SEANCE DU 4 AVRIL 2001


M. le président. « Art. 14. - I. - La première phrase du premier alinéa du 1° de l'article L. 126-1 du code rural est ainsi rédigée :
« Les zones dans lesquelles des plantations et des semis d'essences forestières ou dans lesquelles la reconstitution après coupe rase peuvent être interdits ou réglementés ; lorsqu'elles s'appliquent à des terrains déjà boisés, les interdictions ou réglementations ne peuvent concerner que des parcelles boisées isolées ou rattachées à un massif dont la superficie est inférieure à un seuil de surface défini par le préfet selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, sur la base des motifs visés au premier alinéa. »
« I bis. - Après le premier alinéa du 1° du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les productions de sapins de Noël font l'objet d'une déclaration annuelle portant sur la surface, le lieu et la date de plantation, auprès du ministère chargé de l'agriculture. La durée maximale d'occupation des sols est de douze ans, la hauteur maximale des arbres est, sauf dérogation, de trois mètres, et la distance à respecter par rapport aux fonds voisins est celle des autres productions agricoles. A terme, les terrains doivent être coupés et remis en état de culture. Toute plantation exécutée en violation de ces conditions est considérée comme boisement. »
« II. - Au troisième alinéa du même article, les mots : "et il peut, lors des opérations de remembrement, ne pas être tenu compte de la nature boisée du terrain" sont remplacés par les mots : "ou se voir interdire de reconstituer les boisements après coupe rase ; il peut, lors des opérations d'aménagement foncier, ne pas être tenu compte de la nature boisée du terrain". »
« III. - Le livre IV du code forestier est complété par un titre V intitulé : "Protection des berges" et comprenant les articles L. 451-1 et L. 451-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 451-1 . - La plantation de certaines essences forestières à proximité des cours d'eau peut être interdite ou réglementée selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. La liste des essences forestières concernées et les distances minimales et maximales de recul à respecter, qui peuvent faire l'objet de modulations locales, sont également fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Art. L. 451-2 . - Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, le préfet met en demeure le propriétaire ou la personne pour le compte de qui les travaux sont réalisés de détruire les plantations réalisées en contravention avec les règles édictées en application de l'article L. 451-1. Si l'intéressé n'a pas exécuté les travaux prescrits à l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, le préfet peut y faire procéder d'office, aux frais du contrevenant. »
Par amendement n° 69, M. François, au nom de la commission des affaires économiques, propose, après le I bis de cet article, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« I ter. - Le même 1° est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« La reconstitution des boisements après coupe rase ne peut être interdite :
« - lorsque la conservation de ces boisements ou le maintien de la destination forestière des sols concernés est nécessaire pour un des motifs énumérés à l'article L. 311-3 du code forestier ;
« - lorsque ces boisements sont classés à conserver ou à protéger en application de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme ;
« - lorsqu'ils font l'objet de l'engagement prévu au b du 3° du 1 de l'article 793 du code général des impôts.
« Les interdictions de reconstitution de boisements doivent être compatibles avec les objectifs définis par les orientations régionales forestières prévues à l'article L. 4 du code forestier. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe François, rapporteur. Afin de renforcer la réglementation des boisements, l'article 14 du projet de loi prévoit que le préfet peut interdire, dans certaines zones, le reboisement des parcelles après une coupe rase. Si cette interdiction s'inscrit dans une série de dispositions tendant à permettre un aménagement agricole et forestier équilibré, elle doit néanmoins rester cohérente avec les autres orientations de la politique forestière nationale.
Il convient, par conséquent, de limiter cette possibilité d'interdire le reboisement après coupe rase dans les trois cas suivants : d'abord, lorsque le code forestier interdit le défrichement pour l'un des motifs énoncés à l'article L. 311-3 ; ensuite, lorsque les boisements concernés sont des espaces boisés classés à conserver en application du code de l'urbanisme ; enfin, lorsque le propriétaire s'est engagé à ne pas défricher pendant trente ans en contrepartie d'une exonération des droits de mutation conformément au b du 3° du 1 de l'article 793 du code général des impôts.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 69, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis sais de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 326 rectifié, M. Belot et les membres du groupe de l'union centriste proposent de supprimer le III de l'article 14.
Par amendement n° 70, M. François, au nom de la commission des affaires économiques, propose de rédiger comme suit le texte présenté par le III de l'article 14 pour l'article L. 145-1 à insérer dans le code forestier :
« Art. L. 451-1. - La plantation de certaines essences forestières à proximité immédiate des cours d'eau peut être interdite ou réglementée selon des modalités fixées par un décret en Conseil d'Etat. Ce décret fixe notamment la liste des essences forestières concernées et les distances maximales de recul à respecter, qui peuvent faire l'objet de modulations locales sans toutefois excéder cinq mètres. »
Par amendement n° 141 rectifié, M. Braun, Mme Bardou, MM. César, Doublet, Murat et Valade proposent, dans la seconde phrase du texte présenté par le III de l'article 14 pour l'article L. 451-1 du code forestier, après les mots : « de modulations locales », d'insérer les mots : « comprennent notamment les épicéas et ».
Par amendement n° 142 rectifié, M. Braun, Mme Bardou, MM. César, Doublet, Murat et Valade proposent de compléter in fine le texte présenté par le III de l'article 14 pour l'article L. 451-1 du code forestier par une phrase rédigée comme suit : « Ce dernier imposera notamment une distance minimale de recul de huit mètres afin de préserver les routes et les rives des cours d'eau des désordres occasionnés par les plantations. »
La parole est à M. Belot, pour défendre l'amendement n° 326 rectifié.
M. Claude Belot. L'article 3 soulève un certain nombre de questions. La première porte sur le champ d'action du pouvoir réglementaire, qui peut être excessivement large. La seconde porte sur l'insuffisance de réflexion à cet égard alors qu'une loi sur l'eau est en préparation. Il n'est donc pas opportun d'adopter dès aujourd'hui de telles dispositions. Entre la berge et la rivière, il y a souvent des complémentarités !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 70.
M. Philippe François, rapporteur. L'Assemblée nationale a ajouté dans l'article 14 une possibilité d'interdire ou de réglementer les boisements situés en bordure de cours d'eau afin de prévenir le risque de dégradation des berges et de pollution des eaux inhérent à la présence des arbres.
Afin d'éviter des excès et de préserver les droits des propriétaires, il convient de préciser que seules les plantations situées à proximité immédiate des cours d'eau pourront être interdites ou réglementées.
Par ailleurs, cet amendement précise que le décret pris en application de cette disposition déterminera les distances maximales de recul, c'est-à-dire les zones dans lesquelles les plantations d'arbres seront interdites ; ces distances maximales de recul pourront être modulées en fonction des situations locales sans jamais excéder cinq mètres des berges.
M. le président. La parole est à M. Braun, pour défendre les amendements n°s 141 rectifié et 142 rectifié.
M. Gérard Braun. L'amendement n° 141 rectifié prévoit que la plantation de certaines essences forestières le long des cours d'eau pourra être fixée par décret en Conseil d'Etat. Je ne souhaitais pas entrer trop dans les détails, comme M. le ministre nous le recommande, mais je voulais attirer l'attention du Gouvernement sur les problèmes posés par certaines essences, l'épicéa en particulier.
Je retirerai probablement mon amendement si je suis assuré qu'un décret en Conseil d'Etat prendra en compte les spécificités de cette essence qui acidifie les eaux et les sols.
Je retirerai également l'amendement n° 142 rectifié si le Conseil d'Etat fixe des distances de plantation par rapport aux berges. Personnellement, j'ai proposé huit mètres, ce qui est un peu exagéré, monsieur le ministre, je l'avoue. Mais, par cet amendement, je souhaitais surtout attirer l'attention du Gouvernement sur le fait que les distances proposées actuellement sont beaucoup trop courtes.
Il faut prendre en compte les problèmes posés par les plantations le long des cours d'eau. Mais il faut aussi penser aux plantations le long de certains chemins de montagne. Pensez aux déneigements !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 326 rectifié, 141 rectifié et 142 rectifié ?
M. Philippe François, rapporteur. D'une manière générale, la commission des affaires économiques a pris note des nuisances causées par ces résineux, principalement dans les Vosges. Elle est cependant défavorable à ces amendements n°s 141 rectifié et 142 rectifié, car ils prévoient des dispositions de nature réglementaire.
Je rappelle, à ce propos, que l'inscription dans la loi d'une disposition si détaillée s'oppose à la nécessaire adaptation en fonction des situations locales qui peut être obtenue par la voie réglementaire et pas forcément par la loi.
La commission est défavorable par ailleurs à l'amendement n° 326 rectifié. Il supprime les dispositions introduites par l'Assemblée nationale qui visent à encadrer la plantation de certaines essences forestières à proximité des cours d'eau. La commission des affaires économiques a déjà invoqué non seulement les inconvénients liés à la présence d'arbres le long des rivières, mais également la nécessité de préserver les droits des propriétaires des parcelles situées en bordures des cours d'eau.
Elle a donc déposé un amendement précisant que la réglementation des plantations ne concerne que la proximité immédiate des cours d'eau et que la distance de recul qui peut être imposée ne saurait excéder cinq mètres. Il s'agit d'un encadrement équilibré, qui permet néanmoins de tenir compte du problème des cours d'eau asphyxiés par les chutes d'aiguilles d'épicéas, voire par des chablis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 326 rectifié, 70, 141 rectifié et 142 rectifié ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement est défavorable à ces quatre amendements.
Il est défavorable à l'amendement n° 326 rectifié pour les raisons que M. Belot indiquait lui-même : la loi sur l'eau est presque prête, il serait dommage d'anticiper par une disposition hâtive.
Les autres amendements sont du domaine réglementaire. M. le rapporteur avait raison de dire que, s'agissant de la distance des plantations, mieux vaut ne pas fixer des normes nationales et tenir compte des situations locales.
J'ajoute, monsieur Braun, que je suis très troublé par votre acharnement à l'encontre des épicéas. Je vais donc essayer de vous réconcilier avec cette essence : une étude de l'INRA que j'ai lue récemment et que je vous ferai parvenir dans la semaine montre en effet que l'humus de l'épicéa est très favorable à la pousse des cèpes. Cette information devrait être le meilleur moyen de vous réconcilier avec cet arbre ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 326 rectifié est-il maintenu ?
M. Claude Belot. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 326 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 70.
M. Gérard Braun. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Braun.
M. Gérard Braun. Il y a des cèpes sous les épicéas, mais pas toujours, ni tout le temps. En revanche, ces arbres augmentent l'acidité de l'eau. Dans certatins ruisseaux des Hautes-Vosges, le pH a atteint 3,8. Il n'y avait plus aucune truite et l'eau était à la limite de la potabilité.
Sur les 2 000 hectares de forêts de ma commune, dont 1 200 hectares de forêts domaniales et 800 hectares de forêts communales, je puis vous assurer que, là où les terrains s'y prêtent, nous plantons des épicéas. C'est surtout dans les fonds de vallée et le long des ruisseaux qu'il faut veiller, je crois, à ce que cette essence ne prolifère pas trop.
L'épicéa, monsieur le ministre, est un bel arbre qui pousse bien et je n'ai rien contre, mais à condition qu'il soit planté à bon escient.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 70, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 141 et 142 rectifié n'ont plus d'objet.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14, modifié.

(L'article 14 est adopté.)

Article 14 bis