SEANCE DU 10 MAI 2001


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Pelletier pour explication de vote.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette proposition de loi, dans sa finalité, est un progrès chargé de symbole et d'espérance, progrès auquel notre assemblée est heureuse d'avoir pu contribuer alors que cent cinquante ans nous séparent de la signature du décret d'abolition de l'esclavage par Victor Schoelcher, membre éminent de notre assemblée et qui occupait le fauteuil devant lequel je me trouve.
Déjà, en première lecture, le Sénat ne s'y était pas trompé lorsqu'il adopta, le 23 mars 2000, sans modification, l'article 1er relatif à la reconnaissance de l'esclavage et de la traite négrière perpétrés depuis le xve siècle en tant que crimes contre l'humanité. Les deux assemblées manifestaient ainsi leur accord sur les objectifs, ô combien louables, de la proposition de loi. Néanmoins, les lectures de ce texte au sein de chacune des chambres ont révélé quelques désaccords.
Ainsi est-il regrettable que l'Assemblée nationale, lors de son deuxième examen de la proposition de loi, ait rétabli intégralement ou presque le texte qu'elle avait adopté en première lecture, ne tenant pas compte des apports judicieux de notre assemblée.
En effet, le Sénat avait supprimé l'article 5, celui-ci ne faisant que rappeler l'état actuel de la législation. Plus encore, il avait adopté la même attitude à l'égard de l'article 2, au motif que ses dispositions relevaient non pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. C'est pourquoi nous faisons nôtre le souhait de M. le rapporteur de voir la loi conserver sa fonction normative et d'éviter dorénavant que des propositions de loi ne prennent l'aspect de déclarations solennelles.
Malgré la forme de ce texte, qui ne me semble pas tout à fait appropriée, l'ensemble de mes collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera avec enthousiasme la présente proposition de loi, dont les objectifs constituent un progrès dans la longue histoire de la reconnaissance universelle des droits de l'homme. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis bien sûr que, sur un texte si essentiel pour les principes de notre République, une convergence ait pu se dégager au terme de ces deux lectures effectuées dans chaque assemblée et que, ce matin, vous ayez à l'unanimité adopté ce texte.
Cette unanimité a d'autant plus de prix qu'elle s'est faite sans aucune concession sur les principes essentiels que ce texte voulait rappeler.
C'est donc un acte politique et symbolique particulièrement fort que nous venons de vivre ensemble ce matin. Il importe toutefois qu'au-delà de cet acte politique symbolique interviennent rapidement des mesures concrètes.
Aussi, je m'engage devant vous ce matin, au nom du Gouvernement, à ce que la constitution d'un comité de personnalités chargé de faire vivre les actes de mémoire en résonance avec la reconnaissance à laquelle la loi procède, ait lieu dans les prochaines semaines.
Je m'engage également à ce que, dans les programmes scolaires actuellement en cours de refonte, une place réelle soit faite à l'esclavage, à son abolition bien sûr, mais aussi à la réalité qu'il a représenté pendant cinq siècles et aux révoltes qui, à la fin du xviiie siècle, ont amorcé la lutte pour cette abolition.
Je tiens à vous dire que, à ma demande, le concours national René Cassin, qui s'adresse chaque année à des collégiens et à des lycéens de notre pays, aura pour sujet, dans l'année qui vient, « l'esclavage d'hier et d'aujourd'hui ».
Chacun en est donc bien conscient ce texte désormais inscrit dans la loi de la République est un texte important. C'est bien une loi contre l'oubli, une loi qui rompt le silence, qui fait entrer par la grande porte dans notre histoire commune tous ceux qui menèrent et mènent le combat contre l'esclavage, pour son abolition, aujourd'hui pour sa mémoire. (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures vingt-cinq, est reprise à dix heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.

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