire. Pour agir sur le terrain depuis de nombreuses années dans ce domaine, je puis en témoigner : au bout de six ans de négociations, nous allons ainsi arriver, dans le département que je représente, à instaurer un imprimé unique entre la caisse d'allocations familiales et le département, ce qui nous permettra d'accélérer demain le traitement des dossiers qui nous sont soumis.
Je voterai donc l'amendement n° 107.
J'ajoute, à l'intention de M. Fischer, qu'il s'agit non pas de supprimer ce qui n'existe pas encore, mais, au contraire, de créer une instance de coordination forte entre l'Etat, le département, l'ensemble des collectivités locales et les acteurs de l'urgence sociale.
La seule chose que l'on puisse éventuellement regretter - et M. Fischer aurait pu le dire mieux que moi ! - c'est que l'Etat n'abonde pas ce fonds. (Sourires.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis pour la décentralisation ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 107, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 108, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose de compléter l'article 80 bis par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour assurer la coordination mentionnée au premier alinéa, des conventions peuvent être passées entre les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale et les organismes ou associations intervenant au titre de l'aide, de l'action sociale et de la lutte contre les exclusions.
« Ces conventions précisent les objectifs poursuivis et les moyens mis en oeuvre pour les atteindre. Elles portent sur la recherche de cohérence et l'accompagnement personnalisé, par la mise en réseau des différents intervenants afin de permettre une orientation de la personne vers l'organisme le plus à même de traiter sa demande. Elles portent également sur la complémentarité des modes d'intervention collective et des initiatives de développement social et local et sur la simplification de l'accès aux services concernés. »
La commission s'est déjà exprimée sur cet amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je suis défavorable à cet amendement, qui reprend, sous une forme moins contraignante, l'article 80 quater , en faisant disparaître la coordination des différents intervenants.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 108, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 80 bis, modifié.

(L'article 80 bis est adopté.)
M. le président. Compte tenu de l'importance des discussions qui ne manqueront pas d'avoir lieu sur les articles suivants, je vous propose, mes chers collègues, d'interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Jean Faure.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN FAURE
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. J'informe le Sénat que M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport d'application de la loi n° 94-591 du 15 juillet 1994 fixant les dates de clôture de la chasse des oiseaux migrateurs.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.

5

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. André Egu. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Egu.
M. André Egu. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, me fondant sur l'article 36, alinéa 3, je souhaite faire un rappel au règlement.
Le scandale avéré du fonctionnement de la billetterie de la Coupe du monde de football ternit l'image de la France.
Nombre de spectateurs étrangers qui avaient acheté des billets auprès de tour-opérateurs ont été trompés et se retrouvent aujourd'hui à la porte des stades. Dès lors, ne soyons pas surpris que des affrontements aient lieu.
J'ajoute que les stades ne sont même pas tous pleins, comme nous en avons eu la confirmation aujourd'hui. Il restait donc des billets.
Cette situation est inadmissible. Même si elle est le fait d'agences de voyage malveillantes, elle amoindrit la crédibilité du comité d'organisation et atteint l'image de la France.
Je demande au Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour qu'une solution soit trouvée rapidement. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne peux pas laisser tenir de tels propos sans réagir, même si, bien évidemment, des ministres plus compétents pourraient le faire mieux que moi.
Il y a aujourd'hui en France, comme il y a eu parfois ailleurs, dans l'organisation de manifestations sportives internationales, des personnes qui, disposant d'un certain nombre de billets, les ont revendus par la voie d'Internet ou d'autre manière totalement illégale. Je pense notamment à tel président d'une fédération nationale, qui est aujourd'hui en prison dans son pays pour cette raison.
Je ne vois pas en quoi le comité d'organisation, qui a respecté les règles de la FIFA en mettant à la disposition des organisations sportives de chacun des pays un contingent de billets, peut être considéré comme responsable de ce qui se passe aujourd'hui et qui - je le reconnais avec vous - est particulièrement discutable, voire scandaleux.
Quant à faire l'amalgame entre des personnes qui n'ont pas pu obtenir leur billet alors qu'elles l'avaient pourtant payé - je pense aux Japonais, qui sont les plus touchés - et des hooligans anglais, dont chacun connaît malheureusement, depuis des années, la pratique, il y a un pas qu'il aurait mieux valu ne pas franchir.
Nous avons intérêt, tous autant que nous sommes, aujourd'hui, à soutenir notre pays, qui, exception faite de quelques comportements dont nous ne sommes pas responsables, reçoit dans de bonnes conditions le monde entier derrière son poste de télévision et nombre de visiteurs étrangers, qui apprécient les efforts accomplis par tous pour les accueillir.
Je considère donc que cette question, dans les termes où elle a été posée, n'est pas à la hauteur de ce que nous essayons tous de faire pour que la France accueille au mieux les visiteurs étrangers. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Alain Vasselle. Drôle de comportement pour des visiteurs !

6

LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS

Suite de la discussion
et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi.
Dans l'examen des articles, nous en sommes parvenus à l'article 80 ter.

Article 80 ter



M. le président.
« Art. 80 ter . - Il est créé un comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions.
« Il comprend le préfet, le président du conseil général, des représentants des collectivités locales, des représentants des administrations ainsi que des représentants des autres catégories de membres siégeant notamment dans chacune des instances suivantes : conseil départemental d'insertion, commission de l'action sociale d'urgence, comité départemental de la formation professionnelle, de la promotion sociale et de l'emploi, conseil départemental de l'insertion par l'activité économique, conseil départemental de l'habitat, conseil départemental de prévention de la délinquance, conseil départemental d'hygiène, commission de surendettement.
« Ce comité est présidé par le préfet, qui le réunit au moins deux fois par an.
« Sur la base d'un rapport établi par le préfet, le comité établit un diagnostic des besoins et examine l'adéquation à ceux-ci des différents programmes d'action pour ce qui concerne la prévention et la lutte contre les exclusions. Il formule toutes propositions visant à favoriser le développement et l'efficacité des politiques correspondantes dans le département, à renforcer la cohérence des différents programmes, plans et schémas départementaux et à assurer une meilleure coordination de leur mise en oeuvre dans le ressort géographique le plus approprié à la prévention et à la lutte contre les exclusions.
« Le comité peut proposer aux autorités compétentes des réunions conjointes d'instances intervenant en matière de prévention et de lutte contre les exclusions pour l'exercice de tout ou partie de leurs compétences. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent alinéa.
« Les règles de composition, les missions et les modalités de fonctionnement du comité départemental de coordination sont fixées par décret. »
Par amendement n° 109, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je tiens à expliquer clairement les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales s'est opposée à l'adoption de l'article 80 ter, qui tend à créer un comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions.
Il ne s'agit pas, pour nous, de remettre en cause la lutte contre l'exclusion ni de s'opposer à l'idée de coordination.
Nous avons simplement estimé que le mécanisme qui nous était proposé entraînait des complications administratives supplémentaires sans que nous puissions voir clairement quel était l'objectif recherché et que soit garanti un minimum de résultats concrets.
De quoi s'agit-il ? On nous propose de réunir le préfet, le président du conseil général, les représentants des collectivités locales - on ne précise pas dans quelles conditions les communes participeront à cette instance - les représentants des administrations ainsi que les représentants de pas moins de huit organismes qui traitent, sous un angle différent, à un moment ou à un autre, de la lutte contre l'exclusion à travers les questions de l'endettement, de l'habitat, de l'hygiène et de la délinquance.
Pour avoir le texte sous les yeux, l'on peut légitimement se demander comment on peut réussir à former un concert harmonieux de tant d'instances diverses aux préoccupations si différentes !
La complexité sur le terrain est parfois aggravée par le projet de loi lui-même. Même si le conseil départemental d'insertion, qui traite de l'insertion des titulaires du RMI, et le conseil départemental de l'insertion par l'activité économique, créé par le projet de loi, qui réfléchit sur l'insertion en général, ont apparemment des publics bien différents, ils risquent fort, en pratique, de connaître quelques litiges de frontière, car leur objet est le même.
Sur ce point, nous avons compris la démarche du Gouvernement, tout en estimant que, tant que nous n'aurons pas eu une réflexion d'ensemble sur la répartition des compétences entre l'Etat et les différents niveaux de collectivités locales, on se heurtera à ce type d'obstacle et à la multiplication des instances en fonction des besoins et des contraintes issus des lois de décentralisation.
Pour autant, peut-on se satisfaire de la création d'un comité supplémentaire et croire qu'en rassemblant épisodiquement des intervenants aux objectifs bien différents on réussira nécessairement à harmoniser les points de vue ? Nous, nous ne le croyons pas, compte tenu surtout des conditions dans lesquelles doit fonctionner le nouveau système.
Pour qu'une concertation réussisse, il faut que les intervenants puissent se sentir motivés par la réussite autour d'un enjeu véritable.
Or, là, le dispositif s'en tient à un grand niveau de généralités qui ne semble pas de nature à mobiliser les énergies : on nous parle ainsi de diagnostic des besoins, d'adéquation des programmes, du développement et de l'efficacité des politiques et du renforcement de la cohérence des différents programmes.
Autant la commission de l'action sociale d'urgence, prévue à l'article 80 bis, peut travailler sur un objectif concret, à savoir mieux accueillir les plus démunis dans tous les services et organismes sociaux, autant le comité départemental, institué à l'article 80 ter, semble travailler dans le flou, voire dans l'éloignement des problèmes concrets.
Au demeurant, vous nous avez indiqué, madame la ministre, lors de la discussion générale, qu'il ne devrait y avoir qu'un représentant pour chacune des instances concernées et que le comité ne serait réuni que deux fois par an.
Honnêtement, qui peut réellement croire qu'un représentant du conseil départemental d'insertion, du conseil départemental de l'habitat, de la commission de surendettement,... j'abrège la liste, connaîtra deux fois par an de l'ensemble des dossiers traités par l'organisme qu'il représente et donnera une vision d'ensemble des vrais besoins sur le terrain ?
J'ai peur qu'avec un tel dispositif on ne se donne un peu vite bonne conscience, en croyant avoir résolu un problème parce que l'on aura demandé à vingt personnes de se réunir tous les six mois pour échanger quelques généralités.
J'ai eu l'expérience - je ne suis certainement pas le seul dans cette assemblée - de la tentative de création et de fonctionnement de la commission de coordination des investissements au niveau départemental, commission qui avait été instituée pour harmoniser les investissements de l'Etat et des collectivités territoriales, notamment du département.
Aujourd'hui, plus aucune de ces commissions ne se réunit, car on y entendait simplement l'énumération des projets d'investissements du président du conseil général et du préfet.
La lutte contre l'exclusion mérite mieux sur le plan institutionnel. M. Barrot, dans son projet de loi, et nous l'avons reconnu au Sénat, n'avait pas trouvé la formule magique. Mais, symétriquement, nous ne pensons pas que ce qui nous est proposé ici apporte une réponse valable à la question de la complexité administrative de l'aide et de l'action sociale au niveau local.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il nous faut sans doute mener une réflexion approfondie, et ce pourrait être l'objet du rapport que, conformément à l'article 82, le Gouvernement devra nous présenter dans deux ans.
Il nous a semblé enfin que le comité qui nous est proposé soulève par lui-même quelques interrogations au regard des règles actuelles de la décentralisation.
En effet, il est indiqué que le comité sera présidé par le préfet, que c'est à celui-ci de prendre l'initiative de le réunir et que c'est le préfet qui établit le rapport sur lequel seront amenés à trancher les divers représentants des organismes précités - dont on ne voit pas d'ailleurs sur quelles bases ils seront représentatifs dans l'hypothèse d'un vote à la majorité.
Alors que le département joue un rôle éminent dans la mise en place du programme départemental d'insertion destiné aux titulaires du RMI, il n'est pas prévu que le comité soit coprésidé par le président du conseil général, ce qui peut sembler étonnant, d'une manière générale, au regard des responsabilités qui pèsent sur lui.
Par ailleurs, s'agissant des communes, je crains que leur rôle ne soit pas suffisamment pris en compte à côté de l'ensemble qui sera constitué par les fonctionnaires de l'Etat et les représentants des différentes instances départementales.
Il me semble que, si le souhait du Gouvernement est de procéder à une consultation des collectivités locales sur un projet de réforme des structures administratives, il doit le faire de manière franche et claire, sur un dispositif qu'il aura établi. En revanche, dans ce qui nous est proposé, le risque ne me semble pas négligeable que les collectivités locales ne soient que des spectateurs passifs et finissent par ratifier implicitement, du seul fait de leur présence, des décisions ou des projets de réforme qu'elles n'auront pas véritablement pu juger.
Enfin, du point de vue de la lutte contre l'exclusion, il me semble qu'un tel dispositif ne saurait fonctionner utilement s'il ne permet pas d'entendre - comme nous le rappelle toujours de manière courageuse Mme de Gaulle-Anthonioz - la parole des plus démunis. En disant cela, je constate à nouveau que la structure qui nous est proposée est tellement globale qu'elle ne permettra pas un travail véritablement efficace.
J'ajoute que, devant la multiplication des commissions et comités de toute nature à l'échelon départemental, les élus que nous sommes sont dans l'impossibilité d'assumer une présence physique personnelle dans toutes ces structures et doivent déléguer à des permanents et à des représentants de l'administration la responsabilité de participer aux séances de ces commissions et de ces comités.
Pour toutes ces raisons, et parce que, philosophiquement, nous n'avons jamais cru qu'il suffit d'ajouter un comité à d'autres conseils ou commissions pour résoudre sérieusement un vrai problème, nous présentons un amendement visant à supprimer l'article 80 ter en considérant que ce n'est peut-être pas la dernière proposition de fonctionnement cohérente au niveau départemental en matière d'harmonisation et de recherche d'un « plus » dans la lutte contre l'exclusion. Cette proposition, en son état actuel, nous paraît ressembler plus à une fuite en avant qu'à une solution novatrice et efficace pour lutter contre l'exclusion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. J'avoue avoir du mal à comprendre la logique de la commission des affaires sociales et de son rapporteur.
M. Alain Vasselle. Ce ne sera pas la première fois !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'article 80 ter , je tiens à le rappeler, résulte d'un amendement qui a été adopté par l'Assemblée nationale à l'unanimité. Je ne suis donc peut-être pas la seule, monsieur le sénateur, à ne pas comprendre votre position puisque vos propres amis à l'Assemblée nationale ont voté ce texte !
Le projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale, que la majorité sénatoriale aurait sans doute voté, avait prévu une véritable usine à gaz - je cite là des voix émanant de vos rangs ! - puisqu'il visait à créer à la fois un conseil, dont la composition serait extrêmement longue à lire -, un plan départemental et des programmes annuels d'insertion et de lutte.
Le plan départemental devait établir un bilan, un recensement, une analyse, une évaluation et des moyens de coordination.
Il était enfin créé un fonds qui, effectivement, je le crois, portait atteinte à la décentralisation puisqu'il rendait quasi obligatoire la mise en commun de tous les fonds qui contribuent à la lutte contre l'exclusion et la précarité.
Nous n'avons pas souhaité, après en avoir d'ailleurs discuté avec un certain nombre d'organismes représentatifs notamment avec l'association des présidents de conseils généraux, mettre en place cette usine à gaz, qui, à notre avis, non seulement n'était pas efficace mais avait pour effet de déresponsabiliser l'ensemble de ceux qui oeuvrent sur le terrain pour lutter contre les exclusions, aussi bien en matière d'insertion par l'économique, que de désendettement, de logement, d'accès aux droits et à la formation, etc.
Ainsi, en accord avec l'association des présidents de conseils généraux, qui est bien représentée au Sénat, nous avons élaboré un texte qui, nous semble-t-il, permet, sans revenir sur les compétences des uns et des autres, de prévoir une coordination entre l'ensemble des acteurs et des fonds mis en place à l'échelon départemental.
Nous avons donc prévu un comité départemental. Il devra non pas prendre des décisions à la place des différents acteurs qui, de par la loi, ont des missions à mener en matière de lutte contre les exclusions, mais coordonner les actions à l'échelon départemental à partir du diagnostic de la situation des exclusions. Il lui appartiendra également de s'assurer qu'un type de population - les « sans domicile fixe », les femmes dans une situation de détresse - telle ou telle catégorie ou bien tel ou tel secteur - le logement, l'accès aux soins, l'endettement... - font l'objet d'un traitement approprié dans le département.
Nous avons pensé que le préfet, le président du conseil général, les représentants des collectivités locales et des administrations ainsi que des représentants de chacune des commissions qui travaillent dans les secteurs correspondant à l'exclusion - l'insertion, l'action sociale d'urgence, la formation professionnelle et l'emploi, l'insertion par l'activité économique, le logement, la prévention de la délinquance, le surendettement, l'hygiène... - pouvaient se réunir deux fois par an pour faire un diagnostic de la situation des exclus, vérifier la cohérence des divers plans mis en place et s'assurer que certaines catégories, dans certains secteurs, n'étaient pas oubliées.
Je crois respecter le souhait de tous, notamment des collectivités locales, sans négliger pour autant la volonté de l'Etat de vérifier que la coordination est effective.
Nous nous sommes efforcés de satisfaire le désir unaninement exprimé d'une meilleure coopération à l'échelon départemental, qui nous paraît constituer effectivement le meilleur niveau pour mesurer l'exclusion et, donc, pour lutter contre celle-ci.
Dans ces conditions, je ne comprends absolument pas la position de la majorité sénatoriale sur cet article.
Evidemment, le Gouvernement est tout à fait défavorable à l'amendement n° 109.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 109.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. A l'instar de Mme la ministre, je ne comprends pas non plus les raisons de cet amendement, et j'avoue que les arguments de M. le rapporteur ne m'ont pas convaincue.
Tout au long de la discussion du projet de loi, chacun s'est accordé à dire que la coordination de l'ensemble des acteurs locaux, institutionnels ou associatifs, était nécessaire, indispensable, ainsi que la cohérence des divers programmes, plans et schémas départementaux.
Cet amendement vise à supprimer le comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions, outil, selon nous, très utile. Nous voterons donc contre.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. L'argumentation de M. le rapporteur m'étonne quelque peu.
Certes, je partage ses réserves quant à certaines structures départementales ; mais, s'agissant de lutte contre les exclusions, un comité départemental qui, deux fois par an, réunit les principaux intervenants en ce domaine me paraît être d'une grande utilité.
Chacun le sait, il y a une extrême diversité des cheminements vers l'exclusion, et donc une diversité des réponses que l'on peut y apporter. Que ceux qui, souvent, tâtonnent chacun dans leur secteur puissent coordonner leur réflexion et leur action en se réunissant deux fois par an me paraît utile, d'autant plus que ce comité, comme le texte le précise, doit, d'une part, établir un diagnostic et, d'autre part, inciter à la coordination des programmes.
M. Seillier avance deux arguments qui me paraissent quelque peu contradictoires.
D'une part, il dit que l'insertion mérite plus. Certes ! Mais si l'insertion mérite plus, monsieur Seillier, quoi de plus en termes de coordination ?
D'autre part, il ajoute - ce qui bien sûr tempère son propos - que M. Barrot n'avait pas trouvé la formule magique. Je crois qu'il a raison. La proposition gouvernementale me paraît meilleure à ce sujet.
Il émet ensuite des réserves qui ne me paraissent pas très satisfaisantes.
Il souhaiterait que le comité soit coprésidé par le président du conseil général. Mais alors, il fallait amender l'article !
De plus, M. le rapporteur affirme que les décisions seraient imposées aux communes. Je ferai deux remarques : d'abord, le comité départemental comporte des représentants des collectivités locales ; ensuite, il présente des propositions mais n'impose pas de décisions.
Enfin, M. Seillier conclut en soulignant qu'il ne suffit pas de créer un comité pour résoudre les problèmes.
Si la seule réponse qu'apportait ce texte de lutte contre les exclusions consistait à créer un comité pour résoudre les problèmes, nous serions tous d'accord avec lui, évidemment. Mais chacun sait que ce texte est infiniment plus vaste et plus ambitieux.
La création de ce comité départemental, qui devra se réunir deux fois par an, me paraît donc très raisonnable. Je ne comprends donc ni la position du rapporteur, qui propose de supprimer l'article, ni certains de ses propos, où je ne retrouve pas sa sagesse habituelle.
Je voterai donc, ainsi que les radicaux de gauche, contre l'amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 109, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 107:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 315
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 218
Contre 97

En conséquence, l'article 80 ter est supprimé.

Article 80 quater



M. le président.
« Art. 80 quater . - La coordination des interventions de tous les acteurs engagés dans la lutte contre les exclusions est assurée par la conclusion de conventions entre les collectivités et organismes dont ils relèvent. Ces conventions déterminent le niveau de territoire pertinent pour la coordination.
« Elles précisent les objectifs poursuivis et les moyens mis en oeuvre pour les atteindre. Elles portent sur la recherche de cohérence de l'accompagnement personnalisé, par la mise en réseau des différents intervenants permettant une orientation de la personne vers l'organisme le plus à même de traiter sa demande. Elles portent également sur la complémentarité des modes d'intervention collective et des initiatives de développement social local et sur la simplification de l'accès aux services concernés.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités de conclusion de ces conventions. »
Par amendement n° 110, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 110, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 80 quater est supprimé.

Article 81



M. le président.
« Art. 81. - I. - La loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée est ainsi modifiée :
« 1° Supprimé . »
« 2° Le 5° de l'article 1er est ainsi rédigé :
« 5° Assurent, avec ou sans hébergement, dans leur cadre ordinaire de vie, l'éducation spéciale, l'adaptation ou la réinsertion sociale et professionnelle, l'aide par le travail ou l'insertion par l'activité économique, au bénéfice des personnes handicapées ou inadaptées, ainsi que des personnes ou des familles en détresse. » ;
« 3° Le 8° de l'article 3 est ainsi rédigé :
« 8° Structures et services comportant ou non un hébergement assurant, avec le concours de travailleurs sociaux et d'équipes pluridisciplinaires, l'accueil, notamment dans les situations d'urgence, le soutien ou l'accompagnement social, l'adaptation à la vie active et l'insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en détresse. »
« II. - L'article 185 du code la famille et de l'aide sociale est ainsi rédigé :
« Art. 185 . - Bénéficient, sur leur demande, de l'aide sociale pour être accueillies dans des centres d'hébergement et de réinsertion sociale publics ou privés les personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d'insertion, en vue de les aider à accéder ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale.
« Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, dont les conditions de fonctionnement et de financement sont prévues par décret en Conseil d'Etat, assurent tout ou partie des missions définies au 8° de l'article 3 de loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médicosociales, en vue de faire accéder les personnes qu'ils prennent en charge à l'autonomie sociale.
« Ce décret précise, d'une part, les modalités selon lesquelles les personnes accueillies participent à proportion de leurs ressources à leurs frais d'hébergement et d'entretien et, d'autre part, les conditions dans lesquelles elles perçoivent la rémunération visée à l'article L. 241-12 du code de la sécurité sociale lorsqu'elles prennent part aux activités d'insertion professionnelles prévues à l'alinéa précédent.
« Les dispositions du présent article sont applicables aux départements d'outre-mer. »
« III. - Dans chaque département est mis en place, à l'initiative du préfet, un dispositif de veille sociale chargé d'informer et d'orienter les personnes en difficulté, fonctionnant en permanence tous les jours de l'année et pouvant être saisi par toute personne, organisme ou collectivité.
« Ce dispositif a pour mission :
« 1° D'évaluer l'urgence de la situation de la personne ou de la famille en difficulté ;
« 2° De proposer une réponse immédiate en indiquant notamment l'établissement ou le service dans lequel la personne ou la famille intéressée peut être accueillie, et d'organiser sans délai une mise en oeuvre effective de cette réponse, notamment avec le concours des services publics ;
« 3° De tenir à jour l'état des différentes disponibilités d'accueil dans le département.
« Les établissements et services définis au 8° de l'article 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 précitée sont tenus de déclarer périodiquement leurs places vacantes au responsable du dispositif mentionné à l'alinéa précédent.
« Lorsque l'établissement ou le service sollicité ne dispose pas de place libre ou ne peut proposer de solution adaptée à la situation de la personne ou de la famille qui s'adresse à lui, il adresse l'intéressé au dispositif précité.
« IV. - L'article L. 185-2 du code de la famille et de l'aide sociale ainsi que la section 4 du chapitre III du titre II du livre III du code du travail sont abrogés. »
Par amendement n° 394 rectifié, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le texte présenté par le 2° du paragraphe I de cet article pour le 5° de l'article 1er de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975, après les mots : « l'aide par le travail », d'insérer les mots : « , la réadaptation professionnelle et sociale ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Sous couvert d'une simple redéfinition du rôle des institutions sociales et médicosociales, l'article 81 du projet de loi modifie substantiellement le 5° de l'article 1er de la loi du 30 juin 1975.
En substituant les termes « réinsertion sociale et professionnelle » aux termes « réadaptation professionnelle », cette nouvelle rédaction change les missions des centres de rééducation professionnelle, les CRP, et nous souhaiterions que Mme la ministre puisse apporter des éclaircissements sur ce point.
Les quatre-vingts CRP, dont la vocation est la rééducation professionnelle des travailleurs handicapés, victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles sont menacés.
Il serait très regrettable de remettre en cause ces structures car les CRP offrent, couplés avec un accompagnement médicosocial, des formations qualifiantes d'une grande qualité. Ils assurent ainsi de 70 % à 75 % du placement de leurs stagiaires. Les banaliser, ce serait se priver d'un outil très utile pour l'accès à l'emploi des personnes handicapées.
Par ailleurs, toucher à ces structures reviendrait à faire disparaître le droit à réparation pour les salariés, qui est financé par la sécurité sociale, et risquerait de mettre à mal - mais je ne pense pas que ce soit la volonté du Gouvernement - notre législation spécifique en faveur des handicapés.
Par ailleurs, toujours dans cet alinéa, en ajoutant au chapitre des actions « l'insertion par l'activité économique » et au chapitre des bénéficiaires « les personnes et les familles défavorisées », on introduit une confusion fâcheuse entre les personnes handicapées et les personnes défavorisées exclues du travail.
J'attire votre attention sur ce point, madame la ministre, car je connais votre volonté de ne pas faire d'amalgame entre les politiques en direction des personnes handicapées et les politiques en direction des personnes défavorisées.
Pour éviter l'écueil de la confusion, par amendement, nous vous proposons de réintroduire à l'alinéa 5° de l'article 1er de la loi de 1975, la notion de réadaptation professionnelle.
En retirant l'amendement n° 395 et en présentant cet amendement n° 394 rectifié, nous voudrions obtenir du Gouvernement et de Mme la ministre l'assurance que les CRP resteront bien inscrits dans le dispositif de la loi de 1975 et qu'ils seront régis par le code du travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission n'a pas pu examiner l'amendement rectifié et elle souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.
Elle s'en serait remise à la sagesse du Sénat sur l'amendement initial, mais la rectification qui vient d'être apportée va a priori - c'est mon avis personnel - dans le bons sens.
Nous sommes plutôt favorables au principe du maintien dans le dispositif de la loi de 1975 des centres de rééducation professionnelle. Peut-être pourrons-nous trouver une meilleure rédaction d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire ou au cours de celle-ci.
En tout cas, du fait de sa rectification, l'amendement me semble pouvoir recueillir un avis favorable de la commission des affaires sociales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je voudrais rassurer M. Fischer : comme lui, je tiens beaucoup à l'existence des centres de réadaptation professionnelle car je sais le travail qu'ils accomplissent en faveur des personnes handicapées et en grande difficulté proches du handicap, en vue de leur réadaptation professionnelle.
Les centres de réadaptation professionnelle, comme M. Fischer l'a d'ailleurs dit, figurent déjà dans le code du travail et dans le code de la sécurité sociale.
Cela s'explique d'ailleurs puisque nous traitons, avec l'article 81, des centres d'hébergement et de réadaptation sociale, c'est-à-dire que nous sommes dans une logique d'accompagnement et d'assistance sociale alors que, avec les centres de réadaptation professionnelle, nous sommes dans une logique de formation professionnelle et d'emploi.
Mais ces deux types de centres sont évidemment d'une absolue nécessité pour les personnes en difficulté, notamment pour les personnes handicapées.
Il n'est donc pas question de supprimer les CRP, qui continuent à recevoir une aide et correspondent à une vision emploi et insertion professionnelle, alors que les dispositifs dont nous parlons aujourd'hui répondent à une vision d'assistance et d'action sociale.
Les deux dispositifs perdurent donc et je souhaiterais que M. Fischer, au bénéfice de ces explications -, dont il disposait d'ailleurs déjà puisqu'il connaît bien les centres de réadaptation professionnelle - et fort de ces assurances accepte de retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 394 rectifié est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Ce que je souhaitais, c'est avoir la certitude que les centres de réadaptation professionnelle seraient pérennisés dans leur fonction et dans leur mission. Mme la ministre vient de répondre positivement et clairement sur le court, le moyen et le long terme. Je retire donc l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 394 rectifié est retiré.
Par amendement n° 286, Mme Dusseau propose, après le deuxième alinéa du texte présenté par le paragraphe II de l'article 81 pour l'article 185 du code de la famille et de l'aide sociale, d'insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'accueil doit être prolongé autant que nécessaire pour la réalisation des objectifs précités. Il prend fin avec une proposition de relogement assortie, chaque fois que c'est nécessaire, d'un accompagnement social. Cette proposition tient compte notamment de la composition familiale, du niveau de ressources de ces personnes et de l'éloignement de leurs lieux de travail. »
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Les centres d'hébergement et de réadaptation sociale accueillent les personnes en grande difficulté, pour un laps de temps limité, en général six mois renouvelables une fois.
Autant, s'agissant des TRACE, les trajets d'accès à l'emploi, j'ai soutenu la date butoir de dix-huit mois, sauf dérogation préfectorale, autant, pour ces personnes en très grande difficulté, il me semble que six mois à un an sont des délais trop brefs, qui ne permettent pas une réelle réinsertion.
Par ailleurs, le projet de loi mentionnant des propositions de logement, je propose que l'on tienne compte non seulement du niveau des ressources de ces personnes et de l'éloignement de leur lieu de travail, mais aussi de la composition de la cellule familiale lors du relogement à la sortie du CHRS.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. En droit, les CHRS peuvent d'ores et déjà reconduire l'aide aux personnes en difficulté tous les six mois.
Cet amendement met l'accent sur la dimension et le rôle des CHRS en matière de logement alors que leur mission de réinsertion porte sur plusieurs points, notamment sur la recherche d'un emploi et le retour à l'activité.
Avec ce texte, le risque est grand de paralyser les CHRS, un peu à la manière de l'amendement « Creton », en empêchant certains d'entrer dans ces centres quand d'autres y seraient maintenus alors qu'ils auraient franchi les premières étapes d'une réinsertion.
Je crois qu'il faut distinguer le relogement des propositions des logement d'urgence et de logements d'insertion, qui ont été mis en place par le gouvernement Juppé et qui sont des dispositifs très utiles.
C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 286.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement partage l'avis émis par M. le rapporteur.
La loi actuelle ne fixe pas de durée maximale. Elle précise simplement que la première tranche d'accueil est de six mois et qu'elle est renouvelable autant que possible.
Il est vrai qu'un certain nombre de personnes restent pendant deux ans dans les CHRS ; mais, comme cela vient d'être dit, l'une des fonctions de ces centres est de préparer la sortie des personnes accueillies non seulement au regard de l'emploi, mais aussi dans le domaine du logement, pour parvenir à une solution durable.
Par conséquent, il n'est pas souhaitable, à nos yeux, de fixer des délais qui risqueraient de bloquer le système.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 286.
Je voudrais dire, en outre, à Mme Dusseau que l'ensemble des dispositions mises en place pour créer et construire des logements visant à accueillir des personnes en grande difficulté devraient permettre de désengorger les CHRS et d'apporter des solutions concrètes, comme elle le souhaite, à ceux qui, aujourd'hui, sont dans de tels centres.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 286.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Dans la pratique, s'il y a bien, en général, renouvellement de la période de six mois, il est assez fréquent, voire extrêmement fréquent, qu'au bout d'un an les personnes doivent quitter les CHRS.
L'essentiel de l'argument avancé par M. le rapporteur est d'ailleurs que, compte tenu du manque de places, il faut que les gens s'en aillent !
Je comprends parfaitement cet argument, mais le problème, c'est qu'il s'agit de personnes en très grande difficulté, qui ont commencé une démarche de réinsertion, et dont on casse l'élan.
Une telle attitude ne me paraît pas satisfaisante.
Beaucoup de moyens ont été mis en oeuvre pour entamer la réinsertion de certains et on brise l'action entreprise pour en aider d'autres en abandonnant les premiers dans une situation précaire.
J'entends bien que des mesures seront prises pour mettre des logements à la disposition des personnes en grande difficulté. Mais c'est pour le futur ! Dans l'immédiat, certains exclus des CHRS sont dans des situations dramatiques, et cela ne me paraît pas normal.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 286, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 81.

(L'amendement 81 est adopté.)

Article additionnel après l'article 81



M. le président.
Par amendement n° 292, M. Tui et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer après l'article 81, un article additionnel ainsi rédigé :
« Une loi de programmation ultérieure prendra, après consultation des assemblées territoriales concernées, les mesures nécessaires à la réalisation des objectifs de la présente loi, dans les territoires d'outre-mer du Pacifique, avant le 31 décembre 1998. »
La parole est à M. Millaud.
M. le président. La parole est à M. Millaud.
M. Daniel Millaud. Comme M. Tui l'avait souligné au cours de la discussion générale, il est surprenant que les territoires d'outre-mer soient exclus de ce projet de loi.
En effet, ils sont confrontés, en particulier Wallis-et-Futuna, à des situations d'urgence, de précarité et de pauvreté tout aussi préoccupantes, sinon davantage, que celles qui existent en métropole et dans les départements d'outre-mer.
Certes, les compétences propres de nos territoires rendent difficile l'adaptation directe des mesures prévues par le projet de loi, mais il nous a semblé nécessaire de prendre dès aujourd'hui, grâce à cet amendement, l'engagement que serait rapidement déposé un texte visant à répondre aux mêmes objectifs en respectant la spécificité de chacun des territoires d'outre-mer.
Si, comme vous l'avez affirmé, madame le ministre, « le respect de l'égale dignité de tous les être humains est un impératif national » - je dis bien « national » - on ne peut exclure les territoires d'outre-mer de ce noble dispositif.
C'est pour cela que M. Tui et les membres de l'Union centriste ont déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission approuve le principe de cet amendement et elle a donc émis un avis favorable.
Mais un problème juridique se pose, du fait de l'autonomie des territoires d'outre-mer : pour respecter ce principe, seule une loi organique permet d'étendre le dispositif du présent projet de loi aux territoires d'outre-mer.
Autrement dit, cet amendement ne serait pas conforme à cette règle juridique.
Il serait donc préférable, après avoir entendu l'avis du Gouvernement et obtenu de sa part confirmation de l'intérêt que présente cet amendement, de retirer celui-ci et de déposer une proposition de loi organique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les domaines dont traite le projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, compte tenu de la spécificité législative du statut des territoires d'outre-mer, relèvent de la compétence des assemblées territoriales. Nous savons qu'il n'existe ni code du travail, ni code de la sécurité sociale, ni RMI dans les territoires d'outre-mer.
Comme l'a souligné M. le rapporteur, il n'est pas possible, par une disposition législative, de déroger au statut du territoire. Il faut une loi organique. Cet amendement serait donc anticonstitutionnel.
C'est pourquoi je souhaite que M. Millaud le retire, faute de quoi j'invoquerai l'article 40 de la Constitution.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Millaud ?
M. Daniel Millaud. La loi de programmation ultérieure sera une loi organique. Il y aura d'ailleurs plusieurs lois organiques, chacune s'appliquant à un territoire.
Mais le Sénat peut très bien décider aujourd'hui qu'il y aura ultérieurement une ou plusieurs lois de programmation. Mon amendement n'est pas de nature organique, et je le maintiens.
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable ?
M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 292 n'est pas recevable.

Article additionnel avant l'article 82



M. le président.
Par amendement n° 323, Mme Cerisier-ben Guiga et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, avant l'article 82, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement présentera au Parlement, avant le 31 décembre 1998, un rapport sur la situation matérielle des Français de l'étranger. Ce rapport sera rendu public. »
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. La situation matérielle des Français de l'étranger est mal connue de nos concitoyens qui vivent sur le territoire national. Il est nécessaire de modifier la représentation qui en est encore trop souvent faite et de montrer la réalité difficile que vivent nombre d'entre eux.
Surtout, cette meilleure connaissance permettra aux services de l'Etat de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour que nos concitoyens à l'étranger puissent de manière effective exercer leurs droits.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement sous réserve d'une modification rédactionnelle visant à préciser « des Français de l'étranger confrontés à l'exclusion. »
Nous souhaiterions, sur ce point, entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, rectifié par la commission. Je n'en dis pas plus ; j'ai déjà évoqué ce problème à plusieurs reprises au cours du débat.
M. le président. Madame Derycke, acceptez-vous la modification suggérée par M. le rapporteur ?
Mme Dinah Derycke. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi, par Mme Cerisier-ben Guiga et les membres du groupe socialiste et apparentés, d'un amendement n° 323 rectifié, tendant à insérer, avant l'article 82, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le Gouvernement présentera au Parlement avant le 31 décembre 1998 un rapport sur la situation matérielle des Français de l'étranger confrontés à l'exclusion. Ce rapport sera rendu public. »
Je vais mettre aux voix cet amendement n° 323 rectifié.
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Il est dommage de modifier des textes comme celui-là en séance. J'aurais souhaité que l'auteur de cet amendement se concerte avec les autres sénateurs des Français de l'étranger ; nous aurions certainement trouvé une meilleure rédaction. (Exclamations sur les travées socialistes.)
Mais si, car nous aurions eu le temps de la réflexion ! Par exemple, j'aurais préféré les mots : « confrontés à des risques d'exclusion ».
Je maintiens donc que grâce à un travail collectif, y compris au sein de la commission, nous serions parvenus à de meilleurs résultats.
Mais il est vrai que nous pouvons revenir sur ce point au cours de la navette.
Je regrette, je le répète, que nous n'ayons pas, ensemble, réfléchi davantage à la rédaction de cet amendement, que nous voterons malgré tout.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 323 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 82.

Article 82



M. le président.
« Art. 82. - Le Gouvernement présentera au Parlement, tous les deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport d'évaluation de l'application de cette loi, en s'appuyant en particulier sur les travaux de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale. »
Par amendement n° 428, Mme Bardou, MM. Bordas, de Bourgoing, Cossé-Brissac, Trucy et les membres du groupe des Républicains et Indépendant proposent de compléter cet article par une phrase ainsi rédigée : « Les personnes en situation de précarité et les acteurs de terrain seront particulièrement associés à cette évaluation. »
La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Il nous paraît souhaitable de tenir compte, pour l'évaluation de l'application de cette future loi, du point de vue des personnes chargées de mettre en oeuvre sur le terrain les mesures de lutte contre l'exclusion. Elles sont en effet les mieux à même de vérifier l'efficacité des actions entreprises, notamment en direction des populations les plus fragiles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 428, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 111, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose de compléter l'article 82 par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport présentera les propositions de suppression, de modification ou d'adaptation du dispositif législatif et réglementaire établies sur proposition de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale après concertation au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. En matière de lutte contre l'exclusion, les pouvoirs publics doivent demeurer vigilants. En effet, l'exclusion prend toujours, ou peut prendre un visage nouveau qui lui permet d'échapper aux politiques mises en oeuvre pour la contrecarrer. C'est pourquoi cet amendement invite à une réflexion dynamique sur la question de l'exclusion au cours des prochaines années.
Le rapport biannuel sur l'application de la présente loi devra être l'occasion de présenter des propositions de modifications à la fois législatives et réglementaires afin que soit engagée en permanence une réflexion sur les moyens de lutter contre les exclusions, au fur et à mesure que ces dernières progressent ou prennent une forme nouvelle dans notre société.
Avec cet amendement, la commission des affaires sociales ne prétend pas avoir atteint la perfection s'agissant de la rédaction de cet alinéa additionnel à l'article 82. Mais ce texte résulte d'une réflexion qui me semble fondamentale, à savoir qu'en matière de lutte contre les exclusions ce qui est important, ce n'est pas de parvenir à une loi, laquelle ne saurait d'ailleurs en aucun cas être définitive, c'est plutôt d'établir une méthode de travail susceptible, au cours des ans, d'être perfectionnée et, surtout, d'institutionnaliser une véritable dynamique afin que l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le Gouvernement, le Parlement et évidemment, à travers eux, les intéressés eux-mêmes, ceux qui sont sur le terrain, participent à l'évaluation des mesures qui sont prises et mises en application. Cela permettra d'aller au-delà d'un texte qui resterait sinon purement statique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je souscris bien entendu à l'idée que le rapport est destiné à proposer des éléments d'amélioration de la loi. Autrement, quelle serait l'utilité d'un rapport ?
En revanche, je ne crois pas qu'il soit souhaitable d'écrire que le rapport résulte des propositions de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale. En effet, les experts qui composent, pour l'essentiel, cet observatoire sont chargés de faire l'état des lieux et d'évaluer les politiques publiques, mais c'est au Gouvernement et aux parlementaires qu'il appartient de porter une appréciation sur la situation et les politiques qui sont menées.
De plus, il existe d'autres conseils que le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale qui pourraient être concernés. Tout dépend, en effet, de la nature des modifications que nous voulons apporter ultérieurement à la loi. Nous pourrions, par exemple, être amenés à consulter le Conseil national des missions locales, ou encore le Conseil national de l'insertion par l'économique.
Je souhaite donc que le texte de l'amendement se limite à écrire : « Ce rapport présentera les propositions de suppression, de modification ou d'adaptation du dispositif législatif et réglementaire. » Je préférerais même une formulation plus positive : « Ce rapport présentera des propositions d'amélioration du dispositif législatif et réglementaire » plutôt que des propositions de suppression de « modification... ».
En tout cas, la fin de la phrase ne me paraît pas opérante.
En l'état, je ne peux donc pas être favorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur, maintenez-vous l'amendement ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Dans l'état actuel de la discussion, je préfère que cet amendement soit maintenu et soumis au vote du Sénat.
Certes, j'ai conscience que sa rédaction est perfectible, et je suis tout à fait d'accord avec les observations de Mme la ministre mais je ne suis pas en mesure de rectifier ce texte immédiatement dans un sens qui pourrait recueillir l'assentiment à la fois du Gouvernement et du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 111.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Cet amendement me pose plusieurs problèmes.
D'abord, je ne vois pas pourquoi les propositions seraient établies exclusivement par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale.
De plus, j'admettrais la formulation selon laquelle ce rapport « peut » présenter ou « pourra » présenter. Mais il me paraît excessif d'écrire qu'il « présentera » obligatoirement des modifications législatives ou réglementaires. Si l'existence d'un rapport me paraît intéressante - je ne suis en effet pas opposée à l'idée que soient présentées éventuellement des propositions - le fait d'imposer - car tel est bien l'esprit du texte - de telles propositions de suppression, de modification ou d'adaptation du dispositif législatif ou réglementaire me paraît excéder ce qui relève normalement d'un rapport.
Je voterai donc contre cet amendement.
Mme Dinah Derycke. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. L'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale pourrait proposer, parmi les mesures qu'il est susceptible de préconiser, le rétablissement de la taxe sur les logements vacants !
Je suivrai néanmoins l'avis du Gouvernement en votant contre cet amendement, car j'y suis opposée.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je ne voudrais pas être en désaccord avec Mme Dusseau ! Cela m'ennuie toujours ! (Rires.)
Toutefois, si je comprends son souci de ne pas faire d'injonction au Gouvernement, il faut pourtant bien que ce rapport ait un objet ! Le futur n'est utilisé ici que pour préciser cet objet. Il ne vise à rien d'autre. Sans cela, l'objet de ce rapport serait laissé à la libre imagination de ceux qui seront amenés à le rédiger. Je n'ai encore jamais vu de disposition de ce genre dans un texte législatif !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 111, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 484, MM. Vasselle, Michel Mercier, Chérioux, Ostermann et Doublet, proposent de compléter l'article 82 par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport comportera, notamment, une évaluation des conséquences financières de l'article 5 bis de la présente loi relatif aux possibilités de cumul entre revenus du travail et prestations de diverses natures sur les comptes sociaux ainsi que sur les budgets tant de l'Etat que des collectivités territoriales concernées. »
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement a pour objet de préciser le contenu du rapport bisannuel que doit présenter le Gouvernement au Parlement sur l'application de la présente loi. Il apparaît, en effet, indispensable que les décideurs des pouvoirs publics connaissent précisément les implications financières de la possibilité de cumul entre revenus du travail et prestations de diverses natures instaurée par l'article 5 bis de la présente loi.
Pour éviter les effets de « piège à pauvreté » biens connus, qui dissuadent les personnes en grande difficulté d'occuper des emplois, en particulier à temps partiel, car elles perdent alors le bénéfice de leurs allocations, il peut s'avérer pertinent de permettre un cumul entre revenus du travail et prestations - ce que nous avons fait pour partie dans le texte que nous venons d'examiner - et ce dans une certaine limite et pour une période déterminée, le temps de permettre à la personne concernée de se réinsérer dans la société.
Il convient toutefois d'en évaluer le coût pour cette dernière. Tel est l'objet de cet amendement.
Certes, il sera utile, le moment venu, d'effectuer le bilan de l'application des mesures prévues dans ce texte. Ainsi pourrons-nous orienter dans un sens qui correspondra le mieux à notre attente l'ensemble des dispositions du texte que nous avons examinées pendant ces quelques jours.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission n'a pas d'objection de fond à formuler sur la nature du point précis que M. Vasselle veut mettre en lumière dans le rapport d'évaluation. Sa seule réserve viendrait du fait que le rapport a une vocation générale et qu'il n'a pas vocation à insister plus particulièrement sur un point plutôt que sur d'autres.
Néanmoins, étant donné qu'il s'agit du dernier amendement, la commission s'en remettra à la sagesse du Sénat.
M. Jean Chérioux. Quelle bienveillance !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, non pas qu'il ne soit pas d'accord sur le fond, à savoir que le rapport puisse évaluer les conséquences de l'application de l'article 5 bis et dresser le bilan des cumuls - ce sera notamment l'un des objets de ce rapport - mais il ne voit pas pourquoi on mettrait l'accent essentiellement sur ce point, alors que c'est l'application de l'ensemble des articles de la loi qui devra être évaluée.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 484.
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. M. Vasselle a fait allusion aux conséquences de la possibilité de cumul entre les revenus du travail et les prestations de diverses natures sur le budget de l'Etat et sur celui des collectivités territoriales concernées. Or, il ne me semble pas que les collectivités territoriales soient vraiment concernées puisque les minima sociaux sont fixés essentiellement par l'Etat, ou par les différentes caisses. Par conséquent, la formulation de l'amendement me gêne.
Par ailleurs, si essayer de déterminer les conséquences financières de la loi sur les différents partenaires me paraît une bonne chose, n'insister que sur le cumul possible des indemnités et un salaire ne me semble pas opportun en termes d'affichage. Je tenais à attirer l'attention de M. Vasselle sur ce point.
Ne pourrait-il pas modifier son amendement en indiquant simplement qu'on procédera à une estimation du coût financier de la loi ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 484, repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 82, modifié.

(L'article 82 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, je souhaiterais une brève suspension de séance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de suspension ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Favorable.
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)


M. le président. La séance est reprise.

Seconde délibération

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, en application de l'article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération des articles 5 bis A et 72 bis.
M. le président. Soit, madame le ministre.
Je rappelle que, en application de l'article 43, alinéa 4, du règlement, ont seuls droit à la parole l'auteur de cette demande, c'est-à-dire le Gouvernement, un orateur d'opinion contraire, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond. Aucune explication de vote n'est admise.
Le Gouvernement s'étant exprimé, quel est l'avis de la commission sur cette demande de seconde délibération ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Y a-t-il un orateur contre ?...
Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, acceptée par la commission.

(La seconde délibération est ordonnée.)
M. Louis Souvet, vice-président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des affaires sociales.
M. Louis Souvet, vice-président de la commission des affaires sociales. Je demande une suspension de séance de dix minutes, afin que la commission des affaires sociales puisse examiner les amendements déposés par le Gouvernement.
M. le président. Nous allons bien sûr faire droit à cette demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.)


M. le président. La séance est reprise.
Nous allons procéder à la seconde délibération.
Permettez-moi auparavant de revenir d'un mot sur le vote de l'amendement de M. Belot, qui s'est déroulé alors que je présidais la séance et qui a été contesté.
Je tiens à préciser que j'ai très bien compté, et je n'étais pas le seul. Sept d'entre vous, sur ma gauche, ont voté contre cet amendement ; six, sur ma droite, et trois, au centre, ont voté pour : neuf contre sept, l'amendement a été adopté. Nous ne reviendrons pas sur ce résultat.
Venons-en à la seconde délibération.
Je rappelle au Sénat les termes de l'article 43, alinéa 6, du règlement :
« Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d'amendements, et sur les sous-amendements s'appliquant à ces amendements. »

Article 5 bis A

M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l'article 5 bis A dans la rédaction suivante :

« I. - Il est inséré, dans le code du travail, après l'article L. 351-10, un article L. 351-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 351-10-1. - Les chômeurs de longue durée bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique peuvent être employés, à temps plein, par les collectivités territoriales et leurs établissements publics pour des emplois d'utilité publique.
« Les personnes publiques employeurs versent une rémunération qui est exonérée des cotisations sociales incombant à l'employeur et qui correspond à la différence entre le montant du salaire minimum de croissance et le montant de l'allocation de solidarité spécifique dont le versement est maintenu.
« Le conseil général territorialement concerné peut participer à la rémunération versée par la personne publique employeur.
« Le montant de l'allocation de solidarité spécifique ne pourra être minoré pendant la durée du contrat d'emploi.
« Les personnes publiques employeurs ont également la faculté d'adhérer, pour leurs seuls salariés recrutés en application du premier alinéa du présent article, au régime prévu à l'article L. 351-4.
« Les conditions d'application du présent article seront fixées à titre expérimental pour une durée de cinq ans, par décret qui devra intervenir dans le délai de six mois à compter de la date de publication de la loi. »
« II. - Les pertes de recettes résultant de l'application du paragraphe I sont compensées par le relèvement, à due concurrence, des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° A-1, le Gouvernement propose de supprimer cet article.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Le Gouvernement souhaite la suppression de l'article 5 bis A, qui prévoit que les chômeurs de longue durée bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique peuvent être employés à temps plein par des collectivités territoriales et leurs établissements en étant rémunérés du montant de la différence entre l'allocation de solidarité spécifique, qui continuerait à être payée par l'Etat, et le SMIC.
Ce dispositif ne comporte aucun statut pour les intéressés en termes de durée du travail ou de type d'emploi concerné, à la différence de ce qui prévaut pour les contrats emploi-solidarité, les contrats emploi consolidé et les emplois-jeunes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Quand la commission a été saisie pour la première fois de l'amendement n° 429, j'avais proposé un avis défavorable. Or, faute de pouvoir apprécier la portée exacte de cet amendement, la commission avait finalement souhaité que j'émette un avis de sagesse, ce que j'avais fait devant la Haute Assemblée.
A aucun moment cette position n'a été mise en cause au cours de la seconde réunion de la commission, et les modalités du vote qui s'est déroulé n'ont pas été évoquées. La question que M. Souvet a soumise aux membres de la commission, qui viennent de se réunir, a bien eu trait à la portée de cet amendement, qui, depuis l'origine, me semblait, personnellement, entraîner des risques de dépenses non maîtrisées pour le département en particulier et pour les collectivités locales en général.
Aujourd'hui, les membres de la commission ont pris une mesure plus complète de la portée de cet amendement et ont, à la majorité, émis un avis favorable à l'amendement de suppression, ce qui revient finalement à la première proposition que j'avais faite en commission.
En résumé, la commission est donc maintenant favorable à la suppression de l'article 5 bis A !
M. le président. Je vous donne acte, monsieur le rapporteur, de votre mise au point sur la façon dont les débats ont été conduits en commission.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° A-1, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 bis A est supprimé.

Article 72 bis

M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l'article 72 bis dans la rédaction suivante :

« La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 9 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 précitée est complétée par les mots : "et de l'allocation pour jeune enfant visée à l'article L. 531-1 du code de la sécurité sociale". »
Par amendement n° A-2, le Gouvernement propose de supprimer cet article.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, je précise que je n'ai fait aucune déclaration publique quant au décompte des voix sur l'amendement en question...
Ce second amendement déposé par le Gouvernement vise à supprimer l'article 72 bis. Je vais essayer d'être plus claire que je ne l'ai été ce matin, car il semble que mes propos aient été mal compris.
J'ai dit que le revenu minimum garanti était pris en considération compte compte tenu de la configuration et de l'ensemble des ressources du foyer, y compris les prestations familiales, dans lesquelles figurent l'allocation pour jeune enfant, l'APJE, mais aussi les allocations familiales, et que le Gouvernement ne souhaitait pas que l'on revienne sur cette règle.
En revanche - et je m'engage de nouveau devant M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen à faire en sorte que le décret soit pris dans les plus brefs délais - le Premier ministre a publiquement annoncé vendredi dernier que les familles allocataires du RMI pourraient dorénavant bénéficier des majorations pour âge des allocations familiales, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Nous allons donc ajouter un seizième paragraphe au décret du 12 décembre 1988, qui décrit les ressources qui ne sont pas prises en compte pour le calcul du RMI. C'est ce que je souhaitais préciser pour justifier la position prise par le Gouvernement ce matin et cet amendement de suppression de l'article 72 bis.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Là encore, sur l'amendement qui tendait à insérer ce qui devait devenir l'article 72 bis, la commission avait émis un avis défavorable. J'avais mal interprété la réponse de Mme la ministre et l'information supplémentaire apportée par Mme Borvo au sujet d'une déclaration de M. le Premier ministre.
S'agissant, en effet, de la prise en compte dans le RMI, j'avais rappelé que deux logiques étaient envisageables, celle qui prévaut à l'heure actuelle pour le calcul du RMI, à savoir la prise en compte dans l'évaluation du décompte final, c'est-à-dire la somme finalement calculée au titre du RMI, ou la prise en déduction dans les bases. J'avais compris que c'était la seconde solution qui était retenue, et elle était contraire à mon argumentation. J'avais donc été amené à modifier l'avis de la commission pour m'en remettre à la sagesse du Sénat, puisque, dans ces conditions, il n'y avait pas lieu d'être plus royaliste que le roi.
Mme Joëlle Dusseau. Que la reine ! (Rires.)
M. Bernard Seillier, rapporteur. Mais ce n'était qu'un quiproquo. Mme la ministre, en fait, visait bien la prise en compte dans le calcul du RMI, mais non dans l'évaluation des bases.
Je suis donc amené à rétablir intellectuellement la position défavorable de la commission sur l'amendement initial. Dès lors, par cohérence, la commission émet un avis favorable à l'amendement tendant à la suppression de cet article.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° A-2.
M. Charles Descours. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Comme la commission en a décidé, je voterai, avec la majorité des membres de mon groupe, la suppression de cet article réclamée par le Gouvernement.
Cependant, permettez-moi de le noter, bien que l'amendement adopté ce matin entraîne un surcoût de 900 millions de francs, l'article 40 de la Constitution n'a pas été invoqué ! Je tenais à le relever dans le cadre de nos bons rapports, toujours francs, comme on dit au Quai d'Orsay (Sourires), même si, ils sont parfois assez vifs. C'est donc par honnêteté intellectuelle et mus par un sens profond de nos responsabilités politiques comme nombres de la majorité sénatoriale et de l'opposition nationale que nous voterons l'amendement de suppression. D'ailleurs, si nous ne le faisions pas, comme il s'agit d'un amendement un peu démagogique, l'Assemblée nationale, dans sa majorité plurielle, ne manquerait pas de le voter !
Je ne suis pas certain, madame le ministre, que vous et vos amis, dans les mêmes circonstances, auriez agi comme nous allons le faire. L'opposition, responsable, va donc éviter au Gouvernement une impasse de 900 millions de francs. Soit ! Mais, éventuellement, je saurai m'en resservir !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce matin, j'avais compris que M. le rapporteur s'opposerait à cet amendement. C'est que M. le rapporteur lui-même n'avait pas compris mes propos. Et la commission a finalement émis un autre avis.
Pour ce qui est de l'article 40, je n'aime pas l'invoquer systématiquement, comme vous avez pu le constater,...
M. Charles Descours. Sauf pour les territoires d'outre-mer !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. ... parce qu'il me semble préférable de débattre au fond pour voir où se situent nos désaccords.
Cela dit, je me réjouis de votre position, monsieur Descours, et je vous ai bien entendu !
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, nous nous sommes mieux comprises ! Ce matin, j'ai indiqué que nous étions en partie satisfaits par l'annonce de M. le Premier ministre, en partie seulement. Je tenais simplement à souligner que nous souhaitions que notre suggestion soit prise en compte de façon formelle aujourd'hui. Je vous remercie, madame la ministre, de l'avoir fait.
Cela étant, je m'abstiendrai lors du vote de cet amendement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° A-2, accepté par la commission.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Alain Gournac. Je m'abstiens également !
M. Charles Descours. Ainsi que certains autres membres du groupe du Rassemblement pour la République !

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 72 bis est supprimé.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Bordas, pour explication de vote.

M. James Bordas. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous pouvons nous féliciter de l'esprit qui a présidé à nos débats.
La proximité des réalités locales a permis à chacun, dans cet hémicycle, d'être à l'écoute des associations et de tous les acteurs de la lutte contre l'exclusion. Je veux leur rendre hommage.
Notre souhait est que le travail effectué par le Sénat contribue à redonner de l'espoir à ceux qui sont les blessés de la vie et à ceux qui leur viennent en aide.
Des modifications ont été apportées à ce texte afin qu'il contribue le plus possible à un réel retour à l'emploi.
Sur ce point, grâce au travail remarquable de notre rapporteur, M. Bernard Seillier, et de la commission des affaires sociales, présidée par M. Jean-Pierre Fourcade, de réels progrès ont été effectués.
Les modifications apportées par la majorité sénatoriale s'écartent résolument de l'approche traditionnelle de l'assistance.
L'idée selon laquelle non pas toutes, mais certaines allocations méritent un travail en contrepartie fait son chemin pour rendre leur dignité aux exclus du monde du travail.
Les dispositifs d'insertion, privilégiés par notre Haute Assemblée, ne ressemblent pas à des filières surprotégées ou à des emplois-ghetto, à cheval entre l'aide humanitaire et le secteur non marchand. Ils sont, au contraire, ouverts sur l'appareil de production et incitent, grâce à une exonération générale de charges sociales, les entreprises à prendre une part active dans ce processus d'intégration professionnelle.
Mettre en oeuvre le droit au logement est, comme nous le savons, une étape indispensable pour sortir de la précarité.
Pour cela, le Sénat a choisi de mobiliser le parc locatif privé et d'encourager les propriétaires de logements vacants à les remettre sur le marché, par une incitation fiscale et par la simplification des déclarations de revenus fonciers.
Le groupe des Républicains et Indépendants est en effet convaincu qu'il faut privilégier l'incitation fiscale à la taxe sur les logements vacants si l'on veut réellement accroître le nombre de logements susceptibles d'accueillir des personnes en difficulté.
Nous sommes résolument opposés à cet impôt-sanction supplémentaire qui éloignerait les bailleurs de la solidarité.
Le succès des mesures de lutte contre l'exclusion exige, à l'inverse, une plus grande liberté d'action des collectivités territoriales. L'Etat leur fait-il réellement confiance ?
On peut en douter en relevant qu'il renforce son emprise sur des mécanismes départementaux dont la gestion était décentralisée.
Cette liberté d'action passe, comme l'a souligné M. le rapporteur, par un allégement des contraintes qui pèsent sur elles et par une limitation des instances et commissions diverses qui finissent par se superposer et par paralyser l'action en matière d'insertion.
La multiplication des comités ad hoc est intéressante en théorie mais inefficace en pratique.
Par ailleurs, je me félicite qu'un compromis honorable ait pu être trouvé sur la prestation spécifique dépendance.
Je rends hommage au travail de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des affaires sociales dont l'action a été déterminante dans l'élaboration de cet accord.
Je me réjouis également que le Sénat ait souhaité reprendre le dispositif présenté par notre collègue Jean Delaneau dans une récente proposition de loi adoptée par notre Haute Assemblée.
Ce dispositif ouvre la possibilité pour les départements de redéployer une partie des crédits, consacrés au RMI, en faveur de l'ensemble des actions d'insertion inscrites au plan départemental.
L'exclusion est à la croisée des chemins entre la crise économique et l'histoire personnelle des hommes. Un souci nous a animés tout au long de ce débat : ne pas créer un « droit des exclus » mais permettre « l'accès de tous aux droits de tous », comme l'avait souhaité Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz.
Afin de marquer sa volonté de lutter pour l'insertion et la cohésion sociale, notre groupe votera ce texte. Nous savons que cela ne résoudra pas toutes les difficultés subies par un trop grand nombre de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, l'explication de vote sur l'ensemble d'un projet de loi, en particulier lorsqu'il est aussi important que celui que nous venons d'examiner, est toujours le moment de réaliser le bilan de notre débat et de nos apports respectifs, que nous les considérions comme positifs ou négatifs.
Je tiens à dire, tout d'abord, que le groupe socialiste se félicite de la qualité de ce débat, qui fut dense et a témoigné de notre volonté d'inscrire dans la loi les moyens effectifs pour l'ensemble des partenaires concernés - Etat, collectivités territoriales et associations - de lutter contre l'exclusion. Néanmoins, nos appréciations divergent sur un certain nombre de points de ce texte.
Sur le chapitre relatif à l'emploi, nous sommes opposés à la possibilité d'ouvrir aux allocataires du RMI un contrat initiative-emploi à mi-temps dans une entreprise en conservant la moitié de leur allocation. Nous sommes opposés à l'exonération de charges sociales pendant cinq ans pour les employeurs qui embaucheraient un titulaire de minimum social depuis deux ans, à la fois parce que l'efficacité des exonérations de charges sociales est loin d'être prouvée en termes d'emploi et parce que nous craignons qu'une telle mesure ne soit inadaptée à la situation de ceux qui sont titulaires de minima sociaux depuis longtemps.
Nous regrettons vivement que l'on ait brutalement supprimé le recours au fonds d'aide aux jeunes pour soutenir les jeunes bénéficiaires du programme TRACE entre deux contrats de travail ou périodes de formation.
Sur le chapitre consacré au logement, nous n'acceptons pas la suppression de la taxe sur la vacance, inspirée de raisons purement idéologiques,...
M. Hilaire Flandre. Oh !
Mme Dinah Derycke. ... malgré les explications tout à fait argumentées du ministre et la demande unanime du milieu associatif, et bien que vous prétendiez partager ses préoccupations. Nous constatons, au contraire, que les amendements adoptés par la majorité sénatoriale favorisent de façon excessive les propriétaires, qu'il s'agisse du crédit d'impôt pour primes d'assurance couvrant le risque de loyers impayés ou du report à 60 000 francs de la déclaration de revenus fonciers simplifiée.
Nous regrettons également que la majorité du Sénat ait vidé de leur contenu les dispositions les plus novatrices tendant à favoriser la mixité sociale et à redonner quelque force à la loi d'orientation sur la ville. Le principe de libre administration des collectivités territoriales ne justifie pas que les communes puissent s'exonérer de la participation à la conférence intercommunale du logement. Cette disposition aboutit à faire dépendre des seules communes volontaires l'attribution de logements sociaux sur tout un bassin d'habitat. Vous prenez donc le risque d'une absence de solidarité en matière de logement, qui causera un préjudice aux personnes les plus défavorisées.
Nous regrettons également que vous ayez rendu difficilement applicable le nouveau régime de réquisition avec attributaire en l'assortissant de délais démesurés. Nous sommes opposés à la remise en cause de la nouvelle procédure de prévention des expulsions. Le raccourcissement de la durée de la procédure préalable à la phase judiciaire obère les chances de trouver une solution satisfaisante pour les deux parties.
S'agissant du surendettement, la suppression de la référence au RMI dans la définition du « reste à vivre » introduit certes davantage de souplesse, mais pourrait toutefois générer une imprécision risquée. J'ajoute que vous procédez à une remise en cause de la réforme, pourtant indispensable, des saisies immobilières dont trop de familles ont été victimes à la suite de perte d'emploi.
En ce qui concerne l'éducation et la culture, vous avez choisi de maintenir l'ancien système d'aide à la scolarité, de préférence à un retour aux bourses, pourtant mieux à même, selon l'ensemble de la communauté éducative, de pallier les difficultés financières et de gestion des familles, et de favoriser le retour des jeunes vers les cantines.
S'agissant des minima sociaux, j'appelle votre attention sur l'avis préalable du maire à l'octroi du RMI. Cette disposition nous paraît de nature à rompre l'égalité des citoyens et ne manquerait pas, si elle était appliquée, de livrer les personnes en difficulté à l'arbitraire et à la distinction entre bons et mauvais pauvres. Sur quels critères ?
M. Hilaire Flandre. Ce n'est pas sérieux !
Mme Dinah Derycke. Je ne suis d'ailleurs pas sûre que beaucoup d'élus locaux seraient heureux de se voir imposer par une telle charge.
J'arrête là cette brève énumération, qui pourrait donner à croire à l'existence d'un hiatus entre vos déclarations relatives à la solidarité - valeur essentielle de la République - vos hommages réitérés aux immenses mérites de Mme de Gaulle-Anthonioz et les textes législatifs que vous adoptez finalement.
Je préfère opter pour un point de vue plus positif et considérer que nous sommes parvenus à un accord relatif sur l'essentiel du texte présenté par le Gouvernement. Il en est ainsi de la partie consacrée à l'emploi, à l'insertion des jeunes et au dispositif d'insertion par l'économique. Nous notons même avec une particulière satisfaction l'adoption de l'amendement de nos collègues d'outre-mer, relatif au fonctionnement des agences départementales d'insertion. Nous nous réjouissons que la situation méconnue de nos compatriotes Français de l'étranger ait été prise en compte grâce à plusieurs amendements de notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga.
En ce qui concerne le logement, vous avez adopté, sur notre initiative, la suppression du délai de carence d'un mois pour les personnes passant d'une formule de logement social à une autre. La compensation par l'Etat de l'exonération de la taxe d'habitation pour le logement à titre temporaire des personnes défavorisées, pour les gestionnaires et pour les associations pratiquant la sous-location, a été maintenue, ce qui nous satisfait. Enfin, la lutte contre le saturnisme est pleinement intégrée dans le dispositif.
S'agissant du surendettement, la majorité sénatoriale a trouvé une solution au délicat problème des dettes fiscales et sociales, en renforçant les liens entre les recommandations de la commission et les éventuels accords de remise par les directeurs des services fiscaux.
Sur l'éducation et la culture, plusieurs amendements de notre groupe ont été adoptés : le droit à la formation tout au long de la vie, l'amélioration de l'accueil des enfants âgés de moins de six ans, la sensibilisation aux atteintes concrètes à la liberté et au respect d'autrui.
Nous relevons aussi que la majorité sénatoriale a accepté plusieurs de nos amendements tendant à prendre en compte la gravité particulière et la spécificité de l'exclusion dont les femmes sont victimes. Mais, personnellement, je ne doutais pas que vous seriez sensibles à nos arguments.
Enfin, ce matin, nous avons adopté, à l'unanimité, l'amendement du Gouvernement sur la PSD, tendant à mettre fin aux inégalités les plus choquantes. Nous avons pris acte du fait que le Gouvernement engagera une réflexion sur la possibilité de mettre en oeuvre des financements associés faisant intervenir la solidarité entre générations.
Au total, des apports intéressants ont donc été réalisés et votés à l'unanimité par notre assemblée. Le projet de loi, tel qu'il est issu de nos travaux, reflète plus des différences d'appréciation que des divergences de fond sur la lutte contre l'exclusion.
Nous sommes heureux que la philosophie du projet de loi n'ait pas été bouleversée et que la majorité sénatoriale se soit finalement ralliée à la nécessité pour la nation de consacrer des moyens importants à la lutte contre l'exclusion. Avec 51,4 milliards de francs, ce projet de loi n'est pas une déclaration d'intention. Il marque un engagement fort de notre part, et les associations, comme la majorité des Français, ne s'y sont pas trompées.
En effet, ce texte n'est pas un projet de loi ordinaire. Il entend répondre à l'attente de nos compatriotes qui vivent les plus grandes difficultés. La gravité du sujet et la douleur quotidienne des personnes et des familles en situation de pauvreté justifient que nous sachions transcender les différences qui nous opposent.
Il est de notre responsabilité de ne pas donner à ces personnes, à ces familles, le sentiment que quelque considération que ce soit passe avant la prise en compte de leurs difficultés. Nous souhaitons que les travaux de la commission mixte paritaire nous permettent d'avancer, autant qu'il sera possible, vers la recherche de solutions concrètes pour les personnes en difficulté. Ce qui doit nous importer maintenant, c'est la mise en oeuvre rapide de ces mesures tant espérées.
Le groupe socialiste du Sénat, même s'il n'approuve pas l'ensemble des dispositions issues du débat devant la Haute Assemblée, fait donc le choix de la responsabilité et votera pour le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions. (Applaudissements sur les travées socialistes. - Mme Dusseau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Flandre.
M. Hilaire Flandre. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, la nécessaire lutte contre l'exclusion des plus démunis exigeait que le Parlement légifère pour proposer des solutions nouvelles et pour améliorer celles qui existent.
Le Gouvernement de M. Alain Juppé a été le premier à préparer un projet de loi dans ce sens, abordant les différentes difficultés rencontrées par les plus démunis et engageant ainsi un véritable changement au sein de notre société.
L'actuelle majorité, en proposant un projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, que nous examinons depuis la semaine dernière, emprunte plusieurs dispositions au projet de loi précédent, mais sa philosophie globale est bien différente et réclamait un examen approfondi et plusieurs modifications de fond comme de forme.
Je tiens à saluer le travail des différents rapporteurs, notamment de notre collègue Bernard Seillier, qui a beaucoup contribué à améliorer le texte.
Mme Joëlle Dusseau. Ça, c'est vrai !
M. Hilaire Flandre. Je formulerai tout d'abord un regret sur la forme. La multidisciplinarité du texte et sa complexité réclamaient la constitution d'une commission spéciale, qui aurait aidé à l'organisation de nos travaux.
M. Claude Estier. C'est vrai !
M. Hilaire Flandre. Par ailleurs, l'examen tronçonné et bouleversé de l'ordre des articles du projet de loi, s'il peut être justifié par les contraintes d'agenda des ministres, a été cependant très gênant pour le déroulement de nos travaux en séance publique. De telles demandes ne devraient donc être exercées qu'avec beaucoup de modération.
Sur le fond, si l'objectif est louable, plusieurs dispositions nouvelles de ce texte étaient critiquables.
Une nouvelle fois, l'insertion dans la sphère publique, plutôt que dans le secteur marchand, est privilégiée.
La décentralisation des actions de formation aux régions semble faire l'objet d'un sentiment de méfiance de la part du Gouvernement.
Que dire de l'article 30, hautement symbolique, parfaitement inapplicable, ainsi que l'a fait remarquer notre collègue M. Gérard Braun, et qui porte gravement atteinte aux droits des propriétaires de disposer de leurs biens comme ils l'entendent ?
Quant au coût financier de ce projet de loi, les chiffres avancés par le Gouvernement ne paraissent pas refléter exactement la réalité, comme l'a fort bien exprimé notre collègue M. Jacques Oudin.
De plus, les collectivités locales sont mises à contribution pour des sommes très importantes et non compensées par l'Etat. Il en est de même pour les organismes de la sécurité sociale.
C'est pourquoi les différentes commissions saisies au fond ou pour avis ont effectué un travail d'amendements remarquable afin de toiletter ce texte en profondeur et d'en corriger les principaux défauts.
Après une semaine de discussion, nous avons abouti, nous semble-t-il, à un texte plus équilibré, visant fermement à l'objectif initial de ramener les exclus sur le chemin de l'insertion.
Aujourd'hui, nous ne pouvons que souhaiter qu'un accord intervienne en commission mixte paritaire sur ce texte, afin que ce dernier ne soit pas rétabli purement et simplement dans sa rédaction initiale pour des raisons uniquement idéologiques.
C'est avec cet espoir que le groupe du RPR du Sénat votera ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au terme de cette semaine de débats, nous devons nous prononcer cet après-midi sur le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions, texte attendu impatiemment tant par les associations et organisations qui travaillent au quotidien pour aider les personnes démunies que par des millions d'hommes et de femmes qui, cachés derrière les statistiques, subissent tous les mécanismes d'exclusion sociale.
Seul un véritable arsenal juridique, ambitieux et transversal, conjuguant concrètement des mesures préventives avec des dispositifs d'urgence, est en mesure de répondre aux besoins pressants et aux attentes fortes exprimées avec vigueur par le mouvement des chômeurs de décembre dernier.
Le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, même s'il ne prenait pas en compte les mesures telles que la remise à plat de l'indemnisation du chômage ou le niveau des minima sociaux, nous paraissait constituer un réel progrès, et c'est la raison pour laquelle les députés communistes l'ont voté.
Lors de mon intervention dans la discussion générale, portant une appréciation sur votre texte, madame la ministre, je notais avec satisfaction que vous entendiez combattre le mal à la racine tout en refusant de stigmatiser les personnes défavorisées en créant des dispositifs parallèles.
Toutefois, je regrettais que la réalisation des mesures annoncées ne soit pas garantie par des moyens nouveaux et que l'impasse soit faite sur les entreprises et sur leurs responsabilités.
Ma requête, comme celle de mes collègues de l'Assemblée nationale, était très simple : nous attendions que les mesures proposées répondent aux fortes attentes du mouvement social.
Tous nos amendements se sont inscrits dans le souci de combattre la grande pauvreté et d'éradiquer la spirale de l'exclusion en la prévenant. Nous avons participé à ces débats dans l'objectif de rendre le dispositif initial plus efficace.
Apparemment, notre volonté de traiter non pas le pauvre dans l'homme, mais l'homme dans le pauvre est loin d'être partagée par l'ensemble des membres de la Haute Assemblée.
La majorité sénatoriale a cependant été plus réaliste que l'opposition de droite à l'Assemblée nationale. Plus fine, l'attitude de ses membres a ainsi abouti à des modifications importantes.
Tout en revenant sur l'ensemble des avancées votées par l'Assemblée nationale, vous avez fait adopter de réels reculs et vous rendez certains dispositifs inopérants pour lutter contre l'exclusion, chers collègues de la majorité sénatoriale. En témoignent la suppression de quatorze articles, parmi lesquels l'article 2A relatif aux licenciements économiques et au contrôle des plans sociaux, l'article 30 instaurant la taxe sur la vacance, les articles 34 bis et 34 ter , qui donnaient une définition du logement social, les articles 76 et 77, qui prévoyaient de substituer un système de bourses des collèges aux aides à la scolarité.
D'autres amendements sont venus bouleverser sensiblement le texte. Ainsi, vous refusez l'intervention du FAJ, le fonds d'aide aux jeunes, dont les aides profitaient aux jeunes pour les périodes au cours desquelles ces derniers n'ont ni stage ni travail. Vous proposez encore et toujours que les entreprises soient exonérées de cotisations sociales pour l'embauche d'un bénéficiaire de minima sociaux, alors que cette méthode n'a encore jamais fait ses preuves en matière de lutte contre le chômage, donc de création d'emplois.
Une autre mesure qui nous semble aller à l'encontre de l'objectif visé par les auteurs du texte a trait aux nouveaux pouvoirs attribués au maire pour l'octroi du RMI. Au nom de quoi le premier magistrat d'une commune serait-il habilité à juger de l'opportunité de l'octroi du RMI, comme de l'aide médicale ou hospitalière ?
S'agissant du volet logement, vous avez, sans formuler d'opposition de fond, par petits touches, affaibli la portée du texte, jusqu'à rendre ce dernier stérile. Ainsi, vous avez supprimé les dipsositions qui prévoyaient l'harmonisation des règles de fonctionnement des fonds de solidarité pour le logement. Faut-il comprendre que les inégalités qui prévalent en la matière vous satisfont ?
Les articles 31 et 33, portant respectivement sur la réquisition avec attributaire et sur le régime d'attribution de logements sociaux, ont été amendés dans le seul dessein de restreindre la notion de mixité sociale.
En ce qui concerne le surendettement, alors que le volet correspondant du texte instaurait, grâce notamment aux interventions des députés de la majorité, de réelles garanties pour les personnes surendettées, vous avez supprimé la référence au RMI pour la définition du « reste à vivre ». Vous avez vu ici l'exclu dans le créancier, je vous assure pourtant que les plus défavorisés sont bien les débiteurs.
Nous aurions vivement souhaité pouvoir voter le texte ; mais nous pensons que votre démarche aboutit, dans les faits, à renforcer la précarisation.
Nous nous abstiendrons aujourd'hui, en souhaitant que la suite du débat parlementaire permette de rééquilibrer les choses de façon positive. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors de la discussion générale, j'ai insisté sur mon humilité devant ce texte. Mon explication de vote sera dans le même esprit.
La France est le seul pays européen à se doter d'une loi globale contre l'exclusion, ce dont nous nous félicitons.
C'est à la suite de l'engagement du Président de la République, M. Jacques Chirac, de faire de la lutte contre l'exclusion une priorité nationale engageant le pays tout entier que le projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale est né au début de l'année 1997.
Rarement, de l'aveu même des associations caritatives entendues, texte n'aura fait l'objet d'une aussi grande concertation et de tant d'avis. Il faut dire que nombre de ces associations oeuvrent depuis bien des années pour aider les personnes en détresse et pour tenter d'alerter l'opinion publique sur les dangers que représentent pour la société tout entière les phénomènes de pauvreté et d'exclusion.
De fait, le thème de l'exclusion, et donc du lien social, est passé au premier plan du débat politique.
Avec le gouvernement de M. Lionel Jospin, un nouveau texte relatif à la lutte contre les exclusions a été élaboré.
Ce second texte, voisin du premier qui avait été déposé par MM. Jacques Barrot et Xavier Emmanuelli, s'inspire également de la philosophie voulue par le Président de la République, qui était de « ne pas créer un droit des exclus » mais de « permettre l'accès de tous aux droits de tous », comme l'avait souhaité Mme Geneviève de Gaulle-Anthonioz.
Les membres du groupe de l'Union centriste se félicitent de voir que, pour l'essentiel, le projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale a été repris dans le projet de loi du gouvernement actuel, lequel a donc bénéficié de la concertation d'une rare ampleur conduite par le gouvernement de M. Alain Juppé depuis 1995.
Néanmoins, après la première lecture à l'Assemblée nationale, ce texte devait être amendé, et nous nous réjouissons donc de voir que la majorité sénatoriale, dans le souci non seulement d'améliorer le dispositif mais également d'en corriger les imperfections, a procédé à un examen extrêmement minutieux du texte.
Les membres du groupe de l'Union centriste ne peuvent qu'approuver le texte modifié par le Sénat, et ils vous remercient, madame la ministre, d'avoir accepté un certain nombre de leurs amendements.
Ils tiennent également à remercier le rapporteur de la commission saisie au fond, M. Bernard Seillier, le président de la commission des affaires sociales, M. Jean-Pierre Fourcade, les rapporteurs pour avis, ainsi que toutes celles et tous ceux qui ont participé à nos travaux.
Les membres du groupe de l'Union centriste voteront sans état d'âme le projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, avec l'espoir que le texte qui sortira de la commission mixte paritaire ne soit pas dénaturé et ne remette donc pas en cause tous les efforts réalisés par le Sénat pour le bien de toutes celles et de tous ceux qui souffrent d'être, dans notre pays, appelés « exclus », terme difficile à accepter en 1998 mais qui recouvre pourtant une réalité dont nous avons toutes et tous, ici comme ailleurs, une part de responsabilité dans la mesure où nous n'avons pas toujours le geste d'amour et d'accueil attendu. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de cette discussion, je tiens à dire ma satisfaction de voir bientôt adopter le projet de loi d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions. Son urgence n'est plus à démontrer. Ses points positifs ont été soulignés par l'ensemble du mouvement caritatif.
La majorité sénatoriale a senti l'importance de l'enjeu et a tenu à soutenir la démarche proposée, contrairement à la position qu'elle avait adoptée lors de l'examen de projets de loi précédents.
Bien entendu, des points de clivage sont apparus, dont l'un concerne le RMI. Le Sénat ayant adopté le principe de conditionner l'octroi du RMI à l'avis du maire, il est évident que je ne puis approuver cette décision.
Il en est de même s'agissant de l'imposition des logements vacants. Après une longue discussion, la majorité sénatoriale a repoussé cette disposition, ce que je regrette. En effet, modérée dans ses implications financières - 10 à 15 % de la valeur locative - et mettant en place un délai suffisant - deux ans - cette mesure constitue, à mes yeux, un outil important pour le droit au logement.
Un certain nombre d'autres amendements votés par notre assemblée ne recueillent bien sûr pas non plus mon accord ; ils ont déjà été signalés par certains de nos collègues, et je n'y reviens donc pas.
En revanche, la solution négociée entre Mme la ministre et M. le président de la commission des affaires sociales sur la prestation spécifique dépendance, concernant tant la date de la réforme de la tarification que le décret instituant un minimum pour la prestation, me paraît être une bonne chose.
Cela dit, nous savons que le problème de la dépendance des personnes âgées ne peut que se poser de façon plus aiguë dans l'avenir et que la loi de 1997, qui fait porter la charge sur les seuls départements, devra être modifiée dans les années qui viennent.
Les sénateurs radicaux de gauche du groupe du RDSE voteront donc ce projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, en dépit de ces modifications, et rejoindront ainsi les sénateurs du groupe du RDSE appartenant à la majorité sénatoriale.
Notre groupe émettra par conséquent - c'est relativement exceptionnel, et je tiens donc à le souligner - un vote unanime sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, dont nous venons de terminer l'examen après cinq jours et quatre nuits de labeur, apparaît à plusieurs égards comme la continuation du projet de loi relatif au renforcement de la cohésion sociale qu'avaient déposé Jacques Barrot et Xavier Emmanuelli.
Mais le présent projet de loi a beaucoup plus d'ampleur, nous le reconnaissons. Peut-être en a-t-il même un peu trop ! Nous avons pensé, en effet, que certaines de ses orientations allaient trop loin. Or il ne faut à aucun moment oublier que la lutte contre l'exclusion ne doit ni s'apparenter à de l'assistanat ni tendre à la déresponsabilisation.
Les rapporteurs, nous le savons, partagent cette opinion. C'est la raison pour laquelle les non-inscrits ont suivi, d'une manière générale, les modifications, les recommandations, les amendements proposés par la commission des affaires sociales, saisie au fond, ou par les autres commissions saisies pour avis.
Nous remercions tout particulièrement pour leur travail constructif Bernard Seillier, mais également Paul Girod, Jacques Oudin, Philippe Richert et Gérard Braun. Ce dernier a notamment souligné, après d'autres, qu'à l'origine de très nombreux cas d'exclusion se trouve le chômage. C'est le fléau social qu'il faut combattre sur tous les fronts : le traitement économique du chômage doit demeurer une absolue priorité.
Nous nous félicitons de l'accueil favorable réservé à plusieurs amendements déposés et soutenus par notre collègue Philippe Darniche, notamment à l'article 78 bis, afin d'apporter une définition claire de la lutte contre l'illettrisme dès l'enfance, avec son volet incontournable de la sensibilisation des familles à ce problème.
Par ailleurs, les sénateurs des Français de l'étranger se réjouissent de la prise en compte de nos compatriotes établis hors de France dans le dispositif de lutte contre l'exclusion. Je pense particulièrement à l'article 1er, où nous avons demandé que tous les ministères coopèrent pour aider nos compatriotes en situation difficile dès lors que, rapatriés d'urgence, ils ont dû tout laisser derrière eux et se sont retrouvés souvent totalement démunis à leur arrivée en France. Il s'agissait, vous vous en souvenez, d'un amendement de Mme Cerisier-ben Guiga, qu'elle avait dû retirer à la demande du Gouvernement mais que nous avons repris pour le faire aboutir.
Nous avons également adopté un article additionnel 75 ter aux termes duquel l'Etat garantit à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger les crédits nécessaires à la scolarisation des enfants français dans les établissements conventionnés sur la base d'une parité de dépenses entre les enfants scolarisés en métropole et ceux qui le sont à l'étranger.
Enfin, cet après-midi, dans un article additionnel avant l'article 82, nous avons approuvé une disposition aux termes de laquelle le Gouvernement devra présenter, avant la fin de cette année, un rapport sur la situation des Français de l'étranger en situation d'exclusion.
Le texte issu des travaux du Sénat présente donc des ajouts très utiles et nous espérons vivement, madame la ministre, que la commission mixte paritaire retiendra toutes ces modifications, auxquelles nous tenons particulièrement.
Dans ces conditions, convaincus que ce projet de loi va dans le sens de l'intérêt de nos concitoyens en France - mais également de nos compatriotes vivant au-delà de nos frontières - c'est unanimement que les sénateurs non inscrits le voteront. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, nous achevons aujourd'hui un long débat, qui a débuté voilà une semaine et au cours duquel nous avons examiné plus de 500 amendements.
Environ 300 amendements ont été adoptés, dont 240 ont été présentés par les différentes commissions.
Je me réjouis particulièrement de la bonne coordination qui a caractérisé les travaux conduits par la commission des affaires sociales, saisie au fond, et les quatre commissions saisies pour avis.
C'était un exercice a priori difficile. Je rappelle que l'Assemblée nationale avait choisi de constituer une commission spéciale ! Mais je crois que nous y sommes parvenus et que chaque commission, dans son domaine de compétences, a pu enrichir le texte et l'améliorer.
Je remercie également l'ensemble des sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, de leur contribution à nos travaux.
Une cinquantaine d'amendements « extérieurs », émanant pour moitié de la majorité sénatoriale - il faut dire que les cinq commissions avaient bien « couvert » le texte - et pour moitié de l'opposition sénatoriale, ont été adoptés.
Enfin, une dizaine d'amendements du Gouvernement ont été votés, sans compter les rectifications qu'il a suggérées sur les différents amendements et qui ont été acceptées par leurs auteurs.
J'ajoute que près des deux tiers des amendements adoptés par le Sénat ont reçu un avis favorable ou de sagesse du Gouvernement. Je tiens, à cet égard, à remercier les membres du Gouvernement qui ont participé à nos travaux de l'esprit d'ouverture qu'ils ont manifesté.
Certes, a contrario, une centaine d'amendements - et parmi eux des amendements importants, auxquels le Sénat est attaché - ont été adoptés contre l'avis du Gouvernement.
Mais ces quelques éléments chiffrés montrent le travail important qui a été réalisé et les nombreux points de convergence qui sont apparus. Ce n'est guère étonnant, sachant que la lutte contre les exclusions est une préoccupation qui nous est commune : j'ai déjà souligné, dans mon intervention générale, qu'il était rare que deux gouvernements successifs, séparés par une alternance, aient choisi de déposer des projets de loi relevant d'une commune inspiration.
Nous ne pouvons que nous réjouir que nos débats se soient déroulés dans un climat de cordialité, un petit peu à l'image - mais à une autre échelle - de ce que nous essayons de réaliser au sein du groupe d'études sur la lutte contre l'exclusion, qui fonctionne maintenant depuis un peu plus de deux ans.
Autant que possible, j'ai souhaité que nous puissions reprendre un ou plusieurs amendements émanant de tous les groupes, car il me semble que chacun apporte sa pierre sur le chemin de la lutte contre la grande pauvreté et l'exclusion sociale.
Je ne reprendrai pas ici tous les apports d'origine diverse qui ont été retenus au cours de nos débats de la semaine dernière et d'aujourd'hui, mais je serai plus précis lorsque nous examinerons à nouveau ce texte.
Je vous propose donc d'adopter le projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, significativement nourri et enrichi par les amendements adoptés au cours de nos débats.
Si toute loi a une valeur pédagogique, l'attitude du législateur dans son action a aussi une portée pédagogique et symbolique.
S'agissant d'un projet de loi de lutte contre les exclusions, les explications de vote que nous venons d'entendre apportent une confirmation à notre recherche commune de cohésion sociale. J'y suis très sensible, car c'est la meilleure sanction qui puisse être apportée non seulement à nos efforts communs, mais surtout à celui de tous les professionnels, des bénévoles et des plus démunis qui consacrent leur vie à lutter contre l'exclusion sociale et contre la grande pauvreté. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, certains bons esprits ont dit, ou écrit, voilà quelque temps, que le Sénat ne servait à rien. Je dédie le débat que nous venons de mener à ces bons esprits à la plume affûtée.
M. Claude Estier. Ce n'est pas nous qui avons dit cela !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. J'ai parlé de bons esprits ! (Rires.) N'avons-nous pas en mémoire un certain article de M. Attali ?...
M. Ivan Renar. Le songe d'Attali ! (Rires.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Le débat qui s'est déroulé depuis une semaine a fait apparaître trois éléments importants.
Tout d'abord, nous n'avons pas, comme l'Assemblée nationale, créé une commission spéciale : nous avons essayé de coordonner le travail de cinq commissions et de six rapporteurs et nous avons, je crois, apporté la démonstration que, par accord entre les rapporteurs et les présidents de cinq commissions, nous avons pu « fouiller » le texte, après avoir consulté les meilleurs spécialistes, sur les différents points qui nous étaient soumis. Nous aurons ainsi, au travers de tous les amendements que nous avons examinés, beaucoup enrichi et amélioré ce texte, malgré, parfois, quelques divergences avec l'Assemblée nationale.
Certes, le recours à la commission spéciale aurait été plus facile, mais il aurait restreint l'ampleur du débat. Nous avons donc apporté la démonstration que le Sénat savait travailler.
Ensuite, nous avons procédé à nombre d'auditions alors que, dans l'autre assemblée, tel n'a pas été le cas. Nous avons tenu à discuter avec tous ceux qui s'intéressent à ces sujets, de Mme Join-Lambert à Mme de Gaulle-Antonioz en passant par la totalité des professionnels concernés par ces problèmes. Ces auditions ont enrichi notre débat, elles nous ont permis de focaliser divers points précis et d'améliorer le texte.
Enfin, nous avons pu avoir, avec les quatre ministres et secrétaires d'Etat qui ont travaillé avec nous, des débats approfondis. Le Gouvernement a d'ailleurs pris de nombreux engagements à notre égard sur un certain nombre de sujets, que nous examinerons au cours des prochaines semaines. Je tiens en tout cas à remercier le Gouvernement de l'esprit très coopératif dont il a fait preuve.
Permettez-moi de remercier également tout particulièrement le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Seillier, ainsi que les cinq rapporteurs pour avis, qui ont tous beaucoup travaillé sur ce texte. Et je n'aurais garde de vous oublier dans ces remerciements, mes chers collègues, vous qui avez consacré de nombreuses heures à l'examen de ce texte.
Je veux remercier aussi le personnel du Sénat et tous les présidents de séance qui se sont succédé au fauteuil de la présidence.
Nous aurons ainsi apporté la preuve, premièrement, que le Sénat est utile, deuxièmement, qu'il sait travailler, troisièmement, qu'il peut parvenir, sur un texte aussi important pour la cohésion de notre société, à un certain nombre de résultats.
Parviendrons-nous, en commission mixte paritaire, à trouver un accord avec l'Assemblée nationale ? Je ne le sais pas encore, mais la réunion aura lieu demain soir. En ce qui nous concerne, en tout cas, nous sommes tout disposés à aboutir. Mon homologue à l'Assemblée nationale, avec qui j'ai pris contact ce matin, est d'ailleurs lui aussi dans le même état d'esprit. Nous essaierons donc de parvenir à un texte commun, si nous le pouvons.
Quoi qu'il en soit, le travail du Sénat n'aura pas été inutile, car le texte final comportera beaucoup des dispositions que nous avons adoptées. Et c'est de cela, mes chers collègues, que je voulais vous remercier. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de rappeler, au nom de mes collègues et en mon nom propre, qu'un travail de qualité a nourri le texte auquel nous parvenons aujourd'hui, et ce avant même que votre Haute Assemblée s'en saisisse, qu'il s'agisse du travail des associations depuis de nombreuses années, de la mobilisation de l'ensemble du Gouvernement depuis un an ou du travail de l'Assemblée nationale, qui avait déjà enrichi le présent projet de loi de plus de 265 amendements.
Le Sénat, dans son ensemble, a poursuivi l'effort dans ce même esprit constructif et je souhaite, au nom du Gouvernement - et particulièrement au nom de mes collègues présents dans cet hémicycle - vous en remercier collectivement.
Le travail a été plus long que prévu - plus de 500 amendements ont été déposés - mais le sujet le justifiait amplement. A cet égard, je remercie également le Sénat de sa disponibilité, puisqu'il a accepté de se saisir de ce texte dans des délais brefs et d'y consacrer beaucoup de temps, notamment de longues nuits.
Je pense particulièrement à ceux qui, comme M. Gérard Larcher, ont été amenés à présider la séance à plusieurs reprises, mais aussi, bien sûr, à l'ensemble des rapporteurs, dont le travail nous a permis de progresser, qu'il s'agisse de M. Seillier, rapporteur au fond, ou de MM. Paul Girod, Jacques Oudin, Gérard Braun, Paul Loridant et Philippe Richert. Je remercie enfin particulièrement le président de la commission des affaires sociales, M. Jean-Pierre Fourcade.
Le dialogue qui s'est instauré entre la majorité et l'opposition sénatoriales, mais aussi entre le Gouvernement et le Sénat, a été de qualité et a permis, comme chacun vient de le souligner, d'utiles rapprochements.
Je pense que personne n'a plus d'inquiétude sur le financement du programme ou sur une démarche qui serait trop centralisatrice, puisque votre assemblée a voté les dispositifs TRACE, la généralisation des PLI et la coordination des dispositifs en matière d'urgence sociale.
Je crois qu'il fallait effectivement que nous évitions d'introduire des enjeux polémiques, car les Français ne nous l'auraient pas pardonné et, personnellement, je me félicite, tout comme nos collègues du Gouvernement, de la tonalité de ce débat.
A l'issue de cette discussion, je serai brève, car beaucoup d'entre vous sont intervenus. Partageant totalement l'analyse des membres de l'opposition sénatoriale qui se sont exprimés avant moi, je ne reviendrai donc pas sur les propos de Mme Derycke, de Mme Dusseau et de M. Fischer.
Vous avez adopté l'ensemble des articles du volet « emploi » consacrés au droit au nouveau départ, au programme TRACE, à la refonte des emplois de solidarité, à la redynamisation du secteur d'insertion par l'activité économique, à l'aide à la création d'entreprises, à l'instauration d'un contrat de qualification adulte et à l'inscription de la lutte contre l'illettrisme dans l'éducation permanente.
Vous avez adopté des amendements très significatifs - et je m'en félicite - visant notamment à l'élargissement des possibilités de cumul des minima sociaux et des revenus d'activités professionnelles, en particulier pour les bénéficiaires de l'allocation veuvage, ainsi que des possibilités de cumul des minima sociaux avec les revenus d'une activité non salariée. Sur tous ces amendements, le vote du Sénat a été unanime.
Vous avez également souhaité inviter les partenaires sociaux à rechercher une harmonisation des mécanismes de cumul entre l'indemnisation du chômage et une situation de travail. Même si, comme je vous l'ai dit, il me semble que cela ne relève pas de la loi, je partage bien évidemment votre intention, comme je l'ai déjà dit à la présidente de l'UNEDIC.
En ce qui concerne le cumul d'un CES avec une deuxième activité professionnelle, je me réjouis que vous ayez accepté de n'ouvrir cette possibilité qu'à partir du quatrième mois afin d'éviter que des personnes capables d'occuper un emploi en entreprise soient orientées à tort vers les contrats emploi-solidarité, même si, comme je l'ai dit, j'aurais souhaité que la durée du cumul soit moins importante.
En ce qui concerne le logement - M. Louis Besson pourrait en parler beaucoup mieux que moi - le Gouvernement se réjouit que vous ne soyez pas revenus sur la plupart des dispositions proposées, notamment sur la procédure de réquisition. Bien au contraire, vos amendements ont apporté des précisions utiles, et il en va de même de la prévention des expulsions.
Parmi les nombreux ajouts positifs que vous avez apportés et qui témoignent d'un réel travail d'analyse de fond sur des sujets parfois très techniques, je mentionnerai, comme l'a fait M. Besson, le dispositif destiné à éviter les ruptures dans les versements des aides au logement pour les personnes logées par des associations percevant l'allocation de logement temporaire.
En matière d'accès aux soins, le débat a permis, je crois, d'apaiser les inquiétudes de la Haute Assemblée sur la détermination du Gouvernement à déposer un projet de loi à l'automne sur la couverture maladie universelle.
Je suis, quant à moi, particulièrement sensible à l'apport que représente l'amendement du groupe socialiste instaurant l'obligation, pour chaque permanence d'accès aux soins de santé, d'être en mesure de répondre aux besoins spécifiques des femmes en situation de précarité. Je crois que M. Kouchner apprécie particulièrement cet amendement, tout comme l'amendement sur les CHAA (Sourires) - les centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie - même s'il n'entre pas dans mon esprit de faire un rapprochement entre les femmes et les CHAA, et encore moins entre les femmes et l'alcoolisme. (Nouveaux sourires.)
Il reste que M. Kouchner et moi-même devrons encore trouver des moyens de financement pour ces centres dans la loi de financement de la sécurité sociale.
En ce qui concerne la prévention du surendettement, vous avez confirmé l'architecture de la réforme envisagée, notamment l'amélioration des garanties offertes aux surendettés à l'occasion de l'examen de leur dossier par la commission de surendettement et l'utilisation du moratoire comme préalable à un éventuel effacement des dettes.
Mme Lebranchu et moi-même avons relevé de nombreux aménagements qui vont dans le sens souhaité par le Gouvernement. En particulier, votre assemblée, dans le prolongement des travaux de l'Assemblée nationale et des préoccupations exprimées par tous, a renforcé les liens entre les procédures de traitement du surendettement et les procédures spécifiques d'octroi de remise et de délai en matière fiscale.
Je me réjouis, enfin, que les explications du Gouvernement sur l'organisation de l'action publique en matière de lutte contre l'illettrisme aient convaincu M. Seillier et l'ensemble du Sénat.
M. Besson vous a fait part de mon intention de confier une mission à une personnalité qualifiée, comme je l'avais annoncé à l'Assemblée nationale. Il s'agira de Mme Marie-Thérèse Geffroy, élue du conseil régional de Rhône-Alpes et, encore pour quelques jours, présidente du comité de coordination des programmes régionaux d'apprentissage et de formation professionnelle continue.
Nicole Pery et moi-même avons demandé à Mme Marie-Thérèse Geffroy de conduire une évaluation permettant de répondre à trois interrogations majeures, afin de donner toute sa dimension à la lutte contre l'illettrisme dans laquelle nous nous engageons - je suis heureuse de l'annoncer au Sénat puisque cette information n'a pas encore été rendue publique.
Nous avons donc défini trois objectifs : conduire une analyse plus poussée des caractéristiques des personnes concernées par l'illettrisme et de leurs besoins pour pouvoir construire et adapter notre politique en la matière : recenser les outils pédagogiques qui ont fait leurs preuves pour mieux les diffuser et les lieux où ces méthodes sont utilisées ; repenser le rôle des différents acteurs intervenant dans la lutte contre l'illettrisme sur les plans tant local que national et donner aux structures d'animation et de coordination toute la légitimité dont elles ont besoin pour assurer leur fonction.
Ces nombreuses avancées ne peuvent toutefois masquer l'adoption d'un certain nombre d'amendements qui peuvent apparaître comme étant sans cohérence avec le texte, voire, pour certains, comme étant inacceptables, en tout cas par le Gouvernement et par les membres de l'opposition sénatoriale qui se sont exprimés avant moi.
Sans entrer dans le détail, je souhaite revenir après Mme Derycke et M. Fischer, sur la suppression de la possibilité de soutien par le fonds d'aide aux jeunes du programme TRACE.
Je regrette aussi l'autorisation de cumul partiel du RMI et d'un contrat initiative-emploi à mi-temps dans le cadre d'un contrat d'insertion associant l'entreprise.
Je déplore, par ailleurs, l'adoption d'un amendement qui crée un nouveau dispositif consistant à exonérer pendant cinq ans de charges patronales de sécurité sociale l'embauche d'un titulaire de minimum social depuis deux ans. Comme l'a dit Mme Derycke, il y a là un effet d'aubaine dans une période où la croissance redémarre.
Afin de laisser la place au débat, le Gouvernement n'a pas invoqué l'article 40 à l'encontre de ces amendements. Il était en effet préférable d'avoir ce débat jusqu'au bout.
Le Gouvernement ne peut pas non plus accepter la suppression de certaines dispositions essentielles du volet logement - Mmes Dusseau et Derycke ainsi queM. Fischer en ont parlé.
Je pense notamment à la suppression de la taxe sur la vacance. Il n'est pas admissible qu'une part importante du parc immobilier reste inutilisée lorsqu'il existe une très forte demande de logement dans une agglomération. Or, les dispositions existantes montrent, mesdames, messieurs les sénateurs, que les incitations ne suffisent pas.
De même, certaines mesures tendant à revenir sur la loi d'orientation pour la ville ne nous paraissent pas acceptables.
S'agissant des dispositions sur l'intercommunalité, le texte qui a été soumis au Sénat nous paraît largement vidé de sa substance.
De la même manière, nous ne pouvons pas accepter la mention sur les listes électorales du nom de l'organisme de domiciliation des SDF, qui se trouvent ainsi stigmatisés, la suppression du comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre l'exclusion, dont la création avait été votée à l'unanimité a l'Assemblée nationale, et l'avis préalable du maire sur l'opportunité de l'octroi du revenu minimum d'insertion, qui est extrêmement grave et contraire à l'esprit même du texte de loi.
Sur tous ces points, sur lesquels de nombreux orateurs sont inervenus avant moi, le débat doit continuer à avancer, étant entendu, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, que notre état d'esprit est toujours celui auquel vous nous avez conviés dès le départ, à savoir rapprocher les points de vue, jusqu'à présent entre le Gouvernement et le Parlement, maintenant entre l'Assemblée nationale et le Sénat.
Sur un certain nombre de sujets importants, je l'ai dit, c'est désormais chose faite grâce au dialogue qui a eu lieu. L'approfondissement de très nombreux sujets a permis d'améliorer le texte de manière très significative, ce dont nous nous réjouissons.
Je relève d'ailleurs que le Gouvernement a donné son accord aux deux tiers des amendements qui ont finalement été adoptés. C'est la preuve que le travail de la commission mais aussi de l'ensemble des groupes a été de qualité.
J'appelle l'attention du Sénat sur le fait que certaines préventions que manifeste le Gouvernement doivent conduire à encore travailler d'abord au sein de la commission mixte paritaire, puis en nouvelle lecture si elle ne parvient pas à trouver les solutions.
Ces solutions doivent être non pas des compromis, mais des améliorations du texte, car, finalement, c'est dans cet esprit que nous avons travaillé depuis le début et j'aimerais qu'il en aille encore ainsi.
Je terminerai en répétant ce que j'avais dit en introduction au débat ici même. Ce texte n'est pas un texte partisan. Ce n'est pas le texte d'une partie de notre pays contre une autre. Ce doit être le texte de toute la nation et, je l'espère, de l'ensemble du monde politique, pour combattre un fléau, l'exclusion, qui est notre défaite collective.
J'espère que nous pourrons continuer, comme le Sénat l'a fait - je l'en remercie encore très vivement - à améliorer ce texte, avec la modestie qui sied, afin que les mesures soient mises en oeuvre très rapidement sur le terrain.
En effet, nombre de Françaises et de Français attendent aujourd'hui des réponses ; ils sentent que la croissance est là, ils sentent que la France va mieux, mais eux n'en sentent pas encore les retombées positives.
La loi contre les exclusions est sans doute l'une des réponses majeures que nous pouvons leur apporter, alors que notre pays commence effectivement à entrer dans un cycle de croissance. Nous n'avons donc pas de temps à perdre pour nous mettre d'accord et je l'espère, améliorer encore le texte.
Je remercie tous ceux qui ont participé à ces travaux. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 108:

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 297
Majorité absolue des suffrages 149
Pour l'adoption 295
Contre 2

7

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée, et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Pierre Fourcade, Bernard Seillier, Gérard Braun, Claude Huriet, Paul Girod, Mme Dinah Derycke et M. Guy Fischer.
Suppléants : MM. Alain Gournac, Paul Loridant, Jean-Louis Lorrain, Jacques Oudin, Philippe Richert, Alain Vasselle et André Vezinhet.
Avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante.)




M. le président.
La séance est reprise.

8

POLITIQUE DE RÉDUCTION DES RISQUES
EN MATIÈRE DE TOXICOMANIE

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, relative à la politique de réduction des risques en matière de toxicomanie.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous sais gré d'avoir accepté, puis organisé ce débat sur la toxicomanie et la politique de réduction des risques. Il est en effet grand temps que notre démocratie ouvre les yeux, tende l'oreille, ouvre son coeur sur ces questions difficiles, sur ces sujets blessants.
Merci donc pour ces quelques heures qui doivent nous permettre de poser les questions sensibles ou crues de nature à alimenter une réflexion au-delà des postures polémiques.
Ces interrogations et, éventuellement, quelques réponses qui seront apportées méritent une attention que nous impose notre respect des citoyens de notre pays, les jeunes en particulier, et que mérite la santé publique, dont je suis responsable, avec Mme Martine Aubry, au sein du Gouvernement. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est à ce titre que je vous parle ici.
Ce n'est pas en attisant des angoisses, fussent-elles légitimes, ou en présentant des solutions simplistes, toujours fausses, que nous pourrons faire face aux problèmes de l'usage de drogues et de la toxicomanie.
J'ai senti, lors de dialogues publics avec des parlementaires, ici, dans la Haute Assemblée, à propos de la loi de sécurité sanitaire, dont vous êtes les inspirateurs, une écoute et une richesse de réflexion. J'ai souhaité cet échange, M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales l'a proposé, je l'en remercie.
Lorsque l'on parle des toxicomanes, il s'agit toujours, sourdement, de crainte au plus profond de nos êtres, pour nos proches, pour ceux que nous aimons. Il s'agit d'un peu de nous-mêmes, chaque fois en question.
Je vous ai apporté aujourd'hui le dernier de ces travaux, celui du professeur Bernard Roques, qui me l'avait remis voilà quelques semaines et que je vous réservais, avec difficulté d'ailleurs. Je l'ai préservé jusque-là : il est pour vous. Je suis désolé qu'il ait été, au dernier moment, lu au-dehors. Mais le voici, c'est cet opuscule bleu. (M. le secrétaire d'Etat désigne une pile de documents qui ont été apportés au banc du Gouvernement.)
Certes, nous n'innovons pas. De nombreux rapports sur les drogues et les toxicomanies ont été rédigés, publiés, par des scientifiques, des experts, des commissions. Que de préjugés souvent, de certitudes, et peu de réflexions !
La plupart de ces rapports sont de bonne qualité ; leurs avis, leurs recommandations, ont-ils été suivis dans les faits ? C'est parfois à se demander s'ils ont même été lus ! Pourtant, le sujet reste profondément sensible et humain.
Voilà une semaine, je me trouvais au côté du Président de la République, Jacques Chirac, lors de l'Assemblée générale des Nations unies consacrée à la lutte contre le trafic de drogue.
« Les toxicomanes cherchent à sortir de l'enfer. Ils ont besoin d'entendre un langage qui ne soit pas seulement celui de la répression, mais un langage d'attention humaine. » Ce sont les mots mêmes du Président de la République. Je l'ai entendu prononcer ces phrases et exprimer son opposition farouche à une dépénalisation. Il a également clairement indiqué que, compte tenu de l'évolution des consommations et, en particulier, face aux nouvelles drogues de synthèse, on ne pouvait plus désormais opposer « pays consommateurs » et « pays producteurs ».
Quel que soit notre légitime souci de conduire des actions contre le trafic, le blanchissement de l'argent de la drogue, on ne peut se satisfaire d'une stratégie qui consisterait seulement à combattre la production au Sud et l'usage au Nord. En effet, l'usage tend à se répandre au Sud et la production des drogues chimiques se développe au Nord.
Je pensais aussi en l'écoutant traiter de l'attitude de notre pays face au trafic international à la décision courageuse qu'il a prise en 1988, à la demande de Michèle Barzach, alors ministre de la santé, de permettre l'accès aux seringues pour les usagers de drogues.
Ce fut une décision essentielle face à l'épidémie du sida.
C'est aussi dans cet esprit, je le crois, qu'il a rappelé que les usagers de drogues « ont besoin d'être accompagnés, guidés, accueillis... Cette dimension de la solidarité ne doit pas être oubliée. Elle demande que les moyens nécessaires soient réunis et que de nouvelles méthodes soient développées ». Il nous faut nous y employer.
Au-delà des déclarations internationales, nous nous retrouvons ici pour faire le bilan et développer cette approche.
Je ne suis pas naïf : il n'y a pas de recette miracle, de solution facile, qui nous permettrait de résoudre les problèmes posés par ce qu'il convient de nommer les toxiques légaux et illégaux.
Un monde sans drogue pour 2008 demande l'ONU. Puisse-t-il en être ainsi ! Mais l'OMS avait promis la santé pour tous en l'an 2000, nous en sommes malheureusement loin.
« Je ne puis m'empêcher de blâmer cette vogue étonnante venue récemment d'Amérique en notre Europe. C'est une saoulerie de nuées qui passe toute dipsomanie ancienne et nouvelle. Avec une incroyable avidité, une insatiable ardeur, des êtres dépravés boivent et hument la fumée d'une plante. » Vous croyez avoir reconnu un jugement moderne sur le cannabis ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit d'un texte de 1627, signé Johann Joachim von Rusdorf, ambassadeur, décrivant l'arrivée du tabac en Europe !
Je vous rappelle que le café et le tabac étaient interdits voilà encore trois siècles. Une taxation a succédé à cet interdit, qui, depuis, a rapporté des montagnes d'argent.
La première classification de l'époque moderne - je vous épargne les autres - revient en 1924 à Louis Lewin, célèbre pharmacologue berlinois, qui a rangé les produits toxiques en cinq classes : les euphorisants, qui comprennent l'opium et ses dérivés - la morphine, la codéine, l'héroïne, la coca et la cocaïne ; les hallucinogènes, qui comprennent notamment le peyotl ; les énivrants avec alcool, l'éther ; les hypnotiques, dont les barbituriques, le chloral, le véronal de l'époque ; enfin, les excitants, parmi lesquels les drogues à caféine, le tabac et le bétel.
A cette classification, il convient aujourd'hui, bien sûr, d'ajouter de nombreuses substances apparues depuis, en particulier hallucinogènes, comme le LSD, la psilocybine et, aujourd'hui, les dérivés du MDMA, en particulier l'ecstasy, ainsi que toutes les autres substances chimiques issues de nos laboratoires qui envahissent le marché.
Une autre classification célèbre - j'en passe énormément qui, en matière de généalogie et de géopolitique des drogues, seraient très intéressantes à analyser - est celle de Jean Delay et Pierre Deniker, célèbres médecins de Saint-Anne, qui distinguaient à l'époque les psycholeptiques ou sédatifs, les psychoanaleptiques, qui regroupent les excitants de Lewin, les amphétamines et de nombreux stimulants de l'humeur et antidépresseurs de synthèse ; enfin, les psychodysleptiques ou perturbateurs de l'activité psychique, parmi lesquels se retrouvent les hallucinogènes, et l'alcool et ses dérivés.
L'Organisation mondiale de la santé a, quant à elle, classé les substances psychotropes par le type de dépendance qu'elles induisent. Elle distingue ainsi les dépendances morphiniques, cocaïniques, cannabiques, etc. Cependant, cette notion de dépendance demeure floue et parfois plus morale que scientifique.
On peut tenter de la préciser en distinguant une dépendance psychique et une dépendance physique. Cette dernière correspondrait aux besoins plus ou moins impérieux acquis par l'organisme d'une certaine quantité de produits nécessaires à assurer son équilibre.
J'ai, en décembre dernier, réuni les intervenants en toxicomanie au ministère de la santé. A la suite de ces rencontres, j'ai demandé, comme je l'ai déjà mentionné, au professeur Bernard Roques, célèbre pharmacologue français, inventeur récent du modaphényl, de conduire une mission avec des consultants internationaux sur la dangerosité des drogues.
C'était une demande exprimée par les différents intervenants. Le rapport est là, pour vous. Je vous invite à le lire, seuls de courts extraits étant parus dans la presse.
On a en effet lu, à pages entières, et entendu, dans notre pays, beaucoup d'opinions personnelles sur cette question, souvent peu argumentées scientifiquement. Face à l'évolution récente des modalités et des types de consommation, face surtout à l'émergence de nouvelles drogues, dangereuses, impures dans leur constitution - je parle notamment des comprimés - devant lesquelles nous sommes désarmés, il nous fallait disposer d'une analyse des connaissances neuropharmacologiques et physiopathologiques. C'est une approche différente de celles qui ont conduit à établir les classifications dépassées que j'ai trop rapidement citées.
J'ai souhaité que Bernard Roques puisse étudier la neurotoxicité de l'ensemble des produits, tant leurs associations sont fréquentes, les risques cumulés et leurs mécanismes d'action ou toxicologiques voisins, quand ils ne sont pas identiques.
Le travail effectué a été conduit de façon très rigoureuse et s'appuie non seulement sur les travaux personnels du professeur Bernard Roques, mais aussi sur l'analyse de plus de 450 références scientifiques internationales majeures. Il souligne que la susceptibilité individuelle au risque de toxicomanie est variable : « Les individus ne sont pas égaux devant le risque toxicomaniaque. » Sans d'ailleurs qu'il soit possible de distinguer la part qui relève des origines pharmaco-toxicologiques, de facteurs environnementaux, « sociétaux », dirait Mgr Rouet, ancien président de la commission sociale de l'épiscopat français, que je citerai plus longuement ultérieurement.
Aux termes des conclusions du rapport du professeur Bernard Roques, trois groupes peuvent être clairement distingués.
Le premier groupe, de neurotoxicité prouvée, comprend, par ordre décroissant, l'héroïne et les substances opiacées, la cocaïne et l'alcool.
Le deuxième groupe réunit les psychostimulants, les hallucinogènes - le LSD par exemple - le tabac et les benzodiazépines. Ce n'est pas une vue de l'esprit ou un jugement moral, c'est le résultat d'expériences pharmacologiques et physiologiques menées par des experts internationaux.
Dans le troisième groupe figure le cannabis.
Il est à noter que les auteurs estiment que certaines benzodiazépines utilisées à des fins de soumission ou d'autosoumission devraient être placées dans le premier groupe.
Par ailleurs, ces experts constatent que toutes les drogues sont hédoniques - c'est-à-dire qu'elles procurent du plaisir - ce dont on a rarement le droit de parler. Toutes ces substances - le tabac de façon nettement moins importante que les autres - activent le système dopaminergique, le système de la récompense en matière de physiologie animale.
Selon le professeur Bernard Roques et tous les scientifiques consultés, comme pour Jean-Pierre Changeux, le président du comité national d'éthique, grand neuro-physiologiste international, les faits scientifiques indiquent que, pour le cannabis, il n'y a pas de neurotoxicité démontrée, à la différence de l'alcool, de la cocaïne, des psychostimulants.
En tout cas, quels que soient les scientifiques consultés, tous indiquent clairement que ces substances agissent en stimulant la voie dopaminergique mésocorticolimbique, autrement dit, je le répète, le système de la récompense.
Le fond du problème se situe à deux niveaux : d'une part, la réaction de l'individu face à la stimulation de ce système et, d'autre part, celui de la mémorisation du plaisir.
Je dois rappeler que certaines atteintes cérébrales dues à l'alcool - encéphalopathies de Wernicke, syndrome de Korsakoff, dégénérescence cérébelleuse, mais aussi le syndrome alcoolique du foetus - sont des pathologies connues depuis quinze ans.
A ce propos, je relève qu'il a fallu du temps pour que l'on prenne conscience des dangers de l'alcool au volant. Et je crois que des efforts doivent encore être faits dans notre pays sur cette question. En effet, comme vous le savez, 30 % des morts - sans compter les blessés - par accident de la route sont dus à l'abus d'alcool.
Cette tolérance culturellement admise dans notre pays et dramatiquement mortelle, notamment pour la jeunesse française, contraste, en termes sociologiques, politiques, policiers, avec la sévérité et l'énergie déployée pour réprimer l'usage du cannabis, puisqu'il y a eu plus de 20 % d'interpellations supplémentaires pour usage de cannabis l'année dernière.
On peut s'interroger sur l'opportunité de renforcer les actions de contrôle visant à prévenir l'usage d'alcool sur la route, mais personne ne conteste leur effet dissuasif.
Ainsi, nos efforts doivent être réorientés dans l'application effective d'interdits utiles. Une réglementation, la loi, pour être efficace, se doit d'être appliquée, et les sanctions adaptées au délit.
A ce sujet, je tiens à rappeler les chiffres donnés par l'étude conduite par le professeur Got, il y a quelques années, sur les risques aigus liés à l'alcool.
L'alcool était associé à 40 % des accidents mortels de la circulation dans cette étude - 30 % actuellement car le nombre de ces accidents a heureusement diminué ; à 20 % des accidents domestiques ; à 15 % des accidents du travail ; à 5 % des accidents du sport ; à 80 % des rixes et des bagarres.
La dangerosité sociale et les altérations comportementales très sévères dues à l'alcool et à la cocaïne sont beaucoup plus rarement observées avec le cannabis, à moins que celui-ci ne soit associé à d'autres toxiques, ce qui est fréquent. Dois-je insister, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le sinistre spectacle présenté à Marseille par ceux que le ministre anglais a qualifiés lui-même de « porcs avinés » ?
De la même façon, il faut prendre garde au développement rapide de la consommation de drogues de synthèse, en particulier de l'ecstasy, dont l'INSERM, dans un rapport rendu public également aujourd'hui - mais, celui-là, je ne l'avais pas commandé moi-même - vient de souligner les effets toxiques majeurs déclenchés, en particulier, par l'usage libératif.
Même si les données dont nous disposons sont très incomplètes, les types de consommation semblent très différents.
La consommation de l'ecstasy ne se limite plus à des adeptes des rave parties ; elle tend à se diffuser largement. Il est très difficile de prévoir l'évolution dans son ampleur et dans sa durée, comme il est très difficile de connaître précisément les risques sanitaires. Mais ceux-ci sont plus importants qu'on ne l'imaginait en termes de risques mentaux en particulier, psychiques en général, disons neurotoxiques.
Délà, des effets aigus - décès par surdosage, déshydratation... - sont connus. Mais le danger est peut-être devant nous, car, comme le souligne l'étude de l'INSERM publiée aujourd'hui, il existe des effets retardés : humeur, anxiété, dépression grave, etc.
Certes, il existe des drogues plus dangereuses que d'autres, et les apparences, la perception culturelle sont parfois trompeuses.
Très souvent, dans notre pays, on minimise les dangers de l'une de ces drogues parce qu'elle est légale par rapport à une autre parce qu'elle est illégale. C'est un raisonnement qu'en termes de santé publique on ne peut pas accepter.
Même si cela peut paraître choquant et heurter le confort intellectuel, il faut, je crois, poser la question : quelles sont les différences entre un alcoolique et un héroïnomane ? Dans les deux cas, et même si les mécanismes d'action ne sont pas superposables, ces deux drogues, répétons-le, agissent sur le système dopaminergique, donc de « récompense ».
Faut-il se résigner aux 60 000 morts par l'alccol, aux homicides, aux accidents de la route, et s'indigner des morts par surdose ou par sida transmis par une seringue ? N'y a-t-il pas le même danger pour la personne, pour l'entourage et pour la famille ?
Vous conviendrez qu'il est légitime de se demander pourquoi la société poursuit avec acharnement certains comportements de dépendance et tolère avec une relative tranquillité d'autres pratiques qui, pourtant, sont infinement plus nombreuses, plus dangereuses, plus coûteuses.
On compte environ cent fois plus de décès attribués directement à l'alcoolisme et cent fois plus au tabagisme qu'à toutes les autres drogues.
Actuellement, le danger majeur est l'apparition des polytoxicomanies.
Mais n'oublions pas que nous sommes les champions de la surconsommation médicamenteuse ! L'armoire à pharmacie devient un refuge et un certain nombre de sujets, de citoyens, vont utiliser des produits pour se réveiller, dormir, faire l'amour, danser, travailler... et peut-être demain pour rire !
Cette situation va devenir encore plus dangereuse lorsqu'elle va associer l'alcool et le crack par exemple. Il y a alors des risques d'accidents majeurs et désordres sur la voie publique, que les élus veulent voir prendre en charge.
Nous sommes décidés à le faire sans procédure d'exception, à l'aide d'un réseau de psychiatres volontaires.
Mais il y a un autre aspect dont on ne peut faire l'économie en parlant de stimulants : le plaisir.
Ecoutons à ce propos un homme au-dessus de tout soupçon de partialité, Mgr Rouet : « ... Apparaît un premier problème caché, celui du plaisir. Il est si bien gardé que deux ans d'entretiens ont cependant occulté sa présence à l'équipe de la commission sociale.
« Elle en a bien entendu parlé ici ou là, mais les participants n'ont pas insisté sur son influence et sa force. Tous n'étaient pas, et de loin, conditionnés par une éducation janséniste. Nous avons été très sérieux en un domaine où la gravité n'apparaît qu'après coup avec l'habitude et la dépendance.
« D'un côté, le plaisir enferme l'individu : difficilement communicable, il se situe dans un vis-à-vis avec soi-même.
« Mais, d'un autre côté, il tend vers son propre dépassement, frôle tous les risques, y compris celui de la mort. Il se meut comme une sortie de soi : une "ex-stase".
« Il faut rappeler que toute personne, même toxicomane, a droit aux mêmes capacités de soins, de logement, de travail que les autres citoyens. Il faut donc prévoir des lieux corrélés entre eux pour permettre un exercice réel de ses droits... proposer une orientation de la vie citoyenne. »
Ce document est à votre disposition, je vous le rappelle.
Claude Olivenstein écrivait, quant à lui : « Nous avons à combattre non pas une maladie, mais le souvenir embelli d'une expérience de plaisir. » Et la recherche de ce plaisir peut devenir extrêmement pénible.
Nos sociétés modernes s'orientent vers une « médicalisation de l'existence », comme le souligne le professeur Edouard Zarifian, chargé par Mme Simone Veil d'un rapport pour le ministère. Nos émotions, notre façon de vivre avec les autres, sont chimiquement encadrées.
On médicalise l'existence pour sauver un modèle connu, rassurant. A des yeux réducteurs, tout ce qui paraît déviant devient pathologique, justifie une méfiance, puis une médicalisation, avec la cohorte classique des consultations, des ordonnances, des arrêts de travail, etc.
Nous sommes de moins en moins des individus avec leurs sentiments, mais plutôt des malades, établis ou potentiels, légitimés dans leur statut par le médecin et labellisés par une reconnaissance officielle, les actes sont en effet remboursés par la sécurité sociale !
Ainsi, on range dans la catégorie des pathologies le poids, la sexualité, le jeu, la recherche du plaisir, etc.
Il y a quelques jours, à New York, les Nations unies nous promettaient un monde sans drogue pour 2008. Au même moment, une nouvelle molécule, celle-là prescrite sur ordonnance, le viagra, nous proposait de faire disparaître nos défaillances sexuelles ou supposées telles.
Un généreux donateur vient même d'offrir 1 million de dollars pour que les moins fortunés puissent, eux aussi, accéder à cette pilule miracle.
Une sexualité médicalement assistée nous guette. Des centaines de milliers de consommateurs avides attendent, après les USA, leur pilule, celle qui tuera peut-être le désir de l'amour.
Nous vivons déjà dans le meilleur des mondes !
Avec l'arsenal médicamenteux d'aujourd'hui, nous avons de quoi transformer tous les sexagénaires du « papy boum » en boys bands. Nous avons aussi de quoi traiter le surpoids, faire repousser les cheveux, traiter l'anxiété, rendre euphorique n'importe quel pseudo-déprimé et désormais garantir rubis sur l'ongle une virilité à toute épreuve...
Dans le même ordre d'idées, je vous rappelle que la consommation des benzodiazépines en France est supérieure de trois fois à la moyenne européenne.
Ces benzodiazépines ont leur place dans la « polymédicamentalisation », dans la polytoxicomanie.
Les jeunes, imitant leurs parents, commencent très tôt à consommer des hypnotiques. Notre situation contraste avec celle de nos voisins européens, où la consommation de tranquillisants a baissé, au cours des dix dernières années, de 30 % aux Pays-Bas, de 47 % en Allemagne, de 57 % en Grande-Bretagne.
On a d'abord médicalisé la psychiatrie ; aujourd'hui le médicament psychotrope est en train de « psychiatriser » l'existence. Faudra-t-il, demain, traiter par des antidépresseurs les deuils et les chagrins d'amour ? Certains y songent, d'aucuns le font. C'est tellement facile !
Les toxicomanies aux psychotropes posent le problème de la différence entre un médicament et une drogue.
Comme le remarque le professeur Zarifian, nous disposons en français de deux mots, alors qu'en anglais le même terme, drug, désigne l'ensemble.
La frontière chez nous reste floue. Il y a bien des toxicomanies - c'est évident, sinon nous ne serions pas là aujourd'hui - socialement et médicalement admises, liées aux psychotropes. Celles-ci ne sont pas anecdotiques. Elles ne sont pas non plus sans conséquences.
Elles doivent par exemple être appréciées par leur impact sur les performances scolaires.
Par ailleurs, une étude menée dans le XVe arrondissement de Paris a montré que 7 % des nourrissons de trois mois auraient déjà consommé tranquillisants ou hypnotiques !
Elles ne sont pas non plus sans conséquences sur le rendement professionnel et sur les accidents divers.
Si les psychotropes agissent sur nos affects au cours d'épisodes aigus, ne perturbent-ils pas gravement, lorsqu'ils sont administrés de manière prolongée, l'essentiel de notre vie affective et de notre système de valeurs ? C'est en tout cas ce que pense le professeur Zarifian.
Comment expliquer aux jeunes d'aujourd'hui les dangers des drogues, par exemple ceux, majeurs, de l'ecstasy alors que, quotidiennement, ils voient leurs parents et leurs grands-parents consommer massivement des psychotropes, sans parler du tabac, en grande quantité ?
Encore un véritable danger, qui concerne toutes les drogues, les illégales, les légales, comme les psychotropes : à vouloir gommer systématiquement par des drogues ou des médicaments les expériences et les rugosités de la vie, y compris bien sûr les grands malheurs et les vraies difficultés, nous obtiendrons une société sans goût, sans but, incapable d'avancer sans béquille chimique.
Mais les différentes classifications que je viens de citer ne peuvent résumer la problématique de l'usage de drogue. Trop souvent, on réduit celui qui consomme à n'être qu'un délinquant ou, dans le meilleur des cas, un malade.
Ne nous laissons pas enfermer dans des réflexions simplistes ; la seule question bipolaire malade ou délinquant - question importante cependant, et qui fut une étape dans la réflexion - rétrécit gravement l'ampleur du phénomène. Il faut aussi parler d'un choix de vie, même si ce n'est pas le nôtre, du plaisir, passager certes, que procurent les toxiques, nous l'avons vu, et des droits de l'homme pour certains.
Le nier, c'est s'interdire toute intervention efficace. C'est d'ailleurs une des critiques portées à la loi de 1970, que je voudrais évoquer maintenant.
Je réfute, je l'ai déjà dit, toute approche idéologique de la loi de 1970 et je préfère, pour ma part, une démarche pragmatique.
L'approche idéologique - permettez-moi de le dire nettement - se trouve dans les deux camps : le camp de ceux qui prônent sa modification immédiate, comme celui de ceux qui la refusent obstinément.
En effet, modifier la loi pour faire l'apologie des drogues quelles qu'elles soient, pour faciliter leur usage, n'est pas recevable. Il s'agit d'un faux combat. Libéraliser l'usage des drogues ne peut être une fin en soi. Je dirai même que ce serait une régression par rapport aux efforts qui ont été déployés au cours des dernières années pour prévenir d'autres fléaux sanitaires, l'alcoolisme et le tabagisme en particulier, ou pour mieux encadrer l'usage des médicaments.
A l'inverse, s'arc-bouter à la loi en y voyant un rempart contre les drogues, une protection de la société contre elle-même, n'est pas plus pertinent. La loi n'a pas empêché l'usage des drogues. Elle a pu donner bonne conscience, elle a pu surtout masquer certains enjeux essentiels de la lutte contre la toxicomanie. Elle a aussi, reonnaissons-le, fait illusion.
De quoi ne voulons-nous pas ?
Nous ne voulons pas d'une jeunesse qui se réfugie dans la toxicomanie pour vivre la seule aventure de la transgression, dont le goût serait meilleur de son seul risque pour la santé.
Nous ne voulons pas d'une application mécanique de la loi - ce qui n'est plus le cas, signalons-le, comme le prouvent les statistiques - qui conduirait à l'inverse de l'effet recherché.
Nous ne voulons pas d'une loi qui, n'étant pas appliquée, ou pas totalement appliquée, devient une loi suspecte pour les uns comme pour les autres.
Nous ne voulons pas d'une suppression totale des interdits, qui serait un signal unilatéral conduisant à faciliter l'usage de drogues.
Nous ne voulons pas envoyer en prison le simple usager de drogues, car nous savons que la détention présente plus de risques qu'elle n'en évite.
Nous ne voulons pas non plus faire un amalgame entre l'apologie des drogues et l'information et le débat, comme celui que nous allons mener.
Plusieurs associations se sont regroupées en collectif pour demander l'abrogation de l'article L. 630 du code de la santé publique. Vous avez entendu leurs demandes, sur la formulation desquelles je ne reviendrai pas.
Ils estiment que la notion de « présentation sous un jour favorable des substances stupéfiantes » - inscrite dans l'article L. 630 du code de la santé publique - qui, rappelons-le, est passible de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 francs d'amende, est dommageable pour l'indispensable débat, celui que nous tenons aujourd'hui.
Certains usagers de drogues, ou d'anciens usagers qui participent à des colloques, voire à des sessions de formation professionnelle de médecins ou de pharmaciens, considèrent que certaines de leurs interventions pourraient être poursuivies devant les tribunaux. Cela ne s'est jamais produit, mais reste théoriquement possible, en application de l'article L. 630.
M. Franck Sérusclat. Les nôtres aussi aujourd'hui !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Les nôtres également aujourd'hui, en application de l'article L. 630, si un juge voulait, saisi qu'il serait, tirer à lui cet article de façon un peu excessive.
Certains chercheurs estiment également que leurs travaux ou communications publiques pourraient en principe faire l'objet de poursuites.
Cet article L. 630 peut-il, s'il est appliqué à la lettre, empêcher d'assurer une information exacte sur la dangerosité réelle des produits, l'ecstasy utilisée dans les raves parties, en particulier ? Vous savez qu'un certain nombre de volontaires d'associations, de la Croix-Rouge française, de Médecins sans frontières, notamment, vont tester, avec des appareils assez élémentaires d'ailleurs, les pilules d'ecstasy pour savoir si elles sont pures ou si elles contiennent des éléments encore plus dangereux. Une telle action, théoriquement, aux termes de l'article L. 630, pourrait être empêchée. Mais cet article peut-il empêcher d'informer pour prévenir, et même de prévenir et d'informer à la fois ?
A entraver, ou même à interdire le débat, on occulte la dimension personnelle, ludique et sociale qui préside en grande partie aux divers modes d'entrée et de consommation liés en particulier à des conduites à risques.
Je ne vais pas m'étendre, car je parle depuis déjà trop longtemps. J'en suis désolé, mais le sujet est gigantesque et je vous remercie, monsieur Fourcade, d'être patient.
Nous pourrions évoquer les conduites à risques dans notre société. Nous avons mené ici des débats très longs sur la sécurité sanitaire et le risque le plus réduit possible face, justement, au dispositif de soins. Je le comprends. Mais, dans notre société, gommer le risque - chaque médaille a son revers ! - c'est certainement... comment dirai-je ?... être violemment hostile aux désirs de la jeunesse, notamment, à moins de lui proposer autre chose, ce que nous ne faisons pas assez.
Je ne m'étendrai donc pas sur les conduites à risques, mais le sujet nécessiterait un plus long développement.
Ne pas identifier ce problème réduit nos capacités d'action, notamment en matière de prévention.
Considérer qu'il n'existe que des malades ou des délinquants offre bien peu d'alternatives pour nombre d'usagers, récréatifs ou non, qui sont pourtant susceptibles de courir les mêmes risques, immédiats ou retardés.
Tous ceux qui, de près ou de loin, ont été touchés dans leur famille savent combien ces schémas faciles ne peuvent résumer une histoire, une personnalité, une vie, des joies comme des échecs, de terribles souffrances, mais aussi de l'amour. En matière de toxicomanie, ne s'agit-il pas pour chaque jeune, dès la première fois, d'une relation avec la loi, avec le plaisir, avec le corps, avec la mort ?
Je vais trop vite sur ces sujets très graves, mais, à chaque fois, nous retrouvons les mêmes thèmes. J'ai, de par mon expérience médicale, rencontré, comme vous tous d'ailleurs, des personnes dont les positions vacillaient dès lors qu'il y avait un toxicomane dans leur famille ; la notion de délinquant, ou de malade ne revêtait plus la même importance.
Nous l'avons dit, les substances psychoactives sont nombreuses et variées. De l'alcool, du tabac, des médicaments psychotropes aux drogues illégales, toutes présentent des risques de dépendance ; j'y reviendrai.
Avec le professeur Philippe Parquet et l'ensemble des experts, notamment ceux de la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie, la MILT, il nous faut considérer des situations différentes, communes à tous les toxiques : l'usage, l'abus et la dépendance.
La toxicomanie est le stade ultime, la forme la plus grave, qui se caractérise, outre la dépendance, par des complications, la réduction des capacités relationnelles, familiales et sociales.
Il faut, sur cette question, savoir ne pas seulement écouter les experts. Et je voudrais ici rendre hommage à la « naïveté réfléchie » de Mgr Rouet, que j'ai souvent cité.
Parlons maintenant de ce qu'il conviendrait de faire.
Pendant longtemps, notre pays - et c'est de ce point de vue une exception dans le monde - s'est figé loin des faits dans des attitudes idéologiques.
L'épidémie de sida, avec ses drames et ses morts, l'intervention de nouveaux acteurs -, médecins, associations... - nous ont forcés à explorer de nouvelles pistes, de nouveaux modes d'intervention, à nous engager concrètement sur des actions de réduction des risques.
Mais que de polémiques, que d'invectives, d'insultes parfois, sur les attitudes adoptées en matière de santé publique !
Voilà cinq ans - j'étais alors ministre de la santé - j'avais organisé des rencontres entre différents acteurs, des spécialistes et intervenants en toxicomanie, des policiers, des magistrats, de Paris, de Londres et de New York.
Je me souviens de cette phrase du responsable de Scotland Yard : « Pour obtenir l'ordre public, nous avons recherché la santé publique. Et nous avons réussi. »
Il apparaissait alors clairement que les stratégies d'intervention de réduction des risques en direction des toxicomanes actifs, usagers de drogues par voie intraveineuse, étaient indispensables.
Ces actions de prise en charge par la substitution dont j'ai pris l'initiative, voilà cinq ans, dans la difficulté, et qui ont été développées par Mme Simone Veil, MM. Philippe Douste-Blazy, Jacques Barrot et Hervé Gaymard donnent des résultats.
Je vous rappelle que nous nous étions fixé comme objectifs lors du colloque « Tri-Ville » - c'était en 1993 - une baisse de la mortalité des usagers de drogues, une réduction de la contamination virale, une stabilisation, voire une baisse de la consommation d'héroïne.
Or, indéniablement, il y a des résultats. Les chiffres tout récents de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants, l'OCTRIS, confirment ceux de l'an dernier. On constate une baisse du nombre de décès par surdose, qui ont été divisés par trois depuis 1994, année où, grâce à l'action lancée en 1993, l'accès aux traitements de substitution a été élargi en France, il y a eu 564 décès en 1994, 228 en 1997.
On observe une réduction des contaminations par le virus du sida, ce qui, hélas, n'est pas vrai pour l'hépatite C, ce virus étant beaucoup plus contagieux, et une moindre attirance pour l'héroïne, en chute de près de 20 %, l'âge moyen des usagers de cette drogue étant en hausse.
Ces résultats ne sont que la confirmation de ceux qui ont été obtenus dans les pays qui ont mis en place des politiques de réduction des risques : la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Suisse et l'Espagne, entre autres.
C'est donc dans un autre contexte que s'engage le débat d'aujourd'hui.
Nous disposons d'éléments concrets qui nous permettent de penser que nous sommes dans la bonne direction en ce qui concerne la santé publique, et c'est à la fois, je vous l'ai dit, ma responsabilité et ma préoccupation.
Certes, il ne s'agit pas de victoire, même si chaque mort évitée, chaque contamination en moins, chaque vie sauvée est une espérance en plus.
Ne nous cachons pas les difficultés. Soyons modestes. Si l'accès aux traitements de substitution a été une avancée importante - 50 000 personnes sont sous Subutex et 6 000 sous méthadone en France - les traitements présentent aussi des risques.
D'abord, la substitution n'est pas une solution, elle est un contact, une main tendue, une prise en charge, un accès. D'autres thérapeutiques - sociales, psychothérapiques, etc. - sont proposées, jusqu'au sevrage volontaire, bien entendu, à partir de la substitution.
En particulier, dans le cas du Subutex, il existe des risques lors d'associations avec des médicaments psychotropes et l'alcool. Et cela entraîne des morts.
A ce jour, les données de la pharmacovigilance de l'Agence du médicament indiquent que le Subutex, associé à d'autres molécules - benzodiazépines et alcool... toujours les mêmes... celles que nous consommons majoritairement dans notre pays - est impliqué dans trente-quatre cas de décès, sans que l'on puisse très exactement préciser le degré de causalité.
J'ai prévu, à l'occasion de la réforme des règles de délivrance des médicaments antalgiques, un encadrement plus sévère de la délivrance de Subutex. Ainsi, la délivrance des médicaments par les pharmaciens, y compris les traitements de substitution, ne sera faite que pour sept jours, sauf indication expresse du médecin. Je songe aussi à l'encadrer différemment, avec des dossiers particuliers.
Il nous faudra mieux associer les médecins et les pharmaciens pour que ces prises en charge se fassent dans les meilleures conditions, dans les limites d'un réseau ville-hôpital, et qu'elles permettent de concilier à la fois la nécessité d'un accès à ces traitements et un meilleur encadrement.
Je voudrais ici souligner le travail décisif des intervenants en toxicomanie, qui, jour après jour, tendent la main, accompagnent, soignent, se dévouent : médecins, travailleurs sociaux, éducateurs, psychologues, familles, lesquelles sont d'ailleurs bien isolées et ne savent souvent pas trop quoi faire ; là aussi, il faut développer des associations qui parlent aux familles.
En décembre dernier, j'ai réuni ces associations, à leur demande, au ministère de la santé, pour les écouter, pour leur parler, pour apprendre. Ces rencontres nationales sur l'usage de drogue et la toxicomanie ont permis d'établir des recommandations.
Je voudrais ici souligner l'importance du travail effectué, la qualité des échanges, le respect des points de vue différents, qui témoignent de la nécessaire diversité des approches, des prises en charge, de leur complémentarité.
Souvenons-nous, comme nous l'a rappelé en décembre dernier le professeur Henrion, qui a lui-même présidé une commission à la demande de Mme Simone Veil, que le premier de cette longue série de rapports date tout juste de vingt ans. Il s'agissait de la mission confiée par l'ancien Président de la République Valéry Giscard d'Estaing à Mme Monique Pelletier.
Faut-il rappeler que ce premier rapport proposait, à échéance de trois ans - il y a vingt ans ! - l'élaboration d'un nouveau régime juridique de la toxicomanie, après un large débat public, comme de bien entendu, et une information continue et objective pour aboutir à un éventuel consensus social ?
Dès ce premier rapport de Mme Pelletier, il était préconisé que « les simples usagers de haschisch ne soient plus systématiquement poursuivis ».
Faut-il rappeler la proposition de loi d'octobre 1994 du docteur Ghysel, approuvée par les 108 députés de la majorité d'alors, qui distinguait, d'une part, l'usage et la détention de stupéfiants à usage personnel et, d'autre part, l'usage collectif ou public, susceptible de troubler l'ordre public ?
Faut-il rappeler encore la faible majorité, mais majorité tout de même, qui s'est prononcée pour une dépénalisation du cannabis au sein de la commission présidée par le professeur Henrion, qui est tout sauf un gauchiste ?
Je voudrais citer très exactement les propos de ce dernier :
« Malgré cela, le cadre législatif n'a pas évolué. Il n'a même pas été discuté. Il semble que la loi de 1970 soit devenue, en France, un véritable dogme.
« Nous continuons à évoluer entre déclarations grandiloquentes et petites phrases indigentes. »
J'ai pris acte de ce que les intervenants des rencontres nationales ont demandé une modification de la loi de 1970. Cette évolution ne pourrait se faire que dans un cadre global, avec des objectifs précis, après un débat réel dans le pays, à l'exemple de ce qui s'est fait en Suisse, pays qui n'est pas vraiment révolutionnaire, mais qui, à l'occasion d'un référendum mené par le ministre de la santé elle-même, a affonté ces problèmes dans une très belle campagne d'information qui a duré un mois.
Cette évolution ne pourrait donc se faire que dans un cadre global, conjointement avec le développement et la diversification de nos capacités de réponses sanitaires, de prévention comme de soins.
S'il s'agissait simplement d'adapter la loi pour autoriser la consommation de cannabis, ce débat perdrait de son sens.
A ce propos, je souhaite faire deux remarques.
Premièrement, j'estime que ce problème de l'usage de drogues, quel que soit leur statut légal, est avant tout un problème de santé publique, d'où la référence à l'article L. 630 que je faisais tout à l'heure.
Deuxièmement, la comparaison des différentes législations de nos voisins, au sein de l'Union européenne, montre des différences notables, et il est clair qu'avec la Suède nous disposons des deux législations les plus répressives.
Or, il apparaît clairement qu'en Europe les pratiques ont toutes, à des degrés divers, évolué vers la réduction des risques, quelles que soient les législations.
C'est pourquoi nous travaillons, avec Elisabeth Guigou et Marie-George Buffet, à un rapprochement des conditions d'intervention entre le sanitaire et le judiciaire. A cadre légal constant, des solutions peuvent être mises en oeuvre.
Encore faut-il que des règles claires soient énoncées et effectivement appliquées.
L'objectif est simple : distinguer ce qui relève de l'usage simple, qui n'a pas la même signification et n'emporte pas les mêmes risques selon l'âge de la personne, prévenir l'abus, orienter vers les soins en cas de dépendance ou de toxicomanie.
Un simple usager n'a pas sa place en prison, je le pense profondément.
Je crois qu'il nous faut aller vers une « qualification » des risques sanitaires. Celle-ci me semble difficile à réaliser par un magistrat ou un policier, qui ont toutes compétences en revanche sur le plan de la délinquance éventuellement associée.
C'est sur cette articulation, qui ne veut pas dire subordination, qu'il nous faut travailler, sans pour autant transformer les intervenants sanitaires en auxiliaires de justice.
Je l'ai dit : à mes yeux, la loi de 1970 n'est ni un tabou ni un préalable.
Elle n'est pas un préalable, car il est possible, dans le cadre d'instructions générales, de faire une application de la loi conciliant les intérêts de l'ordre public et ceux de la santé publique. Nous y travaillons, en particulier avec le garde des sceaux et le ministre de la jeunesse et des sports.
Nous travaillons avec la chancellerie et les autres départements ministériels à des réponses en cas d'usage simple qui ne soient ni les poursuites devant le tribunal correctionnel ni l'injonction thérapeutique.
Parmi les options étudiées, le classement avec avertissement ou orientation peut, dans certains cas, être une réponse adaptée, une attention particulière devant, bien sûr, être portée à l'usage par les mineurs.
La loi de 1970 n'est pas un tabou, car il est envisageable, à un moment à déterminer - ce n'est pas moi qui le déterminerai : je fais partie d'un gouvernement, et le Premier ministre s'est exprimé clairement sur ce point - de modifier la loi sans dépénaliser, en maintenant un interdit, en réglementant ce qui peut l'être, en réprimant ce qui doit l'être. Je pense, en particulier, aux problèmes posés par le trafic dans certains quartiers et à ce que l'on appelle pudiquement l'« économie parallèle ». Nous sommes ici non pour modifier la loi, mais pour débattre des différentes pistes, qui pourraient, - je l'espère - être explorées.
Entre les tentatives de dépénalisation et les faux conforts de pénalisation inégale ou aléatoire, il faut songer à d'autres réponses, parmi lesquelles pourrait être introduite une part de réglementation, comme celle qui a été suggérée en 1994.
A cet égard, la France pourrait donner l'exemple.
Personne ne peut prétendre à des solutions miracle.
Comme toujours, il y a des provocations, des excès, des appels au libéralisme excessif, les déclarations d'anti-antiprohibitionnistes.
En santé publique, on le sait, toute exclusion est un « trou noir » dans lequel se développent la souffrance, la maladie et la mort.
Je ne peux m'empêcher de faire un parallèle avec les guerres et leur prévention nécessaire.
L'ingérence n'est pas une solution à la guerre, mais sa mise en oeuvre précoce pourrait contribuer à prévenir les conflits, à éviter ces trous noirs dans lesquels on souffre, on meurt de faim et de soif, on voit mourir des enfants, sa famille...
En matière de drogue aussi, c'est par l'intervention sanitaire, l'ingérence sanitaire, qui doit avoir les moyens et les coudées franches pour agir, que nous pourrons trouver des réponses, certes incomplètes, mais humaines, et surtout plus efficaces.
On ne peut nier que la situation actuelle a fait naître des zones de non-droit. Une zone franche, un de ces fameux trous noirs que je dénonçais à l'instant ! A chaque fois, ce sont les moins fortunés, les plus vulnérables qui en sont les principales victimes.
C'est pourquoi une évolution de la loi qui permettrait de réduire ces zones franches, qui faciliterait, favoriserait l'intervention sanitaire doit être étudiée un jour.
Il pourrait être alors envisagé de mieux cibler les interdits, avant tout pour protéger les mineurs, et aussi vis-à-vis de la conduite automobile, du travail, de l'usage en public, etc. Cette évolution nous permettrait d'être plus efficaces. Elle me semble être singulièrement éloignée d'un supposé laxisme régulièrement mis en avant dès qu'il s'agit d'évoquer une évolution de la loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, évolution ne veut pas dire suppression. Evolution veut dire adaptation aux situations nouvelles, redéfinition de nos priorités et de nos stratégies d'intervention. Elle doit permettre que la loi de la République soit respectée parce qu'elle est applicable.
Le laxisme, c'est peut-être de refuser de nous adapter, c'est peut-être de condamner à ne pas utiliser tous les moyens d'action pour prévenir l'utilisation de drogues et pour en réduire les dangers.
Soyons modestes face à ces fléaux dont aucun pays n'est véritablement venu à bout, mais déterminés dans nos objectifs. Je compte sur ce débat et sur ceux qui pourront suivre pour éclairer sereinement nos concitoyens sur ces défis majeurs de santé publique.
Michel Foucault disait : « Une société se juge à la façon dont elle traite ses marginaux, mais aussi à la façon dont elle traite ses avant-gardes. » (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Jean-Marie Girault applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voilà longtemps que j'appelle de mes voeux l'organisation d'un débat, au Sénat, sur la toxicomanie.
Notre assemblée est en effet souvent amenée à réfléchir sur des sujets de société, et ce à l'abri des pressions.
C'est pourquoi je remercie le Gouvernement d'avoir choisi le Sénat pour débattre de la politique de réduction des risques en matière de toxicomanie, sujet qui est au carrefour des préoccupations sanitaires et sociales et qui revêt une importance capitale pour notre jeunesse, pour son avenir et pour ses espoirs.
Tout d'abord, j'aborderai deux points particuliers, puis je ferai part des réflexions que m'inspirent les thèmes que vous avez évoqués, monsieur le secrétaire d'Etat.
D'abord, je voudrais affirmer que l'on peut traiter de la question de la toxicomanie séparément des autres dépendances.
Ensuite, je démontrerai que l'on ne peut aborder le problème de la toxicomanie ni sous son seul angle sanitaire - et, à cet égard, je diverge par rapport à vous - ni, bien entendu, sous son seul angle répressif, mais qu'il faut le traiter de manière globale.
Premier point : la toxicomanie peut être abordée indépendamment des autres dépendances.
Je comprends, bien sûr, la préoccupation de ceux qui, désormais, ne veulent parler que de dépendance et placent sur le même plan la drogue, l'alcool, les psychotropes, le tabac et, ai-je entendu l'autre jour, le chocolat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Oui !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Trop longtemps, en effet, l'impact sanitaire du tabac, des psychotropes et surtout de l'alcool a été négligé, voire contesté, et on continue à entretenir la confusion dans les esprits en évoquant sans nuances le paradoxe français comme on vante les bienfaits du régime crétois.
Il est donc, je crois, tout à fait normal d'évoquer tous les problèmes de santé posés par toutes les dépendances.
Mais il ne faut pas non plus tomber dans le piège que tendent, à travers la mise en parallèle de toutes les dépendances, les militants de la dépénalisation des drogues.
La toxicomanie constitue bien un problème autonome et qui n'est pas tout à fait équivalent à ceux qui sont posés par les autres dépendances.
M. Paul Masson. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. A cet égard, je regrette que, pour défendre devant les tribunaux la cause de la lutte contre le tabagisme, le comité national de lutte contre le tabagisme s'assure le concours du juriste qui s'est fait le théoricien de la dépénalisation des drogues. Cette association n'est pas tout à fait normale ni convenable. Mais il y aurait tellement à dire sur le Comité national de lutte contre le tabagisme que je n'insisterai pas davantage !
Deuxième point : on ne peut établir une frontière entre les aspects sanitaires et les aspects répressifs du problème.
Aborder le sujet sous son seul angle répressif, c'est oublier que la toxicomanie, comme toutes les dépendances, constitue un problème de santé publique majeur, qui ne peut être résolu par la seule contrainte ; je vous en donne acte, monsieur le secrétaire d'Etat.
Mais oublier de réaffirmer des principes répressifs, c'est se voiler la face, c'est n'apporter qu'une réponse partielle à tous ceux qui sont concernés par ce fléau, notamment les jeunes, et plus particulièrement les jeunes de nos quartiers en difficulté.
C'est à ce propos que je vous adresserai, si vous le permettez, monsieur le secrétaire d'Etat, un reproche : alors que les militants de la dépénalisation de l'usage de drogues font de l'activisme auprès du Gouvernement pour faire progresser leur cause, vous avez choisi de répondre en privilégiant, dans l'intitulé de notre débat, le volet sanitaire. Bien sûr, vous avez dit en concluant votre propos que, avec les ministères de la justice et de la jeunesse et des sports, vous essayiez de créer des passerelles et de mettre en place de nouveaux mécanismes, mais je crois que ne se concentrer que sur le volet sanitaire serait une erreur. Nous devons affirmer solennellement, ensemble, que le trafic de drogue doit être sévèrement réprimé et que les autorités de notre pays ne doivent pas non plus fermer les yeux sur son usage, bref, qu'il ne saurait y avoir ni dépénalisation ni relâchement de l'effort dans le contrôle de l'application de la loi.
C'est en tout cas ce qu'a déclaré, il y a quelques jours, le Premier ministre, Lionel Jospin, et je me demandais en vous écoutant si, dans cette affaire, vous étiez tous les deux sur la même ligne de pensée.
M. Paul Masson. Bonne question !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Vous avez déclaré que le débat public sur la drogue devait être conduit sans aucun tabou. Nous en sommes d'accord.
Eh bien, j'ai pu constater par moi-même que certains magistrats n'appliquaient pas la loi de 1970.
Permettez-moi, à cet égard, de citer une anecdote récente.
Un employé municipal de la commune que j'administre s'est fait « prendre », il y a deux jours, avec cinq kilogrammes de cannabis sur sa bicyclette, bicyclette municipale au demeurant. (Sourires.) Arrêté, il est déféré au parquet, qui l'envoie chez le juge d'instruction ; le parquet requiert, compte tenu de l'importance de son chargement - cinq kilogrammes, c'est un peu plus que la consommation individuelle ! - la mise en examen et l'incarcération. Le juge d'instruction, lui, décrète la mise en examen et le contrôle judiciaire, estimant que, ne s'agissant « que » de cannabis, la chose n'est pas bien grave !
C'est cela qui nous inquiète, ce comportement des autorités judiciaires qui se mettent à juger elles-mêmes de l'applicabilité des lois qu'elles sont chargées, précisément, d'appliquer.
Vous nous avez longuement parlé, monsieur le secrétaire d'Etat, de la nécessaire réforme de la loi de 1970. Dans cette affaire, il faudrait tout de même y regarder à deux fois et éviter de dire : puisque la loi n'est pas parfaitement appliquée, changeons-la ! Cela me paraît en effet participer du laxisme dont vous vous êtes défendu.
MM. Michel Caldaguès et Paul Masson. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je veux également profiter de ce débat pour lever un malentendu.
J'ai entendu ceux qui défilent, ceux qui manifestent, ceints de leur écharpe, estimer que la droite ne serait capable, sur la question de la toxicomanie, que de livrer un message répressif, alors que la gauche aurait le mérite de faire progresser la prise en charge et les traitements.
Il n'en est rien. Permettez-moi de rappeler ici quelques faits à l'appui de cette affirmation.
La première mesure importante dans la politique de réduction des risques de contamination par le sida et l'hépatite C a été la mise en vente libre des seringues. Qui l'a décidé ? C'est un gouvernement de droite, en 1987, avec Mme Michèle Barzac - je me plais à reconnaître que vous l'avez citée vous-même.
La deuxième action majeure a consisté à accroître de manière importante le nombre de places de traitement sous méthadone pour rattraper ainsi le retard français. Qui l'a fait ? Le gouvernement conduit par M. Edouard Balladur en 1993 et en 1994, avec Mme Simone Veil et M. Philippe Douste-Blazy.
La troisième avancée majeure de la politique de réduction des risques fut la substitution, avec la délivrance du Subutex en officine. Quand a été prise cette décision ? En janvier 1996, par le gouvernement de M. Alain Juppé.
Le simple rappel de ces faits nous permet de montrer qu'il n'y a pas, d'un côté, le blanc, de l'autre, le noir, la gauche et la droite, et que tous les gouvernements, depuis vingt ans, depuis le rapport de Mme Pelletier, ont essayé de traiter le problème dans l'ensemble de ses aspects - l'aspect répressif, l'aspect sanitaire, l'aspect préventif - car on est contraint, en la matière, d'aborder tous les aspects à la fois.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ni les pétitions ni les déclarations provocatrices ne peuvent tenir lieu de politique. Elles ne servent qu'à radicaliser artificiellement les positions, alors que nous devrions être unis pour lutter contre ce fléau dans l'intérêt de la jeunesse.
Créer un climat de tolérance à l'égard des drogues n'est pas une attitude convenable.
Vous avez bien voulu me faire porter ce matin un rapport officiel qu'a rendu public, comme à l'accoutumée, un grand journal du soir dans son édition d'aujourd'hui, citant de manière précise un certain nombre de chiffres et reprenant des tableaux particulièrement bien choisis.
Je me demande quel objectif vous poursuiviez, monsieur le secrétaire d'Etat, en demandant à un groupe d'experts de comparer la dangerosité des drogues licites à celle des drogues illicites.
Vous avez obtenu un tableau qui, en fonction de critères évidemment discutables, présente le cannabis comme beaucoup moins dangereux que le tabac et même comme le moins dangereux de l'ensemble des excitants et des stimulants. Il y est même admis que la toxicité générale de la cocaïne n'est que « forte » alors que celle du tabac est « très forte ».
Je vous invite, mes chers collègues, à vous reporter à votre quotidien du soir habituel pour retrouver ce tableau ! (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d'Etat, que va retenir l'opinion ? Que retiendront les juges chargés de faire respecter la loi ? Retiendront-ils le fait que ce rapport est muet sur les risques de l'ecstasy ? Non, bien sûr. Retiendront-ils le fait que, pour évaluer la dangerosité respective des différentes drogues, on ait retenu le critère unique de la toxicité générale, tout simplement parce que la consommation de tabac est encore beaucoup plus importante que celle de cannabis, alors que le degré de toxicité générale varie en fonction de la consommation ? Bien sûr que non ! Retiendra-t-on les réserves exprimées par les experts pour présenter leurs conclusions ? Bien sûr que non ! Un titre et un tableau bien sélectionné suffiront !
Après la publication de ce rapport, les propos du Premier ministre, dimanche dernier, affirmant qu'il n'était pas question de dépénaliser, me paraissent relever d'une autre époque. J'estime que, avant de se préoccuper de la dépénalisation du cannabis ou de la réforme de la loi de 1970, trois problèmes majeurs doivent désormais recevoir une réponse.
Tout d'abord, les politiques de substitution doivent être rapidement évaluées, qu'il s'agisse de la substitution elle-même ou des différents traitements utilisés. Certes, nous le savons déjà, entre 1994 et 1996, le nombre de décès par sida liés à la toxicomanie a été divisé par deux. Cependant, cette donnée est insuffisante : le nombre de décès liés au sida n'est plus guère aujourd'hui - et l'on doit s'en féliciter - un bon indicateur. On sait aussi que le nombre de décès par surdose a été divisé par trois depuis 1993. Mais, s'agissant de la réduction des risques, qui est le thème de notre débat, le nombre de contaminations par le virus de l'hépatite C n'a pas régressé. Bref, l'heure est venue de dresser un bilan objectif de la politique de substitution !
Ensuite, et ce point est indépendant du premier, une clarification des objectifs de la substitution s'impose de toute manière. J'observe en effet que l'on s'est beaucoup focalisé, en raison de l'incidence du sida et de l'hépatite C, sur la politique de réduction des risques à mettre en oeuvre, quitte à en oublier la lutte contre la toxicomanie elle-même.
Il faut désormais clairement établir que la substitution n'est pas une fin en soi, qu'elle n'est qu'une étape vers le sevrage, qui demeure la seule solution pour le toxicomane. Il appartient au Gouvernement et au Parlement de le dire aux toxicomanes, aux médecins, et à l'opinion publique.
M. Michel Caldaguès. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Troisième point d'importance majeure : il faut établir une stratégie claire et efficace de lutte contre les « nouvelles drogues » : crack, ecstasy, drogues de synthèse, qui frappent des usagers plus jeunes que l'héroïne, dans des circonstances qui peuvent être différentes du passé, dans des lieux que l'on connaît déjà bien, comme les rave-parties , dont vous avez parlé.
Traiter rapidement ces trois priorités, voilà l'essentiel d'un nouveau plan de lutte contre la drogue que le Gouvernement se doit d'élaborer dans les meilleurs délais.
Par la suite, une fois que l'on y verra clair, conviendra-t-il d'ouvrir un débat sur la réforme de la loi de 1970 ? Nous n'y sommes pas opposés, parce que l'on ne peut pas considérer que l'usage personnel et le trafic de drogue, qui sont aujourd'hui mêlés dans un même texte, doivent relever des mêmes techniques.
Cependant, avant de se lancer dans cette voie - dangereuse - il faut bien réfléchir. Et je voudrais, à cet égard, terminer mon propos en formulant trois observations.
Premièrement, j'observe que ce rapport de grands experts, que je salue et que je respecte, qui concluent que, finalement, le cannabis ne serait qu'une distraction de gamins sans incidence, est aujourd'hui remis en question aux Etats-Unis. On y estime effectivement que le cannabis, produit de plus en plus pur et raffiné, peut avoir des conséquences, à terme, sur le fonctionnement de l'organisme humain. Cette étude devrait être diffusée et venir nourrir le débat sur le cannabis avant toute dépénalisation. Nous ne sommes pas suffisamment renseignés sur le plan scientifique.
Deuxièmement, sur le classement des effets du tabac et ceux du cannabis, je souhaiterais que nos éminents professeurs aillent de temps en temps dans les caves des HLM de nos quartiers en difficulté pour y constater de visu ce que sont les conséquences de la consommation de tabac comparées aux conséquences de la consommation du cannabis au bout de deux ou trois heures. Je vous assure qu'ils se rendraient compte, alors, que ce n'est pas la même chose et que la classification que vous nous proposez ne tient pas devant la réalité.
Enfin, troisièmement, je crois, comme vous, que l'action de prévention auprès des jeunes est essentielle, mais qu'elle ne peut pas se borner à une simple information sur les éventuelles sanctions. Il est important que la prévention comprenne - sur ce point, je vous suis - une information claire sur les effets de ce que l'on appelait autrefois les drogues dures, de l'alcool, du tabac et de l'ensemble des autres produits, notamment des médicaments. Le professeur Zarifian a eu tout à fait raison de le faire observer : l'abus des benzodiazépines et des psychostimulants est certainement un mal français puisque, vous l'avez dit vous-même, notre consommation est bien supérieure à celle de nos voisins.
Je souhaite donc que, dans les actions de prévention que nous menons à l'échelon municipal et départemental et dans tous les établissements fréquentés par les jeunes, on explique bien l'ensemble du problème.
Mais il serait catastrophique pour son avenir de faire croire à notre jeunesse que le cannabis ne présente aucun danger. Je suis persuadé que, si nous le faisions, nous le regretterions dans quelques années.
C'est pourquoi, nous semble-t-il, il faut tout d'abord évaluer, chiffrer, tirer toutes les conséquences des constats dressés et s'entourer de tous les avis scientifiques internationaux. Je suis plus près de la résolution adoptée par l'assemblée générale des Nations unies que du rapport de l'éminent professeur Bernard Roques, que vous vous proposez de nous distribuer. J'espère qu'un jour il sera possible de faire la synthèse des deux. Mais je dis : Attention ! Défions-nous des informations trop...
M. Hilaire Flandre. Unilatérales !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... trop laxistes ou trop rapides. Il faut d'abord bien évaluer, bien chiffrer, avant de s'engager dans la voie de la dépénalisation. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. Le Sénat va maintenant interrompre ses travaux ; il les reprendra à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement relative à la politique de réduction des risques en matière de toxicomanie.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 44 minutes ;
Groupe socialiste, 37 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 31 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 26 minutes ;
Groupe communiste répubicain et citoyen, 16 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous l'avez dit, le sujet dont nous débattons aujourd'hui est gigantesque.
Toutefois, les questions concernant les drogues et la toxicomanie constituent des défis sociaux, des défis de civilisation, pourrait-on dire. Elles touchent profondément non seulement à l'humain, au respect de l'individu, à des choix éthiques, mais aussi à la souveraineté, à la conception de la société que nous voulons, ou que nous ne voulons pas.
Elles doivent ainsi mobiliser fortement les politiques, car trop de jeunes, en particulier les plus fragiles socialement, sont en danger.
L'ampleur, la complexité prises par les drogues et les toxicomanies méritent des réponses à la hauteur des problèmes posés, problèmes qui évoluent rapidement - vous l'avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat - tant les modes de consommation, les publics concernés, les produits changent : ainsi, la polytoxicomanie s'étend, les drogues se diversifient - aux drogues à base de plantes viennent s'ajouter les drogues de synthèse - et, surtout, les jeunes les approchent de plus en plus tôt.
Nombre de nos concitoyens se sentent concernés de diverses manières, même s'ils ne le sont pas personnellement. Selon un récent sondage IPSOS- Humanité, 39 % des personnes interrogées placent la lutte contre la drogue comme leur deuxième préoccupation, après la pauvreté et devant l'insécurité.
On sait aussi que, au-delà des motivations purement personnelles, la déstructuration des individus par le chômage et par l'absence de perspectives d'avenir fragilise les jeunes, notamment. C'est pourquoi les mesures prises par le Gouvernement en matière d'emplois-jeunes, de lutte contre l'exclusion et de mise en oeuvre des 35 heures vont dans le bon sens. Il faut résolument poursuivre et amplifier une politique de justice sociale, de solidarité, pour offrir aux jeunes un véritable avenir.
Cela dit, les élus que nous sommes ont en tout état de cause la responsabilité de contribuer à lutter contre ce qui est devenu un phénomène de société de plus en plus grave.
Vous avez raison de dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que, avec le développement des drogues de synthèse, la production concerne tous les pays. Cependant, ne sous-estimons pas la souffrance existant aux deux extrémités de la chaîne : d'un côté, les paysans pauvres qui cultivent coca ou pavot pour survivre, de l'autre, les toxicomanes. Entre les deux, on trouve l'argent, via le trafic et le blanchiment qui ont pris des dimensions très préoccupantes.
Selon le rapport annuel de l'ONU de 1997, le chiffre d'affaires de la drogue s'élèverait à 400 milliards de dollars, chiffre qui ne donne qu'une vue très parcellaire de la place qu'occupe la drogue dans l'économie mondiale.
L'économie criminelle est aujourd'hui intimement liée à l'économie légale. Le directeur de l'Office des Nations unies pour le contrôle de la drogue et la prévention du crime a apporté les explications suivantes : « Nous avons affaire à un phénomène économique rationnel et à des industries bien structurées dont l'organisation et le mode de décision sont semblables à leurs homologues de l'économie licite. Les acteurs engagés dans les activités illicites apparaissent motivés par les mêmes facteurs que ceux qu'on attribue aux hommes d'affaires honnêtes ; ils recherchent et réinvestissent les profits les plus élevés possible. »
La Commission de Bruxelles, dans son rapport préparatoire à la session extraordinaire de l'Assemblée générale de l'ONU qui vient de se tenir à New-York, s'inquiète des proportions prises par le blanchiment de l'argent et souligne que « l'argent sale menace, à terme, la stabilité sociale, judiciaire et politique de pays vulnérables ».
Le sommet dont je viens de parler aura peut-être le mérite de mettre ces questions sur le devant de la scène. Une évolution timide semble se faire jour dans le sens d'une approche plus globale de la lutte contre la drogue, impliquant non seulement les pays producteurs, mais aussi les pays consommateurs, dans une coresponsabilité. Des objectifs ont été fixés pour les dix ans à venir : réduire tant la production, en favorisant les cultures de substitution, que la demande et améliorer la lutte contre le blanchiment de l'argent sale.
Ces objectifs, qui ont été approuvés par le Président de la République, appellent une vraie volonté politique et un renforcement de la coopération internationale. Ils supposent des initiatives concrètes de notre pays en matière non seulement de prévention, de soins, de réinsertion, mais aussi de dette, d'aide aux cultures de substitution - on sait que la coca, le cannabis sont payés bien plus cher au paysan que le cacao, par exemple - et de conditions suspensives dans la conclusion d'accords commerciaux avec certains pays.
Nous pensons que ces dimensions doivent être présentes dans le débat, d'autant que, quelque vingt-huit ans après la loi de 1970, nous sommes passés à une tout autre échelle tant en matière de production que de consommation et de profits engendrés par le commerce de la souffrance.
Pour notre part, nous participons au débat avec l'ambition que, loin de rester un débat de « spécialistes », il intègre la dimension citoyenne, non seulement parce qu'il concerne tous les citoyens, mais aussi parce qu'il est indispensable pour renouer des liens sociaux dont on voit bien que le délitement sert de terreau au développement de la drogue. Ce débat doit contribuer aussi à ce qu'un autre regard soit porté sur le toxicomane, pour que ce dernier soit perçu avant tout comme quelqu'un qui souffre ou qui va souffrir, et qui a besoin d'aide. On voit bien combien les difficultés demeurent, comme le montre l'actuel exemple de la boutique de la rue Beaurepaire, dans le Xe arrondissement de Paris.
Concernant les souhaitables évolutions de la législation et de son application, nous ne pensons pas qu'il faille réduire ce débat à la question de savoir s'il faut ou non dépénaliser ou légaliser, deux conceptions auxquelles nous ne sommes pas favorables. La société a le devoir de protéger ses membres, tout particulièrement les plus jeunes d'entre eux, en fixant des limites et des interdits. C'est une question d'éthique et de responsabilité, et les propos récemment tenus par M. le Premier ministre nous paraissent, à ce titre, positifs.
Dans le même temps, il nous semble tout aussi évident que, même s'il faut maintenir une forte répression à l'égard des trafiquants, la prison ne règle rien, s'agissant des consommateurs, bien au contraire. Vous l'avez d'ailleurs vous-même affirmé, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que beaucoup d'autres. Nous savons que vous réfléchissez, en liaison avec le ministère de la justice et avec celui de la jeunesse et des sports, afin de trouver d'autres solutions que l'incarcération pour les simples usagers de drogue. Nous pensons que c'est effectivement nécessaire, et même urgent, car il ne suffit pas de ne pas les emprisonner. Il nous paraît positif qu'une distinction plus forte soit ainsi établie entre consommateurs et trafiquants.
Il nous faut donc bien sûr être attentifs aux évolutions intervenues depuis 1970 et prendre en compte celles-ci ; mais il y a, sans attendre, pour montrer tout le sens de l'engagement des pouvoirs publics, beaucoup à faire dès maintenant en matière de santé publique.
Les intervenants en toxicomanie, les responsables d'associations que nous rencontrons nous font part de leurs inquiétudes quant à leur capacité à mener à bien leurs missions, faute de moyens suffisants. Tous s'accordent à souligner le retard pris par notre pays. En effet, la France occupe actuellement le dixième rang européen en matière de moyens. L'association nationale des intervenants en toxicomanie, l'ANIT, a proposé un plan d'urgence en trois ans, dont elle chiffre le coût de la mise en oeuvre à 450 millions de francs. Les rencontres que vous avez organisées vous-même en décembre dernier, monsieur le secrétaire d'Etat, ont débouché sur de nombreuses propositions, et ce dans tous les domaines. Nous pensons que, dès l'exécution du budget de 1999, des suites concrètes pourraient commencer à être données à ces propositions, car il y a urgence à relever le défi des drogues et des toxicomanies.
Dans le discours que vous avez prononcé le 29 mai dernier, à Metz, devant l'ANIT, vous indiquiez - et vous l'avez d'ailleurs redit ce soir - que les mesures de réduction des risques appliquées dans notre pays ont porté quelques fruits. C'est positif, et il y a certainement lieu de renforcer certains dispositifs. Vous avez proposé des objectifs, des axes de travail auxquels nous souscrivons, en matière d'évaluation et de prévention.
Cette question du déploiement de la prévention est essentielle, car la première des choses est de dissuader le passage à l'acte.
Je dirai d'ailleurs, pour faire écho au rapport que vous avez abondamment cité et qui mérite certainement évaluations et discussions, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il paraît nécessaire, au vu des développements inquiétants de la consommation d'alcool chez les plus jeunes, de mettre en place et de développer une politique de prévention.
Le déploiement de la prévention suppose un puissant effort d'information, de sensibilisation en direction non seulement des jeunes, mais aussi de tous les acteurs sociaux au contact de la jeunesse, des parents et de l'ensemble de la population, pour gagner à son intervention solidaire. L'éducation nationale pourrait jouer un rôle plus important, peut-être même décisif dans cet effort. Dans le même sens, les moyens de la mission interministérielle de lutte contre la drogue doivent être revus.
Nous savons combien les collectivités locales et les associations qui oeuvrent déjà dans le domaine de la prévention ont besoin d'être soutenues.
Il y a lieu aussi de développer auprès des toxicomanes une multiplicité de réponses de soins et de soutiens correspondant à la diversité de leurs situations et des types de toxicomanies, et ce dans le cadre global de la protection sociale. L'apparition de nouvelles substances, de nouveaux modes de consommation nécessitent des réponses adaptées, qui doivent se concevoir dans le cadre tant de structures spécifiques que de l'intervention des structures hospitalières et des médecins généralistes.
Cet effort doit impliquer non seulement médecins et psychologues, mais aussi assistants sociaux et toutes structures permettant d'aller jusqu'au bout de la réinsertion professionnelle et sociale du toxicomane, une réinsertion à propos de laquelle l'épiscopat écrivait, dans sa déclaration de l'automne dernier : « Cette exigence constitue la clef de tout véritable progrès. Elle considère une personne avec la reconnaissance sociale à laquelle elle a droit... C'est la voie de l'espérance. »
Il s'agit de mettre en mouvement autant d'éléments d'une grande chaîne d'assistance, d'accompagnement et de soins sans laquelle tôt ou tard le jeune en souffrance risque fort de replonger, tout le monde le sait.
Cette question de la réinsertion se pose d'autant plus que - et vous l'avez souligné à Metz devant l'ANIT, monsieur le secrétaire d'Etat - la précarité, la marginalisation touchent fortement nombre de toxicomanes, les rendant ainsi encore plus vulnérables.
Cette nécessité d'accompagnement médical, psychologique et social se pose aussi concernant les produits de substitution qui, considérés comme une thérapeutique parmi d'autres, peuvent aider des toxicomanes à s'en sortir.
Le budget pour 1998 a marqué une évolution, que nous avons reconnue. Mais nous pensons qu'il y a lieu de déployer une politique de nature à faire reculer efficacement la consommation de drogue.
Le budget pour 1999 pourrait marquer en la matière un palier important. Pourquoi ne pas prendre l'initiative de recenser, avec les parties concernées, les besoins urgents, afin de les budgétiser dès cette année ?
Bien sûr, cela suppose des moyens. Mais, dans un domaine qui touche d'aussi près la vie d'êtres humains, notamment au sein de la jeunesse, il est de notre responsabilité de relever le défi.
C'est pourquoi, avec l'ensemble de notre groupe, c'est dans un esprit de responsabilité, d'humanité et de solidarité que nous souhaitons contribuer à ce que des réponses soient apportées. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur celles du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Masson.
M. Paul Masson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce débat était attendu et souhaité par le Sénat. Il était attendu, parce qu'il permet enfin de parler de la toxicomanie.
Ce débat était souhaité par vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, si je me réfère à vos déclarations et à nos échanges ; il était souhaité par M. le président Fourcade, qui vous avait interpellé sur le sujet lors de la discussion du projet de loi sur le financement de la sécurité sociale ; il l'était par tous ceux qui, dans cette assemblée, s'inquiètent de la confusion des points de vue relatifs à la toxicomanie, de l'importance prise dans les médias depuis longtemps par les cercles branchés et les cénacles d'avant-garde, et - pourquoi ne pas le dire ? - par tous ceux qui s'interrogent depuis longtemps également sur les raisons du silence gouvernemental douze mois durant sur un phénomène de société dont personne ne peut aujourd'hui nier l'évidence.
Le Sénat voulait un large débat. Mais, comme l'a fait remarquer M. le président Fourcade tout à l'heure, par la volonté du Gouvernement, maître de l'ordre du jour, vous nous engagez dans un débat rétréci à partir d'une déclaration gouvernementale sur un thème plus restreint concernant « la réduction des risques en matière de toxicomanie ».
Je vous rends grâce, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir, dans votre propos nourri et intéressant, élargi ce débat, et c'est heureux : sinon, nous serions en droit de penser que vous vouliez étouffer le problème.
Cette frilosité est inquiétante en elle-même. Alors que le sujet est mondial, angoissant mais aussi passionnel, le Gouvernement français est, depuis douze mois, étrangement muet sur le sujet. Il n'y avait rien, à cet égard, dans la déclaration d'investiture de M. Jospin, rien pour relayer le plan de trois ans mis en place par le précédent gouvernement, aucune instruction donnée à la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie, malgré la promesse que vous m'aviez faite le 3 mars dernier : « Vous aurez ce plan triennal dans le courant du mois d'avril, monsieur Masson ! »
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. A un mois près !
M. Paul Masson. Mais vous n'avez pas évoqué, sauf inattention de ma part, la mission interministérielle qui est placée sous votre autorité, et ce en dépit des cinquante minutes qu'a duré votre discours. Sans doute, dans votre réponse, évoquerez-vous ce point ? Personnellement, en tout cas, je vous en serais reconnaissant.
Faudrait-il donc en déduire qu'il n'y a aucune politique globale contre la toxicomanie parce qu'il ne peut y en avoir au sein d'une équipe gouvernementale divisée, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Plusieurs questions se posent à cet égard.
Faut-il mettre en cause la loi du 31 décembre 1970, absurde, disent certains, obsolète, disent d'autres, aussi bien des mouvements engagés que des spécialistes comme le professeur Henrion ?
Faut-il au moins supprimer l'article L. 630 du code de la santé publique, comme le proposent six députés Verts de l'Assemblée nationale dans une proposition de loi que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d'Etat ?
Faut-il légaliser le cannabis au motif qu'un Français sur sept en aurait goûté une fois dans sa vie et que 2 millions de Français seraient consommateurs plus ou moins réguliers de ce produit ?
J'ai étudié les déclarations des membres du Gouvernement sur ce sujet. La réponse de Mme Ségolène Royal a été rapide et sèche, à l'occasion du manifeste récent - que vous connaissez bien - des « 111 » issus des milieux branchés parisiens : « La banalisation des interdits est dangereuse et n'aide pas les adolescents à devenir responsables ». Ségolène Royal connaît bien l'ambiance des lycées ! Elle entend les plaintes des parents d'élèves, des professeurs, et même des jeunes, qui sont tout de même 85 % à n'avoir jamais touché à la drogue, et elle n'hésite pas à déclarer qu'il n'y a pas à faire de différence entre drogue douce et drogue dure.
Elle est suivie, à cet égard, par Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, pour qui « il est essentiel que la société fixe un interdit ».
Quant à Mme Demessine, elle est elle-même trop alertée par les drames qu'elle côtoie dans son département du Nord pour tolérer le moindre dérapage sur le sujet.
Dans un autre style, M. Chevènement ne disait-il pas, voilà quelques jours, son opposition à la dépénalisation du cannabis, en soulignant à cet égard l'échec de la Suède, qui est revenue à une politique très répressive, et de l'Espagne, qui s'était engagée dans une voie de dépénalisation il y a bien longtemps ?
Nous sommes donc dans l'incertitude pour ce qui est de la position gouvernementale, même si M. Jospin vient d'affirmer très clairement sa position sur la dépénalisation, un an après sa déclaration d'investiture et quatre jours après la déclaration du Président de la République à New York.
Nous sommes dans l'incertitude, et ce n'est pas votre déclaration de ce soir, monsieur le secrétaire d'Etat, qui nous en délivrera.
A défaut de plan triennal, vous multipliez, c'est vrai, les interventions médiatisables : samedi dernier, c'était une nouvelle conférence regroupant 250 spécialistes au ministère de la santé...
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. C'était il y a six mois !
M. Paul Masson. Aujourd'hui - six mois après, donc - c'est un nouveau rapport publié dans un journal et communiqué au Sénat : d'éminents experts, sous la signature du professeur Bernard Roques, y démontrent que le tabac et l'alcool sont plus nocifs que le cannabis.
Qu'ai-je retenu ce soir de votre déclaration ?
Que la loi de 1970 est suspecte, et que vous ne voulez pas d'une loi suspecte. Mais comment se débarasser d'une loi suspecte sans la modifier ?
J'ai noté aussi que l'article L. 630 du code de la santé publique empêchait le débat public. Or, à ma connaissance, l'article L. 630 n'a jamais conduit personne en prison ! Qui peut d'ailleurs soutenir sans sourire que les tenants de la libéralisation de certaines drogues n'ont jamais eu ni la parole, ni à la télévision, ni dans une quelconque tribune ? C'est plutôt l'inverse !
Le Président de la République, lui, a pris position devant la vingtième session extraordinaire de l'assemblée des Nations unies. Vous étiez à ses côtés, monsieur le secrétaire d'Etat, et vous vous y êtes référé tout à l'heure. Il a ainsi dénoncé, devant trente chefs d'Etat ou de gouvernement et devant cent quatre-vingts délégations, l'évolution dramatique du fléau.
Ecoutons les quelques phrases denses et fortes qu'il a prononcées devant le président des Etats-Unis et devant combien d'autres : « La drogue corrompt, la drogue tue. Nous savons tous les ravages qu'elle provoque, en particulier sur la jeunesse. Elle choisit ses premières victimes au sortir de l'enfance, parmi les plus vulnérables. Elle nourrit la délinquance. Elle génère dans nos pays une économie mafieuse qui croît et qui se fortifie. »
Et M. Chirac a proposé la coresponsabilité - vous y avez fait allusion, monsieur le secrétaire d'Etat - entre producteurs et consommateurs, la solidarité à l'égard des producteurs, qu'il convient d'aider dans un développement alternatif, et la solidarité à l'égard des toxicomanes, qui ont besoin d'entendre un langage humain, une attention humaine.
Il a préconisé aussi la fermeté : le laxisme de certains Etats doit être condamné, les législations antidrogue harmonisées.
Il a récusé la banalisation de la drogue. La dépendance psychique n'est pas moins grave que la dépendance physique. Elle éloigne, elle isole, elle marginalise.
Et il a ajouté : « L'Etat doit exercer sa fonction d'autorité pour faire respecter les interdits adaptés à la gravité des situations qu'il vise. »
Qui ne pourrait être d'accord sur cette vision d'un monde qui pourrait se laisser glisser vers la fatalité de l'impossible ? Songeons un instant aux chiffres publiés en février dernier dans le dernier rapport de l'Organisme international de contrôle des stupéfiants : 190 millions de consommateurs de drogue dans le monde ; 400 milliards de dollars de chiffre d'affaires, dont 200 milliards de profits pour les trafiquants ; 8 à 10 % du commerce international ; le double du chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique ; autant que le PIB du continent africain. C'est tout de même phénoménal !
Oui, la consommation augmente malgré l'accroissement des moyens mobilisés, de l'effort de répression dans un grand nombre de pays et des échanges d'informations.
Pourtant, cela ne marche pas. Mais pourquoi cela ne marche-t-il pas ?
D'abord, objectivement, parce que la toxicomanie est un des symptômes majeurs d'un malaise général qui frappe la jeunesse des pays européens et américains : rudesse de l'environnement psychologique et social, relatif abandon des familles, désarmées devant ces problèmes, contexte économique qui ne permet guère de susciter des espérances, éclatement des structures protectrices fondamentales.
Ensuite, parce que la mondialisation de l'économie, si elle libère les bons échanges, facilite aussi les mauvais : transferts d'argent, liberté de communication, échanges instantanés d'informations, protection bancaire accrue là où la législation n'est pas suffisamment précise pour obliger les banquiers à révéler les mouvements financiers suspects.
Parce que la banalisation des drogues dites douces s'accélère avec l'intensification du profit et la multiplication des économies souterraines dans des quartiers entiers, parce que les drogues de synthèse envahissent le marché avec le concours de laboratoires sommaires incertains qui se multiplient, notamment en Europe du Nord - certains sites du réseau Internet banalisent ces images et diffusent les modalités de fabrication chimique de l'ectasy ou de drogues de synthèse. Où allons-nous ?
Parce qu'il n'y a pas, à l'échelon mondial, cette vision globale d'une stratégie appliquée par tous les Etats que souhaite le Président de la République française, parce qu'il n'y a pas, en Europe, une vision unitaire du problème ni même une tentative forte d'approche commune de la lutte contre la toxicomanie parce que certains Etats - vous savez lesquels, monsieur le secrétaire d'Etat - se mettent en situation de développer chez eux la culture de cannabis à haute teneur de produits actifs avec une concentration de 30 % de tétrahydrocannabinol obtenue sous serre.
Enfin, parce qu'il y a, sur ce sujet, une dialectique permanente qui obscurcit le débat : la distinction entre les drogues dures et les drogues douces, aussi bien que les subtilités littéraires entre ceux qui usent de la drogue, ceux qui en abusent et ceux qui en pâtissent.
Voilà longtemps que les spécialistes refusent cette distinction entre drogues dures et drogues douces, distinction banalisée par les médias, mais qui n'est pas réelle.
Il n'y a pas de base scientifiquement établie pour déterminer les effets de telle ou telle toxicité avec ses conséquences classiques : l'accoutumance, puis la déchéance. La généralisation du cannabis à taux élevé de tétrahydrocannabinol accentue les phénomènes de dépendance.
Le groupe d'experts dont vous venez de nous livrer le rapport, monsieur le secrétaire d'Etat, n'hésite cependant pas à considérer l'utilisation du cannabis comme moins dangereuse socialement que celle de l'alcool. Je rejoins, sur ce point, les observations du président Fourcade : je ne sais pas si ce commentaire est très sérieux.
On voit bien poindre un raisonnement nouveau : lever l'interdit sur ceux qui usent du cannabis, en estimant qu'ils sont assez raisonnables pour ne pas en abuser. Permettez-moi de souligner que tous en pâtissent, ceux qui en usent comme ceux qui en abusent. La dépendance psychologique ne se mesure pas comme la dépendance physique, mais elle engendre, elle aussi, des désordres intérieurs qui retentissent dans les familles comme dans la rue, au travail comme dans le sport ou les loisirs.
J'admire ces spécialistes qui peuvent affirmer que la dangerosité sociale du cannabis est faible, de même que celle de l'ecstasy - c'est ce qui ressort du tableau reproduit dans Le Monde .
De quel cannabis parlent-ils ? De celui d'aujourd'hui ou de celui de demain ? De quels produits de synthèse parlent-ils ? Les connaissent-ils ? Où sont les protocoles établis sur ce sujet ? Par qui l'ont-ils été ? Sur combien d'années ont-ils été vérifiés ? Qu'est-ce que la dangerosité sociale ? Pour qui ? Pour quoi ? Par rapport à qui, par rapport à quoi ? Bref, tout cela fait très sérieux, très savant, très documenté, mais ne me paraît pas être scientifiquement assuré.
A cet égard, je souhaiterais effectivement, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il y ait une recherche scientifique forte, profonde, permanente, sur le cannabis. Nous l'attendons toujours. Et ce ne sont pas des rapports comme celui dont nous avons pu lire les conclusions dans le journal, ce soir, qui nous renforcent dans cette idée que, pour faire sérieux, il faut faire loin et il faut faire longtemps !
Selon les avis des meilleurs spécialistes, mais aussi des gens de bon sens qui réfléchissent sur ce sujet, un plan national - celui que nous attendons ! - s'articule autour de trois grands thèmes : la prévention, la répression, dont on parle souvent, et la réhabilitation.
A mon sens, la prévention passe essentiellement par le système éducatif national. Jusqu'en 1994, à l'école, les problèmes de toxicomanie étaient abordés essentiellement sous l'angle du danger pour la santé de l'enfant. Le rôle de l'enseignant n'était pas prévu. Les signaux de détresse émis par les enfants qui se réfugient dans la consommation de drogue n'étaient pas reconnus.
Certains enseignants modifient timidement leur approche du problème. Mais ils ne veulent pas assurer la relève des parents, et ils ont raison. Ils ne veulent pas davantage devenir des professionnels du secteur sanitaire et social, et ils ont encore raison. En revanche, ils doivent se sentir partenaires d'une démarche interministérielle où d'autres se mobilisent aussi : le maire, le monde associatif, la justice, la police, les médecins scolaires. C'est la communauté éducative qui doit être concernée et non pas seulement, comme c'était le cas jusqu'à présent, quelques enseignants volontaires.
Les comités d'environnement social, dont le chef d'établissement est le président, paraissent être une formation appropriée, en tout cas admise, des responsables d'établissement. Selon mes renseignements, ils sont 1 870 et concernent 25 % des établissements du second degré. L'objectif du ministère était de les porter à 2 200 en 1998. Avez-vous, à cet égard, quelques informations plus précises ?
La répression est, bien sûr, nécessaire. Elle frappe le trafiquant et doit aussi frapper le dealer. Même si les résultats en France sont notables, la dispersion des efforts entre trop de services affaiblit l'action. Il existe peu de liens entre police et douane. Deux services à vocation interministérielle cohabitent au ministère de l'intérieur. Cela étant, la répression est de plus en plus tributaire d'une coopération internationale renforcée.
Europol, à cet égard, est l'exemple d'une démarche unitaire à encourager. Mais que d'obstacles nouveaux se profilent, dès lors que l'on sait combien les systèmes mafieux ont pénétré dans de nombreux pays les systèmes les plus protégés de l'Etat, et ce jusqu'au sommet !
Il reste, monsieur le secrétaire d'Etat, la réinsertion ou, terme que je préfère, la réhabilitation. Cet objectif est le plus difficile à atteindre. C'est aussi le plus noble, en tout cas le plus nécessaire pour le drogué, qui ne doit jamais être considéré comme un délinquant.
Les centres de traitement sont les pièces maîtresses de cette politique. Mais nos structures sont très insuffisantes à cet égard : pour quelque 250 000 héroïnomanes, nous avons 250 centres. Il en faudrait le double, dans une première étape. Il convient - vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, de ne jamais oublier que le consommateur est un malade auquel il faut tendre la main et permettre de sortir de sa dépendance.
La famille ne doit pas être ignorée dans la réhabilitation d'un toxicomane et il ne doit pas y avoir de coupure entre la cellule familiale et la victime.
Le problème des soins et de l'aide psychologique au consommateur de cannabis à haute dose n'est pas du tout résolu. La coordination entre services répressifs et services d'injonction thérapeutique n'est pas toujours satisfaisante.
La mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie pourrait tenter cette esquisse de globalisation - globalisation, voilà le maître mot ! Elle est sous votre responsabilité. Elle attend ses missions. Elle devrait être le bras armé d'une lutte aux données interministérielles et internationales. Elle reste, semble-t-il, confinée dans une obscure besogne administrative. Vous l'avez oubliée, ce soir ; peut-être réparerez-vous cet oubli dans un instant.
Ma conclusion sera brève.
Je crains que nous ne nous engagions dans une voie sans issue, passionnelle, qui rappelle, à certains égards, les débats que nous avons depuis quinze ans sur l'immigration. Le pays échappera-t-il à cette nouvelle alternative : dépénalisation ou non, loi de 1970 ou non, alors que la menace se déplace à grande vitesse ?
Voyez l'énorme capacité des laboratoires et de la chimie, qui ouvrent un domaine infini aux trafiquants ! Voyez les nouvelles molécules mises au point avec une rapidité telle que la législation risque d'être à chaque fois dépassée ! Alors que les objectifs se transforment, se déplacent, trop de ceux qui traitent de la drogue en sont à organiser leur camp retranché.
Le Président de la République a tracé une ambition pour la France à l'échelon mondial. Il nous reste - cela est capital - à sortir de notre dialectique habituelle en cherchant à démultiplier le débat.
Beaucoup de questions se posent aujourd'hui en termes très nouveaux, reconnaissons-le : la massification du phénomène, les structurations des trafics, toujours accrus, l'économie souterraine qu'ils engendrent à tous les niveaux de la société, la mondialisation et la multiplication des drogues. Le statu quo n'est plus de mise. Une action pragmatique doit permettre de contourner les engagements extrêmes du tout ou rien. Il ne paraît pas nécessaire de légaliser ou de dépénaliser pour engager la mise en oeuvre d'une nouvelle politique sanitaire, qui s'attacherait non pas au produit mais aux motivations. Lever les interdits, c'est-à-dire banaliser l'image de la drogue, conduirait à l'introduire durablement dans le système social. Essentiellement, cela ne servirait que les mafias internationales. Est-ce ce que l'on veut ? Bien sûr que non ! Alors pourquoi emprunter ce chemin ?
Ce n'est pas pour autant, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il faut transformer les usagers en délinquants. Qui l'a dit ? Qui le dirait ?
Le toxicomane doit être traité en citoyen et en responsable.
Une grande politique nationale de santé publique doit aujourd'hui donner toute sa place à la réhabilitation. La politique de substitution n'est pas une fin en soi, mais la difficulté reste, évidemment, de tisser de nouveaux liens avec chaque toxicomane et de donner des réponses singulières, qualitatives, à chaque situation.
Les équipes doivent être proches, très proches du terrain - villes, communes, écoles - avec une coordination rapprochée et des moyens renforcés. C'est un maillage nouveau qu'il faut tisser dans les villes et les quartiers. Le rôle des associations, épaulées par les services sociaux, doit être réhabilité et développé.
S'il faut pour cela un grand débat populaire, pourquoi ne pas l'engager ? Pourquoi pas un référendum, à l'exemple de la Suisse ? La cause et l'enjeu le valent. Mais que l'on cesse, monsieur le secrétaire d'Etat, les arabesques sur un sujet qui mérite avant tout la mobilisation de toutes les forces morales de ce pays autour d'une pédagogie qui touche l'école, la famille, l'administration, aussi bien que le corps médical et les services sociaux et sanitaires.
Arrêtons, je vous en supplie, monsieur le secrétaire d'Etat, les batailles d'experts, les rapports, les comités ! Nous savions que le débat de ce soir serait sans conclusion ; je ne voudrais pas qu'il reste aussi, après vous avoir écouté, sans illusion. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, notre débat se situe dans l'heureux prolongement de la XXe session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies consacrée au problème mondial de la drogue.
Maintes fois mis en cause par des experts - vous en avez cités certains, monsieur le secrétaire d'Etat et j'ajoute : non gauchistes, nous avons été quelquefois méprisés, traités d'incompétents. Pourtant, le politique se doit de s'exprimer avec force et lucidité, à l'instar de M. le Président de la République. Le discours sur les toxicomanies est trop souvent idéologique - cela a été dit - réducteur, entre les antiprohibitionnistes et les ultra-répressifs.
La substitution a fait de larges progrès dans les esprits et dans les corps. Les intervenants acceptent de travailler avec des toxicomanes qui continuent à prendre des drogues. Il faut reconnaître les résultats : diminution de la délinquance chez ces malades, diminution des overdoses, diminution de la contamination par le VIH.
Mais, il y a des dérives, monsieur le secrétaire d'Etat, des détournements de produits. L'ouverture du Subutex à l'exercice libéral n'entraîne pas l'obligation d'une induction bien conduite, d'une prise en charge globale indispensable.
La politique de substitution par la méthadone constitue un plus pour les toxicomanes lourds, surtout pour ceux qui présentent des pathologies associées, et pour les femmes enceintes.
Cependant, la stratégie des centres de substitution s'est orientée vers la surveillance d'une consommation chronique des produits de substitution plus que vers un sevrage progressif du produit. La politique de substitution nécessite un cadre ; on constate malheureusement des déviations et l'évolution de l'association de prise de cocaïne et opiacées, speed-ball : méthadone et cocaïne, Subutex et cocaïne. Ces pratiques deviennent florissantes et très inquiétantes.
A propos du cannabis, la banalisation des drogues ne peut être considérée comme quelque chose de gratuit. La dépendance, au moins psychologique, commence avec les drogues dites douces. Le caractère doux varie avec la concentration d'un produit actif et la quantité consommée, cela vient d'être dit. La concentration en tétrahydrocannabinol peut, quand elle est élevée, faire d'une drogue douce une drogue dure.
Il est vrai que la loi de 1970 ne tient plus compte des nouvelles situations : il nous faut protéger les mineurs contre le cannabis en instaurant par la loi des limites il faut non pas légaliser ; mais pénaliser différemment.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous savons l'intérêt que vous portez de longue date aux phénomènes liés aux toxicomanies.
Nous souhaitons que la lutte soit menée contre les prescriptions frauduleuses - je songe aux vols d'ordonnances - et abusives de benzodiazépines ; il s'agit de substances licites créant des amnésies d'actes délictueux ; la conduite de véhicules sous leur emprise, en association avec l'alcool, est trop souvent sous-estimée.
La consommation d'ecstasy, dont la dangerosité vient d'être rappelée, pose la question de notre capacité à anticiper ou à modifier les comportements. Dans le cas présent, il s'agit d'adultes bien intégrés. Il nous revient de trouver des réponses au besoin de convivialité de nos jeunes irrésistiblement attirés vers les rave-parties à haut risque.
Il n'est pas possible d'évoquer les toxicomanies en isolant l'alcoolisation de nos concitoyens, en particulier lorsqu'elle est brutale et qu'elle se produit le week-end.
L'alcool fait partie des substances les plus dangereuses et il l'est bien plus encore en association avec des médicaments.
Drogue licite ou illicite ? Sur le plan scientifique, il était nécessaire d'approfondir le sujet. Mettre en évidence contradictions, incertitudes est d'un intérêt certain pour le législateur, pour des groupes. Mais pour le malade et les familles, il s'agit d'obtenir des réponses en termes de santé individuelle et publique. C'est le devenir de notre société qui est en cause. Efficacité et solidarité sont donc requises.
Quant aux rôles des associations, monsieur le secrétaire d'Etat, on rencontre le meilleur et le moins bon : après la période des chapelles, en éliminant l'approche sectaire, les intervenants ont appris à travailler ensemble ; l'approche sociale, médicale, psychanalytique, et les diverses thérapies familiales, voire physiothérapiques, telles la relaxation, l'hydrothérapie, la saturation perceptivo-sensorielle, sont complémentaires.
L'orientation souhaitable pour notre société doit être non pas de banaliser la consommation mais de favoriser les sevrages. Il est indispensable de mobiliser en faveur des toxicomanes des moyens de réinsertion professionnelle. La toxicomanie s'inscrit dans la marginalité : pas de logement, perte des contacts familiaux. Les contraintes et les réalités sociales sont balayées. Le travail social doit s'inscrire dans une stratégie et être un support pour avancer. Il se situe dans une dynamique collective, souvent à la recherche de « personnes ressources ». Dans la pratique, l'anonymat n'est pas assez respecté. Les liaisons, interventions, ne doivent pas se faire sans un échange et un accord de la personne concernée. Le « faire faire », même s'il se heurte à des difficultés, est nécessaire.
Nous insistons sur l'indispensable évaluation des interventions en rappelant le décret de juin 1992 régissant les rapports entre les centres de soins et l'Etat.
Il faut multiplier les passerelles entre les toxicomanes sans domicile fixe et les institutions sanitaires et sociales. Les « boutiques », qui sont des structures d'accueil offrant un refuge temporaire permettant aux intéressés de se reposer, de se laver et de se restaurer, sont à développer. Elles fournissent aux toxicomanes des seringues stériles, des préservatifs et un service de premiers soins infirmiers. Il faut donc renforcer les équipes médico-sociales qui y travaillent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais que vous puissiez faire le point sur la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, actuellement sans tête, qui nous préoccupe beaucoup. Mais je dois dire que je ne crois pas que vous soyez responsable de la situation.
Il ne doit pas s'agir d'un site pour recaser des personnes ayant bien mérité de la République. Cette mission doit s'inscrire dans la continuité.
Vous avez souhaité un plan de redynamisation du dispositif de lutte contre la toxicomanie. A juste titre, vous soulignez la nécessité d'un courage politique pour ne pas échouer. Nous vous approuvons.
J'aimerais que vous précisiez votre attitude face aux demandes de création de sites de prescription d'héroïne alors que la politique de substitution n'est pas maîtrisée. Sur ce sujet, j'éviterai d'entrer dans une polémique, faute d'observations suffisantes. Je crois que la polémique n'est pas souhaitable dans ce domaine.
Au cours des rencontres nationales sur l'abus des drogues et la toxicomanie, en décembre 1997, à Paris, le renforcement des interactions entre chercheurs et acteurs ainsi que la coordination des actions de recherche ont été recommandés.
Vous avez fixé, monsieur le secrétaire d'Etat, un certain nombre d'orientations à concrétiser : produire les résultats d'un travail sur la dangerosité des toxiques légaux et illégaux et légiférer en conséquence ; demander au comité national d'éthique d'étudier les aspects socio-économiques et l'accès aux traitements ; désigner des médiateurs santé-justice ; mettre en place dans les hôpitaux des groupes de recherche sur l'usage des stupéfiants à des fins thérapeutiques, comme cela se fait déjà aux Etats-Unis ; développer une assistance médicale lors des rave-parties.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il serait intéressant - nous savons qu'il faut du temps pour les mener à bien - que vous nous fassiez part de l'amorce de ces engagements.
Sur le plan international, il faut encourager l'Organisation des Nations unies dans sa croisade contre la drogue. Le Président de la République, M. Jacques Chirac, a souligné, le 9 juin dernier, trois principes auxquels notre groupe adhère : la coresponsabilité entre pays producteurs et pays consommateurs ; la solidarité avec le développement de programmes alternatifs aux récoltes de plantes comme la coca, le cannabis et le pavot dans les pays producteurs ; enfin, la fermeté dans les actions répressives menées par la police, la justice et la douane, qui est à observer « dans le respect des droits de la personne ».
Il faut mettre en place une véritable politique d'évaluation, mieux connaître la population toxicomane, mener un effort de recherche important pour améliorer notre connaissance des modes d'action des produits toxicomanogènes, afin d'assurer une prévention efficace et de dégager des axes de traitement.
Il faut redéfinir le rôle des pouvoirs publics pour mener à bien une politique de communication et soutenir les actions sur le terrain dans la durée.
Il faut améliorer la situation sanitaire des prisons et organiser un véritable suivi thérapeutique des toxicomanes en prison, en favorisant les programmes de substitution au sein des prisons.
En revanche, nous avons du mal à rejoindre, peut-être pas vous personnellement, monsieur le secrétaire d'Etat, mais une certaine intelligentsia qui affirme le droit au plaisir et à la transgression au nom de la liberté et des droits de l'homme.
Comme certains de mes collègues ici, j'ai fait des constats de décès de jeunes, dans des chambres sordides, avec, à côté, la bougie, le petite cuillère. Même dans mon village, en Alsace, se promènent de jeunes schizophrènes, bénéficiaires d'une allocation aux adultes handicapés. Ils étaient sains, avant le LSD et le parcours en enfer.
Je ne ferai pas de mélodrame. Mais appliquons votre ingérence sanitaire en amont. Les beaux esprits évoquant la liberté de disposer de leur corps et de leur santé, pour le moins, ne doivent pas bénéficier de notre indifférence. Il y a crime contre l'humanité à faire mauvais usage de la tolérance !
Nous sommes des législateurs. La loi, pour être applicable, doit être crédible, symbolique et créer un cadre. Il faut poser des limites, des repères. Il nous faut combattre avec vigueur, chacun à son niveau, car nous refusons l'asservissement et l'aliénation de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je débuterai mon propos en remerciant tout d'abord M. le président Jean-Pierre Fourcade d'avoir organisé ce débat si important aujourd'hui. Quelques phrases d'alerte s'imposent à destination de notre jeunesse, qui vient tout juste de passer ses premières épreuves de baccalauréat. Je lance ici solennellement un message simple, un véritable « appel à la responsabilisation » à destination des jeunes de nos cités, de nos villes, mais aujourd'hui également, hélas ! de nos campagnes.
Ecoutez ces phrases, vous en reconnaîtrez l'auteur.
« Aux enfants de la chance qui n'ont jamais connu les transes des shoots et du shit, je dirai en substance ceci : ne touchez pas à la poussière d'ange, n'approchez pas le magic mushroom, ne touchez surtout pas au Free Base, ne touchez pas au dragon chasing.
« Ne commettez pas d'imprudences ; surtout n'ayez pas l'impudence de vous foutre en l'air avant l'heure dite. Zéro héro l'infini. »
Vous le savez certainement, monsieur le secrétaire d'Etat, ce petit texte n'est pas de moi, mais de Serge Gainsbourg, connaisseur dans le domaine.
Ces quelques injonctions très crues, ces quelques vérités bien marquées pourraient devenir et demeurer le code de conduite de toute une génération oui, cette génération qui doit préserver son meilleur capital, c'est-à-dire sa santé.
Cette génération, c'est celle de nos enfants, c'est celle de ces « enfants de la chance », à l'initention desquels deux constats s'imposent.
Le premier constat est que la toxicomanie est un fléau sanitaire et une tragédie sociale qui ne cessent, de progresser au sein de la société française.
Les chiffres d'ailleurs parlent d'eux-mêmes. Dans notre société qui fragilise trop souvent les individus et rend tout particulièrement vulnérables les jeunes et les familles en difficulté, la drogue avance dangereusement.
Nombre de maires de petites et de grandes communes urbaines cette dernière décennie, de communes rurales ces dernières années, se sont trouvés confrontés à une jeunesse déstabilisée, sans horizon clairement affiché, expression vivante d'un profond désarroi allant de l'inquiétude à l'angoisse en passant par l'exaspération et l'anxiété, d'un désarroi issu en partie de la destruction de la cellule familiale et du chômage persistant.
Ainsi, près de 900 jeunes se suicident en France chaque année, près de 40 000 autres tentent de se suicider. C'est, pour nous adultes, un véritable appel de détresse auquel il nous faut répondre d'urgence.
S'agissant des jeunes de 12 à 18 ans, 51 % d'entre eux reconnaissent consommer occasionnellement de l'alcool et 15 % s'adonnent régulièrement au haschich. Quant à la mortalité violente des 15 à 24 ans, elle représente aujourd'hui 70 % des décès de cette tranche d'âge et, surtout, elle ne cesse de progresser.
Chaque année, près de 400 personnes décèdent sous l'effet de surdoses de drogues, après injection d'héroïne, après association de drogues avec de l'alcool ou des médicaments.
La tranche d'âge la plus touchée est celle des 26 à 30 ans, mais également celle des mineurs de moins de 16 ans !
Le comité français d'éducation pour la santé, le CFES, montre que plus de 7 millions de Français s'adonnent à la drogue. Et je ne parle pas des accidents de la route dus au couple bière-cannabis, que l'on ne peut connaître puisque nous ne dosons pas aujourd'hui le cannabinol dans les urines.
Réduire les risques en matière de toxicomanie, c'est prévenir en éduquant. Seule une politique efficace de prévention contre l'alcoolisme et la drogue permettra d'épargner des vies.
La drogue et la violence ne sont pas des fatalités. Il faut inciter nos jeunes à dire librement « non » à la drogue.
Les jeunes manifestent, comme toujours, le désir de provoquer, de dépasser les interdits, c'est l'évidence même. C'est d'ailleurs tout l'enjeu des rave-parties sauvages organisées jusque dans les départements les plus ruraux de France.
Par ailleurs, dans la mesure où leurs parents, les adultes qui les entourent, ne leur ont jamais signifié, par leurs paroles ou leurs actes, qu'il existe des limites à ne pas franchir - souvent par méconnaissance du problème - le respect que ces jeunes demandent doit imposer une contrepartie fondamentale : leur responsabilisation. Dans tous les milieux qu'ils fréquentent - associations, milieu scolaire, famille - il est indispensable de renforcer cette responsabilisation.
La loi de 1970 a longtemps exprimé la nécessité de lutter contre les toxicomanes et le trafic illicite de drogues. Depuis bientôt trente ans, la mise en oeuvre de cette loi introduit une dualité puisque le toxicomane ou l'usager de stupéfiants est assimilé à la fois à un malade et à un délinquant. La toxicomanie est donc appréhendée non seulement à travers la filière répressive des interpellations et des saisies de drogues, mais également, et surtout, à travers la filière sanitaire.
Tout comme M. Fourcade, je ne suis pas opposé à la relecture de la loi, mais sans pour autant ouvrir les vannes du laxisme.
Dépénaliser les drogues douces, légaliser les stupéfiants, serait repousser les limites de la transgression de l'interdit, serait favoriser la confusion des notions de tolérance, d'accoutumance et de dépendance. J'y suis catégoriquement défavorable.
Dès 1994, dans son rapport annuel, l'agence de l'ONU sur le trafic et le contrôle des stupéfiants rejetait les thèses favorables à la dépénalisation et à la légalisation de la drogue. En effet, « la légalisation de la drogue aboutit forcément à sa plus grande disponibilité ».
Je n'aurai de cesse de critiquer sévèrement et de rejeter la dépénalisation de la consommation des drogues douces, comme cela a été le cas en Italie, depuis le mois de juin 1993, ou en Hollande, avec la prolifération de ces coffee shops, qui deviennent de véritables destinations narco-touristiques, et en Espagne.
Il est irréaliste d'escompter une réduction forte et durable de la demande de drogues sans en limiter l'accès.
Plus que jamais - c'est mon second constat - il est de notre devoir et de notre responsabilité de fournir les armes adaptées pour lutter contre les ravages de la toxicomanie et pour renforcer le volet prévention.
Deux axes doivent être empruntés : l'information et la prévention. Ce sont en effet auprès des jeunes les meilleurs outils pour lutter contre la banalisation des drogues douces et leur dépénalisation.
Si la lutte contre la drogue doit être renforcée et intensifiée, elle doit avant tout l'être en termes de prévention C'est en effet par une approche en amont que l'on pourra toucher le plus grand nombre de jeunes en difficulté face à ce fléau
Je tiens ici à rappeler les propos de Jacques Chirac, auxquels j'adhère totalement et auxquels vous faisiez référence, monsieur le secrétaire d'Etat, lors de votre intervention.
A l'ONU, dans le cadre de l'assemblée générale extraordinaire consacrée à la lutte contre le trafic de la drogue, d'une « grande croisade des nations contre la drogue », dans un appel à une plus grande fermeté « dans le refus de banalisation des drogues », il a déclaré : « Nous devons dire la vérité aux jeunes : même quand une drogue n'induit pas par elle-même de réelle dépendance physique, elle crée un risque de dépendance psychique qui n'est pas moins grave ».
M. Jean-Marie Girault. Absolument !
M. Philippe Darniche. Le problème quotidien de l'augmentation des prises de stupéfiants en France et celui de l'augmentation des consommations en milieu urbain et, aujourd'hui, en milieu rural, touchent en effet d'autant plus rudement les personnes les plus démunies que celles-ci se trouvent dans une situation de précarité peu compatible avec des traitements nécessitant un suivi prolongé et une motivation forte. C'est la raison pour laquelle les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins instaurés dans le cadre du projet de loi contre les exclusions - c'était l'objet de son article 37 - doivent particulièrement prendre en compte ce tragique phénomène de la toxicomanie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est donc aujourd'hui nécessaire d'augmenter les crédits accordés à la prévention et à la lutte contre la toxicomanie.
Dans le cadre de la loi de finances pour 1998, j'avais déjà jugé dérisoire l'augmentation - certes réelle mais à mon sens insuffisante - des crédits accordés à la lutte contre la toxicomanie. Je continue de penser qu'il est indispensable de prendre rapidement en compte les priorités définies par la conférence nationale de la santé, en définissant une politique de prévention pluriannuelle de ce fléau.
Monsieur le ministre, j'ai bien écouté votre exposé. Votre démonstration ne m'a pas totalement convaincu. Elle consiste, je le crains, à créer un climat de tolérance à l'égard des drogues et, peut-être, à banaliser quelque peu la dangerosité du cannabis. Pour ce faire, vous graduez son danger par rapport à l'alcool et au tabac.
Cette démonstration est une manoeuvre illusoire, qui ne conduit, en réalité, qu'à une seule conclusion, que les médias retiendront : la dépénalisation progressive des drogues douces et une réforme de la loi de 1970 ! Je n'accepte pas cette simplification.
Ainsi, vous démontrez clairement l'incapacité de la société à lutter efficacement contre ce fléau. Comme il existe trop de consommateurs, vous jetez l'éponge et vous renoncez à remonter le courant qu'un laxisme coupable a engendré !
Je vous réponds, d'une part, que je peux citer de nombreux experts graduant les dangerosités des drogues différemment, et d'autre part, qu'il faut remonter le courant en responsabilisant les jeunes, en modifiant le comportement des adultes et en développant le sens du devoir des familles.
N'ouvrons donc pas toutes grandes les portes qui conduisent aux drogues les plus dangereuses. Ne faisons pas plaisir aux jeunes et aux groupes de pression des « dépénalisateurs ».
A ce titre, les déclarations du Premier ministre et de Mme le garde des sceaux étaient jusque-là de nature à me rassurer, du moins temporairement.
Ce siècle a été celui des guerres de masse. Je souhaite que celui qui vient soit celui d'une seule lutte, d'une guerre saine et totale en faveur du sevrage et contre les nouvelles drogues - en particulier de synthèse - celle d'un plan de lutte efficace contre toutes les formes de toxicomanie.
Nous devons tous nous unir pour atteindre un seul et unique objectif de très grande échelle et de trop forte ampleur : la destruction totale et massive des drogues.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il ne faut pas toucher à notre jeunesse, et nous-mêmes n'avons pas, dans notre responsabilité collective, à y toucher, même si nous pouvons penser respecter leur liberté en banalisant l'usage de la drogue. Epargnons - leur le chemin des « douces », qui, souvent, conduisent aux « dures », et cela sans espoir de retour.
Massivement, nos populations se mobilisent, et se mobiliseront, si on les y invite. Si on les incite à s'informer, elles sont prêtes à participer, localement et nationalement, à un vaste débat. Elles veulent protéger nos jeunes. Nous aussi !
J'ai entendu, monsieur le secrétaire d'Etat, votre prise de position timide contre une dépénalisation des drogues douces et l'expression de votre volonté de mettre en place une meilleure réglementation. Nous veillerons concrètement à la mise en oeuvre de vos propositions. Comme notre collègue Paul Masson, j'attends la mise en place d'un véritable plan national. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Girault.
M. Jean-Marie Girault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, quand je parle de drogue, je pense à l'expérience que ma famille a vécue, voilà vingt ans, et dont, grâce aux aides qui se présentaient à l'époque, elle est sortie.
Depuis ce moment, aucune journée ne passe où je ne songe au problème de la toxicomanie.
Je ne suis pas un scientifique, je ne suis pas un savant. Je suis un parlementaire. Je suis d'abord un homme, un père, associé à cet événement familial douloureux.
Aujourd'hui, grâce à l'initiative du Sénat, le problème de la drogue, des toxicomanies est proposé à notre examen. J'y participe naturellement, pour remercier à la fois celles et ceux qui ont pu sauver celui de mes fils qui était concerné et celles et ceux, dont les pouvoirs publics, qui ont tenté de « dresser » une politique de nature - on le croyait - à faire régresser le phénomène, à l'endiguer, sinon à le faire disparaître. Vaste débat !
Devant la complexification du phénomène de la drogue, pas uniquement en France mais sur la totalité du globe, les parlementaires que nous sommes ne doivent pas rester sourds. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes à nos côtés, j'en suis convaincu, et je vous en donne bien volontiers acte.
On a beaucoup parlé au cours de cette discussion de la répression et parfois aussi de la prévention.
Sur la répression, je dirai peu de choses, mes chers collègues, parce que, lorsqu'on a connu chez soi des difficultés de la nature que j'ai décrite, vous comprendrez bien, je suppose, que le problème se pose non en termes de punition mais d'humanité.
Je reconnais les limites de la loi de 1970. J'estime cependant, après certains de mes collègues, que, si des modifications doivent être apportées à cette loi, elles ne seront crédibles que si elles se fondent sur une connaissance vraiment profonde des motivations de celles et de ceux qui sont conduits à utiliser la drogue... les drogues, car, depuis vingt ans, je dois dire que la multiplicité des produits proposés est terrifiante.
Donc, la répression, je vous le dis franchement, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne suis pas à l'aise pour en parler, parce que, lorsqu'un enfant - à la fin de l'enfance, au début de l'adolescence - est engagé dans le processus - c'est comme pour l'alcoolisme - les choses dépassent votre propre entendement. Lorsqu'un enfant est entraîné, il mérite la considération de la société, quelle que soit la manière dont il se comporte.
Voilà vingt ans, s'agissant des drogues douces, le cannabis était l'objet principal de la réflexion.
A ce propos, je vous dirai ceci, monsieur le secrétaire d'Etat, à vous qui êtes un humaniste, à vous qui n'avez pas une position facile, mais je ne vous apprendrai certainement rien : j'ai connu trois cas de jeunes qui consommaient du cannabis et qui ont un jour décidé de ne plus aller au lycée ou au collège. Ce n'est pas l'effet physiologique du cannabis que j'évoque là, c'est l'effet qu'il produit dans les esprits, et qui mérite réflexion.
Alors, bien sûr, on me parlera de tel ou tel médicament, de tel ou tel produit qui... que... quoi... Non ! La consommation d'une drogue dite douce altère le jugement que les jeunes auxquels nous sommes profondément attachés portent sur leur présent, leur avenir et leur environnement. Je connais un exemple dans la ville que j'administre.
Pour autant, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne porterai pas de jugement sur les problèmes de répression.
Faut-il modifier fondamentalement la loi de 1970 ? Certains de mes collègues ont déclaré aujourd'hui qu'il faudrait réexaminer certaines de ses dispositions.
Il y a quand même une différence, pour un jeune de treize, quatorze ou quinze ans, entre consommer du cannabis et commencer de fumer ! J'ai bien compris, avant même d'avoir lu le journal Le Monde de ce jour, qui évoque le rapport dont vous nous avez saisi, que le tabac - j'en parle d'autant plus à mon aise que je ne fume pas - pouvait conduire à des extrémités gravissimes. Mais c'est au bout du compte - j'essaie d'être prudent - que le tabac vous étouffe ou vous tue ! Le cannabis, qui, sur le plan de la toxicologie, ne serait pas dangeureux, affecte le cerveau dès que vous l'absorbez...
M. Paul Masson. Très bien !
M. Jean-Marie Girault. ... et il vous pousse à des démissions, y compris sur le plan scolaire, à un désintéressement à l'égard de la vie au coeur de laquelle vous vous trouvez pourtant, et à un moment où l'on devrait, au contraire, engager sa propre ascension pour parvenir au sommet. Voilà pourquoi, sur le plan de la dépénalisation, de la répression, je m'exprime avec une extrême prudence.
Je n'en veux pas à ce quotidien, que nous lisons tous, d'avoir publié le tableau mentionné. Mais je me méfie des tableaux !
Je n'ai pas approndi ce que j'ai lu. En tout cas, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de nous transmettre le rapport dans son intégralité.
Notre devoir à tous est de considérer les choses avec raison. Aussi, prenons garde à la statistique ! Je ne voudrais pas que, de ce débat, ressorte l'idée que le cannabis est un produit qui n'entraîne pas les conséquences que certains dénoncent.
C'est un problème de conscience, que chacune et chacun aborde avec son expérience.
Quand je dis que je suis contre la drogue, je n'exprime pas un jugement moral. Je le dis parce que je sais, pour avoir connu cette épreuve avec mon fils, puis avec d'autres jeunes, et même avec des adultes, que le sujet mérite une étude qui ne peut se limiter à la lecture d'un tableau publié dans un journal et classifiant les drogues par degré de toxicité, selon des normes qui résultent de l'analyse scientifique ! Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis persuadé que vous comprenez bien ce que je veux exprimer. (M. le secrétaire d'Etat fait un signe d'assentiment.)
Je sentais déjà, il y a vingt ans, que les problèmes de drogue et de toxicomanie étaient susceptibles de se développer au sein de notre société. Ce fut le cas. Aussi je ne regrette pas, lorsque, à l'époque, l'un de mes fils fut impliqué, que ma femme et moi ayons accepté de dire à la radio et à la télévision que ce qui nous arrivait pouvait devenir un problème pour la nation tout entière. Hélas ! ce type de drame s'est effectivement considérablement développé.
Mon fils, lui, a trouvé une issue, grâce à une association, qui est aujourd'hui contestée. Mais passons... Je vais peut-être vous faire sourire : il est devenu, dans la famille, le plus rigoureux de mes enfants !
Il est sorti du piège où il était tombé, et je me dis que c'est peut-être le bonheur de milliers de jeunes qui étaient dans la même situation.
C'est dans cette optique, monsieur le secrétaire d'Etat, que, voilà dix ans, j'avais proposé et obtenu du Parlement que soit créé un institut national de l'enseignement, de la recherche, de l'information et de la prévention sur les toxicomanies. Le débat s'est déroulé le 9 juin 1987 dans cette enceinte et la proposition que j'avais formulée a été adoptée à l'unanimité des groupes politiques de la Haute Assemblée.
Avec les discussions sur la toxicomanie, sur les produits, sur les trafics, sur la répression - discussions que je comprends - je redoutais alors par-dessus tout - je voudrais que vous le compreniez, monsieur le secrétaire d'Etat - que le problème ne se politise, alors qu'il dépasse les clivages politiques puisqu'il concerne le devenir de chacune et de chacun de nos concitoyens en tant qu'êtres humains, et généralement les plus jeunes.
Je redoute encore plus cette politisation lorsque je lis la presse ces temps-ci, où il est fait état de la position du Premier ministre... des drogues douces... des drogues dures...
Voilà pourquoi j'avais demandé il y a dix ans que cet institut soit indépendant autant qu'il est possible du pouvoir politique. En effet, quand on parle de toxicomanie, on ne parle pas « gauche » ou « droite » ; on parle des hommes qui sont concernés !
La loi du 31 décembre 1987 a donc été votée - je ne vous apprends rien, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai en effet eu l'occasion de vous écrire à ce sujet et d'en parler avec vos collaborateurs - et c'est à l'article 1er qu'est créé l'institut que je citais, un « établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière ».
« Placé sous la tutelle du Premier ministre, il est dirigé par un conseil d'administration assisté d'un conseil scientifique.
« L'institut a pour mission de coordonner toutes les actions relevant de l'Etat et de poursuivre toutes recherches utiles, tant fondamentales que cliniques, dans le domaine de la pharmacodépendance » - pharmacodépendance qui est plus que jamais à l'ordre du jour - et de la toxicomanie.
La mission de coordination de l'Etat assurée par l'institut concernera : la formation des personnels mis en contact... ; la recherche scientifique... ; l'information...La mission de recherche assurée par l'institut a les objectifs suivants : définir les mécanismes d'action des drogues entraînant une dépendance... définir les antidotes... ; définir à l'aide d'enquêtes épidémiologiques la distribution de la consommation des principales drogues... définir sur les bases de ces données scientifiques un enseignement destiné à la formation des personnels chargés de la prévention, du traitement et de la réhabilitation des sujets pharmacodépendants et toxicomanes. L'institut établit chaque année un rapport... »
Voilà la loi. Le Sénat l'a votée à l'unanimité dans sa séance du 9 juin 1987.
Or, à ce jour, elle n'est toujours pas mise en oeuvre !
Je n'irai pas jusqu'à vous interpeller, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je vous transmets le message. Ce texte fait partie des législations votées par la représentation nationale qui n'ont pas aujourd'hui d'application. Et ce n'est pas que les gouvernements successifs aient, depuis dix ans, négligé le problème et renoncé à imaginer des solutions.
Pourtant, la création de cet institut dépolitiserait probablement le débat auquel nous sommes confrontés, monsieur le secrétaire d'Etat. En effet, un institut, c'est plus neutre !
Le débat à partir de la mission interministérielle ramène, selon les gouvernements, à des sensibilités différentes. Vous vous êtes vous-même exprimé, monsieur le secrétaire d'Etat. Je n'ai aucun reproche à formuler. Vous avez dit des choses fort intéressantes. Mais ce type de problème devrait sortir, autant qu'il est possible, du champ du débat politique, j'allais presque dire politicien.
Telle est bien la philosophie de l'institut dont j'ai demandé la création et dont le conseil d'administration rassemblerait, bien sûr, des représentants des ministères concernés.
Je ne vous apprendrai rien, monsieur le secrétaire d'Etat, en vous disant que le fonctionnement de la mission interministérielle, qui a connu depuis vingt ans seize responsables différents, donne l'impression que tel ou tel gouvernement, quel qu'il soit, en désignant telle ou telle personne, fait un geste de nature politique !
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que je voulais vous dire ce soir, . Je connais votre humanisme. Vous n'êtes pas un fanatique de la politisation. Vous avez une responsabilité que je respecte.
Le sujet que nous abordons ce soir est un sujet essentiel, qui tient à l'éthique et à l'individu. C'est sur cet aspect que je souhaite conclure, en vous demandant de bien réfléchir à la manière dont on pourrait appliquer la loi, celle de la République, qui doit attendre dix ans la parution de ses décrets d'application. Je me suis exprimé avec conviction, sans passion. Je suis persuadé que vous aurez su m'entendre. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste. - M. le secrétaire d'Etat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord exprimer ma satisfaction de voir s'ouvrir un débat devant la Haute Assemblée sur le sujet, ô combien complexe et délicat ! de la toxicomanie. La demande en avait été formulée par la commission des affaires sociales et par son président, et vous vous étiez engagé, monsieur le secrétaire d'Etat, à tenir ce débat. Vous respectez vos engagements, cela mérite d'être souligné.
Sur un sujet aussi difficile suscitant bien des passions, deux attitudes étaient possibles : soit ne rien faire, ou plutôt laisser faire, fermer les yeux, parler le moins possible pour ne pas donner prise aux polémiques ; soit faire une grande déclaration, tenir des propos définitifs, partir en croisade, déclarer la guerre à la drogue, une guerre totale autant que possible. Les trois derniers présidents des Etats-Unis ont tenu ce langage et jamais la consommation de drogue n'a été aussi forte ni le marché de la drogue aussi florissant aux Etats-Unis !
On peut rêver à haute voix d'un monde sans drogue. On peut rêver, mais le problème est bien présent, bien réel. Il faut donc en parler un peu plus, en débattre, confronter nos points de vue, et nos conceptions, pour faire échec aux préjugés, aux fantasmes et à l'irrationnel, qui, en matière de drogue et de toxicomanie, prennent bien souvent le pas sur les réalités.
C'est cette voie que vous avez choisie, monsieur le secrétaire d'Etat, et, je le répète, le groupe socialiste approuve vivement votre démarche, tout en sachant qu'aujourd'hui nous n'avons pas à discuter d'un nouveau projet de loi, mais que nos débats devraient ouvrir le champ pour permettre d'adapter la loi du 31 décembre 1970, qui date de près de trente ans, qui, sur bien des points, est devenue obsolète et qu'il faut donc faire évoluer.
Depuis 1970, bien des changements sont intervenus.
Il y a eu, par exemple, au travers des épidémies de sida et d'hépatite, une véritable prise de conscience des ravages sanitaires et sociaux qui peuvent être causés par la consommation des drogues.
Il y a eu l'arrivée de drogues nouvelles, de drogues de synthèse : l'ecstasy, le crack, récemment le GBH, qui paraît être une drogue extrêmement dangereuse, l'héroïne du pauvre, mais qui n'est même pas reconnu officiellement comme une drogue en France et qui peut donc être consommé librement, tout comme les produits toxiques licites tels que le tabac, l'alcool ou les médicaments psychotropes.
Les problèmes posés par la consommation de ces produits licites ne sont pas moins graves. Ils pèsent sur les individus, sur leur santé, mais aussi sur leur entourage et sur la société tout entière. Ils sont d'une ampleur considérable, et nous ne pouvons pas les ignorer dans ce débat.
Citons quelques repères.
Le tabac est responsable de la mort de 60 000 personnes par an dans notre pays. Réalisons-nous bien ce que cela représente ? Même s'il est admis dans l'opinion que le tabac est gravement nocif, le pourcentage de fumeurs reste stable, à un niveau incroyablement élevé de 35 % à 37 % de la population. A l'âge de dix-huit ans, le pourcentage de fumeurs atteint 60 % !
La consommation d'alcool provoque également la mort de 60 000 personnes par an. Le test mis au point par les alcoologues et baptisé « test DETA » révèle que 3,5 millions de personnes présentent ou pourraient présenter des risques d'alcoolo-dépendance. Dans le rapport qui vient de vous être remis par le professeur Bernard Roques, le nombre de personnes alcoolo-dépendantes est estimé à 2 millions, le nombre de celles qui sont exposées à des risques en raison de leur consommation d'alcool à 5 millions.
L'alcoolisme est accompagné du cortège de drames que nous connaissons bien, hélas : la destruction des familles, les accidents de la route, les crimes commis sous l'empire de l'alcool... La plupart des crimes jugés actuellement par les cours d'assises sont liés à l'alcool, et s'il fallait citer un exemple récent de la dangerosité sociale de l'alcool - vous l'avez fait, monsieur le secrétaire d'Etat - on pourrait évoquer les lamentables incidents qui viennent de se dérouler à Marseille et qui ont été causés par quelques centaines de brutes gavées d'alcool.
Il arrive que l'alcool s'ajoute à la consommation de médicaments psychotropes, avec des effets dévastateurs.
La consommation mensuelle de ces médicaments s'élève en France à plus de 18 millions de boîtes. Le rapport du professeur Edouard Zarifian, remis au secrétariat d'Etat à la santé en avril 1996 et relatif à la prescription des neuroleptiques, est resté lettre morte. Et il ne faut pas oublier les amphétamines, dont la consommation ne cesse d'augmenter.
Tout cela est licite - plus ou moins licite - mais n'y a-t-il pas des questions à poser et des mesures à prendre pour restreindre la consommation des produits toxiques licites ? Le débat d'aujourd'hui ne doit-il pas porter aussi sur ces problèmes ? Ne faut-il pas revoir globalement la législation relative aux drogues, à toutes les drogues ?
Mais venons-en maintenant plus particulièrement aux drogues illicites. Le nombre de consommateurs réguliers est bien inférieur à ceux que j'ai pu citer pour le tabac ou l'alcool.
On peut estimer qu'il y a 250 000 consommateurs réguliers de cannabis et 160 000 héroïnomanes. Mais il est vrai que 5 millions de Français déclarent avoir goûté au cannabis. Il est tout aussi vrai qu'un jeune sur deux cesse de fumer dès les premiers « joints ».
Mais la consommation de cannabis s'est beaucoup banalisée au cours des dernières années. Or, elle est illégale en France, selon la loi du 31 décembre 1970, et elle peut entraîner une peine de prison allant jusqu'à un an.
Une politique de tolérance avait été mise en place avec la circulaire Pelletier du 17 mai 1978, complétée par une circulaire Badinter de septembre 1984, portant dépénalisation de l'usage et de la détention de quelques grammes de cannabis, en prévoyant « une mise en garde allégée » pour les petits consommateurs. Cette tolérance de fait de l'usage du cannabis a été suspendue par la circulaire Chalandon du 12 mai 1987.
Les poursuites contre les usagers et les détenteurs de quelques grammes de cannabis sont encore fréquentes en France. Les sanctions varient suivant le procureur ou la juridiction : si certains parquets, surtout dans les grandes villes, ne poursuivent plus qu'exceptionnellement les consommateurs de cannabis, plusieurs procès récents montrent que l'on peut encore aller en prison pour quelques « joints ».
Tolérance de fait pour certains, inscription au casier judiciaire pour d'autres : il y a, à tout le moins, à s'interroger sur l'application qui est faite de la loi de 1970 et qui tend à montrer qu'elle est inadaptée tant la pratique sociale est en rupture avec la loi. Il faut mettre fin à une forme d'hypocrisie.
Le rapport Henrion, remis par la commission de réflexion sur la drogue et la toxicomanie nommée par Mme Simone Veil en mars 1994, note que « la sanction de l'usage simple d'un produit comme le cannabis, quand les pratiques beaucoup plus dangereuses telles que la défonce à l'alcool et aux médicaments restent impunies, soulève le problème de l'équité de la législation et de son efficacité ».
Pour la commission Henrion, ce problème se pose d'autant plus qu'« aucun décès dû à une consommation excessive de cette drogue employée isolément n'a été signalé ».
En revanche, l'héroïne détruit totalement celui qui s'y adonne ; elle dégrade gravement la santé et conduit à la mort. Les services de police dénombraient chaque année environ 600 morts par surdose due à l'héroïne et aux substances opiacées. Le nombre de décès est maintenant en nette diminution, tout comme la consommation d'héroïne. Il a été divisé par deux, voire par trois.
Nous savons tous le mal que peuvent faire de telles drogues, comme l'héroïne, la cocaïne, d'abord aux personnes qui en sont dépendantes et qui éprouvent une terrible souffrance. Il est des situations de détresse humaine extrême qui entraînent précarité, isolement, solitude et marginalisation.
L'entourage familial, les proches sont également profondément affectés et déstabilisés ; la société tout entière est atteinte.
Alors que les alcooliques bénéficient d'un peu de commisération et d'humanité, la société refuse de voir, dans ces toxicomanes, des citoyens comme les autres, ou même des malades. Il est vrai que leur exclusion est un fait communément admis et qu'ils se trouvent aspirés dans une spirale inexorable : perte d'emploi, de logement, délinquance, prostitution... La consommation de drogues étant illégale, ils se maintiennent à l'écart du système de soins.
Le toxicomane qui est dépendant de l'héroïne ou du crack a besoin de sa dose quotidienne, et sa première préoccupation est d'en financer l'achat. Dans un premier temps, l'usager se fait revendeur ; mais il s'agit là de trafic de stupéfiants, et la peine encourue peut aller jusqu'à dix ans de prison. D'autres formes de délinquance prennent alors le relais, plus lucratives et moins sévèrement réprimées : attaques de commerçants, de pharmacies, cambriolages, vols à la roulotte, agressions et braquages...
Quand un revendeur gagne en peu de temps beaucoup d'argent, ce sont les notions d'effort, de travail, d'honnêteté, qui sont fortement ébranlées, et toute l'action entreprise à tous les niveaux en faveur de l'emploi et de l'insertion se trouve remise en question.
La société est d'autant plus atteinte et déstabilisée qu'il se crée ainsi une économie parallèle, un marché pour le crime, un marché dont les bénéfices sont immenses, un marché qui, de proche en proche, s'étend à toute la planète. Le chiffre d'affaires de ce marché est estimé, par l'ONU, à plus de 400 milliards de dollars, soit le double de l'industrie pharmaceutique.
Le tableau est sombre. Mais, comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, « une des meilleures façons de juguler, de maîtriser l'usage des drogues, est de considérer que cet usage existe mais que devenir ou rester toxicomane n'est pas une fatalité ».
Il doit nous amener à poser la question d'une « autre politique » de lutte contre les drogues - toutes les drogues, les illicites et les licites - et la toxicomanie.
Quelques propositions pourraient être faites en considérant que s'impose une problématique de santé publique.
Le toxicomane, qu'il soit usager d'un produit illicite ou licite, est un malade, et pas nécessairement un délinquant. Il faut lutter contre cette maladie comme on lutte contre d'autres maladies, comme on lutte contre le sida par exemple.
Sachant que les traitements de la toxicomanie sont longs, difficiles et aléatoires, il faut mettre en place une politique efficace de prévention de l'entrée dans la toxicomanie.
Il faut informer et prévenir. Il faut accepter de parler de la drogue et, pour reprendre les termes du professeur Henrion : « ne pas faire de la toxicomanie une boîte noire d'autant plus attirante qu'elle est mystérieuse ». Il faut en parler dans le cadre d'une information globale, portant sur toutes les drogues, illicites et licites, et le faire particulièrement à l'école, en s'adressant en priorité aux élèves de dix ans à quatorze ans. On sait en effet que l'attitude des enfants à l'égard de certains comportements, tels que la consommation d'alcool, est arrêtée dès l'âge de quinze ans.
Le collège est le lieu, l'établissement qui regroupe, sans exception, tous les enfants de cette tranche d'âge. Il faut donc miser sur le collège. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a plus rien à faire après.
Il existe des caps délicats dans la vie des individus. Des risques particuliers sont liés à l'adolescence. L'évolution de la société renforce la pression psychologique qui pèse sur les jeunes. L'information sur la drogue doit faire partie des programmes scolaires des collèges et des lycées, et les enseignants eux-mêmes doivent avoir reçu une formation suffisante. Cette formation devrait être dispensée dans les instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM.
Le conseil d'administration de chaque collège, de chaque lycée, devrait être saisi au début de l'année scolaire et se prononcer sur un programme d'information destiné aux élèves et se prononcer sur ses modalités de mise en oeuvre. Qui l'assurera ? Des professeurs, le service de médecine scolaire, qui devrait disposer nécessairement de moyens renforcés, des intervenants extérieurs - la police ou la gendarmerie, par exemple - mais aussi des médecins, des travailleurs sociaux, des jeunes recrutés comme aide-éducateurs dans le cadre des emplois-jeunes et qui auraient suivi une formation complète sur le sujet.
Il faudrait faire en sorte que la communauté éducative tout entière se mobilise et s'engage dans une véritable campagne de démystification des drogues, de toutes les drogues, illicites ou licites.
Le ministre de l'éducation nationale a annoncé, l'année dernière, qu'il travaillait à l'élaboration d'un code de l'éducation. Il est indispensable que ce code indique clairement aux enseignants les conduites à adopter en matière de drogue dans les établissements scolaires.
Au-delà des établissements scolaires, il faut prendre en compte tous les établissements qui accueillent des jeunes et exiger que les éducateurs, les animateurs, les travailleurs sociaux acquièrent une formation. La prévention se fait par la qualité du lien entre jeunes et adultes. Il est nécessaire que les jeunes aient des interlocuteurs adultes clairs, bien informés, donc formés.
Il faut que les collectivités territoriales s'impliquent totalement au niveau des services et des équipements sur lesquels elles exercent un contrôle ou un droit de regard : les centres sociaux, les maisons de jeunes, les centres de loisirs, les foyers de jeunes travailleurs, les missions locales ou les permanences d'accueil, d'information et d'orientation - les PAIO.
Dans le cadre de la politique de la ville, des moyens devraient être dégagés pour que toutes les villes disposent d'un « point-écoute jeunes », ou d'un centre d'accueil, ou d'un « dispensaire de vie », avec des équipes performantes et professionnelles d'accueil, d'orientation et d'écoute. Tous les contrats de ville devraient comprendre un volet relatif à la prévention et à la lutte contre les différentes formes de toxicomanie.
Il faut aussi savoir aider et encourager les associations, qui sont des éléments structurants de la vie des quartiers.
Il faudrait également savoir utiliser la publicité pour toucher les parents et le public. La communication publicitaire sur ce sujet doit être entièrement repensée : on ne peut pas mettre en avant l'interdit pour le rendre plus attirant. Les campagnes publicitaires doivent donc être en adéquation avec les dispositifs de terrain.
Enfin, cette prévention devrait être accompagnée d'une réduction de l'offre par une répression accrue du trafic et par une coopération internationale renforcée. La déclaration qui a été adoptée par les cent cinquante pays participant à la conférence de l'ONU, à New York, va dans ce sens.
Il n'y a pas d'explication simple aux mécanismes de constitution d'une toxicomanie. Et il y a forcément des limites à la prévention et à l'éducation. Mais il faut avoir tout fait, tout tenté, tout essayé pour informer et prévenir.
Chaque toxicomane est un cas particulier et tous les efforts doivent être déployés pour l'aider et le soigner. Il faut mettre en oeuvre une politique de réduction des risques afin de limiter, voire d'éviter les effets néfastes liés aux pratiques de consommation, notamment celles qui sont associées à l'utilisation de la voie intraveineuse. Cette politique, qui ne date que de quelques années, est loin d'avoir atteint ses objectifs.
L'extension de l'usage de la méthadone ou du Subutex comme produits de substitution et des programmes d'échange de seringues pourrait réduire considérablement les contaminations des toxicomanes par le virus du sida ou de l'hépatite C. Cependant, un petit nombre de villes de notre pays seulement ont installé des distributeurs-échangeurs de seringues. Les habitants comprennent bien pourtant, quand on la leur explique, la nécessité de prémunir les toxicomanes contre des risques encore plus grands.
Il faut que l'injonction thérapeutique, prévue par la loi de 1970, puisse s'appliquer et être étroitement suivie, sans oublier l'action sociale qui doit l'accompagner et qui, elle, n'est même pas mentionnée dans la loi !
Des efforts doivent être faits pour améliorer la prise en charge des toxicomanes. Je pense ici à une augmentation des capacités de prise en charge avec hébergement, au développement des lieux de contact et à la création de réseaux toxicomanie-ville-hôpital, qui doivent permettre une concertation permanente.
Il faut aussi ouvrir le système sanitaire.
Pour ce qui est des hôpitaux, tout toxicomane arrivant aux urgences devrait pouvoir être examiné par un médecin formé et qualifié. Dans un certain nombre d'hôpitaux, il faudrait créer une unité permanente d'accueil pour toxicomanes dotée d'un psychologue, d'une assistante sociale, d'une infirmière spécialisée, d'un médecin « référent ».
Pour ce qui est des médecins généralistes, il faudrait impliquer davantage ceux qui le désirent dans l'accueil et le suivi non seulement des toxicomanes, mais aussi de toutes les personnes sujettes à des conduites addictives, et les faire participer aux traitements de substitution en les intégrant à des réseaux.
Soigner les toxicomanes, c'est d'abord restituer leurs droits fondamentaux à ces personnes - droits sociaux, droit à la santé - et on peut faire ici le lien avec la loi qui vient d'être votée, relative à la lutte contre les exclusions. C'est les prendre en charge de manière compétente sur le plan médical, mais aussi avec humanité. C'est favoriser leur réinsertion en développant les relations entre les structures de prise en charge des toxicomanes et les institutions de droit commun de l'insertion que sont le RMI, l'accès au logement, l'insertion par l'économique, notamment. Ces institutions doivent venir en renfort des structures spécialisées et en constituer le prolongement naturel.
Dans un secteur aussi sensible, aussi déterminant pour notre société, des efforts importants devraient être consentis pour soutenir et développer la recherche. Elle est indispensable à l'amélioration des traitements et de leur degré d'efficacité. Elle doit couvrir le champ des produits et des usages de l'ensemble des substances psychoactives.
Il faut aussi impliquer les dispositifs en favorisant l'évaluation non seulement des modalités de prise en charge mais aussi des politiques publiques.
Il faut mettre en place un dispositif national et européen permettant la surveillance et l'alerte sur les tendances émergentes des nouveaux produits de synthèse. Cela suppose aussi de pourvoir budgétairement les centres de recherche ainsi que les chercheurs en allocations de recherche, en emplois fléchés pour les post-doctorats. C'est également créer des passerelles entre le monde carcéral et la société, afin que les détenus toxicomanes puissent bénéficier, durant leur détention, de personnels et de structures pouvant les aider et leur proposer un suivi souvent nécessaire une fois la liberté recouvrée !
Bien d'autres choses pourraient être dites sur ce sujet de la toxicomanie. Ce qui est important, c'est qu'un débat, un véritable débat « dépassionné et objectif », puisse s'ouvrir ici, aujourd'hui, et, je l'espère, dans le pays, et que nous puissions confronter nos points de vue et nos conceptions pour parvenir à une amélioration sensible de la situation actuelle. Des progrès importants pourraient être réalisés si nous savons bien poser les problèmes et, surtout, nos perspectives de lutte en termes de santé publique, et non en les réduisant à des aspects de délinquance.
Vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, « la santé publique n'est pas l'ennemie de l'ordre public, elle est une condition incontournable de l'ordre public ».
Le débat que vous avez engagé devant le Sénat, et qui devrait se poursuivre, je le souhaite, le plus largement possible devant le pays, doit nous amener à prendre conscience des responsabilités que nous avons tous, à tous les niveaux, dans la lutte contre la toxicomanie.
Et si nous le voulions tous, quel que soit le niveau où se situe notre action, avec tous ceux qui détiennent une part de responsabilité, et si nous y mettions l'énergie et les moyens nécessaires, avec le sens de la solidarité qui doit nous animer, je suis sûr que nous pourrions faire reculer sensiblement le fléau de la drogue et de la toxicomanie. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Sérusclat.
M. Franck Sérusclat. Montant à la tribune, je me trouve dans la même situation qu'il y a dix jours : également dernier orateur inscrit, je ne disposais plus, ce soir-là, que de deux minutes.
M. le président. Vous disposez de douze minutes aujourd'hui, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. Franck Sérusclat. Mais le président de séance n'en a pas tenu grand compte, ce dont je le remercie encore, espérant pouvoir remercier de même le président de séance de ce soir. (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Marie Girault. Vous êtes optimiste !
M. Franck Sérusclat. Cela étant, je résumerai mon propos, car, en définitive, tout ou presque a été dit, tout et son contraire !
Les débats que nous avons eus avec vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous ont déjà permis de ménager entre nous une certaine proximité dans la façon d'aborder ces problèmes et de leur chercher des solutions. Toutefois, quelques différences subsistent encore. En effet, vous êtes tenu par une solidarité gouvernementale, dont je peux, moi, m'évader. Je peux donc aller un peu plus loin que les réflexions que vous avez formulées et les conclusions auxquelles vous êtes parvenu ce soir.
Le début de votre propos m'a inquiété, je dois l'avouer. Dans ce vaste panorama tout à la fois très riche, très fourni et très complet, pas un mot de la loi de 1970 !
Mais votre conclusion m'a rassuré, et conforté dans ma propre conception : un simple usager n'a pas sa place dans les prisons. (M. le secrétaire d'Etat acquiesce.) D'où la condamnation immédiate de la conception répressive du problème.
Deux choses m'ont frappé dans ce que j'ai pu entendre des uns et des autres.
A part notre collègue Gilbert Chabroux, personne n'a évoqué la totalité des produits, licites ou non, susceptibles d'être à l'origine de troubles de l'individu ou de la collectivité, comme si - option idéologique ! - on voulait effacer l'alcool, sans doute parce que, il y a longtemps, à l'origine des rites, l'Occident accepta l'alliance du vin et du sang, sacralisant le produit alcoolique, quand l'Orient fit l'inverse. N'est-ce-pas là une option idéologique, qui a masqué les risques réels et importants que les drogues recèlent ou plutôt les produits licites, que personne ici n'a évoqués, sinon Gilbert Chabroux ?
C'est pour moi tout à fait significatif, d'autant que, le silence fait sur les produits licites, on attaque les produits classés parmi les drogues illicites.
J'observe, à cet égard, que lorsque des scientifiques d'horizons très divers ont tendance à conclure que le cannabis, sur le plan de la physiotpathologie, particulièrement pour ce qui est de son influence sur la mémoire et l'intelligence, n'a presque pas d'effets, on refuse de les croire. S'ils soutenaient l'inverse, je suis persuadé qu'on les applaudiraient, parce qu'ils auraient alors conforté une certaine appréciation dominante.
J'espère que nous échapperons à la politique de l'autruche, comme le dirait mon collègue et ami Jack Lang, et que nous nous orienterons vers une législation plus rationnelle, plus humaniste et, surtout, vers une plus grande égalité devant la loi, celle qu'évoquait M. Chabroux tout à l'heure.
Qui n'a été frappé par les incidents provoqués hier, dans les rues de Marseille, par des hooligans qui, ivres de bières, ont tout saccagé ? Qui n'est frappé par ces rave-parties que vous avez évoquées, monsieur le secrétaire d'Etat ? On les considère comme relativement licites, alors que le fait de fumer du haschisch est puni !
Nous devons par conséquent prendre en compte toutes ces données.
C'est en 1845, je le rappelle, que l'on s'est engagé dans la répression : parmi les 72 produits reconnus dangereux, dont la morphine, la cocaïne, l'héroïne et l'arsenic, seul l'usage de ce dernier a été pénalisé. Lors de l'installation des fumeries d'opium, l'usage collectif a été pénalisé, puis en 1870, ce fut le tour de l'usage privé.
Il a fallu attendre 1994 - c'est le second point grave - pour que le trafic organisé soit sanctionné par 500 000 francs d'amende et par une peine de prison à perpétuité.
Par conséquent, la société a mis très longtemps à prendre en compte ce qui, pour moi, est le plus important, à savoir la mafia, l'existence d'organisations économiques, scientifiques, politiques, qui, perdant en ce domaine la conscience nécessaire à toute démarche scientifique, fabriquent des drogues, les développent et les vendent.
Tout à l'heure, M. Masson a très bien évoqué la pénétration de cette hydre à multiples têtes dans tous les rouages de la société. Nous pouvons ainsi nous demander si nous ne croisons pas parfois de grands scientifiques, qui semblent des hommes ordinaires alors qu'ils travaillent à fabriquer de l'ecstasy ou autre chose. De tels hommes se rencontrent partout aujourd'hui, en France comme au Brésil ou en Colombie.
La répression paraît à l'origine de cette situation. En effet, l'interdiction de ces produits laisse la voie libre aux fraudeurs de toute nature pour les vendre et les revendre.
Je crois que nous n'avons pas suffisamment insisté dans ce débat sur le rôle important de la mafia, qui, aujourd'hui, peut faire basculer le monde entier dans une décadence, d'ailleurs annoncée par Octavio Paz pour d'autres raisons.
Vous avez mentionné le chiffre de 400 milliards de francs, monsieur le secrétaire d'Etat, soit plus que l'industrie pharmaceutique. Il faut se demander quelles sont les raisons de cette situation.
Je crois que, si cette volonté de répression n'existait pas, on ne constaterait pas, en parallèle, cette pratique du trafic. Cela a été vrai dans d'autres domaines.
Aujourd'hui, il est nécessaire de repenser la classification sur laquelle nous vivons, sur laquelle j'ai vécu lors de ma formation d'étudiant en pharmacie et durant ma carrière de pharmacien, car elle n'est plus raisonnable. En effet, pensez, mes chers collègues, que la France a été le pays le plus retardataire pour l'usage médical de la morphine, car nous étions marqués - notre collègue Lucien Neuwirth me l'a confirmé - par l'idée que la morphine était une drogue visant à réduire la douleur. Or il faut enfanter dans la douleur, et il a fallu du temps pour faire admettre l'usage médical de la morphine.
Nous devons donc aujourd'hui, sans trop attendre, revoir la classification, et le comité consultatif d'éthique en a proposé une tout à fait logique et rationnelle, qui met à leur place les différents produits. Or cette classification n'attribue pas au cannabis le statut que nous lui accordons d'habitude. Certes, le cannabis peut provoquer des délires chez des individus très fragiles ; mais on n'a pas, jusqu'à présent, montré qu'il était plus dangereux que l'alcool ou que le tabac. Il l'est même bien moins dans la vie ordinaire d'un individu.
Je crois donc qu'il faut là aussi être attentif et examiner quelques situations un peu étonnantes. Ainsi, le tétrahydrocannabinol est classé parmi les psychotropes, alors que le cannabis est considéré comme un produit stupéfiant. Il y a peut-être quelques remarques à formuler, et je crois que le document qui vient d'être transmis par M. le secrétaire d'Etat et dont tous les orateurs ont parlé vient appuyer les propositions ou les réflexions du comité consultatif d'éthique.
Je crois donc qu'il convient non pas d'être audacieux, mais de tenir un raisonnement simple, humaniste, certes, mais surtout clair, car, aujourd'hui, notre attitude par rapport aux drogues, plus particulièrement par rapport au cannabis, est exactement celle qu'avaient, au temps de Louis XIV, les tenants du tabac et ceux qui le rejetaient.
Or, à mon avis, nous disposons maintenant de données suffisantes pour estimer que ceux qui utilisent ces produits que nous considérons comme toxiques et dangereux, et qui, dans une certaine mesure, sont effectivement dangereux, sont des citoyens dans une phase psychopathologique difficile. A aucun moment, il ne faut les considérer comme des délinquants, comme le fait la loi de 1970. Il ne s'agit pas de savoir si l'article L. 630 du code de la santé publique s'applique ou non ; la loi existe. Si elle n'est pas appliquée, c'est une raison supplémentaire pour la supprimer !
Je crois par conséquent qu'il ne faut pas traquer les fumeurs de cannabis plus qu'on ne traque, avant qu'ils provoquent un accident, les buveurs de bière : il faut non pas les laisser dans la clandestinité, mais tout simplement légaliser l'usage du cannabis, et dépénaliser les autres drogues pour qu'elles passent par le canal médical et par le canal pharmaceutique.
M. Hilaire Flandre. Remboursez-les, en plus !
M. Franck Sérusclat. Je sais que, disant cela, je provoquerai quelques réactions d'indignation, sous prétexte que cela aboutirait à tout laisser filer. Non, rien ne file ! On laisse tout simplement le cannabis à la disposition des consommateurs, comme cela fut fait, à d'autres époques, pour les cigarettes, et sous la garantie de l'Etat même, si nécessaire.
Il nous faut être beaucoup plus attentifs pour ce que l'on appelle les drogues dures, qui restent celles dont il faut se méfier le plus. Mais médecins et pharmaciens sont là. On accepte très bien la distribution et la prescription de médicaments que l'on sait dangereux. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs - et je vous rejoins là aussi, monsieur le secrétaire d'Etat - un monde sans drogue serait non seulement une illusion mais aussi une utopie dangereuse : tous les médicaments ou presque disparaîtraient !
Telle est la contribution que je voulais apporter à ce débat, lequel a été déjà très largement alimenté par les intervenants précédents, en particulier par mon collègue Gilbert Chabroux, qui a traité la totalité du sujet, me permettant d'exprimer rapidement mon avis favorable à la légalisation du cannabis et à la dépénalisation des autres drogues par le passage médico-pharmaceutique. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, répondre à l'ensemble des orateurs ne va pas être simple, mais je ne m'attendais pas à ce que cela le fût.
Tout d'abord, je tiens à remercier tous les intervenants d'avoir parlé franchement, calmement, avec sincérité, sans détours, ni invectives. Cela m'a fait plaisir. Je sais qu'il n'est pas dans les habitudes de la Haute Assemblée de manier l'invective ; mais, dans notre pays, la simple évocation du mot : « toxicomanie » ou du nom d'une drogue déchaîne souvent plus de préjugés et d'injures que de raisonnements. Si, dépassant le noble cadre de ce débat, nous voulions ensuite étendre nos échanges, c'est ce ton qu'il nous faudrait employer.
Le premier à avoir donné ce ton est le président de la commission des affaires sociales du Sénat, M. Jean-Pierre Fourcade. Selon lui, il faut aborder le problème de la toxicomanie de manière globale et traiter séparément les autres produits toxiques. Je ne puis être d'accord avec lui. Je suis responsable de la santé publique, et c'est en cette seule qualité que je m'adresse à vous.
M. Sérusclat a rappelé que, dans notre civilisation, différentes approches des drogues avaient prévalu au cours des millénaires : le colonialisme aidant, nous avons assimilé aussi bien les épices que le sel, le café ou le thé. Les drogues des autres sont devenues les nôtres, à l'exception du cannabis, pour des raisons que j'ignore. Je ne suis pas un partisan forcené du cannabis. Les autres drogues sont venues d'ailleurs, comme - je vous le rappelle - nos habitudes alimentaires. Je prendrai à cet égard l'exemple des frites : la patate a été importée d'Amérique et l'arachide, d'Afrique. Et ces produits sont devenus des symboles assez proches de nous.
J'aimerais dire - ce serait commode - qu'il y a les drogues licites et les drogues illicites. Tout d'abord, c'est ainsi que ces produits sont classés, comme M. Jean-Marie Girault et d'autres orateurs l'ont rappelé. Mais cela ne correspond pas à la réalité que le responsable temporaire de la santé publique que je suis et les techniciens, les professionnels que vous êtes souvent peuvent percevoir. Je veux bien que, pour des raisons qui ont été exposées - le vin, le sang, la sacralisation - nous ayons considéré le produit de la vigne comme un produit salutaire.
Personnellement, je ne porte aucun jugement sur le vin, et j'en bois ; mais sa consommation fait de terribles ravages ! Ainsi, j'ai encore devant les yeux l'image de ces imbéciles ivres de Marseille !
En termes de santé publique, j'ai aussi à l'esprit le chiffre de 60 000 morts. Et comment peut-on admettre les accidents qui se produisent sur les routes durant le week-end, accidents dont 40 % environ sont dus à l'alcool ? Si nous assimilons la virilité déployée - la voiture, le volant, les muscles - nous n'y comprenons plus rien, tellement la bêtise est grande, quand cela nous touche. Les accents sont alors différents, et je tiens à cet égard à remercier M. Jean-Marie Girault de nous avoir parlé comme il l'a fait. Ses propos relatant son expérience que je connaissais, m'ont bouleversé. Si nous échangions entre nous de la manière dont certains l'ont fait ici, la politique serait plus belle, même si, j'en conviens, il ne faut pas politiser le débat.
Sur ce point, je ne suis pas d'accord avec M. Fourcade, mais c'est la différence essentielle qui existe entre nous car, pour le reste, franchement, nous partons tout à fait des mêmes bases : de la sorte, lorsque M. Fourcade dit qu'il ne faut pas que l'association française de lutte contre le tabagisme fasse appel à M. Caballero, c'est sans doute une boutade et, ce qui compte, c'est que l'homme ait du talent pour dire la vérité. Or la vérité, c'est ce que nous voyons quand nous passons devant les lycées parisiens, où les jeunes commencent maintenant à fumer à onze ans. Moi, cela m'ennuie, cela me fait de la peine : j'ai un fils de douze ans ; que voulez-vous que je vous dise de plus ?
Il est vrai que le tabac met du temps pour se manifester. Vous avez tout à fait raison sur ce point, monsieur Jean-Marie Girault, et ce phénomène est d'ailleurs très bien décrit dans le rapport Roques sur la dangerosité immédiate du cannabis.
Au demeurant, je n'ai jamais dit que le cannabis ne faisait rien du tout : d'ailleurs, s'il ne faisait rien du tout, personne ne s'en servirait ! On recherche là un effet stuporeux, un effet de détachement par rapport au reste du monde qui est procuré tout de suite, bien entendu, et qui est passager, tandis qu'avec le tabac il faut du temps pour que se manifestent les effets les plus néfastes, c'est-à-dire le cancer du poumon, sans parler des autres effets sur les artères, sur la circulation, sur le système cardio-vasculaire.
Mais je suis d'accord avec vous : nous sommes habitués à nos drogues, à nos toxiques. Nous en avons non seulement l'usage, mais aussi, pardonnez-moi, un peu la fierté.
Je me souviens ainsi d'une discussion invraisemblable en Afghanistan, où j'étais avec Médecins sans frontière. Les drogues sont, là-bas, utilisées très souvent. Sont-elles illégales, sont-elles légales ? Quoi qu'il en soit, nous avons eu une discussion très violente - qui, en ces temps de guerre et de vrais dangers, prenait un tour très menaçant - avec un combattant afghan qui avait fait ses études à Paris et qui décrivait l'alcoolisme parisien dans le métro, dans la rue. J'étais très indigné et, comme la situation était tendue, nous avons failli nous étriper. Mais, quelque part, il avait raison !
Il y a, pour schématiser - pardonnez-moi d'être aussi faussement ethnologique - deux mondes : le monde musulman - que les musulmans me pardonnent ! - qui refuse l'alcool et qui ne comprend pas une seconde notre assuétude, notre dépendance, la manière donc nous sommes plongés dans ce marasme profond que représente l'alcool que nous trouvons, nous, normal, alors que nous ne comprenons pas, au sein de notre monde, qu'ils fument du haschisch. Le monde est divisé ainsi et, même si je pense que cela évoluera un peu, c'est ainsi.
Rappelons-nous cependant que, à une certaine époque, lorsque le café est arrivé en Europe, on buvait de la bière parce que c'était la boisson la moins chère. Dans les familles pauvres, on se contentait ainsi de bière, parfois avec un quignon de pain, parfois sans. On en a alors déduit que l'alcool était plutôt l'apanage du prolétariat - je vous renvoie à Gervaise, à Zola - le café étant, lui, utilisé par la bourgeoisie - par la bourgeoisie protestante - à qui cela procurait une sorte de sursaut : on travaillait, tandis qu'avec la bière les autres s'endormaient.
Le commerce de ces toxiques successifs et l'évolution de leurs conquêtes à travers le monde devraient être étudiés plus longuement à cet égard.
Ainsi, on a longtemps considéré le tabac comme le diable, et peut-être avait-on raison. Mais, ensuite, après que des taxes furent instituées sur le tabac - qui ont rapporté beaucoup d'argent - l'attitude a changé.
Sur le débat entre toxiques légaux et toxiques illégaux, je refuse de trancher : en termes de santé publique, et d'abord en raison de cette longue histoire que j'ai un peu caricaturée, les deux sont inséparables. Vous ne pouvez pas me demander de dire s'il vaut mieux mourir d'alcoolisme ou d'un cancer du poumon, à moi qui suis responsable de la santé publique ! Il faut donc condamner ces toxiques-là aussi. Si nous nous mettons d'accord entre nous sur ce point, l'essentiel sera fait, n'est-il pas vrai ?
Je passe très vite sur le reproche que l'on m'a fait en disant que je ferais du sanitaire seulement. On ne peut pas me reprocher, à moi qui suis en charge de la santé publique, de faire du sanitaire seulement, ou alors je n'ai plus aucune qualité pour parler devant vous !
La loi n'est pas appliquée, nous a dit M. Fourcade, donc gardons-la et appliquons-la. Non ! Je ne suis pas juriste, mais une loi qui n'est pas applicable, pardonnez-moi, je considère que cela ne sert à rien. Je ne suis d'ailleurs pas venu ici vous demander de changer la loi de 1970, je n'en ai pour le moment ni le mandat ni la qualité.
M. Fourcade nous a aussi assurés qu'il n'était pas bloqué, qu'il acceptait la formule : « Ni tabou ni préalable ». Faisons donc évoluer cette loi ensemble, c'est tout ce que je vous demande.
Au demeurant, je suis seulement venu vous proposer d'en débattre, afin que je puisse vous écouter.
Je vous ai écoutés, et j'ai beaucoup appris. Voilà d'ailleurs ce que l'on devrait faire à travers le pays, et les choses changeraient bien plus vite qu'elles n'ont changé en Suisse avec le référendum qui s'y est déroulé !
Cela étant, que M. Fourcade me pardonne, mais ce n'est pas ma faute si ont été publiés dans Le Monde d'aujourd'hui des extraits du rapport Roques. Cela fait presque un mois que j'avais ce document, je vous le réservais, mais il est vrai qu'il est exceptionnel que les documents ne « fuitent » pas ! Je vous demande cependant de ne pas vous fier uniquement à ce qui est paru dans Le Monde , et c'est pourquoi j'ai fait distribuer le document complet à chacun d'entre vous. Il est très intéressant, et tout ce que vous avez dit sur l'ecstasy ou sur le cannabis y figure. Ce n'est pas un document de caricature, c'est une étude sérieuse, sans idéologie. Reportez-vous y donc si vous en avez le temps. C'est un peu fastidieux, mais intéressant.
M. Fourcade nous a dit : « Que va-t-on retenir ? Que le cannabis n'est pas toxique. » Ce n'est pas vrai ! Si on lit l'article du Monde , on retiendra cela, mais le rapport Roques est un peu différent : « Le cannabis engendre des effets hédoniques. Il est donc susceptible d'induire une dépendance. Moins de 10 % de consommateurs excessifs deviennent dépendants au cannabis. Compte tenu de l'usage fréquent du cannabis dans la période d'âge correspondant à la fréquentation de l'école et de l'université, bien que cet usage semble ne pas conduire à des échecs scolaires, il est souhaitable que la population scolarisée soit informée de ses effets particuliers... »
Voilà une réponse à l'une de nos questions sur l'éducation ! Faites-moi l'amitié de penser que je ne suis pas un sectaire et lisez ce document : vous verrez qu'il répond presque parfaitement aux questions de M. Fourcade.
Il m'a été reproché de reléguer au second plan les propos du Premier ministre. Mais je ne me suis élevé ni contre les propos du Premier ministre ni contre ceux du Président de la République ! Le Premier ministre s'est déclaré non-partisan de la dépénalisation. Figurez-vous que moi non plus, je n'en suis pas partisan, je le dis clairement ! Je ne suis partisan que d'une réglementation, dont on définirait les attendus. Mais ce n'est pas pour demain ! Par ailleurs, j'ai accompagné le Président de la République à New York et j'en ai retenu les éléments que j'ai cités dans mon discours.
M. Fourcade nous propose d'évaluer les politiques de substitution. Il a mille fois raison ! Je m'y engage. Ce fut d'ailleurs, au cours des rencontres qui se sont déroulées au ministère de la santé, la première des demandes des associations. C'est ainsi que les programmes hospitaliers de recherches cliniques de 1997 et de 1998 vont entamer des comparaisons Subutex-méthadone, mais aussi l'évaluation des dispositifs des « points écoute-jeunes » par l'observatoire français des toxicomanies. Par ailleurs, la journée nationale de la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie, la MILT, permettra l'évaluation du sevrage et l'articulation des centres de soins et de la médecine de ville y sera analysée.
S'agissant de la MILT elle-même, nous évaluerons chacun des projets proposés. Par conséquent, je partage entièrement le sentiment de M. Fourcade sur ce point. Et, s'il veut qu'ensuite nous allions plus loin, bien sûr, nous le ferons.
En ce qui concerne la clarification des politiques de substitution, il faut savoir que celles-ci ne sont pas une fin en elles-mêmes - certainement pas ! - et je l'ai dit dans mon discours introductif : il s'agit simplement d'une main tendue, d'une prise en charge et, surtout, du véhicule de la réduction des risques. En termes de santé publique, c'est un progrès considérable !
Une autre question de M. Fourcade concerne la stratégie de lutte contre les nouvelles molécules. Non seulement je suis d'accord avec lui sur ce point, mais j'ai demandé qu'au sein des rave parties les associations qui travaillent dans ce domaine - tout à l'heure, j'ai parlé de Médecins du monde et de la Croix-Rouge - puissent juger la toxicité des produits employés et essayer de réduire les risques.
Toutefois, nous sommes très désarmés devant les nouvelles molécules de synthèse fabriquées dans nos propres laboratoires et je vous sais gré, monsieur Sérusclat, d'avoir dit que l'on rencontrait tous les jours des inventeurs dont les produits sont détournés. C'est évident ! C'est cela, la pharmacologie ! On peut aussi arrêter la recherche, mais cela aura d'autres conséquences.
Par conséquent, je fais miennes, bien entendu, les remarques de M. Fourcade. Et, si vous souhaitez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le débat se poursuive, je suis prêt à m'y soumettre, sans tabou ni préalable, afin de faire évoluer la loi.
Certes, le rapport Roques ne juge pas le cannabis de la même façon qu'il est jugé sur le terrain, dans les caves de nos HLM. Mais ce n'est pas un document de sociologue ou de militant, c'est un rapport scientifique sérieux. Ne lui demandez pas d'être ce qu'il ne prétend pas être !
Telles sont, trop brièvement résumées, bien sûr, les réponses que je souhaitais apporter à M. Fourcade.
A Mme Borvo, je répondrai que le rapport Roques, dont je lui conseille une lecture attentive, évoque tous les sujets qu'elle a traités : risques aigus, troubles de l'apprentissage, troubles mnésiques de l'usage du cannabis, tout cela est mentionné, ainsi que les dangers de l'ecstasy. Le rapport de l'INSERM, qui est sorti aujourd'hui, est sans doute plus complet, c'est tout à fait vrai, mais je ne l'ai eu que ce matin ou hier, et je ne l'ai pas encore lu.
Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas de dire qu'il y a des drogues sans risques, il s'agit de dire le droit.
Le rapport Roques fait aussi le bilan des recherches en matière de traitement. Il évoque les problèmes posés par les drogues, et les limites des différentes compétences.
Madame Borvo, vous dites que le chômage et l'absence de perspectives d'avenir frappent particulièrement les jeunes dans nos banlieues ou dans les quartiers difficiles. Ce n'est pas moi qui vous dirai le contraire !
Vous décrivez les paysans pauvres qui, dans les pays pauvres, sont désarmés face aux substitutions de cultures qu'on leur propose. J'en suis tout à fait conscient ! J'ai été président de la commission du développement du Parlement européen, instance qui dépensait beaucoup d'argent pour ces cultures de substitution. Mais on sait bien que c'est un échec pour le moment ! Je ne dis pas qu'il ne faut pas poursuivre dans cette voie, mais, lorsque les produits que l'on propose de planter rapportent dix fois moins que ceux qui sont récoltés d'habitude, comment voulez-vous que les paysans suivent une telle consigne ? Je suis, certes, partisan que l'on plante des tomates à la place de la coca - je caricature, pardonnez-moi - mais cela ne me paraît pas très productif.
Vous avez raison, à ce sujet, de citer le chiffre de 400 milliards de dollars.
Quant à la coresponsabilité entre les pays, j'y suis favorable.
Vous avez parlé de l'implantation de la boutique de la rue Beaurepaire. J'ai nommé un médiateur à la demande du maire du Xe arrondissement, M. Tony Dreyfus. Mais, la lutte contre la toxicomanie, c'est la prise en charge de tous ! Il faut, bien sûr, prévenir les riverains, car nous savons quelles sont les réactions lorsque des boutiques s'installent. Les habitants doivent être informés, encore informés, et encore informés. Cela étant, depuis que des associations ont été constituées autour de la rue Beaurepaire et depuis que M. Pissaro a été nommé médiateur, j'espère que les choses vont un peu mieux. Mais, en disant cela, je ne suis pas très sûr de moi !
Quoi qu'il en soit, on ne peut pas prendre en charge les usagers de drogue sans disposer de locaux où ils peuvent se rencontrer et rencontrer des gens qui les prennent en charge. Lorsqu'ils tendent la main, il faut qu'il y ait des structures, des boutiques ou des points d'écoute pour les aider !
Vous avez dit que vous étiez d'accord avec le Premier ministre sur la dépénalisation. Avec Mme Marie-George Buffet, qui est chargée de la jeunese et des sports, et avec Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, nous nous efforçons de travailler dans une sorte de multidisciplinarité pour trouver des alternatives à l'incarcération.
Certes, le Gouvernement n'est pas unanime sur tout, que ce soit sur ce sujet bien difficile ou sur d'autres, et notre technique de fonctionnement s'appuie sur la sincérité. Ainsi, lorsque le Premier ministre parle, nous appliquons sa politique.
Pour le moment, nous évoquons le sujet de la toxicomanie avec des sensibilités différentes, car il s'agit d'un sujet douloureux où personne n'est sûr de lui-même. S'agissant du dopage, par exemple, je n'étais pas d'accord avec Mme Marie-George Buffet. Je le lui ai dit sincèrement, et nous nous sommes expliqués.
Il y a ainsi dans le Gouvernement, c'est vrai, des voix discordantes qui se font entendre sur ce sujet, comme c'est le cas au sein de la majorité du Sénat et de l'opposition de l'Assemblée nationale. C'est normal, et c'est bien naturel : qui est sûr de soi ? Ainsi, l'approche libérale de M. Madelin ne correspond sans doute en rien aux autres approches... Il faut donc débattre.
Nous travaillons donc de façon pluridisciplinaire à la prévention.
Mme Borvo a attiré mon attention sur la bière et sur les débordements odieux qui se sont produits à Marseille - j'espère qu'ils ne se reproduiront pas à Toulouse lundi prochain.
Loin de vouloir polémiquer, je rappellerai simplement que, lors de notre arrivée au Gouvernement, la Coupe du monde était notamment sponsorisée par une marque de bière et que cela n'avait l'air de choquer personne. Moi, cela m'a choqué, tout comme cela a choqué Marie-George Buffet.
Pour ma part, je me devais de veiller à l'application de la loi Evin ; quant à Marie-George Buffet, elle avait en charge l'organisation de la Coupe du monde. Nous avons fait des pieds et des mains pour que cette marque de bière fameuse, qui avait été acceptée par le gouvernement précédent - je ne lui jette pas la pierre - ne fasse plus partie des sponsors.
Imaginez ce qui se serait passé après les incidents de Marseille ! On aurait dit qu'ils avaient bu de cette bière-là !
M. Hilaire Flandre. Cela n'a rien empêché !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Malheureusement non. Mais que n'aurait-on entendu si l'on avait fait de la publicité pour cette marque de bière !
M. Hilaire Flandre. Il n'y aurait pas eu plus de casse !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. C'eût été, en tout cas, symboliquement plus grave.
M. Hilaire Flandre. C'est symbolique, c'est vrai !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Face aux nouvelles substances, je suis, comme vous, relativement désarmé, madame Borvo. Il faut, comme je l'ai dit à Metz, en intervenant devant l'ANIT, parler de la précarité et de la marginalisation.
Il est important que la loi relative à la lutte contre les exclusions aille dans ce sens ; mais, sur le fond, l'important, pour l'usage simple, vous l'avez dit, c'est l'alternative à l'incarcération.
J'ai apprécié, monsieur Masson, vous connaissant, votre ton et l'élégance de votre discours.
Vous avez d'abord parlé de « silence gouvernemental » sur le sujet. On ne peut pas parler de silence, même s'il est vrai que nous n'avons pas fait de bruit autour de nos débats.
Le plan triennal de l'AMILT a été discuté. Il n'est pas encore mis en oeuvre, c'est vrai, mais vous vous apercevrez bientôt que cette mission est remise en marche.
Je le dis avec franchise, il y avait un manque de stratégie globale. Dès lors, comment vouliez-vous que les divers départements ministériels chargés de la législation, de la répression, de la main tendue, de la santé, du sport, etc., marchent l'amble ?
Nous avons pourtant demandé 75 millions de francs pour les nouveaux projets, qui étaient, eux, ciblés sur la prévention et sur la jeunesse. Ils se déploieront dans quelques semaines, je l'espère, et le plan triennal sera connu.
Mais il est vrai qu'il n'y a pas eu de prise de position sur ce sujet, notamment dans la déclaration du Premier ministre devant l'Assemblée nationale, et que nous n'étions donc pas tenus par ses propos.
Vous avez dit que la réduction des risques était nécessaire et que la population en son entier devait pouvoir participer à un débat national. J'y suis tout à fait favorable.
La majorité plurielle a-t-elle une politique globale ? Pour ce qui est de la prise en charge des toxicomanes et de la réduction des risques, oui, je l'ai dit ! Nous le manifesterons, et nous l'avons déjà fait.
Il y a eu également cette réunion, inédite dans notre pays, de tous les intervenants en toxicomanie, qui, jusque-là, n'étaient en rien d'accord, puisqu'il y avait, on le sait, l'abord psychiatrique, l'abord psychanalytique, l'abord sociologique, etc. L'habitude avait notamment été prise, avec l'ANIT d'ailleurs, de psychiatriser, la toxicomanie, ce qui, après tout, ne s'impose pas - cela n'a pas été fait dans les autres pays.
Nous avons donc réuni tous ces intervenants, et il en est résulté des recommandations fortes. Il faut maintenant les mettre en application, et ce n'est pas commode : les places de méthadone ont été multipliées ; il faut encadrer la délivrance du Subutex, etc. Je crois d'ailleurs savoir que l'on vous a envoyé le compte rendu de ces rencontres.
Voilà pour la réduction des risques.
Pour le reste, c'est vrai, il n'y a pas eu assez débat. Ce débat, nous l'entamons maintenant avec vous.
Vous avez cité les propos de Mme Royal, de Mme Buffet, de M. Chevènement. Soit ! Avons-nous des certitudes ? Non ! Pouvons-nous construire ces certitudes avec vous ? Oui !
La certitude, c'est qu'il faut certainement changer notre attitude face à la toxicomanie, d'abord pour réduire les risques, ensuite pour comprendre, puis peut-être pour évoluer avec notre temps.
Ce dont je suis persuadé, c'est que, face aux toxiques chimiques, qui sont maintenant le quotidien, qui sont fabriqués dans nos pays, nous sommes désarmés. Il faut agir d'urgence. Des propositions ont d'ailleurs été faites.
Vous avez évoqué les politiques répressives de la Suède et de l'Espagne. Pour avoir été longtemps, au Parlement européen, en charge de ces questions, je peux vous dire que les deux pays les plus répressifs sont la Suède, effectivement, et la France, et non pas du tout l'Espagne. On a dit de l'Espagne, à la suite de la Movida, période de laxisme formidable, qu'elle était revenue en arrière. Mais non ! Il n'y a ni en Espagne ni en Italie la politique répressive que l'on connaît en France.
On nous dit qu'il s'agit d'une civilisation judéo-chrétienne. L'Espagne et l'Italie me paraissent au moins aussi proches du pape que nous ! Eh bien, en Espagne, la prise en charge est beaucoup plus souple et il n'y a jamais d'arrestation pour usage personnel. L'Espagne n'est donc pas revenue en arrière.
Comme ministre de la santé, j'ai, voilà quelques années, fait le tour des pays européens. C'est en Espagne, en particulier à Barcelone et à Madrid, que j'ai appris le plus sur les prises en charge de la méthadone.
Avec la Suède, qui a été très libérale et qui est revenue en arrière, c'est vrai, c'est nous qui sommes les plus répressifs.
Je ne reprends pas le débat sur l'article L. 630 du code de la santé publique. Je l'ai déjà largement abordé dans mon propos liminaire.
Vous demandez à quoi il sert s'il ne met pas en prison ? S'il ne sert qu'à brandir une espèce d'épouvantail, je m'interroge sur son adaptation, voire sa disparition, face aux exigences de l'information vis-à-vis de notre jeunesse, par exemple.
Je l'ai dit, nous souscrivons tous aux déclarations qui ont été faites à New York sur la nécessaire répression internationale du trafic. Simplement, ce sont de grandes déclarations.
Déclarer la guerre au trafic, les Etats-Unis l'ont fait avec une véritable armée, de vrais soldats entraînés, de vrais hélicoptères « noirs ». Or, cela n'a pas marché, alors qu'ils ont pourtant d'autres moyens que nous ! La guerre déclarée à la Colombie n'a pas fait régresser ou chuter la consommation. Et elle l'a développée au Pérou.
Tout cela, nous l'avions entendu à New York, du président Banzer, en particulier. Je ne sais donc pas s'il faut poursuivre dans ce sens.
Je suis d'accord avec vous sur les causes, monsieur Masson : il y a plus qu'un malaise, plus qu'un problème familial ; il y a cette espèce de mondialisation, de perte de soi-même, cette espèce de quête d'une autre identité de notre jeunesse.
Mais ce n'est qu'une explication partielle, encore une fois, car ; si l'on ne parle pas du plaisir, on ne parle de rien. J'ai beaucoup cité Mgr Rouet, à ce propos.
Coïncidence : avant ce débat, j'ai relu Les Paradis artificiels ! Baudelaire - le saviez-vous ? - comparait l'alcool et le haschich, en grande défaveur du haschich. Il était partisan, lui, de la sublimation de l'alcool : c'est l'alcool qui donnait du tonus, de la nervosité, de la poésie et de la pensée. Les façons de voir changent - n'est-il pas vrai ? - car on ne pourrait pas dire la même chose aujourd'hui !
Il ne faut pas lever l'interdit, avez-vous dit, monsieur Masson. Moi, je ne sais pas s'il faut le lever ou non. Ce que je sais - c'est ma seule petite certitude - c'est qu'il est plus raisonnable de réglementer ce qui est moins nocif comme on réglemente ce qui l'est plus.
Comme on a réglementé l'alcool dans notre pays, puisqu'on a assimilé cette consommation, il conviendrait donc de réglementer, pour des raisons de santé publique et de sécurité publique, la consommation du cannabis.
Je rejoins entièrement ce que vous avez dit, avec d'autres, à propos de l'éducation, faisant valoir que l'école était le lieu où il fallait développer les programmes éducatifs. Ce débat, il faudra l'avoir avec M. Allègre ou Mme Ségolène Royal, étant simplement précisé que les programmes scolaires sont déjà très chargés.
Non, je n'ai pas oublié la MILT. Je l'ai d'ailleurs citée dans mon discours à propos de M. Parquet. Mais je reconnais que ce n'était pas le lieu où je voyais se dessiner, par le passé, une politique nouvelle. J'espère que ce sera vrai demain. Le statu quo n'est plus de mise.
Vous avez évoqué, à la fin de votre intervention, un référendum « à la suisse ». Pourquoi pas ? C'est à partir du débat qui a eu lieu dans cette enceinte qu'il faudra peut-être proposer ailleurs de réglementer autrement !
Monsieur Lorrain, je partage pratiquement tous les sentiments qui ont animé votre intervention. Vous avez dit que les positions étaient trop souvent idéologiques. Bien sûr, elles ont été majoritairement idéologiques, et elle le sontencore, en ce sens qu'elles n'ont pas grand-chose à voir avec les faits.
Vous avez salué les progrès accomplis en matière de substitution. Je suis entièrement d'accord pour encadrer la délivrance du Subutex, qui sera prescrit pour sept jours dans les pharmacies.
Mais ce n'est pas suffisant. J'ai proposé aussi la constitution d'un dossier pour chaque malade.
S'agissant de la dépendance réglementée, l'expression semble avoir recueilli un vaste accord.
Vous parlez d'une réponse aux besoins de convivialité. Nous en revenons au plaisir, à l'approche du groupe, à l'identification de soi-même. Je partage entièrement cette approche. Elle est certes parcellaire, car il y a aussi les droits de l'homme, je l'ai dit, mais elle est importante.
Je suis d'accord avec vous : il n'y a pas assez de projets qui visent les familles. On ne leur accorde pas assez de soutien. Celles qui se trouvent dans un état de délabrement et d'incertitude manquent de l'information la plus élémentaire. Vous l'avez dit avec force, monsieur Jean-Marie Girault, en évoquant votre expérience. Mais vous, vous étiez armé pour résister. Certains, au contraire, sont dans un désarroi profond. Dans la MILT et ailleurs, nous devrons développer des projets en direction des familles, instituer des groupes qui se retrouvent, qui parlent de leur expérience, qui échangent des informations.
Vous avez parlé d'autres techniques telles que la relaxation. Pourquoi pas ?
« Evolution » est un mot qui est constamment revenu. C'est tout à fait évident. Vous avez parlé de MILT sans tête. Attendons !
Un mot seulement sur la prescription d'héroïne. Vous savez qu'un certain nombre d'expériences à travers le monde prennent en charge, par le biais de distributions médicalisées d'héroïne, ceux qui ont dépassé le stade de la substitution, qui ne sont pas pris en charge suffisamment, qui deviennent souvent violents autour des sites de substitution. La Grande-Bretagne a commencé un programme ; la Suisse, les Pays-Bas l'avaient fait ; l'Allemagne se dispose à le faire.
J'ai reçu quatre demandes hospitalières très sérieuses de prise en charge de distribution médicalisée d'héroïne. J'attends d'abord de savoir comment le suivi et l'évaluation pourront être faits, quel sera le groupe, quel sera le lieu, si un certain nombre de médecins, de techniciens de la prise en charge le souhaitent et si l'on m'autorise à le faire.
Je suis tout à fait prêt, fort des expériences suisse et anglaise et de leurs expertises - parce qu'il y a une expertise internationale - à m'engager dans cette voie.
On pourrait donc prendre les mêmes groupes d'experts - cela porte sur quelques dizaines de personnes au début - et, éventuellement, faire cette distribution médicalisée.
Vous avez parlé des programmes au sein des prisons. Vous avez mille fois raison, ce n'est pas assez développé. Vous savez qu'il y a des tabous : la sexualité en prison, la drogue en prison... Il faudra en reparler.
Monsieur Darniche, c'était bien de commencer en citant Gainsbourg. Mais Gainsbourg n'a pas tenu que des propos répressifs sur le sujet, c'est le moins qu'on puisse dire !
Vous avez parlé de la toxicomanie qui dépassait maintenant les cités et touchait les communes rurales. C'est vrai, mais comment pourrait-il en être autrement ?
Vous avez cité le nombre très élevé de suicides dans notre pays. La France, premier consommateur au monde de psychotropes et d'antidépresseurs, détient également le record du monde de suicides. Il y a là comme une pathologie des villes, ou une pathologie de la jeunesse française, l'expression d'une angoisse, une dérive qui tient à l'absence de perspectives, liée au chômage, bien entendu, et à bien d'autres choses.
Nous nous interrogeons, mais nous sommes assez désarmés. J'ai demandé - j'ai même fait effectuer un chiffrage, ce qui est tout à fait osé, voire un peu prétentieux - que, dans un an, en aidant beaucoup les associations, le taux de suicides soit réduit de 10 %. Je vais proposé à cet effet une prise en charge hospitalière et un suivi psychiatrique. Actuellement, à l'hôpital, il n'y a pas de psychiatre pour accueillir le désespéré ; à sa sortie, il ne bénéficie d'aucun suivi psychiatrique.
L'article 37 du projet de loi d'orientation de lutte contre les exclusions, auquel vous avez fait allusion, et je vous en remercie, permettra une prise en charge plus importante.
A propos de l'ONU, je vous rappelle également, monsieur Darniche, que près de la moitié des pays de la planète prohibe l'alcool. Nous ne sommes pas dans la même civilisation. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Ce n'est pas pareil ! Est-ce mieux d'utiliser des drogues différentes ?
Je vous rappelle que l'opium a été importé en Chine. C'est à travers le commerce entre l'Inde et la Chine, par l'intermédiaire des Anglais, que l'opium est arrivé en Chine. Tout s'assimile à toute allure !
Un plan de lutte contre les toxicomanies ? Oui, il faut l'élaborer et le proposer très rapidement, avec l'aide de la MILT. Je l'ai dit, ce sera un plan triennal.
Monsieur Jean-Marie Girault, j'ai été très ému par la façon dont vous vous êtes adressé à nous, notamment, puisque nous nous connaissons un peu, à moi. Je vous remercie de l'avoir fait avec cette sincérité. C'est vrai qu'une telle expérience, une expérience si intime, est toujours indicible. Lorsque cela nous touche et, par grand malheur, produit ses effets dans notre famille, on change, on ne s'intéresse plus qu'à aimer et à protéger l'être que l'on aime.
Vous ne souhaitez pas la politisation de ce sujet. J'ai de la politique une définition assez élevée, et je crois, moi, qu'elle se grandit de s'intéresser à ces problèmes, que c'est même la noblesse de la politique que de le faire, à condition que ce ne soit pas au sens politicien du terme.
Je reconnais qu'il y a là des jeux successifs, entre majorité et opposition, qui ne sont peut-être pas bons à propos d'un tel sujet. Mais je crois que nous pourrions tomber d'accord sur la définition de politiques insistant sur la proximité, la main tendue, la santé publique, l'ouverture de son coeur.
Oui, j'ai beaucoup appris. J'ai vu que votre initiative, dix ans après, n'était toujours pas suivie d'effets. Je sais que d'autres dispositions ont été prises, d'autres propositions ont été faites. Surtout, ce qui devait déboucher sur la recherche nécessaire sur les toxiques et sur la manière de faire face à leurs effets n'a pas vu le jour. Là encore, une des conclusions essentielles du rapport Roques, qui n'est pas du tout soulignée dans le journal que vous avez lu, consiste à dire que la recherche dans notre pays est balbutiante. Il faut la développer dans toutes les directions et sur tous les toxiques.
Je vous renvoie à une conclusion qui figure à la page 191 de ce rapport, où il est notamment écrit que l'agence européenne et les agences nationales comprendraient un certain nombre de missions scientifiques, que leurs missions seraient de mettre en place des programmes d'études...
La AILT devrait également se doter - vous faisiez allusion au système que vous proposiez - d'un conseil scientifique.
Surtout, j'ai retenu le mot que vous avez employé le plus souvent peut-être. Vous vous êtes intéressé non pas à la punition, et pour cause, mais à l'humanité, et je vous en remercie beaucoup.
Monsieur Chabroux, votre exposé a été extraordinairement dense.
Oui, tout le monde est d'accord pour déclarer la guerre à la drogue.
Savez-vous que le premier pays producteur de cannabis est celui qui le traque le plus, c'est-à-dire les Etats-Unis ? Voilà qui est assez contradictoire ! Certes, les Etats-Unis ont fait la guerre aux drogues dures, aux substances potentiellement les plus dangereuses. Or c'est chez eux qu'elles poussent ! Cela ne doit donc pas marcher fort. Vous avez dit qu'on pouvait rêver. Très bien !
S'agissant de faire échec aux préjugés, je partage votre sentiment.
La loi de 1970 est obsolète, avez-vous dit. La question de son évolution devra être posée quand le débat aura eu lieu. Je ne peux pas aller plus loin car ma préoccuption est de faire reconnaître qu'un débat est nécessaire en termes de santé publique et de réduction des risques. Si on arrive à instaurer ce débat, j'aurai fait mon boulot.
Le tabac - vous avez cité l'énormité des chiffres - plus les 3,5 millions de personnes alcooliques dépendantes, cela représente quand même pour notre pays un poids considérable, et je ne parle même pas du poids économique !
Et que dire des crimes qui sont commis sous la dépendances de l'alcool, ainsi que vous l'avez relevé ? Près de 80 % des rixes et des bagarres dans notre pays ont lieu sous l'emprise de l'alcool. Chaque jour, devant les tribunaux français, on fait le procès de cette drogue licite.
Pour notre part, nous voulons, effectivement, diminuer de 10 % la consommation de neuroleptiques. Vous avez parlé de 18 millions de boîtes par mois. C'est en effet le chiffre pour les psychotropes.
Nous avons donc demandé - cela a fait l'objet d'une communication au conseil des ministres de Martine Aubry et de moi-même - une diminution de 10 % de la consommation des neuroleptiques. Cette action sera conduite au travers du Comité économique du médicament - il s'agit d'un dispositif que vous connaissez. Mais notre volonté est d'y parvenir. Ce sont des questions qui se posent à notre société.
Pour ce qui est des fumeurs occasionnels de cannabis, vous avez cité le chiffre de 5 millions. J'ignore s'il est exact. L'observatoire a fait allusion à 7 millions. En tout cas, c'est énorme ! S'agissant des consommateurs réguliers, c'est beaucoup plus que 250 000 ; c'est plutôt 2 millions, me semble-t-il.
Vous avez évoqué les circulaires Pelletier et Badinter, remises en cause par M. Chalandon. Je veux bien que l'on ne politise pas, monsieur Jean-Marie Girault, mais il s'agissait là d'attitudes qui n'étaient pas les mêmes.
Vous avez dit que les sanctions variaient selon les procureurs. C'est exact ! Comment une loi comme celle-là continuerait-elle à être acceptée comme un régulateur si les peines varient selon les régions ? Il est vrai qu'elle n'est pas très appliquée, mais, lorsqu'elle l'est, les peines proposées sont très différentes.
En ce qui concerne le rapport Henrion, je partage votre sentiment, car on trouve des éléments excellents dans ce rapport.
Toutes les mesures que vous proposez sont très bonnes.
Pour ce qui est de l'école, j'y ai fait un peu allusion tout à l'heure ; mais c'est à M. Allègre de répondre.
Débattre de la toxicomanie à l'école n'est pas facile. Vous suggérez qu'un certain nombre de spécialistes, dont des policiers - c'est déjà fait d'ailleurs - se rendent dans les écoles pour informer les élèves.
Vous préconisez une participation beaucoup plus forte des médecins scolaires. Vous avez tout à fait raison, mais vous savez dans quel état se trouve la médecine scolaire. Il convient certainement d'augmenter ses moyens, d'accroître le nombre des médecins, des infirmières et des infirmiers. Je partage entièrement votre sentiment.
Quant au code de l'éducation, il ne relève pas de ma responsabilité ; je transmettrai, comme on dit pour ne pas répondre, à mon collègue du Gouvernement concerné.
Vous avez évoqué les « points écoute-jeunes », la politique de la ville, la réduction des risques. C'est évident, mais que de tâches...
Vous nous proposez là un programme qui, s'il n'avait pas été partiellement exploré par la MILT et par moi-même, devrait être pris entièrement au pied de la lettre, tel que vous le proposez, et je vous en remercie beaucoup.
Vous avez évoqué les prisons. J'approuve entièrement votre programme. En matière de réduction des risques et de santé publique, vous avez défini, avec certains de vos collègues, le programme que nous devrions appliquer. Vous dire que je m'y engage serait peut-être imprudent. Je m'engage à essayer...
Monsieur Sérusclat, vous m'avez dit que, jusqu'à ce que j'aie prononcé la phrase : « On ne devrait pas mettre en prison un simple consommateur », vous doutiez de mon engagement. Moi, je me place, je le répète, dans la perspective que j'ai tracée dans mon petit discours devant les associations de lutte contre la toxicomanie, que j'avais réunies au ministère. Je me place non pas sur le plan de l'idéologie, d'un combat qui ne se situerait pas sur les valeurs, mais sur le plan de la politique de santé publique et sur celui de l'évolution nécessaire de notre réglementation.
Je pense que le problème des jeunes - et des moins jeunes d'ailleurs, car la jeunesse n'est pas la seule concernée - face à la toxicomanie est très symbolique de ce que l'on ne leur propose pas, de l'aventure qui n'existe plus, des risques déviés et, d'une certaine manière, de l'absence d'idéal, de l'absence de travail et des difficultés beaucoup plus grandes qu'ils rencontrent.
Dans ce domaine, les personnes qui connaissent les plus grandes difficultés, les personnes les plus pauvres, doivent être mieux prises en charge, surtout en matière de santé publique. Telle est ma position.
Si, au-delà, je me rends compte qu'il nous faut avancer davantage, je le ferai volontiers avec vous, d'autant que j'y suis naturellement enclin. Mais, pour le moment, je me cantonne à ma mission, qui consiste à veiller à la santé publique.
Je recherche, avec Mme Guigou, avec Mme Buffet et avec d'autres, une alternative à l'incarcération. Vous pouvez être sûr de ma détermination.
Monsieur Sérusclat, je partage votre point de vue sur les produits toxiques importés. J'ai participé au Parlement européen à un débat sur le cannabis. J'ai constaté à cette occasion qu'il était plus facile pour nous de stigmatiser sur ce sujet la Hollande que le Maroc. J'avais demandé à mes collègues Européens quelle serait leur réaction si les Marocains leur demandaient d'arracher leurs pieds de vigne, comme nous leur demandons d'arracher leurs plants de cannabis. Ce serait aussi mal compris ! Alors, il nous faudra composer...
Je suis heureux que vous ayez parlé de la lutte contre la douleur et de la façon dont la morphine a été appréhendée dans notre société. Comme il y a toujours une méfiance par rapport au plaisir, nous n'avons pas lutté contre la douleur, en particulier parce que la morphine conduisait théoriquement à un état proche du plaisir. Cependant, comme elle soulageait aussi, nous l'avons employée, mais avec un retard considérable. Vous avez eu tout à fait raison de citer cet exemple !
Café, vin, bière, cannabis. J'en termine en utilisant un mot, le dernier, je crois, qu'a prononcé M. le sénateur Sérusclat : réglementer.
Il y a eu l'Agence française de l'opium, il y a eu, dans les années précédentes, des tas de démarches qui ont changé, avorté, disparu au fil du temps. Je crois que la réglementation est le maître mot et qu'il faudrait « disposer » différemment pour qu'il y ait moins de dangers et moins de dégats provoqués par tous les toxiques.
Je vous remercie d'avoir abordé tous avec passion, avec ténacité et obstination, de surcroît à une heure avancée, un débat qui n'était pas simple.
Je ne l'appréhendais pas, mais je ne pensais pas, je vous le dis très sincèrement, que vous seriez, s'agissant de notre réglementation, plus décidés que je ne le suis moi-même. C'est donc vous qui l'aurez dit ; pour ma part, j'aurai parlé de santé publique. Mais je suis tout disposé à poursuivre avec vous, dont j'ai écouté avec profit les interventions, le nécessaire échange qui fait du bien à notre pays, dans le respect que je dois à vos opinions. (Applaudissements.)
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 499 et distribuée.

9

TRANSMISSION
D'UN PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi constitutionnelle adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Nouvelle-Calédonie.
Le projet de loi constitutionnelle sera imprimé sous le n° 497, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la partie législative du livre VI (nouveau) du code rural.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 498, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan.

11

DÉPÔT DE PROPOSITIONS
D'ACTE COMMUNAUTAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Lettre de la Commission européenne du 17 mars 1998 relative à une demande de dérogation présentée par le Portugal en application de l'article 27 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1099 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de règlement du Conseil instituant un régime communautaire de contrôle des exportations de biens et technologies à double usage.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1100 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 97/256/CE afin d'étendre la garantie accordée par la Communauté à la Banque européenne d'investissements pour les prêts en faveur de projets en Bosnie-Herzégovine.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1101 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 92/79/CEE concernant le rapprochement des taxes frappant les cigarettes, la directive 92/80/CEE concernant le rapprochement des taxes frappant les tabacs manufacturés autres que les cigarettes, et la directive 95/59/CE concernant les impôts autres que les taxes sur le chiffre d'affaires frappant la consommation des tabacs manufacturés. Rapport de la Commission sur la structure et les taux des droits d'accises fixés par la directive 92/79/CEE.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1102 et distribuée.
J'ai reçu de M. le Premier ministre la proposition d'acte communautaire suivante, soumise au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de certains protocoles additionnels aux accords sur la libéralisation des échanges et aux accords européens conclus avec la République de Lettonie et la République de Lituanie.
Cette proposition d'acte communautaire sera imprimée sous le n° E-1103 et distribuée.

12

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 17 juin 1998, à quinze heures :
Discussion du projet de loi (n° 434, 1997-1998) relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure pénale.
Rapport (n° 486, 1997-1998) de M. Pierre Fauchon, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Aucun amendement à ce projet de loi n'est plus recevable.

Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au Conseil supérieur de la magistrature (n° 476, 1997-1998) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 22 juin 1998, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 22 juin 1998, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, instituant une commission consultative du secret de la défense nationale (n° 487, 1997-1998) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 24 juin 1998, à dix-sept heures.
Débat consécutif à une déclaration du Gouvernement d'orientation budgétaire :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 24 juin 1998, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 17 juin 1998, à une heure.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du mardi 16 juin 1998


SCRUTIN (n° 107)



sur l'amendement n° 109, présenté par M. Bernard Seillier au nom de la commission des affaires sociales, tendant à supprimer l'article 80 ter du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions (comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions).

Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 315
Pour : 218
Contre : 97

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Contre : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 17.
Contre : 6. _ MM. François Abadie, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Mme Joëlle Dusseau et M. Robert_Paul Vigouroux.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (93) :

Pour : 93.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Contre : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Pour : 56.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :

Pour : 43.
Abstentions : 2. _ MM. Jean-Paul Bataille et Jacques Larché.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 9.

Ont voté pour


Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Henri Belcour
Claude Belot
Georges Berchet
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Jean-Paul Delevoye
Jacques Delong
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Charles Descours
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Hubert Falco
Pierre Fauchon
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
André Gaspard
Philippe de Gaulle
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Alain Lambert
Lucien Lanier
Gérard Larcher
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Kléber Malécot
André Maman
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Paul Masson
Serge Mathieu
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Daniel Millaud
Louis Moinard
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Charles Pasqua
Lylian Payet
Michel Pelchat
Jean Pépin
Alain Peyrefitte
Bernard Plasait
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Jean Puech
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Jean-Marie Rausch
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Michel Rufin
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy


Basile Tui
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
Xavier de Villepin
Serge Vinçon

Ont voté contre


François Abadie
Guy Allouche
Bernard Angels
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marcel Bony
Nicole Borvo
André Boyer
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
William Chervy
Yvon Collin
Raymond Courrière
Roland Courteau
Marcel Debarge
Bertrand Delanoë
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Jean Derian
Dinah Derycke
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
Michel Dreyfus-Schmidt
Michel Duffour
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Claude Estier
Léon Fatous
Guy Fischer
Aubert Garcia
Claude Haut
Roger Hesling
Roland Huguet
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Dominique Larifla
Pierre Lefebvre
Guy Lèguevaques
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Michel Manet
Marc Massion
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Louis Minetti
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Robert Pagès
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Roger Quilliot
Jack Ralite
Paul Raoult
René Régnault
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Claude Saunier
Michel Sergent


Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Fernand Tardy
Odette Terrade
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Henri Weber

Abstentions


MM. Jean-Paul Bataille et Jacques Larché.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.

SCRUTIN (n° 108)



sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation relatif à la lutte contre les exclusions.


Nombre de votants : 316
Nombre de suffrages exprimés : 296
Pour : 294
Contre : 2

Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN


GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (16) :
Abstentions : 16.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (93) :

Pour : 89.
Contre : 2. _ MM. Charles Ceccaldi-Raynaud et Charles Pasqua.
Abstention : 1. _ M. Philippe de Gaulle.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Emmanuel Hamel.

GROUPE SOCIALISTE (75) :

Pour : 75.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (58) :

Pour : 55.
Abstention : 1. _ M. Daniel Millaud.
N'ont pas pris part au vote : 2. _ MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.

GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (45) :
Pour : 43.
Abstentions : 2. _ MM. Jean-Paul Bataille et Jacques Larché.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (9) :

Pour : 9.

Ont voté pour


François Abadie
Nicolas About
Philippe Adnot
Michel Alloncle
Guy Allouche
Louis Althapé
Jean-Paul Amoudry
Bernard Angels
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Alphonse Arzel
François Autain
Germain Authié
Robert Badinter
Denis Badré
Honoré Bailet
José Balarello
René Ballayer
Janine Bardou
Michel Barnier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Jean-Michel Baylet
Michel Bécot
Henri Belcour
Jacques Bellanger
Claude Belot
Georges Berchet
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Bernadaux
Jean Bernard
Daniel Bernardet
Roger Besse
Jean Besson
Pierre Biarnès
Jacques Bimbenet
Jean Bizet
François Blaizot
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
André Bohl
Christian Bonnet
Marcel Bony
James Bordas
Didier Borotra
Joël Bourdin
Yvon Bourges
Philippe de Bourgoing
André Boyer
Jean Boyer
Louis Boyer
Jacques Braconnier
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Guy Cabanel
Michel Caldaguès
Robert Calmejane
Jean-Pierre Camoin
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Jean-Louis Carrère
Robert Castaing
Francis Cavalier-Benezet
Auguste Cazalet
Monique Cerisier-ben Guiga
Gérard César
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Marcel Charmant
Michel Charzat
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
William Chervy
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Jean Cluzel
Henri Collard
Yvon Collin
Charles-Henri de Cossé-Brissac
Raymond Courrière
Roland Courteau
Jean-Patrick Courtois
Charles de Cuttoli
Philippe Darniche
Marcel Daunay
Marcel Debarge
Désiré Debavelaere
Luc Dejoie
Jean Delaneau
Bertrand Delanoë
Jean-Paul Delevoye
Gérard Delfau
Jacques Delong
Jean-Pierre Demerliat
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Dinah Derycke
Charles Descours
Rodolphe Désiré
Marie-Madeleine Dieulangard
André Diligent
Jacques Dominati
Michel Doublet
Michel Dreyfus-Schmidt
Alain Dufaut
Xavier Dugoin
André Dulait
Ambroise Dupont
Hubert Durand-Chastel
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Joëlle Dusseau
Daniel Eckenspieller
André Egu
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Claude Estier
Hubert Falco
Léon Fatous
Pierre Fauchon
Gérard Fayolle
Hilaire Flandre
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Alfred Foy
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yann Gaillard
Aubert Garcia
André Gaspard
Patrice Gélard
Jacques Genton
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Jean-Marie Girault
Paul Girod
Daniel Goulet
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Jean Grandon
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Jacques Habert
Hubert Haenel
Claude Haut
Anne Heinis
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Rémi Herment
Roger Hesling
Daniel Hoeffel
Jean Huchon
Bernard Hugo
Jean-Paul Hugot
Roland Huguet
Claude Huriet
Roger Husson
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jeambrun
Charles Jolibois
Bernard Joly
André Jourdain
Alain Joyandet
Christian de La Malène
Philippe Labeyrie
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Jean-Pierre Lafond
Serge Lagauche
Alain Lambert
Lucien Lanier
Gérard Larcher
Dominique Larifla
Edmond Lauret
René-Georges Laurin
Henri Le Breton
Jean-François Le Grand
Edouard Le Jeune
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Guy Lèguevaques
Guy Lemaire
Marcel Lesbros
François Lesein
Claude Lise
Maurice Lombard
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Jacques Machet
Jean Madelain
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Kléber Malécot
André Maman
Michel Manet
Philippe Marini
René Marquès
Pierre Martin
Marc Massion
Paul Masson
Serge Mathieu
Pierre Mauroy
Georges Mazars
Jean-Luc Mélenchon
Jacques de Menou
Louis Mercier
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Gérard Miquel
Louis Moinard
Michel Moreigne
Jean-Baptiste Motroni
Georges Mouly
Philippe Nachbar
Lucien Neuwirth
Nelly Olin
Paul d'Ornano
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Jean-Marc Pastor
Lylian Payet
Michel Pelchat
Guy Penne
Jean Pépin
Daniel Percheron
Jean Peyrafitte
Alain Peyrefitte
Jean-Claude Peyronnet
Louis Philibert
Bernard Piras
Bernard Plasait
Alain Pluchet
Jean-Marie Poirier
Guy Poirieux
Christian Poncelet
Jean Pourchet
André Pourny
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jean Puech
Roger Quilliot
Jean-Pierre Raffarin
Henri de Raincourt
Paul Raoult
Jean-Marie Rausch
René Régnault
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Philippe Richert
Roger Rigaudière
Roger Rinchet
Jean-Jacques Robert
Jacques Rocca Serra
Louis-Ferdinand de Rocca Serra
Josselin de Rohan
Gérard Roujas
André Rouvière
Michel Rufin
Claude Saunier
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Michel Sergent
Franck Sérusclat
René-Pierre Signé
Raymond Soucaret
Michel Souplet
Louis Souvet
Fernand Tardy
Martial Taugourdeau
Henri Torre
René Trégouët
François Trucy
Basile Tui
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade


André Vallet
Alain Vasselle
Albert Vecten
André Vezinhet
Marcel Vidal
Robert-Paul Vigouroux
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Henri Weber

Ont voté contre


MM. Charles Ceccaldi-Raynaud et Charles Pasqua.

Abstentions


Jean-Paul Bataille
Marie-Claude Beaudeau
Jean-Luc Bécart
Danielle Bidard-Reydet
Nicole Borvo
Jean Derian
Michel Duffour


Guy Fischer
Philippe de Gaulle
Jacques Larché
Pierre Lefebvre
Paul Loridant
Hélène Luc



Daniel Millaud
Louis Minetti
Robert Pagès
Jack Ralite
Ivan Renar
Odette Terrade
Paul Vergès

N'a pas pris part au vote


M. Emmanuel Hamel.

N'ont pas pris part au vote


MM. René Monory, président du Sénat, et Jean Faure, qui présidait la séance.


Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 317
Nombre de suffrages exprimés : 297
Majorité absolue des suffrages exprimés : 149
Pour l'adoption : 295
Contre : 2

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés, conformément à la liste ci-dessus.