SEANCE DU 13 JUIN 2001


M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Bret, pour explication de vote.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen de ce projet de loi portant sur le devenir de l'île de Mayotte fait naturellement suite au processus entamé par le projet de loi d'orientation sur l'outre-mer et celui qui a décidé de l'organisation de la consultation de la population de l'île sur le devenir institutionnel de la collectivité territoriale.
Ni département ni territoire, cet archipel a, depuis vingt-cinq ans, un statut supposé transitoire. Mayotte, comme l'a rappelé M. le rapporteur, notre collègue José Balarello, constituait une curiosité institutionnelle qui ne pouvait pas durer.
Le 27 janvier 2000 a été signé - on l'a dit - l'accord sur l'avenir de Mayotte par les principales forces politiques de l'archipel et par le secrétaire d'Etat à l'outre-mer d'alors, M. Jean-Jack Queyranne. Cet accord a été approuvé par plus de 73 % des suffrages exprimés lors de la consultation de la population. Le présent projet de loi statutaire en reprend les principales orientations.
Les nombreux articles du projet de loi confirment d'ailleurs, en tant que de besoin, la diversité des problèmes et la pertinence des objectifs que nous nous fixons quant à la définition d'un nouvel avenir pour l'île.
Des défis sociaux, culturels et économiques essentiels sont à relever, et l'on peut raisonnablement espérer que la mise en oeuvre des dispositions de ce projet de loi - nous ne pouvons que savoir gré au Gouvernement de l'avoir mené à bien - permettra de les relever.
Je veux simplement souligner ici que la place particulière de l'île, dans une région du monde où la présence de la France n'est pas totalement inexistante, implique que des efforts significatifs soient accomplis dans le cadre de la coopération régionale - vous l'avez rappelé voilà un instant, monsieur le secrétaire d'Etat - et singulièrement pour apaiser durablement les relations avec le voisin le plus proche, la République des Comores.
Dans un environnement marqué par une grande instabilité, par des flux importants de population nourris par des liens familiaux, ethniques et culturels forts, mais aussi par une immigration à finalité économique, ce n'est pas seulement avec le plan Lagon et avec la surveillance des côtes - vous l'avez dit également, monsieur le secrétaire d'Etat - que l'on assurera l'avenir de Mayotte.
Des accords doivent, à notre avis, être recherchés dans les domaines de la coopération culturelle, sanitaire ou économique. Nous ne doutons pas que nombre de Mahorais seront particulièrement attentifs au déroulement des événements et à la réalisation des objectifs mêmes du projet de loi.
Nous voterons donc le présent projet de loi, en appelant à la vigilante bienveillance de la collectivité nationale à l'égard de la population de l'île, de ses espoirs, de ses potentiels, même si nous mesurons que les réponses que nous apportons aujourd'hui dans le cadre d'une collectivité départementale - vous avez dit, avec raison, monsieur le secrétaire d'Etat, que c'était un point de départ et non un point d'arrivée - nécessiteront certainement, demain, d'autres prolongements, d'autres évolutions, y compris statutaires.
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. Je veux d'abord dire à notre excellent rapporteur et ami José Balarello combien nous devons le remercier d'avoir su nous présenter des conclusions claires dans un rapport minutieux où s'exprime sa connaissance approfondie du sujet, connaissance acquise grâce à une mission exemplaire et au prix d'un accident personnel dont les conséquences auraient pu devenir graves. Nous lui souhaitons donc, de tout coeur, un complet rétablissement.
Bien entendu, nous sommes attachés à voir l'heureux aboutissement du statut de Mayotte. D'abord, parce qu'il s'agit, comme l'indiquait notre excellent collègue M. Béteille, d'un statut « sur mesure », comme le souhaite le Président de la République, c'est-à-dire d'un statut adapté aux réalités comme aux besoins locaux. Ensuite, parce que, en accueillant Mayotte dans la République, nous répondons à l'attente de la grande majorité de la population locale.
Le groupe du Rassemblement pour la République restera donc très vigilant sur l'application de cette reconnaissance institutionnelle. Il veillera également à ce que les choses puissent encore évoluer.
Il faudra, en effet, ne pas négliger l'importance de l'immigration clandestine en provenance des archipels voisins, afin qu'elle ne devienne pas une véritable menace.
Il n'apparaît pas non plus illégitime de prévoir, dans le temps, une meilleure adaptation aux lois de la République.
Cela étant dit, en toute conscience des progressions qui seront nécessaires, le groupe du Rassemblement pour la République votera le projet, tel que nous le proposent notre commission des lois et son excellent rapporteur. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Henry.
M. Marcel Henry. J'ai longuement expliqué, dans mon intervention liminaire, les raisons pour lesquelles je voterai contre ce projet de loi, et il est important pour moi qu'il soit bien mentionné que le sénateur de Mayotte a voté ainsi.
Je donne en effet à ce vote le caractère d'un message que je destine à la génération des jeunes de Mayotte - je sais qu'ils sont nombreux - qui voudraient poursuivre le combat mené par leurs parents et leurs grands-parents.
Je veux qu'ils puissent trouver trace dans les travaux du Sénat que le sénateur de Mayotte a émis un vote de refus, pour signifier qu'il ne renonce pas à l'objectif, visé par plusieurs générations de Mahorais, que Mayotte devienne, à la fin, un département français d'outre-mer. (M. Serge Franchis applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Marcel Henry. Je vote contre !

(Le projet de loi est adopté.)
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en conclusion de ces débats, je veux saluer très brièvement le vote presque unanime que vous venez d'exprimer. C'est, pour Mayotte, je le crois, un événement majeur de son histoire.
Mayotte - M. Henry a eu raison de le dire à plusieurs reprises - avait été quelque peu négligée depuis des décennies. Mais le Parlement vient, en quelques semaines, de démontrer que Mayotte n'était pas une île oubliée au sein de la République, bien au contraire.
Lorsque les élus se rassemblent pour discuter dans la sérénité, comme cela a été fait avec M. Queyranne puis avec moi-même - vous y avez participé, monsieur Henry - et lorsque la population est associée au processus et qu'elle le valide, il est possible de faire avancer substantiellement les choses. Nous en faisons aujourd'hui la démonstration.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, les engagements pour Mayotte sont tenus. Ils sont tenus de façon irréversible, monsieur Henry, avec la loi habilitant le Gouvernement à intervenir par ordonnances en matière sociale - cette loi est aujourd'hui parue au Journal officiel de la République - et avec le texte que vous venez de voter et qui entrera en vigueur au 1er janvier 2002.
Mayotte a désormais les meilleures armes pour se bâtir, en pleine responsabilité, un très bel avenir au sein de la République. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, le Sénat va interrompre ses travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)