SEANCE DU 30 MAI 2001


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Modification de l'ordre du jour (p. 1 ).

3. Sécurité quotidienne. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 2 ).

Article 22 (p. 3 )

Amendement n° 64 de la commission. - MM. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois ; Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 23 (p. 4 )

Amendement n° 65 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article additionnel après l'article 23 (p. 5 )

Amendement n° 66 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre, Christian Bonnet. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Articles 24 à 26. - Adoption (p. 6 )

Articles additionnels après l'article 26 (p. 7 )

Amendement n° 1 rectifié ter de M. Jacques Baudot, repris par la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 132 rectifié de M. Nicolas About, repris par la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Division additionnelle avant l'article 27 (p. 8 )

Amendement n° 67 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé.

Article 27 (p. 9 )

Amendement n° 68 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 69 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 28. - Adoption (p. 10 )

Article 29 (p. 11 )

Amendement n° 113 de M. Robert Bret. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 114 de M. Robert Bret. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement n° 70 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article 30 (p. 12 )

Amendement n° 71 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles 31 et 32. - Adoption (p. 13 )

Division additionnelle après l'article 32 (p. 14 )

Amendement n° 72 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé.

Articles additionnels après l'article 32 (p. 15 )

Amendement n° 73 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 95 de M. Roger Karoutchi. - MM. Roger Karoutchi, le rapporteur, le ministre, Christian Bonnet. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Suspension et reprise de la séance (p. 16 )

4. Candidature à un organisme extraparlementaire (p. 17 ).

5. Sécurité quotidienne. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 18 ).
M. le président.

Intitulé du chapitre III (précédemment réservé) (p. 19 )

Amendement n° 159 de la commission. - MM. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois ; Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé.

Article 7 (précédemment réservé) (p. 20 )

Amendements identiques n°s 107 de M. Robert Bret et 115 de M. Gérard Delfau ; amendements identiques n°s 45 de la commission et 97 de M. André Vallet, rapporteur pour avis. - Mme Nicole Borvo, MM. Gérard Delfau, le rapporteur, Philippe Adnot, en remplacement de M. André Vallet, rapporteur pour avis de la commission des finances ; le secrétaire d'Etat. - Retrait des amendements n°s 107 et 115 ; adoption des amendements n°s 45 et 97.
Amendement n° 116 de M. Gérard Delfau. - MM. Gérard Delfau, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.

Article 7 bis (précédemment réservé) (p. 21 )

Amendements identiques n°s 46 de la commission et 98 de M. André Vallet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.

Article 7 ter (précédemment réservé) (p. 22 )

Amendements identiques n°s 47 de la commission et 99 de M. André Vallet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements.
Amendements n°s 117 de M. Gérard Delfau et 108 de M. Robert Bret. - M. Gérard Delfau, Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet des deux amendements.
Amendements identiques n°s 48 de la commission et 100 de M. André Vallet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le secrétaire d'Etat, Gérard Delfau. - Adoption des deux amendements.
Amendements identiques n°s 109 de M. Robert Bret et 118 de M. Gérard Delfau. - Devenus sans objet.
Adoption de l'article modifié.

Article 7 quater (précédemment réservé) (p. 23 )

Amendements identiques n°s 49 de la commission et 101 de M. André Vallet, rapporteur pour avis ; amendement n° 119 de M. Gérard Delfau ; amendements identiques n°s 111 de M. Robert Bret et 120 de M. Gérard Delfau ; amendements identiques n°s 110 de M. Robert Bret et 121 de M. Gérard Delfau. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Gérard Delfau, le secrétaire d'Etat. - Adoption des amendements n°s 49 et 101 rédigeant l'article, les autres amendements devenant sans objet.

Article 7 quinquies (précédemment réservé) (p. 24 )

Amendements n°s 50 de la commission, 102 de M. André Vallet, rapporteur pour avis, et 122 de M. Gérard Delfau. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, Gérard Delfau, le secrétaire d'Etat. - Retrait des amendements n°s 50 et 122 ; adoption de l'amendement n° 102 rédigeant l'article.

Article 7 sexies (précédemment réservé) (p. 25 )

Amendements identiques n°s 51 de la commission et 103 de M. André Vallet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le secrétaire d'Etat. - Adoption des deux amendements rédigeant l'article.

Article 8 (précédemment réservé) (p. 26 )

Amendement n° 123 rectifié de M. Gérard Delfau. - MM. Gérard Delfau, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 124 de M. Gérard Delfau. - MM. Gérard Delfau, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 104 de M. André Vallet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Articles 9 et 9 bis (précédemment réservés). - Adoption (p. 27 )

Article 10 (précédemment réservé) (p. 28 )

Amendement n° 125 de M. Gérard Delfau. - MM. Gérard Delfau, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article.

Articles 11 et 12 (précédemment réservés) . - Adoption (p. 29 )

Article 16 (précédemment réservé) (p. 30 )

Amendements n°s 58 de la commission, 152 rectifié bis du Gouvernement, 126 de M. Gérard Delfau, 105 et 106 de M. André Vallet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Gérard Delfau, le rapporteur pour avis. - Adoption de l'amendement n° 58 supprimant l'article, les autres amendements devenant sans objet.

Article additionnel après l'article 32 (précédemment réservé) (p. 31 )

Amendement n° 74 de la commission et sous-amendement n° 151 de M. Gaston Flosse. - MM. le rapporteur, Alain Vasselle, le secrétaire d'Etat. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l'ensemble (p. 32 )

MM. Jean-Claude Peyronnet, Robert Bret, Jean-Jacques Hyest, Gérard Delfau, Roger Karoutchi, Henride Raincourt, le secrétaire d'Etat, le rapporteur.
Adoption du projet de loi.

6. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire (p. 33 ).

7. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire (p. 34 ).

8. Diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (p. 35 ).
Discussion générale : MM. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire ; Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales ; Louis Souvet, Alain Vasselle, André Jourdain, Jean-Louis Lorrain, rapporteurs de la commission des affaires sociales.

Suspension et reprise de la séance (p. 36 )

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER

MM. James Bordas, Jean-Paul Hugot, Jacques Valade, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Francis Grignon, François Trucy, Roland Muzeau, Claude Domeizel, Louis de Broissia, Serge Lagauche, René Trégouët, Alain Gournac.
Renvoi de la suite de la discussion.

9. Dépôt d'un projet de loi (p. 37 ).

10. Transmission d'un projet de loi (p. 38 ).

11. Dépôt d'un rapport d'information (p. 39 ).

12. Ordre du jour (p. 40 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. JACQUES VALADE
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. M. le président a reçu de M. le ministre des relations avec le Parlement la lettre suivante :
« Paris, le 30 mai 2001.
« Monsieur le président,
« J'ai l'honneur de vous informer qu'en application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat le Gouvernement modifie l'ordre du jour du Sénat comme suit :
« Jeudi 31 mai, le matin, après les questions au Gouvernement, l'après-midi et le soir :
« - suite du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
« Mardi 5 juin, l'après-midi et le soir :
« - projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.
« Mercredi 6 juin, l'après-midi et, éventuellement, le soir :
« - projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la principauté d'Andorre ;
« - suite de l'ordre du jour de la veille.
« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de ma haute considération.
« Signé : Jean-Jack Queyranne. »
Acte est donné de cette communication.
L'ordre du jour des séances des 31 mai, 5 et 6 juin est modifié en conséquence.

3

SÉCURITÉ QUOTIDIENNE

Suite de la discussion d'un projet de loi
déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 296, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la sécurité quotidienne. [Rapport n° 329 (2000-2001) et avis n° 333 (2000-2001)].
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 22.

Article 22



M. le président.
« Art. 22. - Dans le premier alinéa de l'article 41-2 du code de procédure pénale, la référence : "222-13 (1° à 10°)" est remplacée par la référence : "222-13 (1° à 11°)". »
Par amendement n° 64, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose, à la fin de cet article, de remplacer les références : « (1° à 11°) » par les références : « (1° à 12°) ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. S'agissant d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 14, auquel le Gouvernement a donné un avis défavorable, la logique veut que je sois également défavorable à cet amendement n° 64.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 22, ainsi modifié.

(L'article 22 est adopté.)

Article 23



M. le président.
« Art. 23. - I. - Il est inséré, avant l'article 706-54 du code de procédure pénale, une division et un intitulé ainsi rédigés : "Titre XX. - Du fichier national automatisé des empreintes génétiques". »
« II. - Au premier alinéa de l'article 706-54 du même code, les mots : "des infractions visées à l'article 706-47 en vue de faciliter l'identification et la recherche des auteurs d'infractions sexuelles" sont remplacés par les mots : "des infractions visées à l'article 706-55 en vue de faciliter l'identification et la recherche des auteurs de ces infractions". »
« III. - Au quatrième alinéa du même article, les mots : "à l'article 706-47" sont remplacés par les mots : "à l'article 706-55". »
« IV. - Il est inséré, après ce même article, un article 706-55 ainsi rédigé :
« Art. 706-55 . - Le fichier national automatisé des empreintes génétiques centralise les traces et empreintes génétiques concernant les infractions suivantes :
« 1° Les infractions de nature sexuelle visées à l'article 706-47 ;
« 2° Les crimes d'atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie et de violences volontaires prévus par les articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-8, 222-10 et 222-14 (1° et 2°) du code pénal ;
« 3° Les crimes de vol, d'extorsion et de destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes prévus par les articles 311-7 à 311-11, 312-3 à 312-7 et 322-7 à 322-10 du code pénal ;
« 4° Les crimes constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-4 du code pénal. »
Par amendement n° 65, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit cet article :
« I. - Il est inséré, avant l'article 706-54 du code de procédure pénale, une division et un intitulé ainsi rédigés : "Titre XX. - Du fichier national automatisé des empreintes génétiques". »
« II. - Au premier alinéa de l'article 706-54 du même code, les mots : "des infractions visées à l'article 706-47 en vue de faciliter l'identification et la recherche des auteurs d'infractions sexuelles" sont remplacés par les mots : "des infractions visées à l'article 706-55 en vue de faciliter l'identification et la recherche des auteurs de ces infractions". »
« III. - Au quatrième alinéa du même article, les mots : "à l'article 706-47" sont remplacés par les mots : "à l'article 706-55". »
« IV. - Après les mots : "incluses au fichier", la fin du quatrième alinéa est ainsi rédigée : "et y être conservées". »
« V. - Il est inséré, après ce même article, un article 706-55 ainsi rédigé :
« Art. 706-55. - Le fichier national automatisé des empreintes génétiques centralise les traces et empreintes génétiques concernant les infractions suivantes :
« 1° Les infractions de nature sexuelle visées à l'article 706-47 ainsi que le recel de ces infractions ;
« 2° Les infractions d'atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de trafic de stupéfiants, d'enlèvement et de séquestration prévues par les articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-10, 222-14 (1° et 2°), 222-34 à 222-37, 224-1 à 224-5 du code pénal ;
« 3° Les infractions de vol, d'extorsion et de destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes prévues par le dernier alinéa de l'article 311-4, les articles 311-7 à 311-11, 312-2 à 312-7 et 322-6 à 322-10 du code pénal ;
« 4° Les crimes constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-4 du code pénal. »
« VI. - Il est inséré, après ce même article, un article 706-56 ainsi rédigé :
« Art. 706-56. - Le fait de refuser de se soumettre à un prélèvement aux fins d'identification par empreintes génétiques, dans les conditions prévues aux articles 706-54 et 706-55, est puni de trois mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement traite du fichier national automatisé des empreintes génétiques.
Actuellement, on ne peut insérer dans ce fichier que les empreintes des personnes définitivement condamnées pour infraction sexuelle.
L'Assemblée nationale, qui a bien cerné le problème, a déjà élargi ce fichier aux empreintes des personnes ayant commis certains crimes contre les personnes et les biens, ou des crimes de terrorisme.
Il convient d'aller encore plus loin et de donner à la police de véritables moyens de lutte contre la délinquance et la criminalité, adaptés aux nécessités d'aujourd'hui et au monde moderne.
Cet amendement tend donc à élargir encore le fichier aux nouvelles infractions suivantes : trafic de stupéfiants, enlèvement et séquestration, violences ayant entraîné une infirmité permanente, recel des infractions sexuelles... on peut en trouver d'autres.
Il vise aussi à permettre d'inclure dans le fichier les empreintes des suspects, comme on le fait depuis toujours pour le fichier des empreintes digitales. Il n'existe pas de risque, puisque les segments de gènes utilisés sont dits « non codants », ce qui signifie qu'ils ne donnent aucune information sur la personne, notamment sur son état de santé.
Enfin, cet amendement a pour objet de prévoir une sanction pour ceux qui refusent de se livrer à un prélèvement. Rien n'est actuellement prévu. En règle générale, je rappelle qu'il s'agit simplement d'un prélèvement buccal.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je remercie M. le rapporteur d'avoir dit que l'Assemblée nationale avait déjà sensiblement élargi le champ d'application du fichier des empreintes génétiques avec l'accord de Mme la garde des sceaux.
Aller au-delà, alors que ce fichier est en cours de préparation, avec les difficultés techniques que cela représente, n'apparaît pas souhaitable. Cela pourrait même, paradoxalement, entraîner des retards supplémentaires.
L'étape qui a été franchie et qui a rassemblé l'Assemblée nationale est utile, mais je préfère en rester là. Le Gouvernement n'est donc pas favorable à l'amendement n° 65.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 65, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 23 est ainsi rédigé.

Article additionnel après l'article 23



M. le président.
Par amendement n° 66, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après l'article 23, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le premier alinéa, il est inséré dans l'article 62-1 du code de procédure pénale deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l'enquête porte sur une infraction punie d'au moins trois ans d'emprisonnement et que la sécurité d'une personne mentionnée au premier alinéa est menacée, le juge des libertés et de la détention peut l'autoriser à conserver l'anonymat au cours de la procédure. Lors de l'audience de jugement, les avocats des parties peuvent faire poser des questions à la personne par le président de la juridiction, qui donne lecture à l'audience des réponses qui lui ont été faites. La personne peut également être interrogée en utilisant tout dispositif technique permettant la conservation de l'anonymat.
« Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations recueillies dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit de prévoir que l'anonymat d'un témoin peut être préservé à l'égard de l'accusé ou du prévenu.
Cet amendement tend à permettre au juge des libertés d'autoriser un témoin à garder l'anonymat lorsque sa sécurité est menacée. Les questions des avocats pourraient alors être posées à ce témoin soit par l'intermédiaire du président de la juridiction lors de l'audience, soit grâce à un dispositif technique approprié.
Très souvent aujourd'hui, si la police et la justice connaissent les auteurs d'infractions, ils ne parviennent pas à réunir les témoignages nécessaires, les témoins redoutant des représailles.
La possibilité de témoigner anonymement existe déjà dans plusieurs pays, notamment aux Pays-Bas. Il est intéressant de le souligner, car ce pays ne passe pas pour être particulièrement répressif. Cette possibilité est également admise par la Cour européenne des droits de l'homme, qui exige seulement qu'une condamnation ne soit pas fondée exclusivement sur la déposition d'un témoin anonyme.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je comprends l'intérêt d'une telle disposition. Sur le fond, elle ne me choque pas, puisque tout ce qui peut concourir à la vérité est une bonne chose. Toutefois, j'ai envie de dire que, si je comprends l'idée et que je la partage plutôt, j'entrevois en même temps les difficultés de mise en oeuvre que cela suppose sur le plan technique. Une telle réforme de fond est donc, à ce stade, assez difficilement envisageable.
En outre, s'agissant d'une modification très importante du code pénal, elle nécessiterait de revoir d'autres procédures, en matière d'audience publique notamment.
Pour être très clair, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 66.
M. Christian Bonnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole et à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Je considère qu'il s'agit là d'un amendement tout à fait essentiel. Au demeurant, il semble qu'un premier pas ait été fait par l'Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, vous avez fait allusion à des difficultés techniques, mais ces dernières peuvent toujours être surmontées, et nous pouvons faire confiance aux experts en la matière pour qu'elles le soient et assez rapidement.
M. le rapporteur a dit que, « très souvent », les témoins ne se manifestent pas. Je trouve l'adverbe insuffisant. Il aurait fallu dire qu'ils n'osent pas se manifester « le plus souvent », car ils ont peur des représailles.
Je considère par conséquent que ce dispositif, qui prévoit l'anonymat possible du témoignage, est essentiel et que l'amendement devrait donc être voté par l'ensemble des sénateurs ici présents.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 66, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Jean-Claude Peyronnet. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen également.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23.

Articles 24 à 26



M. le président.
« Art. 24. - I. - Il est créé un établissement public de l'Etat à caractère administratif dénommé "Institut national de police scientifique", placé sous la tutelle du ministre de l'intérieur.
« Cet établissement comprend les laboratoires de la police scientifique de Lille, Lyon, Marseille, Paris et Toulouse, le laboratoire de toxicologie de la préfecture de police et le service central des laboratoires.
« Il a pour mission de réaliser tous les examens, recherches et analyses d'ordre scientifique et technique qui lui sont demandés par les autorités judiciaires ou les services de police et de gendarmerie aux fins de constatation des infractions pénales et d'identification de leurs auteurs. Il développe et promeut, aux plans national et international, les techniques et les procédés mis en oeuvre à cette fin. »
« II. - Le conseil d'administration de l'Institut national de police scientifique comprend, pour la moitié au moins de ses membres, des représentants de l'Etat ainsi que des personnalités qualifiées et des représentants élus des personnels.
« Un conseil scientifique assiste le président du conseil d'administration et le directeur de l'établissement sur les aspects scientifiques et techniques de l'activité de l'institut.
« Les services de l'établissement sont dirigés par un directeur nommé par décret. »
« III. - Les ressources de l'établissement sont constituées par des subventions de l'Etat ou des autres personnes publiques, par les honoraires d'expertise et autres redevances pour services rendus, par les produits des emprunts, par les dons et legs et par le produit des ventes qu'il effectue dans le cadre de ses missions. »
« IV. - A compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, les fonctionnaires et agents non titulaires de la ville de Paris qui exercent leurs fonctions dans le laboratoire de toxicologie mentionné au deuxième alinéa du I sont mis de plein droit à disposition de l'Etat, à titre individuel, dans les conditions fixées par l'article 125 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
« Les fonctionnaires de la ville de Paris mentionnés ci-dessus peuvent, dans un délai d'un an et dans les conditions fixées aux II et III de l'article 123 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, opter pour le statut de fonctionnaire de l'Etat. A l'issue de ce délai, les dispositions du IV de cet article s'appliquent aux fonctionnaires qui n'ont pas fait usage de leur droit d'option. Toutefois, le délai de deux ans mentionné au cinquième alinéa de ce IV est, pour l'application du présent article, ramené à un an.
« Les agents non titulaires de la ville de Paris mentionnés au premier alinéa peuvent, sur leur demande présentée dans un délai d'un an, se voir reconnaître la qualité d'agent non titulaire de l'Etat, dans les conditions prévues aux quatre premiers alinéas du II de l'article 123-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée. Le délai de deux ans prévu pour faire droit à leur demande est ramené à un an. »
« V. - La loi du 27 novembre 1943 portant création d'un service de police technique est abrogée. »
« VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. » - (Adopté.)
« Art. 25. - Il est inséré, après l'article L. 10 A du livre des procédures fiscales, un article L. 10 B ainsi rédigé :
« Art. L. 10 B . - En outre, les agents de la direction générale des impôts concourent à la recherche des infractions réprimées par les articles 222-38, 222-39-1, 225-5, 225-6, 321-1, deuxième alinéa, et 321-6 du code pénal dans le cadre des enquêtes menées sur instructions du procureur de la République. A cette fin, ils procèdent à des recherches de nature fiscale permettant de contribuer à la preuve desdites infractions. Ils en portent le résultat à la connaissance du procureur de la République. » - (Adopté.)
« Art. 26. - Dans le dernier alinéa de l'article 225-5 du code pénal, le mot : "cinq" est remplacé par le mot : "sept". » - (Adopté.)

Articles additionnels après l'article 26



M. le président.
Par amendement n° 1 rectifié bis , MM. Baudot et Hyest proposent d'insérer, après l'article 26, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 16 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 précitée, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... . - Est injustifié, tout appel des services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale par les personnes physiques ou morales exerçant des activités de surveillance à distance des biens meubles ou immeubles qui entraîne l'intervention indue de ces services, faute d'avoir été précédé d'une levée de doute consistant en un ensemble de vérifications, par ces personnes physiques ou morales, de la matérialité et de la concordance des indices laissant présumer la commission d'un crime ou délit flagrant dans les locaux surveillés.
« L'autorité administrative peut prononcer à l'encontre des personnes physiques ou morales mentionnées à l'alinéa précédent qui appellent sans justification les services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, une sanction pécuniaire d'un montant qui ne peut excéder quatre cent cinquante euros par appel injustifié.
« La personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est envisagée la sanction pécuniaire prévue au précédent alinéa est mise en mesure de présenter ses observations avant le prononcé de la sanction, et d'établir la réalité des vérifications qu'elle a effectuées mentionnées au premier alinéa.
« Cette sanction pécuniaire est recouvrée comme les créances de l'état étrangères à l'impôt et au domaine. Elle est susceptible d'un recours de pleine juridiction. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission le reprend, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 1 rectifié ter .
Vous avez la parole, monsieur le rapporteur, pour le défendre.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement tend à donner une définition de l'appel injustifié aux forces de l'ordre par des sociétés de télésurveillance, appel qui était susceptible d'entraîner l'application de sanctions administratives pécuniaires. Cela mettra fin à une situation de conflit qui perdure depuis un arrêt du tribunal administratif du 14 avril 1999, qui avait annulé la sanction administrative.
Nous pensons qu'il s'agit d'une bonne mesure. Elle était envisagée dans le projet de loi sur la sécurité privée, que nous attendons toujours. Il est donc opportun de l'intégrer dans ce texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Cet amendement apporte une réponse satisfaisante au problème des appels injustifiés des services de police ou de gendarmerie par les entreprises de télésurveillance.
Je rappelle qu'en échange de l'attribution d'un numéro d'appel téléphonique des services de police et de gendarmerie, qui leur est réservé, ces entreprises ont l'obligation de procéder à une levée de doute, c'est-à-dire à un ensemble de vérifications de la pertinence des indices d'effraction avant d'appeler les services de sécurité publics. Pour mettre un terme à la fois à ces appels injustifiés et à des contentieux à répétition sur le bien-fondé des textes réglementaires qui régissent la matière, il est souhaitable d'inscrire dans la loi la définition de l'appel injustifié. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement n° 1 rectifié ter .
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié ter , accepté par le Gouvernement.

(L'amendement et adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 26.
Par amendement n° 132, M. About et les membres du groupe des Républicains et Indépendants proposent d'insérer, après l'article 26, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 4223-1 du code de la santé publique est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal de l'infraction définie au présent article.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
« 2° Les peines mentionnées aux 2° à 9° de l'article 131-39 du même code ;
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission le reprend, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 132 rectifié.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit en effet d'un point tout à fait important.
Cet amendement vise à réparer une erreur matérielle commise à propos d'une disposition de la proposition de loi sur les sectes, qui pourrait, d'après ce que je crois savoir, être adoptée sans modification par l'Assemblée nationale.
Lors de l'examen de cette proposition de loi, le Sénat avait souhaité prévoir la responsabilité des personnes morales en cas d'exercice illégal de la pharmacie. En deuxième lecture, à la suite d'une erreur de rédaction, cette disposition a disparu. Il est donc tout à fait nécessaire de la rétablir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Sur le fond, la mesure est sans doute opportune puisqu'il s'agit d'instaurer une responsabilité des personnes morales en cas d'exercice illégal de la pharmacie.
En termes de procédure, disons que cet article n'a guère sa place dans le présent projet de loi, d'autant qu'il s'agit d'anticiper sur le vote de l'Assemblée nationale à propos de la proposition de loi sur les sectes, que le Gouvernement soutient.
En la circonstance, je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 132 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 26.

Division additionnelle avant l'article 27



M. le président.
Par amendement n° 67, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, avant l'article 27, une division additionnelle ainsi rédigée : « Chapitre V. - Services de sécurité de la SNCF et de la RATP ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Nous abordons des dispositions qui émanent d'un projet de loi que nous aurions déjà dû discuter, dont j'avais ébauché le rapport, rapport que j'ai d'ailleurs été très frustré de ne pouvoir présenter. Il est par conséquent normal de retrouver quelques rémanences de ce texte dans celui dont nous discutons actuellement.
Il s'agit, en l'occurrence, de créer un chapitre spécifique regroupant les dispositions relatives aux services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP, que l'Assemblée nationale a adopté.
Ces dispositions, comme je le disais, sont issues du projet de loi sur la sécurité privée, dont l'examen - on peut le regretter - n'a pas été inscrit par le Gouvernement à l'ordre du jour du Sénat.
Une fois de plus, en raison du manque de cohérence de l'activité législative du Gouvernement - pardonnez-moi, monsieur le ministre - il a fallu reprendre des dispositions qui sont contenues dans un autre texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je me suis déjà exprimé sur le regret que j'ai, moi aussi, que ce texte n'ait pu être soumis comme prévu au Sénat. Je tiens d'ailleurs à dire que c'est l'examen fort long d'une proposition de loi mise à l'ordre du jour prioritaire du Sénat qui a empêché le ministre des relations avec le Parlement d'inscrire, comme le Gouvernement l'aurait souhaité, le projet dont vous parliez à l'instant, monsieur Schosteck.
Mais tout cela est derrière nous puisque la loi organique modifiant la date d'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale a été adoptée et actée par le Conseil constitutionnel...
Je regrette donc, moi aussi, ce retard. Mais, ne souhaitant pas que le présent texte soit désorganisé, j'émets un avis défavorable sur cet amendement... ce qui ne veut pas dire que je suis contre les dispositions prévues dans le projet de loi sur la sécurité privée.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 67, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, avant l'article 27.

Article 27



M. le président.
« Art. 27. - Après l'article 11 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds, il est inséré un article 11-1 ainsi rédigé :
« Art. 11-1 . - Sans préjudice des dispositions prévues par la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, la Société nationale des chemins de fer français et la Régie autonome des transports parisiens sont autorisées à disposer d'un service interne de sécurité.
« Les services internes de sécurité de la Société nationale des chemins de fer français et de la Régie autonome des transports parisiens sont chargés, dans les emprises immobilières nécessaires à l'exploitation du service géré par l'établissement public et dans ses véhicules de transport public de voyageurs, dans le cadre d'une mission de prévention, de veiller à la sécurité des personnes et des biens, de protéger les agents de l'entreprise et son patrimoine et de veiller au bon fonctionnement du service.
« Les agents des services internes de sécurité de la Société nationale des chemins de fer français et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent, sans avoir à solliciter une autorisation préfectorale, exercer sur la voie publique les missions définies au présent article, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
« Les services internes de sécurité de la Société nationale des chemins de fer français et de la Régie autonome des transports parisiens sont soumis aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article 3 et des articles 4, 8 et 10. »
Par amendement n° 68, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose, dans l'avant-dernier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 11-1 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, de supprimer les mots : « , sans avoir à solliciter une autorisation préfectorale, ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Monsieur le ministre, me voici soulagé : je me demandais à quel moment, compte tenu des références historiques que vous vous plaisez à évoquer, vous parleriez de la raison que vous donnez au retard apporté à l'examen du projet de loi sur la sécurité privée !
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Vous m'en avez donné l'occasion, et je vous en remercie !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je savais bien que vous y viendriez, même si j'ai une autre opinion ! (Sourires.)
Il s'agit de mettre en place les missions des services de sécurité de la SNCF et de la RATP. Il ne nous semble pas utile en l'occurrence de préciser qu'il ne faut pas d'autorisation préfectorale pour exercer sur la voie publique. Cette précision représenterait une dérogation aux dispositions prévues pour l'ensemble des services de sécurité par le projet de loi sur la sécurité privée, toujours en instance d'examen, comme chacun sait. Elle n'est pas nécessaire dans le cadre de la loi de 1983, dans laquelle s'inscrivent pour le moment les présentes dispositions.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Votre commission a considéré que, si la mention de la dispense d'autorisation préfectorale pour l'exercice des missions sur la voie publique par les agents de sécurité des deux entreprises était utile dans le projet de loi relatif aux activités privées de sécurité dont est extrait l'article 27, elle était en revanche inutile ici puisque cet article est incorporé dans la loi du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds. Elle propose donc la suppression de cette mention qu'elle estime redondante.
Je reconnais que cette suppression n'est pas dépourvue de logique juridique. Cependant, je suis réservé car, si on ne peut exclure que les dispositions sur les services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP figurant dans le projet de loi relatif à la sécurité quotidienne soient insérés un jour dans la loi sur les activités privées de sécurité, dont le projet est déposé sur le bureau du Sénat depuis le 17 mai 2000, celui-ci abroge la loi du 12 juillet 1983. La cohérence veut donc que l'on puisse maintenir tel quel le dispositif que nous examinons.
Je crois préférable en conséquence de conserver la rédaction en l'état ; elle apporte une précision utile aux conditions d'exercice des missions des agents de ces deux entreprises qui sont dérogatoires sur ce point.
Au demeurant, compte tenu de la complexité de cette affaire, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 68.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. J'ai bien noté en effet la liaison qu'il y avait entre les deux textes. Il est bien évident que, lorsque nous supprimerons la loi de 1983, nous supprimerons aussi la disposition dont il s'agit. Mais, en attendant, elle est la bienvenue.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 68, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 69, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose, à la fin du dernier alinéa du texte présenté par l'article 27 pour l'article 11-1 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, de remplacer les mots : « des premier et deuxième alinéas de l'article 3 et des articles 4, 8 et 10. » par les mots : « du premier alinéa de l'article 3 et de l'article 4. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit d'un amendement qui permettra d'éviter de rendre applicables à la SNCF et à la RATP des articles de la loi de 1983 qui leur correspondent mal. C'est ainsi que seraient supprimées les références au deuxième alinéa de l'article 3, qui indique que la dénomination des entreprises doit faire apparaître leur caractère privé. Cela ne peut évidemment pas être le cas ni pour la SNCF ni pour la RATP.
A l'article 8, il est indiqué que l'autorisation administrative ne confère aucun caractère officiel au service. En l'occurrence, c'est la loi qui autorise ce service.
Enfin, l'article 10 autorise l'armement des services de sécurité en général, alors que des dispositions spécifiques sont prévues à ce sujet, pour ces deux entreprises, dans un nouvel article 11-4 de la loi susmentionnée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 69, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 27, modifié.

(L'article 27 est adopté.)

Article 28



M. le président.
« Art. 28. - Dans l'article 15 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 précitée, les mots : "ou l'employé de l'entreprise visée aux articles 1er, 2 ou 11", sont remplacés par les mots : "ou l'employé de l'entreprise visée aux articles 1er, 2, 11 ou 11-1". » - (Adopté.)

Article 29



M. le président.
« Art. 29. - Après l'article 11 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 précitée, il est inséré un article 11-2 ainsi rédigé :
« Art. 11-2 . - Les agents des services internes de sécurité de la Société nationale des chemins de fer français et de la Régie autonome des transports parisiens qui ont fait l'objet d'une condamnation à une peine correctionnelle ou à une peine criminelle inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, ne peuvent être affectés ou maintenus dans ce service interne de sécurité. Il en va de même :
« 1° Si l'agent a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion non abrogé ou d'une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ;
« 2° S'il a commis des actes, éventuellement mentionnés dans les traitements automatisés de données personnelles gérés par les autorités de police, contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat. »
Par amendement n° 113, M. Bret, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article 11-2 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, de supprimer les mots : « ou, pour les ressortissants étrangers, dans un document équivalent, ».
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Grâce à cet amendement, nous souhaitons attirer l'attention sur les difficultés d'application qui pourraient résulter de l'application littérale de cet article. Bien entendu, je ne conteste pas la nécessité de recruter un personnel irréprochable pour exercer des activités de surveillance et de sécurité à l'intérieur des services publics de la RATP et de la SNCF, mais je pense que la rédaction mériterait d'être améliorée. C'est la raison d'être de notre amendement.
En particulier, la référence à un « document équivalent » au bulletin n° 2 du casier judiciaire pour le recrutement de ressortissants étrangers me semble un peu elliptique.
Certes, cette rédaction est la reprise quasi-identique des dispositions actuelles du statut du personnel de la sécurité générale de la SNCF. Cependant, comme cela nous a été rappelé, elle vise expressément les ressortissants communautaires, les seuls pouvant être recrutés à l'heure actuelle.
Or, si nous pouvons supposer que les pays de l'Union européenne disposent de « document équivalent » au casier judiciaire français - je n'en suis même pas tout à fait sûre, s'agissant des trois niveaux retenus en France ou du régime juridique applicable -, le problème devient autrement plus complexe s'agissant des ressortissants extérieurs à l'Union européenne.
Faut-il interpréter alors l'article comme une simple demande aux pays d'origine ? Qu'en sera-t-il éventuellement des réfugiés ? Comment jugera-t-on des condamnations s'agissant d'ordres juridiques très différents ? Autant de questions soulevées par le caractère très général de la rédaction de cet alinéa, sur lesquelles je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
En outre, je m'interroge sur le cas des ressortissants français ayant séjourné à l'étranger et qui pourraient y avoir commis des infractions. La logique de l'article ne voudrait-elle pas en effet que l'on puisse demander aux autorités du pays étranger un document attestant de l'absence de condamnation criminelle ou correctionnelle ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Madame Borvo, je suis au regret de vous dire que la commission n'a pas considéré que cet amendement apportait de la clarté dans le débat.
En effet, on voit mal comment la SNCF pourrait ne pas soumettre le recrutement des ressortissants étrangers aux mêmes règles que celui des ressortissants français. Comment pourrait-elle être plus laxiste à l'égard des étrangers que des Français, même s'il peut y avoir, c'est vrai, quelques difficultés administratives à obtenir un document pour un étranger ! Ce serait tout de même un peu fort de café, si vous me permettez cette expression.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je voudrais d'abord rectifier une erreur figurant dans l'argumentaire de l'amendement.
L'exigence de contrôle d'un document équivalant au casier judiciaire pour les ressortissants étrangers employés dans les services internes de sécurité de la SNCF ou de la RATP figure bien dans le projet de loi relatif aux activités de sécurité privée dont est extrait l'article que nous étudions, mais ce par un jeu de renvoi d'articles qui a sans doute échappé à la vigilance des auteurs de l'amendement.
Par ailleurs, il n'y a aucune mesure discriminatoire dans cette exigence : la plupart des pays étrangers disposent d'un équivalent de notre casier judiciaire.
En outre, il est évidemment souhaitable que l'on puisse s'assurer que les agents qui exercent des missions de surveillance et qui peuvent être armés soient exempts de condamnation. Cela me paraît même indispensable.
Dans ces conditions, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Borvo, l'amendement n° 113 est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 113 est retiré.
Par amendement n° 114, M. Bret, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le deuxième alinéa (1°) du texte présenté par l'article 29 pour l'article 11-2 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement a un tout autre objet que celui que je viens d'évoquer à l'instant.
Il vise à supprimer le 1° de l'article 29, qui interdit l'embauche dans un service de sécurité interne de la SNCF ou de la RATP et le maintien dans son poste d'un agent qui « a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion non abrogé ou d'une interdiction du territoire français non entièrement exécutée ».
Je dois dire que la lecture de cette disposition m'a laissée pour le moins perplexe. Rappelons en effet le droit applicable : l'arrêté d'expulsion ou la mesure d'interdiction du territoire empêchent la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour ou emportent son retrait. Par conséquent, ils entraînent l'impossibilité d'embauche et l'annulation du contrat de travail.
En outre, ces deux mesures sont inscrites au bulletin n° 2 du casier judiciaire.
Il est donc clair que toute personne qui a fait l'objet de l'une ou l'autre de ces mesures ne peut être employée dans un service de sécurité de la RATP ou de la SNCF : cette disposition apparaît donc redondante et inutile eu égard à l'état actuel du droit.
La seule explication me semble donc résider dans la volonté d'éviter les situations dans lesquelles une personne faisant l'objet d'une mesure d'interdiction du territoire français ou d'un arrêté d'expulsion pourrait, en infraction à la législation sur les étrangers, se maintenir illégalement dans son poste, faute pour l'entreprise d'avoir eu connaissance de ladite mesure.
Les sénateurs communistes sont pour le moins surpris qu'on demande à l'entreprise publique de se faire juge de l'applicabilité ou de l'exécution d'une mesure d'éloignement du territoire français !
C'est aux préfectures ou aux parquets qu'il revient de s'assurer de l'exécution des mesures administratives ou judiciaires prises à l'encontre des ressortissants étrangers sur le fondement de l'ordonnance de 1945.
Il ne nous semble donc pas judicieux de faire de la direction de la SNCF ou de la RATP des auxiliaires de la police des étrangers.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement parce que les renseignements concernant les mesures d'éloignement du territoire peuvent tout à fait être recueillis auprès des préfectures. Celles-ci disposent des moyens pour le faire. Par conséquent, l'entreprise ne se transforme pas en juge.
En tout état de cause, dans un amendement qui viendra ultérieurement en discussion, nous avons prévenu les inconvénients qui pourraient résulter de cette situation en disant que l'employeur ne peut être sanctionné que s'il a recruté en connaissance de cause.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il s'agit d'une règle générale qui me paraît aller de soi.
Par ailleurs, contrairement à ce qu'indiquent les auteurs de cet amendement, ce ne sont pas la SNCF ou la RATP qui seront juges de l'applicabilité ou de l'inexécution d'une mesure d'éloignement du territoire. Ce contrôle sera non pas le fait des entreprises mais celui des services de l'Etat auxquels les entreprises s'adresseront pour contrôler les conditions d'honorabilité et de moralité.
Je pense donc que les auteurs de cet amendement ont toutes assurances leur permettant de le retirer.
M. le président. Madame Borvo, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 114 est retiré.
Par amendement n° 70, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose, dans le dernier alinéa (2°) du texte présenté par l'article 29 pour l'article 11-2 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, après les mots : « traitements automatisés », d'ajouter les mots : « et autorisés ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. L'article 29 interdit notamment de recruter comme agents des services de sécurité internes de la SNCF ou de la RATP des personnes ayant commis certains actes, « éventuellement mentionnés dans les traitements automatisés de données personnelles gérés par les autorités de police ».
La commission a admis l'idée selon laquelle certains faits, même s'ils n'ont pas donné lieu à condamnation, peuvent empêcher le recrutement dans des services de sécurité très sensibles. Mais elle a souhaité qu'au minimum on ne puisse se référer qu'à des traitements de données autorisés selon les formes légales et réglementaires.
On rappellera à cet égard que le système de traitement de l'information criminelle n'a pas encore fait l'objet d'une autorisation réglementaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il va de soi que les fichiers de police visés ne sont et ne peuvent être que les fichiers autorisés au sens de la loi de 1978 relative à l'informatique et aux libertés. Je pense donc que tous les éléments sont réunis pour donner un avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 70, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 29, ainsi modifié.

(L'article 29 est adopté.)

Article 30



M. le président.
« Art. 30. - L'article 13 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 précitée est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait d'employer une personne dans un service interne de sécurité de la Société nationale des chemins de fer français ou de la Régie autonome des transports parisiens en violation des dispositions prévues à l'article 11-2.
« Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait d'être employé d'un service interne de sécurité de la Société nationale des chemins de fer français ou de la Régie autonome des transports parisiens en vue de participer à son activité en violation des dispositions prévues à l'article 11-2. »
Par amendement n° 71, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose, dans le premier alinéa du texte présenté par cet article pour compléter l'article 13 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983, après les mots : « d'employer », d'insérer les mots : « en connaissance de cause ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet article prévoit de sanctionner le fait d'avoir recruté dans les services de sécurité de la SNCF ou de la RATP une personne ne répondant pas aux conditions légales.
Or les autorités de ces deux entreprises peuvent ne pas être au courant d'un fait commis par une personne qu'ils ont embauchée. Elles ne doivent donc être sanctionnées que dans le cas où elles l'auraient fait en connaissance de cause ; dans le cas contraire, il ne serait pas convenable de les condamner.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Avis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 71, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 30, ainsi modifié.

(L'article 30 est adopté.)

Articles 31 et 32



M. le président.
« Art. 31. - Après l'article 11 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 précitée, il est inséré un article 11-3 ainsi rédigé :
« Art. 11-3 . - La tenue et la carte professionnelle dont les agents des services internes de sécurité de la Société nationale des chemins de fer français et de la Régie autonome des transports parisiens sont obligatoirement porteurs dans l'exercice de leurs fonctions ne doivent entraîner aucune confusion avec celles des autres agents des services publics, notamment des services de police.
« Dans des cas exceptionnels définis par décret en Conseil d'Etat, ils peuvent être dispensés du port de la tenue. » - (Adopté.)
« Art. 32. - Après l'article 11 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 précitée, il est inséré un article 11-4 ainsi rédigé :
« Art. 11-4 . - Les agents des services internes de sécurité de la Société nationale des chemins de fer français et de la Régie autonome des transports parisiens peuvent être nominativement autorisés par l'autorité préfectorale à porter une arme, au maniement de laquelle ils reçoivent une formation.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les catégories et les types d'armes susceptibles d'être autorisés, leurs conditions d'acquisition et de conservation par l'entreprise, les modalités selon lesquelles cette dernière les remet aux agents de son service interne de sécurité et les conditions dans lesquelles ces armes sont portées pendant le service et remisées en dehors du service. » - (Adopté.)

Article additionnel après l'article 32

M. le président. Par amendement n° 133, M. Plasait propose d'insérer, après l'article 32, un article additionnel ainsi rédigé :
« Après le paragraphe 5° de l'article L. 33-3 du code des postes et télécommunications, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« ...° Les installations radioélectriques permettant de rendre inopérants dans les salles de spectacles, tant pour l'émission que pour la réception, les téléphones mobiles de tous types dans l'enceinte des salles de spectacles.
« Les salles de spectacles sont tout lieu dont l'aménagement spécifique est destiné à permettre la représentation ou la diffusion au public d'une oeuvre de l'esprit. »
Cet amendement est-il soutenu ?...

Division additionnelle après l'article 32



M. le président.
Par amendement n° 72, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'ajouter, après l'article 32, une division additionnelle ainsi rédigée : « Chapitre VI. - Dispositions relatives à l'application de la loi ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit toujours de restructurer le texte et d'insérer une nouvelle division, celle-ci regroupant les dispositions relatives à l'application de la loi dans le temps ainsi qu'à son application dans les collectivités d'outre-mer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Défavorable, dans la logique de sa position concernant l'architecture du texte.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 72, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, après l'article 32.

Articles additionnels après l'article 32



M. le président.
Par amendement n° 73, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'ajouter, après l'article 32, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les dispositions du III de l'article 2 et celles de l'article 15-1 du décret du 18 avril 1939 précité, dans leur rédaction résultant des articles 1er et 3 de la présente loi, entreront en vigueur deux mois après la publication des décrets mentionnés à ces articles et au plus tard le 1er janvier 2002. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit de rétablir à la fin du texte la disposition retardant l'application de la mise en oeuvre de l'autorisation préfectorale des établissements de commerce de détail et des prescriptions relatives à la conservation des armes par les particuliers.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Il s'agit d'un amendement de coordination, et j'y suis favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 73, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32.
Par amendement n° 95, M. Karoutchi propose d'ajouter, après l'article 32, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les articles 27 à 32 du présent texte sont applicables en l'état en Ile-de-France jusqu'à la mise en place d'un service de police régionale des transports, couvrant l'ensemble du territoire régional - ville de Paris incluse -, sous l'autorité du préfet de police qui l'organise et le coordonne en sa qualité de préfet de zone de défense d'Ile-de-France. »
La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Il s'agit de tirer concrètement les leçons d'un certain nombre d'incidents graves qui se sont produits dans les transports publics d'Ile-de-France.
Nous savons tous que les transports publics en Ile-de-France, en raison de la densité des réseaux et de l'intensité de la fréquentation, sont les plus dangereux de France. De fait, nous assistons, depuis une dizaine d'années, à une recrudescence considérable des agressions.
Les articles que nous venons d'examiner concernent les services de sécurité interne des entreprises. Mais, en réalité, la sécurité n'est plus assurée dans les transports publics d'Ile-de-France parce qu'il n'y a pas de coordination entre les différents services concernés. Y interviennent en effet conjointement, outre les services de sécurité de la RATP et de la SNCF, des effectifs de la préfecture de police et du ministère de l'intérieur, de la gendarmerie nationale, de la police de l'air et des frontières et des services des douanes. Or il n'y a aucun poste de commandement commun à ces différentes forces.
Ce défaut de coordination est une des raisons qui expliquent que des bagarres très graves aient pu se produire récemment à la Défense. On se souvient que des délinquants sont venus de Mantes-la-Jolie et de Chanteloup-les-Vignes sans que personne ait été prévenu dans les trains qu'ils ont empruntés, alors même que des policiers étaient présents dans les gares de départ.
Ma proposition est relativement simple : compte tenu de la situation particulière de l'Ile-de-France, n'est-il pas possible d'envisager, sous l'autorité du préfet de police, préfet de la zone de défense - il n'est pas question de créer ni une police régionale au sens institutionnel ni une police privée -, la création d'une police régionale des transports qui assurerait la coordination de l'ensemble des forces de sécurité engagées dans la surveillance des transports publics d'Ile-de-France.
Il n'est pas possible de continuer à avoir des forces insuffisantes en nombre et ne faisant l'objet d'aucune coordination.
Le préfet de police de Paris a déjà annoncé qu'il était en contact à la fois avec les deux grandes entreprises et avec les préfets de la région parisienne. Il faut avancer sur ce dossier. Nos concitoyens ne peuvent plus tolérer l'augmentation considérable de la délinquance. L'Etat se doit de les rassurer en apportant une vraie réponse.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission est très sensible aux arguments qu'a développés mon collègue et ami M. Karoutchi. Le remords que j'éprouve à émettre un avis défavorable sur son amendement est tempéré par l'avancée qu'il a lui-même effectuée en insistant beaucoup sur la nécessaire coordination.
Cette idée d'une police régionale des transports a semblé séduisante ; mais la commission n'a pas bien compris comment elle pourrait être mise en oeuvre dans la pratique. S'agirait-il de fusionner dans un corps unique, placé sous l'autorité du préfet de police, les agents de la SNCF, de la RATP et les policiers nationaux appartenant aux brigades des chemins de fer ?
En tout état de cause, cette idée met l'accent sur la nécessité absolue d'une coordination entre les différents intervenants, mais cette coordination ne nécessite peut-être pas la création d'un corps unique.
La commission n'a donc pas souhaité retenir cet amendement en l'état, mais elle reconnaît, avec M. Karoutchi, qu'il faut impérativement, monsieur le ministre, mener une réflexion sur ce sujet et adopter un traitement spécial pour l'Ile-de-France.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. L'article 6 de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995 - la LOPS - a confié au préfet de police de Paris, dans le domaine de l'ordre public, un pouvoir de coordination des actions entreprises dans toute l'Ile-de-France.
Ce dispositif a été concrètement appliqué, pour les transports publics, par la circulaire du 24 février 1998, qui renforce, sous l'autorité du préfet de police, la coordination opérationnelle entre les différents services concernés par la sécurité dans les transports de la région d'Ile-de-France, à savoir : le service de protection et de surveillance des réseaux ferrés parisiens, relevant de la préfecture de police et dont dépendent 502 policiers ; la brigade des chemins de fer, qui dépend de la police aux frontières et qui représente 643 policiers ; les directions départementales de la sécurité publique de petite et grande couronnes ; enfin, en tant que de besoin, les services de sécurité de la RATP - groupe de protection et de sécurité du réseau, ou GPSR - et de la SNCF - surveillance générale, ou SUGE.
Cette coordination se concrétise, notamment, par l'échange d'informations et la mise en place d'opérations communes en fonction des évolutions de la délinquance constatées sur les réseaux.
La salle d'information et de commandement du service de protection et de surveillance des réseaux ferrés, dite PC 2000, installée dans les locaux de la RATP, constitue le pivot opérationnel de ce dispositif de sécurité.
Dans le courant du second semestre de cette année, cet outil sera complété par un PC rapproché, en gare du Nord, entre la brigade des chemins de fer de la police de l'air et des frontières et la surveillance générale de la SNCF.
Le préfet de police qui vient de prendre ses fonctions a, par ailleurs, engagé, à ma demande, une réflexion avec le président du conseil régional d'Ile-de-France, la SNCF et la RATP, en vue de renforcer la dimension régionale de l'action des différents services, ce qui constitue l'une de ses priorités d'action.
Il faut aussi souligner que le développement de la police de proximité et les contrats locaux de sécurité spécifiques aux transports signés dans les départements de la région Ile-de-France contribuent également à mieux assurer la sécurité des gares, stations et lignes.
En tout état de cause, il ne saurait être question de rassembler dans un seul et même service des fonctionnaires de la police nationale et des personnels de la SNCF et de la RATP.
Pour toutes ces raisons, il me paraît préférable de renforcer la coordination opérationnelle, notamment dans des postes de commandement commun, et le travail en partenariat, plutôt que de s'engager dans la voie proposée par M. Karoutchi. C'est en ce sens que travaille, à ma demande, M. le préfet de police.
Je souhaite que ces explications permettent à l'auteur de l'amendement de le retirer, faute de quoi je devrai émettre un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 95.
M. Roger Karoutchi. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, dans votre propos, je relève des éléments extrêmement intéressants et d'autres qui me paraissent quelque peu contradictoires.
Ce que je critique dans le dispositif actuel, c'est justement le manque de volonté des entreprises, et peut-être d'autres partenaires, de mettre en place un PC unique. Il est complètement aberrant qu'il existe un PC quai de la Rapée pour la RATP et un autre à la gare du Nord pour la SNCF.
Il eût été beaucoup plus cohérent qu'il y ait pour l'ensemble de l'Ile-de-France un PC unique, placé sous l'autorité du préfet de police. Quand vous prenez le RER, vous ne savez pas si vous roulez avec la RATP ou avec la SNCF ! Or, lorsque vous passez d'un réseau à l'autre, vous changez de centre de contrôle !
En réalité, je souhaite que le préfet de police soit l'autorité unique sur la sécurité dans les transports publics en Ile-de-France. Je ne demande pas la création d'un corps unique : je sais bien que les membres de la SUGE ont le statut de cheminot ; je ne demande pas qu'ils deviennent policiers !
Vous dites parfois, monsieur le ministre, que nous voulons un peu trop régionaliser ou municipaliser la police nationale. Eh bien, moi, je ne suis pas franchement partisan d'une discussion entre l'autorité régionale - président du conseil régional ou autre - et le préfet de police sur la mise en place de cette police régionale des transports. Pour moi, l'expression « police régionale » ne signifie en aucun cas que la collectivité régionale doit avoir une autorité sur la police : elle n'en a ni la capacité ni la compétence. La police doit rester sous l'autorité absolue de l'Etat, sous l'autorité du préfet de police.
Que le conseil régional intervienne pour équiper la police régionale des transports, lui apporter une aide à l'investissement, c'est une chose. Mais tout le reste doit dépendre uniquement du préfet de police.
Mon sentiment est que, si cet amendement est adopté, cela ne changera rien au statut des personnels mais tout le monde sera incité à discuter avec le préfet de police pour enfin se mettre d'accord et parvenir à une autorité unique.
M. Christian Bonnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le ministre, vous avez évoqué une réflexion. Dans votre esprit, cette réflexion doit-elle aboutir à ce que le préfet de police soit le seul responsable dans ce domaine ?
Par ailleurs, les autorités de la SNCF et de la RATP acceptent-elles cette autorité unique que nous appelons tous de nos voeux ?
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur. Je croyais avoir été assez explicite, mais il semble préférable de repréciser les choses. Il est clair que M. le préfet de police a l'autorité de coordination sur l'ensemble de ces services.
Les mots ont un sens, monsieur Karoutchi ! Je suis contre la création d'une police régionale, ou d'un corps de police régionale au sens habituel du terme. Mais il n'y a aucune ambiguïté : le préfet de police est responsable de la rationalisation et de la coordination. Il en allait ainsi lorsque M. Massoni était préfet, il en ira de même avec M. Proust.
En outre, la coordination sera renforcée, puisque le PC police-SNCF et le PC police-RATP travailleront ensemble, toujours sous autorité de M. le préfet de police.
Dans la pratique, la coordination et l'homogénéité de commandement que vous souhaitez existent sans qu'il soit nécessaire d'aller jusqu'à la création d'un service de police régionale. Ma réponse est extrêmement claire et vaut engagement.
Le dispositif actuel ne pose pas de problème. On en a d'ailleurs éprouvé l'efficience dans une circonstance particulière - je pense aux incidents qui se sont produits à la Défense - même si elle nous a valu des critiques : en trente minutes, l'ensemble des policiers concernés ont pu être présents et régler la difficulté ! Restait à savoir où les jeunes viendraient et où ils s'arrêteraient, mais c'est une autre question.
En règle générale - je touche du bois ! - à Paris, les manifestations et les divers incidents sont réglés avec la coordination souhaitable.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 95, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32.
Mes chers collègues, avant d'aborder l'examen des articles qui ont été précédemment réservés, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante-cinq, est reprise à seize heures.)

M. le président. La séance est reprise.

4

CANDIDATURE À UN ORGANISME
EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jean-Louis Lorrain pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

5

SÉCURITÉ QUOTIDIENNE

Suite de la discussion
et adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.
J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
Mes chers collègues, nous allons maintenant examiner les articles qui ont été précédemment réservés.

Chapitre III

Dispositions modifiant le code monétaire et financier
et le code de la consommation

M. le président. Par amendement n° 159, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose, dans l'intitulé du chapitre III, de supprimer les mots : « et le code de la consommation ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il s'agit d'un amendement de coordination avec la décision de la commission des lois de réintégrer tous les articles sur les cartes de paiement dans le code monétaire et financier qui a été codifié le 14 décembre dernier. En effet, la commission considère que ces articles n'ont pas leur place dans le code de la consommation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Le Gouvernement émet un avis favorable, car il s'agit d'un retour au texte initial.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 159, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'intitulé du chapitre III est ainsi modifié.

Article 7

(précédemment réservé)

M. le président. « Art. 7. - Le second alinéa de l'article L. 132-2 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« Il ne peut être fait opposition au paiement qu'en cas de perte, de vol ou d'utilisation frauduleuse de la carte ou de ses numéros, de redressement ou de liquidation judiciaires du bénéficiaire. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 107 est présenté par M. Bret, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 115 est déposé par M. Delfau.
Tous deux tendent, dans le texte proposé par l'article 7 pour le second alinéa de l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, à supprimer les mots : « ou de ses numéros ».
Les deux amendements suivants sont, eux aussi, identiques.
L'amendement n° 45 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 97 est déposé par M. Vallet, au nom de la commission des finances.
Tous deux ont pour objet, dans le texte présenté par l'article 7 pour le second alinéa de l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, de remplacer les mots : « de ses numéros » par les mots : « des données liées à son utilisation ».
La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 107.
Mme Nicole Borvo. Comme l'a fait remarquer M. Brard, rapporteur pour avis de la commission des finances de l'Assemblée nationale, la carte de paiement comporte des références alphanumériques. Avec la puce, elle comporte au recto non seulement des numéros, mais également les nom et prénom du titulaire, une date de péremption, et au verso la signature du titulaire, ainsi qu'un autre numéro placé au-dessus de la bande magnétique côté gauche, qui est le numéro de série de la carte éditée par l'opérateur, dont le nom est inscrit en haut à droite, avec le numéro d'habilitation reçu.
Pour ne pas tomber dans l'excès, ne faut-il pas en rester à la définition générale d'une carte de paiement ou de retrait, telle qu'elle a déjà été précisée par l'ancien article 57-1 de la loi n° 91-1382, qui a fait l'objet d'une abondante discussion voilà dix ans ?
M. le président. La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° 115.
M. Gérard Delfau. Nous sommes perplexes devant l'ajout, par l'Assemblée nationale, des mots « ou de ses numéros » s'agissant de l'utilisation frauduleuse de la carte bancaire. Il est évident, pour tout utilisateur, que la carte bancaire comporte bien d'autres données permettant de la singulariser. Commencer à énumérer une de ces données, c'est ouvrir le champ à des litiges. C'est pourquoi nous proposons de supprimer cet ajout, et donc de conserver le texte précédent, à l'instar de ce qui se fait pour le chèque, à propos duquel il n'est spécifié rien d'autre que l'instrument bancaire lui-même.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 45.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement permet précisément de répondre aux objections judicieuses formulées par ceux qui ont présenté les deux amendements précédents.
En effet, nous nous sommes bien rendu compte que l'expression « de ses numéros » posait quelques problèmes et était ambiguë. Néanmoins, nous avons considéré qu'il convenait d'apporter une précision. C'est pourquoi nous proposons de remplacer l'ajout de l'Assemblée nationale par les mots : « des données liées à son utilisation ». Le fait que les députés aient prévu que l'opposition au paiement par carte pourrait être effectuée en cas d'utilisation frauduleuse de la carte ou de ses numéros prête à confusion car une carte ne comporte qu'un numéro. Il s'agit donc de viser tous les éléments qui sont liés à l'utilisation de la carte et qui peuvent être utilisés par un fraudeur : le nom, la validité, le cryptogramme, le numéro de la carte, voire le code secret.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 97.
M. Philippe Adnot, en remplacement de M. André Vallet, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement a le même objet que celui que vient de présenter la commission des lois.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques n°s 107 et 115 ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission ayant elle-même présenté un amendement, elle émet, par voie de conséquence, un avis défavorable sur les amendements n°s 107 et 115,
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 107, 115, 45 et 97 ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le texte actuel du projet de loi inclut le cas d'opposition non seulement pour l'utilisation frauduleuse de la carte mais également pour l'utilisation des seuls numéros de la carte, comme vous l'avez évoqué. Cette précision ne semble pas excessive. Elle est tout à fait utile car elle permet de couvrir le cas où le titulaire de la carte n'est pas physiquement dépossédé de celle-ci et où la fraude a été commise sans l'utilisation physique de ladite carte mais simplement en utilisant un certain nombre de ses paramètres.
Ces raisons, qui me paraissent en effet tout à fait importantes au regard de ce que sont aujourd'hui les formes de la criminalité liées à l'utilisation frauduleuse de la carte bancaire, conduisent le Gouvernement à demander à Mme Borvo et à M. Delfau de bien vouloir retirer leurs amendements.
J'en viens aux amendements identiques n°s 45 et 97.
Le Gouvernement constate qu'ils élargissent en effet le champ des cas d'opposition, ce qui permettra de répondre aux évolutions de ces technologies. La mention des données liées à l'utilisation de la carte, qui ne sont pas seulement de nature numérique, vous l'avez rappelé à juste titre, enrichit le texte. Aussi, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 107 est-il maintenu, madame Borvo ?
Mme Nicole Borvo. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 107 est retiré.
L'amendement n° 115 est-il maintenu, monsieur Delfau.
M. Gérard Delfau. Je reconnais la pertinence de l'observation de M. le secrétaire d'Etat. L'objectif que je poursuivais est atteint par l'amendement de la commission. Je me rallie à ce dernier et je retire donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 115 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 45 et 97, pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Par amendement n° 116, M. Delfau propose de compléter in fine le texte présenté par l'article 7 pour le second alinéa de l'article L. 132-2 du code monétaire et financier par les mots : « , également appelé titulaire ».
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Cet amendement concerne une formulation qui, en l'état, nous paraît peu claire.
En effet, si on parle régulièrement de « bénéficiaire » pour les chèques, on parle en général, y compris dans ce projet de loi, de « titulaire » pour une carte de paiement. Afin d'éviter toute confusion, je propose de compléter in fine l'article 7 par les mots « , également appelé titulaire ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission est perplexe car, à ses yeux, cet amendement procède d'une confusion entre les deux notions de titulaire de la carte et de bénéficiaire du paiement. Elle émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Monsieur Delfau, peut-être était-il, en effet, utile de clarifier ce point. Vous me permettez de le faire grâce à votre amendement.
Il y a peut-être un malentendu sur ce point. Le projet de loi vise le redressement ou la liquidation judiciaires non pas du titulaire de la carte bancaire mais, bien sûr, du bénéficiaire du paiement. Cette précision pourrait vous conduire à retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. L'amendement n° 116 est-il maintenu, monsieur Delfau ?
M. Gérard Delfau. A la lumière des explications de M. le secrétaire d'Etat, qui permettent de clarifier un point qui aurait pu prêter à contestation, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 116 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7 bis

(précédemment réservé)

M. le président. « Art. 7 bis . - Après l'article L. 121-82 du code de la consommation, sont insérés une division et un intitulé ainsi rédigés : "Section 11. - Contrat de titulaire d'une carte de paiement ou d'une carte de retrait". »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 46 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 98 est déposé par M. Vallet, au nom de la commission des finances.
Tous deux tendent à supprimer l'article 7 bis .
La parole et à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 46.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Nous proposons de supprimer cet article, qui a été introduit par l'Assemblée nationale.
En effet, il crée, dans le code de la consommation, une nouvelle section, pour regrouper les dispositions relatives à la protection contre la fraude du titulaire d'une carte de paiement ou de retrait. Il convient, comme je l'ai dit tout à l'heure, de laisser les dispositions relatives aux cartes dans le code monétaire et financier dont la codification a été achevée au mois de décembre dernier, plutôt que de créer une nouvelle section dans le code de la consommation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 98.
M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis. La commission des finances considère, elle aussi, que le titulaire d'une carte sera mieux protégé si ces dispositions figurent dans le code monétaire et financier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 46 et 98 ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 46 et 98, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 bis est supprimé.

Article 7 ter

(précédemment réservé)

M. le président. « Art. 7 ter . - Après l'article L. 121-82 du code de la consommation, il est inséré un article L. 121-83 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-83 . - Le titulaire d'une carte mentionnée à l'article L. 132-1 du code monétaire et financier supporte la perte subie, en cas de perte ou de vol, avant la mise en opposition prévue à l'article L. 132-2 du même code, dans la limite d'un plafond qui ne peut dépasser 400 euros, sauf s'il a agi avec une négligence constituant une faute lourde ou si la mise en opposition a été effectuée plus de deux jours francs après la perte ou le vol, auxquels cas le plafond prévu n'est pas applicable.
« Le plafond visé à l'alinéa précédent est porté à 275 euros au 1er janvier 2002 et à 150 euros à compter du 1er janvier 2003. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 47 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 99 est déposé par M. Vallet, au nom de la commission des finances.
Tous deux tendent à rédiger comme suit le début de cet article :
« Après l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 132-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-3. - Le titulaire... ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 47.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement traite de la responsabilité du titulaire d'une carte de paiement en cas de perte ou de vol de sa carte. Là encore, nous paraît s'imposer une codification dans le code monétaire et financier, plutôt que dans le code de la consommation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 99.
M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis. Je n'ai rien à ajouter au propos de M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 47 et 99 ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 47 et 99, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 117, M. Delfau propose, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 7 ter pour l'article L. 121-83 du code de la consommation, de remplacer les mots : « dans la limite d'un plafond qui ne peut dépasser 400 euros » par les mots : « dans la limite d'un plafond fixé par décret, ».
Par amendement n° 145, M. Leclerc propose, dans le premier alinéa du texte présenté par cet article pour l'article L. 121-83 du code de la consommation, de remplacer les mots : « d'un plafond qui ne peut dépasser 400 euros » par les mots : « d'un plafond fixé par un décret pris en Conseil d'Etat ».
Par amendement n° 108, M. Bret, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par cet article pour insérer un article L. 121-83 dans le code de la consommation, de remplacer les mots : « 400 euros », par les mots : « 150 euros ».
La parole est à M. Delfau, pour présenter l'amendement n° 117.
M. Gérard Delfau. Nos collègues de l'Assemblée nationale ont ajouté dans le texte qui a été proposé par le Gouvernement pour l'article L. 121-83 du code de la consommation les mots « dans la limite d'un plafond qui ne peut dépasser 400 euros ». Même si nous connaissons l'origine de cette somme, il ne nous semble pas de bonne méthode de fixer dans la loi un montant. Cela relève manifestement d'un décret, et donc du domaine réglementaire. Evidemment, en disant cela, je ne voudrais pas qu'il y ait le moindre risque de voir le plafond fixé ultérieurement excéder cette somme. Je fais au contraire remarquer que c'est une somme déjà très importante pour les particuliers et les très petites entreprises, commerçants et artisans.
Voilà pourquoi je propose, par l'amendement n° 117, de faire figurer les mots : « dans la limite d'un plafond fixé par décret », et j'invite M. le secrétaire d'Etat à nous dire qu'en tout état de cause la somme sera plutôt plus basse que plus haute.
M. le président. L'amendement n° 145 est-il soutenu ?...
La parole est à Mme Borvo, pour présenter l'amendement n° 108.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, si vous le permettez, et dans un souci de cohérence, je défendrai en même temps les amendements n°s 108 et 109, qui portent sur la question des frais liés à la perte ou au vol d'une carte de paiement.
Le texte actuel de l'article 7 ter du projet de loi prévoit la mise en oeuvre d'un allégement progressif de ces frais, conformément aux orientations fixées en matière de sécurité des moyens de paiement par les directives européennes.
Le point de départ de ce mouvement est aujourd'hui constitué par la teneur d'un accord passé entre les établissements de crédit et les groupes de distribution commerciale, accord passé sans l'avis et la signature des organisations de consommateurs agréées ou encore des professions du commerce de détail et de l'artisanat.
Pour notre part, nous estimons nécessaire d'opter pour un strict respect de ce qui est aujourd'hui recommandé, c'est-à-dire le plafonnement à 150 euros des frais encourus.
On ne peut en effet oublier qu'un plafond plus important - 400 euros, cela fait quand même environ 2 500 francs - pourrait constituer dans les faits un facteur d'exclusion bancaire supplémentaire, exclusion dont le débat que nous avons aujourd'hui et celui que nous aurons la semaine prochaine à l'occasion de l'examen du projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dit « MURCEF », permettent de mesurer l'importance.
Plusieurs millions de nos compatriotes sont en effet aujourd'hui privés du droit à l'utilisation des moyens de paiement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 117 et 108 ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 117. Le plafond de responsabilité en cas de perte ou de vol aurait certes pu être fixé par décret. Mais de très longs débats à l'Assemblée nationale ont abouti à modifier le montant résultant de la charte signée par les banques le 22 février 2001, et il ne nous a donc pas semblé opportun de confier la fixation de ce plafond au décret.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 108. Il convient en effet, nous semble-t-il, non pas d'abaisser directement à 150 euros le plafond de responsabilité - à l'heure actuelle, les montants fixés contractuellement sont plus élevés - mais plutôt d'aboutir progressivement à un tel montant, qui est d'ailleurs conseillé par la Commission européenne.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. S'agissant de l'amendement n° 117 et du renvoi à un décret du soin de fixer le montant de la franchise, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, sans y voir pour autant une autolimitation de ses pouvoirs.
S'agissant de l'amendement n° 108, qui prévoit une franchise de 150 euros, le Gouvernement - vous l'avez sans doute compris à la lecture des débats de l'Assemblée nationale - est soucieux d'un partage équilibré des responsabilités liées au coût de la fraude due à la perte ou au vol de la carte. Si le Gouvernement est favorable au principe d'une diminution progressive de la franchise laissée à la charge des porteurs, il souhaite également inciter à la prudence dans la conservation et l'utilisation du code confidentiel de cette carte et à une déclaration rapide de la perte ou du vol de celle-ci. A cet égard, le texte de l'Assemblée nationale me paraît équilibré, et j'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 108.
J'indique pour mémoire que le seuil de 150 euros émane d'une recommandation européenne et non d'une directive, et concerne des niveaux hétérogènes de sécurité pour les cartes de paiement.
Par ailleurs, je rappelle que le plafond de 400 euros prévu dans le projet de loi résulte d'une très large concertation avec l'ensemble des parties prenantes. Dès lors, l'abaissement de ce plafond ne peut être que progressif. En d'autres termes, monsieur Delfau, s'il revient au Gouvernement de fixer ensuite par décret ce plafond, le passage au-dessous du montant de 400 euros qui, dans un premier temps, paraît raisonnable, ne pourra se faire que progressivement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 117, repoussé par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 108, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 48 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 100 est déposé par M. Vallet, au nom de la commission des finances.
Tous deux tendent, après les mots : « 400 euros », à remplacer la fin du premier alinéa du texte proposé par l'article 7 ter pour l'article L. 121-83 du code de la consommation par les dispositions suivantes : « Toutefois, s'il a agi avec une négligence fautive ou si, après la perte ou le vol de ladite carte, il n'a pas effectué la mise en opposition dans les meilleurs délais, compte tenu de ses habitudes d'utilisation de la carte de paiement, le plafond prévu à la phrase précédente n'est pas applicable. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 48.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit de la responsabilité financière du titulaire d'une carte perdue ou volée. Cet amendement tend à une nouvelle rédaction des conditions d'inopposabilité du plafond de limitation de responsabilité du titulaire.
Cette rédaction diffère de celle de l'Assemblée nationale sur deux points.
Elle vise, d'une part, la « négligence fautive » du titulaire au lieu de la « négligence constituant une faute lourde » comme condition de non-application à son égard du plafond. Il ne convient pas, en effet, de déresponsabiliser le titulaire de la carte : il a la garde de cette carte et doit prendre toutes les mesures de précaution à cet égard. La notion de « négligence constituant une faute lourde » est à notre avis excessive. J'ajoute que cette notion nous a également semblé difficile à cerner dans la mesure où il s'agirait un peu d'une innovation dans ce secteur du droit.
D'autre part, la rédaction proposée par cet amendement ne se réfère plus à un délai d'opposition supérieur à « deux jours francs » mais exige une opposition « dans les meilleurs délais », en tenant compte des situations individuelles.
Le délai de deux jours francs prévu par le projet de loi pour effectuer une opposition après la perte ou le vol de la carte semble à la fois trop long, dans la mesure où les centres d'opposition sont ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, et trop court, dans le cas où la personne ne s'aperçoit pas tout de suite du vol de sa carte. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons faire référence aux « habitudes » des personnes.
A l'heure actuelle, le contrat du Groupement économique cartes bancaires vise l'opposition tardive. La jurisprudence apprécie d'ailleurs le caractère tardif en fonction, précisément, de la situation de l'espèce. La notion d'opposition non effectuée dans les meilleurs délais, compte tenu des habitudes du titulaire quant à l'utilisation de la carte, semble donc plus appropriée que la fixation d'un délai arbitraire.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 100.
M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis. Monsieur le président, ainsi que vous l'avez souligné, cet amendement est identique à l'amendement n° 48 de la commission des lois.
Nous nous sommes interrogés sur la nécessité de fixer un délai limite pour la déclaration d'opposition au-delà duquel le titulaire ne bénéficie plus du plafond de la franchise fixé à 400 euros.
En effet, la fréquence d'utilisation des cartes de paiement varie fortement d'un titulaire à l'autre. En conséquence, le délai de deux jours francs peut apparaître à la fois excessif, lorsque le titulaire de la carte l'utilise très régulièrement, et insuffisant, lorsque le titulaire n'en fait qu'une utilisation ponctuelle.
Selon les informations que nous avons pu obtenir, la Cour de cassation, pour apprécier si l'opposition était tardive, tient compte notamment de la fréquence d'utilisation de la carte, de la réception des relevés de compte sur lesquels figurent les opérations effectuées à l'aide de la carte ainsi que des circonstances de l'espèce.
Nous vous proposons donc de supprimer le délai de deux jours francs et d'exiger du porteur qu'il effectue la mise en opposition « dans les meilleurs délais, compte tenu de ses habitudes d'utilisation de la carte de paiement ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 48 et 100 ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Comme vous l'avez compris, nous recherchons ensemble sur ces sujets difficiles des solutions équilibrées dans le partage des responsabilités.
Si le Gouvernement pourrait tout à fait soutenir le remplacement de la notion de négligence constituant une faute lourde par celle de négligenc fautive - cette initiative permettrait en effet de ne pas exonérer les cas d'imprudence manifeste dans la détention mais aussi dans la tabulation du code confidentiel -, en revanche, il se montre plus réservé face à la notion d'opposition « compte tenu des habitudes d'utilisation de la carte de paiement », qui paraît un peu imprécise, en tout cas difficile à qualifier dans le cas d'un contentieux, et qui ne semble pas répondre à notre objectif d'une mise en opposition immédiate de la carte après sa perte ou son vol.
Aussi le Gouvernement est-il défavorable aux amendements n°s 48 et 100. Toutefois, si leurs auteurs les rectifiaient pour en limiter le champ au remplacement de la notion de négligence constituant une faute lourde par celle de négligence fautive, le Gouvernement serait alors prêt à soutenir cette nouvelle formulation.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, pardonnez-moi d'insister, mais je voudrais vous rendre attentif à un point sur lequel nous nous sommes beaucoup interrogés : nous avons en effet pris en compte le cas d'une personne ne se servant pas habituellement de sa carte - cela doit nous arriver à tous, et, personnellement, je reste parfois une semaine sans l'utiliser - et qui se la fait dérober. Comment peut-elle savoir qu'on lui a volé sa carte ? Il faut donc laisser du temps. La jurisprudence l'a d'ailleurs parfaitement bien compris puisqu'elle tient compte précisément du cas de l'espèce.
Je crains donc qu'une rigueur trop grande dans ce domaine n'entraîne une iniquité envers le malheureux qui aura été floué, ce qui me paraît tout à fait malvenu.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Après avoir entendu l'ensemble des arguments avancés en faveur de cet amendement, le Gouvernement s'en remet finalement à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Merci !
M. le président. Je vais mettre aux voix les deux amendements identiques n°s 48 et 100.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je partage complètement le point de vue de M. le rapporteur et, en même temps, je crains que la formule « compte tenu de ses habitudes d'utilisation de la carte de paiement » n'enclenche toute une série de contestations possibles si l'émetteur bancaire ne se révèle pas vraiment disposé à faciliter la prise en charge.
L'expression « dans les meilleurs délais » me paraît à la fois tenir compte des souhaits de M. le rapporteur et offrir plus de garanties à l'utilisateur intermittent.
Vous pouvez constater, monsieur le président, mes chers collègues, que j'en suis encore à m'interroger ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les deux amendements identiques n°s 48 et 100, pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 109 est présenté par M. Bret, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 118 est déposé par M. Delfau.
Enfin, l'amendement n° 146 est présenté par M. Leclerc.
Tous trois tendent à supprimer le second alinéa du texte proposé par l'article 7 ter pour l'article L. 121-83 du code de la consommation.
Compte tenu des votes précédemment intervenus, ces amendements n'ont plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 7 ter, modifié.

(L'article 7 ter est adopté.)

Article 7 quater

(précédemment réservé)

M. le président. « Art. 7 quater . - Après l'article L. 121-82 du code de la consommation, il est inséré un article L. 121-84 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-84 . - La responsabilité du titulaire d'une carte mentionnée à l'article L. 132-1 du code monétaire et financier n'est pas engagée si la carte a été utilisée frauduleusement sans présentation physique ou sans identification électronique. La seule utilisation d'un code confidentiel ou de tout élément d'identification similaire n'est pas suffisante pour engager la responsabilité du titulaire, sauf s'il a agi avec une négligence constituant une faute lourde. En conséquence, dans ces deux cas, si le titulaire de la carte conteste par écrit avoir effectué un paiement ou un retrait, les sommes contestées lui sont recréditées sur son compte par l'émetteur de la carte ou restituées, sans frais, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la contestation. »
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 49 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 101 est déposé par M. Vallet, au nom de la commission des finances.
Tous deux tendent à rédiger comme suit cet article :
« Après l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 132-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-4. - La responsabilité du titulaire d'une carte mentionnée à l'article L. 132-1 n'est pas engagée si le paiement contesté a été effectué frauduleusement sans présentation physique de la carte ou sans identification électronique.
« De même, sa responsabilité n'est pas engagée en cas d'utilisation frauduleuse du code confidentiel ou de tout élément d'identification, sauf s'il a agi avec une négligence fautive.
« Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, si le titulaire de la carte conteste par écrit avoir effectué un paiement ou un retrait, les sommes contestées lui sont recréditées sur son compte par l'émetteur de la carte ou restituées, sans frais, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la contestation. »
Par amendement n° 119, M. Delfau propose, au début de la dernière phrase du texte présenté par l'article 7 quater pour l'article L. 121-84 du code de la consommation, de remplacer les mots : « En conséquence » par le mot : « Toutefois, ».
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 111 est présenté par M. Bret, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 120 est présenté par M. Delfau.
Tous deux tendent, dans la dernière phrase du texte proposé par l'article 7 quater pour l'article L. 121-84 du code de la consommation, à supprimer les mots : « par écrit ».
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 110 est présenté par M. Bret, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 121 est présenté par M. Delfau.
Tous deux tendent à compléter le texte proposé par l'article 7 quater pour l'article L. 121-84 du code de la consommation par un alinéa ainsi rédigé :
« Le titulaire d'une carte victime d'une utilisation frauduleuse de celle-ci doit immédiatement confirmer à la banque ou institution financière émettrice son opposition par écrit, quel que soit le support de cet écrit. Tout banquier ou institution financière émettrice doit informer par écrit les titulaires des cartes des sanctions encourues en cas d'opposition fondée sur une autre cause que celles prévues à l'article L. 132-2 du code monétaire et financier. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 49.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit de la responsabilité du titulaire d'une carte en cas de fraude.
Sur la forme, cet amendement opère une codification dans le code monétaire et financier plutôt que dans le code de la consommation, et chacun, je crois, a bien compris l'utilité de ce classement.
Sur le fond, cet amendement tend à proposer une nouvelle rédaction de l'article, faisant ressortir les deux cas dans lesquels le titulaire peut demander à sa banque d'être recrédité : d'abord, le paiement effectué sans présentation de la carte ou sans identification électronique par le code ou tout autre moyen d'identification à venir, comme la signature électronique ; ensuite, l'utilisation frauduleuse du code confidentiel.
La possibilité de contestation est explicitement liée à ces deux cas. Le caractère frauduleux de l'utilisation du code est indiqué pour éviter de revenir sur le principe français d'irrévocabilité des paiements par carte. En outre, une simple négligence fautive et non une négligence constituant une faute lourde est suffisante pour restituer toute responsabilité au titulaire même en cas d'utilisation frauduleuse de son code.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 101.
M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis. Nous partageons le souci de dégager la responsabilité du titulaire de bonne foi en cas d'utilisation frauduleuse par un tiers des éléments d'identification de sa carte de paiement. Il nous paraît en effet légitime qu'il n'ait pas à supporter les conséquences financières de la fraude et que son compte puisse être recrédité des sommes contestées.
Nous nous inquiétons toutefois des conséquences qui pourraient résulter de la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, car la deuxième phrase de l'article 7 quater prévoit de dégager le titulaire de sa responsabilité en cas d'utilisation de son code confidentiel sans préciser qu'il faut limiter le champ d'application de cette disposition à l'utilisation frauduleuse de celui-ci. Or l'absence de cette précision tend à remettre en cause le principe d'irrévocabilité de l'ordre de paiement qui figure au premier alinéa de l'article L. 132-2 du code monétaire et financier.
M. le président. La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° 119.
M. Gérard Delfau. Il s'agit en quelque sorte d'un amendement stylistique. Il m'a semblé en effet que le texte serait amélioré si les mots « en conséquence » étaient remplacés par le mot « toutefois ».
M. le président. La parole est à Mme Borvo, pour présenter l'amendement n° 111.
Mme Nicole Borvo. Par souci de cohérence, je défendrai conjointement les amendements n°s 110 et 111.
Il s'agit de faire valoir la possibilité, pour les personnes victimes d'une fraude à la carte de paiement, de recourir à l'ensemble des moyens techniques existants pour exercer leur droit d'opposition. L'évolution des techniques de l'information est en effet telle que tout support écrit, y compris l'écrit électronique, peut aujourd'hui être reconnu comme moyen de faire valoir ses droits.
Tel est l'objet de ces deux amendements, qui tendent en fait à ouvrir cette faculté aux titulaires de carte de paiement, alors même que nous devrions constater, dans les années à venir, une utilisation de plus en plus large des modes récents de transmission des données.
M. le président. La parole est à M. Delfau, pour défendre les amendements n°s 120 et 121.
M. Gérard Delfau. L'amendement n° 120 tend à préciser la formulation d'un texte qui sera évidemment lu et commenté et qui donnera lieu à une abondante jurisprudence. Je propose donc la suppression des mots « par écrit », car la modalité de la contestation doit être scindée et renvoyée à la fin de l'article 7 quater pour une plus grande clarté.
L'amendement n° 121 est quant à lui un amendement de cohérence et de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 119, 111, 120, 110 et 121 ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 119, qui recèle, me semble-t-il, un contresens. En effet, c'est bien parce que la responsabilité du titulaire n'est pas engagée en vertu des alinéas précédents que celui-ci peut demander à sa banque de le recréditer des sommes débitées à la suite d'une fraude. Les mots « En conséquence » doivent donc être maintenus dans le texte de l'article 7 quater.
En ce qui concerne les amendements identiques n°s 111 et 120, la commission y est également défavorable. Ils tendent en effet à susciter une confusion entre l'opposition préalable à un paiement et la réclamation consécutive à un paiement déjà effectué, or il s'agit de deux choses différentes et c'est bien la seconde qui est visée par le présent article.
S'agissant des amendements identiques n°s 110 et 121, ils induisent eux aussi une confusion entre opposition et réclamation, et la commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement a une lecture tout à fait positive de cette « brassée » d'amendements.
Les amendements identiques n°s 49 et 101 soulèvent une question essentielle.
L'article 7 quater vise à traiter les cas de fraude survenue en l'absence de perte ou de vol de la carte, ce qui représente donc un cas de figure tout à fait important dans l'optique du débat qui nous occupe cet après-midi. Concrètement, il s'agit de dégager la responsabilité du porteur lorsqu'il a été victime d'une utilisation frauduleuse de certaines données de la carte, et les amendements déposés par les commissions tendent à répondre à cette préoccupation en apportant des clarifications qui me paraissent tout à fait utiles.
En ce qui concerne le dégagement de responsabilité en cas d'utilisation du code confidentiel, la rédaction présentée par ces amendements est en effet meilleure que celle du texte actuel. Néanmoins, j'appelle votre attention, messieurs les rapporteurs, sur la nécessité de s'assurer que la loi ne va pas inciter les banques à réduire leur effort d'investissement en matière de sécurité, alors que l'on sait bien que celui-ci est, dans notre pays, tout à fait essentiel, s'agissant d'un système qui a fait ses preuves mais qui mérite d'être encore consolidé.
Nous avons par ailleurs l'opportunité, par cet article, de transposer l'article 8 de la directive 97/7/CE, qui porte sur ce sujet. Il est important que la rédaction de l'article permette d'opérer cette transposition dans de meilleures conditions, et le Gouvernement est donc tout à fait disposé à s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les amendements identiques n°s 49 et 101.
En ce qui concerne l'amendement n° 119, la logique de l'article est d'identifier les cas où la responsabilité du porteur doit être entièrement dégagée, celui-ci ayant alors droit à une recréditation intégrale. Il convient donc, à mon sens, de maintenir les mots « En conséquence », ce qui implique que le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 119.
En revanche, les amendement identiques n°s 110 et 121 visent à introduire dans le texte un élément intéressant, cohérent avec les évolutions récentes du droit de la preuve, et le rapporteur de la loi sur la signature électronique que je fus à l'Assemblée nationale dans une vie antérieure y est tout à fait sensible. Par conséquent, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse du Sénat sur ces amendements.
Nous sommes, en conclusion, tout à fait d'accord pour enrichir le texte sur la base des propositions de la Haute Assemblée.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 49 et 101, pour lesquels le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 quater est ainsi rédigé et les amendements n°s 119, 111, 120, 110 et 121 n'ont plus d'objet.

Article 7 quinquies

(précédemment réservé)

M. le président. « Art. 7 quinquies. - Après l'article L. 121-82 du code de la consommation, il est inséré un article L. 121-85 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-85 . - En cas d'utilisation frauduleuse d'une carte mentionnée à l'article L. 132-1 du code monétaire et financier, l'émetteur de la carte rembourse à son titulaire la totalité des frais qu'il a supportés. »
Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 50, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose de rédiger comme suit cet article :
« Après l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 132-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-5. - En cas d'utilisation frauduleuse d'une carte mentionnée à l'article L. 132-1, l'émetteur de la carte rembourse à son titulaire les frais d'opposition et d'émission d'une nouvelle carte ainsi que les éventuels frais liés au fonctionnement du compte, tels que les agios, les frais de dossier et les frais d'incidents sur moyens de paiement qu'il a supportés à raison de la fraude. »
Par amendement n° 102, M. Vallet, au nom de la commission des finances, propose de rédiger comme suit l'article 7 quinquies :
« Après l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 132-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-5. - En cas d'utilisation frauduleuse d'une carte mentionnée à l'article L. 132-1, l'émetteur de la carte rembourse à son titulaire les frais d'opposition et d'émission d'une nouvelle carte ainsi que les éventuels frais liés au fonctionnement du compte, c'est-à-dire les agios, les frais de dossier et les frais d'incidents sur moyens de paiement qu'il a supportés à raison de la fraude. »
Par amendement n° 122, M. Delfau propose, à la fin du texte présenté par l'article 7 quinquies pour l'article L. 121-85 du code de la consommation, de remplacer les mots : « la totalité des frais qu'il a supportés » par les mots : « les frais de toute nature qu'il a supportés ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 50.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Après examen, nous avons jugé que l'amendement de la commission des finances était mieux rédigé que le nôtre. Par conséquent, je retire à son profit l'amendement n° 50.
M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 102.
M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis. Je remercie la commission des lois. Nous avons enfin trouvé une petite différence entre nos propositions ! (Sourires.)
Tout en étant favorables à ce que le titulaire soit remboursé par l'émetteur d'une carte de paiement ou de retrait de la totalité des frais qu'il aura supportés en cas d'utilisation frauduleuse de celle-ci, nous nous interrogeons sur la portée pratique de l'article 7 quinquies.
En effet, il faut éviter que la rédaction retenue n'autorise certains porteurs indélicats à exiger le remboursement de frais qui ne seraient pas directement liés à l'utilisation frauduleuse de la carte.
Lors des débats à l'Assemblée nationale, M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation a précisé que la notion de remboursement intégral devait être interprétée au sens où l'entend le rapport du Conseil national de la consommation, et couvrir les frais liés aux agios, à l'interdiction bancaire, à la mise en opposition et au renouvellement de la carte.
Dans ces conditions, nous ne comprenons pas le refus de l'Assemblée nationale et du Gouvernement de préciser qu'il s'agit du remboursement des frais bancaires. Ce terme figure dans la charte et n'avait soulevé, au moment de la signature de celle-ci, aucune critique de la part du Gouvernement.
Toutefois, afin de trouver un compromis avec ce dernier, nous proposons de préciser exactement la nature des frais que les établissements de crédit ont le devoir de rembourser en cas d'utilisation frauduleuse d'une carte. La liste nous paraît exhaustive, et c'est la raison pour laquelle nous avons proposé de remplacer les mots : « tels que » par le terme : « c'est-à-dire ».
M. le président. La parole à est M. Delfau, pour défendre l'amendement n° 122.
M. Gérard Delfau. Je me suis interrogé à propos de la formule : « la totalité des frais qu'il a supportés » figurant dans le texte actuel, parce que le sens du mot : « totalité » est à la fois très large et très imprécis.
Dans un souci d'amélioration du texte, je propose donc de retenir plutôt la formule suivante : « les frais de toute nature qu'il a supportés ».
Je serai cependant très attentif à l'avis qu'exprimera M. le secrétaire d'Etat au sujet de l'amendement de la commission des finances...
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 122 ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission y est défavorable, car elle estime que le remboursement assuré par l'émetteur d'une carte utilisée frauduleusement doit être limité aux frais spécifiquement bancaires qui sont énumérés dans son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 102 et 122 ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement pense qu'il est en effet utile de préciser la nature des frais dont le banquier doit assurer le remboursement aux porteurs victimes d'une fraude.
De ce point de vue, les amendements distinguent bien les deux séries de frais : ceux qui sont perçus, c'est-à-dire les frais d'opposition et d'émission d'une nouvelle carte, et ceux qui sont susceptibles de l'être dans le cadre de la convention de compte bancaire, c'est-à-dire les frais liés au fonctionnement du compte.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 102.
J'ajoute cependant, au risque de diviser la commission des lois et la commission des finances, que l'expression : « tels que », qui avait été retenue par la commission des lois, était peut-être de nature à éviter une limitation trop restrictive de l'énumération et à mieux rendre compte de la diversité des situations.
Toutefois, le Gouvernement, je le répète, n'est nullement défavorable à l'amendement n° 102.
Je pense avoir répondu par ailleurs à la préoccupation de M. Delfau, qui, sous le bénéfice de ces explications, pourrait sans doute retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Delfau, l'amendement n° 122 est-il maintenu ?
M. Gérard Delfau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 122 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 102, accepté par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 quinquies est ainsi rédigé.

Article 7 sexies

(précédemment réservé)

M. le président. « Art. 7 sexies . - Après l'article L. 121-82 du code de la consommation, il est inséré un article L. 121-86 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-86 . - Le titulaire d'une carte de paiement ou de retrait a la possibilité de déposer une réclamation dans un délai de cent vingt jours au maximum et qui ne peut être inférieur à soixante-deux jours à compter de la date de l'opération contestée. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 51 est présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 103 est déposé par M. Vallet, au nom de la commission des finances.
Tous deux tendent à rédiger comme suit cet article :
« Après l'article L. 132-2 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 132-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-6. - Le délai légal pendant lequel le titulaire d'une carte de paiement ou de retrait a la possibilité de déposer une réclamation est fixé à soixante-dix jours. Il peut être prolongé contractuellement, sans pouvoir dépasser cent vingt jours. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 51.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit d'apporter une petite précision et d'introduire une garantie supplémentaire.
Sur la forme, tout d'abord, je redis que nous estimons que ces dispositions ont davantage leur place dans le code monétaire et financier.
Sur le fond, nous pensons qu'il conviendrait de porter le délai légal de réclamation à soixante-dix jours, et non plus soixante-deux jours, comme en avait décidé l'Assemblée nationale, pour tenir compte du délai correspondant à l'envoi de deux relevés de compte.
Nous pensons qu'il est plus prudent d'ajouter les délais d'acheminement par la poste. C'est là une précaution qui n'est pas fondamentale mais qui sera plus sûre.
Ce délai légal pourra être allongé contractuellement à cent vingt jours, comme l'a prévu l'Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement identique n° 103.
M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis. Nous sommes en parfait accord avec la commission des lois et faisons nôtres ses observations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 51 et 103, acceptés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 sexies est ainsi rédigé.

Article 8

(précédemment réservé)

M. le président. « Art. 8. - L'article L. 141-4 du code monétaire et financier est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« La Banque de France s'assure de la sécurité des moyens de paiement tels que définis à l'article L. 311-3, autres que la monnaie fiduciaire, et de la pertinence des normes applicables en la matière. Si elle estime qu'un de ces moyens de paiement présente des garanties de sécurité insuffisantes, elle peut recommander à son émetteur de prendre toutes mesures destinées à y remédier. Si ces recommandations n'ont pas été suivies d'effet, elle peut, après avoir recueilli les observations de l'émetteur, décider de formuler un avis négatif publié au Journal officiel .
« Pour l'exercice de ces missions, la Banque de France procède aux expertises et se fait communiquer, par l'émetteur ou par toute personne intéressée, les informations utiles concernant les moyens de paiement et les terminaux ou les dispositifs techniques qui leur sont associés.
« Il est institué un observatoire de la sécurité des cartes de paiement, qui regroupe des parlementaires, des représentants des administrations concernées, des émetteurs de cartes de paiement et des associations de commerçants et de consommateurs. L'observatoire de la sécurité des cartes de paiement assure, en particulier, le suivi des mesures de sécurisation entreprises par les émetteurs et les commerçants, l'établissement de statistiques de la fraude et une veille technologique en matière de cartes de paiement, avec pour objet de proposer des moyens de lutter contre les atteintes d'ordre technologique à la sécurité des cartes de paiement. Le secrétariat de l'observatoire est assuré par la Banque de France. Le président est désigné parmi ses membres. Un décret en Conseil d'Etat précise sa composition et ses compétences. »
Par amendement n° 123, M. Delfau propose, dans la dernière phrase du premier alinéa du texte présenté par cet article pour compléter l'article L. 141-4 du code monétaire et financier, après les mots : « après avoir recueilli les observations de l'émetteur », d'insérer les mots : « dans un délai de trente jours après signification ou notification effective, ou en l'absence de réponse dans ce même délai, ».
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Tout d'abord, s'agissant de l'article 8, je me réjouis, comme l'ensemble de nos collègues, de ce que la Banque de France soit très précisément chargée de la sécurité de ce moyen de paiement.
Mon amendement n'a d'autre objet que de conforter la procédure et de la rendre plus sûre en introduisant ce délai de réponse de trente jours.
Chacun comprend l'intérêt de ce délai : il permet à la personne lésée de recevoir, par le biais de la Banque de France, une réponse à son attente.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission n'est pas favorable à cet amendement.
En effet, elle ne souhaite pas enfermer la Banque de France dans un délai quelconque. Il peut y avoir urgence pour la Banque de France à signaler l'insuffisance de sécurité d'un moyen de paiement. Il faut donc lui laisser une souplesse. En tout état de cause, la Banque aura déjà fait à l'émetteur des recommandations non suivies d'effet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à cet amendement très judicieux qui vise à sécuriser le dispositif en évitant que la Banque de France ne se trouve démunie face à un émetteur récalcitrant ou de mauvaise foi.
Je me demande d'ailleurs si un délai de quinze jours ne contribuerait pas à renforcer davantage encore la protection du public en la matière.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Je souhaite rectifier mon amendement en ce sens et remplacer les mots : « trente jours » par les mots : « quinze jours ».
Je demande à nos deux rapporteurs de bien voir l'intérêt, pour la crédibilité du système, de cet amendement modeste.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 123 rectifié, présenté par M. Delfau, et tendant, dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par l'article 8 pour compléter l'article L. 141-4 du code monétaire et financier, après les mots : « après avoir recueilli les observations de l'émetteur », à insérer les mots : « dans un délai de quinze jours après signification ou notification effective, ou en l'absence de réponse dans ce même délai, ».
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Avis défavorable sur le délai !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 123 rectifié, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 124, M. Delfau propose de rédiger comme suit la dernière phrase du dernier alinéa du texte présenté par l'article 8 pour compléter l'article L. 141-4 du code monétaire et financier :
« Un décret en Conseil d'Etat précise sa composition pouvant être élargie à des personnalités qualifiées, l'étendue de ses compétences et les moyens de fonctionnement dont elle sera dotée. »
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission n'a pas cru devoir retenir les précisions proposées, étant rappelé que le décret fixera déjà la composition et les moyens de fonctionnement de l'observatoire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 124, repoussé par la commission et accepté par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 104, M. Vallet, au nom de la commission des finances, propose de compléter le texte présenté par l'article 8 pour compléter l'article L. 141-4 du code monétaire et financier par un alinéa ainsi rédigé :
« L'observatoire établit chaque année un rapport d'activité remis au ministre chargé de l'économie, des finances et de l'industrie et transmis au Parlement. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis. Favorables à sa création, nous estimons cependant nécessaire de demander à cet observatoire de remettre, chaque année, un rapport d'activité au ministre et au Parlement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 104, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, ainsi modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Articles 9 et 9 bis

(précédemment réservés)

M. le président. « Art. 9. - Après l'article L. 163-4 du code monétaire et financier, sont insérés deux articles L. 163-4-1 et L. 163-4-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 163-4-1 . - Est puni de sept ans d'emprisonnement et de 750 000 EUR d'amende le fait, pour toute personne, de fabriquer, d'acquérir, de détenir, de céder, d'offrir ou de mettre à disposition des équipements, instruments, programmes informatiques ou toutes données conçus ou spécialement adaptés pour commettre les infractions prévues au 1° de l'article L. 163-3 et au 1° de l'article L. 163-4.
« Art. L. 163-4-2 . - La tentative des délits prévus au 1° de l'article L. 163-3, au 1° de l'article L. 163-4 et à l'article L. 163-4-1 est punie des mêmes peines. » - (Adopté.)
« Art. 9 bis . - Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport décrivant les mesures prises au niveau international et européen pour lutter contre les crimes et délits se produisant à l'aide ou sur les réseaux numériques. Ce rapport décrit, notamment, les efforts entrepris pour aboutir à l'élaboration d'une convention réprimant ou prévenant de tels agissements. » - (Adopté.)

Article 10

(précédemment réservé)

M. le président. « Art. 10. - L'article L. 163-5 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« Art. L. 163-5 . - La confiscation, aux fins de destruction, des chèques et cartes de paiement ou de retrait contrefaits ou falsifiés est obligatoire dans les cas prévus aux articles L. 163-3 à L. 163-4-1. Est également obligatoire la confiscation des matières, machines, appareils, instruments, programmes informatiques ou de toutes données qui ont servi ou étaient destinés à servir à la fabrication desdits objets, sauf lorsqu'ils ont été utilisés à l'insu du propriétaire. »
Par amendement n° 125, M. Delfau propose de compléter le texte présenté par cet article pour l'article L. 163-5 du code monétaire et financier par un alinéa ainsi rédigé :
« La confiscation, aux fins de destruction, du matériel visé au présent article se fait en présence d'un officier ministériel habilité qui place les scellés et dresse un inventaire détaillé et exhaustif, pouvant être utilisé ultérieurement lors d'une confrontation en justice. Les frais de scellé et du dressé d'inventaire restent à la charge de la Banque de France. »
La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Cet article pécise les conditions de la confiscation pour destruction de tous les moyens de paiement contrefaits ou falsifiés.
Il me semble utile d'inscrire dans la loi que la destruction doit se faire en présence d'un officier ministériel habilité, qui place les scellés puis dresse un inventaire détaillé et exhaustif, au cas où il y aurait ensuite une action en justice.
Si je propose d'ajouter cette précision importante dans le texte, c'est parce que je me suis souvenu d'une malheureuse affaire judiciaire, que je ne citerai pas dans cette enceinte, où le GIE carte bancaire a fait procéder à la destruction d'un matériel falsifié, privant ainsi la justice de tous les moyens d'investigation nécessaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Il apparaît que la confiscation ou la destruction est une peine complémentaire liée à une condamnation pour contrefaçon. Cette peine est donc exécutée selon les règles du code de procédure pénale.
Au cours de la procédure judiciaire pourra être ordonnée une saisie, qui sera effectuée, selon les règles de la procédure pénale, par un officier de police judiciaire, soit lors de l'enquête de flagrance, soit sur commission rogatoire. Les frais seront pris en charge par la justice et n'incomberont pas à la Banque de France.
En tout état de cause, retenons que les garanties demandées par M. Delfau existent déjà dans la procédure ordinaire.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je souscris aux observations de M. le rapporteur.
Le Gouvernement comprend la préoccupation exprimée à l'instant par M. Delfau, qui souhaite voir placés sous main de justice les matériels et les programmes ayant servi ou pouvant servir à des contrefaçons, afin de permettre toutes les investigations nécessaires. Néanmoins, les dispositions de droit commun du code de procédure pénale, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, offrent d'ores et déjà toutes les garanties souhaitables.
Pour éviter toute difficulté en la matière, il conviendra que l'autorité judiciaire soit saisie le plus rapidement possible des faits de contrefaçon de chèques ou de cartes de paiement afin de lui permettre de prendre en urgence des mesures conservatoires. Des instructions en ce sens seront d'ailleurs données aux services de police ainsi qu'aux procureurs de la République.
Enfin, les frais occasionnés dans le cadre d'une procédure pénale, notamment ceux de mise sous scellés, constituent des frais de justice criminels, et n'ont donc pas à revenir à la Banque de France. Nonobstant toutes dispositions contraires, c'est bien à l'Etat de les supporter.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le Gouvernement n'est pas favorable à votre amendement, monsieur Delfau.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 125.
M. Gérard Delfau. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 125 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Articles 11 et 12

(précédemment réservés)

M. le président. « Art. 11. - Le premier alinéa de l'article L. 163-6 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« Dans tous les cas prévus aux articles L. 163-2 à L. 163-4-1 et L. 163-7, le tribunal peut prononcer l'interdiction des droits civiques, civils et de famille prévue par l'article 131-26 du code pénal ainsi que l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une activité professionnelle ou sociale, en application des dispositions des articles 131-27 et 131-28 du code pénal. » - (Adopté.)
« Art. 12. - Après l'article L. 163-10 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 163-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 163-10-1 . - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions définies aux articles L. 163-2 à L. 163-4-1, L. 163-7 et L. 163-10.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
« 2° Les peines mentionnées à l'article 131-39 du code pénal.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. » - (Adopté.)

Article 16

(précédemment réservé)

M. le président. « Art. 16. - I. - Sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et à Mayotte les dispositions des chapitres II et III, à l'exception des dispositions de l'article 8 qui ne sont applicables qu'à Mayotte. »
« II. - L'article L. 712-5 du code monétaire et financier est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'institut d'émission d'outre-mer s'assure, en liaison avec la Banque de France, de la sécurité des moyens de paiement tels que définis à l'article L. 311-3, autres que la monnaie fiduciaire, et de la pertinence des normes applicables en la matière. S'il estime qu'un de ces moyens de paiement présente des garanties de sécurité insuffisantes, il peut recommander à son émetteur de prendre toutes mesures destinées à y remédier. Si ces recommandations n'ont pas été suivies d'effet, il peut, après avoir recueilli les observations de l'émetteur, décider de formuler un avis négatif publié au Journal officiel.
« Pour l'exercice de ces missions, l'institut d'émission d'outre-mer procède, ou fait procéder sous son contrôle aux expertises et se fait communiquer les informations utiles concernant les moyens de paiement et les terminaux ou les dispositifs techniques qui leur sont associés. »
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 58, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose de supprimer cet article.
Par amendement n° 152 rectifié bis , le Gouvernement propose de rédiger comme suit l'article 16 :
« I. - Les dispositions du chapitre II et des articles 7, 7 quinquies , 7 sexies , 8 à 12, 17, 21 à 23 et 26 sont applicables à Mayotte.
« II. - Les dispositions des I et IV de l'article 6, des articles 6 bis A, 7, 7 quinquies , 7 sexies , 9 à 12, 17, 21 à 23 et 26 sont applicables en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna.
« III. - Les dispositions des I à IV et VI de l'article 6, des articles 6 bis A, 7, 7 quinquies , 7 sexies , 9 à 12, 17, 21 à 23 et 26 sont applicables en Polynésie française.
« IV. - L'article L. 712-5 du code monétaire et financier est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'institut d'émission d'outre-mer s'assure, en liaison avec la Banque de France, de la sécurité des moyens de paiement tels que définis à l'article L. 311-3, autres que la monnaie fiduciaire, et de la pertinence des normes applicables en la matière. S'il estime qu'un de ces moyens de paiement présente des garanties de sécurité insuffisantes, il peut recommander à son émetteur de prendre toutes mesures destinées à y remédier. Si ces recommandations n'ont pas été suivies d'effet, il peut, après avoir recueilli les observations de l'émetteur, décider de formuler une avis négatif publié au Journal officiel .
« Pour l'exercice de ces missions, l'institut d'émission d'outre-mer procède, ou fait procéder par la Banque de France, aux expertises et se fait communiquer les informations utiles concernant les moyens de paiement et les terminaux ou les dispositifs techniques qui leur sont associés. »
« V. - Dans les articles L. 731-1, L. 741-2, L. 751-2 et L. 761-1 du code monétaire et financier, les références : "L. 131-1, L. 131-2" sont remplacées par les références : "L. 131-1 à L. 131-3, L. 132-5 et L. 132-6". »
Par amendement n° 126, M. Delfau propose, dans la dernière phrase du premier alinéa du texte présenté par le II de l'article 16 pour compléter l'article L. 712-5 du code monétaire et financier, après les mots : « après avoir recueilli les observations de l'émetteur », d'insérer les mots : « dans un délai de trente jours après signification ou notification effective, ou en l'absence de réponse dans ce même délai, ».
Les deux derniers amendements sont présentés par M. Vallet, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 105 tend, dans le second alinéa du texte proposé par le II de l'article 16 pour compléter l'article L. 712-5 du code monétaire et financier, à supprimer les mots : « , ou fait procéder sous son contrôle ».
L'amendement n° 106 vise, dans le second alinéa du texte proposé par le II de l'article 16 pour compléter l'article L. 712-5 du code monétaire et financier, après les mots : « et se fait communiquer », à insérer les mots : « , par l'émetteur ou par toute personne intéressée, ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 58.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet article prévoyant un dispositif d'extension à l'outre-mer doit, pour des questions d'ordre, figurer à la fin du projet de loi. Nous proposons donc de le supprimer ici pour le réintroduire à la fin du texte.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 152 rectifié bis .
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Vous vous en doutez, c'est un amendement auquel je suis particulièrement sensible.
Il convient en effet de modifier l'article 16 figurant dans le présent projet de loi pour tenir compte des amendements introduits en première lecture par l'Assemblée nationale aux chapitres II et III et des articles créés au chapitre IV.
Je précise également que ces dispositions ne sont pas applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna, où ces matières relèvent de la compétence de la collectivité d'outre-mer.
Les articles introduits au chapitre III dans le code de la consommation ne peuvent être étendus à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna où ce code n'est pas applicable.
Il convient, par ailleurs, d'apporter des modifications à l'article 16 pour tenir compte des amendements adoptés au cours de la présente lecture afin de préciser l'applicabilité d'un certain nombre de dispositions aux territoires et aux collectivités d'outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° 126.
M. Gérard Delfau. C'est un amendement de concordance par rapport à une position que j'ai prise précédemment.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre les amendements n°s 105 et 106.
M. Philippe Adnot, rapporteur pour avis. Il va de soi, monsieur le président, que, si la proposition de la commission des lois de reporter à la fin du texte cet article est retenue, nos amendements seront intégrés à ce stade.
Nous partageons la volonté d'étendre à l'institut d'émission d'outre-mer les prérogatives données à la Banque de France en matière de sécurité des moyens de paiement.
Toutefois, nous estimons que leurs prérogatives doivent être identiques. En conséquence, nous vous proposons, d'une part - c'est l'amendement n° 105 -, de supprimer la disposition permettant à l'Institut d'émission d'outre-mer de faire procéder à des expertises, que nous jugeons inopportune, d'autre part - c'est l'amendement n° 106 -, d'ajouter que ledit institut peut se faire communiquer par l'émetteur ou toute personne intéressée les informations utiles pour sa mission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 152 rectifié bis , 126, 105 et 106 ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 152 rectifié bis présenté par le Gouvernement, nous ne pouvons qu'émettre un avis défavorable sur la forme, puisque nous proposons dans l'amendement n° 58 de renvoyer les dispositions figurant à l'article 16 en fin de texte.
Sur le fond, je pourrais être embarrassé parce que cet amendement n'a pas été examiné par la commission. Cependant, je peux subodorer l'avis qu'elle aurait émis : il aurait été défavorable.
Il semble que le Gouvernement a fait son marché dans nos propositions !
S'agissant de l'amendement n° 126, présenté par M. Delfau, la commission y est également défavorable.
En effet, comme à l'article 8 pour la Banque de France, il importe de laisser suffisamment de souplesse à l'institut d'émission d'outre-mer pour émettre un éventuel avis négatif.
Enfin, pour ce qui est des amendements n°s 105 et 106, nous pensons qu'ils sont satisfaits par l'amendement n° 58 de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 58, 126, 105 et 106 ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à ces quatre amendements.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 58, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 16 est supprimé et les amendements n°s 152 rectifié bis , 126, 105 et 106 n'ont plus d'objet.

Article additionnel après l'article 32

(précédemment réservé)

M. le président. Par amendement n° 74, M. Schosteck, au nom de la commission des lois, propose d'insérer, après l'article 32, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna et à Mayotte, les dispositions des chapitres II et III, à l'exception des dispositions de l'article 8, qui ne sont applicables qu'à Mayotte.
« II. - L'article L. 712-5 du code monétaire et financier est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'institut d'émission d'outre-mer s'assure, en liaison avec la Banque de France, de la sécurité des moyens de paiement tels que définis à l'article L. 311-3, autres que la monnaie fiduciaire, et de la pertinence des normes applicables en la matière. S'il estime qu'un de ces moyens de paiement présente des garanties de sécurité insuffisantes, il peut recommander à son émetteur de prendre toutes mesures destinées à y remédier. Si ces recommandations n'ont pas été suivies d'effet, il peut, après avoir recueilli les observations de l'émetteur, décider de formuler un avis négatif publié au Journal officiel .
« Pour l'exercice de ces missions, l'institut d'émission d'outre-mer procède aux expertises et se fait communiquer, par l'émetteur ou par toute personne intéressée, les informations utiles concernant les moyens de paiement et les terminaux ou les dispositifs techniques qui leur sont associés. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement, n° 151, présenté par M. Flosse et les membres du groupe du Rassemblement pour la République et apparentés, et tendant :
« A. - Dans le I du texte proposé par cet amendement pour insérer un article additionnel après l'article 32, à supprimer les mots : ", en Polynésie française".
« B. - Après le I du même texte, à insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« I bis. - Sont applicables en Polynésie française, les paragraphes I à IV et VI de l'article 6 et les articles 7, 9, 10, 11 et 12 de la présente loi. A cet effet, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 805 du code de procédure pénale sont également applicables. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 74.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit de la reprise en fin de texte de l'article relatif à l'applicabilité outre-mer, assortie de quelques coordinations avec le texte adopté pour la Banque de France.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour défendre le sous-amendement n° 151.
M. Alain Vasselle. A la suite des modifications apportées en première lecture par l'Assemblée nationale, il n'est pas possible de conserver la rédaction originale de l'article 16 qui étendait à la Polynésie française toutes les dispositions des chapitres II et III à l'exception de l'article 8.
En effet, certaines de ces modifications touchent à des dispositions non applicables en Polynésie française.
Il en est ainsi : de l'article 18-1 de l'actuel code de la route et des articles L. 224-1, 224-2 et 224-3 du nouveau code ; de la loi n° 70-1301 du 31 décembre 1970 et de l'article L. 325-12 du nouveau code ; de l'article L. 36 de l'actuel code de la route et de l'article L. 330-2 du nouveau code ; de l'article 6 bis , qui relève du code polynésien ; de l'article 6 ter , qui se rattache à l'article L. 235-1 du nouveau code, non applicable en Polynésie française ; des articles 7 bis , 7 ter , 7 quater et 7 quinquies et sexies , qui modifient le code de la consommation, non applicable en Polynésie française.
Enfin, il paraît utile de rappeler la règle posée au deuxième alinéa de l'article 805 du code de procédure pénale sur les références aux dispositions non applicables localement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 151 ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Ce sous-amendement est tout à fait intéressant, mais la commission ne peut y être favorable.
Ce sous-amendement ne tient pas compte des modifications apportées par le Sénat au projet de loi. Or, compte tenu de ces modifications, la rédaction que nous avons adoptée devrait pleinement satisfaire son auteur.
En effet les dispositions du chapitre II relatives au code de la route ont été reportées dans un chapitre non applicable à la Polynésie française et les dispositions du chapitre III relatives aux cartes de paiement ont été codifiées dans le code monétaire et financier, qui, lui, est applicable en Polynésie française, et non dans le code de la consommation, ce qui dégage M. Flosse de tous ses soucis.
M. le président. Monsieur Vasselle, le sous-amendement n° 151 est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 151 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 74 ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Il s'agit de l'application outre-mer de dispositions nouvelles : vous comprendrez que c'est un sujet auquel je suis très sensible.
Sur le fond, l'amendement n° 152 rectifié bis qu'avait proposé le Gouvernement traitait globalement la question. Je concède que le dépôt de cet amendement était un peu tardif, au regard notamment de sa grande technicité. Néanmoins, il répondait globalement à la préoccupation exprimée dans l'amendement n° 74. Je ne suis donc pas favorable à celui-ci.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 74, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32.

Vote sur l'ensemble



M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de cette discussion assez longue, je dois me féliciter, au nom de mon groupe, de la qualité du dialogue qui s'est noué entre nous sur des sujets sensibles à propos desquels nous avons de profondes divergences. Nous avons pu, et c'est heureux, dialoguer sans invectives. Certes, les invectives, ce n'est pas l'habitude de cette maison, mais cela aurait pu se faire.
Les arguments échangés m'ont paru riches dans beaucoup de cas, même si j'aurais préféré que les dispositions qui me paraissaient les plus séduisantes aient été plus souvent retenues.
Il y a eu, malgré tout, une véritable écoute de la part du rapporteur et, dans certains cas, de la part de la majorité. On vient de le voir sur les dispositions financières ; on l'a vu à propos de la délinquance des mineurs, notamment sur le couvre-feu, que vous avez accepté de placer sous l'égide de la protection de l'enfance et non plus de la répression, comme c'était initialement prévu.
Cependant, trop de choses nous divisent. En raison du caractère sécuritaire du projet de loi, qui modifie trop profondément l'esprit du texte qui est issu des travaux de l'Assemblée nationale, comme je l'avais laissé entendre lors de la discussion générale, notre groupe ne le votera pas.
Il ne s'agit pour nous, je le répète, ni de laxisme, ni de la découverte tardive de la nécessité de renforcer l'action sécuritaire ; nous n'avons pas de tabou dans ce domaine. S'il est nécessaire de renforcer l'appareil répressif, nous l'acceptons.
Mais cette idée ne saurait servir de seule politique - ce qui, je vous le concède, n'est pas votre cas - ni même de politique prioritaire : d'autres moyens en amont, en matière de prévention en particulier, doivent être mis en oeuvre.
Vous ne rejetez pas ces moyens, mais nous, nous considérons qu'ils doivent être prioritaires, et cela constitue entre nous plus qu'une divergence.
Nous considérons en particulier que tous les mécanismes de coordination entre les différents services de l'Etat ou des collectivités qui concourent à la mise en oeuvre de cette sécurité doivent être renforcés et que cette coordination doit être prioritaire. La politique mise en oeuvre par le Gouvernement en matière de police de proximité nous semble, de ce point de vue, exemplaire.
Dans le projet de loi tel qu'il est issu des travaux du Sénat, deux points nous semblent particulièrement inacceptables.
Le premier concerne le rôle donné au maire. On lui accorde trop de pouvoir et pas assez de moyens. Et si les moyens étaient octroyés, nous courrions le risque de la territorialisation de la police et d'une « shérifisation », si je puis dire, des maires.
Le deuxième point qui nous paraît tout à fait inacceptable a trait aux dispositions concernant la délinquance des mineurs, que ce soit le couvre-feu, auquel j'ai déjà fait allusion, ou la pénalisation des infractions commises par des jeunes de dix à treize ans.
En contrepoint, nous pourrions citer certaines dispositions qui nous paraissent quelque peu laxistes, concernant les armes ou les délits de grande vitesse sur les routes notamment.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le texte qui émane de nos débats.
M. le président. La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de nos travaux, les sénateurs communistes ne peuvent que regretter que le débat sur la sécurité quotidienne ait été dominé par les réflexes sécuritaires d'une partie de la droite sénatoriale, plus soucieuse d'affichage politique que de solutions effectives et sereines apportées à des problèmes identifiés.
Dans mon intervention lors de la discussion générale, j'étais critique à l'égard de la méthode des « diverses dispositions » retenue par le Gouvernement : je me dis aujourd'hui qu'elle est sans conteste bien préférable à la surenchère parfois caricaturale à laquelle nous avons assisté tout au long du débat de la part de certains sénateurs de droite - heureusement pas de tous, d'ailleurs !
Comment adhérer en effet à cette vision simpliste de la délinquance juvénile, qui persiste à réduire celle-ci aux jeunes voyous des cités, dotés de parents, sinon criminels, du moins gravement irresponsables, qui vont se droguer dans des raves parties ! Vous allez même jusqu'à leur refuser le statut d'enfant pour les réduire à une entité pénale : le mineur.
Parce que nous sommes très préoccupés, au groupe communiste, de cette délinquance commise de plus en plus jeune et de manière de plus en plus violente contre les personnes, nous pensons qu'il faut se garder de toute vision réductrice qui traiterait au même niveau extrême, sans les hiérarchiser, les comportements incivils et les violences à l'égard des personnes. Une telle analyse va à l'encontre de tout objectif de responsabilisation et de réinsertion.
C'est en partant de l'idée de privilégier la resocialisation et non de rendre un verdict de condamnation sans appel que l'ordonnance de 1945 avait choisi d'affirmer la primauté des mesures éducatives sur le répressif. La coercition n'a de sens en effet que si elle reste un ultime recours.
Les présidents des groupes de la majorité sénatoriale ont décidé de constituer une commission d'enquête sur l'ordonnance de 1945. Nous ne pouvons qu'approuver cette démarche, que nous avions nous-mêmes proposée en commission des lois.
Je le redis : il aurait mieux valu commencer par là et nous interroger sur les conditions d'application de l'ordonnance, d'autant plus que l'ensemble des professionnels nous disent qu'ils disposent d'une large palette de dispositions législatives... mais n'ont pas assez de moyens pour les appliquer !
Concernant les autres amendements que vous avez votés, là non plus, nous ne pouvons pas être d'accord.
Comment accepter le démembrement de la police nationale - car les dispositions votées reviennent à cela - qui ferait dépendre l'importance des moyens mis en oeuvre de la richesse d'une commune ? Comment croire que c'est rendre service aux maires que de les instituer responsables de tout, de leur donner un pouvoir de constitution de partie civile qui les mettrait en butte aux pressions et risquerait de les obliger à être présents sur toutes les procédures, sauf à être jugés négligents ? Comment penser par ailleurs que dresser l'un contre l'autre le maire et le procureur est une bonne méthode, un bon moyen pour faire coopérer des acteurs chargés de la sécurité ? Nous ne le pensons pas. Nous jugeons même que c'est grave.
Pour notre part, nous défendons une conception de la République fondée sur l'égalité de tous devant la sécurité. Or seul l'Etat peut garantir cette égalité des citoyens.
Non ! décidément, les sénateurs communistes ne peuvent se retrouver dans le projet de société que vous avez développé ici : une société manichéenne, recroquevillée sur elle-même, qui croit que la solution à l'insécurité consiste à dresser des cordons sanitaires un peu partout.
Nous refusons cette stigmatisation d'une partie de la population, d'une partie de notre jeunesse. Nous refusons cette société fondée sur la peur et l'exclusion que vous nous proposez.
En conséquence, nous voterons contre le texte.
M. Jean Chérioux. Alors, vous refusez le goulag, car c'est le goulag que vous êtes en train de décrire !
M. le président. La parole est à M. Hyest. M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, je pensais que l'adjectif « sécuritaire », qui sonne comme un reproche dans la bouche de ceux qui ne se sentent pas concernés par l'insécurité, avait disparu de nos enceintes. Nous avions en effet constaté avec bonheur que la sécurité devenait une priorité du Gouvernement, ce qui n'avait pas toujours été le cas, et qu'elle constituait une des conditions, voire la condition, selon l'Assemblée nationale, de l'exercice des libertés publiques.
Le débat méritait mieux que des invectives. Celles-ci, c'est vrai, ont été peu nombreuses et nous avons pu discuter d'un certain nombre de problèmes importants.
Le terme « sécuritaire » ne me plaît pas beaucoup, mais je suis attaché à ce que la sécurité soit assurée.
Le texte du Gouvernement comporte des mesures quelque peu disparates. Il en est qui sont bonnes ; nous l'avons constaté cet après-midi, en particulier sur la sécurité des paiements par cartes bancaires. Nous avons également réglé différentes questions relatives à la liaison transmanche, aux animaux errants - vieux problème qui agitait nos collectivités et que celles-ci ne savaient comment résoudre -, au statut des agents de la police nationale, notamment des adjoints de sécurité tués ou blessés en service commandé. Les dispositions prises dans ces domaines ont fait l'objet d'un consensus.
J'en viens à la préoccupation principale de nos concitoyens : la sécurité.
En dépit des déclarations faites sur la police de proximité, ils ont l'impression que la sécurité n'est pas toujours parfaitement assurée. Cette impression est renforcée par les réelles difficultés qu'ils rencontrent tous les jours, que nous constatons nous-mêmes, et surtout pas des événements graves, qui sont repris et amplifiés par les médias, mais qui ne sont pas toujours nouveaux, contrairement à ce que disent certains.
La commission des lois a souhaité introduire dans le projet des mesures extrêmement précises visant à mieux associer les maires à la sécurité. S'il est vrai, comme l'a dit le ministre de l'intérieur, que les collectivités et d'autres organismes doivent être coproducteurs de sécurité, encore leur faut-il un produit commun, sans lequel il ne peut y avoir de coproduction. Personnellement, je reste attaché à la responsabilité de l'Etat dans ce domaine.
En effet, il serait extrêmement dangereux que des distorsions s'instaurent entre les différentes collectivités, certaines communes bénéficiant, par exemple, d'une police territoriale, alors que d'autres n'en auraient pas. Je suis profondément hostile à une coproduction qui irait dans ce sens, car elle se ferait au détriment de l'égalité des citoyens.
Jusqu'à présent, le maire était un peu considéré comme un partenaire qui donnait, mais ne recevait rien en contrepartie. Il est indispensable de l'impliquer davantage dans la définition des politiques en matière de sécurité.
Cette idée n'est pas nouvelle. En 1998 déjà, dans le rapport que j'avais fait avec Roland Carraz, j'avais écrit, s'agissant des contrats locaux de sécurité, que le maire devait être un décideur et non plus un simple partenaire. Il y a encore des efforts à faire pour que le maire ait vraiment des responsabilités en matière de sécurité.
J'en viens à un autre thème mis en avant par la commission des lois, celui de la délinquance des mineurs.
Je l'ai dit et je le répète, les mesures qui ont été votées ne permettront pas de résoudre les problèmes qui se posent. D'ailleurs, certaines d'entre elles ne s'intègrent pas dans un ensemble.
Si elles sont un signal pour montrer que nous faisons un travail de fond sérieux, pourquoi pas ? Il est extrêmement important que nous mettions à plat ces problèmes, que nous cherchions des solutions appropriées, que nous réfléchissions à des structures plus adaptées à la détention des mineurs délinquants que les maisons d'arrêt, même pour une détention provisoire. Si l'on avait écouté le Sénat et si certains grands délinquants avaient été placés dans des établissements pour peine plutôt que dans des maisons d'arrêt, le drame qui s'est produit dernièrement aurait peut-être été évité. Cela prouve qu'on devrait lire davantage les propositions du Sénat !
Nous devons travailler sérieusement sur ce problème de la délinquance des mineurs afin d'impliquer tous ceux - ils sont très nombreux - qui interviennent dans ce domaine et qui me paraissent avoir une efficacité relative. Et si, bien entendu, nous ne sommes nullement hostiles à la totalité des dispositions qui ont été adoptées en ce domaine, nous pensons aussi que les mesures proposées sont tout à fait insuffisantes.
Nous voterons le texte du projet de loi tel qu'il émane des travaux du Sénat, tout en regrettant qu'un travail de fond n'ait pas été mené depuis longtemps sur la délinquance des mineurs. « Sécuritaires » ou non, si nous ne réglons pas les problèmes, le ressentiment de l'opinion publique contre un certain nombre de phénomènes ne fera que s'aggraver.
Je terminerai en disant que nous aurons beau légiférer à l'infini, si la justice ne fonctionne pas mieux et plus rapidement, les policiers et les gendarmes continueront à être découragés et les problèmes de délinquance et de violence de notre société ne seront pas résolus ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il est difficile de s'exprimer globalement sur un texte qui est composite ; cela a été dit par beaucoup d'entre nous.
Si je m'en tiens au débat de cet après-midi sur les meilleurs moyens de renforcer la sécurité des cartes bancaires, je constate que nous sommes parvenus assez facilement, et très souvent, à un accord, même si je continue à ne pas bien comprendre pourquoi le rapporteur de la commission des lois s'est opposé à l'idée d'un délai nécessaire pour que la Banque de France obtienne une réponse en cas de fraude.
En revanche, et indépendamment de mesures plus ponctuelles, le débat relatif à la délinquance des mineurs a révélé des divergences profondes, et je voudrais dire au Sénat qu'il m'a laissé sur ma faim.
Mes propos ne vont sans doute pas être éloignés de ceux que tenait à l'instant notre collègue M. Hyest : il me semble que nous ne sommes pas partis de la réalité.
La réalité, elle est toute simple : le système de prévention et de sanction des mineurs est en panne ; il n'apporte pas de réponse aux problèmes posés.
Ce n'est pas une question de texte de loi, ni encore moins une question de signal à donner. Comment voulez-vous que les signaux donnés par le Sénat atteignent les mineurs en situation très difficile qui sont responsables de la délinquance sur laquelle nous réfléchissons aujourd'hui ?
Non ! la vraie réponse consiste à redonner confiance à chacune des composantes du système de prévention-sanction et, par exemple, à trouver une solution concrète à la difficulté bien connue : que fait le juge pour enfants quand il a en face de lui un mineur délinquant et qu'il ne trouve aucune structure adaptée où le placer ? C'est en effet bien ainsi que, généralement, la question se pose, et, indépendamment des engagements ou des convictions des uns et des autres, c'est ainsi que nous vivons la situation.
J'ai essayé d'amorcer ce débat, sachant bien le risque que je prenais de froisser des susceptibilités et de heurter certaines institutions.
Mais le débat n'a pas eu lieu, car la majorité du Sénat campe sur l'idée qu'il suffit de durcir encore l'ordonnance de 1945, dont plusieurs articles, comme je l'ai démontré, donnent au juge la faculté de prononcer la sanction la plus grave qui soit, la prison.
Quant au Gouvernement, qui avait délégué le ministre de l'intérieur et non le garde des sceaux, il n'a pas non plus vraiment voulu entrer dans le débat, je le regrette.
Toutefois, contrairement à ce qui aurait pu être mon opinion initiale, ce débat n'a pas été vain, car nous avons échangé des arguments et chacun a pris davantage conscience de la nécessité de dépasser les clivages actuels.
Mais, bien évidemment, la logique des groupes a prévalu, et nous aboutissons donc à un texte que je ne peux pas voter en l'état, car il ne sera pas efficace. En outre, et surtout, j'en récuse la philosophie : je veux parler de toutes les mesures sécuritaires - et j'emploie volontairement ce mot - qui ont été adoptées, faute de chercher les vrais moyens d'améliorer la situation.
Dès lors, il reste deux espoirs : que la commission d'enquête parlementaire se saisisse de l'ensemble de la question et qu'elle se prémunisse - et je lance un appel solennel à nos collègues de la majorité sénatoriale - contre la tentation de travailler dans la perspective d'une échéance électorale. Le sujet est trop grave et trop pressant pour l'ensemble de nos concitoyens pour que nous en fassions un argument de campagne pré-présidentielle.
J'espère que cette commission d'enquête aura la sagesse d'aborder l'ensemble du sujet avec la hauteur de vue nécessaire pour lui permettre de traiter la question au fond.
En cette fin de débat, je réitère la demande que j'avais faite au Gouvernement, sans d'ailleurs obtenir la moindre réponse du ministre de l'intérieur, à savoir que l'initiative soit prise, peut-être plutôt par l'entremise de Mme le garde des sceaux, d'inscrire à l'ordre du jour du Parlement un débat sur la question de savoir où nous en sommes aujourd'hui en matière de prévention et de sanction de la délinquance des mineurs. C'est un sujet qui mérite d'être abordé avec hauteur de vue, longuement et sereinement.
On l'aura compris : je ne peux approuver le texte du projet de loi tel qu'il émane des travaux du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mes propos seront beaucoup plus brefs et beaucoup plus modérés que ceux que je viens d'entendre.
Notre groupe tient tout d'abord à remercier M. le rapporteur, notre collègue Jean-Pierre Schosteck, dont le travail a été particulièrement éminent et qui a été un élément plus modérateur qu'on a bien voulu le dire.
Nous sommes dans une situation hallucinante. En effet, tout le monde, les médias comme les citoyens, parle d'insécurité et se demande quelles mesures le Gouvernement va prendre pour résoudre les problèmes. Mais, au sein du Parlement, il ne faut surtout rien changer, sous peine d'être considéré comme un shérif, un sécuritaire forcené, voire un « animal » dangereux et irresponsable !
En la matière, les travaux de notre assemblée ont été à la fois constructifs et pour le moins très modérés. Très franchement, le texte issu du Sénat est bien meilleur que le conglomérat initial de non-décisions que constituait ce projet de loi.
Selon M. Bret, nous avons essayé de modifier le statut de la police nationale afin que celle-ci soit complètement territorialisée. Pour l'instant, que ce soit au Sénat ou à l'Assemblée nationale, il n'est pas question de toucher au statut de la police nationale ! Il faut donc arrêter de dire que la droite sénatoriale, ou que la droite tout court va faire campagne sur le thème sécuritaire, sur le retour des shérifs.
Faites plutôt en sorte, monsieur le secrétaire d'Etat, par l'application des textes, que le retour à la sérénité permette à chacun de nos concitoyens de faire des choix, des projets de société. Tant que la sécurité n'est pas assurée, ces choix ne peuvent s'opérer sereinement.
Si nous demandons à légiférer encore, si les propositions du rapporteur ont été adoptées par la majorité sénatoriale, c'est que nous voulons éviter la démagogie de certains par la prise de mesures réalistes, concrètes et efficaces. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je n'avais pas prévu de prononcer, en cet instant, une explication de vote au nom de mon groupe, mais, compte tenu de ce que j'ai entendu, je crois nécessaire de préciser très brièvement quelques points.
Ainsi, on ne peut vouloir promouvoir la sécurité sans être qualifié de sécuritaire ! Je dois dire que l'emploi de certains mots m'a blessé ! A nos collègues qui les utilisent en permanence à notre encontre je répondrai qu'ils ne peuvent caricaturer indéfiniment la démarche que nous avons adoptée.
Quelle est cette démarche ?
Manifestement, le texte du Gouvernement n'avait pas pour ambition - je n'ai pas entendu M. le ministre de l'intérieur le déclarer - de régler globalement, dans toute leur diversité, les problèmes de sécurité qui peuvent se poser dans notre pays. Il avait pour ambition de régler un certain nombre de problèmes concrets.
Il traduisait donc une ambition assez limitée, qui, néanmoins, méritait d'être prise en compte ; c'est ce qu'a fait la commission des lois, et je l'en remercie à mon tour.
La majorité sénatoriale a considéré qu'à l'occasion de l'examen de ce texte, peut-être pour lui donner un peu plus d'ampleur et un peu plus de densité, il convenait d'ajouter quelques chapitres relatifs à des sujets qui préoccupent gravement nombre de nos concitoyens, ceux qui, au quotidien, sont victimes de ces petits délits, de ces petits méfaits qui témoignent d'une dérive inquiétante de la délinquance, mais aussi un certain nombre de familles qui parfois ont du mal à faire face à l'évolution de la situation s'agissant des mineurs.
Par conséquent, quand j'entends reprocher aux propositions formulées par la majorité sénatoriale de contenir quoi que ce soit qui s'apparenterait à des dérives sécuritaires, je me demande comment l'on peut en arriver à déformer de la sorte notre position !
Autre exemple de caricature : notre position sur les armes de chasse.
Mais qui, aujourd'hui, utilise des armes de chasse ? On les utilise à la chasse quand on a encore le droit d'y aller ! Peut-être un amant éconduit prendra-t-il un fusil de chasse !... Mais je ne vois pas tellement les jeunes s'en servir dans les rave parties.
Je ne crois donc pas que ce soit avec ce que l'on nous propose qu'on réglera le problème.
J'aborderai maintenant la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la situation des mineurs, dont je suis l'auteur.
MM. Pierre Hérisson et Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Je veux vous rassurer, mes chers collègues : nous voudrions, à l'occasion de cette commission d'enquête, remettre à plat l'ensemble de la problématique en considérant les moyens que nous avons, aujourd'hui, à notre disposition et que l'on utilise plus ou moins, mon cher collègue Delfau. Cette commission nous permettra de voir s'il y a concordance entre cette problématique et les moyens qui sont à notre disposition. Si nous estimons qu'il y a manifestement des choses à modifier, eh bien nous essayerons de faire des propositions, qui seront, là encore, extrêmement modérées, extrêmement modestes.
Voulez-vous un exemple ? Je pense, pour ma part, que l'un des problèmes qui se pose dans nos départements vient de ce que le nombre de juges pour enfants est le même qu'il y a cinquante ans alors que, bien évidemment, le nombre des enfants qui ont besoin d'un juge a considérablement augmenté.
Au fil du temps, la discordance entre l'évolution de la société et la réponse des pouvoirs publics s'est amplifiée.
Eh bien, ce sont des mesures concrètes de nature à régler ce genre de problèmes qui pourraient sans doute, les unes ajoutées aux autres impulser, un mouvement propice à l'épanouissement des jeunes !
Comme vous, nous n'avons qu'une seule ambition : faire décroître le nombre d'enfants passibles de la justice. Plus les enfants présentés aux juges seront jeunes, plus on courra le risque de les voir s'enfoncer dans une délinquance de plus en plus grande. Nous souhaitons tous, sur quelque travée que nous siégions, autre chose pour notre société que cette négation de la promotion et de la dignité des individus.
Aussi le texte qui sort de nos travaux porte-t-il l'empreinte d'une volonté forte au service d'une ambition également forte, mais cela dans le souci de mener des actions modérées, à l'opposé des actions dites « sécuritaires », qualificatif que je trouve détestable. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite, avant que le Sénat n'exprime son vote, au terme de cette discussion sur le projet de loi relatif à la sécurité intérieure, vous faire part de quelques réactions du Gouvernement.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, la société française a des problèmes de sécurité ! Oui, le Gouvernement a souhaité par ce texte, sur des problèmes essentiels et non pas sur des sujets de détail ou des questions marginales, apporter des réponses concrètes et, je pense, durables.
A l'issue de cette discussion, quel constat pouvons-nous faire ?
Je voudrais évoquer quelques-uns des points qui nous ont occupés au cours de ces derniers jours.
Le Gouvernement avait souhaité que ne soit pas modifiée la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités locales. C'est vrai, tout ce qui contribue à une meilleure implication des élus locaux, tout ce qui concourt à une meilleure coordination entre les acteurs de la sécurité, est bon pour la sécurité parce que la sécurité - plusieurs d'entre vous l'ont rappelé - résulte bien d'une coproduction, ce terme étant plus qu'un mot, exprimant une façon d'agir, une stratégie de réponses. Sa sécurité est une donnée, pourquoi faudrait-il l'oublier ou l'interdire dans cette loi ?
En fait, tout ce qui modifie l'équilibre des compétences, tout ce qui fait de la police ou de la justice un enjeu de pouvoir, au travers d'une municipalisation qui ne dit pas son nom, loin de contribuer à la sécurité de nos concitoyens, ne fait qu'augmenter la confusion.
Or, la majorité sénatoriale a adopté certains amendements qui posent des problèmes juridiques et pratiques majeurs, dont beaucoup ne garantissent plus cet équilibre, et ce à l'occasion de débats qui ne me semblent pas avoir révélé une très grande unité de points de vue.
Le Gouvernement avait également souhaité que la modification de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante - un peu facilement brandie parfois comme un étendard - ne devienne pas la formule magique par laquelle tous les problèmes d'insécurité seraient soudainement résolus. J'ai bien entendu d'ailleurs, dans les explications de vote, que, pour plusieurs d'entre vous, la seule réponse législative n'était pas suffisante.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement, je veux le rappeler, est attaché à la primauté des réponses éducatives parce que, pour reprendre la belle formule de l'un de vos collègues - je veux parler de Robert Badinter -, « l'enfant n'est pas un adulte en réduction ».
L'affirmer, ce n'est pas nier la nécessité de la sanction, c'est simplement vouloir qu'elle soit adaptée à l'âge de l'enfant.
Or, sur ce point également, au travers d'amendements dont certains peuvent sembler anodins mais dont l'apparence masque en réalité une approche très répressive - je n'ai pas employé le mot « sécuritaire » - la majorité sénatoriale a préféré faire de l'ordonnance du 2 février 1945 la clé de voûte de son programme - de son programme électoral, devrais-je dire -...
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Là aussi, c'est caricatural !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. ... sans même attendre les conclusions de la commission d'enquête qu'elle a elle-même réclamée. Permettez-moi de voir là un paradoxe.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Mais non !
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Enfin, les articles concernant le commerce de détail des armes issus du vote de l'Assemblée nationale ont été trop dénaturés par les amendements du Sénat et peut-être un peu caricaturés par les propos que vous avez tenus à l'instant, monsieur de Raincourt,...
M. Henri de Raincourt. Ah bon ?
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. ... pour que le Gouvernement y retrouve la préoccupation de sécurité publique qui était la sienne.
Certes, des avancées ont été réalisées au cours de ce débat.
Il a été procédé à un enrichissement nécessaire du texte, en particulier sur l'encadrement des raves parties - mesure utile à la protection des jeunes qui y participent -, sur la lutte contre les animaux dangereux, sur la sécurité des moyens de paiement ou sur l'accompagnement social des adjoints de sécurité. De nombreux amendements étaient judicieux - le Gouvernement n'a pas manqué de le souligner -, qu'ils proviennent de votre majorité ou des travées de la gauche.
En revanche, le Sénat a préféré s'éloigner du texte équilibré du Gouvernement sur l'intervention des forces de police dans les parties communes des immeubles ou sur la sécurité dans les transports publics. En effet, au terme de ce débat, tous ces points nous séparent.
Telles sont les raisons pour lesquelles, au nom du Gouvernement, sans avoir beaucoup d'illusion sur la portée de cet appel, je ne peux que demander au Sénat de ne pas adopter en l'état un projet de loi qui est avant tout un texte d'affichage, qui n'est ni équilibré dans son contenu ni consensuel dans sa méthode d'élaboration, et dont l'application se révélera, c'est le point de vue du Gouvernement, tout à fait dépourvue d'efficacité pratique.
M. Alain Vasselle. Interrogez les Français par référendum ! Vous verrez ce qu'ils en pensent !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Au nom du réalisme et du pragmatisme qui ont guidé la démarche du Gouvernement, au nom d'une volonté d'apporter des réponses concrètes aux attentes de nos concitoyens, au nom du dialogue et de la concertation, toujours nécessaires lorsqu'on aborde un sujet tel que la sécurité de nos concitoyens, je vous demande donc de rejeter un texte à propos duquel la majorité sénatoriale a eu elle-même, sur bien des points, beaucoup de difficultés à masquer ses divergences...
M. Jean Delaneau. C'est la poêle qui se moque du chaudron !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Moins que vous à l'Assemblée nationale !
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. ... alors que, sur ce sujet, tout aurait dû nous conduire à travailler dans le même sens. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean Chérioux. De quel côté est l'affichage ?
M. Jean Delaneau. On demande un report du vote de quinze jours. (Rires sur les travées du RPR.)
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. J'avais d'abord eu envie d'intervenir en entendant certains orateurs de l'opposition sénatoriale caricaturer encore, quoique un peu moins qu'au début du débat, les propositions que nous avons été amenés à présenter.
Puis, en entendant les interventions de mes amis Jean-Jacques Hyest, Roger Karoutchi et Henri de Raincourt, j'ai pensé que c'était superflu, parce qu'ils ont très bien exprimé ce que nous avons voulu faire.
Enfin, en vous entendant, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai été consterné de voir que la caricature continuait.
M. Pierre Hérisson. Eh oui !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je me suis donc senti obligé de préciser, très rapidement, quel a été notre souci.
J'ai dit d'emblée, dans mon exposé introductif, que le texte qui nous était présenté suscitait des reproches non pour ce qu'il contenait mais pour ce qu'il ne contenait pas.
Le texte que vous nous avez présenté est intitulé : « Projet de loi relatif à la sécurité quotidienne ». Mais, dans votre propos, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez abandonné - sans doute est-ce un lapsus révélateur - l'adjectif « quotidienne », ne parlant que de « sécurité intérieure ». Cela montre bien que les problèmes quotidiens ne se trouvent pas au coeur des préoccupations du Gouvernement.
A nos yeux, il ne saurait y avoir de discussion sur la sécurité quotidienne si sont exclus deux volets qui nous paraissent tout à fait fondamentaux : d'une part, le rôle des maires ; d'autre part, le traitement plus approprié de la délinquance juvénile.
Bien sûr, on peut caricaturer nos propositions, mais j'observe que certains orateurs de gauche ont admis leur caractère plutôt modéré, raisonnable.
Nous avons même été, un moment, saisis d'une sorte d'angélisme. Entendant parler de coproduction, nous nous sommes dit : « Eh bien soit : coproduisons ! » Comme nous sommes les représentants des élus locaux, qui sont au premier chef comptables - dans tous les sens du terme - de la délinquance quotidienne, nous nous sommes mis au travail en nous efforçant de mettre au point des propositions raisonnables.
Hélas ! telle la vague revenant toujours sur la grève, les caricatures sont revenues. Ce n'est évidemment guère constructif.
L'ordonnance de 1945 a été régulièrement invoquée. On en fait un véritable tabou, un texte sacré auquel il ne faudrait surtout pas toucher. Je ferai simplement observer qu'elle n'a plus de 1945, si j'ose dire, que le nom, puisque, depuis 1945, elle a été modifiée vingt fois !
En tout état de cause, nous nous sommes strictement situés dans la philosophie de cette fameuse ordonnance en cherchant à développer les actions éducatives, notre volonté étant avant tout d'éviter que les jeunes ne s'ancrent dans la délinquance et de leur permettre d'en sortir.
En dénaturant le sens de nos propositions, vous démontrez que, comme l'a très bien formulé un orateur lors de la discussion générale, vous vous contentez de « dire le mot pour ne pas faire la chose ». Vous avez voulu parler de sécurité mais vous refusez de prendre les mesures de bon sens qui s'imposent pour la restaurer et la garantir.
Il ne me paraît pas convenable de caricaturer ainsi nos positions. L'attitude du Gouvernement dans cette discussion m'a beaucoup déçu, je tenais à le dire au moment où elle s'achève. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

6

NOMINATION DE MEMBRES
D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.
Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats établie par la commission des lois a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Larché, Jean-Pierre Schosteck, Patrice Gélard, Paul Girod, Jean-Jacques Hyest, Jean-Claude Peyronnet, Robert Bret.
Suppléants : MM. Guy Allouche, Robert Badinter, Laurent Béteille, Christian Bonnet, Guy Cabanel, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier.

7

NOMINATION D'UN MEMBRE
D'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires sociales a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Louis Lorrain membre du conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie.

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DIVERSES DISPOSITIONS
D'ORDRE SOCIAL, ÉDUCATIF ET CULTUREL

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 322, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
Rapport n° 339 (2000-2001) et avis n° 335 (2000-2001).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter au nom du Gouvernement porte sur un certain nombre de dispositions dont la mise en oeuvre requérait une certaine urgence et dont la spécificité appelait le regroupement dans un tel texte. Mon intervention portera sur l'ensemble des dispositions de ce projet de loi, tandis que mes collègues auront l'occasion d'intervenir eux-mêmes plus tard dans la discussion générale, puis dans la discussion des articles.
Le titre Ier du projet de loi porte sur l'indemnisation du chômage et sur les mesures d'aide au retour à l'emploi.
Au terme d'une longue négociation, les partenaires sociaux ont conclu le 19 octobre 2000 une nouvelle convention relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage.
Depuis cette date, il est important de le rappeler, une réforme des statuts de l'UNEDIC a été adoptée, à laquelle ont adhéré l'ensemble des organisations syndicales représentatives, garantissant ainsi la gestion véritablement paritaire du nouveau régime d'assurance chômage. Je m'en réjouis, car cela témoigne d'un apaisement des tensions auxquelles avait donné lieu la négociation de la nouvelle convention.
L'Etat, vous le savez, a pris lui-même une part active à ce difficile processus de négociation en manifestant son attachement à la prise en compte de quatre objectifs : premièrement, l'amélioration de l'indemnisation des chômeurs ; deuxièmement, le développement de l'aide personnalisée pour le retour à l'emploi, dans des conditions respectueuses des droits et obligations fixés par le code du travail, sans que cela conditionne autrement le droit à l'indemnisation ; troisièmement, la baisse mesurée et progressive des cotisations, garantissant l'équilibre à moyen terme du régime d'assurance chômage ; enfin, quatrièmement, la clarification des relations financières entre l'UNEDIC et l'Etat.
Dans la mesure où la convention, dans son état final du 19 octobre 2000, ne contrevenait plus au code du travail et prenait en compte les principes que je viens de rappeler, elle a été agréée par arrêté du 4 décembre 2000 et publiée au Journal officiel du 6 décembre 2000.
Cette décision est donc intervenue au terme d'une longue procédure et d'une modification très substantielle du contenu des règles d'assurance chômage.
Je rappelle, en particulier, qu'entre les conventions antérieures non agréées - celles des 29 juin et 23 septembre 2000 - et la convention qui a été agréée, un certain nombre de faits sont intervenus.
Tout d'abord, la signature du plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE, qui était conçue comme la souscription d'un contrat d'adhésion et une condition de droit à l'indemnisation, est devenue une formalité sans conséquence sur le versement des allocations.
Ensuite, la baisse des cotisations, d'abord fixée à 71,4 milliards de francs sur trois ans, puis à 56,2 milliards de francs, a finalement été ramenée à 28,4 milliards de francs, les autres baisses éventuelles n'intervenant que si la situation le permet.
Enfin, toute prétention de contrôle et de sanction de l'obligation de recherche d'emploi par l'UNEDIC a été abandonnée, seul le service public de l'emploi restant habilité à y procéder.
Ce rappel étant fait, je crois nécessaire de réitérer l'analyse des apports positifs de la nouvelle convention qui ont été à la base de la décision d'agrément.
Cette convention améliore tout d'abord significativement l'indemnisation des demandeurs d'emploi, avec la suppression de la dégressivité des allocations. Les fins de contrat précaire sont mieux prises en compte puisque les demandeurs d'emploi sont indemnisés dès lors qu'ils ont travaillé quatre mois au cours des dix-huit derniers mois, au lieu des huit derniers mois auparavant. Au total, près de 200 000 personnes supplémentaires pourront être indemnisées par le régime d'assurance chômage.
Par ailleurs, l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi est renforcé, comme le Gouvernement en a manifesté le souhait. Les programmes « nouveau départ » mis en oeuvre par l'ANPE pour les chômeurs les plus en difficulté ou les programmes TRACE pour les jeunes ont fortement contribué à ce que la baisse du chômage profite à tous.
La nouvelle convention élargit le bénéfice de cet accompagnement personnalisé vers l'emploi, grâce à des moyens supplémentaires apportés par le régime d'assurance chômage. Le PARE informe le demandeur d'emploi de ses droits et obligations et le PAP, le projet d'action personnalisé, récapitule les actions convenues avec l'ANPE. Les conditions pour percevoir les allocations d'assurance chômage restent, dans ce cadre, celles qui sont prévues par le code du travail. Le refus du demandeur d'emploi de signer ces documents ne constitue donc pas un motif de refus ou de suppression des allocations de chômage. Elles comprennent naturellement l'obligation de mener une recherche active d'emploi, déjà prévue par la loi. La mise en oeuvre de l'accompagnement des chômeurs, le contrôle de la recherche d'emploi et les sanctions éventuelles restent du ressort exclusif du service public de l'emploi.
Sur trois ans, les mesures en faveur des chômeurs - indemnisation et aide personnalisée - représenteront environ 45 milliards de francs. La convention du 19 octobre, contrairement aux textes antérieurs, qui n'avaient pas été agréés, réserve explicitement 15 milliards de francs pour la mise en oeuvre de l'accompagnement personnalisé.
La baisse des cotisations sera mesurée et progressive. La première baisse, en 2001, représentera 28 milliards de francs. Les baisses envisagées pour 2002 n'interviendront que sous la condition de l'équilibre financier du régime. La diminution des cotisations profitera aux entreprises comme aux salariés.
Depuis la publication de l'arrêté d'agrément, nous avons activement travaillé à la préparation des conventions de partenariat entre l'Etat, l'ANPE et l'UNEDIC, qui doivent mettre en place les projets d'action personnalisés, en précisant les modalités d'accompagnement du retour des chômeurs à l'emploi ainsi que les relations opérationnelles et financières entre les acteurs.
Le service public de l'emploi sera seul responsable de l'accompagnement de l'ensemble des personnes privées d'emploi, quels que soient leur statut et les modalités de leur indemnisation. En posant cette exigence, l'Etat veille à ce que le traitement de tous les demandeurs d'emploi soit égalitaire et il conforte le rôle pivot dévolu au service public de l'emploi, qui est le principal garant de l'impartialité et de la non-discrimination des services offerts à l'ensemble des demandeurs d'emploi.
Les moyens de l'ANPE seront, pour ce faire, renforcés au-delà des dispositions prévues dans le contrat de progrès triennal 2000-2002. La ministre de l'emploi et de la solidarité a d'ailleurs déjà autorisé l'UNEDIC à financer 1 000 emplois nouveaux pour que l'ANPE soit en mesure, dès le 1er juillet prochain, de répondre à ces nouveaux enjeux.
Un deuxième programme de lutte contre les exclusions est en préparation, qui comportera des mesures encore plus actives en faveur des chômeurs les plus éloignés de l'emploi, en particulier les bénéficiaires du RMI, dont la possibilité de cumul entre l'allocation et les revenus d'activités sera étendue, et les jeunes : un programme TRACE renforcé permettra à 160 000 d'entre eux, contre 60 000 aujourd'hui, de bénéficier d'un accompagnement dans un itinéraire d'insertion professionnelle.
Ce rappel des étapes récentes de la reconfiguration de notre politique de lutte contre le chômage et en faveur du retour à l'emploi était nécessaire pour situer le cadre dans lequel s'inscrit le titre Ier du projet de loi qui vous est soumis et lui donner tout son sens.
Le titre Ier vise à donner une base législative au financement par l'UNEDIC des dispositifs d'aide au retour à l'emploi. Jusqu'ici, en effet, l'UNEDIC n'est habilitée, selon le code du travail, qu'à financer les allocations de chômage des demandeurs d'emploi relevant du régime d'assurance chômage.
L'article 1er décrit ainsi l'ensemble des mesures d'aide au retour à l'emploi prévues par la convention relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage du 1er janvier 2001, à l'exception du financement des contrats de qualification adulte, qui fait l'objet de l'article 2.
Ces mesures sont les suivantes : une aide à la mobilité des demandeurs d'emploi qui reprennent un emploi ; une aide dégressive à l'employeur qui embauche un demandeur d'emploi indemnisé par le régime d'assurance chômage depuis plus de douze mois ; une aide à la formation des demandeurs d'emploi qui suivent une formation ; le financement d'actions d'évaluation des compétences professionnelles et le financement des actions d'accompagnement ou de reclassement au profit des demandeurs d'emploi.
Toutes ces mesures sont destinées à favoriser le retour rapide des chômeurs vers l'emploi. En conséquence, elles devraient permettre de réduire les durées moyennes des périodes de chômage, et donc accentuer la forte baisse du chômage engagée grâce à la politique économique menée par ce gouvernement. Le taux de chômage - faut-il le rappeler ? - est passé de 12,6 % en juin 1997 à 8,7 % en mars 2001. Il devrait être de l'ordre de 8,4 % à la fin de cette année.
L'article 2 réforme les conditions du financement du contrat de qualification adulte. La convention signée par les partenaires sociaux prévoit ainsi de ménager un accès privilégié au contrat de qualification adulte en faveur des salariés involontairement privés d'emploi qui ont besoin d'acquérir une qualification favorisant leur retour à l'emploi.
Cet accès privilégié prendra la forme d'une prise en charge des coûts de formation correspondants par le régime d'assurance chômage. Cette intervention financière du régime d'assurance chômage doit être expressément autorisée par la loi dans la mesure où elle déroge au principe suivant lequel les ressources de l'UNEDIC sont exclusivement utilisées pour indemniser les salariés involontairement privés d'emploi.
L'article 3 crée une allocation de fin de formation, l'AFF. Aux termes de la même convention, les chômeurs bénéficiant d'une formation prescrite par l'ANPE continueront à percevoir l'allocation de retour à l'emploi dans la limite de la durée d'indemnisation.
L'allocation de formation reclassement, l'AFR, est donc supprimée à compter du 1er juillet 2001, de même que l'allocation de formation de fin de stage, qui avait vocation à prendre le relais de l'AFR à l'issue des droits, au titre de l'assurance chômage.
Alors que la nécessité d'accroître la qualification de la population active n'est pas contestée, il serait peu opportun de limiter la durée des formations à celle des droits à l'indemnisation en assurance. L'article 3 vise donc à créer une allocation afin de répondre à ce besoin. Il renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions d'application de cette allocation, notamment la durée maximale de versement, les catégories de bénéficiaires et le montant de l'allocation.
L'article 4 a pour objet, d'une part, d'harmoniser la base légale du régime de prescription des prestations et des contributions du régime d'assurance chômage avec celle de la sécurité sociale et, d'autre part, de valider des dispositions plus favorables tant aux employeurs qu'aux allocataires que celles que contient la convention d'assurance chômage du 1er janvier 1997.
Enfin, les signataires de la convention du 1er janvier 2001 relative à l'indemnisation du chômage et à l'aide au retour à l'emploi ont prévu, à l'article 9 de cette convention, de verser à l'Etat, au titre de la clarification financière entre ce dernier et le régime d'assurance chômage, 7 milliards de francs en 2001 et 8 milliards de francs en 2002.
L'article 5 du projet de loi vise donc à autoriser l'UNEDIC à procéder à ces versements, qui sont destinés à soutenir des actions de politique de l'emploi.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures qui vous sont proposées et qui doivent permettre, à compter du 1er juillet prochain, d'offrir à tous les demandeurs d'emploi, sans distinction, des possibilités plus grandes d'accès à l'emploi grâce à un accompagnement plus personnalisé et plus complet.
En les adoptant, vous permettrez de conforter la marche engagée depuis juin 1997 pour le retour de notre pays au plein emploi et vous donnerez aux deux millions de chômeurs qui nous interpellent toujours l'espoir de bénéficier des effets de la croissance.
J'en viens maintenant aux dispositions du projet de loi relatives au Fonds de réserve pour les retraites, qui figurent au titre II, à l'article 6.
La création du fonds de réserve est une étape essentielle de la politique du Gouvernement pour assurer la pérennité de nos régimes de retraites par répartition. Il est d'ailleurs à noter que le Sénat avait fait montre d'une certaine impatience à ce sujet. Il va donc avoir satisfaction !
Notre ambition s'appuie sur deux objectifs : restaurer la capacité financière de nos régimes de retraite et consulter tous les acteurs afin de trouver la bonne méthode pour engager les réponses à venir.
La politique économique conduite depuis quatre ans permet d'envisager avec sérénité et résolution l'avenir de nos régimes de retraite par répartition. Amélioration du taux d'activité grâce à la baisse du chômage, amélioration des recettes grâce à une croissance soutenue, telles sont les premières réponses que le Gouvernement a apportées aux enjeux que constitue l'avenir de ces régimes. Je rappelle qu'en 1997 le déficit de la branche vieillesse du régime général atteignait 5 milliards de francs ; elle a connu un excédent de 3 milliards de francs pour l'année 2000.
Cet assainissement de la situation financière des régimes de retraite nous donne le temps nécessaire pour étudier les mesures complémentaires à la création du fonds en vue d'assurer leur équilibre financier à long terme.
Ce travail doit faire l'objet d'une large concertation et être préparé dans la transparence. C'est pourquoi le Gouvernement a créé le conseil d'orientation des retraites, où siègent les partenaires sociaux et des parlementaires. En matière de retraites, question qui engage notre avenir, il n'y aura de solutions durables que si elles sont discutées sereinement, évaluées de façon approfondie, comprises par tous les acteurs.
Le travail du conseil d'orientation des retraites est essentiel. Le conseil est un espace de débat sur les défis que doivent relever nos régimes de retraite. Le récent colloque organisé le 5 avril dernier sur le thème « Age et travail » a ainsi pu confirmer que l'un des chantiers prioritaires est celui qui doit conduire à relever les taux d'activité des salariés en fin de carrière plutôt que d'écarter ceux-ci de l'emploi, comme cela se pratique encore trop souvent. Cet objectif, s'il est atteint, donnera de nouvelles marges de manoeuvre aux régimes de retraite.
C'est donc bien une démarche cohérente que met en place le Gouvernement en matière de retraites, conciliant l'amélioration immédiate de la situation financière des régimes et l'anticipation des difficultés démographiques auxquelles ils seront confrontés dans le long terme.
Ce sera le rôle du fonds de réserve pour les retraites que d'apporter cette garantie pour le long terme. Sa mission sera en effet d'accumuler des réserves financières jusqu'en 2020 et de les faire fructifier, afin de faciliter le financement des régimes de retraite par répartition dans les années qui suivront : les spécialistes parlent de « lissage » des besoins de financement. L'objectif du Gouvernement est d'atteindre un montant de réserves de 1 000 milliards de francs en 2020.
Parvenir à la constitution de réserves d'un tel montant suppose bien sûr que le fonds de réserve pour les retraites soit destinataire de ressources importantes. Le projet de loi soumis à la Haute Assemblée en énumère plusieurs, ce qui ne fera pas obstacle à ce que d'autres viennent s'y ajouter ultérieurement.
Ainsi, nous nous donnons les moyens d'atteindre l'objectif fixé par le Gouvernement de permettre au fonds de réserve pour les retraites d'accumuler 1 000 milliards de francs d'ici à 2020.
Il est vrai que les excédents de la caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, qui doivent être affectés au fonds de réserve pour les retraites seront sans doute moins importants que prévu. Cela s'explique principalement par une moindre croissance de la population active et par la revalorisation des pensions. Il est vrai aussi que le fonds de solidarité vieillesse, le FSV, sera mis à contribution pour assurer le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Sans oublier quelques autres prélèvements !
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Les dernières projections concernant la montée en charge du fonds de réserve pour les retraites ont été présentées le 2 mai devant le conseil d'orientation des retraites. Elles permettent de bien mesurer la crédibilité de l'objectif de 1 000 milliards de francs en 2020.
Cet objectif sera atteint, malgré de moindres excédents de la CNAV et le financement de l'APA. En effet, l'amélioration plus rapide que prévu de la situation de l'emploi entraîne la révision à la hausse des excédents du fonds de solidarité vieillesse d'ici à 2020, car les dépenses supportées par le FSV au titre des cotisations de retraite des chômeurs se trouvent réduites. L'amélioration de l'emploi provoque aussi une amélioration du niveau moyen des pensions, ce qui réduit plus rapidement le nombre d'allocataires du minimum vieillesse. La bonne tenue de la croissance, enfin, permet un meilleur dynamisme des recettes. L'écart structurellement favorable entre les dépenses et les ressources du FSV se trouve donc renforcé.
La disposition de la loi de financement de la sécurité sociale prévoyant la prise en charge progressive des avantages familiaux de retraite par la branche famille de la sécurité sociale, qui ne figurait pas dans les projections initiales, conduira également à renforcer la capacité de financement du FSV.
Les hypothèses économiques sur lesquelles sont fondées les projections du Gouvernement sont raisonnables.
Le Gouvernement a en effet retenu une baisse progressive du taux de chômage, qui atteindrait 4,5 % en 2010 pour se stabiliser à ce niveau. Je comprends que certains puissent être désappointés par cette évolution positive ! (M. Alain Vasselle s'exclame.)
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Ne dites pas cela, monsieur le secrétaire d'Etat : personne ne se réjouit du chômage en France !
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Tant mieux ! C'est fort bien !
En tout cas, si le taux de chômage est passé de 12,7 % à 8 % en l'espace de trois ans et demi, il n'est pas déraisonnable de penser qu'il pourra baisser jusqu'à 4,5 % au cours des sept ou huit prochaines années. Cette donnée ne paraît pas reposer sur une extrapolation irréaliste.
Les hypothèses de rendement retenues par le Gouvernement pour le placement des ressources du fonds sont également prudentes : le taux de 4 % qui a été retenu est en effet nettement inférieur à la moyenne constatée au cours des cinquante ou des trente dernières années.
Le financement à court terme du fonds de réserve pour les retraites ne sera que très marginalement affecté par les retards constatés dans la cession des licences de téléphonie mobile, dites « licences UMTS ». Le fonds de solidarité vieillesse est doté aujourd'hui de 38 milliards de francs. Une part importante de la vente des licences UMTS sera affectée au fonds de réserve, lui permettant d'approcher le montant prévu de 50 milliards de francs à la fin de 2001.
Je voudrais maintenant développer les principes sur lesquels reposera le fonds de réserve pour les retraites.
Le premier d'entre eux devra être la transparence de la gestion.
La transparence, c'est d'abord la création de cet établissement public spécifique qu'est le fonds de réserve pour les retraites. Cela permettra d'individualiser très précisément les comptes.
La transparence, c'est aussi l'association des partenaires sociaux et des parlementaires à la gestion du fonds de réserve pour les retraites. Celui-ci aura la charge de l'épargne collective des Français. C'est pourquoi le projet de loi institue un conseil de surveillance du fonds, dont seront membres des parlementaires, des représentants des partenaires sociaux et des personnalités qualifiées, et qui contribuera à la définition de la politique de placement. Il aura aussi pour mission de contrôler les résultats et d'établir un rapport annuel public sur la gestion du fonds. Il sera par ailleurs consulté sur la nomination des membres du directoire, qui sera l'organe exécutif du fonds de réserve pour les retraites et qui devra rendre compte régulièrement au conseil de surveillance de la politique de placement.
La transparence s'exercera enfin avec les procédures de contrôle mises en place. Ainsi, des commissaires aux comptes seront chargés de certifier les comptes du fonds de réserve et de vérifier la sincérité de l'évaluation des actifs du fonds. Celui-ci sera également soumis au contrôle de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales.
La recherche de l'efficacité et de la sécurité des fonds est la deuxième orientation qui préside à la création du fonds de réserve pour les retraites et devra guider son action.
L'efficacité, cela signifie que l'on s'appuie sur des professionnels compétents et que l'on met en place des procédures permettant d'assurer la sécurité des fonds. C'est pour cette raison que le projet du Gouvernement associe étroitement la Caisse des dépôts et consignations à la mise en oeuvre du fonds de réserve pour les retraites.
Depuis 1816, date de sa création, la Caisse des dépôts et consignations a fait la preuve de son efficacité et de sa capacité à gérer de l'épargne collective dans le cadre de missions de service public. Le projet de loi lui confie donc une nouvelle mission de service public : assurer la gestion administrative du fonds de réserve pour les retraites. Elle devra ainsi assurer la conservation et le dépôt des titres, contrôler les risques, assurer la bonne tenue des opérations comptables, participer à la définition de la politique d'investissement.
Le souci d'efficacité et de sécurité a également conduit le Gouvernement à préciser dans le projet de loi les grands principes qui devront guider la politique d'investissement.
Les dirigeants du fonds devront ainsi respecter l'objectif et l'horizon d'utilisation des ressources du fonds : un investissement pour une durée de vingt ans n'obéit pas, en effet, aux mêmes règles qu'un placement réalisé à l'horizon de quelques mois ! Ils devront aussi respecter les principes de prudence et de répartition des risques. Le fonds de réserve a donc vocation non pas à être un acteur spéculatif sur les marchés financiers, mais bien à faire prospérer dans les meilleures conditions l'épargne des Français.
L'efficacité du fonds de réserve pour les retraites suppose également qu'il dispose d'une réelle indépendance. Il ne doit pas être soumis à des aléas politiques, aux contingences budgétaires ou aux intérêts des opérateurs sur les marchés financiers.
Dans cette pespective, le projet de loi instaure des dispositions très précises.
Le directoire, organe exécutif du fonds de réserve pour les retraites, sera composé de trois personnes chargées d'élaborer, en concertation avec le conseil de surveillance, la politique d'investissement et de la mettre en oeuvre. Il aura une grande indépendance.
Il sera composé non de représentants des administrations - qui siégeront au conseil de surveillance - mais de professionnels à la compétence reconnue. Il sera présidé par le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, en cohérence avec le choix de confier à ce dernier établissement la gestion administrative du fonds de réserve pour les retraites. Enfin, les membres du directoire devront déclarer les intérêts ou les fonctions qu'ils peuvent détenir ou exercer dans toute personne morale ; ils ne pourront pas délibérer dans une affaire dans laquelle ils ont un intérêt.
Transparence, efficacité, sécurité, indépendance, tels sont donc les maîtres mots sur lesquels le Gouvernement entend instituer le fonds de réserve pour les retraites. Je ne doute pas que nous pourrons nous rejoindre sur ces principes.
J'en viens maintenant à l'article 7 du projet de loi, qui ratifie l'ordonnance du 19 avril 2001 portant réforme du code de la mutualité.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Intéressant !
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Cette ratification marque l'aboutissement d'une réforme qui touche un secteur majeur de la vie sociale de notre pays, puisqu'il couvre plus d'un Français sur deux et gère 1 300 institutions sanitaires et sociales.
Lorsqu'il a demandé au Parlement l'autorisation de procéder à cette réforme par voie d'ordonnance, le Gouvernement s'était engagé à procéder rapidement à la ratificaiton du texte. La loi d'habilitation du 3 janvier 2001 prévoyait qu'un projet de loi en ce sens devait être déposé avant le 30 juin prochain. Tel est précisément l'objet de l'article 7.
Le Gouvernement est soucieux de mener cette réforme à son terme dans les meilleurs délais. Il s'agit en effet de lever l'incertitude juridique à laquelle le monde mutualiste est confronté depuis la condamnation de la France pour la non-transposition à ce secteur des directives « Assurance » de 1992.
Cette situation critique a conduit le Gouvernement à choisir la voie de l'ordonnance, en raison de sa rapidité. Le Parlement a approuvé ce choix, qui avait été fait en accord avec le monde mutualiste.
La loi d'habilitation du 3 janvier 2001 donnait au Gouvernement un délai de quatre mois pour publier ce texte. Conformément aux engagements pris, l'ordonnance a été publiée au Journal officiel le 22 avril dernier.
Comme le Gouvernement l'avait indiqué lors des débats sur la loi d'habilitation, l'ordonnance reprend les dispositions du projet de loi qu'il avait préparé au printemps 2000.
Ce texte permet d'assurer la transposition des directives « assurances » dans ce secteur, tout en respectant son identité propre.
Ce résultat, nous le devons d'abord au travail réalisé par Michel Rocard dans le cadre de la mission que lui avait confiée le Premier ministre en 1998. Il a montré qu'il était possible de transposer ces directives tout en confortant les valeurs de solidarité et de démocratie sociale qui animent le monde mutualiste. Il a notamment défini comment les mutuelles pourraient continuer à gérer les oeuvres sanitaires et sociales. C'était là l'une des préoccupations essentielles du mouvement mutualiste, c'était aussi celle du Gouvernement.
Ce texte assure à la mutualité la sécurité juridique dont elle a besoin et l'ouvre sur l'Europe ; il lui offre un cadre législatif modernisé et adapté à ses besoins.
Conformément aux orientations dégagées par le rapport Rocard, ce texte met en oeuvre le principe de spécialité, qui prévoit que toute entreprise entrant dans le champ des directives « assurances » doit se limiter à cette activité, à l'exclusion de toute autre activité commerciale. Dans cette perspective, les mutuelles de santé devront séparer dans deux structures distinctes leurs activités d'assurance et leur action sanitaire et sociale.
Tout en respectant l'esprit et la lettre des directives, le futur code préserve les solidarités institutionnelles du mouvement mutualiste : il prévoit comment une mutuelle de santé peut continuer à gérer des oeuvres sanitaires et sociales, dès l'instant où elles représentent une activité accessoire au regard de son activité d'assurance. Il encadre les tranferts financiers entre la mutuelle d'assurance et la mutuelle gestionnaire de réalisations sanitaires et sociales. Il garantit les droits et assure la protection des intérêts des membres des organismes mutualistes, par le renforcement des règles prudentielles. Il assure, de ce fait, l'harmonisation des règles techniques et financières applicables à l'ensemble des organismes qui pratiquent des opérations d'assurance : organismes mutualistes, institutions de prévoyance et entreprises d'assurance.
Mais cette ordonnance est également l'occasion de moderniser le code de la mutualité et de consacrer, par la loi, les principes de solidarité et de démocratie sociale sur lesquels ce secteur s'est bâti.
L'ordonnance définit ainsi les « principes mutualistes » qui encadrent les pratiques tarifaires des mutuelles, notamment en interdisant aux mutuelles de santé de moduler leurs cotisations en fonction de l'état de santé de leurs adhérents. Elle entend favoriser la démocratie mutualiste, à travers plusieurs mesures symboliques, comme la création d'un statut de l'élu mutualiste et le renforcement du rôle de l'assemblée générale des organismes. Elle précise le rôle des fédérations mutualistes et consacre la place du conseil supérieur de la mutualité, organe représentatif du milieu mutualiste.
Fruit d'une longue concertation avec l'ensemble des parties concernées, au premier rang desquelles figurent, bien sûr, les fédérations mutualistes, ce texte marque l'aboutissement des efforts du Gouvernement sur un dossier que chacun savait délicat, et que beaucoup pensaient insoluble. Ce résultat est la démonstration de la justesse de la méthode qui avait été choisie : celle du dialogue et de la concertation. C'est pourquoi je comprends d'autant moins l'accusation de « méthode expéditive » que votre commission des affaires sociales formule dans son rapport. Mais je sais aussi que nombreux sont ceux qui auraient souhaité un débat plus large.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le secrétaire d'Etat, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Vous venez de rappeler les engagements que le Gouvernement avait pris lors de l'examen du projet de loi d'habilitation et la large concertation à laquelle vous avez procédé pour aboutir aux dispositions qui font l'objet du titre III du présent projet de loi.
Je constate simplement que le Gouvernement a oublié un des engagements, qui avait été pris par vous-même. Je me souviens de la discussion que nous avions eue ici même et au cours de laquelle la commission des affaires sociales, soutenant votre position, s'était opposée à la commission des finances dans des conditions difficiles, au motif que vous vous étiez engagé à discuter du contenu de ce code avec la représentation nationale, au moins avec le Sénat - je ne sais si vous aviez pris les mêmes engagements à l'Assemblée nationale. Or nous n'avons rien vu venir, si ce n'est, au Journal officiel , la publication du nouveau code de la mutualité. Je veux bien qu'il y ait eu une concertation ; ce qui m'étonne, c'est que vous ayez méprisé à la fois vos engagements et la représentation nationale au Sénat.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Je comprends votre commentaire. Mais compte tenu de l'obligation de ratifier l'ordonnance, cette ratification intervient à l'occasion de l'examen d'un texte plus large portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Nous avons été floués !
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Sans doute aurait-il été préférable qu'un large débat s'organise autour de la mutualité. Mais il y a aussi des impératifs de calendrier et des impatiences.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Si le Sénat est victime des impatiences...
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Si je ne suis pas toujours maître du temps, je ne suis pas non plus maître de l'ordre du jour...
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Le Gouvernement est maître de l'ordre du jour !
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat. Lorsque survient la possibilité de boucler un chantier qui se trouve dans une insécurité juridique complète et qui flotte depuis huit ou neuf ans, l'occasion ne peut être négligée.
Mais nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir au cours du débat.
En ratifiant cette ordonnance, vous contribuerez à clore la phase d'incertitude qui avait été ouverte par la non-transposition des directives « assurance », et à offrir aux mutuelles un code rénové et modernisé, leur permettant d'affronter avec confiance les enjeux des années à venir.
Les dispositions de ce projet de loi en matière d'éducation populaire et de jeunesse, à savoir les articles 8 à 11, sont très attendues par l'ensemble des acteurs de ce secteur. Ma collègue Marie-George Buffet a tenu à les proposer à la délibération de la représentation nationale dans les plus brefs délais afin de répondre à de réels besoins exprimés sur le terrain.
Ces dispositions visent d'abord à moderniser les modalités et les conditions de l'agrément que le ministère de la jeunesse et des sports peut accorder aux associations de ce secteur. Il s'agit de préciser les critères que doivent remplir les associations intervenant dans le secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire pour obtenir cet agrément qui conditionne les subventions du ministère de la jeunesse et des sports.
Pour des associations qui viennent d'être créées et à certaines conditions, il est également proposé d'ouvrir la possibilité d'une aide financière du ministère de la jeunesse et des sports, en attendant qu'elles engagent une démarche de demande d'agrément. Il s'agit ainsi de répondre avec souplesse et rapidité à l'expression de nouveaux modes d'engagement qui ne s'inscrivent pas d'emblée dans la durée et qu'il convient d'accompagner vers la construction de véritables projets associatifs.
Le projet de loi prévoit également de conforter les instances de concertation qui existent dans le champ de la jeunesse et de l'éducation populaire. C'est pourquoi il est proposé d'introduire dans la loi le conseil national de la jeunesse et de l'éducation populaire, qui existe depuis 1944 sous différentes appellations. Il vous est également proposé d'accorder cette reconnaissance législative au conseil national de la jeunesse que le ministère de la jeunesse et des sports a mis en place au début de l'année 1998 pour répondre à la demande des jeunes de participer à l'action publique, d'être entendus par les pouvoirs publics, de faire des propositions et d'assurer le suivi de leur mise en oeuvre.
Enfin, il s'agit d'améliorer le contrôle exercé dans le but de protéger la santé et la sécurité physique et morale des mineurs accueillis hors du domicile parental durant les congés professionnels ou scolaires, ou à l'occasion des loisirs. Il s'agit également de reconnaître, dans le même temps, la fonction éducative de ces accueils lorsqu'ils sont réalisés dans le cadre de centres de vacances ou de centres de loisirs sans hébergement.
C'est ainsi que le texte qui vous est proposé vise à écarter de toute fonction auprès des mineurs accueillis dans ce cadre les personnes condamnées pour crime ou pour des délits dont la définition suppose qu'elles présentent un danger pour ces mineurs. Les incapacités d'exercice et les mesures de police administrative sont renforcées et élargies en conséquence.
Il est également précisé que les organisateurs de centres de vacances et de loisirs doivent élaborer, mettre en oeuvre et évaluer un projet éducatif. A cela s'ajoutent des propositions d'harmonisation avec la loi du 16 juillet 1984 modifiée, relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, concernant : l'obligation pour les organisateurs et les exploitants de locaux de souscrire une assurance en responsabilité civile ; la possibilité pour les agents du ministère de la jeunesse et des sports d'être assermentés et de se voir ainsi confier des pouvoirs de police judiciaire les renforçant dans leurs missions de contrôle ; les sanctions pénales à l'égard de ceux qui ne respecteraient par les obligations fixées par le texte ou qui n'exécuteraient pas les décisions prises par l'autorité administrative.
Je tiens, enfin, à préciser que toutes ces mesures sont très attendues par les acteurs du secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire, que Marie-George Buffet a consultés au préalable.
Le dernier volet du projet de loi traite de dispositions relatives à l'éducation et à la communication. Il s'agit des dispositions qui figurent aux articles 12 et 13 du titre V.
Par l'article 12, il vous est proposé de clarifier le cadre juridique dans lequel s'inscrivent les conventions passées par l'Institut d'études politiques de Paris avec certains lycées classés en zone d'éducation prioritaire ou en réseau d'éducation prioritaire, avec l'objectif de concourir à la diversification des voies d'accès à cet établissement. Cette nouvelle voie d'accès s'inscrira dans la tradition des « entrées parallèles » dans les écoles : il en existe déjà à l'Institut d'études politiques de Paris pour l'entrée en deuxième année, comme il en existe dans les écoles de commerce et d'ingénieurs.
L'établissement procédera à ces recrutements parallèles en augmentant le nombre de places ouvertes en première année : il n'y aura donc aucun préjudice porté à la voie d'accès principale par concours. Cette initiative expérimentale de la direction de l'Institut d'études politiques de Paris, pleinement encouragée par mon collègue Jack Lang, constitue un enrichissement pour notre société : elle permettra de diversifier les voies d'accès à un diplôme ouvrant à des secteurs professionnels de hautes responsabilités et constituera un signal fort à destination d'élèves souvent marginalisés, en dépit de leur parcours scolaire excellent.
Enfin, par l'article 13, il vous est proposé des dispositions relatives au secteur audiovisuel. Ainsi, cet article a pour objet d'assouplir la règle qui limite à 49 % la part du capital d'une chaîne de télévision que peut détenir un même actionnaire. L'enjeu consiste à accompagner et à faciliter le lancement de la télévision numérique de terre, qui permettra de développer une offre nouvelle de programmes et de la proposer à l'ensemble de nos concitoyens. Pour la réussite de ce projet, la présence d'une offre privée importante, à côté de l'offre publique, est bien évidemment fondamentale. Or, les discussions engagées à l'occasion du vote de la loi du 1er août 2000 relative à la liberté de communication ont conduit le Gouvernement à souhaiter faire évoluer un dispositif qui, appliqué de manière trop générale dans un paysage audiovisuel appelé lui-même à être profondément modifié, pouvait constituer un frein au développement de la technologie numérique. Le dispositif qui vous est proposé, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, ne vise donc pas à revenir sur un principe général auquel nous sommes attachés en ce qu'il permet de préserver le pluralisme, mais il permet, selon des modalités simples et conformes aux principes généraux du droit, de ne pas soumettre à la règle des 49 %, d'une part, les chaînes dont l'audience est inférieure à 2,5 % et, d'autre part, les chaînes qui ne sont que la duplication d'un programme principal. Le seuil des 2,5 % concerne, concrètement, les « petites chaînes », en particulier les chaînes thématiques, et plus généralement toutes les chaînes nouvelles pendant la phase de démarrage du numérique.
Il vous est aussi proposé - il s'agit désormais de l'article 15 du projet de loi - de renforcer le rôle des collectivités locales dans l'établissement des réseaux de télécommunications afin de favoriser l'essor du haut débit dont la disponibilité devient un facteur déterminant du développement équilibré de l'activité économique et de l'emploi sur l'ensemble du territoire, tel que le souhaite le Gouvernement.
Enfin, il vous est proposé de compléter le dispositif d'encadrement des cartes d'abonnement illimité au cinéma. Dans le cadre de la loi sur les nouvelles régulations économiques, des mesures en faveur des ayants droit, d'une part, et des petits exploitants, d'autre part, ont été adoptées pour éviter que ces pratiques commerciales ne menacent l'équilibre général de l'économie du cinéma. Aujourd'hui, il est proposé d'y ajouter une disposition adaptée au secteur de la moyenne exploitation.
Un certain nombre de dispositions additionnelles ont été ajoutées lors de la première lecture de ce texte à l'Assemblée nationale. Quelques-unes, importantes, concernent le secteur de l'audiovisuel : je les ai déjà évoquées. D'autres concernent des validations de concours, que je vous demanderai d'approuver comme l'ont fait les députés. Enfin, le nouvel article 21, inséré sur mon initiative, a pour objet la création, dans le cadre de la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, d'une entreprise ayant un but social : la société coopérative d'intérêt collectif, la SCIC.
Ce nouveau statut diffère du statut général des sociétés coopératives par sa finalité altruiste : la SCIC n'a pas pour but la seule satisfaction de ses propres adhérents ou associés, elle vise aussi à satisfaire d'un plus large public. C'est pourquoi elle doit être régie par des règles spécifiques d'organisation et de fonctionnement visant à instaurer une nouvelle logique de partenariat entre usagers, bénévoles, salariés et financeurs.
Des collectivités locales et des entreprises privées pourront en être membres, afin de combiner des ressources publiques et privées en faveur d'initiatives économiques et citoyennes. Les sociétaires seront organisés par collèges - salariés, usagers, bénévoles, financeurs,... - et le principe « une personne, une voix » garantira l'efficacité de la société et son caractère démocratique.
Une association pourra aussi se transformer en coopérative sans perdre la personnalité morale puisqu'elles auront en commun la non-lucrativité. Pour autant, le rôle des associations dans le champ économique n'est pas contesté ; la SCIC n'a pas vocation à s'y substituer : elle complète les entités juridiques qui sont à la disposition de ceux qui développent des projets d'économie sociale et solidaire.
Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation que je souhaitais faire de ce projet de loi, qui a, dans votre assemblée, mobilisé le travail de deux commissions et de sept rapporteurs. J'ai conscience de l'important travail que vous avez dû accomplir dans des délais très brefs, et je vous en suis reconnaissant.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il n'est pas d'usage que le président d'une commission saisie au fond s'exprime avant les rapporteurs de cette dernière et avant les rapporteurs des commissions saisies pour avis. Je les prie donc de ne pas m'en tenir rigueur.
Je veux simplement formuler quelques brèves observations liminaires.
La commission des affaires sociales, jusqu'à hier du moins, menait conjointement l'examen de deux projets de loi portant diverses dispositions d'ordre social.
Le premier, intitulé un peu pompeusement « projet de loi de modernisation sociale », comportait, dans sa version examinée par l'Assemblée nationale en janvier dernier, 48 articles. Au moment où l'Assemblée nationale s'apprêtait à procéder au vote sur l'ensemble du projet de loi en deuxième lecture, il en comportait 237.
Certes, il est bien naturel que le Parlement souhaite enrichir, au fil de la navette, les textes soumis à son examen. Mais il est plus étonnant que le Gouvernement soit l'auteur « direct » - il n'est d'ailleurs pas exclu qu'il ait inspiré quelques initiatives parlementaires - de 59 articles additionnels. C'est donc un deuxième projet de loi qui a été inséré par le Gouvernement au cours de la navette.
Le second projet de loi - qui nous préoccupe aujourd'hui - s'annonce sous le titre « bénin » d'un « projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel ». Il se caractérise pourtant par la mise bout à bout de plusieurs projets de loi, dont chacun aurait mérité une discussion approfondie mobilisant les compétences spécifiques des différentes commissions permanentes du Sénat et de celles de leurs membres les plus spécialisés dans les sujets abordés.
Il est significatif que, pour un texte comportant à l'origine 13 articles, la commission des affaires sociales ait dû nommer quatre rapporteurs, et la commission des affaires culturelles, saisie pour avis, trois rapporteurs.
Le texte initial du Gouvernement comportait en réalité sept « projets de loi » abordant successivement : la transcription de l'importante convention UNEDIC du 19 octobre 2000 ; le statut du fonds de réserve des retraites ; la ratification des 223 articles du nouveau code de la mutualité ; un important dispositif de réglementation des centres de loisirs accueillant des mineurs relevant de la ministre de la jeunesse et des sports ; un volet concernant l'Institut d'études politiques de Paris, introduit à la demande du ministre de l'éducation nationale, et une réforme de la loi relative à la liberté de communication, à laquelle la ministre de la culture et de la communication ne saurait rester indifférente.
En dépit de cette pluralité d'inspiration, le projet de loi n'est présenté, au nom du Premier ministre, que par la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Lors de l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale sont venus de surcroît s'ajouter, outre quelques dispositions diverses relatives au covoiturage, au remplacement des pharmaciens d'officine - elles sont étrangement inscrites dans le titre relatif au fonds de réserve des retraites - ou aux libéralités des comités d'entreprise, un projet de loi nouveau modifiant profondément la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et créant une nouvelle catégorie de sociétés anonymes ou de sociétés à responsabilité à capital variable, les « sociétés coopératives d'intérêt collectif » régies par le code du commerce sous réserve des douze articles que comporte l'amendement déposé en séance par le Gouvernement.
Ont également été ajoutés, d'une part, un dispositif concernant l'intervention des collectivités territoriales en matière de réseaux de télécommunications, modifiant le code général des collectivités territoriales tel qu'il résulte de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999, qui avait été renvoyée pour examen, au Sénat, à une commission spéciale et, d'autre part, une modification substantielle du code de l'industrie cinématographique, qui avait d'ailleurs été déjà modifié par la loi relative aux nouvelles régulations économiques, promulguée le 15 mai dernier.
Il n'est guère étonnant, dans ces conditions, qu'un orateur à l'Assemblée nationale ait pu évoquer un climat de « panique législative », comme celles des gens qui, forcés à un prochain départ, entassent dans leur valise ce dont ils n'avaient pas eu le temps de se préoccuper et qui meublera leur longue absence.
La commission des affaires sociales du Sénat constate, pour sa part, un climat délétère pour le respect des prérogatives les plus élémentaires du Parlement. Non seulement le Gouvernement multiplie dans l'impréparation des projets de loi dont il impose ensuite au Parlement une discussion précipitée, mais encore, il truffe ces textes, en cours de navette, de dispositifs qui sont eux-mêmes des projets de loi à part entière et qui ne sont ni délibérés en conseil des ministres ni soumis à l'avis du Conseil d'Etat.
Il n'est guère étonnant que, parfois, la machine s'enraye, comme cela a été le cas, hier, à l'Assemblée nationale. De ce point de vue, le parcours législatif de l'« économie solidaire » apparaît particulièrement « exemplaire ».
La réforme du code de la mutualité avait fait l'objet d'une demande d'habilitation à la va-vite. En dépit des assurances du Gouvernement, le débat de ratification des 223 articles de ce code va être conduit « à la hussarde ».
Poursuivant dans cette voie expéditive, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est un nouveau projet de loi sur les sociétés coopératives que vous prétendez faire enregistrer au Parlement sous la forme d'un amendement déposé en séance à l'Assemblée nationale.
La commission des affaires sociales, pour sa part, a choisi de se désolidariser de cette méthode, incompatible avec un travail législatif sérieux. Elle attire avec quelque solennité l'attention du Gouvernement sur les dangers de l'hypertrophie législative et sur les risques d'insécurité juridique qui résultent de l'improvisation et de la précipitation.
Les parlementaires représentent, selon l'article 3 de la Constitution, la souveraineté du peuple lorsque celui-ci ne l'exerce pas directement par voie référendaire.
A ce titre, et parce que c'est là la mission qui leur a été confiée par le suffrage universel, les parlementaires, députés ou sénateurs, se doivent de faire un travail sérieux, réfléchi, parce que la loi qu'ils voteront s'imposera à tous.
Le Sénat et ses commissions ne sont pas responsables des états d'âme, des palinodies, des chantages qui perturbent la majorité plurielle. Ils n'ont pas à épouser les querelles de famille, les insuffisances, les impatiences ou les faiblesses des ministres qui veulent satisfaire leurs partenaires ou calmer les exigences de telle ou telle fraction, comme aux plus beaux temps de la IVe République.
C'est pourquoi soit nous refuserons de discuter des parties du projet de loi qui nous sont présentées comme « à prendre ou à laisser », soit nous consacrerons le temps nécessaire à la discussion, à l'examen des amendements qui, eux, font partie du « droit réservé » des parlementaires.
La commission des affaires sociales a fait un énorme effort pour éviter tout blocage. Mais nous ne sommes pas prêts à accepter n'importe quoi pour des intérêts qui ne sont pas les nôtres ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur.
M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le titre Ier de ce projet de loi vise à donner une base légale à la convention du 1er janvier 2001 relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage. Une telle habilitation législative est en effet nécessaire à son application pleine et entière à compter - le temps presse - du 1er juillet prochain.
Mais, avant de vous présenter plus en détail les articles de ce titre Ier, il ne me paraît pas inutile, mes chers collègues, de revenir brièvement sur la négociation et le contenu de cette convention.
Ces négociations ont en effet constitué un « étrange feuilleton », selon l'expression de l'un des commentateurs les plus avisés en droit social. Ouvertes le 17 mars 2000, elles ont été marquées par « maints rebondissements » et ont donné lieu « aux péripéties les plus extravagantes ». Les partenaires sociaux ont ainsi, à deux reprises, conclu une convention que le Gouvernement a refusé d'agréer avant de se résoudre, dans un troisième temps, à prendre en considération les propositions issues du dialogue social.
Cette convention a finalement été agréée le 6 décembre dernier ; mais les « péripéties » n'allaient pourtant pas en rester là. Le Gouvernement, sans doute marqué par ses anciennes réticences, ne déposait que le 25 avril dernier à l'Assemblée nationale le présent projet de loi. Son adoption demeure pourtant un préalable à l'application de l'ensemble de la convention à compter, je le répète, du 1er juillet prochain.
Reste que le feuilleton n'est toujours pas terminé. Deux étapes sont encore à franchir d'ici au 1er juillet : l'adoption du présent projet de loi et la signature des deux conventions nécessaires à la mise en oeuvre de la convention du 1er janvier 2001. Ces deux conventions sont aujourd'hui finalisées et leur signature semble désormais imminente.
Ces négociations, fort mouvementées, ont néanmoins permis d'aboutir à une convention très novatrice.
La commission des affaires sociales avait estimé, dès novembre dernier, que « la nouvelle convention d'assurance chômage constitue une avancée décisive dans la lutte contre le chômage structurel ». Elle ne peut, bien entendu, que réitérer ici cette analyse. J'observe à ce propos que, pour l'UNEDIC, les mesures contenues dans la convention devraient permettre de réduire le nombre de chômeurs de 125 000 par an sur la durée de la convention.
Cette convention du 1er janvier 2001 présente, en effet, quatre caractéristiques principales, qui constituent, de l'avis de la commission des affaires sociales, autant d'évolutions très positives.
Elle permettra d'abord - et c'est le premier point positif - une réelle activation des dépenses d'indemnisation du chômage en faveur d'un retour rapide à l'emploi des chômeurs.
L'objectif est ici que les dépenses d'assurance chômage servent en priorité au retour à l'emploi, et non à une indemnisation, certes nécessaire mais pas forcément très incitative à la réinsertion professionnelle.
Les partenaires sociaux se sont déjà engagés, depuis quelques années, dans un tel processus d'activation des dépenses passives d'indemnisation. Je pense, en particulier, à l'accord du 8 juin 1994 sur les conventions de coopération et à l'accord du 6 septembre 1995 sur l'ARPE, l'allocation de remplacement pour l'emploi.
La convention du 1er janvier 2001 s'inscrit dans cette perspective. Mais elle va beaucoup plus loin. Elle propose en effet un élargissement très sensible des mesures d'activation ; elle prévoit aussi un accompagnement immédiat et personnalisé de chaque demandeur d'emploi dans sa démarche de retour à l'emploi.
La convention permet ainsi la mise en place, à compter du 1er juillet 2001, de nouvelles aides à l'emploi directement financées par l'UNEDIC, mais prescrites par l'ANPE. Ces aides, diverses mais complémentaires, sont les suivantes : une aide dégressive à l'employeur qui embauche un demandeur d'emploi rencontrant des difficultés spécifiques de réinsertion, cette aide pouvant être versée pendant trois ans maximum ; une aide à la mobilité géographique pour le demandeur d'emploi qui accepte un travail dans un autre bassin d'emploi que celui où il était précédemment occupé ; une aide à la formation ; un accès privilégié des demandeurs d'emploi ayant besoin d'acquérir une qualification particulière aux contrats de qualification adulte ; enfin, le financement d'actions d'évaluation des compétences professionnelles et d'actions d'accompagnement en vue du reclassement.
La convention prévoit également un soutien personnalisé et immédiat pour tout demandeur d'emploi indemnisé dans sa démarche de retour à l'emploi. C'est le plan d'aide au retour à l'emploi, ou PARE.
Le PARE, souvent diabolisé, se présente en réalité comme une généralisation et un approfondissement des dispositifs d'accompagnement individualisé déjà existants, comme le programme « Nouveaux départs » ou le programme TRACE, ou trajet d'accès à l'emploi.
A ce propos, ouvrant une parenthèse, je ne peux que déplorer le développement d'une polémique aux très forts relents idéologiques sur la nature - obligatoire ou non - du PARE. Je regrette que le Gouvernement ait, sur ce point, choisi la voie bien inutile de la dramatisation. Il n'appartient certes pas au législateur d'interpréter la convention, mais il me semble vain de multiplier les prises de positions les plus ambiguës alors que la simple lecture de la convention suffit, à elle seule, à dissiper tout doute à ce sujet.
Pour en revenir au PARE, j'observe qu'il apporte une triple amélioration par rapport aux dispositifs actuels d'accompagnement : il est immédiat, alors qu'il n'intervient qu'au bout d'un an de chômage dans le cadre du programme « Nouveaux départs », par exemple ; il est à la fois progressif et continu ; il bénéficie de moyens renforcés, 15 milliards de francs étant dégagés à cet effet par l'UNEDIC.
Voilà pourquoi la commission des affaires sociales ne peut que s'associer à cette forte initiative des partenaires sociaux.
Deuxième point positif : une amélioration de l'indemnisation des demandeurs d'emploi.
D'une part, le nombre de chômeurs indemnisés sera plus élevé. La convention prévoit en effet une révision de la durée minimale d'affiliation exigée pour ouvrir droit à indemnisation. La durée d'activité minimale est ainsi ramenée - vous l'avez précisé, monsieur le secrétaire d'Etat - de quatre mois pendant les huit derniers mois à quatre mois pendant les dix-huit derniers mois. La convention prévoit également une prise en charge spécifique des créateurs d'entreprise si l'entreprise doit cesser son activité dans les trois ans qui suivent sa création.
D'autre part, le niveau de l'indemnisation sera amélioré. La dégressivité des allocations introduite en 1992 par le dispositif de l'allocation unique dégressive est supprimée.
Troisième point positif : une baisse significative des cotisations.
Les cotisations d'assurance chômage pourraient en effet diminuer de 43,5 milliards de francs sur la période 2001-2003, si l'évolution de la situation financière de l'UNEDIC le permet. Leur taux passerait ainsi de 6,18 % en 2000 à 5,40 % en 2002.
La commission des affaires sociales ne peut que se féliciter de cette baisse. Elle se traduira en effet, pour les entreprises, par une réduction des charges favorable à l'emploi, à la compétitivité et à la croissance. En outre, elle implique une amélioration du pouvoir d'achat des salariés.
Quatrième point positif : des moyens financiers considérables, mais réalistes.
Pour contribuer à la réussite de la nouvelle convention d'assurance chômage, les partenaires sociaux ont décidé de mobiliser des moyens financiers considérables, grâce au recyclage des excédents financiers de l'UNEDIC.
Ainsi, 113 milliards de francs seront dégagés sur trois ans : 50 milliards de francs en faveur des chômeurs, 43 milliards de francs pour la baisse des cotisations et 20 milliards de francs au profit de l'Etat.
Je tiens ici à souligner l'ampleur de l'effort réalisé par les partenaires sociaux, mais aussi leur sens des responsabilités. Ils ont en effet prévu une clause de sauvegarde, afin de garantir l'équilibre financier du régime d'assurance chômage pour la durée de la convention. Ainsi, si cet équilibre n'était pas assuré, des mesures de sauvegarde, prenant notamment la forme d'une révision de l'échéancier des baisses de cotisations, pourraient bien sûr intervenir.
Ce sont ces quatre appréciations positives qui m'amènent aujourd'hui à porter un jugement très favorable sur la convention du 1er janvier 2001, et je me félicite de ce que, après tant d'occasions manquées depuis quatre ans, qu'il s'agisse des emplois-jeunes, des 35 heures, du financement de l'alternance ou des licenciements, le Gouvernement et la commission des affaires sociales du Sénat arrivent enfin à une analyse commune en vue de proposer une réponse aux problèmes de l'emploi, même si les réticences manifestées par le Gouvernement à propos de cette convention demeurent évidentes, comme en témoigne sa « conversion » pour le moins tardive et parfois ambiguë.
Ces appréciations positives resteront cependant lettre morte si la convention du 1er janvier 2001 n'est pas appliquée, or cela reste aujourd'hui pour partie subordonné à l'adoption de mesures législatives.
En effet, le code du travail n'autorise pas l'utilisation des ressources de l'UNEDIC à une autre fin que l'indemnisation des chômeurs. Il est donc nécessaire de modifier la loi pour permettre la mise en oeuvre de la convention.
Une telle pratique n'est d'ailleurs pas inédite. Ainsi, la loi du 4 février 1995 a donné une base légale aux conventions de coopération, et la loi du 21 février 1996 a habilité l'UNEDIC à financer le dispositif de l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE. J'observe que, dans les deux cas, le Sénat avait adopté ces dispositions à l'unanimité.
J'en viens maintenant aux cinq articles du titre Ier.
L'article 1er autorise le financement par l'UNEDIC des mesures d'aide au retour prévues par la convention du 1er janvier 2001 : aide à la mobilité, aide dégressive à l'employeur, aide à la formation, actions d'accompagnement personnalisées, qui toutes seront prescrites par l'ANPE.
L'article 2 autorise le régime d'assurance chômage à financer les contrats de qualification pour adultes et prolonge le délai ouvert aux partenaires sociaux pour pérenniser le dispositif jusqu'au 30 juin 2002.
En effet, il s'agit, je le rappelle, d'un dispositif expérimental introduit par la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions. C'est un programme utile qui doit permettre à des chômeurs très éloignés de l'emploi d'acquérir, par la voie de l'alternance, une qualification reconnue, mais il fonctionne mal : alors que le Gouvernement visait un objectif de 25 000 contrats en 2000, moins de 7 000 ont été effectivement signés.
La convention du 1er janvier 2001 devrait permettre une relance de ce dispositif. L'UNEDIC prévoit en effet de financer, à hauteur de un milliard de francs par an, les coûts de formation.
J'ajoute que les partenaires sociaux semblent également très proches d'un accord sur la pérennisation du dispositif, puisque la signature pourrait intervenir en juin ou en juillet prochains.
L'article 3 institue une allocation de fin de formation, afin de permettre aux demandeurs d'emploi de continuer à être indemnisés au-delà de la durée des droits à l'assurance chômage si la formation qu'ils ont entamée, sur prescription là encore de l'ANPE, n'est pas achevée. Il serait en effet absurde de devoir limiter la durée des formations proposées aux chômeurs, en l'alignant sur la durée de leurs droits à l'assurance chômage.
L'article 4, très technique, vise à donner une base légale au nouveau régime de prescription applicable aux contributions et aux allocations de l'assurance chômage, qui a été fixé par la convention.
L'article 5, enfin, autorise l'UNEDIC à verser à l'Etat 15 milliards de francs entre 2001 et 2002.
La convention d'assurance chômage aborde en effet la question dite de la « clarification des relations financières UNEDIC-Etat ».
Il est vrai que, à défaut d'être véritablement opaques, les relations financières entre l'Etat et l'UNEDIC sont complexes.
Ainsi, l'aggravation du chômage au début des années quatre-vingt-dix avait provoqué une dégradation rapide des comptes de l'UNEDIC, et l'Etat avait alors été dans l'obligation de soutenir financièrement le régime d'assurance chômage. La situation financière de l'assurance chômage s'est très sensiblement redressée depuis 1995, et les perspectives financières de l'UNEDIC apparaissent désormais bien plus favorables.
Dans ces conditions, l'Etat a souhaité que les partenaires sociaux introduisent dans la nouvelle convention d'assurance chômage une « clause de retour à meilleure fortune ». Il est d'ailleurs à noter que les deux conventions que le Gouvernement a refusé d'agréer étaient à la fois moins explicites et, surtout, moins généreuses pour l'Etat : la première ne comportait aucune disposition relative à ce sujet ; la seconde comprenait un article de principe qui allait en ce sens, mais sans prévoir d'engagement chiffré.
L'article 9 de la convention, article qui n'a d'ailleurs pas été agréé par l'arrêté du 4 décembre dernier, fixe les règles d'une telle clarification des relations financières entre l'UNEDIC et l'Etat.
Il prévoit ainsi le versement par l'UNEDIC à l'Etat de 7 milliards de francs en 2001, puis de 8 milliards de francs en 2002.
Il prévoit également le renoncement de l'UNEDIC au versement d'une subvention de 5 milliards de francs en octobre 2002, afin de rembourser les emprunts contractés par le régime d'assurance chômage.
Le présent article vise à donner une base légale à cet article 9 de la convention. En l'état actuel de la législation, je le rappelle, l'UNEDIC n'est en effet pas autorisée à verser une contribution au budget de l'Etat. En conséquence, le présent article autorise - sans l'y obliger, je le souligne - l'UNEDIC à verser à l'Etat 7 milliards de francs en 2001 et 8 milliards de francs en 2002.
Ces cinq articles ont été adoptés par l'Assemblée nationale sans véritable modification, mais dans un climat souvent houleux, on en conviendra. La commission des affaires sociales proposera d'ici quelques minutes au Sénat de faire de même, dans un climat, je l'espère, plus apaisé.
Mais je souhaiterais auparavant exprimer deux souhaits, deux craintes et deux regrets.
Le premier souhait part d'une constatation.
La mise en oeuvre des mesures prévues par la convention - et par le projet de loi - repose sur la seule ANPE, et leur efficacité dépendra donc, en définitive, de la capacité de cette dernière à se mobiliser. La commission des affaires sociales espère que l'ANPE pourra bénéficier du soutien de l'Etat, afin qu'elle puisse faire face à ses nouvelles missions dans les meilleures conditions. Il apparaît notamment nécessaire de revoir le contrat de progrès signé entre l'ANPE et l'Etat, qui porte sur la période 1999-2003, car son équilibre sera, à mon sens, profondément modifié par la nouvelle convention.
Le second souhait concerne, plus largement, la politique de l'emploi menée par le Gouvernement.
En signant la convention, les partenaires sociaux ont en effet consenti un effort tout particulier en faveur des demandeurs d'emploi relevant du régime d'assurance chômage. Ils ont également fait preuve de leur solidarité vis-à-vis des autres demandeurs d'emploi en élargissant le champ de l'indemnisation par l'UNEDIC. En cela, les partenaires sociaux ont amplement épuisé, me semble-t-il, le domaine de leurs compétences.
Il reste qu'aujourd'hui 58 % des demandeurs d'emploi relèvent non pas de l'assurance chômage, mais de la solidarité nationale. Il serait donc logique que l'Etat prenne à son tour ses responsabilités et intervienne vigoureusement en faveur du retour à l'emploi et de l'amélioration de la situation des chômeurs non indemnisés par l'UNEDIC. Pour ce faire, la convention du 1er janvier 2001 lui donne les marges de manoeuvre financières nécessaires, au titre précisément de la clarification des relations financières entre l'Etat et l'UNEDIC.
La commission des affaires sociales ne peut donc que souhaiter que l'effort consenti par les partenaires sociaux en faveur des chômeurs indemnisés s'accompagne d'un effort de même ampleur de l'Etat en faveur des chômeurs non indemnisés.
A ce propos, il importe notamment de veiller à une meilleure prise en compte des agents contractuels des collectivités locales et des autres fonctions publiques. Ces agents ne sont en effet pas affiliés, sauf exception, au régime d'assurance chômage. Dès lors, on ne peut que souhaiter qu'ils puissent également bénéficier des mesures d'aide au retour à l'emploi mises en oeuvre par l'ANPE, sinon il faudra prévoir une multitude de PARE et un dispositif à nombreuses vitesses. Se posera là un vrai problème, sauf si l'on décide de faire bénéficier les agents contractuels des fonctions publiques des mesures d'aide au retour à l'emploi ou de les priver du PARE et de leur laisser le bénéfice des indemnités anciennes, ce qui n'améliorerait cependant en rien leur situation.
Mes craintes rejoignent d'ailleurs mon dernier souhait.
Ma première crainte naît, là encore, d'un constat.
La convention du 1er janvier 2001 se traduit en effet par une substitution progressive des partenaires sociaux à l'Etat pour le financement de la politique de l'emploi.
Ainsi, en matière de formation des chômeurs, l'aide à la formation se substituera à l'actuelle allocation formation-reclassement. Or cette dernière est actuellement financée à concurrence de 41 % par le budget de l'Etat.
De la même manière, s'agissant du soutien personnalisé aux demandeurs d'emploi, l'UNEDIC financera l'ANPE en lieu et place de l'Etat : 3,1 milliards de francs devraient être consacrés à cette fin en année pleine, alors que le budget de l'agence est actuellement d'environ 8 milliards de francs. Les trois huitièmes, c'est tout de même beaucoup !
Au travers de ces exemples se profile un risque : celui du désengagement budgétaire de l'Etat. Il ne faudrait pas que la politique de l'emploi du Gouvernement en vienne à se résumer à un simple problème de financement des 35 heures.
Ma seconde crainte concerne l'affectation à venir des 15 milliards de francs versés par l'UNEDIC.
Les partenaires sociaux ont exprimé le souhait, dans le texte de la convention, que « cette ressource exceptionnelle soit affectée au financement d'actions en faveur des demandeurs d'emploi relevant du régime de solidarité ».
Je ne peux douter a priori de l'engagement du Gouvernement sur ce point, mais je constate que, en l'état actuel des choses, aucune mesure d'affectation n'est prévue.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité nous a annoncé, lors de son audition, qu'elle n'envisageait pas de créer un fonds de concours. Cette procédure, qui relève de la seule initiative du Gouvernement, est pourtant la seule qui permette d'assurer l'affectation de recettes non fiscales dans la plus totale transparence et dans le respect du cadre fixé par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Je souhaiterais donc demander de nouveau pourquoi est écartée cette solution du fond de concours.
Aussi, au regard de cette incertitude et à titre conservatoire, la commission des affaires sociales présentera-t-elle au Sénat un amendement visant à apporter une réponse, ou tout au moins une précision, s'agissant de l'usage du versement de l'UNEDIC, afin qu'il soit conforme au voeu exprimé par les partenaires sociaux.
Si l'examen de ce projet de loi attise quelques craintes, il alimente aussi des regrets.
Mon premier regret tient aux procédures retenues par le Gouvernement, procédures qui risquent d'être lourdes de conséquences pour les demandeurs d'emploi.
Je regrette ainsi que le Gouvernement ait, par deux fois, refusé d'agréer les conventions conclues par les partenaires sociaux, reportant par là même de six mois l'application des nouvelles mesures en faveur du retour à l'emploi.
Je regrette également que le Gouvernement ait laissé passer près de cinq mois entre sa décision d'agréer la convention et le dépôt du présent projet de loi, alors même que celui-ci doit être définitivement adopté avant la fin de la session.
Je regrette enfin que le Gouvernement ait choisi de « noyer » ces dispositions dans un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, comme l'a rappelé M. le président de la commission des affaires sociales, alors qu'elles auraient à l'évidence mérité de faire l'objet d'un texte de loi spécifique. Sans doute faut-il y voir le souci de ménager certains groupes de la majorité plurielle ou de s'assurer de leur soutien. Il n'en reste pas moins que le dépôt d'un projet de loi distinct aurait peut-être permis une adoption conforme de celui-ci par les deux assemblées dès la première lecture ; cela aurait alors permis l'entrée en vigueur de la convention dans de bien meilleures conditions. Mon second regret touche à l'interprétation inutilement restrictive de la convention que fait parfois le projet de loi.
Cette interprétation restrictive est tout particulièrement évidente en ce qui concerne les conditions d'attribution des aides au retour à l'emploi. La convention du 1er janvier 2001 renvoyait leur définition au dialogue social, mais le Gouvernement a choisi d'introduire dans le projet de loi de nouveaux critères d'attribution non prévus par la convention : ainsi en va-t-il de la nature des contrats de travail, des conditions de cumul avec d'autres aides à l'emploi, de la situation de l'employeur vis-à-vis de l'emploi et du licenciement.
Or non seulement ces critères sont parfois en contradiction avec l'esprit et la lettre de la convention, mais ils n'apparaissent pas non plus toujours pertinents.
Ainsi, l'aide à la mobilité et l'aide dégressive à l'employeur sont réservées aux seules embauches en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée d'au moins douze mois. Pourquoi exclure, par exemple, les embauches sous contrat de travail temporaire d'une durée d'au moins douze mois ? La cohérence est donc bien incertaine. Le Sénat, monsieur le secrétaire d'Etat, aimerait vous entendre sur ce point.
De même, s'agissant de l'aide dégressive, la condition de non-cumul avec d'autres aides à l'emploi apparaît si curieuse que même la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale - peu suspecte d'opposition au dispositif du Gouvernement - avait envisagé, dans un premier temps, de la supprimer.
Pour autant, dans le souci de garantir l'application rapide de la convention et après l'audition de l'ensemble des partenaires sociaux gestionnaires de l'UNEDIC, la commission des affaires sociales n'a pas jugé utile de vous proposer ici une nouvelle rédaction du projet de loi. Il est vrai que ces interprétations restrictives, si elles apparaissent à l'évidence abusives, ne conduisent pas à une dénaturation des propositions issues du dialogue social.
Voilà pourquoi la commission des affaires sociales vous propose, mes chers collègues, d'adopter conformes les articles de ce titre Ier ou, tout au moins, les quatre articles conditionnant l'application des nouveaux dispositifs de retour à l'emploi dès le 1er juillet prochain puisque, sur le cinquième, vous le savez, nous avons déposé un petit amendement de précision. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 6 du projet de loi insère neuf nouveaux articles dans le code de la sécurité sociale. Son importance est majeure, puisqu'il crée le fonds de réserve pour les retraites. Certes, ce fonds existait déjà depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, mais sous la forme provisoire d'une « deuxième section » comptable du fonds de solidarité vieillesse.
La commission des affaires sociales avait considéré, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, qu'il était urgent de doter le fonds de réserve d'un véritable statut. Elle n'était pas isolée dans cette démarche, puisque notre excellent collègue Claude Domeizel avait également déposé un amendement dont l'ambition était similaire. Sur la démarche à adopter, nous avions donc une position presque consensuelle.
M. Claude Domeizel. Cela arrive !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans ces conditions, nous ne pouvons que nous féliciter de la présence du titre II dans ce projet de loi, encore que le sujet aurait mérité un projet de loi autonome, il faut le reconnaître.
Toutefois, la commission des affaires sociales souhaite rappeler que le fonds de réserve ne constitue en aucun cas une solution pour contribuer de manière efficace au financement des retraites : les difficultés que rencontre le Gouvernement pour l'augmenter ne font que confirmer ce constat.
De plus, le projet de loi, par ses absences et ses déficiences, montre que des questions fondamentales restent à trancher.
Je souhaiterais d'abord rappeler que le fonds de réserve est une réponse largement incomplète au défi du financement des retraites.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez bien : « gouverner, c'est prévoir ». Pourtant, le dossier de la réforme des retraites, qui devait reposer sur le triptyque « diagnostic, dialogue, décision », est désormais enterré...
M. Claude Domeizel. Comment ça ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur Domeizel, je vais vous rafraîchir la mémoire, si besoin est !
Le Premier ministre, le 21 mars 2000, a fait connaître ses « grandes orientations », qui ne répondent en rien au défi majeur du financement des retraites.
Sous la pression d'un diagnostic - celui du rapport Charpin - qui confirmait, soit dit en passant, ceux qui avaient déjà été formulés en 1991 et en 1995, le Gouvernement se devait de prendre des initiatives, sauf à faire apparaître clairement qu'il avait définitivement renoncé à ouvrir le dossier des retraites.
La création d'une commission, le « conseil d'orientation des retraites », chargée d'être « vigilante » et de remettre un rapport en 2002 ne pouvait, à l'évidence, à elle seule, persuader les Français que l'avenir de leur retraite était garanti.
Un rapport tous les trois ou quatre ans, de 1991 à 2002, ne saurait, en effet, mes chers collègues, être raisonnablement considéré comme une médecine décisive.
La création d'un fonds de réserve constitue donc, dans l'immédiat, la seule mesure concrète prise par le Gouvernement depuis 1997 ; et nous sommes en 2001 !
M. Claude Domeizel. Ce n'est pas la seule !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce fonds, qui devait être alimenté à hauteur de 1 000 milliards de francs selon M. Jospin, devait avoir pour « vertu pédagogique » de frapper l'opinion et donner ainsi l'illusion que, de rapport en rapport, de concertation en concertation, le Gouvernement avait engagé une véritable réforme des retraites.
Mais il convient de rappeler que ce montant, à supposer qu'il soit atteint, ne correspond en rien aux besoins de financement des régimes.
Ces besoins de financement, ils viennent d'être rappelés, le 17 mai dernier, par le conseil d'orientation des retraites. Les chiffres communiqués, qui s'appuient sur une hypothèse d'un taux de chômage de 4,5 %, comme vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat, ne font que confirmer ceux du rapport Charpin. Il n'y a donc rien de neuf en la matière.
A titre d'exemple, le déficit de la seule caisse nationale d'assurance vieillesse atteindrait 71,6 milliards de francs en 2020. Je rappelle que son déficit cumulé serait compris, à cette même date, entre 600 et 920 milliards de francs, soit la majeure partie des 1 000 milliards de francs annoncés.
Affirmant, tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, que, grâce à l'action du Gouvernement, la situation de la caisse nationale d'assurance vieillesse s'était améliorée, vous avez cité deux chiffres : en 1997, à votre arrivée au pouvoir, la CNAV accusait un déficit de cinq milliards de francs ; aujourd'hui, en 2001, elle accuse un résultat excédentaire de trois milliards de francs. Et vous en tirez la conclusion que l'action du Gouvernement a été tout à fait dynamique et positive, et que les mesures prises ont permis d'améliorer la situation.
M. Claude Domeizel. C'est vrai !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous omettez de dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que ces bons résultats sont la conséquence mécanique de l'évolution des différentes tranches d'âge. Aujourd'hui, ce sont les tranches d'âge les plus creuses qui arrivent à l'âge de la retraite, ce qui explique l'essentiel de ce résultat positif. D'ailleurs, il suffit de se tourner vers les représentants de la CNAV, son directeur ou son président, pour en avoir la confirmation.
Je ne dis pas que l'amélioration de la situation conjoncturelle sur le plan économique et social n'a pas apporté une part contributive à cette amélioration, mais elle n'explique pas, à elle seule, cette situation. Il existe d'autres éléments que vous vous gardez bien d'avancer parce que, évidemment, ils ne sont pas de nature à valoriser l'action ministérielle sur le dossier des retraites.
Mes chers collègues, le rapport de contrôle sur le fonds de réserve que j'ai eu l'honneur de présenter devant la commission le 19 avril dernier a montré que la perspective des « 1 000 milliards de francs » se fondait sur des hypothèses macro-économiques favorables, et sous réserve d'une stricte indexation sur les prix de l'évolution des pensions.
Ce rapport a analysé également les différentes « ponctions » effectuées sur le fonds de solidarité vieillesse, qui est le principal « contributeur » du fonds de réserve, pour financer les trente-cinq heures, pour financer l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA - vous avez eu l'objectivité de le dire, monsieur le secrétaire d'Etat - mais également - vous ne l'avez pas indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, et je me permets de le rappeler à nos collègues - le règlement de la dette de l'Etat à l'égard des régimes complémentaires de l'association générale des institutions de retraites des cadres, l'AGIRC, et de l'association des régimes de retraites complémentaires, l'ARRCO.
Tout le mécanisme de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 a été de tenter de compenser ces ponctions par de nombreux abondements. A vous entendre, vous avez trouvé la formule qui permet de ne pas « déshabiller » le fonds de solidarité vieillesse. En fait, vous avez transféré sur la branche « famille » une partie des dépenses qui étaient à la charge du FSV, à savoir les bonifications pour enfants. Vous n'avez donc fait que déplacer le problème du fonds de solidarité vieillesse vers la branche « famille », une branche qui est aujourd'hui excédentaire mais qui sera, à moyen terme et à long terme, dans une situation déficitaire. Ainsi, vous avez habillé Paul pour déshabiller Pierre et bouché un trou en un creusant un nouveau !
C'est que la compensation décidée ne va pas égaler la totalité des prélèvements effectués, et même si la branche « famille » prend en charge les majorations de retraite pour âge, jusqu'alors financées par la branche « vieillesse », les ponctions opérées, qui sont de l'ordre de 540 milliards de francs - sans compter l'effet sur les produits financiers - dépassent les compensations, qui ne sont que de 415 milliards de francs.
Donc, monsieur le secrétaire d'Etat, la mesure que vous avez prise se traduit par un manque pour le fonds de solidarité vieillesse, donc pour le fonds de réserve, puisque celui-ci est alimenté par le produit des excédents du fonds de solidarité vieillesse.
Dans mon rapport écrit, j'insistais en outre sur le démarrage particulièrement « poussif » du fonds de réserve, les prévisions affichées par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2000 et 2001 n'étant pas respectées. Ainsi, le fonds de réserve est en retard sur son plan de marche, puisqu'il manquera, à la fin de l'année 2001, plus de 15 milliards de francs, en raison, notamment, de la « déconfiture » des licences UMTS. Or le respect scrupuleux de l'échéancier des abondements du fonds est fondamental, car le retard ne se rattrape jamais.
D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, je relève dans vos propos liminaires que, d'ici à la fin de l'année 2001, grâce au produit des licences UMTS, nous devrions compter sur 50 milliards de francs, au lieu des 38 milliards de francs affichés en loi de financement de la sécurité sociale. Vous oubliez de dire que, dans cette même loi de financement, était prévu un abondement d'un niveau bien supérieur à celui que vous avez annoncé aujourd'hui ! Si ce qu'avait annoncé M. le Premier ministre en mars 2001 avait été respecté, nous aurions disposé, à la fin de l'exercice 2001, non pas de 50 milliards de francs mais d'environ 76 milliards de francs, voire de 78 milliards de francs.
Donc, non seulement un retard est pris en ce qui concerne l'abondement du fonds de réserve, mais ce retard va avoir des conséquences négatives sur le niveau des produits financiers qui auraient dû résulter du placement des sommes : les 50 milliards de francs ne produiront évidemment pas les mêmes intérêts que les 78 milliards de francs.
Donc, le montant des produits financiers diminue de dix milliards de francs, alors même que le montant des abondements augmente de 190 milliards de francs par rapport à la prévision initiale. C'est bien l'aveu que le fonds de réserve connaît un retard dans son plan de marche, puisque le montant des produits financiers sera d'autant plus important que les abondements l'auront été en début de période, ce qui ne sera pas le cas.
Mais, par un grand mystère, les excédents du fonds de solidarité vieillesse et de la C3S progressent miraculeusement, passant de 400 milliards de francs à 650 milliards de francs.
M. le Premier ministre n'avait donc pas été informé de cette croissance que l'on vient de découvrir, comme par hasard, au moment où ce projet de loi vient en discussion devant le Parlement, à la suite d'ailleurs de l'examen sur pièces et sur place que nous avons fait effectué tant au ministère de l'économie et des finances qu'au ministère de l'emploi et de la solidarité...
Lors de son audition par la commission des affaires sociales, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, en est toutefois restée à l'objectif des 1 000 milliards de francs alors que le chiffre de 1 180 milliards de francs avait été présenté au conseil d'orientation des retraites.
S'agit-il d'un changement d'hypothèses économiques ?
Les projections de mars 2000 reposaient déjà sur des hypothèses fort optimistes, notamment un taux de chômage de 4,5 %. Il est donc impossible de recourir une nouvelle fois à cette explication, censée justifier la « chute » des cotisations prises en charge par le FSV.
Les excédents du FSV auraient-ils été sous-estimés en mars 2000 ? Leur affectation au fonds de réserve aurait-elle reposé sur une clef de répartition demeurée secrète ?
J'ai demandé à Mme la ministre, lors de son audition par la commission, de présenter en toute transparence ces données ; elle m'a promis de me les communiquer ultérieurement. J'espère que vous êtes en possession de ces informations, monsieur le secrétaire d'Etat, mais je ne les ai pas entendues tout à l'heure. J'imagine que, dans la réponse que vous ferez aux orateurs, vous nous apporterez les informations que Mme Guigou s'était engagée à fournir à la commission des affaires sociales au moment de l'examen du texte.
Le seul argumentaire oral dont nous disposons à la date d'aujourd'hui montre des exédents du FSV multipliables à l'infini. Je suis amené ainsi, mes chers collègues, à poser la question : s'agit-il d'une forme moderne de la multiplication des pains ?
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il faudrait l'utiliser en Afrique !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je vous renvoie à mon rapport écrit, où vous pourrez lire avec intérêt les commentaires que je fais à ce sujet.
Venons-en au dispositif lui-même prévu par l'article 6 du présent projet de loi.
Le texte frappe d'abord par ses déficiences, particulièrement inhabituelles pour un projet soumis à l'examen des assemblées.
Les régimes bénéficiaires du fonds seraient le régime général et les régimes alignés, l'ORGANIC, l'organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de l'industrie et du commerce, et la CANCAVA, la caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse artisanale. Or, mes chers collègues, l'exclusion des autres régimes d'assurance vieillesse ne repose sur aucun fondement constitutionnel, compte tenu notamment des sources d'alimentation du fonds.
Compte tenu notamment des sources d'alimentation du fonds, le Gouvernement nous explique, dans ses réponses au questionnaire, qu'il s'agit des régimes ayant engagé une réforme en 1993.
Je me félicite au passage de cet hommage tardif à la loi de 1993, qui avait été présentée par M. Balladur ! Mais s'agit-il d'un critère suffisamment efficient ?
Les relations entre le directoire et le conseil de surveillance sont placées sous de curieux auspices.
L'article L. 135-8 prévoit que, sur proposition du directoire, « le conseil de surveillance fixe les orientations générales de la politique de placement des actifs du fonds. » Que se passe-t-il si le conseil de surveillance n'est pas d'accord ? Presque rien ! Le directoire présente une nouvelle proposition. Et si cette proposition n'est pas approuvée, « le directoire met en oeuvre les mesures nécessaires à la gestion du fonds. » Ce mécanisme, en dehors de son caractère particulièrement subtil, semble parfaitement inadéquat, vous l'admettrez, pour assurer un réel contrôle.
De manière générale, le conseil de surveillance n'est ni un organisme de contrôle ni un organisme décideur : est-il prévu - c'est un peu le sentiment que nous pouvons avoir - par simple souci d'affichage ?
Rien n'est envisagé pour assurer au fonds de réserve un statut « indépendant » des contingences politiques, contrairement à ce qui est affirmé : le directoire, qui a de fait tous les pouvoirs, est composé de trois membres nommés par le Gouvernement, le conseil de surveillance comprend notamment des représentants de l'Etat, etc.
Le respect des règles de déontologie imposées aux membres du directoire constitue à l'évidence un monument ; vous allez vous en rendre compte très rapidement.
L'article L. 135-12 prévoit ainsi, de manière sage, qu'aucun « membre du directoire ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il exerce des fonctions ou détient un mandat ou a un intérêt. » Nous ne pouvons qu'approuver.
Permettez-moi cependant de formuler une première remarque, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues.
Comme le président du directoire est par ailleurs le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, il lui sera à mon sens particulièrement difficile d'exercer pleinement ses fonctions. Les deux autres membres risquent, dans la plupart des cas, de délibérer seuls.
Mais, surtout, grave incohérence de ce texte, le président du directoire sera amené à s'informer lui-même des intérêts qu'il détient ou vient à détenir et des fonctions qu'il exerce ou vient à exercer dans une activité économique et financière.
Enfin, le respect des obligations et interdictions est du ressort du président du directoire : il devra ainsi contrôler lui-même s'il s'est informé correctement et suffisamment à temps ! Vous avouerez que c'est un peu cocasse.
La notion de « gestion administrative », dans l'acception que semble en donner le Gouvernement, est particulièrement impropre. En effet, ce dernier mélange visiblement la gestion interne de l'établissement, qui comprend la gestion informatique, la gestion des ressources humaines, avec la gestion budgétaire, la gestion comptable et la conservation des titres. Or, il importe de clarifier cette notion, afin d'apprécier en toute transparence le champ de l'intervention de la Caisse des dépôts et consignations.
Le texte frappe également par ses absences.
Il n'aborde pas la question centrale de la répartition entre régimes bénéficiaires, à partir de 2020, des sommes capitalisées dans le fonds de réserve. Les 1 000 milliards de francs seront-ils répartis en fonction des besoins des régimes ou au prorata de l'importance des régimes dans le système français de retraite ? Cette question pourra être, il est vrai, utilement précisée d'ici à 2020. Le projet de loi est donc un texte d'attente.
Le texte ne précise pas par ailleurs les règles prudentielles auxquelles doit obéir ce fonds, ce qui paraît particulièrement grave compte tenu de l'objectif affiché par le Gouvernement d'obéir aux « principes de prudence et de répartition des risques ».
La question de l'exercice des droits de vote du fonds de réserve semble « taboue ». Or elle présente à l'évidence un sens, à partir du moment où le fonds gérera « 1 000 milliards de francs » et sera nolens volens un « investisseur institutionnel » important.
Dans ces conditions, la commission des affaires sociales a décidé de vous proposer un schéma alternatif, garantissant au fonds de réserve son indépendance et sa transparence.
Les quinze amendements qu'elle a adoptés permettent de répondre à la plupart des questions laissées pendantes par la rédaction du projet de loi.
J'ajoute que ce dispositif sera utilement précisé, sur un certain nombre de points, par des amendements particulièrement pertinents de notre excellent collègue Jean Chérioux, que la commission a approuvés ce matin.
Voici les grandes lignes de ce dispositif.
Le fonds serait un établissement spécial, placé, comme la Caisse des dépôts et consignations, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative, se substituant à la « tutelle » ministérielle qui caractérise les établissements publics administratifs.
Sans aller peut-être jusqu'à une loi constitutionnelle, à laquelle faisait référence, là encore, notre excellent collègue Jean Chérioux, qui a évoqué la caisse d'amortissement de 1926, un statut « spécial » semble le moins que l'on puisse faire pour un fonds qui doit garantir les retraites des Français à compter de 2020.
Il est vrai que, si nous en avions eu le temps et si nous l'avions pu, l'idéal eût été une réforme constitutionnelle visant à garantir complètement l'alimentation du fonds, ses placements et le résultat de ceux-ci au profit du fonds de réserve pour les retraites des différents régimes.
Les régimes bénéficiaires ne seraient pas précisés, afin de n'interdire a priori à aucun Français la possibilité de bénéficier du concours du fonds de réserve. Si le texte était maintenu en l'état, nous pourrions nous poser la question du caractère anticonstitutionnel du dispositif prévu.
Les membres du directoire seraient nommés de manière solennelle, en raison de leur expérience et de leurs compétences professionnelles, par le Président de la République et les présidents des assemblées. Telle est la proposition que je vous soumets, au nom de la commission des affaires sociales.
Le conseil de surveillance bénéficierait de véritables pouvoirs de contrôle.
La notion de gestion administrative serait précisée et celle-ci serait confiée à la Caisse des dépôts et consignations, établissement placé depuis 1816 sous le sceau de la « foi publique ». Nous restons donc dans l'esprit souhaité à cet égard par le Gouvernement.
Nous nous félicitons du choix opéré par le Gouvernement, qui est de nature à rassurer les Français. Mais, dans ces conditions, il est évident que la caisse ne pourrait pas participer aux appels d'offre portant sur la gestion financière des ressources du fonds : ainsi serait-t-il prévu explicitement une véritable « muraille de Chine » pleinement efficace, à laquelle fait d'ailleurs souvent référence la Caisse des dépôts et consignations elle-même.
La description des règles prudentielles serait renvoyée à un décret en Conseil d'Etat, tandis que le texte législatif préciserait une notion de « ratios d'emprise », empêchant que le fonds ne puisse détenir plus de 5 % des actions en provenance du même émetteur, afin d'éviter qu'il ne se transforme en un actionnaire trop zélé du capitalisme français.
Le fonds ne doit servir qu'à une seule mission : contribuer au financement des retraites des Français. Il ne doit servir à rien d'autre, quels que soient les arguments utilisés pour faire des « exceptions » à cette règle d'or.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, telles sont les principales observations que souhaitait faire la commission des affaires sociales sur le titre II du projet de loi, relatif au fonds de réserve pour les retraites.
J'espère que l'argumentation que je viens de développer devant vous aura été suffisante pour vous convaincre de l'intérêt qu'il y aura à développer le dispositif alternatif que vous propose la commission des affaires sociales.
J'espère également que le Gouvernement aura été sensible à nombre d'arguments qui plaident en faveur d'une complète indépendance et transparence de la gestion du fonds de réserve. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jourdain, rapporteur.
M. André Jourdain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le titre III du projet de loi est composé d'un seul article, l'article 7, qui prévoit de ratifier l'ordonnance du 19 avril 2001, relative à la transposition des directives « Assurance » aux mutuelles et à la réforme du code de la mutualité.
Avant d'analyser cette ordonnance, je souhaiterais rappeler en préambule que cette transposition a été un « long chemin semé d'embûches ».
Tout d'abord, le secteur de la mutualité a demandé dès l'origine son assujettissement aux directives « Assurance » de 1992.
Ces directives ont été transposées par loi ordinaire, dès 1993 et 1994, aux compagnies d'assurance et aux institutions de prévoyance, mais elles n'avaient toujours pas été transposées à la mutualité.
Les gouvernements successifs ont tenté, à de nombreuses reprises, de transposer ces directives aux mutuelles, en demandant des rapports : le rapport Bacquet en avril 1994, puis le rapport Rocard en avril 1999 ont ainsi étudié les pistes d'une transposition « adaptée » à la spécificité mutualiste mais respectant les règles édictées par Bruxelles.
Le choix d'une transposition « sèche » des directives a été écarté au bénéfice d'une refonte globale du code de la mutualité, permettant de prendre en compte, par le même texte, des demandes anciennes émanant du secteur mutualiste.
Alors même qu'un projet de loi avait été enfin préparé par le Gouvernement et présenté au Conseil d'Etat au début du mois de juillet 2000, la présentation de ce projet s'est transformé in extremis en une « communication relative à la réforme du code de la mutualité » précisant que le Gouvernement choisissait de procéder par ordonnances.
Le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnances des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire, projet de loi pour lequel la commission des affaires sociales m'avait fait l'honneur de me nommer rapporteur pour avis, a été discuté à l'automne au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, avant de faire l'objet d'un accord en commission mixte paritaire.
L'ordonnance dont la ratification nous est demandée a été prise en application de l'article 4 de la loi du 3 janvier 2001.
Suivant les conclusions de la commission des affaires sociales, le Sénat avait adopté l'article autorisant l'habilitation. Notre commission avait estimé qu'il convenait de privilégier « l'impératif de rapidité ».
Mais cet accord s'appuyait sur une condition expresse : l'engagement d'un véritable débat lors de la ratification. En outre, la commission des lois et son rapporteur, M. Daniel Hoeffel, avaient été à l'origine d'un amendement à l'article 5 du projet de loi, devenu l'article 6 de la loi, réduisant de six mois à quatre mois le délai prévu pour prendre l'ordonnance.
Enfin, selon la loi, « des projets de loi de ratification des ordonnances « devaient » être déposés devant le Parlement au plus tard le dernier jour du deuxième mois » à compter de l'expiration des quatre mois précédemment prévus.
Je suis amené à faire un court développement sur le contenu de l'ordonnance du 19 avril 2001.
Il convient de noter tout d'abord que le Gouvernement a respecté les délais fixés par la loi du 3 janvier 2001, puisque l'ordonnance a été prise le 19 avril 2001, voilà donc un peu plus d'un mois.
Cette ordonnance comprend neuf articles.
Je citerai plus particulièrement son article 1er, qui renvoie à la partie législative du code de la mutualité, présentée en annexe de l'ordonnance, les articles 4 et 5, qui précisent les conditions d'entrée en vigueur du code de la mutualité, et les articles 6 et 7, qui comprennent des dispositions relatives aux entreprises d'assurance régies par le code des assurances et aux institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale, qui sont dotées d'une nouvelle procédure de liquidation spéciale et d'un fonds de garantie propre au secteur paritaire. Ces articles instituent en outre une taxe visant à financer les frais de contrôle de la commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance.
Le nouveau code de la mutualité est composé de six livres, qui comprennent à la fois certaines dispositions actuellement en vigueur et de nouveaux articles réformant en profondeur le régime juridique des organismes mutualistes.
La lecture des 223 articles du code montre que ce texte mériterait d'être enrichi, précisé et modifié par le débat parlementaire. Ce sera le deuxième point de mon exposé.
La commission des affaires sociales doute tout d'abord de la stricte conformité du texte de l'ordonnance aux directives « Assurance » au regard de trois éléments : le principe de spécialité, la liberté de réassurance et la notion de contrat de substitution.
De manière générale, la délimitation précise des dérogations aux règles communautaires et, plus particulièrement, la définition des activités accessoires que pourraient continuer d'assurer les mutuelles d'assurance relèvent du pouvoir règlementaire. Or ces décrets sont actuellement en cours de rédaction et n'ont pas été transmis, par voie de conséquence, à Bruxelles. Nous n'avons aucune assurance sur leur « eurocompatibilité ».
Le Gouvernement a indiqué, en commission, que ces décrets « devraient traduire très pragmatiquement le dispositif législatif retenu » ; cette traduction « très pragmatique » risque toutefois d'être difficile à opérer en l'absence de travaux parlementaires et de tout dialogue, comme celui que vous évoquiez tout à l'heure, au moins avec notre assemblée.
Deux dispositions me paraissent hautement critiquables : la procédure d'agrément et la tenue du registre national des mutuelles par le conseil supérieur de la mutualité.
L'article 5 de l'ordonnance du 19 avril 2001 prévoit ainsi que les mutuelles, les unions et les fédérations qui ont été créées avant la publication de la présente ordonnance et qui n'auront pas accompli, dans un délai d'un an, les démarches nécessaires à leur inscription au registre national des mutuelles, tenu par le secrétariat général du conseil supérieur de la mutualité, seront purement et simplement dissoutes.
La sanction est à l'évidence disproportionnée. Il aurait été préférable de prévoir un mécanisme simplifié, précisé par décret en Conseil d'Etat, pour l'agrément de mutuelles dont l'existence peut parfois remonter à plus de cent ans.
Il est en outre curieux de confier cette tâche au Conseil supérieur de la mutualité, organe consultatif : la tenue d'un registre national par le greffe des tribunaux de grande instance semblait une solution juridiquement plus sûre.
Enfin, la composition du nouveau Conseil supérieur de la mutualité est fixée, selon l'article L. 411-3 du code, par décret en Conseil d'Etat. Il aurait été préférable de préciser dans la loi cette composition, compte tenu notamment du nouveau rôle qui est confié à cet organe.
D'autres dispositions appelleraient des modifications. L'articulation entre les systèmes fédéraux de garantie et le fonds de garantie contre la défaillance des mutuelles et des unions pratiquant des opérations d'assurance me paraît ainsi complexe.
S'agissant du fonctionnement des mutuelles, l'article L. 114-19 marque une confusion entre la notion de dirigeants salariés et celle de mandataires sociaux. La limite d'âge - soixante-dix ans - posée à l'article L. 114-22 paraît étrange compte tenu du mode d'élection, par l'assemblée générale, des administrateurs. L'article L. 114-26 me semble aller dans le sens d'une « professionnalisation excessive » des administrateurs en prévoyant un certain nombre de dérogations très larges au principe de gratuité des fonctions.
Enfin, et c'est une absence regrettable, le nouveau code de la mutualité ne comporte aucune disposition relative à la fiscalité des mutuelles.
La question de l'assujettissement des mutuelles à la taxe sur les conventions d'assurance ou de l'exonération des compagnies d'assurance sous réserve d'engagements de non-discrimination reste posée. D'autres exonérations fiscales sont en cause, comme l'a montré la lettre du 14 février dernier adressée par la commission au gouvernement français.

Monsieur le secrétaire d'Etat, il serait bon, je crois, que vous précisiez les intentions du Gouvernement sur ce sujet sensible.
Après cette présentation rapide, et nécessairement rapide, de l'ordonnance du 19 avril 2001, il convient maintenant que le Sénat puisse prendre une décision.
La ratification de cette ordonnance nécessite un accord sur le principe de cette ratification « à la hussarde », comme l'a dit le président Delaneau, et un assentiment sur le fond.
Sur le principe, M. Jean-Jack Queyranne avait déclaré au Sénat, lors du débat sur le projet de loi d'habilitation : « Naturellement, au terme de la procédure, le Parlement sera amené à se prononcer sur les projets de loi de ratification que le Gouvernement déposera. Ces projets regrouperont les ordonnances par matière, ce qui permettra, lors de leur discussion, d'aborder les questions de façon plus précise encore. A cette occasion, chaque parlementaire pourra, bien sûr, exercer son droit d'amendement. »
Le Gouvernement n'était pas avare de promesses. Je cite encore : « Le recours à la procédure de l'ordonnance s'accompagne d'un engagement du Gouvernement à déposer et à inscrire à l'ordre du jour des assemblées un projet de loi de ratification donnant ainsi au Parlement la possibilité d'exercer son droit d'initiative pour réformer le code. »
La commission des affaires sociales doute du respect et du « cahier des charges » préconisé par M. Queyranne - un projet de loi par thème !...
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est mal parti !
M. André Jourdain, rapporteur. ... et du Gouvernement, au regard de la présence, au sein d'un nouveau texte fourre-tout, assorti immédiatement de l'urgence et intervenant sur un nombre très important de sujets, d'un article autorisant cette ratification.
Sur le fond, comme j'ai pu vous en donner des exemples, le dispositif pris par l'ordonnance du 19 avril 2001 appelle un certain nombre d'interrogations et apparaît, à l'évidence, éminemment perfectible.
Dès lors, la commission des affaires sociales était réduite au choix de suggérer au Sénat ou la suppression pure et simple de cet article ou l'adoption d'une série d'amendements sur un certain nombre d'articles « stratégiques ».
Cette dernière option aurait cependant consisté à avaliser le « mauvais coup » fait au Sénat et à adopter conformes un certain nombre d'articles passés inaperçus. En effet, compte tenu des délais auxquels le Gouvernement astreint le Parlement, plus singulièrement les commissions chargées des affaires sociales, la commission n'a pas pu entreprendre le travail, nécessaire, consistant à auditionner l'ensemble des acteurs du monde de la prévoyance complémentaire.
Aussi la commission des affaires sociales a-t-elle été contrainte de revenir à la première solution, protestant sur le principe de cette atteinte aux droits du Parlement et montrant, sur le fond, son scepticisme à l'égard de la réforme engagée.
Telles sont les raisons, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, qui conduiront la commission des affaires sociales à proposer au Sénat l'adoption d'un amendement de suppression de l'article 7. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les dispositions du titre IV du présent projet de loi sont relatives à la jeunesse et à l'éducation populaire. Celles du titre V traitent de l'éducation et de la communication. Par ailleurs, et à l'occasion de l'examen du texte en première lecture, l'Assemblée nationale a adopté, dans le titre V, de nouvelles dispositions extrêmement variées.
Certains des articles des titres IV et V ont été délégués, au fond, à la commission des affaires culturelles. Il s'agit, notamment, de l'article 12, relatif aux compétences du conseil de direction de l'Institut d'études politiques de Paris, et de l'article 13, aménageant le dispositif anti-concentration applicable à la télévision numérique hertzienne terrestre. Comme il est d'usage en ce cas, je céderai la parole, sur ces articles, à nos éminents collègues de la commission des affaires culturelles.
La commission des affaires sociales est saisie, quant à elle, des articles 11, 15, 19, 20, 21 et 22. Il s'agit d'un ensemble hétéroclite qui, en interdisant toute tentative de synthèse, favorise, malheureusement, une énumération peut-être fastidieuse.
J'évoquerai tout d'abord l'article 11, qui vise à définir, dans le code de l'action sociale et des familles, une législation unifiée et actualisée pour l'ensemble des centres de loisirs accueillant des mineurs.
En effet, les modalités d'organisation et de fonctionnement de ces centres sont actuellement régies par des textes réglementaires parcellaires, et souvent différents selon la catégorie de centres concernés. Il est donc apparu opportun de procéder à la modernisation de cette réglementation. Les modifications ainsi proposées concernent à la fois les centres de vacances et de loisirs qui hébergent les mineurs et les centres de loisirs sans hébergement.
Cette refonte législative renforce ou complète les obligations déjà définies dans le cadre des textes réglementaires en vigueur. A l'exception des garderies périscolaires, ces centres de vacances ou de loisirs devront ainsi se doter d'un projet éducatif.
Par ailleurs, les personnes organisant l'accueil des mineurs seront soumises au régime de la déclaration préalable, auprès du représentant de l'Etat dans le département. Elles devront également, ainsi que les personnes exploitant des locaux où se déroule l'accueil, souscrire obligatoirement une assurance. Elles seront, de même, tenues d'informer les responsables légaux des mineurs de l'intérêt de souscrire un contrat d'assurance couvrant les dommages corporels.
L'article 11 élargit en outre la définition des incapacités professionnelles interdisant à une personne d'organiser un centre d'accueil pour mineurs, ou de participer à son organisation. Les infractions concernées sont ainsi définies de manière plus précise et plus étendue que dans les textes réglementaires actuels. De plus, ces incapacités professionnelles sont applicables dorénavant à toute personne intervenant, à quelque titre que ce soit, dans l'accueil des mineurs.
Par ailleurs, cet article renforce, d'une part, les sanctions pénales applicables en cas de non-respect de la réglementation et, d'autre part, le dispositif de surveillance de la conformité des conditions d'accueil des mineurs à cette réglementation. A l'instar de ce qui est déjà en vigueur en matière de contrôle des activités physiques et sportives, les inspecteurs de la jeunesse et des sports pourront ainsi être assermentés afin de procéder au constat des infractions éventuelles, en liaison, le cas échéant, avec un magistrat de l'ordre judiciaire, et dans le respect des principes généraux protégeant le domicile privé.
Enfin, le dispositif proposé dans l'article 11 donne une base légale aux pouvoirs de police administrative du représentant de l'Etat dans le département, qu'il s'agisse de prononcer une interdiction d'exercice à l'encontre des personnes participant à l'accueil des mineurs ou de décider la fermeture des locaux concernés.
Tel est, nécessairement résumé, le dispositif prévu par l'article 11 du projet de loi.
A l'occasion de sa discussion en première lecture à l'Assemblée nationale, des voix se sont élevées pour protester contre les contraintes ainsi mises à la charge des personnes ou des organismes responsables de centres d'accueil pour les mineurs. A l'examen, une telle appréciation paraît quelque peu exagérée dans la mesure où le dispositif législatif qui nous est aujourd'hui soumis reprend, en grande partie, des textes réglementaires déjà en vigueur.
Par ailleurs, en donnant davantage de cohérence aux règles applicables, cette législation permettra de répondre aux exigences croissantes des parents en ce qui concerne la sécurité de leurs enfants.
La commission des affaires culturelles, saisie pour avis sur cet article 11, partage d'ailleurs cette analyse puisqu'elle soumettra au Sénat d'excellents amendements visant à améliorer, sur certains points particuliers, le dispositif prévu.
La commission des affaires sociales vous proposera donc d'adopter cet article 11, sous réserve des amendements présentés par votre commission des affaires culturelles, auxquels elle souscrit entièrement.
L'article 15 est relatif, quant à lui, au régime juridique des réseaux de télécommunication à haut débit installés par les collectivités locales.
Puisque la responsabilité de cet article échoit à la commission des affaires sociales, je souhaiterais en dire quelques mots. Je fais, par avance, appel à votre indulgence en raison des aspects extrêmement techniques de ce dossier.
Afin de créer un environnement favorable à l'installation d'entreprises sur leur territoire, et compte tenu de l'absence constatée d'offres par les opérateurs traditionnels, diverses collectivités territoriales ont décidé, au cours des dernières années, de procéder elles-mêmes à l'installation de réseaux de télécommunication à haut débit. Il s'agit d'infrastructures dites de fibres noires ; cela signifie qu'elles sont installées par les collectivités territoriales, mais que leur exploitation est ensuite confiée à des opérateurs de télécommunication.
Afin de donner à ces infrastructures une base juridique incontestable, le Sénat avait adopté, à l'occasion du débat sur le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire de 1999, et sur proposition, notamment, de nos collègues Gérard Larcher et Pierre Hérisson, un dispositif législatif organisant ces installations dans un cadre équilibré. L'Assemblée nationale n'avait malheureusement pas suivi les propositions du Sénat : elle avait préféré adopter un autre dispositif, limitant singulièrement les initiatives des collectivités territoriales en ce domaine.
Devant les difficultés suscités par cette réglementation, le comité interministériel sur la société de l'information en date du 10 juillet 2000 a proposé de modifier, dans le cadre du projet de loi sur la société de l'information, ce dispositif dans un sens moins restrictif et contraignant.
Sans attendre, le Gouvernement a déposé, lors de la première lecture du présent projet de loi, un amendement visant à procéder aux modifications nécessaires. Ainsi présentée comme une initiative gouvernementale, cette nouvelle rédaction s'inspire en fait directement de la disposition adoptée par le Sénat, en 1999, lors de l'examen du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
Deux nouvelles précisions sont toutefois apportées par le nouveau dispositif. Tout d'abord, autorisation est donnée aux collectivités territoriales de déduire du coût de location facturé aux opérateurs les subventions publiques qui peuvent être consenties dans certaines zones géographiques. Par ailleurs, les collectivités territoriales pourront mettre les infrastructures concernées à la disposition, non seulement des opérateurs, mais également d'utilisateurs finals.
La commission des affaires sociales se félicite de l'hommage ainsi rendu par le Gouvernement à l'initiative de nos collègues Gérard Larcher et Pierre Hérisson. Elle vous proposera donc d'adopter cet article 15.
Les autres articles adoptés par l'Assemblée nationale à la fin du titre V forment un ensemble pour le moins disparate. Pour y mettre de l'ordre, la commission vous proposera, en premier lieu, de les regrouper au sein d'un nouveau titre VI, intitulé, sans aucune prétention à l'originalité : « Dispositions diverses ». (Sourires.)
Le premier article de ce nouveau titre sera l'article 19 du projet de loi, qui vise à autoriser la prise en compte, dans le cadre des accidents de trajet définis par le code du travail, des accidents survenus à l'occasion d'un covoiturage régulier. Il s'agit d'une précision qui, sans être absolument indispensable, n'est pas contradictoire avec les dispositions du code du travail ou la jurisprudence définie, en ce domaine, par la Cour de cassation. En outre, le concept du covoiturage est aujourd'hui parvenu à l'âge de la maturité législative, notamment depuis le vote de la loi de 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie. La commission vous proposera donc d'adopter cet article 19.
Elle vous proposera également d'insérer, après l'article 19, le dispositif initialement prévu à l'article 6 bis du projet de loi. Par souci de cohérence, notre collègue Alain Vasselle, rapporteur du titre II dans lequel l'article 6 bis a été introduit à l'Assemblée nationale, vous en proposera la suppression. En effet, cet article 6 bis, relatif aux modalités du remplacement temporaire des pharmaciens titulaires d'officine, n'a aucun rapport avec l'objet du titre II, à savoir le fonds de réserve des retraites. En revanche, le dispositif prévu est, en tant que tel, utile et répond aux voeux des professionnels concernés. La commission des affaires sociales vous proposera donc de le réintroduire sous forme d'article additionnel après l'article 19.
En revanche, nous estimons inopportun d'autoriser, comme le prévoit l'article 20, les comités d'entreprise à verser, sur les ressources qui leur sont affectées, des subventions à des associations à caractère social ou humanitaire. Cette disposition ne pourrait que susciter les réserves, sinon la franche hostilité, des salariés dont le comité d'entreprise ne dispose pas nécessairement de moyens financiers abondants. Elle pourrait, en outre, placer les entreprises et leurs responsables dans des situations parfois délicates. La commission vous proposera donc la suppression de cet article 20.
L'article 21, qui résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement du Gouvernement, vise à créer une nouvelle catégorie de société coopérative, à savoir la société coopérative d'intérêt collectif. Pour se faire, cet article, complexe et volumineux, introduit douze nouveaux articles dans la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, qui en compte actuellement quarante-cinq.
Faute de pouvoir procéder à un examen approfondi d'une innovation aussi importante pour le mouvement coopératif et associatif, et compte tenu de la désinvolture ainsi manifestée par le Gouvernement à l'égard du Parlement, la commission des affaires sociales vous proposera d'adopter un amendement de suppression de l'article 21. Je reviendrai plus en détail sur ce sujet important lors de la présentation de l'amendement en question.
Enfin, l'article 22 procède à la validation législative de mesures individuelles, concernant des enseignants ou des étudiants des écoles d'architecture, dont le fondement juridique, à savoir divers actes administratifs, a été annulé pour vice de forme. Il s'agit d'une mesure technique n'appelant aucune observation particulière, et la commission des affaires sociales vous proposera de l'adopter.
J'en ai ainsi terminé, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec la présentation des titres IV et V du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) M. le président. Nous allons maintenant interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bordas, rapporteur pour avis.
M. James Bordas, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel dont nous débattons aujourd'hui aborde des sujets extrêmement variés, comme en témoigne le nombre des rapporteurs de la commission des affaires sociales, saisie au fond, et de la commission des affaires culturelles, saisie pour avis d'une partie des dispositions de ce texte.
Je m'attacherai pour ma part aux quatre articles qui constituent le titre IV, et je commenterai brièvement une disposition isolée du titre V, l'article 16 nouveau, qui est consacré à la prorogation de l'homologation de certains diplômes sportifs et dont je dirai un mot pour commencer.
Cet article additionnel a pour objet de proroger la validité des diplômes fédéraux homologués avant l'entrée en vigueur de la loi du 6 juillet 2000, de façon à éviter que certaines fédérations, en particulier la fédération de voile, n'aient à pâtir d'une pénurie de moniteurs pendant la période estivale. En effet, la loi du 6 juillet 2000 a substitué au régime antérieur d'homologation des diplômes délivrés par les fédérations un mécanisme de validation des expériences acquises qui n'a pu encore entrer en vigueur, le décret d'application n'étant pas paru.
Nous sommes favorables à cette mesure transitoire, mais nous invitons le Gouvernement à faire preuve de diligence dans la rédaction du décret d'application, qui est, paraît-il, prévu pour la fin de l'année.
J'en viens maintenant à l'examen du titre IV du projet de loi.
Deux de ses dispositions, les articles 9 et 10, ont pour objet de conférer un statut législatif à deux instances consultatives : le conseil national de l'éducation populaire et de la jeunesse et le conseil national de la jeunesse.
Le conseil national de l'éducation populaire et de la jeunesse, qui a été créé par un décret de 1986, réunit des représentants de l'Etat, des collectivités territoriales, des syndicats et des associations pour émettre un avis sur les projets de loi et, d'une façon générale, sur les questions qui portent sur l'éducation populaire et sur la jeunesse.
La consécration législative que lui apportera l'article 8 le placera désormais sur le même plan que le conseil national des activités physiques et sportives, son homologue dans le domaine sportif.
Le Conseil national de la jeunesse, institué à l'article 10, est le prolongement du conseil permanent de la jeunesse, créé par un arrêté du ministère de la jeunesse et des sports de 1998. Il a vocation à réunir des jeunes gens, âgés de moins de trente ans, issus des organisations nationales de jeunes et des conseils départementaux de la jeunesse ; il est appelé à émettre des avis ou à formuler des propositions sur les questions sociales, économiques et culturelles - le champ est vaste ! - qui intéressent les jeunes.
Nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, que les problèmes qui ont trait à l'éducation populaire et à la jeunesse sont importants et sensibles. Il s'agit donc d'un domaine où l'apport d'organismes consultatifs est certainement précieux, même s'il faut se garder, dans ce domaine comme dans d'autres, de la tentation d'abuser de la multiplicité des structures et des consultations trop générales et trop vagues.
Nous espérons, en revanche, que les dispositions que je vais aborder maintenant résultent bien d'une concertation approfondie avec les milieux associatifs concernés, en particulier au sein du conseil national de l'éducation populaire et de la jeunesse.
L'article 8 procède à la refonte de la procédure de l'agrément des associations de jeunesse et d'éducation populaire. Cette procédure était jusqu'à présent régie par un texte qui peut être qualifié d'historique, puisqu'il s'agit de l'ordonnance du 2 octobre 1943 promulguée à Alger par le Comité français de la libération nationale et cosignée par les généraux de Gaulle et Giraud. Ce texte, qui n'aura bientôt plus de valeur qu'historique, pourra du moins continuer à témoigner de l'importance des questions relatives aux groupements de jeunesse, même dans les circonstances les plus difficiles de la vie d'une nation.
Le dispositif que vous nous proposez se démarque sur plusieurs points de cette disposition vénérable.
Tout d'abord, il subordonne l'agrément à la réunion d'un certain nombre de conditions, dictées en particulier par le souci de contrer la possibilité de certaines dérives sectaires. La liste de ces conditions est longue, trop longue, diront certains, et se veut nuancée puisqu'elle encourage, par exemple, l'égal accès des hommes et des femmes aux instances dirigeantes - tout en prévoyant la possibilité de déroger à cette règle lorsquelle serait incompatible avec l'objet de l'association et la qualité de ses membres.
Par ailleurs, si le projet de loi réserve, en principe, le bénéfice des subventions du ministère aux seules associations agréées, il prévoit cependant la possibilité d'exceptions en faveur de certaines associations non agréées.
Il me paraît en effet utile que l'Etat puisse accorder son aide financière, pour des montants et pour une durée limités, à des associations fraîchement créées qui ne réunissent pas encore toutes les conditions, en particulier les conditions techniques, pour mériter un agrément en bonne et due forme.
Mais l'on peut s'étonner de voir un texte législatif prévoir à la fois une règle et la faculté d'y déroger sans donner plus de précisions sur les conditions qui seront posées. Je souhaite donc que le décret en Conseil d'Etat qui devra être pris en application de cette disposition soit exigeant et précis sur les critères de cette aide et sur les engagements que devront prendre les associations qui en seront les bénéficiaires.
J'en viens maintenant à la refonte de l'encadrement juridique des centres de vacances et des centres de loisirs.
Ces deux types d'organismes faisaient l'objet naguère de textes réglementaires distincts, et parfois lacunaires. Le projet de loi procède à une unification de leur régime juridique que le Conseil économique et social avait appelée de ses voeux dans un avis du 28 juin dernier, et qui paraissait en effet nécessaire. Il conviendra cependant, dans la rédaction des textes réglementaires, de respecter les spécificités inhérentes à chaque type d'organisation.
Le projet de loi insiste sur la nécessité, pour les centres de vacances comme pour les centres de loisirs, d'établir un projet éducatif. Il me paraît en effet important, pour des organismes qui ont vocation à accueillir des jeunes, de ne pas s'en tenir aux simples exigences de sécurité et d'hygiène qui inspiraient autrefois l'essentiel de la réglementation. Je partage donc, monsieur le secrétaire d'Etat, votre souci d'insister sur cette dimension éducative, et je comprends dans une certaine mesure votre volonté de la soumettre au contrôle de l'Etat.
Il ne me paraît pas injustifié que le décret en Conseil d'Etat qui doit définir les conditions dans lesquelles sera établi ce projet éducatif fixe, en quelque sorte, un cadre de réflexion pour inviter les organisateurs de l'accueil à énoncer, ne serait-ce que vis-à-vis des familles, les objectifs qu'ils se proposent, les activités qu'ils comptent organiser et les moyens qu'ils peuvent y consacrer. Mais je ne voudrais pas qu'une rédaction trop contraignante vienne brider la liberté et l'imagination des organisateurs, et je souhaiterais, comme le prévoyait d'ailleurs l'ancien arrêté ministériel de mai 1975, que les familles puissent continuer d'y être associées.
Le projet de loi généralise l'obligation de déclaration préalable à l'ensemble des centres, à l'exception des garderies périscolaires, qui en sont dispensées par un amendement voté à l'Assemblée nationale.
Cette extension me paraît en effet opportune, l'expérience ayant montré que la limitation de cette obligation aux centres de vacances strictement dits ne permettait pas de contrôler des formes de séjours organisés parfois très voisines.
L'Assemblée nationale a souhaité imposer cette obligation aux seuls organisateurs de l'accueil. Il nous a semblé qu'une telle restriction risquait d'entraîner un recul par rapport à la réglementation actuelle, formulée dans l'arrêté de 1975, qui prévoit à la fois une obligation de déclaration des séjours de vacances, à la charge des organisateurs, et une obligation de déclaration de première ouverture, imposée aux établissements de vacances. Celle-ci permet à l'administration, deux mois avant leur ouverture, de s'assurer de la salubrité et de la sécurité des locaux.
Nous n'avons pas souhaité dispenser les exploitants des locaux de cette obligation, que nous pensons de nature à apporter des garanties utiles aux familles, mais aussi aux organisateurs de séjours. Nous avons donc souhaité la réintroduire par un amendement, en précisant que, dans notre esprit, cette obligation ne doit évidemment s'imposer qu'aux exploitants des locaux qui hébergent des mineurs de façon permanente ou périodique.
L'obligation d'assurance imposée aux organisateurs et aux exploitants des locaux nous a également paru indispensable, et nous avons tenu à préciser l'étendue des garanties qu'elle doit offrir.
Le souci du Gouvernement de maintenir à l'écart des centres de vacances et de loisirs des personnes qui ont fait l'objet de certaines condamnations laissant penser qu'elles seraient susceptibles de nuire aux enfants et aux adolescents nous paraît justifié, et nous croyons, en effet, que ces « incapacités professionnelles » doivent s'appliquer à l'ensemble des personnels qui sont au contact des jeunes. Mais nous souhaiterions que le ministère de la jeunesse ne s'en tienne pas à ce seul dispositif juridique et qu'il se donne les moyens d'une politique de prévention plus active, reposant sur une meilleure identification des personnes frappées par ces interdictions.
Le projet de loi donne une base légale aux pouvoirs de police très étendus du préfet et confie aux fonctionnaires habilités et assermentés du ministère de la jeunesse et des sports des missions de surveillance qui occupent une place centrale dans le dispositif de contrôle.
Toutefois, ce dispositif juridique ne portera son plein effet que si le ministère dispose également des personnels suffisants pour procéder au contrôle effectif d'organismes qui, tous centres confondus, accueillent chaque année entre cinq et six millions d'enfants et d'adolescents. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hugot, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le secteur de la communication audiovisuelle, le projet de loi prévoit essentiellement de modifier le dispositif anti-concentration de la loi du 30 septembre 1986, afin de faciliter la reprise en numérique de terre de chaînes du câble et du satellite actuellement détenues à plus de 49 % par les opérateurs historiques de la télévision hertzienne terrestre.
Avant d'expliquer pourquoi, tout en étant d'accord sur le principe et sur les objectifs, nous allons proposer une nouvelle rédaction du dispositif, je voudrais rappeler que le projet de loi tente d'améliorer à la marge un régime du numérique de terre dont j'ai eu plusieurs fois l'occasion d'analyser les faiblesses et qui, à l'issue de ce débat, ne garantira toujours pas le lancement efficace de la télévision numérique de terre avec de bonnes perspectives de viabilité économique. Je ne reviendrai pas ici sur ce débat, dont je tiens cependant à rappeler l'importance et dont j'ai mentionné les principaux éléments dans mon rapport écrit.
M. Louis de Broissia. C'est dommage ! Ce serait bien de nous faire un résumé !
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. Je vais donc consacrer mon intervention à la question du plafond de 49 %, qui nous est présenté comme une clef essentielle du lancement du numérique de terre.
Je souscris sans difficulté à l'idée selon laquelle un recentrage est nécessaire sur ce point.
Je rappelle que le plafond de détention par une même personne de 49 % du capital d'une société titulaire d'une autorisation de service de télévision par voie hertzienne terrestre est devenu, avec l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2000, applicable à l'ensemble des chaînes qui seront diffusées par voie hertzienne terrestre numérique, y compris les chaînes existantes du câble et du satellite, si leurs opérateurs souhaitent les faire migrer vers le numérique de terre.
Toutes les études économiques, et le simple bon sens, montrent que le lancement de la télévision numérique de terre se fera largement grâce à la reprise sur ce support des chaînes créées pour le câble et pour le satellite.
Or il faut savoir que nombre des chaînes thématiques créées pour le câble et pour le satellite ont été conçues par les opérateurs traditionnels, TF1, M6 et Canal Plus, en fonction d'une stratégie globale de développement et de marketing qui implique souvent, de leur point de vue, la détention de parts de capital supérieures à 49 %. Ces opérateurs ont alors tout naturellement repoussé la perspective d'avoir à céder des parts de capital de leurs services thématiques à seule fin de participer à l'aventure de la télévision numérique de terre.
L'assouplissement de la règle du plafond de 49 %, que le Gouvernement n'avait pas proposé lors de l'élaboration de la loi du 1er août 2000, est donc apparu incontournable dans la perspective du lancement du numérique de terre, et le Gouvernement s'est résolu à le proposer.
Le I de l'article 13 du projet de loi prévoit donc que le plafond de 49 % sera à l'avenir appliqué à tout service diffusé par voie hertzienne terrestre, en mode analogique ou numérique, dont l'audience moyenne annuelle dépasse 2,5 % de l'audience totale des services de télévision. Le seuil de 2,5 % a été substitué par l'Assemblée nationale au seuil de 3 % proposé par le Gouvernement.
Ce dispositif a été conçu afin que le plafond de 49 % ne frappe que les trois chaînes hertziennes privées actuellement diffusées en mode analogique, c'est-à-dire les seuls services soumis pour le moment à cette règle. Aucune des chaînes thématiques du câble et du satellite ne dépasse en effet actuellement le taux de 1 % d'audience.
Ce mécanisme assez astucieux tombe malheureusement sous le coup de la vigoureuse critique que le Conseil constitutionnel adressait, dans sa décision du 10 octobre 1984, à d'éventuelles dispositions législatives qui « imposeraient à tout moment aux personnes possédant ou contrôlant les quotidiens visés » - il s'agissait de presse écrite - « le respect de plafonds dont le dépassement peut dépendre du succès auprès du public desdits quotidiens ou des mécomptes des quotidiens concurrents ». De telles dispositions - je cite encore le Conseil constitutionnel - « porteraient à la liberté de ces personnes et, plus encore, à la liberté des lecteurs une atteinte directement contraire à l'artice II de la Déclaration de 1789 ».
Le jeu du plafond de 2,5 % d'audience résulterait indiscutablement du succès des services de télévision auprès du public et ferait ainsi manifestement obstacle à la liberté de création et de développement naturel de ces services et au libre choix des auditeurs. Il faut donc admettre que - et je cite à nouveau la décision de 1984 - « ces dispositions seraient évidemment inconstitutionnelles ».
Je rappelle que le système anticoncentration appliqué aux réseaux radiophoniques, qui sera sans doute invoqué pour justifier la proposition du Gouvernement, est parfaitement conforme aux exigences de la jurisprudence constitutionnelle, et d'ailleurs tout à fait différent de celui que nous allons examiner.
On objectera aussi à ma démonstration l'idée que le seuil de 2,5 % ou de 3 % a été calculé pour ne pas être atteint par les services qui, actuellement, ne sont pas soumis au plafond de 49 %, et que le risque de tomber sous le coup de la jurisprudence de 1984 est donc quasiment inexistant. C'est une vue de l'esprit.
La mise en oeuvre du mécanisme de cession obligée d'une part de capital apparaît en réalité très plausible. Les taux d'audience des chaînes thématiques actuellement cités sont très éloignés de 2,5 % car ils sont calculés en fonction d'une population qui, dans sa grande majorité, n'a accès qu'aux cinq chaînes traditionnelles. Mais, dans le paysage audiovisuel qui surgira du lancement de la télévision numérique de terre, 80 % de la population aura accès à plus de trente chaînes, et l'audience se répartira entre les services de façon totalement différente de la situation actuelle.
Nous pouvons avoir une idée de ce que sera la structure de l'audience dans le paysage audiovisuel numérique en regardant la façon dont se répartit actuellement l'audience dans le public qui a accès à l'offre élargie de télévision. Une chaîne comme RTL 9 représente 3,8 % de l'audience sur l'ensemble de cette population, et 5,7 % si l'on ne prend en compte que les auditeurs qui peuvent effectivement recevoir RTL 9.
Si le lancement de la télévision numérique de terre connaît le succès que nous lui souhaitons, si demain trente-six chaînes sont proposées à l'ensemble ou à 80 % de la population française, la structure de l'audience se rapprochera nécessairement de ce modèle. Et si ce n'est pas le cas, cela signifiera l'échec de la télévision numérique de terre. Chacun comprendra que Pathé ou M. Lagardère ne préparent pas des projets de chaînes gratuites à vocation plus ou moins généraliste en visant une audience de 1 % de l'offre numérique !
Donc, le seuil de 2,5 % sera nécessairement franchi par certains nouveaux services, et le mécanisme que le Conseil constitutionnel a explicitement condamné en 1984 se mettra en branle.
On me rétorquera que j'invoque une vieille jurisprudence - 1984 - et que les temps ont changé. Je ne suis pas certain que les temps aient vraiment changé en ce qui concerne la communication audiovisuelle, que nous soyons entrés dans une période de mesure, de sagesse et de raison qui rendrait inutile le maintien des précautions instituées voilà dix-sept ans. Pensez, mes chers collègues, au débat disproportionné que la médiocre émission de télévérité diffusée par M6 a provoqué ces dernières semaines. Certains commentateurs, autorisés ou non, sont allés jusqu'à repérer dans cette émission la manifestation d'un « fascisme rampant » et n'ont pas craint de dénoncer ce qu'ils considèrent comme l'action pernicieuse d'actionnaires étrangers subrepticement rendus maîtres de la programmation de la chaîne. Pas moins !
M. Louis de Broissia. Des noms !
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. Nul besoin de poursuivre la démonstration pour prouver que la jurisprudence constitutionnelle de 1984 n'a pas pris une ride et qu'elle demeure une garantie contre l'éventuelle tentation de donner effet à certains excès conceptuels.
Il n'y aura sans doute pas de revirement jurisprudentiel en faveur des chaînes thématiques. Même si ce devait être le cas, pourquoi courir le risque sérieux d'une censure qui affecterait gravement le lancement de la télévision numérique de terre ? Il y a bien des façons d'atteindre en toute sécurité juridique un objectif que nous partageons. Nous y reviendrons lors de l'examen de l'article 13.
J'évoquerai également ici l'article 18 qui vient rouvrir le débat sur le problème des formules d'abonnement au cinéma, et qui me paraît assez critiquable sur la forme et sur le fond.
La réglementation de ces formules d'accès au cinéma vient d'être débattue devant l'Assemblée nationale et le Sénat, à l'occasion de la discussion du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, et l'Assemblée nationale statuant en lecture définitive, le 2 mai 2001, en a fixé le régime juridique dans l'article 27 du code de l'industrie cinématographique.
Or huit jours plus tard, le 10 mai, le Gouvernement a fait adopter, à l'occasion de la discussion à l'Assemblée nationale du présent projet de loi, un amendement qui prévoit une nouvelle rédaction de cet article 27.
M. Louis de Broissia. Ça fait désordre !
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. Comme la loi sur les nouvelles régulations économiques n'avait pas encore été promulguée - elle ne l'a été que le 15 mai -, l'article 18 voté par l'Assemblée nationale n'a pas pu prendre la forme d'un amendement à un article 27 qui n'était pas encore entré en vigueur. Il a donc dû se livrer à la réécriture complète du texte.
En réalité, la rédaction de l'article 18 qui nous est proposée ne s'écarte du texte de l'article 27, maintenant en vigueur, que sur trois points.
Ces trois modifications ne sont d'ailleurs pas entièrement nouvelles, puisqu'elles s'inspirent de deux amendements et d'un sous-amendement défendus par le groupe socialiste du Sénat lors de la nouvelle lecture du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques. Le Sénat ayant préféré revenir à son texte, ces deux amendements étaient devenus sans objet, et l'Assemblée nationale, statuant en lecture définitive, avait retenu son propre texte.
Ces amendements réapparaissent, pour ainsi dire, dans la rédaction de l'article 18 qui nous est aujourd'hui soumise et que l'on peut donc considérer en quelque sorte comme une nouvelle « nouvelle lecture » de l'article 27 du code de l'industrie cinématographique, à cheval sur deux projets de loi !
M. Louis de Broissia. C'est une façon gentille de dire les choses !
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. Le moins que l'on puisse dire - et cela est peut-être moins gentil - c'est que ce procédé n'est, au regard de la procédure législative, ni très classique ni très satisfaisant,...
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. Voilà !
M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis. ... et qu'il donne une désagréable impression d'improvisation. (Marques d'approbation sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants,)
J'en viens à l'examen du problème de fond.
Je ne m'attarderai pas sur les deux dispositions nouvelles qui ont trait respectivement aux modalités de calcul de la rémunération des ayants droit et à la mention, dans le paragraphe 4, des producteurs et des ayants droit aux côtés des distributeurs. Elle me paraissent apporter des précisions utiles sans remettre en question l'économie générale du dispositif, et la première d'entre elles avait d'ailleurs été adoptée par le Sénat lors de la nouvelle lecture du projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques. La commission proposera donc de les insérer dans l'article 27 du code de l'industrie cinématographique.
Il n'en va pas de même des modifications apportées aux seuils qui tendent à créer une nouvelle catégorie intermédiaire d'exploitants.
Je rappelle que le système actuel, tel qu'il résulte de l'article 27 en vigueur, ne distingue que deux catégories d'exploitants.
Les exploitants qui dépassent certains pourcentages d'entrées ou de recettes - les grands exploitants en quelque sorte - sont tenus, lorsqu'ils mettent en place une formule d'abonnement d'y associer les petits exploitants qui le souhaiteraient et de leur garantir en outre un revenu minimal par place. Cette garantie de revenu, qui résulte du texte adopté par l'Assemblée nationale, vise à reporter sur les seuls grands exploitants le risque économique afférent à une forte utilisation de la carte d'abonnement qui réduirait le montant de la recette par entrée.
Le texte du projet de loi définit une nouvelle catégorie d'exploitants de taille intermédiaire, en procédant au relèvement de certains des seuils définissant les grands exploitants.
Ces exploitants intermédiaires sont dispensés des obligations imposées aux grands exploitants, mais ils ne bénéficient pas non plus des droits et des garanties reconnus aux petits exploitants : s'ils mettent en place une formule de carte d'abonnement, ils sont dispensés de l'obligation de l'ouvrir aux petits exploitants et, dans l'hypothèse où ils accepteraient cependant de les y associer, ils ne sont pas tenus de leur garantir un revenu minimal par place. En contrepartie, ils ne peuvent pas non plus revendiquer, s'ils adhèrent à une carte, la garantie de recettes réservée aux petits exploitants.
D'après les informations communiquées à la commission des affaires culturelles, il semblerait que les exploitants susceptibles d'entrer dans cette troisième catégorie puissent se compter sur les doigts de la main, et ce alors que certains d'entre eux exercent leur activité en province, laquelle est encore peu touchée par le recours aux formules d'abonnement.
Existe-t-il d'ailleurs une volonté de les encourager à mettre en place des cartes ? J'ai plutôt eu l'impression que l'objectif du Gouvernement était de rendre impossible un système qu'il n'a pu interdire.
Etait-il réellement légitime, dans ces conditions, de remettre en question, quelques jours seulement après son entrée en vigueur, le dispositif adopté dans la loi du 15 mai 2001, et ce au bénéfice d'un nombre aussi limité de sociétés ? La commission ne le pense pas. Aussi, elle ne vous proposera pas de retenir cette disposition dans sa rédaction de l'article 18.
Telles sont les observations que la commission des affaires culturelles m'a chargé de présenter au Sénat en ce qui concerne les dispositions du projet de loi relatives à la communication audiovisuelle et au cinéma. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) M. le président. La parole est à M. Valade, rapporteur pour avis.
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention sera aussi brève que possible, et ce pour deux raisons : d'une part, elle ne porte que sur le seul article 12 du présent projet de la loi soumis pour avis à la commission des affaires culturelles ; d'autre part, je suis le dernier rapporteur à intervenir sur ce texte.
Cet article 12 a d'abord pour objet, dans son paragraphe I, de conférer au conseil de direction de l'Institut d'études politiques de Paris les compétences en matière d'admission des étudiants aux formations dispensées par cet établissement et d'organisation des études, comme vous l'avez d'ailleurs rappelé dans votre propos liminaire, monsieur le secrétaire d'Etat.
Il a ensuite pour objet, dans un paragraphe II, de valider a posteriori, à titre de précaution dirai-je, les délibérations dudit conseil prises en mars dernier en vue d'expérimenter une nouvelle procédure d'admission en première année.
Comme vous le savez - la presse s'en est d'ailleurs fait largement l'écho -, il s'agit en l'espèce de favoriser la diversification sociale du recrutement des élèves à Sciences-Po en mettant en place, en vue de la prochaine rentrée universitaire, une nouvelle voie d'accès à la première année à l'intention des meilleurs élèves de lycées classés en ZEP, ou zone d'éducation prioritaire, en réseau d'éducation prioritaire, en zone sensible, ou d'établissements présentant des caractéristiques socioculturelles analogues.
Le Gouvernement demande donc au Sénat, d'une part, de valider un décret « fragile », celui de 1985, qui définit l'autonomie de Sciences po concernant les conditions d'admission des élèves et d'organisation des études et, d'autre part, de valider un dispositif visant à démocratiser l'IEP de Paris en l'ouvrant aux bacheliers méritants des zones d'éducation prioritaires, parce qu'il est aujourd'hui mis en cause par une procédure engagée par un syndicat étudiant devant le tribunal administratif de Paris.
M. Roland Muzeau. Un syndicat de droite !
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. Un syndicat universitaire !
M. Roland Muzeau. De droite !
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. S'agissant du premier volet, je rappellerai très brièvement que l'histoire de Sciences Po témoigne du souci constant de cette institution de renforcer son autonomie, et ce depuis la naissance de l'Ecole libre des sciences politiques en 1872 : créée par Emile Boutmy à la suite de la faillite de l'empire libéral et de la défaite de Sedan, sous l'impulsion d'intellectuels comme Taine et Renan, cette école avait, dès l'origine, vocation à former les élites politiques, économiques et administratives de la IIIe République à venir.
Compte tenu de cette vocation, le général de Gaulle, inspiré par Michel Debré et Jean-Marcel Jeanneney, a pris la décision d'intégrer l'école dans le service public de l'enseignement supérieur, tout en préservant son autonomie : c'est l'objet de l'ordonnance du 9 octobre 1945 qui crée l'IEP et la Fondation nationale des sciences politiques, ou FNSP, fondation de droit privé à qui est confiée la gestion de l'IEP de Paris.
J'ajouterai que la loi Edgar Faure de 1968 accentue encore l'indépendance de l'IEP de Paris en détachant celui-ci de l'université de Paris.
Dans le même sens, l'article 37 de la loi Savary du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur range l'IEP de Paris dans la catégorie des grands établissements, tels l'école des Chartes, le Conservatoire national des arts et métiers, le Collège de France et l'Ecole nationale supérieure des arts et métiers, qui échappent au régime de droit commun des universités, comme d'ailleurs les écoles normales supérieures et les écoles françaises à l'étranger. Ces établissements bénéficient, aux termes de l'article 37, de « règles particulières d'organisation et de fonctionnement (...) dans le respect des principes d'autonomie et de démocratie définis par la présente loi ».
Au titre de l'article 37 de la loi de 1984, l'IEP se voit donc reconnaître une large autonomie qui est notamment précisée par le décret, aujourd'hui mis en cause, du 10 mai 1985, et notamment par son article 5, celui-ci conférant au conseil de direction de l'IEP compétence pour fixer les conditions d'admission des élèves et l'organisation des études.
Bien entendu, la commission des affaires culturelles n'a pas l'intention de porter atteinte à l'autonomie de Sciences-Po, qui est consacrée depuis le milieu du siècle dernier et qui est parfaitement justifiée, compte tenu du rôle majeur de cette institution qui accueille aujourd'hui - il convient de le rappeler - quelque 4 000 étudiants, dont 25 % d'origine étrangère, ni de remettre en cause les procédures actuelles, rigoureuses et diversifiées, d'admission à tous les stades de la scolarité, ainsi que la situation des étudiants en cours d'étude.
On pourra cependant s'étonner que la validité du décret du 10 mars 1985 n'ait pas été évoquée plus tôt et qu'il ait fallu attendre seize ans pour découvrir sa fragilité : en effet, l'ancien article 14 de la loi de 1984, désormais codifié à l'article L. 612-3 du nouveau code de l'éducation, précise explicitement que les modalités de la sélection pour l'accès à certains établissements, y compris les grands établissements, sont arrêtées par le ministre de l'enseignement supérieur. Le sort de ce décret était donc devenu très incertain, après le recours formé par le syndicat étudiant qu'est l'UNI, ou l'Union nationale interuniversitaire.
La commission des affaires culturelles ne verra donc pas d'objection, dans un souci de sécurisation juridique, à la validation par le législateur de l'article 5 dudit décret, en tant que ses dispositions donnent compétence au conseil de direction de l'IEP de Paris pour fixer les conditions d'admission.
J'ajouterai que le paragraphe I de l'article 12, qui introduit un nouvel article L. 621-3 dans le code de l'éducation, précise que ce conseil peut adopter des procédures d'admission, par voie de conventions passées avec les établissements d'enseignement secondaire ou supérieur, français ou étrangers, pour diversifier le recrutement social à Sciences Po : toutes les possibilités de démocratisation de l'IEP de Paris sont ainsi ouvertes pour l'avenir.
En revanche, la commission des affaires culturelles a émis de sérieuses réserves s'agissant du second volet du projet, c'est-à-dire de la validation à titre de précaution des décisions du conseil de direction du 26 mars 2001, visant à ouvrir, dès la rentrée prochaine, aux meilleurs élèves des ZEP, hors concours, l'accès en première année.
On voit mal, en effet, pourquoi le Parlement devrait valider a posteriori une procédure juridiquement douteuse, qui risque d'être annulée par le tribunal administratif, alors que la loi va fournir à Sciences Po un cadre juridique incontestable.
S'agissant des inégalités sociales à Sciences Po évoquées pour justifier l'article 12 du projet de loi, elles se sont évidemment réduites depuis l'époque de l'Ecole libre des sciences politiques ; néanmoins, et même si des progrès sensibles de diversification sociale ont été enregistrés au cours des dernières années, elles perdurent : aujourd'hui, les enfants de cadres et de professions dites intellectuelles supérieures représentent en effet 56 % des admis, et les catégories sociales dites favorisées, 81 %.
Force est de constater que le concours de Sciences Po continue à favoriser les enfants des catégories favorisées à fort capital économique et/ou culturel au détriment des candidats d'origine modeste, l'allongement de la scolarité à cinq ans n'ayant en outre pas contribué à ouvrir davantage l'IEP à ces candidats, en dépit du développement des bourses d'études.
Un tel constat ne s'applique malheureusement pas seulement à l'IEP de Paris : compte tenu de mes responsabilités passées en matière d'enseignement supérieur et de recherche, je rappellerai que, si les ouvriers représentent encore 20 % de la population française, leurs enfants - il convient de le déplorer - ne constituent que 10 % de la population étudiante à l'université, alors que les enfants de cadres, de professions libérales et d'enseignants constituent 33 % de la population étudiante totale.
Il convient également de noter que les élèves d'origine populaire ne constituent que 9 % de la population de nos grandes écoles les plus prestigieuses - l'Ecole polytechnique, l'Ecole nationale d'administration, l'Ecole normale supérieure, l'Ecole des hautes études commerciales - et que ces jeunes ont vingt-trois fois moins de chances que les autres d'intégrer l'une de ces grandes écoles. Nous sommes là au coeur d'un problème rémanent : l'égalité des chances et la reconnaissance du mérite de chacun quelle que soit l'origine des élèves et des étudiants.
La démocratisation réelle de notre enseignement supérieur, qui, certes, a beaucoup progressé, en particulier grâce aux filières courtes professionnalisées, doit donc être poursuivie, notamment dans la voie de l'excellence.
Pour en revenir au paragraphe II de l'article 12, qui tend à faire valider par le Parlement une procédure « hors concours » visant à accueillir à la rentrée prochaine une vingtaine de bacheliers méritants de sept lycées classés en ZEP, choisis d'une manière quelque peu discrétionnaire dans trois académies, la commission des affaires culturelles a estimé que le dispositif proposé par l'IEP, outre qu'il met en quelque sorte le Parlement devant le fait accompli, est critiquable à bien des égards, même s'il s'inspire du principe de la discrimination positive consacré au début des années quatre-vingt avec la mise en place des zones d'éducation prioritaires.
Un tel dispositif introduit d'abord incontestablement une inégalité de traitement entre les bacheliers des lycées classés en zone d'éducation prioritaire ; il est en outre discriminatoire à l'égard des bons élèves de lycées hors ZEP n'ayant pas obtenu une mention très bien, et qui seront, eux, soumis au régime de droit commun du concours d'entrée et dont le profil socio-économique est souvent proche de celui des élèves des ZEP.
J'ajouterai que l'IEP, qui, pourtant, se livre depuis plusieurs semaines à un lobbying insistant sur cette affaire, n'a pas été en mesure de nous fournir la moindre statistique sur le nombre de ses élèves issus de lycées classés en ZEP, ne serait-ce que pour la dernière promotion.
On peut également craindre que les lycéens de ZEP retenus dans le cadre de ce dispositif ne soient surtout en fait des enfants d'enseignants regroupés dans des classes spécifiques qui disposent, comme le montrent les statistiques, de tous les atouts pour réussir le concours de Sciences po.
Même après avoir entendu M. Richard Descoings, directeur de l'IEP, l'un de ses prédécesseurs, M. Alain Lancelot, et le président de la Fondation nationale des sciences politiques, M. René Rémond, ainsi d'ailleurs que les représentants de l'UNI, on constate que le dispositif soumis à validation porte incontestablement atteinte au principe d'égalité devant le concours.
J'ajouterai que la rédaction du paragraphe I de l'article 12, qui, lui, n'appelle pas d'objection de notre part, donnera désormais toute latitude au conseil de direction pour proposer, dans le cadre de la loi, de nouveaux dispositifs destinés à diversifier le recrutement de l'IEP : je pense, en particulier, à des classes préparatoires à Sciences Po, qui pourraient sans difficulté être mises en place dans certains lycées d'enseignement général classés en ZEP, dans le respect du principe d'égalité.
Je rappellerai par ailleurs, comme je le fais depuis plusieurs années lors de l'examen du projet de loi de finances, que notre enseignement supérieur scientifique est aujourd'hui l'objet d'une désaffection de plus en plus préoccupante de la part de nos bacheliers, y compris les plus brillants ; il conviendrait sans doute d'aider les bacheliers méritants des ZEP à s'orienter vers des filières scientifiques supérieures, y compris les grandes écoles, qui ont besoin d'élèves de qualité venant de tous les horizons.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires culturelles vous proposera de supprimer le paragraphe II de l'article 12.
J'évoquerai enfin rapidement le paragraphe III de l'article 12 du projet de loi, qui a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite d'un amendement présenté par M. Pierre-Christophe Baguet. Ce paragraphe vise à étendre aux établissements d'enseignement supérieur, dans un cadre expérimental et sur la base du volontariat, la procédure prévue pour Sciences Po par le paragraphe I de l'article 12. Les universités pourraient ainsi passer des conventions avec les établissements du second degré dans le but de favoriser la diversification sociale de leur recrutement. Une telle extension s'appliquerait également aux IEP de province qui relèvent du dispositif universitaire et qui étaient exclus du projet de loi initial.
La commission des affaires culturelles a estimé qu'une telle disposition, incontestablement de nature à démocratiser encore davantage l'accès à l'enseignement supérieur, était aussi susceptible de donner un nouvel élan à l'autonomie de nos universités qui sont trop souvent confrontées à une réglementation étouffante.
La commission des affaires culturelles ne peut donc qu'être favorable au maintien de ce paragraphe III, sous réserve des explications que vous ne manquerez sans doute pas de nous fournir, monsieur le secrétaire d'Etat. Naturellement, nous aurions aimé entendre M. le ministre de l'éducation nationale sur cet élément qui est stratégique en matière de recrutement du système universitaire français.
Sous réserve de ces observations et du vote de l'amendement tendant à la suppression du paragraphe II, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption de l'article 12 du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 38 minutes ;
Groupe de Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 23 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Gouvernement a placé au début de son projet de loi les dispositions législatives qu'appelait la nouvelle convention de l'UNEDIC.
Comment ne pas s'associer à une réforme qui, au lieu de prévoir une indemnisation passive, mobilise des moyens en faveur de l'aide à l'évaluation, de l'aide à la formation, de l'aide à la mobilité, de la suppression du caractère dégressif des allocations, de l'accompagnement individualisé et, surtout, de la baisse des cotisations salariales et patronales, toutes avancées que les membres de mon groupe et moi-même soutenons ?
Sachant que les licenciements économiques sont, dans la majorité des cas, le fait de petites ou moyennes entreprises qui ne peuvent financer les plans sociaux qu'organisent souvent les plus grandes, il est nécessaire de mettre à la disposition des salariés à la recherche d'un emploi des services de l'emploi et de la formation infiniment plus performants que ceux qui existent actuellement.
C'est tout l'enjeu de la réforme que les partenaires sociaux ont voulu engager : rendre plus performants l'ensemble des services qui sont à la disposition des salariés à la recherche d'un emploi, car notre pays, dans ce domaine, n'offre que des prestations insuffisantes. Il est indispensable que ces services soient à la fois étroitement associés aux organismes paritaires et très proches, au sein des professions, aussi bien des syndicats de salariés que des syndicats patronaux si l'on veut qu'ils soient plus performants et en harmonie avec les réalités de l'économie d'aujourd'hui.
Les membres du groupe de l'Union centriste se félicitent de cette initiative prise par les partenaires sociaux pour revivifier le dialogue social, qui, au cours des dernières années, a été bien souvent compromis, voire paralysé par un interventionnisme excessif du Gouvernement.
Nous adhérons donc totalement à la démarche qui a été engagée depuis bientôt deux ans pour mettre en oeuvre un accompagnement individualisé des demandeurs d'emploi.
Je me permettrai toutefois de formuler deux observations.
Tout d'abord, le Gouvernement a souhaité que l'ANPE soit partie prenante dans la mise en oeuvre du PARE. Sera-t-elle capable, même avec les moyens supplémentaires que l'UNEDIC va lui allouer, de faire face à ce surcroît de tâches ?
Par ailleurs, pourquoi ne pas consentir le même effort d'accompagnement individualisé en faveur des personnes appartenant au noyau dur du chômage, à savoir les RMIstes, dont le nombre n'a pas diminué et devant lesquels les départements sont manifestement « en panne » ? Dans le budget pour 2001, on a au contraire restreint le nombre de contrats emploi-solidarité et leur financement, alors qu'ils étaient justement destinés aux RMIstes.
En ce qui concerne le PARE, il s'agit de donner un fondement législatif aux résultats d'une grande négociation sociale qui a duré près de deux ans, dans un climat difficile en raison de l'affrontement entre partenaires sociaux et Gouvernement.
La validation demandée au Parlement s'accompagne d'une obligation faite à l'UNEDIC d'améliorer certaines prises en charge. Tout cela va bien sûr dans le bons sens, celui d'une mobilisation très active contre le chômage.
C'est dire que mes collègues du groupe de l'Union centriste et moi-même approuvons pleinement cette démarche.
En revanche, il n'en va pas de même pour le second grand volet de ce projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social.
En effet, dans son titre II, qui traite du fonds de réserve des retraites par répartition ou plutôt de son organisation, le Gouvernement se livre à une véritable falsification, à laquelle nous ne pouvons bien sûr souscrire, en ce qui concerne l'avenir des retraites, ainsi que celui des retraités et des futurs retraités.
Ainsi, le Gouvernement a volontairement noyé dans un DDOS deux dispositions, l'une faisant l'unanimité, l'autre non. Il nous semble que ces deux sujets sont abusivement présentés dans le même texte fourre-tout.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Francis Grignon. S'agissant du fonds de réserve, il fut créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 et est censé pallier les difficultés du régime par répartition, le Gouvernement prévoyant de l'alimenter à hauteur de 1 000 milliards de francs d'ici à 2020. Cette somme doit permettre, selon le scénario du Gouvernement, de couvrir la moitié des déficits des régimes de retraite entre 2020 et 2040.
Or le Sénat, dans ses observations sur le fonds de réserve pour les retraites à l'intention du conseil d'orientation des retraites, vient de faire la preuve que le tiers des recettes manquera pour avoir été d'ores et déjà détourné.
En effet, parce que le Gouvernement a utilisé le fonds de solidarité vieillesse pour financer les 35 heures, c'est, avec le transfert des droits sur les alcools et d'une partie des recettes de la CSG, une grande partie de la capitalisation prévue qui fera défaut, d'autant que les recettes produiront également des intérêts cumulés.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est tout à fait exact !
M. Francis Grignon. A cela, il faut ajouter les détournements effectués pour financer l'allocation personnalisée à l'autonomie, pour payer les dettes de l'Etat aux régimes complémentaires de retraite et pour pallier l'insuffisance des recettes liées à l'attribution des licences UMTS.
Au total, selon les calculs de notre excellent rapporteur Alain Vasselle, on en arrive à un déficit cumulé de près de 375 milliards de francs. Nous sommes donc très loin du compte !
Mais quand bien même le compte y serait, monsieur le secrétaire d'Etat, vous savez qu'il faudra probablement « éponger » quelques déficits d'ici à 2020. En effet, vous n'en faites pas état, mais personne n'ignore que, à partir de 2007, les régimes obligatoires seront déficitaires. Même si vous disposiez des 1 000 milliards de francs que vous avez évoqués, il vous faudrait combler des déficits qui atteindront dans les années 2020, en l'absence de réforme, au moins 200 milliards de francs par an.
Le rapport du Sénat le démontre : il manque d'ores et déjà près d'un tiers des recettes que vous avez annoncées. Dans ces conditions, à l'échéance de 2020, au moins un tiers de ces fameux 1 000 milliards de francs feront défaut.
Le fonds de réserve pour les retraites n'est en fait qu'une coquille vide, puisqu'il est ponctionné régulièrement pour assurer le financement des mesures gouvernementales et que ses ressources ont fondu comme neige au soleil. L'action du Gouvernement en matière de retraites est inexistante et constituera, sans aucun doute, l'un des points noirs de son bilan.
M. Claude Domeizel. N'exagérez pas !
M. Francis Grignon. Ce fonds apparaît donc comme une nouvelle chimère créée par le Gouvernement en vue de faire croire à l'opinion publique qu'il agit dans ce domaine.
Les membres du groupe de l'Union centriste ne peuvent cautionner l'irresponsabilité du Gouvernement en la matière et adopteront les amendements déposés par notre excellent rapporteur Alain Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, qui propose que le fonds de réserve pour les retraites, destiné, dans la logique même du Gouvernement, à garantir l'avenir des retraites à compter de 2020, soit doté, afin d'assurer son indépendance et sa transparence, d'un statut d'établissement spécial placé sous la surveillance et la garantie du Parlement, et non d'un statut de simple établissement public sous tutelle ministérielle. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons de nouveau ce soir un texte fourre-tout qui, à nos yeux, manque pour le moins d'unité.
Certes, nous comprenons fort bien que déposer ce genre de texte soit parfois nécessaire, car les évolutions constantes imposent des ajustements fréquents, mais le Gouvernement a une fâcheuse tendance à les multiplier ces temps-ci. En outre, il les fait discuter en urgence et ajoute à la dernière minute des amendements importants qui mériteraient une étude plus approfondie : je pense notamment aux douze articles relatifs aux sociétés coopératives d'intérêt collectif.
Tout cela n'est guère respectueux des droits du Parlement. On a un peu l'impression que le Gouvernement ne croit guère aux vertus de la discussion parlementaire pour mettre au jour les enjeux et éclairer les choix. Selon nous, c'est une regrettable erreur, car on ne fait rien de bon, en matière législative, dans la précipitation : une loi est destinée à s'appliquer longtemps et, de par son caractère général, elle régit une infinité de situations ; la prudence et la réflexion sont donc essentielles en la matière.
Je n'aborderai ce soir que trois points : la validation de la convention d'assurance chômage, le fonds de réserve des retraites et l'expérimentation menée par l'Institut d'études politiques de Paris. Ces points sont tous trois révélateurs de plusieurs échecs de l'action gouvernementale.
Tout d'abord, la validation de la convention d'assurance chômage marque les limites de la politique d'uniformisation étatique du Gouvernement.
Ensuite, avec le fonds de réserve des retraites, il signe sa capitulation devant la réforme de nos régimes de retraite par répartition.
Enfin, l'expérimentation de « Sciences-Po » met cruellement en exergue son immobilisme en matière d'enseignement : il a poursuivi la massification de l'enseignement supérieur, mais en oubliant de défendre l'égalité des chances. Obnubilé par le quantitatif - le slogan « amener 80 % des jeunes au bac » en témoigne de façon éloquente - il a omis le qualitatif, en négligeant de donner aux élèves brillants mais handicapés par un environnement social défavorisé les moyens d'accéder aux établissements supérieurs qu'ils méritent de fréquenter.
Je vais maintenant revenir plus en détail sur chacun des trois points que j'ai évoqués.
La nouvelle convention d'assurance chômage témoigne de la créativité des partenaires sociaux. Elle marque le premier acte de la refondation sociale voulue par plusieurs syndicats et que nous tenons à saluer.
Après les récriminations tout à fait outrancières de Mme Aubry, le Gouvernement s'est finalement rallié - de guerre lasse, dirait-on - à ce dispositif innovant qui permettra à tout chômeur de bénéficier d'une aide personnalisée au retour à l'emploi.
Nous nous étonnons toutefois des restrictions drastiques que le Gouvernement a introduites dans cette retranscription législative de la convention.
En effet, il encadre les conditions d'attribution des différentes aides bien plus strictement que ne l'ont prévu les partenaires sociaux dans la convention.
Je ne prendrai que deux exemples à cet égard.
S'agissant tout d'abord de l'aide à la mobilité géographique, une embauche en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée d'au moins douze mois conditionne son attribution, ce que ne prévoyait pas la convention.
Par ailleurs, le bénéfice de l'aide est ouvert aux demandeurs d'emploi acceptant un emploi « dans une localité éloignée de leur résidence habituelle » et non plus, comme le stipulait la convention, « dans un autre bassin d'emploi que celui dans lequel ils étaient précédemment occupés ».
Ces restrictions témoignent, une fois de plus, de la méfiance du Gouvernement à l'égard des partenaires sociaux. D'ailleurs, la lecture de la presse d'aujourd'hui ne nous apprend-elle pas que, à l'Assemblée nationale, un député socialiste s'apprête à déposer un texte qui se veut « la vraie solution pour une refondation sociale » ? A quoi rime ce « ballet », monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. De quel journal s'agit-il ?
M. François Trucy. Du Figaro ! L'article en question se trouve à la page 6.
Venons-en maintenant au fonds de réserve pour les retraites.
Ce fonds, je le rappelle, constitue un expédient dilatoire qui a signé le recul de M. Jospin devant la réforme des retraites. En matière de concours hippiques, on appellerait cela un « refus d'obstacle » !
Le Premier ministre croit lui-même si peu aux vertus de ce leurre qu'il a procédé à un vaste détournement des sommes qui devaient lui être affectées. (Protestations sur les travées socialistes.) C'est un point que notre collègue Alain Vasselle a longuement exposé à plusieurs reprises.
Depuis un an, le Gouvernement s'emploie à assécher ce qui représente la première ressource du fonds de réserve, à savoir les excédents du fonds de solidarité vieillesse, qu'il ponctionne pour financer les 35 heures et l'allocation personnalisée d'autonomie. Cela a souvent été souligné dans cette enceinte, mais comment ne pas le dire et le redire !
D'ici à 2020, 540 milliards de francs seront ainsi prélevés sur le FSV. Un dispositif du Gouvernement vient donc en réalité en « cannibaliser » un autre. On ne risque guère d'atteindre les fameux 1 000 milliards de francs annoncés comme nécessaires par le Premier ministre le 21 mars 2000,...
M. Claude Domeizel. Non, ce sera 1 280 milliards de francs !
M. François Trucy. ... somme qui serait déjà insuffisante, nous le savons tous, pour sécuriser l'avenir des régimes de retraite par répartition.
Le conseil d'orientation des retraites a fait connaître, le 17 mai dernier, de nouvelles projections qui confirment le constat établi par le rapport Charpin. Le seul déficit cumulé de la caisse nationale d'assurance vieillesse de 2007 à 2020 représentera de 600 milliards à 920 milliards de francs. Les 1 000 milliards de francs prévus en 2020, s'ils sont réunis, serviront donc à « éponger » les déficits cumulés de 2007 à 2020. Le problème du financement des retraites entre 2020 et 2040 restera alors entier.
Je ne reviendrai pas sur les défauts et sur les lacunes qui caractérisent le dispositif du projet de loi. Les rapporteurs de la commission des affaires sociales l'ont fait avec brio et nous proposeront des amendements qui permettront de remédier aux déficiences constatées.
J'évoquerai pour conclure l'ouverture de « Sciences Po » aux étudiants issus des zones d'éducation prioritaire.
Le groupe des Républicains et Indépendants est tout à fait favorable à l'expérimentation en tant que telle, d'autant qu'il s'agit de remédier aux hésitations d'un Etat qui, c'est bien clair, ne sait plus trop quoi faire ni dans quelle direction se diriger en matière d'enseignement supérieur.
L'initiative de Siences Po en direction des zones d'éducation prioritaire est donc bienvenu, surtout s'agissant d'un établissement dont l'histoire ne nous a pas toujours habitués à de tels gestes.
Il ne faut cependant pas demander à cette expérimentation plus que ce qu'elle peut donner.
Elle n'a pas vocation à devenir la politique de l'Etat en matière d'amélioration de l'égalité des chances et de lutte contre les inégalités dans l'enseignement secondaire et elle ne doit pas servir d'alibi pour ne rien faire d'autre. C'est évident, mais je me permets de le dire puisque, en matière de retraites, le Gouvernement, usant du même procédé, a enterré la réforme en agitant le dérivatif du fonds de réserve.
Quant à la position de la commission des affaires culturelles, j'en comprends les linéaments, mais je m'interroge sur ses effets. Car si nous validons l'élargissement de la faculté d'expérimenter à l'ensemble des établissements supérieurs, ne faut-il pas alors craindre que lesdits établissements mettent en place des procédures similaires, que la commission critique à plusieurs égards ?
Le débat sur l'article 12 nous permettra, nous le pensons, d'éclaircir ce point.
Le groupe des Républicains et Indépendants, qui se félicite de la qualité des travaux menés par nos sept rapporteurs, votera le texte tel qu'il ressortira de la délibération de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen de ce projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, intervient dans une période où l'agenda social du Parlement est plutôt chargé. Nous débattrons, probablement dans les prochaines semaines, en seconde lecture, du projet de loi de modernisation sociale ...
M. Alain Gournac. Pas tout de suite !
M. Roland Muzeau. ... que les députés ont examiné et dont le vote final a fort heureusement été repoussé pour, je le souhaite, parvenir à une meilleure protection des salariés face aux licenciements économiques.
Je veux aborder ce débat avec un souci d'objectivité et de sérénité, car les mesures contenues dans le projet de loi ne seront pas sans conséquences sur la vie quotidienne de beaucoup de nos concitoyens, et souhaite obtenir le plus d'éclaircissements possible sur des points qui me paraisent flous, quand ils ne sont pas contradictoires.
Je n'aborderai pas dans la discussion générale les titres IV et V, consacrés à l'éducation populaire et à la jeunesse ainsi qu'à l'éducation et à la communication. Mon groupe interviendra sur ces sujets importants à l'occasion de l'examen des articles.
Je souhaite centrer mon propos sur les trois premiers titres du projet de loi, et donc sur la ratification du code de la mutualité, sur le fonds de réserve pour les retraites et, vous n'en serez pas surpris, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le titre Ier concernant l'indemnisation du chômage et les mesures d'aide au retour à l'emploi.
Autant aborder tout de suite ce qui provoque le plus de débats et de réactions parfois passionnées : le PARE.
Tout le monde a ici en mémoire le feuilleton, pimenté de multiples rebondissements, qui a précédé l'agrément par le Gouvernement de la convention relative à l'aide au retour à l'emploi et à l'indemnisation du chômage.
Cette convention, qui résulte d'un accord entre certains syndicats minoritaires et le MEDEF, est la dernière évolution d'un projet de refondation sociale porté par le syndicat patronal et soutenu essentiellement par la CFDT.
Si le Gouvernement a cru bon de donner son agrément à cette dernière mouture, c'est qu'elle est sans conteste moins mauvaise que les précédentes, pour les chômeurs s'entend. La CGT et FO, syndicats majoritaires, ont refusé, vous ne l'ignorez pas, de signer cette convention.
On peut, à l'occasion, légitimement s'interroger sur l'état de déliquescence qui affecte aujourd'hui la négociation entre les partenaires sociaux dans notre pays et sur les améliorations à apporter à un système qui avalise la conclusion d'accords entre le patronat et des syndicats ne représentant pas une majorité de salariés. Mais c'est un autre débat, qu'il faudra bien mener sans tarder, car il y va de la crédibilité du dialogue social que beaucoup souhaitent.
Pour en revenir au PARE, il n'est pas dans mon intention de le rejeter sans aucun recul et pour des raisons idéologiques.
Je vous accorde, monsieur le secrétaire d'Etat, que la dernière nouvelle version introduit quelques mesures correctives - je veux parler de la non-dégressivité des allocations chômage et de la meilleure prise en compte de la situation des salariés en fin de contrat précaire, puisque l'indemnisation interviendra dès lors que les demandeurs d'emploi auront travaillé quatre mois au cours des dix-huit derniers mois, au lieu des huit derniers mois actuellement - mais elle soulève aussi beaucoup d'interrogations.
Ces interrogations portent sur des problèmes concrets de mise en application du PARE, mais renvoient aussi à des considérations d'ordre beaucoup plus général.
Sur la mise en oeuvre du PARE, tout d'abord, je souhaite qu'un point fondamental soit éclairci, car il provoque de nombreuses polémiques. Il s'agit de savoir si, oui ou non, la signature du PARE conditionne l'ouverture des droits à indemnisation pour les travailleurs privés d'emploi. En résumé, le PARE est-il obligatoire pour percevoir les allocations, et à un niveau identique ?
Dans son intervention à l'Assemblée nationale, le 9 mai dernier, Mme la ministre déclarait : « Le PARE, conçu dans les précédents projets comme un contrat d'adhésion, était une condition du droit à l'indemnisation. Sa signature est devenue une formalité sans conséquence sur le versement des allocations. Le PARE ne conditionne plus le versement de ces allocations chômage. »
Or, lorsque l'on examine le texte de la convention, il est écrit dans le b du premier paragraphe de l'article 1er que « dans ce dispositif, indemnisation et aide au retour à l'emploi sont liés, chaque salarié privé d'emploi étant, à cet égard, engagé dans un plan d'aide au retour à l'emploi ». Je cite là le texte de la convention du 19 octobre 2000.
Par ailleurs, le paragraphe 3 de l'article 1er du règlement annexé à la nouvelle convention prévoit que le versement des allocations et l'accès aux services facilitant le retour à l'emploi sont consécutifs à la signature du plan d'aide au retour à l'emploi.
Cette contradiction, ce manque de clarté, risquent vraiment, à mon sens, d'engendrer un contentieux lié aux différences d'appréciation qui pourraient en résulter.
L'issue de ces contentieux sera forcément liée à l'état du rapport de force dans le monde du travail. Je ne pense pas, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce point troublant, mis en lumière par plusieurs syndicats soit de nature à rassurer les salariés et les chômeurs, et je souhaiterais que le Gouvernement lève définitivement cette ambiguïté.
Il est en effet mis en avant, dans l'exposé des motifs du projet de loi, que la nouvelle convention nécessite une habilitation législative pour autoriser l'UNEDIC à financer des dispositifs qui ne s'inscrivent pas directement dans le champ de l'indemnisation des demandeurs d'emploi.
A la lecture de la convention, on est en droit de se demander si, par le biais de ce projet de loi, le Gouvernement ne sollicite pas le Parlement pour faire valider par le législateur le « PARE obligatoire » avec ses conditions nouvelles, et non plus seulement ses contreparties financières.
En outre, j'ai bien noté que le PARE prenait en compte la qualification professionnelle des demandeurs d'emploi. Il n'est en effet pas prévu de durcissement du système actuel de sanction, qui aurait pu contraindre les chômeurs - comme contrepartie à la non-dégressivité de leurs allocations - à accepter des emplois ne correspondant pas à leur qualification.
C'est ce que prévoit l'article 16 du règlement annexé, aux termes duquel les emplois offerts doivent être compatibles avec la spécialité ou la formation antérieure des demandeurs d'emploi, ainsi qu'avec leurs possibilités de mobilité géographique, compte tenu de leur situation personnelle et familiale.
Le texte prévoit, en outre, que ces emplois doivent être rémunérés à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région. Soit !
Mais, lorsque l'on poursuit la lecture de ce règlement annexé, notamment de son article 17, on découvre aussi que, dans le cas où le demandeur d'emploi n'a pas retrouvé un travail dans les six mois suivant la signature du PARE, l'ANPE procède à une actualisation du projet d'action personnalisé.
Dans ce cas, les caractéristiques des emplois offerts sont toujours conformes aux qualifications des chômeurs, mais il est aussi mentionné que le demandeur d'emploi doit répondre à ces propositions d'embauche conformément au projet d'action personnalisé ainsi qu'à toute action de formation, de reconversion, de qualification préconisée lors de l'actualisation du projet d'action personnalisé.
Je pense, monsieur le secrétaire d'Etat, que ce point peut être lourd de conséquences dans de nombreux cas. Vous n'ignorez pas que, bien souvent, des demandeurs d'emploi qui détiennent un savoir-faire, une qualification souvent élevés et qui n'arrivent pas à retrouver du travail dans leur spécialité ou dans leur région se retrouvent dans des formations qui, sous prétexte de les qualifier, ne parviennent, en fait, qu'à les déqualifier par rapport à leur formation antérieure, et, au bout du compte, à les disqualifier sur le marché du travail.
Ces personnes, lorsqu'elles retrouvent un emploi - ce qui est loin d'être toujours le cas, même après plusieurs modules de formation - deviennent souvent des travailleurs pauvres qui défigurent la vie sociale.
Vous savez très bien, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une pression s'exercera toujours sur un demandeur d'emploi pour l'inciter à accepter une formation ou un emploi ne répondant pas à son niveau de compétence, surtout en période de chômage massif.
Il ne faut quand même pas oublier que le taux de chômage s'élève encore à près de 9 % de la population active dans notre pays et que, même si la politique de la gauche plurielle a permis de créer un million et demi d'emplois, la bataille pour le plein emploi est encore loin d'être gagnée. Par ailleurs, des bassins d'emploi importants frappés par des désindustrialisations massives comptent des taux de chômage de 15 % à 20 %, voire plus.
Qu'adviendra-t-il de toutes les mesures contenues dans le PARE si la conjoncture actuelle, plus favorable à l'emploi que celles de ces dernières années, se retourne ?
Avec la baisse, consentie au patronat, des cotisations à l'assurance chômage, l'équilibre financier de l'UNEDIC, pour ne parler que de cet élément, serait, à notre sens, gravement compromis.
Cela m'amène, monsieur le secrétaire d'Etat, à confirmer plusieurs réserves de fond sur le PARE.
En premier lieu, il est difficile d'admettre que, les comptes de l'UNEDIC étant excédentaires grâce à la reprise de l'emploi, la mesure que vous préconisez consiste à réduire le taux de cotisation à l'assurance chômage, et non à améliorer l'indemnisation des chômeurs.
Je rappelle que 60 % des chômeurs ne perçoivent aucune allocation de l'assurance chômage et sont donc tributaires de la solidarité nationale ; quant à ceux qui sont indemnisés, le montant de leur allocation est en moyenne inférieur à 4 700 francs par mois, ce qui n'est pas beaucoup !
Je rappelle aussi que, dans le même temps, la part des salaires dans la valeur ajoutée ne cesse de régresser, pour le plus grand profit des détenteurs de capitaux.
Quand le capital veut se rémunérer toujours plus, il fait peser une énorme pression sur les revenus du travail. L'actualité sociale est, à cet égard, très expressive.
De plus, le PARE présente, à mes yeux, un danger relativement important, en ce qu'il substitue à une indemnisation pour laquelle une cotisation obligatoire a été versée pour couvrir le préjudice causé par la perte de l'emploi, une allocation d'aide au retour à l'emploi qui, elle, est soumise à conditions.
En fait, le PARE supprime un droit collectif au profit d'un contrat individuel liant le salarié privé d'emploi à l'ASSEDIC et à l'ANPE.
On se situe là pleinement dans le projet de refondation sociale cher au MEDEF, dont l'ambition est de supprimer toute référence à un cadre légal général dans la relation de travail au profit d'une négociation au niveau le plus bas. C'est une façon de voir les choses ; c'est celle de M. Souvet, rapporteur, qui s'est enthousiasmé sur cet aspect du projet de loi ; ce n'est en tout cas pas la nôtre.
Je terminerai sur le chapitre du PARE en vous disant, mes chers collègues, que ces dispositions reflètent bien l'évolution de notre société, ainsi que celle des mentalités.
L'idée insupportable qui se profile derrière le PARE, c'est que, finalement, les chômeurs ne se mobiliseraient pas tellement pour retrouver un emploi et qu'il faut donc les contraindre, même en y mettant les formes, à accepter un traval coûte que coûte.
Il est facile d'essayer de culpabiliser les chômeurs - confortable, aussi - car cela permet d'évacuer ses propres responsabilités dans la dégradation de la situation sociale que nous avons vécue ces trente dernières années.
Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que, sur cette partie du texte, vous ne puissiez recueillir notre assentiment.
La suite du projet de loi, notamment le titre II, consacré au fonds de réserve pour les retraites, m'amène aussi à formuler quelques critiques fondamentales.
Cet article 6 a pour objet de déterminer la forme juridique, la gestion administrative et financière et la nature des ressources alimentant le fonds de réserve pour les retraites.
L'objectif est d'accumuler 1 000 milliards de francs à l'horizon de 2020 pour faire face à l'augmentation du nombre des retraités liée à la sortie de la vie active des générations nées lors du baby boom et, donc, pouvoir lisser les taux des cotisations après 2020.
Tout d'abord, je tiens à réaffirmer ici les réticences que les parlementaires communistes avaient manifestées lors de la création de ce fonds, à l'occasion de la discussion de la loi de financement pour la sécurité sociale pour 1999.
Seul l'engagement du Gouvernement d'abroger la loi Thomas instituant les fonds de pension nous avait permis de faire évoluer notre position sur le sujet.
Un problème demeure cependant, et non des moindres, puisqu'il touche à la pérennité des ressources alimentant le fonds.
On peut légitimement s'interroger sur l'opportunité de financer ce fonds par le biais de prélèvements sur l'assurance vieillesse, alors qu'il conviendrait de revaloriser certaines pensions.
Ensuite, la vente des licences UMTS ne rapportera sans doute pas la somme escomptée au départ dont, qui plus est, on ignore quand elle sera versée.
Ces recettes apparaissent aujourd'hui bien fragiles, tout comme d'ailleurs la contribution de 8,2 % sur l'abondement patronal des plans partenariaux d'épargne salariale volontaire, les fameux PPESV.
Cette contribution, qui touche les abondements des entreprises au-delà de 15 000 francs par an et par salarié, risque d'être assez ténue quand on sait que l'abondement moyen pourrait plafonner à 7 000 francs par an et par salarié.
Cela m'amène à plaider en faveur d'une véritable réforme de l'assiette des cotisations vieillesse permettant, en tenant compte des richesses produites et non plus seulement du volume des salaires, qui a une fâcheuse tendance à diminuer par rapport au PIB depuis quelques années déjà, de financer des retraites dignes de ce nom en ce début de troisième millénaire.
Nous y reviendrons à l'occasion de la discussion d'un de nos amendements, mais on ne pourra pas toujours évacuer le débat sur la nécessaire prise en compte de la valeur ajoutée dans le calcul des cotisations, ni continuer à dire aux Français qu'il faut diminuer le coût du travail et donc qu'ils se contentent de retraites plus faibles ou acceptent de travailler plus longtemps, alors que le PIB augmente régulièrement et que les profits des entreprises explosent.
Mais, d'une façon plus générale, on peut s'interroger sur l'utilité même de ce fonds de réserve pour les retraites qui n'est, en fait, qu'un fonds de capitalisation.
Je crains fort que, par cet artifice comptable, on ne cherche délibérément et idéologiquement à cacher le fait que, dans vingt ou quarante ans, comme aujourd'hui, les actifs et les retraités se partageront les richesses produites, la valeur ajoutée créée à ce moment-là, et non une hypothétique cagnotte à laquelle on se serait refusé à toucher pendant des décennies, ce qui n'a aucun sens à l'échelle d'un pays.
Je vous renvoie, à cet égard, à l'article de M. Henri Guaino, peu susceptible de passion à notre égard, ancien commissaire au Plan, article paru dans le journal Les Echos , le 15 mai dernier, et intitulé : « Retraite : l'illusion comptable » :
« Qu'on le veuille ou non, écrit Henri Guaino, le fonds de réserve n'apporte aucune solution au problème des retraites parce qu'il ne crée pas de valeur. Demain comme aujourd'hui, les actifs et les retraités se partageront la valeur ajoutée. »
Et, plus loin : « Il faut dire que, si la notion de réserve peut avoir un sens à l'échelle microéconomique, elle ne peut en aucun cas avoir un sens à l'échelle macroéconomique.
« La réserve des retraites n'est dans aucun fonds de capitalisation, ni dans aucun coffre, mais dans le potentiel de création de richesse à long terme du pays. »
Je vous renvoie également à un article de Jean-Paul Fitoussi, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, paru dans Le Monde au mois de mars dernier.
Voici ce que M. Fitoussi déclare à propos de la retraite par capitalisation : « J'entends souvent dire que la création d'un régime par capitalisation permettrait à la fois d'enrichir les actifs, dont l'épargne, et donc le patrimoine, croîtrait, et de soulager les générations futures dont les cotisations n'auront pas à augmenter. Un vrai miracle, en ce sens que toute la chaîne des générations en profiterait.
« Examinons ce tour de force de plus près. Les actifs devront contribuer à des fonds de pension, ce qui est équivalent à une augmentation des cotisations et donc à une baisse du revenu disponible. Certes, en contrepartie, ils acquièrent des droits à pension, c'est-à-dire une part sur la production des générations à venir. Mais, alors, ces dernières subiront, comme dans un régime par répartition, un prélèvement sur la production réalisée grâce à leur travail. C'est ce travail, et lui seul, qui permettra de rémunérer l'épargne des individus qui auront cessé toute activité de production. »
Vous comprendrez donc que nous soyons très réservés sur ce titre II, monsieur le secrétaire d'Etat.
Mais il n'en sera pas de même sur le titre III concernant la ratification du code de la mutualité.
Cette partie du texte a pour objet de ratifier l'ordonnance du 19 avril 2001 relative au code de la mutualité et transposant les directives 92/49/CEE et 92/96/CEE du Conseil des 18 juin et 10 novembre 1992.
Nous avions déjà exprimé, à l'automne dernier, notre forte réticence à l'encontre de la procédure par ordonnances, qui prive le Parlement de ses prérogatives et l'empêche de jouer pleinement son rôle. Nous n'avons pas changé d'avis et considérons toujours que le débat légitime avec la représentation nationale n'a pas vraiment eu lieu.
Mais nous sommes conscients du fait que le mouvement mutualiste s'inquiète pour son avenir et souhaite que son statut soit rapidement conforme aux exigences européennes.
Les principales fédérations mutualistes, pour se mettre à l'abri des décisions européennes, souhaitent que le code de la mutualité s'inscrive dans le cadre juridique européen.
Il est notable que les discussions qui ont eu lieu l'an dernier entre le Gouvernement et les fédérations mutualistes ont permis de faire évoluer ce dossier de façon positive et de parvenir à une refonte du code de la mutualité qui préserve la spécificité du mouvement mutualiste.
Cette concertation a permis de satisfaire certaines revendications, telles l'élaboration d'un statut de l'élu mutualiste et l'intégration de la protection sociale dans un cadre éthnique.
Nous savons que cette ratification du code de la mutualité est attendue par la majeure partie du mouvement mutualiste.
Une large concertation a eu lieu et, même si nous avons conscience que certaines mutuelles ne sont pas vraiment satisfaites, nous soutiendrons l'opinion de la majorité du mouvement mutualiste et nous approuverons cet article 7.
En ce qui concerne notre vote sur l'ensemble du projet de loi, nous nous déterminerons en fonction des débats. Mais la seule présence du titre Ier ne pourra pas nous conduire à un vote positif.
En tout état de cause, sachez, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous prendrons une part active à ce débat, que nous abordons avec sérénité et dans esprit constructif. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention portera sur les aspects sociaux de ce projet de loi multiforme.
Voilà qui fournit matière à une large intervention, puisque nous sont présentés à la fois le plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE, le fonds de réserve pour les retraites, la réforme du code de la mutualité, - il ne s'agit pas là de minces réformes - et le nouvel article 21 du projet de loi portant création du statut de la société coopérative d'intérêt collectif, la SCIC.
La nouvelle convention d'assurance chômage créant le PARE a été l'objet de longues négociations entre les partenaires sociaux avant d'aboutir à son agrément par le Gouvernement. Il s'agit donc d'un texte issu d'un véritable dialogue, d'un texte abouti et, pour reprendre l'expression du rapporteur, très novateur.
Depuis vingt ans en effet, l'UNEDIC a entrepris une politique dite « d'activation des dépenses », au travers des conventions de conversion, de l'allocation de formation reclassement, des conventions de coopération et de l'ARPE. Mais ces dispositifs ne s'adressaient qu'aux chômeurs indemnisés par l'assurance chômage, soit 42 % du nombre total. Et, parmi ceux-ci, seuls 20 % par an bénéficiaient jusqu'à présent de ces mesures, soit environ 350 000 demandeurs d'emploi.
A l'évidence, la sélectivité était beaucoup trop forte.
On comprend donc la volonté des partenaires sociaux de mettre en place une politique plus ambitieuse d'aide au retour à l'emploi.
L'action du Gouvernement dans ce processus a été déterminante : c'est grâce à son intervention que cette nouvelle politique d'activation, initialement réservée aux seuls chômeurs indemnisés, a été étendue aux chômeurs dépendant du système de solidarité.
Le service public de l'ANPE reste ainsi le maître d'oeuvre de la politique d'aide au retour à l'emploi. Le régime du contrôle et de la recherche d'emploi n'est pas modifié et reste du ressort exclusif des services de l'Etat.
Il est primordial de rappeler que le principe d'un égal accès des chômeurs aux mesures pour l'emploi n'était pas, dans les faits, un acquis jusqu'à présent. Il le devient enfin avec ce texte.
Tous les demandeurs d'emploi qui viendront s'inscrire à l'ANPE auront donc la faculté, dans le cadre de leur demande d'indemnisation, d'adhérer au PARE.
Il ne faut pas oublier que les chômeurs ne disposent pas tous des mêmes ressources personnelles - éducatives, sociales et financières - pour organiser leur recherche d'emploi et leur réinsertion professionnelle. Jusqu'à présent, on a pu noter que les dispositifs existants ne sont pas tous également utilisés par les chômeurs.
Pour les chômeurs les plus éloignés de l'emploi, souvent dubitatifs sur leurs propres compétences et terriblement découragés, la probabilité de demander spontanément à bénéficier des dispositifs dont ils devraient justement être les premiers bénéficiaires est très faible. C'est pourquoi la généralisation d'un dispositif de soutien à l'emploi est une mesure qui va dans le sens d'une plus grande égalité.
A cet égard, les principes sur lesquels repose le PARE sont difficilement contestables. Il s'agit, dans le cadre des dispositifs d'aide à l'emploi, de substituer à une logique de prescription de mesures à dominante administrative, une autre logique, celle de services reposant sur un accompagnement personnalisé des chômeurs.
Nous sommes ici dans la continuation et la généralisation du programme « nouveaux départs-nouveaux emplois », jusqu'alors réservé aux personnes les plus en difficulté.
Il est vrai que le retournement progressif de la conjoncture et du marché du travail va sans doute nécessiter, à l'égard des chômeurs, un traitement plus attentif et personnalisé.
Le demandeur d'emploi se verra engagé dans un parcours d'insertion dont les étapes seront définies en fonction de son profil socioprofessionnel. Contrairement à une idée trop vite répandue, ce parcours ne sera pas le résultat du PARE, mais du projet d'action personnalisé, le PAP.
Ainsi, seront définis les types d'emplois correspondant aux qualifications et aux souhaits du demandeur d'emploi et les informations éventuellement nécessaires pour y accéder. Un suivi sérieux est prévu, avec la possibilité d'un bilan de compétences approfondi après six mois sans reclassement.
L'étape suivante sera le déclenchement du mécanisme d'aide dégressive aux employeurs embauchant un salarié privé d'emploi depuis plus de douze mois.
Bien évidemment, ce mécanisme appelle le renforcement des moyens du service public de l'emploi et des aides au retour à l'emploi.
S'agissant de l'ANPE, le Gouvernement s'est déjà engagé à créer mille emplois nouveaux, pour atteindre 4 000 créations dans les trois prochaines années, et ce dans le cadre du contrat de progrès entre l'ANPE et l'Etat.
Parallèlement, et c'est l'objet de l'intervention du Parlement, l'UNEDIC s'engage dans la voie de la participation financière, non plus strictement pour l'indemnisation, mais aussi pour la réinsertion professionnelle des chômeurs. La convention consacre 45 milliards de francs supplémentaires sur trois ans aux demandeurs d'emploi. Il convient d'y ajouter la baisse des cotisations, ramenée à 28,4 milliards de francs dans la convention agréée, les baisses envisagées pour 2002 n'intervenant d'ailleurs que sous condition d'équilibre.
Le projet de loi instaure en conséquence l'aide à la mobilité des demandeurs d'emploi, aspect capital, nous l'avons tous constaté, tant il est vrai que de nombreux travailleurs français éprouvent des difficultés matérielles et psychologiques à bouger.
Une aide à la formation et le financement des évaluations de compétences et des actions d'accompagnement ou de reclassement au profit des demandeurs d'emploi sont également institués.
L'allocation de fin de formation doit permettre aux chômeurs en formation de bénéficier de leurs droits à indemnisation jusqu'à la fin de leur formation, ce qui mettra fin à un système aberrant.
Enfin, l'accès au contrat de qualification adulte, avec prise en charge de la formation, sera pérennisé et aménagé.
Mais, il faut bien le dire, le premier point, immédiat et crucial pour les demandeurs d'emploi indemnisés par l'UNEDIC, c'est la fin de l'allocation unique dégressive, la fin de la dégressivité, qui sonnait, pour beaucoup, comme un sinistre compte à rebours vers le chômage de longue durée et le RMI.
La mise en place de l'allocation de retour à l'emploi constitue donc un retour au régime précédent, ce que nous ne pouvons qu'applaudir.
Je n'aurai garde d'oublier la meilleure indemnisation des salariés victimes de la précarité, avec la modification de la période prise en compte pour ouvrir droit à indemnisation : quatre mois de travail au cours des dix-huit derniers mois, au lieu des huit derniers mois auparavant, ce qui permettra - faut-il le souligner ? - d'indemniser 100 000 personnes supplémentaires.
Il importe à la fois de saluer cette disposition et, nous semble-t-il, de s'en inquiéter.
La nécessité de prendre cette mesure indique en effet que, si les statistiques de l'emploi sont excellentes, avec plus de 500 000 emplois créés en un an, dont 124 000 au premier trimestre de l'année 2001, nous devons nous interroger sur la qualité de ces emplois.
Nous comptons un million de chômeurs de moins qu'en 1997, c'est vrai, grâce au retour de la croissance et à la politique volontariste du Gouvernement. Mais de nombreuses créations de postes se sont faites à des salaires qui se situent au bas de l'échelle.
La quasi-totalité des emplois créés dans le secteurr marchand sont rétribués à un salaire inférieur à 1,3 SMIC, soit 7 400 francs nets par mois. Et la précarité, qu'il s'agisse de l'intérim ou des CDD, n'a pas diminué, même si la loi sur la réduction du temps de travail a permis de pérenniser de nombreux d'emplois à durée déterminée.
Les questions liées à la résorption de la précarité et à la distribution sous forme de salaires d'une part convenable des plus-values réalisées constituent incontestablement le prochain défi que nous devons relever pour maintenir une réelle cohésion sociale.
Cette remarque m'amène à parler de la création du fonds de réserve pour les retraites, qui est la deuxième grande mesure sociale de ce projet de loi.
M. Alain Gournac. Ah !
M. Claude Domeizel. Je ne peux que me réjouir que ce projet de loi reprenne une proposition que j'avais, au nom du groupe socialiste, formulée lors du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale en novembre 2000.
Permettez-moi de saluer à nouveau la détermination du Gouvernement pour faire avancer le délicat dossier des retraites. (Exclamations sur les travées du RPR.)
Je citerai, en premier lieu, la création du conseil d'orientation des retraites, instance appelée à jouer un rôle déterminant dans l'immédiat, mais aussi jusque dans les années 2020-2040. Lieu de débats entre les divers partenaires, le conseil d'orientation des retraites, j'en suis persuadé, saura, comme son nom l'indique, donner les orientations acceptées dans la concertation.
Après la période nécessaire à la mise en place et aux premiers échanges, après un premier contact avec l'extérieur grâce à un colloque organisé à son initiative, tout laisse à penser que le conseil d'orientation des retraites sera prêt à formuler ses premières propositions dans les prochains mois.
M. Louis de Broissia. Pour 2002 !
M. Claude Domeizel. La création du fonds de réserve constitue la deuxième mesure concrète prise par le Gouvernement que je me plais à souligner.
On peut certes aborder sur un ton polémique les questions de son financement et des 1 000 milliards de francs à atteindre en 2020,...
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est tout de même essentiel !
M. Claude Domeizel. ... qui, selon certains calculs, sont de 1 180 milliards de francs, je le souligne.
J'entends bien les questions qui apparaissent ici ou là sur la nécessité d'alimenter le fonds de réserve par des ressources pérennes, les questions sur le déclenchement des versements aux régimes bénéficiaires, leur calendrier et leur montant.
Le problème du déclenchement des versements est capital, car il est lié à une question fondamentale : comment ajuster les taux de cotisation pour assurer l'équilibre des régimes ? Notons, pour ne citer que le principal régime, que la caisse nationale d'assurance vieillesse devra faire passer son taux de 14,75 % aujourd'hui à 18 % en 2020 et à un peu plus de 21 % en 2040. C'est justement le rôle du fonds de réserve de lisser dans le temps les taux pour amortir un effet désastreux. Aujourd'hui, par-delà toutes les questions justifiées,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les fonctionnaires !
M. Claude Domeizel. ... le fonds de réserve pour les retraites existe grâce à la volonté du Gouvernement de Lionel Jospin. (Exclamations sur les travées du RPR.) On ne peut que s'en réjouir.
Vous connaissez la position du groupe socialiste à propos de ce fonds de réserve. Depuis sa création, en 1998, nous avons fait preuve de constance dans nos questions : qui va gérer le fonds ? Comment vont être placées ces sommes considérables ?
Compte tenu des enjeux du fonds de réserve pour les retraites et des sommes considérables qu'il devra gérer, nous n'avons plus à démontrer qu'il est indispensable de créer un établissement public placé sous le contrôle d'un conseil de surveillance.
Nous trouvons la réponse à notre demande à l'article 6 du projet de loi : le fonds sera géré en tout indépendance et soustrait du fonds de solidarité vieillesse où il avait été provisoirement affecté.
Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, nous avions déposé un amendement qui allait dans le même sens. Après les promesses formulées par le Gouvernement de faire examiner cette question par le Conseil d'Etat, j'avais retiré cet amendement que j'avais soutenu au nom du groupe socialiste.
Tel qu'il est rédigé, l'article 6 s'inspire largement de nos propositions. Il précise les recettes et les modalités pratiques de gestion.
Nous avions également proposé que l'établissement public soit géré par la Caisse des dépôts et consignations, sous l'autorité et le contrôle d'un conseil d'administration comprenant des représentants de l'Etat, des membres du Parlement, des représentants des organisations syndicales de personnels et des organisations d'employeurs les plus représentatives à l'échelon national, ainsi que des personnalités qualifiées.
Il s'agit là d'un dispositif calqué, à une moindre échelle, sur la gestion de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, au sein de laquelle j'assure la présidence du conseil d'administration.
Personne, dans notre assemblée, ne doute de l'efficacité de la Caisse des dépôts et consignations. Cet établissement public national, à statut légal spécial, a en effet été institué, au début du xixe siècle pour assurer la gestion de fonds publics ou privés auxquels la loi veut garantir une protection particulière.
Dois-je rappeler qu'elle gère, outre les fonds des livrets d'épargne réglementés, les fonds des professions juridiques, les consignations légales, mais surtout, pour le sujet qui nous intéresse, près de cinquante caisses de retraites ou fonds de pension du secteur public ou semi-public, dont la CNRACL, l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques, l'IRCANTEC, la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique, la PREFON, pour plus de 4 millions d'actifs et 3 millions de pensionnés ?
Quoi de plus naturel que de confier le fonds de réserve pour les retraites à la Caisse des dépôts et consignations, d'autant que, placée sous le contrôle d'une commission de surveillance de la Cour des comptes et du Parlement, la Caisse de dépôts et consignations opère dans des conditions de totale transparence et de grande sécurité une gestion qui, à notre connaissance, n'a fait l'objet d'aucune défaillance ni d'aucune malversation depuis un siècle ?
Aussi pensons-nous en toute quiétude que la Caisse des dépôts et consigations, qui est un observateur attentif et reconnu du monde de la retraite, dispose de l'ensemble des compétences et des outils nécessaires à une gestion sécurisée et performante du fonds de réserve pour les retaite pour de tels placements à long terme.
Je dis « en toute quiétude » car mon expérience de président du conseil d'administration de la CNRACL peut attester de la qualité des dossiers et de l'excellent ratio de charge de gestion, qui ne s'élève qu'à 1 %.
Les retraités de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ont toujours manifesté leur satisfaction. Les enquêtes régulièrement demandées par le conseil d'administration le démontrent.
La différence notable par rapport à notre proposition de novembre 2000 réside dans le fait que le projet de loi dote le fonds d'un directoire.
En effet, la gestion du fonds de réserve, faisant intervenir des masses financières importantes et, surtout, de multiples acteurs, nécessite une gestion administrative comprenant notamment la tenue de la comptabilité, les études économiques, financières et juridiques, le contrôle des risques, afin de s'assurer de la sécurité des fonds, de la dispersion des risques, de la gestion des conflits d'intérêts.
Le conseil de surveillance et la Caisse des dépôts et consignations sont appelés à jouer un rôle conjoint : le conseil de surveillance fixe les orientations générales de la politique de placement des actifs du fonds, contrôle les résultats et établit un rapport annuel public sur la gestion du fonds ; la Caisse des dépôts et consignations assure le rôle d'un gestionnaire administratif unique, exerçant de manière pleine et entière ses responsabilités.
L'idée de mettre la Caisse des dépôts et consignations sous l'autorité d'un directoire répond, à mon sens, aux nombreuses questions posées. Ce directoire est même indispensable si on veut laisser le conseil de surveillance et la Caisse des dépôts dans les limites des compétences qui leur sont assignées.
En effet, seul un niveau intermédiaire peut, dans ces conditions, décider des orientations stratégiques du fonds de réserve pour les retraites, car il faut bien que quelqu'un décide - et ce serait alors le directoire, après consultation du conseil de surveillance - sur les points les plus importants : choix des gestionnaires financiers, examen mensuel des performances, arrêté des comptes, etc.
Confier la présidence du directoire au directeur général de la Caisse des dépôts et consignations permet de renforcer l'efficacité de l'exécution de ses directives à la Caisse des dépôts et consignations et aux gestionnaires financiers.
Nous nous sommes interrogés quant à la prévention des conflits d'intérêts. C'est là une question de première importance, qui mérite, monsieur le secrétaire d'Etat, d'évidentes précautions. Il est en effet indispensable qu'à tous les stades de la mise en concurrence - rédaction du cahier des charges, de l'appel d'offres, sélection des gérants, suivi financier - les règles à respecter soient publiques et transparentes, donc à l'abri d'un risque de conflit d'intérêts.
Sur cet aspect, l'Assemblée nationale a judicieusement enrichi le texte en prévoyant que le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations ne pourra pas, comme les deux autres membres du directoire d'ailleurs, participer à l'examen ou aux délibérations du directoire en présence d'une participation de la Caisse des dépôts et consignations ou de toute société ou groupe dont il serait administrateur.
Le dispositif est tout à fait pertinent. Aussi, je me permets de mettre en garde notre assemblée sur le risque d'inefficacité et de blocage du système proposé par les amendements adoptés en commission.
Je me réserve la possibilité d'intervenir lors de la discussion de l'article 6, mais, d'ores et déjà, j'indique que le groupe socialiste le soutiendra tel qu'il nous parvient de l'Assemblée nationale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très original !
M. Claude Domeizel. J'aurai sans doute quelque difficulté à convaincre M. Vasselle, mais je ne désespère pas d'y arriver !
J'en viens maintenant à l'article 7 de ce projet de loi, qui ratifie l'ordonnance du 19 avril 2001 portant réforme du code de la mutualité.
La mutualité joue un rôle majeur dans la vie des Français puisqu'elle protège plus d'un Français sur deux et gère plus de 1 300 réalisations sanitaires et sociales.
Or, depuis 1992, la France devait procéder à la transposition des directives européennes sur les assurances dans le code de la mutualité. La non-exécution de l'Etat français a d'ailleurs été sanctionnée par la Cour de justice européenne en décembre 1999.
Lorsqu'il a demandé au Parlement l'autorisation d'utiliser la voie des ordonnances pour cette réforme, le Gouvernement s'était engagé à faire procéder rapidement à la ratification de ce texte. La loi d'habilitation du 3 janvier 2001 prévoyait qu'un projet de loi devrait être déposé avant le 30 juin 2001 et le projet de ratification dans les deux mois suivant ce délai.
Je note donc que le Gouvernement a été soucieux de mener cette réforme dans les meilleurs délais. Si, compte tenu de l'urgence, le Gouvernement a été conduit à choisir la voie de l'ordonnance, ce que l'on peut regretter en tant que parlementaire - et, personnellement, je le regrette -, il faut mettre à son crédit l'important travail qui a été effectué, en concertation avec les mutuelles, qui ont examiné et enrichi les dispositions qui leur étaient soumises.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Dommage que, nous n'ayons pas, nous aussi, améliorer le texte !
M. Claude Domeizel. Le Parlement, tout particulièrement le Sénat, a déjà approuvé ce choix le 7 novembre 2000. Aujourd'hui, nous serions donc incohérents - quand je dis « nous », je veux parler de la majorité du Sénat - et fort mal venus de revenir sur notre position d'hier.
M. Alain Gournac. C'est vous qui êtes incohérent.
M. Claude Domeizel. L'incohérence, c'est de défendre des positions différentes de celles qu'on a défendues il y a six mois auparavant !
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Les engagements n'ont pas été tenus.
M. Claude Domeizel. Dans la mesure où le travail réalisé a été reçu positivement par le secteur mutualiste, qui a donné son accord sur cette transposition, nous ne pouvons que donner le nôtre également.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Ce ne sont pas les mutualistes qui font la loi !
M. Claude Domeizel. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera sans état d'âme cette ratification et ne manquera pas, au cours de la discussion de l'article 7, de s'opposer à l'amendement de suppression proposé par M. le rapporteur.
En effet, dans le code de la mutualité, sont réaffirmés les principes et la spécificité mutualistes cent ans après la création des mutuelles, dont je rappellerai les grands principes : absence de sélection médicale et non-fixation des cotisations en fonction de l'état de santé des adhérents ; maintien de la gestion des oeuvres sociales au sein des organismes mutualistes ; transparence financière des organismes mutualistes - nous avons souligné ce point lors du débat qui s'est tenu dans notre assemblée ; redéfinition du rôle des fédérations ; enfin, mise en place d'un véritable statut de l'élu mutualiste, que j'appelais de mes voeux lors d'un débat précédent.
Plutôt que la forme, ce sont ces valeurs que nous autres, socialistes, entendons défendre...
M. Alain Gournac. Oh là là !
M. Claude Domeizel. ... car l'histoire de la mutualité et celle du socialisme ont cheminé et continuent de cheminer ensemble.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Il ne faut pas exagérer !
M. Claude Domeizel. J'en terminerai là,...
M. Alain Gournac. Il vaut mieux !
M. Claude Domeizel. ... et je sais ce que vous allez dire : vous allez tenir le même discours qu'il y a six mois !
Je laisserai le soin à mes collègues Danièle Pourtaud et Serge Lagauche d'intervenir plus tard dans la discussion générale...
MM. Alain Gournac et Louis de Broissia. Ils n'en auront pas le temps !
M. Claude Domeizel. ... pour donner le point de vue du groupe socialiste sur les parties de ce projet de loi traitant des dispositions d'ordre éducatif et culturel. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. de Broissia.
M. Louis de Broissia. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec ce projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel, le Gouvernement illustre, une fois de plus, une méthode de travail législatif singulière. Faute d'une vision globale, le saucissonnage des textes prévaut, à travers des projets de loi ponctuels, textes « fourre-tout » à prédominance démagogique et traitant au coup par coup et selon le sens du vent - on l'a vu avec la discussion pro-PARE et anti-PARE il y a quelques instants - de questions qui mériteraient toutes de véritables débats de fond.
Autrefois, nous étions des législateurs de fond, respectés, nous devenons des législateurs de forme, traitant de sujets divers.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Je vous signale que nous venons de recevoir un nouvel amendement.
M. Louis de Broissia. Eh oui, voilà la méthode ! J'ai traité tout à l'heure de diverses dispositions d'ordre sécuritaire, je traite maintenant de dispositions d'un autre ordre : c'est ainsi !
Aujourd'hui, dans ce DDOSEC - puisque c'est ainsi qu'on l'appelle, ce qui n'est pas très parlant pour nos concitoyens - diverses dispositions sont présentées en matière de communication. C'est sur ces dispositions que portera mon intervention.
Le projet de loi initial traitait plus spécifiquement, à l'article 13, de l'assouplissement de la règle anticoncentration prévue par la loi du 30 septembre 1986 - une vraie loi - portant sur la liberté de communication. Dorénavant, ce texte traite également de deux thèmes, introduits à l'Assemblée nationale par divers amendements, qui m'intéressent plus particulièrement, et notamment le rôle des collectivités locales dans l'établissement des réseaux de télécommunication - je sais que M. Trégouët reviendra sur ce sujet.
Je commence donc par l'article 13.
A la veille de l'appel à candidatures que le CSA a prévu d'engager en juillet prochain - j'en profite pour dire que je suis choqué de voir qu'un membre du Gouvernement, M. Jack Lang en l'occurrence, critique le CSA ; le CSA est une autorité administrative indépendante, et j'espère que des questions d'actualité seront posées au Premier ministre sur ce sujet - le Gouvernement considère, à juste titre, qu'il est urgent de légiférer afin de faciliter le démarrage du numérique hertzien de terre, lequel est issu des travaux de notre assemblée, sous l'égide de notre ami Jean-Paul Hugot, en assouplissant notamment la fameuse règle anticoncentration.
Vous avez donc souhaité modifier les conditions d'application du système anticoncentration aux services diffusés par voie hertzienne terrestre numérique en introduisant un critère d'audience revenant à soumettre à la règle des 49 % les services diffusés par voie hertzienne terrestre, en mode analogique ou numérique, dont l'audience est supérieure à 2,5 % ; vous aviez initialement proposé 3 %, mais, par amendement, l'Assemblée nationale a abaissé ce seuil. Cette nouvelle règle serait appliquée sous l'autorité du CSA.
Ce dispositif, nous le disons tout net, nous semble malheureusement peu convaincant à la veille du lancement du numérique.
A l'instar de notre rapporteur Jean-Paul Hugot, je m'étonne de la complexité du système que vous avez retenu et du choix de ce seuil d'audience, qui concerne plus précisément des chaînes obtenant une audience particulièrement faible, des chaînes thématiques dont on ne peut pas dire que les programmes menacent le pluralisme des courants d'expression socioculturels.
Autrement dit, vous avez tout faux sur la question, et nous espérons que la sauvegarde du pluralisme sera assurée grâce au vote des amendements que proposera notre collègue Jean-Paul Hugot, qui répondent mieux aux attentes des opérateurs souhaitant se lancer dans cette voie nouvelle.
A l'occasion de l'examen de cet article 13 - j'en ai prévenu Jean-Paul Hugot -, je proposerai un amendement revenant sur les seuils d'intervention d'un même opérateur sur le câble. Il s'agit, en effet, de modifier l'article 41 non pas d'un DDOSEC, mais d'une loi - la loi de 1986 sur la liberté de communication - qui prévoyait qu'un opérateur de réseau ne peut détenir des autorisations d'exploitation pour des réseaux couvrant une zone desservie de plus de huit millions d'habitants recensés.
Est-il nécessaire de rappeler l'échec, en France, d'un plan câble, échec que nous avons tenté de gommer ?
Il faut insister sur la situation particulièrement discriminante que subissent les opérateurs du câble par rapport aux autres opérateurs de télécommunications et distributeurs de services audiovisuels par satellite ou hertziens terrestres.
Quant à l'article 15, il renforce le rôle des collectivités locales dans l'installation des réseaux de télécommunications à haut débit. Est-il nécessaire d'insister sur le fait que, faute d'intervention des collectivités locales - régions, départements, communes ou groupements de communes -, l'offre proposée à tous les Français sera très insuffisante, très « mitée », très parcellisée ? Les collectivités locales n'ont pas d'autre choix que de se lancer dans ces équipements, et le problème est, pour elles, de ne pas laisser les fractures numériques, technologiques, sociales, terriroriales se multiplier.
J'ai été le porte-parole, dans cette assemblée, comme dans une autre, du « quart monde télévisuel ». Si ma collègue Mme Pourtaud, de Paris, me rejoignait, elle dirait qu'elle m'a entendu. Je souhaiterais ne pas être aussi, demain, aux mêmes endroits, le porte-parole du quart monde de la téléphonie mobile ou du quart monde de l'internet à moyen et haut débit.
Les modifications apportées à l'Assemblée nationale nous conviennent, d'autant qu'elles reprennent une initiative sénatoriale qui figurait déjà dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire - et c'était un emplacement logique.
Permettez-moi simplement, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous interroger sur la classification des dépenses inhérentes à l'installation de ces infrastructures. Nous sommes en effet de plus en plus sollicités, non pas seulement pour les dépenses d'investissement - les pylônes, les mâts -, mais aussi pour les dépenses de fonctionnement, ce qui, à mes yeux, constitue une dérogation importante aux règles européennes, les collectivités territoriales devenant de facto de simples opérateurs. J'aimerais que vous puissiez nous répondre dans le cours de cette discussion.
Troisièmement, alors que nous venons d'adopter le texte sur les nouvelles régulations économiques, qui a réformé d'une manière équilibrée, ce me semble, la procédure d'autorisation des salles de cinéma multiplexes - une modification utile et même nécessaire -, vous voulez à nouveau ouvrir le débat dans un élan suspect de démagogie ou de partialité. L'encre de la loi sur les nouvelles régulations économiques n'est pas encore sèche que, déjà, vous proposez de la réécrire ! D'ailleurs, lorsque j'ai déposé un amendement, le service de la séance m'a dit que je devrais en faire un sous-amendement : les textes ont en effet changé quasiment dans la nuit !
Vous considérez le dispositif existant comme insuffisant. Vous souhaitez le compléter et vous voulez créer un système « sur mesure » pour une catégorie très marginale - chacun sait de qui l'on parle - d'exploitants de salles de taille moyenne. Ce traitement à part écarterait du dispositif ceux des exploitants de salles de taille moyenne qui sont opérateurs de cartes - je parle des cartes d'accès à ces salles de cinéma -, les empêchant d'y participer activement.
En quelque sorte, le système du Gouvernement ferait donc reposer l'ensemble du dispositif sur les grands exploitants, seuls contraints de garantir aux petites salles associées une compensation à l'existence de ces cartes d'abonnement, en leur assurant un revenu minimal. Ces grands exploitants se retrouveraient donc seuls à assumer le risque économique.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de le rappeler, ce qui me semble constituer le principe même du dispositif institué par la loi sur les nouvelles régulations économiques, c'est la mise en place de nouvelles pratiques commerciales. En l'espèce, il s'agit de permettre, à travers ces cartes, comme je l'avais indiqué à l'époque, la démocratisation de l'accès à la culture pour les plus jeunes. Les jeunes vont plus facilement au cinéma, monsieur Lagauche, et ils vont voir d'autres films, y compris des films de notoriété insuffisante. Les chiffres sont à votre disposition : je suis prêt à vous les communiquer. Mais il vous suffira de vous adresser au Centre national du cinéma ; celui-ci vous les fournira très aimablement.
Les petites salles doivent vivre - nous en sommes tous d'accord -, à côté de celles qui proposent des formules d'accès au cinéma donnant droit à ces entrées multiples. Nous l'avons acté dans la loi sur les nouvelles régulations économiques en prévoyant un système de compensation.
Mais pourquoi, quelques jours après, accentuer la tendance en privilégiant ouvertement certains exploitants dispensés de quelque contrainte que ce soit à l'égard des salles indépendantes ? Où seront les instruments de contrôle d'entrée dans les petites salles ? Nous nous en sommes entretenus avec M. Hugot : le dispositif est aléatoire.
C'est la raison pour laquelle nous suivrons les deux propositions de modification présentées par M. Hugot. J'en ajouterai une troisième, par sous-amendement, car je souhaite que la rédaction de l'article 27 du code de l'industrie cinématographique n'aboutisse pas à ce que seuls les grands exploitants soient pénalisés et, en particulier, contraints de garantir une marge brute à des petits exploitants en pratiquant un prix fixe et non un prix proportionnel. Je crains d'ailleurs que le dispositif actuel - c'est ce que disent les experts - ne soit condamné par l'Union européenne.
Je termine par le point sur lequel j'ai ouvert mon propos. De DDO-sécurité en DDO-culture et de DMOS en DDOEF, connaîtrons-nous, avant 2002, de vrais projets de loi, portant sur le fond et sur le long terme ? J'en doute fort. Mais peut-être nous surprendrez-vous dans votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon propos portera essentiellement sur l'article 12 du projet de loi, article qui est relatif à l'Institut d'études politiques de Paris. Mais, au préalable, je dirai quelques mots sur les dispositions du titre IV, très attendues par le monde associatif.
Nous ne pouvons qu'être favorables à l'article 8 sur les associations de jeunesse et d'éducation populaire : dans la continuité de l'action ministérielle de Mme Buffet dans le domaine sportif, par exemple, le dispositif proposé vise à développer la transparence, la démocratie, ainsi que la participation des femmes.
Des garanties supplémentaires seront apportées par le système d'agrément à l'encontre de groupements qui utilisent le statut associatif, notamment, à des fins sectaires ou pédophiles.
Nous sommes également favorables aux modifications introduites par le projet de loi en ce qui concerne la réglementation des centres de vacances et de loisirs. Ces dispositions tendent, elles aussi, à lutter contre de graves dérives et à favoriser l'existence d'un véritable projet éducatif, à développer la qualité de l'encadrement - nous défendrons sur ce point, à l'article 11, un amendement visant à créer un statut d'encadrant pédagogique occasionnel - ainsi qu'à garantir l'hygiène et la sécurité que les parents sont en droit d'attendre lorsqu'ils confient leurs enfants à ces centres. Rappelons qu'en 2000, plus d'un million et demi de mineurs ont été envoyés en centres de vacances.
Les articles 9 et 10 confortent notre volonté d'une plus grande écoute du milieu associatif et de la jeunesse, dont la participation citoyenne est ainsi encouragée.
Nous voterons donc ces bonnes mesures, en rappelant néanmoins que la mise en place d'un statut du bénévole associatif reste une attente très forte. A quand cet acte indispensable pour que la célébration du centenaire de la loi de 1901 soit l'occasion d'une reconnaissance pleine et entière du travail de tous les bénévoles ?
Le volet éducatif du projet de loi, s'il est limité à l'article 12, soulève la question essentielle de la démocratisation de l'enseignement supérieur.
Ainsi, l'article 12 vise à reconnaître la compétence du conseil de direction de l'Institut d'études politiques de Paris pour fixer à la place du ministre les modalités particulières d'admission audit institut.
Il prévoit en outre la validation législative des différentes procédures de sélection et élargit à tous les établissements supérieurs la possibilité de diversifier leur recrutement par des conventions avec des établissements du second degré.
Sur le fond, le groupe socialiste est, bien sûr, favorable au dispositif décidé par Sciences Po pour en démocratiser l'accès, grâce à un partenariat avec des établissements relevant de l'éducation prioritaire.
Je tiens d'ailleurs à souligner la haute qualité de l'encadrement pédagogique prévu, dans le cadre des conventions, par la nouvelle procédure de recrutement, que ce soit avant l'entrée à l'institut ou durant la scolarité.
Tout d'abord, une information et une familiarisation des lycéens avec l'univers de Sciences Po sont prévues à travers des visites, des rencontres, la possibilité d'assister, grâce à Internet, à des conférences ou à des ateliers de travail.
Lors de la scolarité, un suivi spécifique, notamment par le biais d'un enseignant référent, sera proposé aux élèves qui en ressentent le besoin.
Sur le plan financier, le ministère de l'éducation nationale accordera une bourse annuelle de 40 000 francs, qui pourra être complétée par une aide au logement de 20 000 francs.
Enfin, et ce n'est pas la moindre des qualités de cette procédure, elle associe étroitement les équipes pédagogiques des lycées concernés, reconnaissant par là même la légitimité de leur travail. Un tel partenariat ne pourrait-il pas aller jusqu'à l'ouverture de classes préparatoires dans des établissements de ZEP ou situés en zone sensible ?
J'émettrai cependant une réserve de fond. L'objectif est de lutter contre les inégalités sociales qui pénalisent les lycéens de milieu modeste à l'entrée en première année et de démocratiser l'accès à l'IEP de Paris. Or les critères sociaux retenus ne portent que sur les établissements et ne prennent pas en compte l'origine sociale individuelle, les données socio-professionnelle des familles des élèves concernés. Est ainsi avalisé le postulat réducteur suivant lequel tous les lycéens de ZEP sont issus de milieux défavorisés.
Dans un article de presse, deux exemples d'élèves de terminale préparant l'entrée à l'IEP selon la nouvelle procédure m'ont frappé : il s'agissait d'un fils de professeur d'arabe et d'une lycéenne dont le père est politologue en Yougoslavie, soit des catégories socio-professionnelles à fort capital social et culturel, tout à fait analogues à celles dont sont issus ceux qui réussissent le mieux au concours d'entrée. Il ne faudrait pas qu'en définitive cette procédure de recrutement ne s'adresse qu'aux plus favorisés des lycées de ZEP.
Si une évaluation annuelle est bien prévue, le dispositif ne doit pas être figé. Il doit être assez souple pour être réajusté au cours des dix ans d'expérimentation, en fonction de l'objectif visé. C'est pourquoi il me semble important que le Parlement soit destinataire de cette évaluation, au travers d'un rapport. Cette évaluation, pour être pertinente, devrait comparer les caractéristiques sociales des lycéens admis en première année, non seulement par rapport à celles de l'ensemble des élèves des établissements concernés par les conventions, mais aussi par rapport aux caractéristiques sociales de tous ceux qui ont préparé l'oral avec leurs enseignants sans être admis.
Même si ce dispositif est limité - et le nombre de lycées concernés peut nous amener à nous interroger quant au respect du principe d'égalité -, nous ne pouvons pas le rejeter au motif qu'il n'est pas parfait : c'est un levier.
Nous devons également lever l'incertitude qui pèse sur la rentrée prochaine du fait du recours de l'Union nationale interuniversitaire, l'UNI. Actuellement, des élèves préparent dans leur lycée avec leurs professeurs l'épreuve orale d'entrée à l'IEP : nous ne pouvons pas tuer leurs espérances.
Nous sommes donc opposés à la suppression du paragraphe II, proposée par la commission des affaires culturelles.
La rédaction de l'article 12 suscite, malgré tout, deux interrogations.
Premièrement, le paragraphe I donne-t-il compétence au conseil de direction pour définir les conditions d'admission à la préparation des diplômes de troisième cycle délivrés par l'IEP de Paris, qui sont des diplômes nationaux et qui relèvent de la procédure d'habilitation nationale en vigueur dans les établissements publics supérieurs et classes préparatoires ?
Deuxièmement, le paragraphe III, en élargissant l'initiative de l'IEP à tous les établissements supérieurs, implique de fait les universités qui ne sont pas, elles, des établissements supérieurs sélectifs. Ne risque-t-on pas de voir la non-sélection à l'entrée des universités remise en cause par ce biais ?
S'il s'agit simplement, pour les universités, de mettre en place, par des conventions avec les établissements du second degré, un encadrement pédagogique pour préparer l'entrée de certains lycéens à l'université dans de meilleures conditions, j'y suis très favorable. Je pense notamment aux lycéens des filières technologiques que nous leurrons en leur disant que les études longues leur sont accessibles sans leur donner, parallèlement, les moyens de réussir par un encadrement et un suivi pédagogique spécifiques quand cela est nécessaire.
En revanche, si le paragraphe III ouvre subrepticement une brèche dans le principe de non-sélection à l'entrée de l'université, j'y suis farouchement opposé.
Ce que nous voulons, ce pour quoi nous oeuvrons, c'est l'égalité des chances, l'école pour tous. Nous devons faire de l'ensemble de notre système d'enseignement un réel ascenseur social.
« Donner plus à ceux qui ont moins » doit être un leitmotiv à chaque étape du parcours scolaire, afin de lutter contre ces phénomènes de reproduction sociale dont l'existence a été largement démontrée par Pierre Bourdieu, et de donner une réelle égalité de chances à chacun.
Si nous avons réussi la massification de notre enseignement supérieur, nous devons maintenant en réussir la démocratisation.
A cet égard, je le dis clairement, il nous faut notamment revenir sur le mythe égalitaire du concours. Non, le concours n'est pas égalitaire : il n'est pas neutre socialement et désavantage les étudiants issus des milieux modestes, sans compter l'autocensure et le sentiment d'incompétence sociale qui leur fait dire que les concours des grandes écoles ce n'est pas pour eux. J'en suis désolé, mais les bourses n'ont aucun effet sur les représentations mentales.
Parce que la question de la démocratisation de notre enseignement supérieur constitue l'un des véritables enjeux d'avenir pour notre société, je suis convaincu que le débat doit être constant. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Trégouët.
M. René Trégouët. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention sera circonscrite aujourd'hui à l'article 15, par lequel nous allons, enfin ! renforcer le rôle des collectivités dans l'établissement des réseaux de télécommunication à haut débit.
Je voterai volontiers cet article 15, mais, monsieur le secrétaire d'Etat, que de temps perdu !
Voilà plus de deux ans - 775 jours exactement - le Gouvernement et sa majorité ne se sont pas grandis, à l'Assemblée nationale, en se soumettant au lobbying de l'opérateur national et en adoptant le très regrettable amendement dit « des fibres noires ».
Pendant ce temps - et deux ans pèsent lourd dans la vie de l'internet ! - les autres pays ont poursuivi leur progression à grandes enjambées.
Quel constat pouvons-nous faire aujourd'hui ? A la fin de l'année 2000, on comptait 18 millions de personnes raccordées à un réseau Internet à haut débit en Amérique du Nord. Au même moment, l'Europe n'en comptait que 5 millions, dont seulement 190 000 en France. Si l'on songe que l'accès au futur passe nécessairement par ces accès à haut débit, on voit tout le retard qu'il nous faut rattraper !
Pendant longtemps, trop longtemps ! les techniciens qui conseillent le Gouvernement et sa majorité ont laissé croire que les structures en place suffiraient à relever ce défi des hauts débits. Malheureusement, nous constatons aujourd'hui, mais avec quel retard ! qu'il n'en est rien.
Alors que le Gouvernement a pris le 12 septembre dernier un décret contraignant l'opérateur national à respecter le dégroupage sur la boucle locale pour permettre la concurrence sur le fil de cuivre de France Télécom, en y installant une technologie large débit appelée ADSL, alors que l'application de ce texte devait être obligatoire à partir du 1er janvier dernier, vous savez fort bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que, malgré les demandes réitérées de l'autorité de régulation, ce décret n'est toujours pas appliqué.
Mais il ne faudrait pas que vous pensiez que mes critiques sont exclusivement dirigées contre l'opérateur national. L'expérience actuellement vécue aux Etats-Unis montre que la concurrence sur la boucle locale n'est pas la bonne solution pour déployer harmonieusement les hauts débits. Nous voyons là-bas disparaître les unes après les autres les entreprises fragiles qui avaient appuyé leur business model exclusivement sur la commercialisation de l'ADSL.
Le déploiement des hauts débits repose sur une concurrence claire, qui permet de proposer aux consommateurs des hauts débits reposant sur des infrastructures bien différenciées.
Certes, ces infrastructures différenciées se trouvent actuellement dans les milieux urbains denses, là où des technologies alternatives au fil de cuivre, telles que le câble ou la boucle locale radio, sont normalement rentables. Mais là où ces infrastructures n'atteignent pas naturellement leur équilibre financier, nous ne pouvons pas reprocher aux entreprises privées de ne pas se substituer à l'Etat et aux collectivités territoriales pour financer et réaliser des équipements nécessaires à l'aménagement du territoire.
C'est en ce domaine que l'article 15 du projet de loi qui nous est proposé aujourd'hui est particulièrement important : les collectivités locales vont enfin avoir la possibilité de cofinancer ces infrastructures si nécessaires à l'équilibre de leur territoire. Car, dans moins de cinq ans maintenant, une entreprise industrielle ou de services ne pourra pas survivre ni même s'installer dans un lieu nouveau si elle n'est pas puissamment connectée par de hauts débits au réseau mondial Internet ; cela lui sera nécessaire pour maintenir et développer ses liens tant avec ses clients qu'avec ses fournisseurs. Si nous laissions se développer cette « fracture numérique », ce seraient quelque 20 % de la population de la France et plus de 40 % de son territoire qui se verraient dramatiquement exclus de l'avenir.
Au-delà de l'article 15, il faudra que le Gouvernement sache aller bien plus loin. En effet, il serait anormal que la solidarité nationale, qui est l'une des missions essentielles de l'Etat, ne s'exprime pas en faveur des collectivités les plus défavorisées, les plus pauvres, pour les aider à réaliser ces investissements indispensables.
C'est pourquoi, à l'opposé de la démarche impulsée par le Gouvernement en l'an 2000 pour l'attribution des licences UMTS, je pense que nous ne réussirons pas un bon aménagement du territoire dans ce domaine vital des réseaux de télécommunication à haut débit sans une harmonie entre la volonté politique et l'initiative privée.
Loin de demander aux acteurs privés de se retrouver seuls pour financer cette mission fondamentale d'aménagement du territoire, il faudra que les pouvoirs publics - Etat et collectivités locales réunis - lancent un vaste programme d'équipement de la France et le cofinancent.
Il suffit d'observer comment la France - qui, avec ses 560 000 kilomètres carrés, est de loin le plus grand pays d'Europe - a aménagé son territoire depuis un siècle et demi, en construisant successivement ses réseaux de chemin de fer, ses réseaux routiers, ses réseaux d'électricité, ses réseaux de distribution d'eau potable et, plus récemment, ses réseaux de téléphone, pour comprendre que l'initiative privée ne pourra pas relever seule ce défi fondamental des hauts débits.
L'article 15, qui arrive bien tard, malheureusement, mais qui va dans le bon sens, doit n'être qu'un premier pas. Il est urgent que le Gouvernement remette à plat le plan qui a été arrêté avec les régions et décide d'un vaste programme cohérent pour équiper notre pays en hauts débits.
Il est tout à fait regrettable que la discussion du projet de loi sur la société de l'information soit en permanence repoussée. Le Premier ministre, qui avait pourtant voulu prendre date en août 1997 avec son discours volontariste prononcé à Hourtin, donne une bien mauvaise image de la France par ces reports successifs !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est comme pour les retraites !
M. René Trégouët. On nous dit maintenant que ce texte ne serait examiné par le Parlement qu'au premier trimestre de 2002.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. Nous aurons autre chose à faire !
M. René Trégouët. Pis encore - mais l'autorité de régulation le dira probablement mieux que moi demain - il serait grave que, pour des raisons électorales, nous reportions au second semestre de l'année prochaine le choix des deux opérateurs supplémentaires pour l'UMTS, alors que tous les autres pays européens qui ont lancé leur procédure d'attribution de licences ont déjà choisi les leurs.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Même la Grande-Bretagne l'a fait !
M. René Trégouët. S'il devait se vérifier que nous prenions un tel retard dans le déploiement de l'UMTS, qui est la seule technologie de radio mobile qui permette - je devrais dire « qui permettra » - d'accéder aux hauts débits, ce serait un très mauvais signal que nous enverrions aux autres pays d'Europe et au reste du monde.
Cela ne veut pas dire que j'apporte mon agrément à la décision d'exiger une forte contribution - quelque 32,5 milliards de francs par fréquence octroyée !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est cher !
M. René Trégouët. Tout au contraire, je pense que le Gouvernement se grandirait en remettant à plat toute la procédure du financement et de l'octroi de ces fréquences. Loin de demander par avance des sommes considérables destinées à financer des technologies qui ne sont pas encore matures ni même stabilisées, il serait préférable que notre pays choisisse la voie qu'ont retenue la Suède ou la Finlande, c'est-à-dire qu'il ne demande des financements aux opérateurs que lorsque cette téléphonie large bande, dite « de troisième génération », sera effectivement installée et fiable, et produira du chiffre d'affaires.
J'espère de tout coeur que l'intérêt supérieur de notre pays - puisque c'est bien là qu'il faut placer la nécessité de déployer les hauts débits en France - passera avant des calculs pré-électoraux ou purement budgétaires qui ne seraient pas compris des Français. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, alors que nous avons achevé il y a peu l'examen en première lecture du projet de loi de modernisation sociale - j'ai eu l'honneur d'en rapporter l'un des titres - lequel ne contenait pas moins de huit volets qui auraient pu faire chacun l'objet d'un projet de loi spécifique, nous voilà saisis d'un nouveau catalogue de dispositions aux enjeux considérables mais au contenu fort décevant.
Les trois premières dispositions ont trait aux affaires sociales. C'est par elles que je commencerai mon propos, et je développerai ensuite les sujets qui concernent les affaires culturelles.
Le premier volet, sans doute le plus important, consiste à inscrire dans la loi une série de dispositions adoptées par les partenaires sociaux dans la convention qu'ils ont conclue en octobre dernier et qui concerne l'assurance chômage.
La situation n'est pas dénuée de comique puisque le Gouvernement est amené à présenter des mesures qu'il a longuement combattues lors des négociations sociales, négociations qui ont duré de nombreux mois.
Cela nous conduit sans détour à nous interroger sur les méthodes d'organisation de la négociation collective en France : quand un gouvernement en vient à refuser l'application d'un accord signé par les partenaires sociaux parce que le contenu ne lui convient pas, on peut légitimement s'interroger sur la considération dans laquelle il tient le dialogue social et sur le rôle qu'il entend lui faire jouer dans l'avenir, si, en tout état de cause, c'est lui qui tranche en dernier ressort.
En outre, ces négociations ont connu de nombreux rebondissements : le ministre va-t-il refuser l'accord ? Les partenaires sociaux vont-il se plier au diktat du Gouvernement ? Le Premier ministre en personne va-t-il s'immiscer dans le dialogue social ? Ce fut, durant plusieurs mois, un véritable feuilleton.
Le groupe du RPR a une tout autre opinion du rôle respectif des partenaires sociaux et de l'Etat. Plutôt que de brider ou de contraindre le dialogue social, le rôle du Gouvernement nous semble être d'animer, de dynamiser, d'enrichir ce dialogue afin de permettre aux partenaires sociaux d'exprimer leurs désaccords et de signer dans une libre concertation leurs accords, bien entendu dans le respect des grands principes auxquels nous sommes attachés et sous le contrôle du Parlement.
Sur le contenu, le Gouvernement ne peut nier que l'indemnisation des chômeurs est considérablement améliorée et que l'allégement des charges prévu, même s'il est en net retrait par rapport à ce qu'avaient initialement souhaité les partenaires sociaux, est extrêmement positif pour lutter contre le chômage.
De même, nous ne pouvons que saluer la volonté des partenaires sociaux de créer un service de l'emploi et de la formation plus performant au profit des personnes qui recherchent du travail. Il est en effet indispensable que ce service soit à la fois plus étroitement associé aux organismes paritaires et très proche tant des syndicats de salariés que des syndicats patronaux. Seule cette complicité peut améliorer ses performances et le mettre en plus grande adéquation avec les réalités de l'économie d'aujourd'hui.
Nous nous associons aussi à la réforme qui mobilise de nouveaux moyens pour l'aide à l'évaluation, à la formation, à la mobilité, pour la suppression du caractère dégressif des allocations et pour l'accompagnement individualisé des demandeurs d'emploi.
Aussi, même déformée, sous la pression du Gouvernement, la convention va dans le bon sens, et le groupe du RPR suivra les conclusions de notre excellent rapporteur Louis Souvet sur les articles concernés.
Le deuxième volet concerne la définition du statut juridique du fonds de réserve pour les retraites.
Pauvre fonds !
M. Claude Domeizel. Pourquoi ?
M. Alain Gournac. Alimenté par des recettes aléatoires, pillé pour financer la politique sociale du Gouvernement - les 35 heures et l'allocation personnalisée d'autonomie - le voici avec un statut juridique indéterminé et doté d'une organisation surréaliste. Créé pour servir de caution au goût prononcé du Gouvernement pour l'immobilisme dans le dossier bien trop brûlant de l'avenir des retraites, ce fonds connaît donc de nouvelles péripéties.
Je ne reviendrai pas sur les manipulations financières dont il est l'objet et qui ont été excellement décrites, dans son rapport, par notre collègue Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Merci, cher collègue !
M. Alain Gournac. Je ne reviendrai pas non plus sur les promesses du Gouvernement, dont le peu de sérieux a été dénoncé à plusieurs reprises par le Sénat.
Mon propos concernera, en premier lieu, l'organisation technique.
Il est d'abord créé un directoire puissant, dont les décisions ne puissent pas être réellement contestées par le conseil de surveillance. Ce dernier, qui n'a aucun pouvoir de décision, n'a pas non plus les moyens d'exercer le pouvoir de contrôle qui lui est théoriquement confié.
Puisque les membres du directoire sont nommés par le Gouvernement, il n'est pas besoin de réfléchir longtemps pour savoir qui tient les rênes de cet établissement, à l'abri des contrôles indiscrets.
Quant au mode de gestion financière, il est évident qu'il y a conflit d'intérêts entre un président issu de la Caisse des dépôts et consignations et les éventuels appels d'offre pour lesquels elle pourrait se porter candidate.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait !
M. Alain Gournac. Une seconde série d'interrogations concerne la gestion des sommes versées dans le fonds et leur utilisation future.
Ainsi que l'a fait remarquer notre excellent rapporteur, seuls seraient bénéficiaires le régime général et les régimes alignés, la CANCAVA, la caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse artisanale et l'ORGANIC, l'Organisation autonome nationale d'assurance vieillesse de l'industrie et du commerce.
Or les sources de financement sont d'origines très diverses. De même, la question de la répartition entre les régimes élus n'est pas abordée.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que nous rallier au travail de réécriture effectué par M. le rapporteur pour tenter de donner un minimum de cohérence à ce « fonds sans fonds ».
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Alain Gournac. Concernant le troisième volet, la réforme du code de la mutualité, je crois que notre excellent collègue André Jourdain, rapporteur, a fort bien présenté la situation : le Gouvernement s'apprête à écarter totalement le Parlement de la discussion d'un texte très important, qui concerne une spécificité française à laquelle nous sommes très attachés. La mutualité joue en effet un rôle essentiel dans la politique sociale de notre pays et a vocation à le conserver, sinon à l'amplifier.
Or plusieurs dispositions de cette refonte du code de la mutualité auraient exigé une discussion approfondie. Il aurait fallu définir les activités sociales accessoires que pourraient continuer d'exercer les mutuelles, car ces activités revêtent pour elles une importance considérable. Il aurait fallu également examiner, ou préciser, le nouveau rôle du conseil supérieur de la mutualité, qui se voit confier le pouvoir de prononcer des sanctions extrêmement importantes alors même que sa composition n'est pas définie dans la loi. Quant à la question si sensible de l'assujettissement à la taxe sur les conventions d'assurance des mutuelles, ou de l'exonération des compagnies d'assurance sous réserve de leur engagement de non-discrimination, elle reste posée.
Si, sur le fond, la réforme engagée peut recevoir un accord global,...
M. Serge Lagauche. Ah !
M. Alain Gournac. ... on ne peut que déplorer la forme qui ne permet pas au Parlement d'exercer ses prérogatives par la discussion et la modification de certaines dispositions importantes.
Quant aux dispositions concernant les affaires culturelles, si certaines d'entre elles ont des objectifs qui sont louables, d'autres ont des objectifs qui le sont bien moins.
Le titre IV, qui concerne la jeunesse et l'éducation populaire, aurait mérité mieux que ce que prévoit le Gouvernement. Le dispositif proposé n'est qu'un leurre politique et ne doit son existence qu'à la nécessité, pour le Gouvernement, de donner un gage à une partie de la majorité plurielle, afin d'établir un semblant de cohésion.
M. Claude Domeizel. Oh !
M. Roland Muzeau. Il faut lire le texte !
M. Alain Gournac. Il faut effectivement le lire, et bien le lire !
Je l'avoue, j'avais pensé que Mme le ministre de la jeunesse et des sports serait plus vigilante concernant un domaine qu'elle connait parfaitement bien et que, d'habitude, elle défend avec une plus grande conviction. J'imagine que les associations qui n'ont pas été convoquées pour débattre de la réforme proposée n'ont pas été particulièrement satisfaites, sachant que celles qui ont été invitées se sont vues consultées la veille de l'examen en conseil des ministres.
Lorsque vous parlez de concertation, vous me permettrez de douter de la justesse du vocabulaire utilisé, car les faits démontrent le contraire !
Certaines dispositions, comme l'article 8, symbolisent la volonté du Gouvernement d'étatiser les structures mises en place en faveur de la jeunesse. En effet, ce dispositif aboutit à conforter le pouvoir du ministre s'agissant de l'obtention de l'agrément et de la subvention. Ainsi, certaines dérives sont à redouter en raison des conditions d'obtention de l'agrément fixées dans le texte et dont on peut craindre la subjectivité.
Pour ce qui est de la création des conseils relatifs à la jeunesse, vous me permettrez d'être sceptique quant à leur nécessité. Je souhaiterais notamment savoir pourquoi vous avez choisi de mettre en place deux structures qui, à première vue, paraissent assez semblables. Est-ce vraiment pour une question d'efficacité ?
S'agissant des dispositions concernant la réglementation relative à l'accueil et à l'hébergement des mineurs dans les centres de vacances et de loisirs, je considère, comme beaucoup d'élus, qu'il fallait effectivement la reconsidérer, l'actualité nous l'a malheureusement trop démontré au cours des dernières années. Cependant, je n'adhère pas au dispositif que vous proposez. En effet, il alourdit les contraintes pesant sur ceux qui prennent localement des initiatives et, par là même, il se trouve réservé aux communes les plus riches.
M. Serge Lagauche. Mais non !
M. Alain Gournac. Votre dispositif ne correspond pas aux réalités que vivent chaque jour les responsables des centres de séjour avec hébergement.
A l'Assemblée nationale, sept amendements ont été déposés sur cet article et, ici même, six l'ont été par la commission des affaires culturelles, ce qui prouve que ce dispositif est tout à fait perfectible. Or, comme chacun le sait, vous nous avez imposé l'urgence sur ce texte, et je ne peux que déplorer la brièveté des délais impartis aux commissions respectives pour examiner un projet de loi qui traite de sujets aussi sensibles.
La question avec laquelle je terminerai sur ce point concerne les moyens qu'il faudra déployer pour de telles réformes. Comment envisagez-vous leur application et leur suivi ?
J'aborde, enfin, l'article concernant l'Institut d'études politiques de Paris.
Il n'est nul besoin de tergiverser, comme nous l'a excellemment exposé notre collègue Jacques Valade, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Si on ne peut s'opposer à la validation de l'autonomie de l'institut précisée par le décret de 1985, on ne peut, en revanche, se déclarer favorable à la validation, à titre de précaution, des décisions du conseil de direction de l'institut qui visent à ouvrir aux meilleurs élèves des ZEP, hors concours, l'accès en première année.
Cette procédure, juridiquement douteuse et qui risque d'être annulée par le tribunal administratif de Paris, comme l'a dit notre collègue Jacques Valade, ne peut être validée par le Parlement.
Soyons honnêtes avec la jeunesse : ce dispositif introduit une inégalité entre les bacheliers des lycées classés en ZEP ; il est discriminatoire à l'égard du monde rural car aucune ZEP en milieu rural n'a été choisie ; il est également discriminatoire pour les bons élèves de lycée hors ZEP n'ayant pas obtenu une mention « très bien » et qui, eux, seront soumis au régime de droit commun du concours d'entrée.
Décidément, nous n'avons pas la même conception de l'égalité sociale et de l'égalité des chances !
M. Roland Muzeau. C'est certain et ça rassure !
M. Alain Gournac. La nôtre est fondamentalement républicaine. Quant à la vôtre, je vous laisse le soin de trouver les bons mots pour la définir.
Tels sont les points que je souhaitais aborder et sur lesquels je voudrais - et je ne suis certainement pas le seul - obtenir des éclaircissements. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

9

DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 346, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi d'orientation sur la forêt, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 344, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan.

11

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Joël Bourdin, sénateur, un rapport d'information, fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, sur les perspectives du retour au plein-emploi.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 345 et distribué.

12

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 31 mai 2001 :
A neuf heures trente :
1. Suite de la discussion du projet de loi (n° 322, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.
Rapport (n° 339, 2000-2001) de MM. Louis Souvet, Alain Vasselle, André Jourdain et Jean-Louis Lorrain, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Avis (n° 335, 2000-2001) de MM. James Bordas, Jean-Paul Hugot et Jacques Valade, fait au nom de la commission des affaires culturelles.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
A quinze heures et le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.

Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements

Proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale, relative aux lois de finances (n° 226, 2000-2001) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 6 juin 2001, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 6 juin 2001, à douze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 31 mai 2001, à zéro heure vingt-cinq.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
DOMINIQUE PLANCHON





ERRATA
au compte rendu intégral de la séance du 17 mai 2001
DIVERSES DISPOSITIONS
EN MATIÈRE ÉLECTORALE

Page 2190, 1re colonne, dans le texte proposé pour l'article 1er, au premier alinéa du II, 2e ligne :
Après : « ressort »,
Ajouter : « dans lequel ils exercent ou ».
Page 2191, 2e colonne, dans le texte proposé pour l'article 4, au premier alinéa, 1re ligne :
Au lieu de : « 3122-2 »,
Lire : « 3122-3 ».

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

CONSEIL DE SURVEILLANCE DU FONDS DE FINANCEMENT DE LA PROTECTION COMPLÉMENTAIRE DE LA COUVERTURE UNIVERSELLE DU RISQUE MALADIE
Lors de sa séance du 30 mai 2001, le Sénat a désigné M. Jean-Louis Lorrain pour siéger au sein du conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie, en remplacement de M. Claude Huriet, démissionnaire.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Réglementation applicable
aux constructions en zone de montagne

1099. - 30 mai 2001. - M. Michel Teston rappelle à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement que dans le cadre du débat sur la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 sur la solidarité et renouvellement urbains, un certain nombre de parlementaires et lui-même ont obtenu des modifications importantes du code de l'urbanisme, en ce qui concerne les possibilités de construction en zone de montagne. En effet, il leur semblait important d'assouplir certaines dispositions très contraignantes qui obéraient toutes perspectives de développement dans les petites communes concernées. Ainsi, depuis l'adoption de ce texte, les articles L. 111-1-2 et L. 145-3 du code de l'urbanisme offrent désormais la possibilité d'ouvrir de nouveaux espaces constructibles, tout en répondant à la nécessité de préserver les paysages et de contrôler une urbanisation excessive ou anarchique. Les décrets d'application de la loi SRU ayant été publiés, les directions départementales de l'équipement sont donc actuellement amenées à se prononcer sur des demandes de certificat d'urbanisme, sur la base de cette nouvelle réglementation. Or, il apparaît que l'assouplissement introduit par la loi n'est pas, pour l'instant, suivi d'effet sur le terrain. Il lui demande de lui indiquer quelles consignes ont été ou seront données aux services, afin que soient appliquées concrètement ces nouvelles dispositions législatives.

Renforcement des effectifs de gendarmerie
dans le Vaucluse

1100. - 30 mai 2001. - M. Claude Haut attire l'attention de M. le ministre de la défense sur la situation du département du Vaucluse en matière de sécurité publique. Les dernières statistiques du premier trismestre 2001 font apparaître une situation préoccupante pour un département qui reste rural, malgré la forte croissance de sa population, constatée lors du dernier recensement. Un phénomène le préoccupe particulièrement, il s'agit de la migration du phénomène délinquant, voire criminel, des zones urbaines vers le secteur rural. En zone urbaine, le gouvernement a fait des efforts considérables en matière notamment de police de proximité, mais également en terme d'effectifs policiers, cette action politique, dont il se félicite, a suscité un transfert du phénomène délinquant de l'urbain vers le rural. Il sollicite qu'en fonction des données chiffrées et donc objectives, il puisse renforcer les effectifs des brigades de gendarmerie. La situation du Vaucluse est suffisamment préoccupante pour qu'elle mérite son attention et son intervention. En conséquence, il lui demande quelles dispositions il peut prendre pour renforcer le dispositif affecté à la sécurité publique des Vauclusiennes et des Vauclusiens en zone rurale.

Homologation des diplômes d'accompagnateur
et de guide de tourisme équestre

1101. - 30 mai 2001. - M. Jean-François Picheral appelle l'attention de Mme le ministre de la jeunesse et des sports sur la suppression de l'homologation des diplômes d'accompagnateur et de guide de tourisme équestre, et ses effets à l'égard de l'activité touristique des établissements équestres. La modification de la loi n° 2000-627 sur le sport, votée le 6 juillet 2000, a en effet entraîné la suppression de l'homologation des diplômes fédéraux de guide et d'accompagnateur de tourisme équestre (GATE), qui étaient jusqu'alors délivrés par la fédération française de tourisme équestre. Ces homologations permettaient ainsi à ce personnel diplômé non seulement d'exercer son activité contre rémunération mais aussi, pour certains, de créer des entreprises de tourisme ouvertes au public. Depuis la mise en application de la loi, ces métiers, alors en plein essor économique, se sont vus donc dépourvus de tout cadre juridique strict, cadre juridique qui lui permettait pourtant, jusqu'alors, de connaître pour la plupart d'entre eux une évolution sereine et continue de leur activité. Ainsi, alors qu'en période estivale des centaines de nouveaux accompagnateurs seraient nécessaires à l'encadrement des colonies de vacances et centres de loisirs et au renouvellement des travailleurs saisonniers de ces établissements, certaines directions départementales de la jeunesse et des sports refusent désormais aux titulaires de ces diplômes, pourtant déjà en exercice, de renouveler leurs cartes professionnelles et vont dans certains cas jusqu'à évoquer la fermeture de certains de ces centres, employant des accompagnateurs et guides, ou dirigés par l'un d'eux. Devant cette délicate situation, susceptible d'être aggravée par l'ouverture prochaine de la saison touristique, il lui demande donc de lui indiquer quelles dispositions, dans un bref délai, elle compte envisager afin de remédier à ce vide juridique qui, à défaut d'être résolu, amènera fatalement à la disparition rapide de ces entreprises de tourisme.

Malaise des infirmières

1102. - 30 mai 2001. - M. Martial Taugourdeau interroge M. le ministre délégué à la santé sur les graves problèmes qui se posent aux infirmières. Non seulement elles doivent faire face à une surcharge de travail, mais encore certaines d'entre elles sont sanctionnées par les caisses pour dépassement de leur quota. Certaines, comme ces trois infirmières d'un chef-lieu de canton de mon département, ferment leur cabinet et décident de choisir une autre activité. Alors que faut-il faire ? Sans infirmières en milieu rural, face à des généralistes de plus en plus débordés, que deviendra alors notre santé publique ? Son expérience de médecin, puis de parlementaire, le pousse à lui exprimer toutes ses plus vives inquiétudes et à lui poser une seule question : que compte-t-il faire ?

Implantation du troisième aéroport de la région parisienne

1103. - 30 mai 2001. - M. Gérard Cornu souhaite appeler l'attention de M. le Premier ministre sur la date de l'annonce par le Gouvernement de la localisation retenue pour l'implantation de la troisième plate-forme aéroportuaire du bassin parisien. Si l'on s'en tient, en effet, aux échéanciers annoncés, il semble que les schémas de services collectifs seraient adoptés avant que la procédure du débat public préalable au choix du site du troisième aéroport ne parvienne véritablement à son terme et, donc, avant que la décision finale ne soit arrêtée. Cela n'est pas sans poser de réels problèmes en terme d'aménagement du territoire, notamment pour ce qui concerne la finalisation du schéma de services « transports ». Il est évident que la nouvelle plate-forme supposera de nouvelles dessertes terrestres de qualité qu'il faudrait pouvoir prévoir en amont et inscrire dans le cadre précis de ce schéma de services. Il lui demande de bien vouloir lui préciser de façon tout à fait formelle l'ordre dans lequel seront rendues les décisions, de façon à ce qu'elles ne soient pas déconnectées l'une de l'autre, ceci dans un souci d'efficacité et de rationalité.

Application des 35 heures
au secteur de l'alimentation de détail

1104. - 30 mai 2001. - M. Bernard Joly appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les difficultés auxquelles se heurtent les entreprises de détail et en particulier la boucherie et l'hôtellerie-restauration dans la perspective de l'obligation prochaine de l'application de la réduction du temps de travail. Pour ces deux branches professionnelles aucun accord n'est intervenu faute d'avoir trouvé des solutions effectivement applicables. Les entreprises de métiers de bouche comptent en moyenne trois salariés et cette réalité rend inopérants les dispositifs d'aide à la réduction du temps de travail au regard des contraintes spécifiques du secteur. Leur taille et la diversité des postes de travail au sein de la même entreprise permettent rarement de dégager un nombre d'heures suffisant pour créer un emploi même à temps partiel. Par ailleurs, le recours aux groupements d'employeurs est inadapté, le savoir-faire est une acquisition délicate et gardée ; inadaptée également l'annualisation du temps de travail du fait de la concurrence et des comportements et des consommateurs. De plus, ces métiers ne permettent aucun gain de productivité car la valeur ajoutée dépend de la transformation manuelle de tradition qu'ils garantissent et ils ne sont ainsi pas en mesure de créer des activités nouvelles. Enfin, malgré une politique de formation et de promotion, les difficultés de recrutement perdurent. Il lui demande si le ministère de l'emploi et de la solidarité ne pourrait accepter, lorsque les partenaires sociaux en sont d'accord, d'assouplir les mesures et notamment d'autoriser un contingent annuel d'heures supplémentaires sans repos compensateur supérieur à 130 heures d'une part, et d'autre part, de prévoir que la baisse des charges prévues par la loi du 19 janvier 2000 s'applique à toutes les entreprises mettant en application un accord de branche sur la réduction du temps de travail.