SEANCE DU 3 DECEMBRE 2001


SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

1. Procès-verbal (p. 0 ).

2. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 1 ).

Equipement, transports et logement

V. - tourisme (p. 2 )

Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial de la commission des finances ; MM. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Paul Dubrule, Claude Biwer, Mme Evelyne Didier, MM. Jean Besson, Bernard Plasait, Jacques Pelletier, Joseph Ostermann.
M. Jacques Brunhes, secrétaire d'Etat au tourisme.

Crédits du titre III. - Vote réservé (p. 3 )

Crédits du titre IV (p. 4 )

MM. Paul Vergès, Pierre Hérisson, le secrétaire d'Etat.
Vote des crédits réservé.

Crédits des titres V et VI. - Vote réservé (p. 5 )

I. - services communs

II. - urbanisme et logement (p. 6 )

MM. Jacques Pelletier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement ; Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement.
MM. Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'urbanisme ; Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour le logement ; Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le logement social ; Mme le secrétaire d'Etat.
M. Pierre Hérisson, Mme le secrétaire d'Etat.
Mmes Odette Terrade, le secrétaire d'Etat.
M. André Vezinhet, Mme le secrétaire d'Etat.
M. Marcel-Pierre Cleach, Mme le secrétaire d'Etat.
M. Yvon Collin, Mme le secrétaire d'Etat.

Suspension et reprise de la séance (p. 7 )

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

M. Joseph Ostermann, Mme le secrétaire d'Etat.
M. Yves Dauge, Mme le secrétaire d'Etat.
M. Ladislas Poniatowski, Mme le secrétaire d'Etat.
M. Henri de Richemont, Mme le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Schosteck, Mme le secrétaire d'Etat.

Crédits des titres III à V. - Vote réservé (p. 8 )

Crédits du titre VI (p. 9 )

M. Ladislas Poniatowski, Mme le secrétaire d'Etat.
Vote des crédits réservé.

Suspension et reprise de la séance (p. 10 )

III. - transports et sécurité routière

Transports terrestres .

Routes et sécurité routière
(p. 11 ).
MM. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances pour les transports et l'intermodalité ; Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances pour les routes et la sécurité routière ; Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.
MM. Bernard Joly, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les transports terrestres ; Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les routes et les voies navigables ; le ministre, Jacques Oudin, rapporteur spécial.
Mme Marie-France Beaufils, M. le ministre.
MM. Daniel Reiner, le ministre.
MM. Gérard Longuet, le ministre.
MM. François Gerbaud, le ministre.
Mme Gisèle Gautier, M. le ministre.
MM. Jean-Pierre Demerliat, le ministre.
MM. Eric Doligé, le ministre.
Vote des crédits réservé.

III. - transports et sécurité routière (suite)

3. Aviation et aéronautique civiles.

Budget annexe de l'aviation civile (p. 12 )

MM. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances ; Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour l'aviation civile et le transport terrestre ; Paul Raoult, Ladislas Poniatowski, François Gerbaud.

Suspension et reprise de la séance (p. 13 )

3. Election d'un sénateur (p. 14 ).

4. Loi de finances pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi (p. 15 ).

Equipement, transports et logement

III. - transports et sécurité routière

3. Aviation et aéronautique civiles.

Budget annexe de l'aviation civile (suite) (p. 16 )

M. Jean-Paul Virapoullé, Mme Marie-France Beaufils, M. Roger Karoutchi.

Suspension et reprise de la séance (p. 17 )

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Crédits du titre III. - Vote réservé (p. 18 )

Crédits du titre IV (p. 19 )

Mme Hélène Luc, M. le ministre.
Vote des crédits réservé.

Crédits du titre V (p. 20 )

M. Jean-Philippe Lachenaud.
Vote des crédits réservé.

Crédits du titre VI. - Vote réservé (p. 21 )

budget annexe de l'aviation civile (p. 22 )

Crédits figurant à l'article 33. - Rejet (p. 23 )

Crédits figurant à l'article 34 (p. 24 )

Amendement n ° II-59 rectifié du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial. - Adoption.
Rejet des crédits.

IV. - mer (p. 25 )

MM. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances ; Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Rodolphe Désiré, Jacques Oudin, Gérard Le Cam, Paul Raoult.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Crédits du titre III (p. 26 )

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.
Rejet des crédits.

Crédits des titres IV à VI. - Rejet (p. 27 )

Article 73 (p. 28 )

Amendement n° II-61 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 73 (p. 29 )

Amendement n ° II-60 de M. Charles Revet. - MM. Charles Revet, le ministre, le rapporteur spécial. - Retrait.

5. Dépôt d'une proposition de loi (p. 30 ).

6. Ordre du jour (p. 31 ).



COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

LOI DE FINANCES POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002 (n° 86, 2001-2002), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 87 (2001-2002).]

Equipement, transports et logement

V. - TOURISME

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement : V. - Tourisme.
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le secrétaire d'Etat au tourisme, la commission des finances et l'ensemble des sénateurs, et des sénatrices, sont heureux de vous souhaiter la bienvenue au Sénat.
Nous vous connaissons et nous savons que vous mettrez autant de dévouement et de détermination en faveur d'une bonne politique du tourisme que vous en avez manifesté pour défendre les populations d'Ile-de-France, les finances communales et une politique de progrès au Parlement.
Nous voudrions également saluer, pour son travail, notre amie Michèle Demessine qui, avec esprit conquérant et même enthousiasme, a contribué à faire de notre tourisme le premier du monde. Michèle Demessine retrouve sa place ici. Nous lui souhaitons également un bon retour parmi nous.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne voudrais pas consacrer le temps qui m'est imparti à un simple résumé oral d'un rapport écrit dont tous ceux qui le souhaitent peuvent prendre connaissance. Permettez-moi plutôt de vous alerter et de vous interroger sur quelques sujets qui sont également susceptibles de vous fournir l'occasion de préciser vos crédits pour 2002 et de nous éclairer sur les positions du Gouvernement.
Ma première question est simple. L'année 2001 a été, sur les huit premiers mois, tout au moins, une bonne année pour le tourisme en France, la maintenant toujours, et de très loin, au rang de première nation destinataire mondiale.
Les récents événements internationaux ont une influence sur le tourisme. C'est un constat.
Dans le monde, tout d'abord, avant septembre, la baisse de l'activité était de 3 % à 4 %. Une prévision supplémentaire de baisse de 2 % est envisagée. Confirmez-vous cette analyse, monsieur le secrétaire d'Etat ? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi la France, qui n'a pas connu le premier choc, connaîtra le second ?
La commission des finances estime que cette nouvelle baisse sera comprise entre 5 % et 10 %, surtout en raison des liaisons entre la France et les Etats-Unis. Le taux de remplissage du Concorde, qui vient d'être remis en service, est là pour nous le démontrer, lui qui est aujourd'hui compris entre 20 % et 30 %.
Nous sommes étonnés du refus de la Commission européenne de prendre des mesures immédiates et spécifiques pour aider les pays européens à résister à la baisse d'activité.
La Commission européenne travaille, dit-elle, en faveur d'une reprise d'activité pour le second semestre de 2002. Nous nous en félicitons, mais cette action ne passe-t-elle pas par des initiatives et des mesures immédiates ? A défaut, si de telles mesures ne sont pas prises rapidement, on peut s'attendre au déclenchement de licenciements au début de l'année 2002.
Pour l'instant, ce sont les offres d'emplois qui diminuent. C'est donc maintenant qu'il faut intervenir pour que la phase des licenciements ne s'inscrive pas dans la suite logique de la baisse des offres. Nous constatons une situation de récession dans les agences de voyages, chez les tour-opérateurs et les autocaristes. Nous assistons également à des rapprochements qui risquent d'entraîner des restructurations et des rachats, dont on sait, par expérience, qu'ils se traduisent trop souvent par un recul de l'emploi.
Nous préférons les mesures prises par le Gouvernement et annoncées par le Premier ministre, le 17 octobre, lors d'un discours de clôture prononcé devant l'assemblée générale du Conseil national du tourisme.
Les entreprises touchées par une baisse d'activité pourront déposer des dossiers auprès des services de l'Etat pour un examen bienveillant, notamment pour ceux qui illustreront des cas de difficultés financières immédiates.
Un crédit supplémentaire de 30 millions de francs a été alloué à Maison de la France, dont on connaît les potentialités pour inciter les touristes étrangers à venir plus nombreux dans notre pays.
Ne faut-il pas également constituer un observatoire pour se donner les moyens de maîtriser les évolutions de l'emploi en matière de tourisme ? Des actions en amont permettraient d'intervenir rapidement et de ne pas laisser se dégrader la situation quelle qu'elle soit.
Ma deuxième question porte sur le fait que, malgré les nombreuses mesures prises en faveur du secteur du tourisme social, 40 % de nos compatriotes ne partent toujours pas en vacances. Les jeunes sont particulièrement concernés.
Cette année, l'assemblée générale du Conseil national du tourisme, à laquelle vous participiez, monsieur le secrétaire d'Etat, a consacré une partie de ses travaux à ce problème. Le débat a été très riche, mais l'attente est grande.
Les crédits du secrétariat d'Etat au tourisme ont permis, ces trois dernières années, quelques avancées.
Depuis 1999, il existe une coordination. Cette année, le soutien prévu sera en augmentation de 12 %, soit 2,8 millions d'euros, contre 2,5 millions d'euros en 2001.
Le budget de la bourse solidarité vacances devrait permettre à 20 000 personnes de partir en vacances.
Les aides à la personne sont complétées par une aide à un programme de consolidation des équipements de tourisme social qui prendra le relais du plan « patrimoine ».
Une mesure nouvelle et extrêmement positive élargit le bénéfice des chèques-vacances aux salariés des PME-PMI, donc de moins de cinquante salariés. Elle peut se révéler très efficace pour gommer une discrimination désormais inadaptée à une pratique sociale. Ne pensez-vous pas qu'il faille aller plus vite et plus fort pour favoriser un nouveau recul du non-respect du droit aux vacances ?
Ma troisième question portera sur la nécessité de mieux répartir les touristes sur l'ensemble du territoire puisque, à l'heure actuelle, 80 % des activités sont concentrées sur 20 % du territoire.
Cette inégalité, cette inefficacité sont à corriger.
La diversification des aides n'est-elle pas la première série de mesures à prendre ? Tourisme littoral, tourisme rural, tourisme de montagne, mais aussi tourisme culturel, thermal, fluvial, sportif, tourisme d'affaires doivent faire l'objet de crédits, mais à partir d'analyses spécifiques.
Le contrat de plan 2001-2006 prévoit 203 millions d'euros, soit quatre fois plus que les 52 millions d'euros du contrat de plan précédent. Il s'agit d'une décision très positive, tout comme le sont les thèmes, par ailleurs intéressants et innovants, concernant la qualité des hébergements touristiques, la mise en valeur du patrimoine culturel et national, l'observatoire des régions et l'adaptation des entreprises au marché.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ne faudrait-il pas de nouveaux textes pour aider davantage ces villes et ces villages de la France profonde qui attendent des appuis plus concrets ?
Je voudrais également vous interroger sur les suites que vous entendez donner à la mise en place du programme adopté à la suite du rapport Le Pors consacré à la situation des travailleurs saisonniers du tourisme.
Sur la question du logement, je crois que nous avons avancé, mais il en reste bien d'autres, qui concernent tous les droits des salariés ; je pense à la pérennisation des contrats de travail, à la représentation des personnels, à l'accès à la médecine, à la formation et à l'information.
Le budget qui nous est soumis est-il assez audacieux en la matière ?
Je voudrais, pour conclure, faire une observation au nom de la commission des finances à propos du retard pris dans la consommation des crédits, quand il n'y a pas absence totale de consommation.
Pour les dépenses ordinaires, le taux de consommation est de 83,70 % en 2000, contre 94,99 % en 1999.
Pour les dépenses en capital, plus difficiles à apprécier, le taux est nettement inférieur encore.
Le budget que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'Etat, peut se révéler efficace, à condition que nous surmontions les conséquences des événements internationaux qui affectent la venue des touristes étrangers.
Il doit se montrer encore plus efficace pour permettre de franchir le seuil de 40 % que je citais tout à l'heure, afin que tous nos compatriotes, les jeunes surtout, puissent réellement jouir du droit aux vacances.
Comme les années précédentes, la commission des finances du Sénat, rejetant les crédits de votre département ministériel de tutelle, le ministère de l'équipement des transports et du logement, n'a pas adopté vos crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. M. Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi tout d'abord d'avoir une pensée cordiale pour votre prédécesseur, Mme Demessine, et de vous souhaiter, au nom de la commission des affaires économiques, la bienvenue.
L'examen attentif du budget du tourisme permet d'en retirer quelques motifs de satisfaction.
Je salue ainsi bien volontiers le succès de nombre de vos actions qui s'inscrivent dans la mise en oeuvre du droit aux vacances pour tous.
Parmi les réalisations, il faut citer le succès toujours aussi grand du groupement d'intérêt public Bourse solidarité vacances, qui a permis, en 2001, de collecter près de 20 000 offres de séjour en faveur de populations très défavorisées.
Il faut également se féliciter du lancement, en mai dernier, du label « Tourisme et handicap ». L'intérêt de cette opération résulte du partenariat effectif entre les associations représentant les personnes handicapées et les professionnels du tourisme.
Il faut encore souligner l'effet très positif du programme de consolidation de l'équipement du tourisme social, arrêté par le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire du 9 juillet 2001, qui succède au programme de rénovation du parc immobilier du tourisme social mené de 1990 à 2001. Ce nouveau programme devrait permettre la rénovation de trois cent cinquante établissements pour un montant total de 182,93 millions d'euros, mais les crédits de paiement pour 2002 ne s'élèvent qu'à 2,15 millions d'euros, ce qui peut paraître faible.
A propos d'aménagement du territoire, je relève avec satisfaction que le cadre réglementaire pour la rénovation de l'immobilier de tourisme est enfin achevé. Des opérations pilotes vont être menées par le secrétariat d'Etat au tourisme, la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale - DATAR -, et la Caisse des dépôts et consignations, sur une dizaine de sites en 2001.
Enfin, il convient de se féliciter de la décision du Gouvernement de proroger jusqu'en 2004 l'aide fiscale à l'investissement en faveur des résidences de tourisme situées en milieu rural.
Mais, au-delà de ces points positifs, qu'il convenait de relever, la commission des affaires économiques s'est montrée très inquiète de l'absence de réponse structurée et globale, pourtant indispensable pour renforcer voire développer notre offre touristique.
En effet, malgré les résultats très flatteurs de l'activité touristique en France, quelques chiffres et certaines évolutions témoignent d'une relative fragilité de la croissance de ce secteur, fragilité qu'il convient de ne pas perdre de vue à l'heure où la concurrence internationale s'amplifie avec un succès certain.
Ainsi, en termes de recettes, la France se classe toujours en troisième position derrière les Etats-Unis et l'Espagne.
En 2000, et contrairement à ce qui a été constaté en 1999, la croissance du nombre de séjours effectués en France est presque deux fois inférieure à celle qui est enregistrée au niveau mondial ou européen.
Enfin, la vague d'attentats du 11 septembre dernier a et aura un effet certain sur l'activité touristique, effet dont il faut tenir compte pour proposer des mesures compensatoires éventuelles.
Il est à craindre que les seules mesures ponctuelles annoncées par le Gouvernement ne suffisent pas à éviter des licenciements, notamment dans le secteur des agences de voyage.
Face à cela, la réponse des pouvoirs publics manque de pespectives à moyen terme.
Ainsi, les crédits de l'Agence française de l'ingénierie touristique sont simplement reconduits par rapport à 2001, ce qui bride le développement de cet organisme. C'est regrettable, car les élus et les acteurs de terrain ressentent le besoin de son assistance et de ses conseils.
En ce qui concerne la promotion de la France à l'étranger, il faut, certes, se féliciter de l'important effort de réorganisation mené par le GIE Maison de la France, notamment dans l'emploi des nouvelles technologies, mais les crédits budgétaires sont simplement reconduits et il n'y a pas de réflexion prospective sur la recherche de nouveaux partenariats ou la mise en place de conventions pluriannuelles permettant de définir des objectifs de développement à moyen terme.
En outre, sur la mise en oeuvre du volet « tourisme » des contrats de plan, les dotations budgétaires sont, sur les trois années écoulées, largement inférieures aux montants annuels qui permettraient de respecter les engagements de l'Etat.
Plus généralement, et c'est ce qui a retenu toute l'attention de la commission des affaires économiques, monsieur le secrétaire d'Etat, on ne peut qu'être très réservé sur les conditions de mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans le secteur de l'hôtellerie.
Le refus unanime de l'interprofession, en juillet 2001 puis en octobre dernier, de l'extension de l'accord conclu en juin 2001 entre seulement deux organisations professionnelles et deux syndicats illustre la très grande difficulté à mettre en place un mécanisme concerté de réduction du temps de travail.
Cet accord est rejeté pour ce qu'il méconnaît la fragilité économique de la petite et moyenne hôtellerie. L'ensemble de la profession considère comme impossible d'imposer, étalée sur quatre ou cinq ans, une réduction de huit heures du temps de travail hebdomadaire. En outre, elle est très réservée sur la réalité des engagements pris par le Gouvernement pour accompagner la réduction du temps de travail en cas d'extension de l'accord.
Comme l'ont souligné mes collègues, la mise en place « à marche forcée » de la réduction du temps de travail risque de désorganiser, à moyen terme, le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, et donc l'offre touristique, qui ne pourra plus répondre correctement à la croissance attendue de la demande. On aurait pu ainsi imaginer qu'un plan global de formation accompagne une démarche adaptée de réduction du temps de travail.
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d'Etat, la commission des affaires économiques a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés au budget du tourisme dans le projet de loi de finances pour 2002.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 15 minutes ;
Groupe socialiste, 13 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 8 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 6 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Dubrule.
M. Paul Dubrule. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, deux lectures sont possibles du budget du tourisme. La première est de considérer ce budget comme ridiculement faible, avec moins de 0,5 milliard de francs, soit 0,03 % du budget de l'Etat. La seconde lecture est de tenir ce budget pour exemplaire : avec moins de 0,5 milliard de francs, il rapporte en effet à la France près de 100 milliards de francs de balance positive. C'est énorme ! Le secteur du tourisme, avec ces 100 milliards de francs, rapporte plus que l'agroalimentaire - 50 milliards de francs - ou l'automobile - 61 milliards de francs.
Mais revenons à ce « petit » budget.
Si l'on voulait s'accrocher aux chiffres, je ferais constater que ce budget est officiellement en augmentation de 2,3 % par rapport à l'an dernier ; mais il est en fait en diminution de 0,5 % par rapport à la loi de finances pour 2001, si l'on prend en compte des crédits non reconductibles de cette dernière année. Comme le souligne fort justement le rapporteur spécial Mme Beaudeau : « Convenons que dans le contexte qui s'annonce difficile pour le tourisme, aujourd'hui et à moyen terme, cette baisse apparaît préoccupante. » J'ajouterai que si un petit budget efficace me convient fort bien, sa modestie doit avoir pour corollaire la capacité de faire un effort substantiel en cas d'événement majeur comme celui dont nous vivons les conséquences depuis le 11 septembre. Dès lors, 150 millions, voire 200 millions de francs supplémentaires pour sauver 100 milliards de francs seraient un investissement pertinent, et non pas les 30 millions de francs dont il est question et dont je reparlerai.
Mais ce qui me semble préoccupant, c'est que ce budget est révélateur des dysfonctionnements et de l'inertie de l'Etat.
Tout d'abord, il faut noter la sophistication des textes, ou, pour le dire autrement, comment les bonnes intentions de politique sociale ont produit l'effet inverse de celui qui était recherché.
J'évoquerai à ce propos le cas des chèques-vacances. Malgré la mise en garde des parlementaires, le Gouvernement a tellement compliqué la réforme des conditions d'attribution des chèques-vacances que le résultat de cette année est probant : alors que 66,7 % des Français partaient en 1997, ils n'étaient que 65,1 % en 2000. On peut se demander s'il s'agit là de l'effet conjugué des 35 heures et de l'extension des chèques-vacances ! Compte tenu des résultats obtenus par un « émetteur à caractère public » détenant le monopole des émissions de chèques-vacances, on peut s'interroger aussi sur la pertinence du maintien de ce monopole.
Il faut ensuite souligner les effets d'annonce, qui sont souvent des hypothèques sur l'avenir. Il en est ainsi, toujours dans le domaine social, du nouveau programme de consolidation des hébergements du tourisme social, qui a pour ambition de rénover 350 établissements avant 2006, avec une participation de 180 millions de francs du secrétariat d'Etat. En réalité, seulement 14 millions de francs sont inscrits cette année, ce qui laisse à une autre législature le soin de répartir les 166 millions de francs manquants sur quatre ans, soit 41,5 millions de francs en moyenne par année.
Les 30 millions de francs annoncés par le Premier ministre pour relancer le tourisme ne figurent pas dans ce budget. Il faut souhaiter que ces crédits ne résultent pas d'un redéploiement des moyens de Maison de la France, qui devrait alors renoncer de nouveau à des opérations déjà programmées et bien nécessaires.
Il faut également observer l'autosatisfaction qui se manifeste. La façade touristique est belle, mais l'intérieur nécessite des travaux d'urgence. Certes, nous sommes toujours le premier pays par le nombre de visiteurs accueillis, mais nous ne nous classons qu'au troisième rang au regard des recettes. Voilà dix ans, l'Espagne et l'Italie se situaient derrière nous ; aujourd'hui, l'Espagne nous a devancés, et l'Italie nous rattrape.
La progression du nombre de touristes étrangers, qui était de 4,3 % en 1999, a chuté à 3,5 % en 2000, alors même que l'effet du 11 septembre ne se faisait pas encore sentir. Ce n'est plus : « Nous sommes les meilleurs », mais : « Il y a urgence à corriger certains de nos défauts ! »
Je soulignerai par exemple la carence de l'Etat dans ses missions essentielles, comme la sécurité.
Le succès du tourisme, c'est aussi l'addition de détails, de sensations et de réputation. Dans ce domaine, nous sommes sur la mauvaise pente. Des touristes qui se sentent en insécurité ; des pays concurrents qui se servent de cet argument pour mettre en garde les voyageurs contre l'insécurité en France, en s'appuyant sur des chiffres fournis par leurs ambassades et consulats : c'est un lent et pernicieux travail de sape qui fera sentir ses effets quand il sera trop tard.
C'est maintenant qu'il faut réagir, et c'est à l'Etat de le faire. Comme l'a écrit justement un journaliste dans un quotidien économique, Les Echos, « on éprouve de la honte d'apprendre qu'à leur arrivée les touristes japonais en France reçoivent désormais de leur ambassade un dépliant pour les mettre en garde, les femmes en particulier, contre les multiples agressions, escroqueries, larcins, vols à la tire, filouteries en tout genre auxquels ils sont exposés. En 2000, les délits dont ils ont fait l'objet ont augmenté de 65 % ».
La carence de l'Etat dans son rôle de patron et de fournisseur se traduit par l'absence de résultats des négociations, voire l'absence de négociations. Ainsi, l'Etat « fournisseur de sites à visiter » est défaillant. Le contrat n'a pas été rempli pour des millions de touristes qui n'ont pu accéder, pendant quasiment un mois, au Louvre, à Versailles, à Orsay, au centre Pompidou, aux tours de La Rochelle, à de nombreux sites en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, tels Glanum, près d'Arles, et Le Thoronet, dans le Var, bien que ces mêmes touristes aient acquitté avant leur arrivée dans notre pays leurs forfaits de voyage « clé en main » et qu'ils aient maintenu leur séjour malgré la psychose des attentats.
L'Etat pourra investir dans des campagnes coûteuses pour tenter d'effacer des milliers de témoignages d'étrangers qui ont raconté comment une poignée de personnes - à peine 19 sur 1 800 -, au Louvre, le 24 octobre dernier, ont gâché leur séjour.
L'Etat est encore défaillant quand, pour les mêmes raisons de mauvais dialogue social ou d'obscures manoeuvres politico-syndicales incompréhensibles pour des étrangers, les touristes sont privés des moyens de se déplacer librement dans notre pays. On peut investir pour construire et promouvoir des TGV et des avions performants, si toutes ces merveilles sont inutilisables dès qu'un week-end prolongé ou un départ en vacances arrive !
La carence de l'Etat en matière de formation est, me semble-t-il, la plus grave. En effet, elle hypothèque l'avenir de la profession et prive les jeunes d'un accès à une profession qui est un véritable escalier social. Deux BTS en tourisme ont été créés mais les formations supérieures n'ont pas été réadaptées à l'évolution. Ces formations sont « noyées » dans l'énorme budget de l'éducation nationale sans que l'on puisse les évaluer clairement.
Ce déficit de formation a une incidence importante sur les difficultés d'application des 35 heures, qui sont, pour de nombreuses entreprises hôtelières à caractère familial, la complication de trop qui va les contraindre à jeter l'éponge. Le refus de la profession d'instaurer les 35 heures est l'illustration de la grande difficulté que l'on éprouve à mettre en place la réduction du temps de travail « à marche forcée » et sans concertation préalable.
Ensuite, l'Etat se dérobe devant les sujets qui fâchent, comme l'harmonisation des taux de TVA dans la restauration traditionnelle. Il maintient une TVA injuste en s'abritant derrière l'Europe, alors même que c'est en comparaison avec nos partenaires européens que se font les distorsions de concurrence ! C'est un manque de volonté.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous l'aurez compris, plus qu'un budget, plus que des chiffres à aligner, le tourisme relève d'un état d'esprit, et le secrétaire d'Etat au tourisme doit être un véritable coordonnateur interministériel. C'est pourquoi mes critiques ne sont pas destinées à notre collègue Mme Demessine, qui a occupé cette fonction brillamment et avec compétence. La seule divergence que j'aie eue avec elle avait porté sur la réduction du temps de travail, mais elle n'a pas obtenu, malgré son engagement et son talent, la réduction de la TVA sur la restauration.
Si la France envisage d'accueillir deux fois plus de touristes d'ici à vingt ans, si nous voulons rester les premiers dans ce domaine, nous devons aujourd'hui développer une politique ambitieuse pour le tourisme en France. Cette politique doit avoir pour socle le développement durable, qui prend en compte à la fois la protection de l'environnement et le développement des ressources humaines, dont la formation est la clef ; sans oublier l'aménagement du territoire, la culture, les transports, la fiscalité. Sur chacun de ces points, le secrétaire d'Etat au tourisme doit peser de tout son poids, et ce n'est pas parce que le budget de votre département est petit que le Gouvernement ne doit pas vous écouter. La démarche suivie n'est pas satisfaisante, et c'est pourquoi notre groupe votera contre les crédits proposés pour ce budget. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les tragiques événements du 11 septembre 2001 ne manqueront sans doute pas d'avoir des répercussions défavorables sur l'industrie touristique de notre pays.
Je ne suis pas certain que, compte tenu de sa grande faiblesse, le budget que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat, soit en mesure de faire face aux conséquences, hélas ! tout à fait prévisibles, de ces événements : d'ores et déjà, l'on constate une importante baisse de l'activité des transporteurs aériens, des voyagistes, des hôteliers. Rappelons qu'en 2000 ce secteur contribuait pour 92 milliards de francs à l'excédent de notre balance des paiements.
Permettez-moi en tout premier lieu, monsieur le secrétaire d'Etat, de vous interroger sur les suites que vous comptez réserver au rapport présenté par notre collègue Marie-Claude Beaudeau, relatif au fonctionnement de Maison de la France. Il apparaît notamment que celle-ci est très largement sous-dotée, comparée aux structures similaires existant dans les pays concurrents.
Par ailleurs, je souhaiterais attirer votre attention sur un certain nombre de sujets qui me préoccupent, notamment les chèques-vacances, les emplois-jeunes et les 35 heures, ainsi que sur l'aspect touristique tel que le connaît mon département.
En ce qui concerne les chèques-vacances, le Gouvernement a fait adopter un texte qui visait à étendre ce dispositif aux salariés des PME. Le Sénat avait, de son côté, marqué sa préférence pour la généralisation des systèmes à l'ensemble des salariés.
Or le conseil d'administration de l'Agence nationale pour les chèques-vacances, tirant les enseignements d'une année d'application de cette réforme, a, en quelque sorte, tiré la sonnette d'alarme :
« Vis-à-vis de la clientèle ciblée, la loi paraît trop limitative et complexe. Pour les entreprises de moins de cinquante salariés, ce sont plus de 50 % des salariés qui n'ont pu bénéficier du chèque-vacances.
« L'effet d'éviction est important : dans les entreprises de plus de cinquante salariés, 20 % de ceux qui en bénéficiaient en ont été exclus, notamment les foyers avec enfants et les foyers monoparentaux. »
Voilà une réforme, monsieur le secrétaire d'Etat, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle n'a pas véritablement répondu à l'attente des salariés. Dans la vie, chacun doit savoir reconnaître ses erreurs, et le Gouvernement serait bien inspiré de nous présenter dans les meilleurs délais un projet de loi visant à « réformer la réforme », de manière que le plus grand nombre possible de salariés puisse bénéficier de ces avantages.
J'évoquerai maintenant les emplois-jeunes et les 35 heures.
Les associations et les collectivités qui ont engagé des emplois-jeunes dans le secteur touristique sont dans une grave incertitude quant à la pérennité du financement de ces postes pour les années à venir, le caractère souvent insuffisamment formateur et trop peu qualifiant de ces contrats les rendant, malheureusement, précaires.
Les entreprises de l'industrie touristique ont, de leur côté, créé jusqu'à 30 000 emplois nouveaux par an au cours des dernières années, grâce à la reprise économique ; des créations massives d'emplois se sont également produites dans de nombreux autres secteurs du privé.
Le caractère très particulier des entreprises à vocation touristique aurait dû conduire le Gouvernement à dégager des moyens, non pas pour financer de nouveaux emplois publics, mais pour soutenir ces entreprises, seules à même de créer de véritables emplois durables.
J'ajoute que l'application des 35 heures pose déjà, en règle générale, de graves problèmes, notamment aux PME, mais, s'agissant du secteur touristique, elle risque de conduire certains établissements à fermer plusieurs jours dans la semaine ou, à tout le moins, à ne pas pouvoir fonctionner de façon optimale, ce qui, vous en conviendrez, n'est guère encourageant.
Or le marché n'est pas suffisamment porteur pour permettre des embauches supplémentaires. De plus, il ne faut pas perdre de vue que le touriste attache beaucoup d'importance au contact humain direct et continu avec les mêmes équipes, ce qui s'avère impossible avec les 35 heures.
S'agissant de la restauration traditionnelle, je souhaite moi aussi attirer votre attention sur les conséquences désastreuses du choix, fait par le Gouvernement, de ne pas baisser le taux de la TVA s'appliquant à ce secteur d'activité : outre les distorsions de concurrence que chacun s'accorde à reconnaître, ce choix a pour effet de décourager les restaurateurs d'investir et de créer des emplois, ce qui est fort regrettable.
Il m'apparaît donc urgent que le Gouvernement reconsidère ses positions sur la TVA, le taux réduit ne devant pas encourager les seules entreprises bas de gamme et la restauration rapide. Certains restaurateurs du milieu rural, dont la clientèle est peu dense, ont de plus en plus recours à l'achat de plats cuisinés, ce qui est dommageable, car la restauration traditionnelle se perd.
Le département de la Meuse dispose quant à lui de grandes ressources environnementales qu'il tente de mettre en valeur, telles les bases de loisirs de Madine et de Marville. Ces plans d'eau sont un complément utile à nos rivières dont la qualité contribue au plaisir de la pêche, dans un environnement généreux, où la nature garde tous ses droits. Promeneurs et chasseurs savent l'apprécier.
Le tourisme à vocation militaire, ce tourisme de mémoire dont on parle depuis un certain temps, doit pouvoir se développer dans les secteurs de Bar-le-Duc, de Montmédy et de Verdun, qui ont payé un lourd tribut dans les conflits du siècle dernier. En particulier à Verdun, siège du centre mondial de la paix, une action politique volontariste exceptionnelle s'impose pour améliorer encore l'image d'exemplarité de cette ville tournée vers la réconciliation des peuples.
Notre secteur rural dispose par ailleurs de richesses archéologiques que les collectivités entretiennent à grands frais. Mais la multiplication des exigences administratives et architecturales, souvent sans contrepartie financière, décourage les élus les plus actifs et les plus dynamiques. Les normes d'hygiène et de sécurité qui se superposent imposent aux centres d'accueil, aux collectivités comme aux enteprises privées du secteur des activités de loisir des charges considérables souvent difficiles à supporter. Aussi m'apparaît-il utile de reconsidérer ces exigences qui perturbent tout esprit d'initiative.
Par ailleurs, il serait tout à fait souhaitable de rétablir la qualification de communes touristiques, à laquelle les villes de Bar-le-Duc, de Verdun et de Montmédy, comme d'autres, pourraient assurément prétendre. Cette qualification encouragerait les élus à redoubler d'efforts afin de développer des actions qualitatives mais elle devrait s'accompagner du versement aux communes d'une véritable dotation touristique, indépendante, si nécessaire, de la dotation globale de fonctionnement.
Telles sont, monsieur le secrétaire d'Etat, les observations que je voulais formuler à l'occasion de l'examen de votre projet de budget, lequel n'est malheureusement pas de nature à rassurer les professionnels d'un secteur d'activité pourtant dynamique mais très fragilisé par les événements.
M. le président. La parole est à Mme Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, mes chers collègues, je me permets de souhaiter, à mon tour, la bienvenue à M. le secrétaire d'Etat au tourisme, M. Jacques Brunhes, dans notre Haute Assemblée.
Il n'est pas possible d'examiner les crédits du secrétariat d'Etat au tourisme sans avoir présent à l'esprit le chemin accompli depuis le début de la présente législature : sous l'impulsion de mon amie Michelle Demessine, une action volontaire et décisive a permis de dégager les orientations d'une nouvelle politique du tourisme, porteuse d'avenir pour notre pays et ses habitants.
Avant tout, rappelons l'attractivité de notre pays, qui confirme sa place de première destination touristique au monde. L'industrie touristique représente actuellement 7 % du produit intérieur brut de la France et deux millions d'emplois, directs ou indirects. Ses perspectives d'évolution pour l'avenir sont très favorables.
Toutefois, un troisième rang mondial au niveau des recettes devrait nous conduire à tempérer notre optimisme. Nous avons encore des progrès à accomplir afin de retenir davantage les visiteurs, dont certains ne font que passer.
Les attentats et le naufrage de l' Erika doivent par ailleurs nous rappeler que nous vivons dans un monde fait d'incertitudes et que le rôle des pouvoirs publics est d'aider la filière touristique à faire face aux conséquences de ces événements dramatiques. C'est d'ailleurs ce qui a été fait, dans la mesure du possible, notamment après la marée noire et les tempêtes de 1999.
Par ailleurs, si le tourisme est une industrie, il est aussi un facteur essentiel de l'aménagement du territoire, car il s'appuie nécessairement sur les richesses environnementales et patrimoniales de notre pays. C'est la raison pour laquelle l'Etat devra respecter ses engagements dans le cadre des contrats de plan, engagements qui ont été multipliés par quatre dans les contrats 2000-2006.
A ces crédits, il faut ajouter ceux qui sont dévolus aux massifs montagneux et les fonds prévus par le dernier comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, qui concernent la rénovation des hébergements de tourisme social.
Comme l'a très bien dit le rapporteur spécial de la commission des finances, Mme Marie-Claude Beaudeau, les vacances sont un droit fondamental qui doit être effectif pour tous. Pourtant, nous savons que quatre personnes sur dix ne partent pas en vacances. C'est pourquoi nous devons saluer l'inscription de ce droit fondamental dans la loi relative à la lutte contre les exclusions comme une avancée sociale déterminante.
Le soutien au tourisme social et associatif, ajouté à la modernisation des équipements touristiques à vocation sociale et familiale, la création du groupement d'intérêt public Bourse solidarité vacances, l'élargissement des conditions d'attribution des chèques-vacances - même si les nouvelles règles posent des problèmes qu'il faudra résoudre - la création du label « tourisme et handicap » sont autant de mesures importantes allant dans le bon sens.
Enfin, il n'est pas d'industrie digne de ce nom qui ne s'intéresse à ses salariés. Développement de la formation initiale et de la formation continue, embauches d'emplois-jeunes, actions en faveur de l'insertion, amélioration de la situation des travailleurs saisonniers du tourisme, tout cela contribue à une plus grande professionnalisation des personnels et à l'amélioration de leurs conditions de travail.
Nous savons cependant qu'il faut continuer à progresser, car il s'agit d'un domaine où des conditions de travail difficiles, des salaires souvent peu élevés et la précarité des emplois sont cause de sérieuses difficultés de recrutement.
Je terminerai mon propos en évoquant l'augmentation des moyens de l'administration centrale et le maintien des crédits consacrés à la capacité d'expertise publique. Quant aux moyens de promotion touristique, il semble que le groupement d'intérêt public Maison de France se trouve confronté à des choix stratégiques difficiles pour assurer la promotion de la destination France, dans un cadre budgétaire restreint qui ne lui permet pas d'assumer pleinement ses missions.
Pour conclure, au vu des éléments que j'ai relevés, et malgré les restrictions que j'ai avancées, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront les crédits du tourisme.
M. le président. La parole est à M. Besson.
M. Jean Besson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mesdames, messieurs, permettez-moi, avant de présenter l'avis du groupe socialiste sur le projet de budget du tourisme, de rendre hommage au travail substantiel et à la pugnacité dont Mme Demessine, aujourd'hui à nouveau notre collègue, a fait preuve durant trois années, à la tête du secrétariat d'Etat au tourisme.
Je salue la politique volontariste que, sur le plan financier et en liaison étroite avec les régions et les pays, elle a su impulser, politique dont le présent projet de budget est encore fortement imprégné.
Pour la quatrième année consécutive, celui-ci est en augmentation, même si la hausse est moins marquée que les trois années précédentes : les moyens d'engagement, soit 80,9 millions d'euros, augmentent de 2,51 % par rapport à 2001, et les moyens de paiement, soit 73,9 millions d'euros, de 2,35 %.
Il faut rappeler qu'entre 1988 et 2002 la progression constatée des crédits de l'Etat aura été de 52,18 %, taux sans précédent. Une telle progression était cependant indispensable pour rattraper le retard accumulé du fait de l'abandon de ce secteur par les pouvoirs publics durant les années antérieures.
Même si des signes de stabilisation se font depuis peu sentir, il faut donc bien recadrer le poids de l'« industrie » touristique, sur le plan national comme sur le plan international.
Représentant 7 % du produit intérieur brut français, ce secteur économique concerne deux millions d'emplois directs et indirects. Plus de 215 000 entreprises, dont 94 % comptent moins de dix salariés, participent ainsi à l'excédent de la balance commerciale française. J'insiste sur le rôle économique et social qu'elles remplissent sur l'ensemble de notre territoire, par exemple en moyenne montagne et dans nos campagnes.
Chaque année, 75 millions de touristes étrangers sont accueillis dans l'hexagone, qui, contrairement à ce qu'a dit M. Dubrule, reste la première destination touristique internationale, devant les Etats-Unis et l'Espagne.
Cette énumération d'éléments chiffrés, peut-être un peu fastidieuse, démontre l'importance des enjeux et la nécessité pour l'Etat de soutenir cette branche d'activité : l'exigence de la qualité, l'accueil dans nos régions, l'anticipation, l'ouverture au plus grand nombre du droit aux vacances lui imposent d'accompagner les professionnels dans la promotion et la commercialisation du secteur pour préserver cette place internationale de tout premier rang.
Je développerai mon intervention autour de trois thèmes.
Le projet de budget pour 2002 maintient d'importants moyens d'intervention pour accompagner les régions et les collectivités locales à travers les contrats de plan Etat-région, qui jouent un rôle déterminant quant à la diversification et à l'adaptation de l'offre touristique, et donc quant à la qualité de l'accueil et à son authenticité.
Plus de 200 millions d'euros, dont 19 millions d'euros au titre de la loi de finances pour 2002, soit une dotation égale à celle de 2001, y sont consacrés.
Je me fais là l'écho de notre collègue Bernard Dussaut, qui n'a pu être présent ce matin et m'a demandé d'insister sur l'importance de l'apport du tourisme à la politique d'aménagement du territoire.
Le développement touristique local est en effet créateur de dynamiques économiques et d'emplois. Il serait donc souhaitable d'encourager une meilleure répartition des flux touristiques, car, aujourd'hui, 80 % de la clientèle se concentrent sur 20 % seulement du territoire !
Le renforcement de l'attractivité des zones rurales, grâce, notamment, à l'optimisation de l'échelle intercommunale, constitue donc une priorité pour favoriser une économie touristique durable et améliorer l'organisation de l'offre. Les pays d'accueil touristiques expérimentent ainsi sur le terrain, depuis de nombreuses années, des partenariats à l'échelle de territoires intercommunaux rassemblant élus, professionnels du tourisme et acteurs du monde associatif autour d'un projet.
Bernard Dussaut souhaitait intervenir en faveur de ces pays d'accueil touristiques, qui constituent les outils les mieux à même d'accompagner le développement des potentialités touristiques de nos régions.
Le présent projet de budget traduit par ailleurs la forte volonté de promouvoir un droit aux vacances pour tous, alors que 40 % de la population française ne part pas en congés. Comme notre collègue du groupe communiste républicain et citoyen, j'estime que cette exclusion est intolérable.
Conscientes de cette situation, les associations du tourisme social et associatif se sont regroupées au sein d'une coordination nationale, à laquelle le projet de budget du tourisme prévoit de consacrer 2,8 millions d'euros en 2002, soit une hausse de 12 % par rapport à 2001.
Ces crédits sont destinés à confirmer la mission du groupement d'intérêt public « Bourses solidarité vacances ». Ce dernier doit mobiliser des moyens d'accueil et de transport au profit des populations défavorisées dans l'optique de la lutte contre l'exclusion. Une dotation de 4,1 millions d'euros en autorisations de programme et de 2,1 millions d'euros en crédits de paiement sera affectée, d'une part, à la poursuite de l'exécution du programme de rénovation du parc immobilier des organismes associatifs de tourisme à vocation sociale et familiale et, d'autre part, à la remise aux normes et à la satisfaction des exigences des publics concernés.
C'est dans cette perspective que le comité interministériel d'aménagement du territoire du 9 juillet 2001 a validé le programme de consolidation des équipements de tourisme social, qui prendra le relais du plan patrimoine. A ce titre, les autorisations de programme et les crédits de paiement sont en progression de 11 % et de 5 % respectivement par rapport à 2001, les aides à la personne complétant bien les aides à la pierre.
En dernier lieu, je souhaite attirer l'attention du Sénat sur le soutien à la promotion de l'image touristique de la France, au réseau dont dispose notre pays à l'étranger et, enfin, à l'utilisation des outils d'anticipation qui ont été mis en place.
Je rappelle que la France représente 11 % du marché mondial et 20 % du marché européen. L'action du Gouvernement s'est fortement appuyée, ces dernières années, sur Maison de la France, qui dispose, aujourd'hui, d'un réseau de services français du tourisme à l'étranger permettant de promouvoir l'image de notre pays auprès des professionnels et du grand public.
La dotation pour 2002 est équivalente à celle qui avait été allouée pour 2001, à savoir 27,4 millions d'euros. Depuis 1998, le taux d'aide de l'Etat s'est accru de 45,2 % et vient en complément des partenariats financiers avec les professionnels membres du groupement d'intérêt économique.
Sans revenir sur les principales observations formulées dans le cadre du contrôle du mode de financement de Maison de la France et indépendamment de la nécessité de clarifier certains points, je tiens à saluer l'excellent travail accompli par ce groupement qui promeut l'image touristique de notre pays en dépit des événements majeurs qui l'ont altérée : je veux parler de la marée noire sur les côtes de l'Ouest et des intempéries de décembre 1999.
La dotation pour les études a, quant à elle, fortement augmenté et permis la réalisation d'une « enquête aux frontières ». Cette enquête a été rendue indispensable par la mise en circulation de l'euro, qui bouleverse et continuera de bouleverser les conditions du recensement des flux de voyageurs en termes de balance des paiements.
En conclusion, je tiens à vous exprimer, monsieur le secrétaire d'Etat, mon soutien et ma reconnaissance s'agissant de l'effort budgétaire réalisé au cours de ces dernières années et de la continuité affichée pour l'exercice 2002. La politique du tourisme est un levier économique essentiel pour l'ensemble de notre territoire. Les outils d'aménagement, d'observation, d'évaluation, de prospection et de recherche d'équité sociale sont aujourd'hui en place.
Votre attention doit maintenant se porter sur l'ajustement des moyens et des missions, afin que l'augmentation massive des crédits d'intervention décidée ces dernières années participe à la démarche de qualité et de mise en valeur de nos territoires.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe socialiste votera ce projet de budget avec satisfaction et en vous prodiguant ses encouragements. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Plasait.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec 75,6 millions de visiteurs en l'an 2000, soit 10,8 % du marché mondial, la France confirme sa position de première destination touristique internationale, loin devant les Etats-Unis, l'Espagne et l'Italie. Notre pays se maintient également au troisième rang mondial pour les recettes touristiques.
Cependant, comme le faisait observer le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, notre excellent collègue Charles Ginésy, la situation s'avère moins favorable que les années précédentes, le développement de la clientèle étrangère en France étant, pour la première fois, inférieur à celui du tourisme mondial : c'est un signal d'alarme.
Dans ces conditions, il faut se soucier de la relative fragilité des performances françaises, qui sont, comme toujours, très sensibles aux événements internationaux et de plus en plus tributaires d'une concurrence internationale toujours plus vive, plus conquérante, plus imaginative, plus professionnelle et dotée de moyens de promotion sans cesse accrus.
C'est dire, monsieur le secrétaire d'Etat, que la France ne peut se payer le luxe de s'endormir sur ses lauriers, surtout après la tragédie du 11 septembre !
A cet égard, je dois avouer ma vive inquiétude quant aux conséquences directes de ces événements sur l'économie touristique nationale. En effet, après avoir enregistré une activité estivale élevée, les entreprises du secteur du tourisme ont été frappées de plein fouet par cette crise internationale. Selon une enquête du Syndicat national des agents de voyages, le SNAV, la France a enregistré à l'automne de 35 % à 40 % d'annulations de séjours de touristes étrangers ; ce taux a atteint 60 % pour les grands hôtels parisiens.
Par conséquent, nous le savons déjà, les résultats du dernier trimestre de cette année ne seront pas bons. Bien évidemment, nous espérons tous que l'activité repartira fortement l'année prochaine, mais l'horizon reste très incertain.
Aussi souhaiterais-je savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures concrètes, notamment fiscales et sociales, le Gouvernement entend prendre pour aider les entreprises du secteur à surmonter cette crise, et surtout dans quel délai. Certes, j'ai bien noté qu'une mission avait été confiée en la matière à l'inspection générale du tourisme, mais les acteurs concernés ne peuvent patienter trop longtemps avant de procéder aux ajustements structurels nécessaires à leur survie. Plus vous attendrez, plus les licenciements seront nombreux dans ce secteur économique.
L'une des premières mesures de bon sens devrait d'ailleurs consister à reporter l'application des 35 heures dans les entreprises du secteur touristique, notamment dans celles de l'hôtellerie-restauration. En agissant ainsi, vous indiqueriez clairement, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous comprenez les professionnels et que vous êtes à leurs côtés.
Dans le même esprit, tout devrait être entrepris pour aboutir à l'application d'un taux réduit de TVA à l'ensemble de la restauration, permettant un alignement sur le taux pratiqué pour la restauration rapide. Or, malheureusement, rien dans votre projet de budget ni dans vos déclarations n'indique que vous suiviez cette orientation, pourtant indispensable.
Avec 484,7 millions de francs en crédits de paiement, le projet de budget de votre département ministériel pour 2002 progresse, certes, de 2,76 % : dont acte. Toutefois, au-delà de l'ampleur des moyens dégagés, il faut surtout considérer l'utilisation qui sera faite de ces derniers.
Le secteur touristique est prospère, sans doute parce que l'Etat y intervient peu et que les initiatives privées y foisonnent pour mettre en valeur les mille facettes d'un pays doué aussi bien pour ses cathédrales que pour ses mayonnaises, comme disait Giraudoux. (Sourires.)
Cependant, je crois nécessaires des interventions stratégiques et des incitations, ne serait-ce que pour mettre nos professionnels à égalité de chances avec leurs concurrents internationaux.
En d'autres termes, le « saupoudrage » ne sert pas à grand-chose. Mieux vaut concentrer les moyens selon quelques grands axes définis en concertation avec les professionnels.
A cet égard, le Gouvernement a retenu comme priorité pour sa politique touristique le développement du tourisme social. Soit : c'est effectivement une orientation louable, que traduit encore votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, avec un effort sensible en faveur de la rénovation du parc immobilier à caractère social et familial. Que 40 % de nos concitoyens ne partent pas en vacances, en particulier pour des raisons financières, ne peut nous laisser indifférents.
Vous élargissez ainsi l'accès aux vacances pour tous, et c'est tout le sens de la mise en place de la Bourse solidarité vacances ou de l'extension du dispositif des chèques-vacances aux salariés des PME-PMI. Sur ce point, je m'associe pleinement aux propos de notre rapporteur sur les effets pénalisants du seuil fiscal de référence retenu, qui exclut du bénéfice des chèques-vacances un trop grand nombre de familles aux revenus moyens.
Cependant, dans le climat actuel de grande incertitude s'agissant de l'avenir du secteur touristique national, je considère qu'un effort massif aurait dû être consenti, dans ce projet de budget, en faveur des moyens de promotion de la France sur les marchés étrangers.
Pour ce faire, nous disposons de ce remarquable instrument qu'est le GIE Maison de la France. J'ai lu avec grand intérêt le rapport que lui a consacré notre éminente collègue Marie-Claude Beaudeau. J'avoue que si je ne fais pas miennes toutes ses conclusions, je l'approuve pour l'essentiel.
Maison de la France a amorcé sa réorganisation, mais il reste du chemin à parcourir pour retrouver l'esprit d'authentique partenariat qu'avait su insuffler M. Jean-Jacques Descamps, son fondateur. C'est sans doute le moyen le plus sûr pour que ce bel outil atteigne à la sécurité financière et acquière un esprit de conquête permettant de fédérer toutes les énergies, publiques et privées, autour de ce magnifique objectif qu'est la promotion de la « destination France ».
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois qu'il aurait été très utile que l'Etat accroisse fortement les crédits de Maison de la France pour 2002. En effet, les attentats du 11 septembre vont imposer la réorientation et le développement des actions de promotion à l'étranger, et la France ne pourra maintenir ses positions qu'en accentuant ses efforts, en particulier sur les marchés de proximité européens.
Je regrette donc vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que votre projet de budget ne prenne pas en compte cette absolue nécessité. J'espère que nous n'aurons pas demain à payer au prix fort cette absence d'anticipation. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Bernard Joly, président national des comités départementaux de tourisme, ne pouvant, à son grand regret, être présent dans l'hémicycle ce matin, m'a demandé d'intervenir en son nom, ce que je fais bien volontiers, le tourisme étant un volet important de notre économie.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le secteur du tourisme accuse de plein fouet les conséquences des événements du 11 septembre, dont la nature même, totalement inédite, a créé une onde de choc. La soudaineté de l'agression, l'impossibilité apparente d'identifier un ennemi, l'absence de déclaration de conflit et l'ampleur du nombre des victimes ont frappé de stupeur la nation américaine, dont les ressortissants ont renoncé, pour nombre d'entre eux, à quitter le territoire.
Or il faut savoir que les Etats-Unis représentent le huitième marché de la France et que les Américains constituent 18 % de la clientèle hôtelière de l'Ile-de-France, ainsi qu'une part non négligeable de celle des établissements de la Côte d'Azur.
De plus - il est important de le souligner -, il s'agit de visiteurs à haut pouvoir d'achat. Plus généralement, on estime que le taux d'annulation des séjours de touristes étrangers est de 35 % à 40 % et que le recul des ventes de billets à l'étranger atteint 30 % pour le mois de septembre.
Les effets induits par ces attentats ont amené les touristes à reporter leur choix sur les Antilles, pour lesquelles une demande croissante est enregistrée. Il convient d'apporter une réponse satisfaisante afin d'ancrer cette destination dans les habitudes. Ainsi, l'offre en matière de transport aérien doit être suffisante en nombre de sièges et les prix doivent rester compétitifs. Le tourisme est un facteur économique substantiel pour ces territoires, ce qui appelle une politique soutenue d'adaptation de l'offre, de travail sur la qualité des services et sur la formation des personnels.
Dans le contexte actuel déprimé que subit le secteur de l'activité touristique, les pouvoirs publics doivent redoubler d'attention.
En effet, la profession des agents de voyages et des tour-opérateurs est en grande difficulté. Des cessations d'activité sont enregistrées en nombre toujours plus grand, certains préférant anticiper la dégradation plutôt que d'agir dans l'urgence.
Deux mesures immédiates peuvent cependant permettre de freiner le mouvement et d'apporter une aide réelle à ces professionnels.
En premier lieu, il conviendrait de prévoir des reports d'imposition, en faisant en sorte que ceux-ci concernent l'ensemble des acteurs considérés et s'appliquent sur l'intégralité du territoire. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aimerais que vous nous indiquiez quelles instructions ont été données pour que cet engagement, pris par le Premier ministre lors de la journée du Conseil national du tourisme, le 17 octobre dernier, se traduise dans les faits.
En second lieu, il paraît souhaitable de décider une réduction temporaire significative des charges, à hauteur par exemple de 50 %. En contrepartie de cet allégement, il ne serait procédé à aucun licenciement. Les effets bénéfiques d'une telle mesure seraient notables : elle permettrait de conserver des personnels compétents prêts à reprendre leur pleine activité dans six ou huit mois, quand un redémarrage se manifestera. Ainsi, les chiffres du chômage ne gonfleraient pas, la démobilisation dommageable due à l'absence d'activité serait évitée et le temps de réponse à une reprise éventuelle serait écourté.
Dans la perspective de la relance espérée, la campagne centrée sur la « destination France » dont a été chargée Maison de la France est une très bonne initiative. Je relève que 30 millions d'euros seront consacrés à cette structure, qui a montré, avec l'opération menée à la suite du naufrage de l' Erika, qu'elle savait agir de façon pertinente sur le marché intérieur. Cependant, il est souhaitable que cette campagne se fasse en concertation avec les institutionnels que sont les comités régionaux et les comités départementaux du tourisme.
L'efficacité de Maison de la France tient en grande partie aux moyens financiers qui lui seront accordés et qu'il est essentiel d'augmenter. Confirmer et préserver sa mission majeure d'intérêt général revient à veiller à ce que l'Etat ait une participation supérieure à 50 % dans son financement. Or, pour le budget de promotion, la France est seulement en dixième position, selon l'Organisation mondiale du tourisme.
Incontournable aujourd'hui, Internet est un outil de communication primordial pour conquérir de nouveaux marchés puis pour les fidéliser. Une adaptation du site de Maison de la France, portail national, aux enjeux marketing de la destination s'impose.
Seule l'observation du secteur du tourisme permet de connaître la clientèle potentielle et l'évolution de ses attentes, et ainsi de fixer des stratégies à court, moyen et long termes. Il faut déplorer qu'aucun crédit supplémentaire n'ait été accordé aux outils et aux moyens qui l'autorisent. Cette observation performante est pourtant essentielle.
Précéder l'évolution du comportement touristique appelle une harmonisation des méthodes, une définition des concepts comparable à l'intérieur du territoire comme en Europe. Mais il faut aussi évaluer, connaître, je dirai ne pas méconnaître, la force économique du tourisme sans cesse grandissante, génératrice d'emplois directs et induits, et atout pour les collectivités territoriales.
La diffusion de l'offre, qui est précisément souvent atomisée et qui se situe en milieu rural, justifiait une mise en marché accessible par tous. Le serveur national de réservation - RésinFrance - répond à ce besoin. Toutefois, il faut en soutenir le déploiement, accompagner son évolution technologique et en faire la promotion.
Dans un rapport réalisé pour le Conseil national du tourisme par notre collègue Bernard Joly figurent plusieurs propositions formulées pour un développement de ce secteur économique. Beaucoup d'entre elles me paraissent essentielles.
Partant de ce qui existe, il n'y a que des avantages à renforcer le rôle et les moyens des délégués régionaux au tourisme. Ils couvrent des entités cohérentes et significatives. En appui sur des unités territoriales, il y aurait tout bénéfice à décentraliser les compétences de l'Agence française d'ingénierie du tourisme sur les grandes régions et à développer de nouveaux champs d'investigation comme le tourisme d'affaires et de congrès, les nouvelles technologies et l'exportation des savoir-faire.
Deux outils nouveaux sont proposés pour cadrer, coordonner, labéliser une volonté de dynamisation et d'essor. Tout d'abord, la mise en place d'un schéma national du tourisme sur cinq ans, en amont des contrats de plan Etat-région, qui permettrait de définir des objectifs consensuels accompagnés des moyens nécessaires. Ensuite, la création d'un institut national du tourisme, qui serait tout à la fois un carrefour d'élaboration d'une politique concertée de formation, un lieu de réflexion sur la valorisation des métiers du secteur et un laboratoire d'évaluation et de promotion des expériences innovantes.
Le tourisme, selon l'organisation mondiale qui le couvre, est en passe de devenir le premier secteur d'activité. Il ne faudrait pas que la France rate ce rendez-vous. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour y veiller. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du RPR. - M. Besson applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le secrétaire d'Etat, il vous revient cette année de présenter à la fois votre premier budget en tant que secrétaire d'Etat au tourisme mais aussi le dernier budget de la législature, budget qui peut donc être considéré comme un bilan des cinq années du gouvernement au pouvoir.
Force est de constater que ce budget est loin d'être brillant. En effet, peu de réponses satisfaisantes ont été apportées aux différents enjeux auxquels est confrontée notre économie touristique depuis plusieurs années.
J'évoquerai trois enjeux principaux.
Le premier, c'est l'élargissement de l'accès aux vacances et le tourisme social.
Depuis cinq ans, il s'agit de la mesure phare de la politique du Gouvernement. Cette année encore, vous proposez d'accroître le soutien au secteur associatif, de 12 %. Par ailleurs, le programme de rénovation des hébergements touristiques à caractère associatif bénéficie d'une hausse de 11,1 % en autorisations de programme et de 5,2 % en crédits de paiement.
Malheureusement, malgré les moyens déployés, les résultats ne sont pas au rendez-vous. En effet, en dépit de l'amélioration de la situation économique, le nombre de Français partant en vacances est toujours en baisse, tant en été qu'en hiver. En 2000, le taux de départ s'est élevé à 65,1 %, en légère baisse par rapport à 1999, mais également vis-à-vis des deux années antérieures, au cours desquelles il s'était stabilisé à 66,7 %.
Il convient par conséquent de s'interroger sur l'adaptation des mesures proposées aux publics qui sont exclus du droit aux vacances. Ne sont-elles pas trop restrictives ?
Je prendrai l'exemple de l'extension du chèque-vacances aux petites entreprises, point qui a déjà été évoqué ce matin. Sur le principe, l'intention est louable, mais, lorsqu'on en étudie les modalités, cette mesure se révèle trop limitative et trop complexe. Le revenu fiscal de référence est trop bas, excluant bon nombre de salaires moyens du dispositif. On estime ainsi que dans les entreprises comptant moins de cinquante salariés, plus de la moitié d'entre eux ne peuvent pas en bénéficier.
Par ailleurs, certains chefs d'entreprise préfèrent s'abstenir de le mettre en place plutôt que de créer des inégalités, sources de tensions supplémentaires au sein du personnel.
Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. Ne conviendrait-il donc pas de revoir les critères retenus pour définir les publics visés. Une mauvaise loi peut être réformée.
Le deuxième enjeu de notre politique du tourisme réside dans la promotion de la destination France et dans le maintien de notre position de leader sur le plan international.
Là encore, il semble que les moyens déployés soient très insuffisants et que les mesures mises en oeuvre souffrent de lacunes importantes.
Permettez-moi de citer quelques chiffres. La France demeure, certes, la première destination touristique mondiale avec 75,5 millions d'arrivées en 2000 et ses recettes sont toujours en augmentation, mais certaines données sont alarmantes : la croissance du nombre de séjours effectués en France est presque deux fois inférieure en 2000 à la croissance globale dans le secteur. L'Espagne et l'Italie, nos principaux concurrents, réalisent à peu près le même chiffre d'affaires que la France mais avec un nombre d'arrivées inférieur.
Les deux leviers essentiels de promotion de notre destination sont Maison de la France et la politique de rénovation de l'immobilier touristique.
En ce qui concerne Maison de la France, la dotation qui lui est affectée pour 2002 est stable. Cette stabilité ne lui permettra malheureusement pas, cette année encore, d'assumer correctement ses missions et de maintenir la compétitivité de notre pays face à ses concurrents. J'ai été surpris d'apprendre récemment que la France ne consacre que 58 millions de dollars à la promotion, alors que l'Espagne affecte à celle-ci 147 millions.
En outre, plus qu'un manque de moyens, il s'agit surtout d'une instabilité des ressources, comme l'a souligné notre collègue rapporteur Marie-Claude Beaudeau dans son récent et très intéressant rapport d'information.
Cela fait plusieurs années que j'alerte le Gouvernement sur le danger qu'il y a à rester sur les acquis. Cinq ans plus tard, je constate que la situation ne cesse de se dégrader sans que rien ne soit véritablement entrepris.
Par ailleurs, outre un problème de promotion, la France souffre d'une défaillance dans la qualité de son hébergement, principalement en milieu rural, ce qui nuit à son image. Un effort a été engagé dans ce sens, mais le retard est manifestement trop long à combler. Ne conviendrait-il pas, monsieur le secrétaire d'Etat, de créer des mécanismes financiers plus incitatifs, sur le modèle du prêt à taux zéro, par exemple ? En Alsace, zone frontalière, nous constatons que, dans le domaine de l'équipement hôtelier, nos voisins de Forêt-Noire, grâce à des aides incitatives, disposent en moyenne d'équipements mieux structurés et toutefois compétitifs, compte tenu des prestations offertes.
Enfin, pour terminer, j'évoquerai l'économie touristique en tant que telle, et plus particulièrement le potentiel de ce secteur en termes de création d'emplois. Au cours des dernières années, il a créé en moyenne 25 000 emplois par an et on pourrait en créer beaucoup plus. Ainsi, la seule hôtellerie-restauration connaît une grave pénurie de main-d'oeuvre. Ces difficultés de recrutement vont encore s'aggraver avec la réduction du temps de travail, difficile à mettre en oeuvre dans la petite et moyenne hôtellerie. Il faut incontestablement adapter cette réduction du temps de travail. Mais ce déficit de main-d'oeuvre s'explique, entre autres éléments, par les lacunes de notre système de formation professionnelle, souvent peu adapté aux besoins du marché et peu valorisé auprès des jeunes.
Une action forte en matière de formation permettrait, en outre, de faire sortir de nombreux jeunes saisonniers d'une partielle clandestinité.
Enfin, je regrette qu'aucune action n'ait été entreprise afin de faciliter et de favoriser la pluriactivité.
Celle-ci est, en effet, bien souvent la seule solution pour créer une activité touristique viable en milieu rural. Or la complexité administrative qu'implique ce statut peu reconnu par les pouvoirs publics décourage les meilleures volontés et favorise le travail illégal.
Permettez-moi de citer un exemple : pour un centre équestre, structure qui est créée essentiellement en zone rurale, il faut déclarer des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'activité d'hébergement, des bénéfices agricoles au titre de l'élevage de chevaux et des bénéfices non commerciaux au titre des cours d'équitation. C'est particulièrement simple, mais il faut le faire.
Le tourisme rural constitue un formidable gisement d'emplois. Tous les jours sont créés des métiers qui bousculent l'organisation traditionnelle et exigent de nouvelles règles. Il conviendrait, par conséquent, d'exploiter ce potentiel.
En conclusion, au regard de tous ces éléments, le bilan du secrétariat au tourisme est donc loin d'être satisfaisant. Cela n'a rien de rassurant dans le contexte actuel de crise du tourisme mondial à la suite des attentats du 11 septembre. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, comme vient de l'indiquer notre collègue Paul Dubrule, le groupe du RPR et moi-même nous ne pourrons voter les crédits de votre secrétariat d'Etat. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. Alors que vous allez présenter au Sénat votre premier budget, monsieur le secrétaire d'Etat, je m'associe aux souhaits de bienvenue qui vous ont été adressés. Je ne doute pas que le dialogue républicain entre notre assemblée et le secrétariat d'Etat au tourisme, qui fut la règle avec votre prédécesseur, Mme Demessine, redevenue notre collègue, se poursuivra.
Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Brunhes, secrétaire d'Etat au tourisme. Je vous remercie de vos propos, monsieur le président.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par remercier Mme Beaudeau et M. Ginésy. Les rapports qui sont publiés depuis quatre ans forment une véritable somme et marquent, en définitive, le progrès réalisé dans ce secteur important. Ces travaux ont permis d'enrichir considérablement la réflexion du Gouvernement sur les enjeux du tourisme. Je voudrais aussi remercier l'ensemble des orateurs. Leurs remarques, leurs observations critiques amènent à la réflexion, laquelle est, vous le savez, le seul stimulant qui permette d'avancer. Enfin, j'ai été sensible aux témoignages de sympathie que vous avez exprimés à mon prédécesseur, Mme Demessine, et qui, au-delà de sa personne, concernent, en fin de compte, la politique qu'elle a conduite au nom du Gouvernement.
Je ne détaillerai pas le budget, les rapporteurs l'ont fait. Je vais simplement répondre aux principales questions qui m'ont été posées.
La première porte sur le montant même de ce budget. D'une manière habile, M. Dubrule a dit qu'il s'agissait d'un budget ridiculement faible ou d'un budget exemplaire. Ce n'est ni l'un ni l'autre. Je voudrais vous persuader que l'efficacité réelle d'un ministère ne se mesure pas au poids de son budget.
Pour ce faire, je ferai trois remarques. La première : le tourisme est le premier poste excédentaire de la balance commerciale ; c'est un secteur majeur de l'économie nationale ; il représente 7 % du produit intérieur brut.
Deuxième remarque : le tourisme est une activité transversale, qui concerne non seulement les collectivités territoriales - communes, départements et régions - mais aussi, vous l'avez dit les uns et les autres, des secteurs privés ainsi que les fonds européens, notamment les fonds structurels. Comment l'oublier ?
Troisième remarque : depuis 1997, le Gouvernement marque un intérêt particulier pour ce secteur d'activité. Le budget a doublé en cinq ans. J'ajouterai - mais n'y voyez pas malice - qu'il n'y a pas toujours eu, dans les gouvernements précédents, de ministre du tourisme. On a même connu un ministre du tourisme éphémère - six mois, je crois.
Puis le ministre du tourisme a été remplacé par un conseiller technique au ministère de l'équipement. Vous me permettrez de penser que ce n'est pas tout à fait la même chose ! Nommer un secrétaire d'Etat au tourisme, c'est reconnaître l'importance du tourisme, et c'est là un élément que l'on ne peut pas mettre de côté.
Vous avez tous, à mon avis à juste titre, exprimé des inquiétudes par rapport aux attentats du 11 septembre dernier. Quelle est notre analyse à cet égard ? La situation du tourisme, en France, après ces attentats est à la fois préoccupante et contrastée.
Elle est contrastée, car, si un certain nombre de secteurs du tourisme souffrent de cette situation, d'autres s'en sortent mieux : c'est notamment le cas du tourisme rural et des activités touristiques liées à la saison hivernale. M. Augier, président de France-Congrès et maire de Deauville, que j'ai rencontré récemment à l'occasion d'un voyage à New York, m'a expliqué que, en octobre, tous les records de fréquentation ont été battus dans sa ville.
Par ailleurs, la situation est préoccupante, car un certain nombre de secteurs sont directement touchés - les tours opérateurs, les agences de voyage, le tourisme de luxe, le tourisme d'affaires et, d'une certaine manière, le tourisme de congrès -, même s'ils le sont inégalement. Il faut donc que nous soyons attentifs à ces aspects qui risquent de fragiliser notamment l'emploi à travers les agences de voyages, dont nous savons bien qu'elles se financent sur les réservations pour les mois à venir. Il suffit donc que le nombre des réservations s'infléchisse pour que la trésorerie aille mal et que les agences se trouvent en difficulté.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement - et je réponds ainsi à M. Pelletier - a pris immédiatement des mesures fiscales et sociales, annoncées dès le 17 octobre par M. le Premier ministre. Douze jours après - c'est un délai très court, je me demande même si ce n'est pas une sorte de record... -, les instructions d'application de ces mesures étaient publiées et envoyées aux directions du travail et aux directions des services fiscaux.
L'application se fait d'une manière correcte, même si certains dysfonctionnements peuvent persister. Je participais la semaine dernière, à Marseille, à un congrès réunissant 750 agents de voyages. Je leur ai indiqué, à cette occasion, que ceux qui avaient encore des difficultés pour mettre en oeuvre ces mesures pouvaient s'adresser au secrétariat d'Etat au tourisme, qui les aiderait. Mais nous constatons, monsieur Pelletier, que, en règle générale, l'application se fait bien.
Ces mesures sont-elles toutefois suffisantes ? « Le cas échéant, nous prendrons des mesures complémentaires », avait dit le Premier ministre, le 17 octobre. Le problème de tous les professionnels du tourisme est que leur visibilité est courte. Face à cela, il est nécessaire de prendre le temps d'observer la situation avant de prendre des mesures. C'est la raison pour laquelle le secrétariat d'Etat au tourisme a mis en place une cellule d'observation qui est en contact permanent avec les professionnels du tourisme afin de faire régulièrement le point sur la situation.
Une enquête a également été demandée à l'Inspection générale du tourisme, qui devrait remettre un rapport d'ici à la fin décembre - le 20 décembre je crois.
La Commission de Bruxelles fait également procéder à une enquête. J'étais d'ailleurs lundi dernier à Bruxelles avec l'ensemble des ministres européens du tourisme pour évoquer les premiers points de cette enquête européenne.
Les premières conclusions d'étape font apparaître que des mesures supplémentaires devront sans doute être prises.
Quelques pistes se dégagent. Il en est ainsi, tout d'abord, du recours à des actions de formation quatifiante pour les personnels, ce qui répondrait aux demandes de certains professionnels, notamment les hôteliers. Les hôteliers ayant une clientèle « à haute contribution », comme l'on dit dans l'aéronautique, sont affectés par la situation actuelle et ils souhaitent donc des actions de formation qualifiante. Par ailleurs, le recours au crédit à taux bonifié ou à taux zéro, comme cela a été fait au moment des grandes tempêtes, la mise en place d'un fonds de garantie d'équipement pour les professionnels par l'intermédiaire de la SOFARIS, ou Société française pour l'assurance du capital-risque, le rééchelonnement des échéances, pour reconstituer la trésorerie, et des garanties, pour permettre de réinvestir, constituent d'autres pistes.
Certains professionnels ou certains syndicats de professionnels ont fait d'autres types de propositions, que nous sommes prêts à examiner. Il est évident qu'il nous faut prendre des mesures sans tarder - j'insiste à cet égard auprès de mes collègues du Gouvernement -, faute de quoi les agences risqueraient d'être en très grande difficulté.
D'autre part, le Premier ministre a annoncé le lancement de la campagne « Destination France », visant à promouvoir la destination vers notre pays, campagne qui sera conduite par mon ministère, mais sous l'égide de Maison de la France, qui bénéficiera à cette fin - j'y insiste - d'une enveloppe de 30 millions de francs supplémentaires, ainsi que l'a noté Mme Beaudeau dans son rapport.
A qui s'adresse cette campagne ? Sur ce point, il nous faut, là encore, réfléchir, et ce en concertation avec les professionnels. L'idée de départ est simple : chaque crise, notamment une crise comme celle que nous vivons, conduit à des modifications du paysage touristique et donc à des modifications de flux touristiques. C'est la raison pour laquelle la campagne « Destination France » visera les Français, les Européens, les pays anglo-saxons et scandinaves, qui constituent des gisements de touristes potentiels, comme on le constate actuellement. Par ailleurs, nous continuerons à oeuvrer pour attirer les touristes américains, voire les touristes japonais. C'est en ce sens que je me suis rendu la semaine dernière à New York. En effet, le tourisme étant fondé sur la confiance, et nos amis Américains ayant peur, actuellement, de voyager en avion, il fallait, en vue de rétablir la confiance, le vol du Concorde et la visite du secrétaire d'Etat français au tourisme ; il fallait que je rencontre, à New York, les autorités de l'Etat de New York, les spécialistes du tourisme et les responsables de l'office du tourisme.
Un problème a été peu évoqué, mais il me préoccupe : parmi les modifications du paysage touristique, que j'évoquais, certaines sont structurelles. On ne peut pas mettre de côté le fait que la société Nouvelles Frontières a été reprise par Preussag et que des concentrations nouvelles affectent, en Europe l'« industrie touristique », expression que je n'aime pas beaucoup. Pour tenir compte de ce fait, mais aussi pour veiller aux dangers de ce type de restructuration, dangers qu'avait déjà soulignés Mme Demessine, j'ai chargé d'une mission un homme très connu dans le milieu ; j'attends néanmoins d'obtenir sa réponse pour vous confier son nom ; spécialiste de ces questions, il devra rendre un rapport dès le mois de février afin non seulement de mesurer les conséquences de ces restructurations sur les plans européen et français, mais aussi de proposer les solutions que nous pourrions prendre.
Je veux maintenant aborder rapidement deux questions qui sont récurrentes.
Tout d'abord, en ce qui concerne la TVA - vous êtes presque tous intervenus sur ce sujet, mesdames, messieurs les sénateurs - notre position est simple et se situe dans la continuité de celle de Mme Demessine : ce problème doit être réglé au niveau européen. Rencontrant le commissaire Likanen et prenant connaissance de son rapport lundi dernier, j'ai été, comme vous, un peu étonné de constater que, selon lui et selon Bruxelles, ces problèmes étaitent considérés comme réglés. Telle n'est pas notre opinion.
Par ailleurs, le coût de la mesure n'est pas neutre pour le budget de l'Etat, et personne ne peut se désintéresser de cette question.
De plus, des mesures d'accompagnement autres que la baisse de la TVA sont à l'étude par Bercy, notamment pour favoriser l'embauche.
Je ne considère pas ce dossier comme clos. Je l'ai dit devant la commission des finances, et je le répète ici devant la Haute Assemblée. Ce dossier doit être approfondi ; nous devons procéder à d'autres chiffrages afin de nous appuyer sur des données objectives.
Mais j'ajoute que ce dossier n'est pas clos de facto. A la page 46 de votre rapport, monsieur Ginésy, je lis ceci : « une évaluation de la directive du 22 octobre 1999 sera effectuée en 2002, sur la base de rapports que devront présenter les Etats membres avant le 1er octobre 2002. A cette occasion, la question du taux de TVA appliqué à la restauration pourra éventuellement faire l'objet d'un examen. » Ce problème n'est donc pas, de facto , encore résolu définitivement. Je m'inscris dans la même philosophie que celle que Mme Demessine avait exprimée. Je souhaite qu'il soit réglé dans les meilleures conditions possible pour les professionnels.
Vous avez également évoqué le problème de la réduction du temps de travail. Nous constatons un double phénomène : d'une part, cette mesure profite aux secteurs du tourisme ; c'est une évidence. D'autre part, certains secteurs, comme l'hôtellerie-cafés-restaurants, éprouvent, disent-ils, des difficultés à mettre en oeuvre les 35 heures. Mais je dois bien reconnaître que les principales organisations syndicales - la CGT et la CFDT, et deux organisations patronales au moins - ont conclu, le 15 juin 2001, un accord sur ce point. Il reste donc à lever les procédures d'opposition à l'extension de cet accord. Le Gouvernement a nommé un médiateur, M. Boulanger, qui a remis son rapport le 23 novembre. Des discussions sont actuellement engagées. Les propositions du rapporteur et celles des organisations syndicales non signataires sont actuellement examinées. C'est pourquoi je suis favorable à l'extension, dans de bonnes conditions pour les professionnels et les salariés de cette branche, de cet accord qui engage une réelle démarche de progrès social.
Conformément aux dispositions prises par Mme Demessine, les chèques-vacances ont pour objectif de faciliter l'accès, par un dispositif adapté, aux 7,5 millions de salariés employés dans les PME et les PMI.
Les premiers résultats sont importants : en l'an 2000, 140 conventions ont été conclues entre l'ANCV, l'agence nationale pour les chèques-vacances, et les entreprises ; en 2001, 200 conventions supplémentaires ont été signées pour les six premiers mois ; des discussions sont en cours s'agissant des métiers de services afin de trouver un accord qui a d'ores et déjà été conclu avec l'Union des artisans.
Par ailleurs, comme je l'avais souhaité lors de la présentation de mon budget à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a annoncé le relèvement de 12 % du seuil du revenu fiscal de référence. C'est un acquis important.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué les 40 % de nos concitoyens qui ne partent pas en vacances. Ce problème est cher à Mme Beaudeau, mais j'ai entendu plusieurs voix s'exprimer à ce sujet, et je comprends cette préoccupation.
Je rappellerai toutefois que, depuis quatre ans, un ensemble de dispositifs a été mis en place par mon département ministériel.
Tout d'abord, l'utilisation des chèques-vacances a été étendue aux PME-PMI, ainsi que je viens de le notifier.
Ensuite, la création et le développement du groupement d'intérêt public Bourse solidarité vacances a permis à plus de 20 000 de nos concitoyens d'accéder aux vacances dès 2001 et ils seront 30 000 l'année prochaine ; le budget alloué à cettre bourse sera donc doublé.
Enfin, dans le cadre de la politique familiale, avec Ségolène Royal, nous avons fait en sorte que les caisses d'allocations familiales développent les aides aux vacances.
Nous aussi, nous considérons que ce problème est d'importance majeure et qu'il procède de la politique sociale du ministère du tourisme.
Je vais maintenant aborder brièvement les autres questions qui m'ont été posées. Je ne répondrai pas intégralement aujourd'hui à leurs auteurs compte tenu du temps qui m'est imparti, me réservant de compléter ma réponse par écrit.
Les crédits affectés aux contrats de plan Etat-région dans le cadre du XIIe Plan ont pratiquement quadruplé. Dans l'optique de transversalité que j'évoquais tout à l'heure, ce n'est pas rien !
Je dois me rendre la semaine prochaine en région Provence-Alpes-Côte d'Azur pour vérifier sur place comment se mettent en place les contrats de plan Etat-région. Ce sont des éléments tout à fait essentiels de la politique du tourisme. Nous poursuivons la réhabilitation du patrimoine associatif et social en suivant un plan de consolidation de cet hébergement. Le tourisme, chacun le sait, est un élément structurant essentiel de l'aménagement du territoire.
Dans certains bassins de vie, les acteurs se sont unis dans une stratégie commune. Les pays d'accueil touristique, les parcs naturels régionaux, mais aussi les pays d'art, d'histoire, les pôles d'économie et du patrimoine préfigurent l'organisation territoriale du tourisme de demain.
Enfin, une question m'a été posée concernant les emplois-jeunes et plusieurs d'entre vous ont des inquiétudes à ce sujet.
L'arrivée des jeunes a permis de créer de nouvelles activités touristiques, de mieux répondre aux besoins des usagers, de professionnaliser les structures de petite taille. Deux tiers de ces jeunes ont au moins une formation initiale bac + 2. Dans les mois qui viennent, nous renouvellerons les conventions-cadres passées avec les quatorze organismes du secteur, et ce, bien évidemment, en liaison avec le ministère de l'emploi et de la solidarité.
Si le secteur du tourisme génère une activité qui permet l'insertion de nombreux jeunes, elle souffre d'un important taux de départ. C'est pour tenter d'y remédier que nous travaillerons, dans la période à venir, à rechercher une meilleure adéquation entre la formation et l'emploi dans la perspective d'une fidélisation des salariés. Je suis convaincu, toutefois, qu'une des clés de cette fidélisation réside dans l'amélioration des conditions de travail et de rémunération des employés des branches concernées.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais vous livrer une des mes réflexions.
Je ne considère pas le tourisme comme une activité uniquement marchande. Le tourisme - et je me fonde sur mon expérience d'élu local et sur celle que j'ai acquise depuis quelques semaines, en tant que secrétaire d'Etat - est une activité porteuse de valeurs : valeurs d'échange, valeurs d'échange des cultures, curiosité, valeurs de relations humaines et, si l'on met de côté les déviances inéluctables contre lesquelles il faut lutter, au bout du compte ce fond de valeurs humanistes demeure.
Qu'on le veuille ou non, nécessairement, après le 11 septembre, des difficultés sont apparues. Elles seront surmontées parce que ces valeurs restent, et je pense que l'on peut traduire l'attitude que doit avoir le Gouvernement face à ce secteur par la formule que j'ai employée à l'Assemblée nationale : vigilance extrême, mais en même temps confiance raisonnée et active. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du RPR.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant le tourisme inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement » seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 41 004 185 euros. »

Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : moins 5 513 942 euros. »

La parole est à M. Vergès.

M. Paul Vergès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les contrats de plan signés entre l'Etat et les régions d'outre-mer, comme les aides provenant de Bruxelles comportent des crédits importants affectés au développement en général et au tourisme en particulier. Toutefois, dans les régions d'outre-mer, on est en droit de se poser des questions sur l'efficacité de ces dispositifs.
En effet, l'état des transports et le niveau du désenclavement des îles d'outre-mer conditionnent très largement la réussite des stratégies de développement.
La dernière saison touristique aux Antilles comme à la Réunion a été médiocre du fait de la crise qui a frappé la compagnie AOM-Air Liberté. Qu'en sera-t-il de la prochaine saison ? A la Réunion, les inquiétudes sont vives. Les professionnels craignent qu'à un climat peu favorable créé par les événements du 11 septembre ne s'ajoutent des bouleversements dans la desserte aérienne, bouleversements qui se traduiraient par l'instabilité de l'offre et par l'augmentation tarifaire ; cette inquiétude est partagée par l'ensemble des Réunionnais.
La desserte de la Réunion connaît, en effet, depuis le début de l'année, quelques turbulences.
La liaison entre la métropole et la Réunion, assurée naguère par quatre compagnies, ne l'est plus aujourd'hui que par trois : deux compagnie régulières - Air France, d'une part, et la compagnie qui résulte de la fusion d'AOM et d'Air Liberté, Air Lib, d'autre part - et une compagnie charter du groupe Nouvelles Frontières.
Si certains s'interrogent sérieusement sur l'avenir à court terme de la compagnie Air Lib, d'autres indiquent, pour ajouter à la chronique de la morosité, que la compagnie charter va quitter le ciel réunionnais pour se replier vers des destinations européennes.
D'une telle situation, il découle pour l'opinion réunionnaise trois préoccupations.
La première, c'est la crainte d'un retour au monopole aérien, avec une augmentation du prix des billets d'avion ; c'est une crainte d'autant plus légitime que les Réunionnais constatent déjà des augmentations tarifaires sur la ligne Paris-la Réunion.
La deuxième préoccupation porte sur le risque d'une baisse de l'offre puisque les parts de marché en cause représentent près de 60 % de ce marché.
Les conséquences au niveau de l'industrie touristique, mais aussi de l'exportation, de la capacité en fret aérien sont encore vraisemblablement sous-estimées. La réalisation d'un tel scénario porterait un coup certain à l'économie réunionnaise.
Tout récemment, des planteurs ont déversé à l'aéroport de Gillot des cargaisons de fruits pour protester contre l'insuffisance de la desserte et contre le coût du fret aérien vers Paris : c'est l'effort d'une année qui est compromis.
Enfin, la troisième préoccupation est liée à la crainte d'une remise en cause des moyens accordés aux citoyens d'outre-mer d'exercer, dans les meilleures conditions, leur droit de libre circulation dans l'espace français, dans l'espace de la République.
Serait-il en effet acceptable que des citoyens français, du seul fait qu'ils vivent dans un département d'outre-mer, soient privés du droit de se déplacer sur le territoire national ? Tout doit être fait pour qu'aucune atteinte ne soit portée à l'exigence de mobilité d'une population insulaire forcément captive.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'opinion réunionnaise est légitimement inquiète. Elle veut être rassurée.
Si les collectivités locales ont été sollicitées et auront à prendre rapidement position sur les demandes de soutien à l'une des compagnies pour faire vivre la concurrence, le problème essentiel est celui du caractère de service public de cette liaison.
A cet égard, je souscris aux conclusions du rapport interministériel, intitulé « desserte aérienne et activité touristique », qui conclut à la possibilité de renforcer les obligations de service public sur cette ligne, au regard notamment de celles qui incombent à la compagnie nationale.
Au titre de la continuité territoriale se pose la question de l'aide à apporter à certains usagers dans le besoin - chômeurs répondant à un contrat de travail en métropole, jeunes en formation, étudiants de familles modestes. Se pose aussi celle des aides publiques aux liaisons aériennes entre la métropole et l'outre-mer, dans le respect du droit communautaire.
Le Gouvernement est-il prêt, pour faire face à l'urgence d'une saison touristique qui s'ouvre sur plusieurs inconnues, mais aussi pour préparer l'avenir, à poursuivre la concertation engagée avec les collectivités locales et les élus de l'outre-mer sur les problèmes liés au maintien de la concurrence dans la desserte aérienne de l'outre-mer, de la Réunion en particulier, aux obligations de service publics sur la ligne Paris-la Réunion et aux conditions de maintien de la continuité territoriale ?
Le Gouvernement est-il prêt à prendre des mesures pour garantir un niveau de stabilité de l'offre propre à répondre à la double exigence de mobilité des Réunionnais et de désenclavement de l'île ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le secrétaire d'Etat, le point que je veux évoquer en premier lieu est d'ordre général, et je serai d'ailleurs amené à le soulever à propos d'autres budgets.
Dans les titres III et IV, figurent des crédits qui sont affectés au soutien de la politique du tourisme, de l'action touristique et du développement de l'« industrie touristique », formule que je n'aime d'ailleurs pas plus que vous.
Il serait important que, dans l'élaboration des contrats de plan Etat-région, vous puissiez évaluer l'efficacité des politiques qui sont conduites, de manière à permettre à leurs acteurs et à leurs bénéficiaires d'échapper à l'enfer administratif par lequel il faut en passer pour obtenir l'exécution des décisions et l'utilisation de ces crédits.
En second lieu, puisque vous augmentez les crédits de la Maison de la France dans des proportions importantes, il ne serait pas inutile d'en réserver une petite part pour procéder à une évaluation - j'y reviens ! -, indépendante et objective, de l'efficacité non seulement des politiques menées mais aussi de ceux qui sont chargés de les mettre en oeuvre au sein de la Maison de la France.
M. Jacques Brunhes, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Brunhes, secrétaire d'Etat. Monsieur Vergès, je comprends parfaitement vos préoccupations, et pas seulement parce que nous sommes à la veille de la haute saison pour l'île de la Réunion, mais plus généralement parce qu'il s'agit d'un problème de fond, celui de la continuité territoriale dans la République.
Nous savons bien que la défaillance de Swissair, conjuguée à la crise que traverse aujourd'hui le monde du transport aérien depuis les attentats du 11 septembre, affecte considérablement l'activité d'Air Lib, compagnie déjà fragile financièrement. Evidemment, c'est une préoccupation pour l'ensemble des départements d'outre-mer, notamment la Réunion.
Afin de faire face à cette situation, les dirigeants d'Air Lib oeuvrent à la mise en place à court terme de plusieurs volets d'action : fiscal, financier et juridique.
Comme vous avez pu le constater tout au long de l'été dernier, le Gouvernement est sensible à la qualité de la desserte aérienne des départements d'outre-mer. Nous savons à quel point elle est vitale pour ces départements et, en vérité, pour la République. Je ferai part de vos inquiétudes légitimes et transmettrai votre question à mon collègue Jean-Claude Gayssot, qui pourra éventuellement y répondre cet après-midi.
Pour la part qui me revient, je puis vous assurer que la campagne « Destination France », qui sera engagée au début de l'année 2002, valorisera aussi les départements d'outre-mer et l'île qui vous est chère.
J'ajoute que mon collègue Christian Paul et moi-même avons l'ambition de dynamiser le tourisme dans les départements d'outre-mer. La desserte aérienne est naturellement essentielle pour l'activité touristique de ces départements : sans elle, il ne peut y avoir d'activité touristique. C'est donc l'un des problèmes clés de l'avenir du tourisme dans ces départements.
Or il faut bien constater que ces départements, compte tenu de la crise actuelle et des modifications de flux touristiques, ont des potentialités supplémentaires qu'il nous faut absolument concrétiser.
Monsieur Hérisson, vous avez évoqué, à propos des contrats de plan Etat-région, l'exigence d'évaluations. Pour ma part, je suis favorable aux évaluations. N'ayons pas de politique sans en mesurer les effets !
En procédant à des évaluations systématiques, nous pouvons, en effet, non seulement établir d'utiles comparaisons et définir les correctifs qui peuvent s'avérer nécessaires dans les contrats de plan Etat-région, mais encore prévoir certaines améliorations globales.
Cela étant, monsieur Hérisson, dans un contrat de plan Etat-région, il y a nécessairement deux partenaires. En signant le contrat, les régions acceptent un certain nombre de règles. Bien entendu, il faut pouvoir vérifier la bonne application du contrat, l'efficacité des actions retenues et faire en sorte qu'elles ne soient pas affectées par une bureaucratie tentaculaire qui viendrait anéantir leurs effets positifs.
M. Pierre Hérisson. Merci !
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 726 595 000 euros ;

« Crédits de paiement : 749 631 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 933 092 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 288 211 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le tourisme.

I. - SERVICES COMMUNS
II. - URBANISME ET LOGEMENT

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositoins du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement : I. - Services communs, II. - Urbanisme et logement.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentée l'an dernier et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi M. le ministre, ou Mme le secrétaire d'Etat, répondra immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux trois rapporteurs pour avis, enfin à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponxe unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
Pour assurer la réussite de cette formule et donner un caractère vivant à notre séance, je compte sur chacun des intervenants pour respecter à la fois l'esprit de la procédure et les temps de parole.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme tous les ans, il me revient de présenter deux rapports : le premier porte sur les services communs, le second sur l'urbanisme et le logement.
Le budget des services communs s'élèvera à 4,3 milliards d'euros pour 2002, en progression de 2,4 %.
Les dépenses ordinaires, qui correspondent aux crédits de personnel et de fonctionnement du ministère de l'équipement, représentent 98,4 % du budget. Conséquence logique : les dépenses en capital ne représentent que 1,6 % des crédits.
Mon rapport écrit détaillant les crédits, j'en viens tout de suite à mes observations.
La première a trait à la présentation de ce budget.
Les crédits des services communs ont fait l'objet d'un examen attentif de la Cour des comptes dans son rapport sur les lois de finances établi en 2000.
Il en résulte une confirmation : le budget des services communs est encore très éloigné de la clarté qui permet l'évaluation de la dépense publique. Le budget est affecté par des transferts qui rendent difficile l'analyse des crédits. Bien que dotée de moyens efficaces et d'une expertise reconnue, la Cour a peiné à retracer l'évolution des crédits.
Je réitère donc mon souhait de voir le ministère de l'équipement présenter clairement ses crédits budgétaires en fonction de leurs affectations à des politiques publiques. Si des tableaux de répartition des emplois sont disponibles, ils ne donnent de chiffres que pour les années passées - 1999 et 2000 - alors que l'on débat aujourd'hui des choix budgétaires pour 2002.
De plus, l'existence d'indicateurs de résultats est aujourd'hui l'exception, même pour les établissements subventionnés comme l'Institut géographique national, l'IGN, que je prendrai pour exemple.
Les recommandations de notre collègue député Guy Lengagne concernant l'IGN, rendues publiques le 30 septembre 1999, n'ont fait l'objet d'un relevé de décisions que le 19 février 2001, soit un an et demi plus tard.
Sachant que le dernier contrat d'objectifs signé avec l'IGN a pris fin en 1997, je souhaiterais que vous puissiez, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur celui qui est amené à le remplacer.
Ma deuxième observation sera pour souligner que les dépenses de personnel du ministère de l'équipement sont de plus en plus rigides.
L'an dernier, seule la modération salariale expliquait la stabilisation du budget. Dès 2002, la hausse du budget, qui est de près de 3 %, résulte de l'augmentation des emplois et des accords salariaux.
En 1999 et 2000, le ministère avait procédé à la suppression de 875 postes. En 2001, il y a eu 13 créations nettes d'emplois. Pour 2002, il enregistre 241 créations nettes d'emplois et la régularisation de 969 emplois de personnels de service auparavant sous statut privé.
Dans son rapport, la Cour des comptes évoque la « rigidification de la dépense ». Le budget 2002 s'inscrit entièrement dans ce processus. En effet, lorsque des personnels sont nécessaires pour une action du ministère, on procède désormais à des créations d'emplois et non à des redéploiements.
Je veux également souligner que le deuxième rapport de la Cour des comptes sur la fonction publique est très critique quant à la gestion du personnel de l'équipement. Elle dénonce nombre d'irrégularités comme des surnombres, des emplois sur crédits, des fonds de concours irréguliers, etc. J'espère que ces irrégularités ont été corrigées.
Enfin, j'évoquerai les quelques dépenses d'investissement du budget.
J'avais fait mention, l'an dernier, d'un constat alarmant concernant le patrimoine du ministère, et il semble que celui-ci ait décidé d'augmenter légèrement les crédits, ce qui constituerait un début d'amélioration, que je salue.
Au-delà, je m'inquiète de la réduction des crédits d'études et de recherche pour 2002. Les crédits d'équipement du PREDIT, le programme de recherche et de développement pour l'innovation et la technologie dans les transports terrestres, sont réduits de 27 % pour 2002 et les crédits d'équipement du fonds d'aide à la recherche et à l'innovation dans les transports, le FARIT, de 28 %.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des explications sur cette chute des crédits.
En conclusion, je rappelle que la commission des finances a donné un avis défavorable sur l'ensemble des crédits de l'équipement, des transports et du logement, qui, du fait de la nomenclature budgétaire, ne font l'objet que d'un seul vote.
J'en viens à l'urbanisme et au logement.
Cette année encore, le budget du logement nous est présenté dans un contexte favorable : le secteur de la construction et de l'entretien se porte bien ; les bénéficiaires d'aides personnelles au logement sont moins nombreux en raison de la croissance économique. Ainsi, pour 2002, le budget du logement diminue de 1,7 %, pour s'établir à 3,7 milliards d'euros.
Je n'entrerai pas dans les détails, car les principaux chiffres figurent dans mon rapport écrit et, là encore, je formulerai directement quelques observations.
Je dirai d'abord quelques mots des aides personnelles, qui représentent les trois quarts du budget du logement.
Voilà deux ans, j'appelais de mes voeux une réforme des aides personnelles pour inciter à la reprise d'une activité professionnelle. Je me réjouis de constater que cette réforme a été entamée, une deuxième étape devant intervenir au 1er janvier 2002.
Cependant, cette réforme est loin d'être achevée : elle ne prend pas en compte les aides à l'accession, non plus que certains hébergements spécifiques. De surcroît, elle n'aboutit pas à une unification complète des aides. Il faudrait donc aller plus loin.
Pourriez-vous, madame la secrétaire d'Etat, nous indiquer quelles sont vos intentions pour réformer plus encore les aides personnelles, en particulier les aides à l'accession.
En outre, je m'étonne que le projet de loi de finances rectificative annule 1,3 milliard de francs d'aides personnelles, à la suite de ce qui semble être une avance de trésorerie de l'Etat aux caisses d'allocations familiales. Je souhaiterais obtenir des explications sur ce point.
Par ailleurs, je m'inquiète de constater qu'aucune économie n'a été réalisée pour anticiper une détérioration de la conjoncture. Un ralentissement économique en 2002 aurait son plein impact seulement en 2003 mais il n'est pas trop tôt pour envisager des économies. J'en cite souvent plusieurs : la révision des conditions de ressources pour les étudiants, la remise à plat des frais des caisses d'allocations familiales, mais aussi, au-delà des aides personnelles, une réforme de l'épargne-logement qui consisterait à lier l'octroi de la prime à l'obtention du prêt au logement.
Je souhairerais, madame la secrétaire d'Etat, connaître votre point de vue sur les moyens de redonner une certaine efficacité à l'épargne-logement.
Vous avez présenté un plan de relance au printemps dernier, et on ne peut que s'en réjouir. Cependant, la construction sociale n'a cessé de décliner ces dernières années, malgré tous les nouveaux produits. Et les options récemment prises par le Gouvernement dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains ne sont pas satisfaisantes.
Plutôt que d'imposer une norme nationale uniforme, il faudrait mieux cerner les équilibres locaux et, à l'instar de nombreux pays européens, conduire une politique beaucoup plus décentralisée. La politique du logement doit, en effet, pouvoir s'adapter à une demande diversifiée.
En outre, vous avez mis l'accent cette année sur les démolitions et sur la qualité de service, ce qui est une très bonne chose. Encore faut-il que les objectifs que vous annoncez soient tenus. Pendant des années, on budgétait 80 000 logements sociaux et on en construisait moins de 45 000. Aujourd'hui, vous révisez à la baisse - à 55 000 - les objectifs de construction sociale - et vous avez raison - mais il ne faudrait pas retrouver le même phénomène pour les démolitions.
Les procédures de démolition, qui sont en effet complexes, exigent des solutions pour reloger les habitants des immeubles démolis. De plus, le coût des démolitions ne cesse d'augmenter. Il faudra donc mener une politique particulièrement volontariste. Je sais que vous avez signé une convention sur ce sujet le 11 octobre dernier avec les collecteurs du 1 % logement, mais le versement des trois milliards de francs en cause au budget général pour 2002 est malheureusement un mauvais signal.
J'en viens aux aides à la construction privée, qui sont, malheureusement, les grandes perdantes du budget.
Vous n'avez pas les moyens de maintenir l'efficacité du prêt à taux zéro, qui a enregistré l'an dernier des mesures de restriction. Pourtant, il s'adresse à des ménages modestes et il a soutenu le secteur de la construction ces dernières années pendant que la construction sociale ralentissait.
En 2002, vous mettez en place un dispositif expérimental d'aide à la pierre pour mille logements dans des zones urbaines sensibles et pour mille logements lancés par des organismes d'HLM à destination de ménages très modestes.
De plus, un débat a lieu, je l'avais d'ailleurs initié il y a deux ans, sur le montant des cotisations au fonds de garantie à l'accession sociale, le FGAS. A mon sens, la révision des cotisations ne peut se faire qu'en concertation avec les banques, mais il faut s'interroger sur le devenir des excédents du fonds, qui apparaîtront dès 2003.
Madame la secrétaire d'Etat, avez-vous eu des engagements sur le retour de ces sommes au budget du logement en 2003 et durant les années qui suivront ? Ces surplus, d'un peu plus de 200 millions de francs, pourraient et devraient, me semble-t-il, abonder les dotations du prêt à taux zéro.
Par ailleurs, le FGAS a été amputé en 2002 de 60 millions en autorisations de programme et en crédits de paiement, ce qui ne sera pas trop grave si vous reportez sans les annuler les autorisations de programme 2001 sur 2002.
J'aborde la réhabilitation du logement privé.
Selon moi, lutter contre le logement insalubre est un objectif essentiel, d'ailleurs défini dans la loi de lutte contre les exclusions de 1998.
Cependant - il faut bien l'avouer - les crédits ne sont pas consommés. En 2000, le chapitre consacré à la lutte contre le saturnisme a fait l'objet d'une consommation de 2 à 3 millions de francs seulement et de reports de crédits pour 100 millions de francs ; manifestement, des problèmes importants se posent dans la coordination des services de l'Etat.
Il me semble qu'il faut clarifier les compétences, alléger les procédures et, surtout, définir un acteur unique pour que cette politique soit enfin efficace.
Je tiens ausssi à attirer votre attention sur les crédits de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH.
Ses moyens ont été réduits depuis deux ans, alors même qu'elle doit désormais gérer la prime à l'amélioration de l'habitat, la PAH.
L'an dernier, la situation n'était pas trop grave, car l'ANAH disposait d'une trésorerie suffisante, mais l'an prochain, ce ne sera plus le cas, car on a « pompé » dans la trésorerie existante. A l'Assemblée nationale, vous avez obtenu, madame la secrétaire d'Etat, une rallonge de 60 millions de francs en crédits de paiement et de 200 millions de francs en autorisations de programme.
A mon avis, ce n'est pas suffisant, et je voudrais que vous nous donniez des assurances sur le maintien des opérations de l'ANAH en 2002, notamment sur le développement des opérations programmées d'amélioration de l'habitat, les OPAH, qui, dans nos départements, sont très efficaces.
J'évoquerai maintenant brièvement ce qu'il est convenu d'appeler le statut du bailleur privé, ou dispositif « Besson », du nom de votre prédécesseur.
La commission des finances a accepté, vous le savez, ce dispositif, mais elle constate qu'il n'est pas assez performant, et, en tout cas, qu'il n'est pas efficace dans le logement ancien. C'est pourquoi elle a proposé - et le Sénat l'a suivie - des dispositions pour la location aux ascendants et descendants du contribuable et pour une revalorisation de la déduction forfaitaire dans l'ancien. J'espère que vous nous soutiendrez sur ce point.
En conclusion, je vous rappelle que la commission des finances a donné un avis défavorable sur l'ensemble des crédits de l'équipement, des transports et du logement. Je regrette, pour ma part, que du fait de la nomenclature budgétaire, ils ne fassent l'objet que d'un seul vote. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai entendu avec intérêt M. Pelletier, que je remercie de son rapport comme je remercie à l'avance Mme Henneron, MM. Mano et Piras, rapporteurs pour avis dans les domaines du logement et de l'urbanisme.
En 2002, pour la seconde année consécutive, interviendront des créations d'emplois. Ce sont, en effet, 300 emplois nouveaux qui seront créés, auxquels il conviendra de rajouter les 467 postes portés au budget annexe de l'aviation civile. Cet effort sans précédent marque à mes yeux la reconnaissance des responsabilités et du rôle des services de ce ministère.
Par ailleurs, j'ai tenu à ce que soit ajouté à ces créations nettes un plan de résorption des postes vacants qui concernera 1 200 postes en 2002 et permettra d'accroître de 1 500 agents les effectifs dans les services.
A quoi serviront ces effectifs nouveaux ?
Ils viendront d'abord consolider les missions traditionnelles que sont l'exploitation et l'entretien des routes, notamment pour assurer la viabilité hivernale, et des voies navigables.
Ils viseront ensuite à renforcer les missions de sécurité et de contrôle, notamment pour la sécurité routière - 77 inspecteurs - et la sécurité maritime - 32 inspecteurs.
Ils serviront enfin à soutenir la mise en oeuvre des politiques urbaines et d'aménagement du territoire, en particulier la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains et les contrats de plan.
Monsieur Pelletier, vous avez évoqué les critiques faites sur la gestion du personnel de l'équipement.
La présentation de ce rapport a pu laisser croire qu'il y a, dans mon ministère, des agents en surnombre dont le Parlement n'aurait pas autorisé le recrutement. Les 8 500 agents qui seraient en surnombre ne sont pas, je le précise, dans mes services. Ils sont recrutés par l'équipement pour le compte d'autres ministères ou établissements publics.
D'autres emplois pointés du doigt correspondent à des effectifs autorisés dans des grades supérieurs par réduction des effectifs dans les grades inférieurs, procédure indispensable pour assurer des promotions normales et réglementaires.
Sans doute est-il nécessaire de moderniser la gestion publique des personnels, notamment dans mon ministère, mais la situation est loin d'être aussi mauvaise que celle qu'a bien voulu décrire un quotidien du soir.
Je sais, monsieur Pelletier, que vous prêtez une grande attention aux autres crédits des services communs. L'immobilier n'est pas sacrifié puisque les moyens d'engagement en ce domaine seront en augmentation de 12,4 % en 2002.
S'agissant de l'IGN, sur lequel vous m'avez interrogé, je vous confirme qu'à l'image de ce qui a été fait en 2001 pour Météo-France un nouveau contrat d'objectifs entre l'établissement public et les ministères de tutelle est en cours de discussion.
Ce contrat donnera pour mission à l'IGN d'établir et de mettre à jour des référentiels géographiques de qualité, orientés désormais vers les grandes échelles, de les diffuser et de contribuer au développement et à l'utilisation des applications de valeur ajoutée en soutenant les professionnels de l'information géographique.
L'augmentation de plus de 4 % de la subvention d'exploitation à l'IGN pour 2002 permettra à l'établissement de s'engager dans cette voie en attendant la signature du contrat d'objectifs qui devrait intervenir dans le courant du premier trimestre de 2002.
Vous avez, enfin, évoqué la baisse des crédits du PREDIT et du FARIT cette année. Elle s'explique par la fin des anciens programmes PREDIT et FARIT qui se traduit mécaniquement par une baisse des besoins en crédits de paiement.
En revanche, un effort significatif sera réalisé en engagements, essentiellement sur le FARIT, pour permettre de lancer de nouveaux programmes de recherche dans les transports. Cela se traduit par une augmentation des autorisations de programme de 16 % en 2002.
Voilà les éléments que je voulais vous apporter, monsieur le rapporteur spécial, avant que Mme le secrétaire d'Etat vous réponde sur les problèmes du logement que vous avez évoqués.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget du logement qui vous est présenté s'articule autour de trois grands axes : assurer à nos concitoyens un droit au logement - c'est un combat de longue haleine qu'il faut poursuivre - ; éviter, grâce à la mixité sociale, que notre pays ne bascule vers les ghettos ; soutenir l'activité du bâtiment et de l'immobilier, secteurs essentiels pour notre économie et pour l'emploi.
Ce budget se veut un budget de vérité ; il faut que les crédits qui y sont inscrits soient consommés à la fin de l'exercice et ne soient pas plus ou moins gelés, bloqués dans des mécanismes administratifs qui finissent par rendre difficilement utilisables les sommes que la représentation nationale a voulu voter dans la loi de finances.
Dans cette perspective, les priorités du Gouvernement sont clairement affichées.
Il souhaite, d'abord, consolider et améliorer la réforme de l'aide à la personne qui a été engagée en particulier par M. Gayssot. Cette fameuse réforme consiste en une revalorisation et vise à éviter les « trappes à pauvreté » ou, en tout cas, l'incitation moindre au retour à l'emploi. Elle bénéficie à 4,8 millions de familles. Le « supplément familial du forfait charges » sera augmenté de 5 % et le taux des allocations sera valorisé de 1 % environ, pour suivre à peu près l'évolution des loyers au cours de l'année précédente.
Vous avez bien voulu indiquer, monsieur le rapporteur spécial, que d'autres phases étaient envisagées dans la réforme. Le Sénat sait bien qu'il n'est pas forcément de bonne méthode d'empiler des réformes les unes sur les autres sans s'assurer de leur mise en oeuvre. La conférence sur la famille de 2002 traitera de la question des allocations pour les foyers. Nous avons également engagé une réflexion sur l'accession à la propriété qui, à mon avis, mérite un travail structurel sur financement de l'aide à la pierre.
Les aides à la personne nous laissent des marges de manoeuvre. Cela signifie-t-il que nos estimations ont été trop serrées ? Sachez que, en l'état actuel des choses, nous envisageons encore de reporter un milliard de francs de 2001 sur 2002. Cette baisse par rapport à nos estimations s'explique à la fois par l'amélioration du climat économique - gardons-nous d'entretenir un catastrophisme dénué de fondement qui risquerait d'avoir un effet psychologique allant à l'encontre de l'objectif que nous nous sommes tous fixé, à savoir le soutien à la confiance et à la consommation - et par l'allongement de la durée d'indemnisation des chômeurs, qui sera de nature à alléger les coûts d'aides à la personne.
Nous avons donc une consolidation, avec des marges de manoeuvre nouvelles, dont la majeure partie est affectée à une très forte augmentation, en moyenne 3 %, de l'aide à la pierre, avec un effort particulier en faveur du logement social.
Là encore, le plan de relance fonctionne bien : nous atteindrons 50 000 logements sociaux cette année. Pour 2002, 55 000 sont déjà - si je puis me permettre l'expression - « dans les tuyaux », avec les contrats de relance.
Le budget consacre donc ce qui nous paraît raisonnable et réaliste en matière de construction de logements sociaux.
Le deuxième point relatif à l'aide à la pierre, c'est l'amélioration de la qualité du service, c'est-à-dire la qualité de la vie quotidienne de nos concitoyens.
A cet égard, vous savez à quel point la sécurisation des halls et la résidentialisation contribuent à régler les problèmes d'insécurité ou, plutôt, à garantir la tranquillité publique et privée dans l'habitat.
Le troisième volet concerne l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH.
L'Agence a fait l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a accepté - et je l'en remercie - de consentir un effort en lui octroyant 200 millions de francs supplémentaires.
L'an dernier, vous le savez, 2,7 milliards de francs étaient réservés à l'ANAH ; cette année, son budget s'élèvera à 2,9 milliards de francs. A cela s'ajoute le fait que le fonds de roulement de l'ANAH est aujourd'hui très correct.
Le Gouvernement a le souci de veiller à ce que les aides destinées à l'ANAH soient prioritairement accordées aux secteurs qui ont les besoins les plus substantiels.
Il s'agit, tout d'abord, d'éradiquer l'habitat insalubre. Vous avez constaté une faible consommation des crédits. Elle m'a alarmée. En conseil des ministres, comme je le disais tout à l'heure, j'ai donc présenté un plan visant la consommation des crédits indispensables à la défense de la dignité de nos concitoyens. Je crois que nous partageons tous un tel objectif.
Il s'agit, ensuite, de veiller à ce qu'il y ait davantage de logements conventionnés.
Je rappelle que, dans la fameuse loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, les 20 % de logements concernés sont, soit des logements sociaux, soit des logements conventionnés. Or nous avons tout intérêt à jouer sur la mixité des acteurs pour garantir l'équilibre social dans notre pays.
En tout cas, je crois que l'effort que l'Assemblée a souhaité et que le Gouvernement a accepté est de nature à répondre à nos espérances raisonnables à l'égard de l'ANAH et à la montée en puissance progressive de la fameuse « grande ANAH ».
Pour ce qui est de l'accession à la propriété, je voudrais maintenant réaffirmer qu'il n'y a pas eu de baisse du nombre des prêts à taux zéro.
D'une manière générale - nous aurons l'occasion d'y revenir - la politique du Gouvernement a pour objectif la mixité sociale, c'est-à-dire la démolition, la reconstruction et la répartition judicieuse sur tout le territoire du logement social. Or, mesdames, messieurs les sénateurs, cette orientation du Gouvernement en faveur du droit au logement pour tous et de la mixité sociale, c'est, d'une certaine façon, l'idéal républicain que chacun d'entre nous doit s'appliquer à faire triompher dans sa ville.
M. le président. La parole est à M. Piras, rapporteur pour avis.
M. Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'urbanisme. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits inscrits au titre de l'urbanisme dans le projet de loi de finances pour 2002 atteignent un peu plus de 500 millions de francs en moyens d'engagement. A titre personnel, je considère que ce budget est un bon budget et qu'il répond à l'ambition qui vous anime.
La commission a également relevé les progrès faits dans la préparation des directives territoriales d'aménagement au cours de ces derniers mois. Elle a aussi noté que les moyens consacrés aux agences d'urbanisme étaient consolidés et que le contentieux de l'urbanisme était désormais mieux suivi. Elle m'a cependant chargé de vous faire part, madame la secrétaire d'Etat, de plusieurs préoccupations qui se sont exprimées en son sein.
Sa première préoccupation a trait à l'incidence de l'entrée en vigueur de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Comme vous le savez, en effet, l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme prévoit qu'il est désormais interdit d'ouvrir à l'urbanisation les zones situées dans un rayon de quinze kilomètres autour des principales agglomérations françaises dès lors qu'il n'existe pas de schéma de cohérence territoriale.
Pour réaliser un tel schéma, il faut du temps et de l'argent. Si l'on y ajoute le coût qui résultera de l'élaboration des futurs plans locaux d'urbanismes, les PLU, on peut penser que les collectivités locales devront engager des crédits supplémentaires pour mettre pleinement en oeuvre leurs compétences en matière d'urbanisme. Mais que fait l'Etat pour leur venir en aide ?
La commission vous demande également, madame la secrétaire d'Etat, de repousser dans le temps la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme précité. Tout donne en effet à penser que la situation sur le terrain n'est pas mûre pour appliquer des dispositions aussi contraignantes.
La deuxième interrogation concerne les dispositions de l'article 34 de la loi SRU relatives à la création d'aires de stationnement aux abords des grandes surfaces et des commerces de la grande distribution. Cet article dispose que l'emprise au sol des surfaces, bâties ou non, affectées aux aires de stationnement d'un commerce ne peut excéder une fois et demie la surface hors oeuvre nette des bâtiments affectés au commerce. Mais, selon nos informations, le flou qui caractérise les concepts de « surfaces affectées aux aires de stationnement » et celles de « bâtiments affectés au commerce » justifierait qu'un décret soit pris pour préciser l'intention du législateur.
Si telle est l'intention du Gouvernement, madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous faire connaître le contenu et le délai de publication de ce document ?
La troisième question porte sur l'article 46 de la loi SRU, qui concerne le financement des voies nouvelles et des réseaux. Cet article prévoit la possibilité, pour les communes, d'instituer une « participation pour voies nouvelles et réseaux ». Il est cependant nécessaire, au préalable, que les communes délibèrent à cette fin. Or nous constatons que, faute d'une information suffisante, nombre de petites communes n'ont pas pris la délibération qui constitue le pré-requis pour le recouvrement de cette participation.
Le Gouvernement peut-il nous faire connaître les mesures qu'il a arrêtées afin que les services extérieurs de l'Etat présentent aux collectivités locales intéressées l'économie générale du dispositif et l'intérêt de sa mise en oeuvre ?
Nous nous interrogeons, en outre, sur la possibilité d'utiliser le nouveau système de taxe au financement des « réseaux nouveaux » et pas seulement des voies nouvelles. Leur est-il, selon le Gouvernement, applicable ?
Avant de conclure mon propos sur la loi SRU, permettez-moi d'indiquer que, quelles que soient les réserves émises par la majorité sénatoriale sur ce texte, les décrets d'application ont été élaborés avec une remarquable célérité, ce dont nous nous félicitons.
J'indique enfin au Sénat que, contrairement aux conclusions que j'ai présentées, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur l'adoption des crédits de l'urbanisme inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002.
M. le président. La parole est à M. Mano, rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour le logement.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget du logement et de l'urbanisme pour 2002 marque de nouveau l'effort du Gouvernement en faveur de l'amélioration des conditions de logement de nos concitoyens et de la transformation de la politique du logement depuis 1997, grâce, notamment, à la loi SRU. L'objectif de construction de 55 000 logements démontre la volonté politique de l'Etat et des collectivités locales de s'engager dans cette voie.
Les inflexions du budget en matière de relogement d'urgence confirment l'intérêt porté par le Gouvernement aux personnes les plus défavorisées. De même, l'expérimentation d'un accès très social à la propriété se situe dans la volonté de développer un parcours résidentiel structurant.
Il faut également signaler que la réforme des aides à la personne simplifie et harmonise les aides au logement. Elle constitue une mesure de justice sociale et offre un moyen de lutte contre le phénomène des « trappes à pauvreté ».
Dans l'immédiat, il convient de noter que la bonne tenue de l'économie a permis d'absorber le coût total de cette réforme nécessaire.
En matière de requalification urbaine, la priorité est donnée cette année aux opérations de démolition-reconstruction : 15 000 logements vétustes seront détruits, telle est votre ambition, et nous l'apprécions. Cependant, madame la secrétaire d'Etat, malgré une politique volontariste et utile de destruction d'habitations, des interrogations subsistent quant à l'avenir d'une partie des logements sociaux, notamment en centre urbain, dont la vocation n'est pas d'être détruits mais d'être mis aux normes.
Ces logements ont démontré la qualité de leur intégration socio-urbaine mais ils nécessitent un investissement important. La commission des affaires économiques craint, madame la secrétaire d'Etat, un arbitrage difficile entre les fonds nécessaires aux opérations de démolitions-reconstruction et les réhabilitations indispensables.
Si nous voulons éviter de nouvelles démolitions, il nous faut rénover et moderniser. Le budget pour 2002 présente des risques à cet égard, soyons-en conscients.
Par ailleurs, la lutte contre l'insalubrité demeure une priorité pour le Gouvernement, comme en témoigne l'augmentation de 28 % de la ligne RHI, « résorption de l'habitat insalubre ». Toutefois, après une baisse en 2001, en raison de la sous-consommation des crédits budgétaires, il apparaît nécessaire de simplifier les procédures et de mobiliser tous les partenaires institutionnels à la réalisation de cet objectif.
La question de la résorption de l'habitat insalubre m'amène tout naturellement à évoquer, madame la secrétaire d'Etat, la réduction des crédits attribués à l'ANAH. Vous avez déjà répondu en partie sur ce sujet.
L'agence ne bénéficiant plus cette année de trésorerie pour mettre en oeuvre les objectifs ambitieux du Gouvernement, il convient de renforcer ses moyens budgétaires pour qu'elle devienne, comme le souhaite le Gouvernement, « l'outil fondamental de l'amélioration du parc privé et de la lutte contre le logement indécent ou insalubre ». Très concrètement, il nous semblait effectivement nécessaire de dégager une ligne budgétaire de 200 millions de francs complémentaires.
Enfin, quelles que soient les oppositions affichées aux moyens de mettre en oeuvre une plus grande mixité sociale fixée par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, l'année 2002 constitue la première année d'application positive.
Nous pouvons nous en réjouir car les logements financés par un prêt au logement social, un PLS, ou un prêt locatif à usage social, un PLUS, ou encore un prêt locatif aidé d'intégration, un PLAI, seront éligibles au quota de 20 % demandés aux communes. Ainsi, les crédits budgétaires alloués ont de bonnes chances d'être consommés.
Toutefois, madame la secrétaire d'Etat, il est nécessaire d'abonder les lignes budgétaires correspondant à la surcharge foncière pour pouvoir concrétiser la réalisation de logements sociaux en zone urbaine dense.
Les opportunités d'acquisition d'immeubles issus du parc des institutionnels ou de sociétés foncières existent aujourd'hui et, de ce fait, nécessitent une mobilisation budgétaire immédiate. Il serait donc souhaitable à notre sens que les conventions d'objectifs pluriannuelles de productions de logements sociaux, que nous appellerons de nos voeux, prennent en compte la question de la surcharge foncière. Un engagement d'effort à parité entre l'Etat et les collectivités locales doit être pris pour ne pas freiner la volonté politique de mise en conformité avec la loi SRU qui s'exprime aujourd'hui.
Au-delà de la discussion budgétaire stricte, je ne peux passer sous silence l'accord passé avec les unions d'économie sociale du logement, les UESL, visant à la création d'une société foncière.
Si nous pouvons nous réjouir d'un accord entre les partenaires sociaux, le mouvement des entreprises de France, le MEDEF, et les organisations syndicales sur un objectif qui n'est pas contestable car il est extrêmement ambitieux et utile, à savoir la constitution d'un patrimoine immobilier important servant de base de garantie à un fonds de retraite, je veux cependant me faire le porte-parole des inquiétudes du mouvement HLM dans son ensemble au regard du risque de concurrence dans le cadre de la répartition des publics candidats à un logement social.
Je pense à la concurrence dans l'acquisition d'immeubles existants, à l'inégalité entre les offices et les sociétés d'économie mixte, les SEM, par rapport aux sociétés foncières dans la mobilisation des fonds nécessaires à ces acquisitions, au problème de la répartition des publics, notamment des salariés dont les ressources permettent un accès à un logement PLS.
N'oublions pas que la mixité sociale est une nécessité d'équilibre sociologique des immeubles qui peut être mise à mal par les conséquences de la création de ces structures immobilières nouvelles.
A l'évidence, la concrétisation de ces objectifs devra faire l'objet d'une convention stricte et respectueuse des intérêts et des missions des organismes d'HLM dans leurs diversités et des objectifs des collectivités locales dans leur volonté de développer un parc social équilibré en termes géographiques et dans la composition sociologique des immeubles.
En conclusion, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi de saluer ce budget, qui s'avère être réaliste et qui n'a pas soulevé de critiques sérieuses auprès des organismes professionnels du secteur du logement.
Cependant, je me dois de noter l'avis défavorable de la commission des affaires économiques de notre Haute Assemblée. Mais il est vrai que nous sommes là, à l'évidence, dans un rôle convenu ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Henneron, rapporteur pour avis.
Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le logement social. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget proposé pour cette année est le dernier de la législature.
Sans doute, le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales doit-il justifier, de manière concise, l'avis défavorable rendu par la commission quant à l'adoption des crédits du logement.
La commission a tout d'abord souhaité donner acte au Gouvernement des initiatives qui ont jalonné l'année, depuis le plan de relance du logement social présenté le 7 mars dernier jusqu'aux intentions que vous avez exprimées lors de votre conférence de presse, le 7 novembre dernier.
La commission a néanmoins considéré que les propositions que vous avez formulées ne se trouvaient guère confortées par un budget en baisse et sur lequel pèsent des contraintes et des interrogations que notre rapporteur spécial, M. Jacques Pelletier, a excellemment analysées.
Je pense notamment au caractère encore inachevé de la réforme des aides à la personne, à l'évolution incertaine du prêt à taux zéro ou à l'effort insuffisant en faveur de la réhabilitation.
A la suite du comité interministériel sur les villes qui s'est tenu le 1er octobre dernier, les partenaires sociaux gestionnaires du 1 % logement sont appelés à s'impliquer lourdement dans la politique du logement ainsi que dans la politique de la ville.
La commission des affaires sociales salue bien évidemment la mobilisation de nouvelles ressources permettant de donner à nos paysages urbains un visage rénové.
Néanmoins, la lecture de la convention signée entre l'Union d'économie sociale du logement et l'Etat le 12 octobre dernier suscite quelques interrogations.
Les moyens mis en oeuvre de concert par cette association et l'Etat vont faciliter le programme de démolition-reconstruction, dont vous avez annoncé les objectifs.
Cette convention prévoit, à ce titre, la constitution d'une société foncière dotée en fonds propre par le 1 % logement pour des montants importants.
Vous ne vous étonnerez donc pas, madame la secrétaire d'Etat, que la commission des affaires sociales s'interroge sur les futurs rapports entre cette société et les bailleurs sociaux actuels.
Cette société foncière se cantonnera-t-elle à faciliter la réalisation des opérations de démolition-reconstruction ou deviendra-t-elle une sorte de nouveau bailleur social mis, de fait, en concurrence avec les bailleurs sociaux existants, notamment pour la clientèle la plus solvable ? C'est ma première question.
Je reprendrai, ensuite, à mon compte une interrogation du rapporteur spécial de l'Assemblée nationale, formulée en des termes assez directs : « Le 1 % logement devenant le principal financeur du renouvellement urbain par l'octroi de subventions aux opérateurs, nul doute que l'accès des organismes d'HLM à ces financements, indispensables au succès de l'actuelle majorité, sera subordonné par les collecteurs du 1 % logement à des appports en terrains à la société foncière. »
Aussi considère-t-il que cette convention pourrait instaurer « un marché de dupes entre les organismes d'HLM et le 1 % logement ».
Le Gouvernement, qui a négocié cette convention avec l'UESL, peut-il, en répondant à cette question, en préciser la teneur ?
Par ailleurs, la loi relative à la lutte contre les exclusions, votée en 1998, prévoyait plusieurs dispositifs destinés à améliorer la situation des moins favorisés. La non-consommation des crédits consacrés à la lutte contre le saturnisme témoigne des difficultés d'application rencontrées par cette loi.
Dans son 7e rapport annuel, remis au Président de la République et au Premier ministre, le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées dresse une évaluation de certains dispositifs de cette loi et formule vingt-six propositions pour en améliorer l'application ou explorer de nouvelles voies.
Madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous préciser les propositions du Gouvernement en la matière ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR. - M. Jacques Pelletier, rapporteur spécial, applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai d'abord à M. Piras sur la question spécifique de l'urbanisme avant d'en venir à l'ensemble du dossier logement.
Chaque nouvelle loi ouvre, en quelque sorte, une période de transition accompagnée d'inquiétudes, fondées ou non, et un temps d'ajustement. C'est particulièrement le cas de la loi SRU, qui est structurellement très différente des autres lois, car elle nous conduit à prendre en compte le développement durable, la globalité des enjeux dans la pratique de l'urbanisme et, par ailleurs, les questions d'insertion du droit au logement et de la mixité sociale dans les documents d'urbanisme eux-mêmes.
Je ne crois pas qu'il serait sain de retarder la mise en oeuvre de cette loi. Nous avons tendance, en France, à toujours vouloir nous donner des délais, au terme desquels nous éprouvons toujours les mêmes incertitudes et les mêmes difficultés à mettre en oeuvre la loi. En outre, mon expérience de député européen m'amène à penser que, quelle que soit la longueur des délais, c'est toujours dans les six mois qui précèdent l'échéance que l'on découvre la nécessité de mettre en oeuvre rapidement la loi !
J'en viens à un certain nombre de sujets qui méritent d'être clairement rappelés.
Vous m'avez d'abord demandé si certaines des zones qui sont aujourd'hui non urbanisables, et qui se situent dans les fameux quinze kilomètres autour des agglomérations bloqueraient de toute urbanisation. La réponse est non.
Hypothèse numéro un : ces zones font partie d'un futur schéma de cohérence territoriale, dit SCOT, et l'EPCI est déjà constitué. Si la procédure de SCOT est en cours, l'EPCI peut rendre urbanisables les zones concernées.
Hypothèse numéro deux : ces zones ne font pas partie d'un SCOT soit parce que celui-ci n'est pas encore engagé, soit parce qu'elles n'y figureront jamais. Il suffit alors de faire une demande au préfet. Celui-ci peut accorder une dérogation afin de rendre les zones urbanisables après consultation de la chambre d'agriculture et de la commission des sites.
Le préfet et la collectivité peuvent ne pas être d'accord en raison de problèmes structurels. On ne peut pas alors, vous en conviendrez, permettre aveuglément l'urbanisation des terrains sans qu'il y ait eu un consensus.
Pour répondre à votre question, il n'y a donc pas de blocage de l'urbanisation dans les zones auxquelles vous faisiez référence. Il faut toutefois connaître la procédure. Il est donc nécessaire, c'est vrai, de convaincre et de faire passer l'information. Les services de l'Etat ont, notamment depuis cet été, bien amélioré la diffusion des informations auprès des collectivités locales et des élus. Nous avons publié des documents, envoyé des courriers individuels aux maires et des projets de délibérations types pour aider les petites communes, notamment sur l'un des sujets que vous avez évoqués, à savoir la question des voies nouvelles et des réseaux.
Les procédures habituellement mises en oeuvre étaient, la plupart du temps, illégales. D'ailleurs, vous le savez très bien, les riverains qui ont saisi les tribunaux parce qu'ils contestaient précisément ces procédures ont gagné. On ne pouvait effectivement pas faire porter la responsabilité sur le premier qui construisait l'ensemble de l'infrastructure. En la matière, les choses avancent et nous y sommes, en tout cas, très vigilants.
J'en viens à votre question relative aux aires de stationnement, qui mérite aussi attention.
De notre point de vue, il n'est pas nécessaire de prendre un décret. La loi s'applique de plein droit telle quelle. Si les sénateurs ou d'autres élus jugeaient opportun que nous clarifiions la situation grâce à une circulaire, personnellement, je n'y suis pas opposée, mais je me méfie, malgré tout, des circulaires publiées trop vite, car elles donnent, en général, aux acteurs locaux moins de souplesse.
J'en arrive au logement. Les interventions de l'ensemble de vos rapporteurs m'amènent à prolonger, en quelque sorte, l'intervention que j'ai faite tout à l'heure sur l'accession sociale à la propriété. Je ne comprends pas l'inquiétude de nos concitoyens, en particulier du milieu mobilisé par les questions du logement, sur l'avenir du prêt à taux zéro, à moins qu'elle n'ait un rapport avec les réticences historiques de l'administration du ministère des finances.
Le nombre de ces prêts est le même depuis plusieurs années. Fort heureusement, avec la baisse des taux, le coût du prêt à taux zéro est moindre pour l'Etat. Mais on ne va quand même pas se plaindre du fait que la puissance publique ne soit pas obligée de réguler l'économie et que, d'une certaine façon, elle contribue à rendre plus favorable l'accession à la propriété ! C'est bien l'objectif de notre politique que de baisser les taux d'intérêt et c'est le succès de notre politique qui, fort heureusement, allège l'obligation de financement de l'Etat. Tous ceux, ici, qui sont comptables des fonds publics savent très bien que nous souhaitons, au contraire, une économie qui fonctionne bien et dans laquelle l'Etat ne serait pas obligé d'intervenir sans arrêt pour colmater les brèches !
En matière d'accession sociale, nous essayons de lancer deux pistes.
D'abord, nous voulons la rendre plus sociale pour que les familles qui ont les plus faibles ressources puissent y accéder, ne pas, en effet, retomber dans les erreurs du passé en termes de surendettement, d'où la logique d'une procédure engagée à travers le mouvement HLM et fondée sur la sécurisation des accédants.
Ensuite, nous affichons une volonté de favoriser l'accession « sociale », au sens large du terme, dans les zones urbaines sensibles, car c'est l'un des éléments de la mixité urbaine que nous souhaitons promouvoir.
Personnellement, je fonde beaucoup d'espoirs dans ces pistes. En outre, après le rapport sur l'avenir du prêt à taux zéro, et le bilan qui en sera tiré, rapport en cours d'élaboration par le conseil général des ponts et chaussées et l'inspection générale des finances, j'espère que nous pourrons porter un regard objectif sur ce prêt à taux zéro. Qu'en est-il ? Est-il suffisamment urbain ? J'entends des discours assez contradictoires à ce sujet ; les accessions seraient plus nombreuses en zones périurbaines qu'en zones urbaines, etc.
Je veillerai particulièrement à ce que ce type d'accession permette, dans les secteurs où c'est vraiment nécessaire, de réintroduire des familles. Je pense aux centres-villes qui, les statistiques démographiques le montrent, sont désertés.
Monsieur Pelletier, vous m'avez interrogée sur l'avenir de l'épargne logement. L'idée d'une réforme dans ce domaine me paraît opportune et mérite d'être retenue, car il est, en effet, quelque peu désolant, pour un secrétaire d'Etat au logement, de voir que les placements des Français dans la pierre ne retournent pas à la pierre, si je puis dire. Mon orientation est donc bien d'essayer de consolider la formule à long terme.
Mais, encore une fois, il n'y a aucune inquiétude à avoir sur le prêt à taux zéro, et l'accession à la propriété : c'est l'une des grandes priorités du Gouvernement, d'autant que cette aspiration numéro un des Français correspond aussi à une inquiétude par rapport à l'avenir et à un souci de garantir leurs retraites. Cela compte dans l'équilibre global de l'épargne à long terme !
Vous m'avez tous fait part de vos inquiétudes, s'agissant de la politique du 1 % logement, sur les démolitions et la rénovation du parc d'HLM. Il est vrai que, au moment de traduire dans les faits la volonté que nous avons de casser les ghettos et de changer l'ampleur des financements consacrés à ces actions, on peut nourrir certaines craintes.
Je voudrais d'abord vous rassurer sur la question de la réhabilitation du parc social. Il est évident que l'on ne va pas le raser, y compris dans les quartiers. Il est vrai, monsieur Mano, que les crédits nécessaires à la réhabilitation doivent être maintenus à un niveau élevé. Pour l'heure, les crédits consacrés aux primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, dits crédits PALULOS, concernent 120 000 logements réhabilités dans le budget de l'Etat, et cela depuis plusieurs années.
En faut-il moins ? Je suis sûr que non. En faut-il plus ? Peut-être, à condition qu'ils soient utilisés à bon escient. C'est pourquoi le Gouvernement financera à hauteur de 50 % les études stratégiques d'analyse de la maintenance, de l'entretien et de l'avenir du parc social par organisme. Nous allons démolir un certain nombre de sites qui ont fait l'objet récemment de plusieurs opérations dites PALULOS.
On pourrait avoir le sentiment d'un certain gaspillage des fonds publics si un tel mécanisme s'opérait. Il faut donc que chaque organisme établisse un plan stratégique et dresse la liste des logements qu'il va faire démolir, rénover ou construire. Nous connaîtrons alors l'ampleur de l'effort que la nation doit consentir au côté du monde HLM.
Sans doute sera-t-il alors opportun de repenser les financements, pour éviter les stratégies « par accordéon » qui consistent à attendre que les logements soient détériorés avant de les rénover. Il en résulte qu'une fois cette rénovation réalisée une sorte de ségrégation sociale s'est installée. En effet, des gens sont partis et ceux qui reviennent ne reflètent pas forcément la même diversité sur le plan social. Nous sommes donc à un carrefour. A partir du moment où nous entrons dans cette logique, nous devons repenser notre stratégie. Mais il n'y a pas de baisse de l'effort de réhabilitation. Il faut maintenant davantage en calibrer la forme et le contenu.
Vous avez également fait état de vos craintes à propos de l'émergence d'un nouvel opérateur avec le 1 %.
D'abord, félicitons-nous ensemble que la mixité sociale et le renouvellement urbain soient une grande cause nationale, partagée par l'ensemble des acteurs économiques et sociaux - puisque les syndicats, vous le savez, ont donné leur accord - et par le pays. On ne peut avancer que lorsque tout le monde partage la même philosophie, dont j'ai tenu à rappeler qu'elle me paraissait être un principe de notre République.
Comment être sûr que la société foncière, qui est constituée, ne concurrencera pas - ce serait absurde - le monde HLM, pis, ne le marginalisera pas, le cantonnant dans le « très social » alors qu'elle se réserverait le « social supérieur », comme disait Coluche en parlant des classes moyennes ouvrières classiques ? Très franchement, il n'y a pas de crainte à avoir. C'est l'objet du contenu de l'accord que nous allons maintenant préciser d'ici à la fin de l'année, et une consultation du mouvement HLM est évidemment permanente sur ce sujet.
D'abord, il n'y aura pas de lien obligatoire entre le financement par la société foncière des démolitions et des reconstructions. Ensuite, elle devra faire du social et du très social. Enfin, il y aura une sorte de respiration entre les HLM et la société foncière. J'ai par conséquent la certitude que nous ne mettrons pas en péril le monde HLM. En tout cas, soyez convaincus que le Gouvernement fera preuve à cet égard d'une totale et absolue détermination, bien qu'il n'y ait pas, je crois, du côté du 1 %, une volonté hégémonique. J'y vois plutôt une volonté de collaboration et de coopération.
M. le président. Nous passons aux questions.
La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Notre excellent rapporteur spécial de la commission des finances M. Pelletier ayant déjà présenté une analyse globale du budget et, par ailleurs, les rapporteurs pour avis MM. Piras, Mano et Mme Henneron ayant soulevé un certain nombre de problèmes, je poserai directement mes questions.
Personne ne conteste aujourd'hui les difficultés d'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. La mise en place des schémas de cohérence territoriale, les SCOT, en est un exemple particulièrement criant : elle devrait coûter entre 350 000 euros et 400 000 euros. Certaines collectivités ne pourront pas l'assumer financièrement.
Pourtant, les lois de décentralisation ont prévu, en matière d'urbanisme, la mise à disposition gratuite des services de l'Etat. Cette mesure, inscrite en lettres d'or, devait permettre à l'ensemble des collectivités du territoire de s'organiser et d'être assistées. Mais le Gouvernement et les parlementaires ont peut-être oublié cette disposition lors de l'examen de la loi SRU !
Au moment où nous allons créer les EPCI, nécessaires à l'élaboration de ces schémas de cohérence territoriale, et devant la réticence des petites communes ou des petites collectivités, qui craignent d'être absorbées ou de disparaître en s'associant avec les grandes, tout en rappelant plus particulièrement la règle des syndicats mixtes où la représentation peut être proportionnelle à la contribution financière, je suis conduit à vous poser une question toute simple, madame le secrétaire d'Etat : comment allez-vous permettre aux collectivités, plus particulièrement aux plus petites d'entre elles, d'assumer cette charge financière et quel soutien comptez-vous leur apporter ?
Toujours à propos de l'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, un certain nombre de problèmes se font jour. Le Sénat avait dénoncé en son temps le dispositif concernant l'obligation pour les communes de se doter de 20 % de logements sociaux. Nous avions souligné qu'une telle mesure serait inapplicable dans certains secteurs, notamment dans les parcs naturels régionaux et dans les communes touristiques. Nous avions vu juste !
Au-delà des difficultés de la gestion de l'espace, le coût très élevé du foncier pose un véritable problème, plus particulièrement dans les communes touristiques ou les stations classées.
Deux solutions s'offrent alors : ou bien les communes concernées sont exclues du dispositif, ou bien un moyen de compensation financière doit être trouvé pour leur permettre de faire face à une charge foncière particulièrement élevée. Entendez-vous apporter un soutien financier complémentaire aux acquisitions foncières nécessaires ?
Enfin, il faut donner aux collectivités locales les moyens de délibérer à propos de la participation financière aux voies nouvelles et aux réseaux, de manière que l'on n'assiste pas à une série de contentieux relatifs aux relations financières entre les opérateurs et les collectivités locales.
Madame le secrétaire d'Etat, telles sont les questions très précises que je voulais vous poser. Le vote du budget est sans doute le moment privilégié pour demander les crédits nécessaires au bon fonctionnement des collectivités locales.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, je répondrai tout d'abord sur le coût, notamment pour les petites communes, des documents d'urbanisme qui seront nécessaires à la mise en oeuvre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Depuis 1983, l'ensemble des crédits afférents en particulier aux études de modifications des plans d'occupation des sols ont été inclus dans la dotation générale de décentralisation, la DGD. Normalement, il s'agit d'une compétence transférée. Fort heureusement, au cours du temps, toutes les collectivités se doivent de mener des études et des réflexions en matière d'urbanisme sur leur territoire.
Je vous invite à regarder ce qui se passe dans l'ensemble des communes de l'Union européenne : la France n'est pas l'un des pays où les collectivités locales consacrent le plus d'argent aux études urbaines ou aux études de paysage et de territoire. Par conséquent, je les invite à mobiliser les urbanistes. Tout le monde y gagnerait pour la valorisation de ce patrimoine fantastique que constituent nos villes et nos villages, notamment au regard de l'économie du tourisme et du bien-vivre de nos concitoyens.
A partir de ce constat, que pouvons-nous faire ? Je vous rappelle que quarante postes ont été dégagés dans les services de l'urbanisme et de l'habitat des directions départementales de l'équipement, les DDE, pour permettre une meilleure utilisation des moyens de l'Etat et accompagner les communes dans la mise en oeuvre de la loi SRU.
Par ailleurs, il est vrai qu'il est préférable que les collectivités locales s'unissent. Elles peuvent dès lors consulter un urbaniste. J'insiste auprès de vous pour convaincre les maires, car souvent vous entretenez des liens très étroits avec eux, de ne pas avoir recours à des documents d'urbanisme clefs en main. Certes, le coût est moins élevé mais, à long terme, la qualité de nos sites s'en trouve amoindrie. Cet effort s'inscrit dans le long terme.
J'en viens aux 20 % de logements sociaux. Certes, la question du coût foncier se pose, mais elle est récurrente s'agissant de l'avenir du financement de nos logements sociaux. Si le contrat de relance fonctionne bien, c'est en raison des subventions qui sont versées pour un certain nombre d'opérations en zone urbaine. Voilà qui répond en partie à la question que, tout comme M. Mano, vous avez posée, monsieur Hérisson.
Le financement du foncier sera l'un des sujets qu'il nous faudra étudier pour le financement du logement social. Actuellement, les communes qui n'ont pas 20 % de logements sociaux ne sont pas nécessairement les plus défavorisées, car leurs contributions à la diversité de l'habitat, si elles sont regroupées en communauté d'agglomération ou en communauté de communes, peuvent être utilisées pour financer des logements sociaux, tout particulièrement pour le foncier. En clair, elles peuvent récupérer ce qu'elles paient dès lors qu'elles construisent des logements sociaux. Ce système permet de faire pression sur les communes, mais il leur donne aussi les moyens d'atteindre leurs objectifs.
A voir l'effort accompli par la Ville de Paris et par un certain nombre de communes qui atteignent ce quota de 20 %, j'observe que l'aspect convaincant et peut-être, dans certains cas, pressant de la loi commence à produire ses effets. Je ne crois pas qu'il soit impossible d'atteindre ce quota sur le territoire national, ni que l'on assèche les ressources des communes, car ce sont souvent les communes les plus riches qui n'atteignent pas ce taux de 20 %.
M. Pierre Hérisson. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Cette procédure de questions et de réponses me paraît très intéressante, surtout pour ceux qui nous regardent ou qui nous écoutent.
Je répondrai à Mme le secrétaire d'Etat par quelques observations. Tout d'abord, je voudrais combattre l'idée selon laquelle les communes touristiques sont plus riches que les autres communes. Elles sont souvent plus endettées, parce qu'elles doivent entretenir de nombreux équipements qui ne sont parfois utilisés qu'une partie de l'année. En outre, compte tenu de la réforme de la taxe professionnelle, qui est par ailleurs une bonne chose elles subissent un tassement de leurs recettes.
Ensuite, si j'ai insisté sur les difficultés rencontrées par les communes touristiques, les stations classées et les communes se situant dans les parcs naturels régionaux pour se doter de 20 % de logements sociaux, c'est que, très souvent, ces communes partent de zéro : aller de zéro à 20 % tout en maintenant une politique de développement de la commune pose un problème de rattrapage qui mérite d'être étudié, s'agissant notamment du soutien aux acquisitions foncières destinées à réaliser ces constructions.
J'ai bien noté, madame le secrétaire d'Etat, que vous aviez conscience que la DGD n'était pas suffisante pour pallier le vide juridique en la matière. Pour être sénateur et maire, j'ai le sentiment que les services de l'Etat, qui, jusqu'à présent, assuraient un travail important pour les communes en matière de plan d'occupation des sols et d'urbanisme, profitent de cette mesure pour conseiller aux maires de faire appel à des bureaux d'études pour l'élaboration des SCOT. De ce fait, on assistera à un glissement d'une prestation gratuite vers une prestation payante et coûteuse. Il y là un véritable problème. En effet, pour élaborer correctement un SCOT, la dépense est de l'ordre de 2,5 millions à 3 millions de francs, ce qui est considérable.
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, d'un montant de 7,3 millions d'euros, le budget du logement est en léger recul par rapport à celui de la loi de finances pour 2001. Cette diminution est regrettable, d'autant que le contexte actuel d'accroissement des inégalités sociales et de stagnation du pouvoir d'achat exigerait qu'un effort supplémentaire soit accompli afin de mettre en place un véritable service public du logement, qui consacrerait la pleine reconnaissance du droit au logement.
Cette relative modicité de votre budget face aux énormes besoins ne vous a pas empêchée de faire preuve d'un réel volontarisme politique et de mener avec détermination un certain nombre d'actions en faveur des populations les plus démunies. Madame la secrétaire d'Etat, la tâche que vous avez entreprise n'était pas aisée et nous devons reconnaître que le bilan de votre ministère, où figurent des avancées auxquelles notre groupe a largement contribué, est positif. Autant le dire dès maintenant, le groupe communiste républicain et citoyen votera votre budget.
La nouvelle procédure de questions et de réponses ne nous permet malheureusement pas de rendre justice à votre action en s'y attardant quelque peu. Je me limiterai donc aux mesures les importantes.
Le rétablissement de l'aide à la pierre supprimée par la droite, l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties et l'application d'un taux réduit de TVA à 5,5 % suscitant la construction de nouveaux logements sont autant de mesures positives au bénéfice du logement social.
A ces mesures s'ajoutent celles qui tendent à favoriser la mixité sociale, que vous avez rappelées tout à l'heure, madame la secrétaire d'Etat. Je pense notamment au relèvement du seuil d'application du surloyer obligatoire et des plafonds de ressources.
Ces dispositifs s'inscrivent dans la continuité des actions menées depuis 1997 pour lutter contre les exclusions sociales. Rappelons que les dispositions de la loi relative à la solidarité et du renouvellement urbains participent pleinement de cette problématique visant le rééquilibrage de la répartition des logements sociaux, même si, et nous le regrettons vivement, les avancées concrètes demeurent encore largement insuffisantes.
Malgré l'amélioration des conditions de financement, que nous approuvons, la construction sociale, outre le fait qu'elle ait pris du retard, est beaucoup trop modeste. Tandis que l'on prévoit la construction de 55 000 logements sociaux, il est, dans le même temps, non seulement prévu d'en démolir 15 000, mais aussi d'en revendre 10 000.
Nous savons aussi que la faiblesse de la dotation destinée à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat compromet un programme ambitieux de réhabilitation. Dans ces conditions, le solde annoncé de 30 000 logements sociaux sera-t-il atteint ? Permettez-moi, madame la secrétaire d'Etat, d'en douter. Quand bien même le serait-il, il ne permettrait pas de faire face à l'évidence et à l'urgence des besoins. Cela constitue l'une de nos principales préoccupations.
Autre source d'inquiétude : l'effort louable que vous accomplissez en faveur de la mixité sociale se heurte à de trop nombreux obstacles, notamment l'existence d'un surloyer qui pénalise, en la détournant, l'épargne logement des jeunes ménages et retarde ainsi leur accès possible à la propriété. A l'inverse, les jeunes issus de milieux défavorisés sont pénalisés du point de vue du montant du loyer et des garanties exigées pour accéder à un logement type HLM.
Par ailleurs, nous le savons - diverses enquêtes en témoignent - beaucoup trop de jeunes vivent aujourd'hui dans des situations d'extrême précarité, sans réelle indépendance financière. Les conditions exigées pour la location sont donc trop contraignantes.
Je tiens encore à attirer votre attention sur la question de l'aide personnalisée au logement l'APL, et sa nécessaire revalorisation. Je citerai un exemple : au début des années quatre-vingt-dix, un couple de retraités touchant une pension de 9 000 francs bénéficiait de 580 francs au titre de l'APL ; aujourd'hui, ce couple n'a plus droit à l'APL, alors que sa retraite est restée identique. Cet exemple, qui concerne un foyer dont les revenus sont modestes, est particulièrement significatif.
S'agissant des loyers, la suppression du droit de bail et le gel des loyers pour la période 2000-2001 ont été appréciés par les locataires. C'est que, pour eux, le montant de la quittance mensuelle est primordial !
Cependant, madame la secrétaire d'Etat, comment ne pas s'inquiéter de la sortie de cette période de gel quand, d'ores et déjà, des bailleurs sociaux anticipent afin de rattraper ce prétendu manque à gagner et que les charges locatives sont tirées vers le haut par les hausses d'énergie, comme celles du gaz, par exemple ?
Par ailleurs, vous avez souhaité renforcer le rôle social des gardiens d'immeubles, avec un gardien pour cent logements. Notre groupe approuve une telle mesure. Cependant, pour positive qu'elle soit, ne conduira-t-elle pas aussi à une hausse des charges qui pèsera de nouveau sur les foyers les plus modestes ?
Le contexte actuel d'essoufflement de la conjoncture devrait a contrario nous inciter à libérer du pouvoir d'achat en faveur de la consommation, donc du soutien de la croissance.
Vous avez indiqué que vous veilleriez à ce que la sortie de la période de gel des loyers soit modérée. Pourriez-vous, madame la secrétaire d'Etat, et ce sera là ma question, nous donner quelques précisions et garanties à ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Madame la sénatrice, je vous remercie des propos que vous avez tenus sur le volontarisme politique ; il est, je crois, confirmé dans ce budget.
Ma grande crainte était d'avoir des sommes qui, de toute façon, ne seraient pas dépensées et qui ne nous auraient pas donné une crédibilité suffisante pour demander une montée en puissance de nos dispositifs dans les futurs budgets de l'Etat.
Vous avez raison, nous ne construisons pas assez de logements sociaux. Cela étant, je ne suis pas d'accord avec le chiffre que vous avancez pour les logements qui seront revendus : je ne pense pas que l'on en revendra 10 000, même si, dans certains cas, des opérations sont bienvenues en termes de mixité sociale.
Mais le calcul est simple : 55 000 constructions, 15 000 démolitions, cela ne fait que 40 000 logements construits. Or le pays en a besoin de davantage encore, notamment dans le parc HLM. Faut-il encore que l'on veuille construire et que l'on puisse le faire. L'effort commence à porter ses fruits, mais il faudra le consolider. Tout ce qui a été dit sur le financier, notamment, mérite d'être examiné. M. Cacheux doit nous rendre son rapport et éclairer ainsi le pays sur les orientations en la matière.
Pour ce qui est du secteur privé, vous avez insisté sur l'importance du taux réduit de TVA pour la réhabilitation. Comme le Gouvernement s'y est engagé, il mettra toute son énergie à obtenir de Bruxelles la prorogation de cette mesure.
Par ailleurs, nous souhaitons que les aides fiscales s'inscrivent dans une vision sociale du logement et de l'investissement locatif privé. C'est tout le sens de la déduction forfaitaire de 60 % pour des plafonds de loyer et de ressources assez bas, soit une mesure qui a une vocation plus sociale encore que ce que l'on appelle l'« investissement Besson ». C'était d'ailleurs, madame la rapporteure, une des demandes du Haut Comité pour le logement des plus démunis que l'on favorise, dans le parc privé, une offre correspondant à ceux de nos concitoyens dont les ressources sont les plus faibles.
Ensuite, je voudrais insister après vous sur la question des loyers.
Comme vous le savez, nous sommes sortis du gel. Les associations de locataires et un certain nombre de nos concitoyens craignaient une sorte de rattrapage. Les représentants du mouvement HLM m'avaient assuré que tel ne serait pas le cas. Il nous semblait, par ailleurs, assez difficile de brider par trop les conditions de sortie car, dans certains cas très particuliers, la faiblesse du loyer cumulée aux difficultés propres aux organismes militait pour que l'on ménage une certaine marge de manoeuvre.
La consigne que j'ai donnée aux préfets est claire : chaque fois que les loyers augmenteront de plus de 2,2 %, une deuxième lecture sera rendue obligatoire en conseil d'administration de l'organisme ; le préfet ainsi que la direction départementale de l'équipement demanderont des comptes très précis aux organismes pour qu'ils justifient éventuellement ce dépassement de taux.
Aujourd'hui, les indications que nous avons sur ce qui va se passer en janvier sont plutôt bonnes ; nos inquiétudes portent davantage sur les hausses qui pourraient avoir lieu en cours d'année et qui feront l'objet de nos efforts et de la vigilance des préfets. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mme Odette Terrade. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Je veux remercier Mme la secrétaire d'Etat des précisions qu'elle vient de nous apporter : elle a largement étayé le sens qu'elle donne, et que nous donnons avec elle, au droit au logement pour tous.
J'insiste encore sur les loyers, qui sont notre principal souci. Dans de nombreux quartiers en difficulté, en effet, la quittance de loyer compte pour une part importante dans le budget des locataires.
Nous serons - soyez-en sûre - attentifs, avec les locataires, pour que les orientations du Gouvernement ne soient pas compromises !
M. le président. La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Avec 7,3 milliards d'euros de crédits, le budget que vous nous proposez, madame la secrétaire d'Etat, traduit bien l'effort que, cette année encore, l'Etat consacre au logement.
Hors aides à la personne, qui diminuent de 0,5 % en raison d'une nette amélioration de notre économie, les moyens d'engagement progressent de 2,7 %.
Ce buget s'inscrit dans le droit-fil de l'action menée depuis quatre ans, avec l'augmentation des moyens budgétaires, un environnement fiscal amélioré, des réformes réglementaires et législatives importantes et un dialogue constructif avec les partenaires.
C'est donc un budget de continuité, mais l'accent est mis sur le renforcement de l'aide à la pierre, la relance du renouvellement urbain, l'éradication de l'habitat indigne, l'engagement vers un développement durable de l'habitat.
Depuis 1993, chaque budget faisait apparaître une baisse de la construction du logement social locatif. Aujourd'hui, je note avec plaisir l'inversion de la tendance : 50 000 logements sont attendus en 2001.
Dès 1997, le Gouvernement rétablissait la subvention d'aide à la pierre. Vous poursuivez dans cette voie, mais en allant plus loin, puisque le financement de 55 000 logements est prévu, ce qui représente une augmentation de 10 %, assorti d'une dotation qui passe de 418,6 millions d'euros à 457,4 millions d'euros.
Les crédits pour la prime à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, les PALULOS, établis à 142 millions d'euros, sont, eux, en légère diminution. Certains s'en émeuvent. Dans une France où le parc social relève pour l'essentiel non pas de la destruction mais de la réhabilitation, quelle est votre réponse, madame la secrétaire d'Etat ?
La loi SRU, qui fixe un seuil obligatoire minimal de 20 % de logements sociaux, trouve évidemment dans ce retour de l'aide à la pierre une réponse adaptée.
Relancer le logement social, mais aussi casser les ghettos et éradiquer l'habitat indigne, tout cela figurait en tête du plan du 7 mars dernier. Il s'agit d'améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens et de faire entrer dans les faits le renouvellement urbain.
Cette politique passe par un triplement des crédits de démolition pour 15 000 démolitions prévues en 2002. Des opérations de démolition-reconstruction de grand ampleur, s'appuyant sur la loi SRU, nous font entrer concrètement dans le champ de la mixité sociale voulue par le législateur ; elles permettront une répartition différente du logement social à l'échelle de l'agglomération.
La mixité sociale est aussi favorisée dans les quartiers requalifiés, grâce à l'aide à la pierre complémentaire au prêt à taux zéro. Une aide de 10 700 euros est prévue pour les accidents dans le périmètre des zones urbaines sensibles, les ZUS. Nous souhaitons non seulement la reconduction, mais encore l'extension de cette disposition à l'avenir.
L'année 2001 aura été marquée par une innovation dont les effets sont attendus en 2002, je veux parler de l'investissement du 1 % dans le financement du renouvellement urbain.
A ce titre, 3 milliards de francs par an sont affectés à la démolition des logements sociaux et des copropriétés dégradées. En outre, une société foncière sera dotée, à terme, de 7 milliards de francs pour aider à la mixité sociale.
Enfin, je me félicite du doublement des sommes consacrées à l'amélioration de la qualité du service dans les quartiers d'habitat social.
Le 17 octobre dernier, madame la secrétaire d'Etat, vous avez présenté un plan d'éradication de l'habitat indigne financé par 4 milliards de francs sur cinq ans et concernant 50 000 logements.
Après la loi relative à la lutte contre les exclusions, ce plan contribue à la concrétisation de l'objectif d'un logement décent pour tous contenu dans la loi SRU. Pour 2002, au total 21,85 millions d'euros seront consacrés à cette action.
Onze départements, dont l'Hérault, sont classés prioritaires, avec 1 500 logements à traiter d'ici à cinq ans. On parle d'ailleurs non plus d'« habitat insalubre », mais d'« habitat indécent ». Pouvez-vous nous laisser espérer, madame la secrétaire d'Etat, la sortie prochaine du décret définissant très précisément le « logement décent » ?
Comment ne pas aborder également la question des moyens de l'ANAH ? Les autorisations de programme diminuent de 10 %, bien qu'elles atteignent le niveau de celles qui auront été consommées en 2001. Est-ce suffisant ? On peut en douter, comme nous doutons de la solution adoptée par l'Assemblée nationale qui, pour répondre au besoin, ampute le fonds de garantie de l'accession sociale de plus de 47 millions d'euros.
Avez-vous, madame la secrétaire d'Etat, une proposition autre ?
S'agissant du taux réduit de TVA sur les travaux, avez-vous l'assurance que Bruxelles ne s'opposera pas à la pérennisation de cette mesure ?
Madame la secrétaire d'Etat, nous avons participé côte à côte, vendredi dernier, aux premières assises de la haute qualité environnementale, la HQE, qui se sont tenues à Bordeaux. Ce concept est au service du développement durable dans l'habitat. Je note, dans le budget que vous nous proposez, le retour marqué de l'aide à la pierre. Voilà un signe favorable, gage d'une qualité renforcée et de la concrétisation du concept de haute qualité environnementale.
L'Union régionale des HLM du Languedoc-Roussillon travaille actuellement à l'élaboration d'une charte méditerranéenne de la construction, respectant l'identité très forte des régions du Sud, Languedoc-Roussillon et PACA. Il s'agit d'un programme ambitieux, supposant une offre nouvelle imprégnée de la demande HQE. Il mobilise des efforts pour réaliser des économies d'énergie et d'eau, en permettant non seulement de réduire les charges locatives, mais aussi, au-delà, d'améliorer le confort des habitants, le tout en gérant au mieux les ressources naturelles. Je compte sur votre écoute et votre aide à ce sujet, madame la secrétaire d'Etat.
Bien évidemment, le groupe socialiste votera votre budget.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué plusieurs points auxquels je suis très sensible.
Je commencerai par répondre à la dernière question que vous avez soulevée, celle de l'habitat durable, qui mérite que l'on y insiste, car elle est moins souvent abordée que les autres à l'occasion de la discussion budgétaire.
Il faut que nous en soyons tout à fait conscients, il y a là un double enjeu pour nos concitoyens : d'une part, l'amélioration de leur qualité de vie, notamment de leur intérieur, ce qui est essentiel pour la santé, et l'amélioration de la qualité de l'environnement au sens large ; d'autre part, le considérable gisement d'économies d'énergie ou d'utilisation d'énergies peu émettrices de gaz à effet de serre.
En fait, 40 % de notre énergie principale sont consommés dans le bâti et au moins 25 % des émissions de CO2 ont pour origine l'habitat. Par conséquent, si nous voulons respecter les critères fixés dans le protocole de Kyoto, le secteur de l'habitat doit faire des efforts considérables.
L'avantage de notre secteur, c'est que les efforts qui sont réalisés peuvent aussi avoir des conséquences sur les charges ; Mme Terrade a insisté sur ce point. En consommant moins d'énergie, on obtiendra une diminution des charges. L'enjeu est donc d'importance.
Le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures. J'annoncerai au conseil des ministres du début du mois de janvier un plan général sur l'habitat et le développement durable. Je voudrais citer les éléments pertinents qui figurent dès à présent dans le budget.
Premièrement, un crédit d'impôt de 15 % est prévu pour nos concitoyens qui réaliseraient des travaux au titre des économies d'énergie : changement de chaudière, modification des fenêtres et des huisseries, notamment. Ce crédit d'impôt vient d'ailleurs s'adosser à un dispositif pris l'an dernier sur les énergies renouvelables. Le crédit d'impôt de 15 % concerne donc tout à la fois les énergies renouvelables et les économies d'énergie.
Deuxièmement, pour les organismes d'HLM, l'Assemblée nationale a proposé la prolongation de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour la porter de quinze ans à vingt ans quand les opérations répondraient à des exigences de haute qualité environnementale et à un certain nombre d'exigences environnementales ou d'habitat durable.
La lutte contre l'insalubrité s'inscrit dans ce cadre, car la priorité, en matière d'habitat durable, c'est que le logement soit sain et décent pour nos concitoyens.
Le décret relatif au logement décent sortira en fin d'année ou au début de l'année prochaine. Il doit maintenant être examiné par le Conseil d'Etat. Il ne semble pas poser de problèmes majeurs, mais nous attendons l'avis du Conseil d'Etat.
Troisièmement, j'évoquerai les crédits de l'ANAH. L'Assemblée nationale a « rétabli » les 200 millions de francs. Le terme n'est pas tout à fait juste, d'ailleurs, car, en réalité, il y avait déjà 2,7 milliards de francs l'an dernier. C'est donc une augmentation. Je rassure les parlementaires, il n'y a pas de problème de fonds propres à l'ANAH. Il n'est pas non plus illégitime, en cas d'accumulation, que l'Etat récupère les crédits non consommés, car on ne peut pas non plus garder en stock des crédits alors même que la nation en a besoin.
Quatrièmement, sur la baisse de TVA, vous avez raison de dire, monsieur le sénateur, que c'est un enjeu important pour le bâtiment. Nous ne sentons pas, à Bruxelles, de fortes réticences. D'abord, la conjoncture économique pousse nombre de nos partenaires à réfléchir au soutien à l'économie. Or la TVA à 5,5 % a prouvé qu'elle était un fantastique levier à la fois pour la croissance et pour l'emploi.
Forts de notre expérience, nous avons la possibilité de convaincre les autorités de Bruxelles et nos partenaires européens. Sachez que nous y mettrons toute notre énergie !
M. André Vezinhet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Je voudrais, madame le secrétaire d'Etat, vous dire la grande satisfaction que me procurent vos réponses sur ce sujet.
Le mouvement du logement social, dans sa diversité, est un carrefour historique. Il a su montrer, parfois même au monde de la copropriété, tout l'intérêt de l'amélioration de l'habitat - je pense notamment aux mesures qui ont été prises pour l'isolement phonique et la meilleure maîtrise de la consommation d'énergie.
Les précisions que vous venez d'apporter sur l'aménagement durable sont extrêmement encourageantes. Après vingt ans de vie publique consacrés au logement, je continuerai avec le même enthousiasme, puisque vous tracez des perspectives aussi stimulantes. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Félicitations pour votre enthousiasme, monsieur Vezinhet !
La parole est à M. Cleach.
M. Marcel-Pierre Cleach. Madame la secrétaire d'Etat, les rapporteurs vous ont dit tout le mal que pensaient leurs commissions respectives du projet de budget que vous présentez ce matin au Sénat.
J'aurais moi-même aimé avoir le temps de développer une analyse complète des dispositions en débat. Si elles ne sont pas toutes inintéressantes, je regrette leur caractère globalement classique : il traduit bien la difficulté du choix entre le souhaitable et le possible, qui se fait surtout au détriment du souhaitable.
Le temps m'étant compté, je me bornerai à vous faire part, madame, de mes inquiétudes sur la situation du logement social, particulièrement sur les problèmes de financement des opérations de construction et de réhabilitation.
Il est vrai que la construction de logements aidés est en panne : vous l'avez reconnu en imaginant un plan de relance - le terme choisi confirme bien la notion de panne - et en affichant des objectifs plus réalistes que ceux des budgets des années précédentes, qui étaient systématiquement et largement démentis par les faits.
Force est de nous interroger ensemble sur cette constante et d'en rechercher les causes.
Louis Besson avait morigéné le mouvement HLM, qui, considérait-il, manquait de volontarisme. Vous-même avez souvent dit et répété que la crise de la construction sociale était due au refus de plusieurs villes d'accueillir ce type d'habitat, et la loi SRU a cru trouver une solution dans la coercition - que, pour ma part, je trouve toujours attentatoire aux libertés communales.
Je voudrais vous faire part de mon expérience de président d'OPAC et d'élu local et départemental en vous livrant une explication toute simple de la crise que nous déplorons tous et que vous cherchez - je vous en donne acte bien volontiers - à surmonter.
Le logement social est de la compétence de l'Etat. Or que constatons-nous depuis plusieurs années ? Le financement - quand il était PLA, ou maintenant qu'il est PLUS - ne permet pas aux organismes d'HLM d'assurer l'équilibre des opérations sans apport de fonds propres, fonds propres dont ils sont souvent bien démunis.
En matière de construction neuve, les organismes se sont donc naturellement tournés vers les collectivités locales, auxquelles ils demandent l'apport gratuit des terrains et des réseaux ; dans mon département, cet apport est évalué aujourd'hui à 80 000, voire à 100 000 francs par logement construit.
L'organisme que je préside a cependant réussi à convaincre près de la moitié des communes du département à coopérer de cette manière au développement d'un secteur locatif horizontal, architecturalement diversifié et géographiquement réparti, contribuant en outre à développer à proximité des bassins d'emplois une politique d'aménagement du territoire reconnue et appréciée.
Mais l'expérience a ses limites, et les maires se montrent de plus en plus réticents, en raison non pas de je ne sais quel ostracisme à l'égard des locataires du secteur aidé, mais tout simplement du coût financier que représente pour leur commune cet apport nécessaire à l'équilibre de l'opération.
En secteur urbain, le coût du foncier est dissuasif, et les villes importantes sont généralement réticentes, voire opposées, c'est vrai, à l'effort budgétaire que nous leur demandons, car les terrains dont elles disposent sont généralement recherchés, et la concurrence ne joue pas en faveur de nos organismes.
En matière de réhabilitation, comme de démolition, d'ailleurs, nous rencontrons les mêmes problèmes d'équilibre ; mais nous ne pouvons pas, car ce n'est pas la tradition dans ce domaine, recourir à l'aide des collectivités locales - même si, ici ou là, des conseils généraux, voire des conseils régionaux, définissent, hors compétence obligatoire, mais conscients de l'importance des besoins, des politiques d'aides ponctuelles à certaines opérations.
Si les financements par les prêts locatifs à usage social, les PLUS, étaient ajustés à la réalité économique et permettaient d'équilibrer nos opérations sans faire appel à l'aide des collectivités locales, nous pourrions construire deux fois plus de logements sociaux chaque année, si tant est, bien entendu, que l'exploitation des renseignements du numéro unique d'enregistrement des demandes en démontre le besoin.
Cette évidence est connue de tous les acteurs du logement social, et vous ne pouvez pas l'ignorer, madame la secrétaire d'Etat - votre prédécesseur ne l'ignorait pas.
Qu'attendons-nous pour adapter le financement aux besoins réels, et ce pour les trois secteurs de la construction sociale : la construction neuve, la réhabilitation et la démolition suivie de reconstruction ?
Vous avez la charge, madame, d'un secteur en crise grave. Nous ne construisons pas assez de logements,...
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. 310 000 !
M. Marcel-Pierre Cleach. ... et nous avons des difficultés à faire de la réhabilitation, ce qui entraîne une vacance croissante alors même que la demande n'est pas satisfaite.
Je ne crois pas que les mesures ou demi-mesures ponctuelles suffisent à endiguer ce phénomène. Il vous faut, il nous faut - mais n'est-ce pas trop simple ? - adapter les financements aux réalités du marché, c'est-à-dire à l'évolution des prix de revient. Envisagez-vous de le faire ?
En liaison directe avec cette inquiétude sur l'avenir du logement social, je voudrais également vous interroger sur les utilisations multiples du 1 % logement.
Quel est l'avenir de l'accession sociale, dont la dotation prévisionnelle est concurrencée par d'autres grandes affectations ?
A quelle préoccupation réelle - je reprends sur ce point ce qui a été dit par un grand nombre d'orateurs - correspond la création de cette Société foncière qui s'intercalera entre les organismes d'HLM et le secteur privé pour réaliser des opérations qui pourraient relever du secteur marchand ou du mouvement HLM ? Est-ce une nouvelle usine à gaz ? Est-ce une demande émanant des collecteurs et destinée à aider leurs propres réseaux de sociétés de construction ? Pensez-vous que cette solution favorisera la mixité ?
Madame la secrétaire d'Etat, malgré les explications que vous nous avez fournies tout à l'heure, je ne comprends pas - et je vous remercie de bien vouloir éclairer le Sénat sur ce point - le bien-fondé de cette nouvelle institution, qui constitue la seule grande originalité contenue dans ce projet de budget, projet que je ne puis toutefois approuver dans la mesure où il ne comporte aucune revalorisation significative de l'aide à la construction.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, votre question est ample, et ma réponse ne pourra être que schématique.
D'abord, il faut souligner que la construction va bien en France,...
M. Marcel-Pierre Cleach. La construction sociale !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. ... avec 300 000 logements construits, voire 310 000 - mais c'est là un niveau exceptionnel.
Une question stratégique se pose à notre pays. En effet, si l'on observe l'économie du logement, on constate sur la longue durée que, lorsque le logement privé se porte bien, le logement social se porte moins bien, et que, lorsque le premier enregistre une chute, le second vient en rattrapage.
Il faut que le logement social cesse de servir de variable d'ajustement.
Toutes les politiques qui ont été menées, que ce soit par des gouvernements de gauche ou de droite, que ce soit à court ou à long terme, ont conforté le logement social dans ce rôle de variable d'ajustement, permettant à la masse globale de la construction d'être maintenue à un niveau satisfaisant. Ce point est stratégique et doit être soulevé.
Le rapport de M. Cacheux devrait justement nous permettre de proposer de nouvelles pistes pour le financement du logement social dans le long terme, de façon à assurer la relance de ce secteur.
Cela étant, nous ne sommes plus en panne : la courbe de la construction remonte de plus de 10 % cette année. Mais vous n'ignorez pas qu'il s'agit d'un bateau lent : on ne décrète pas du jour au lendemain une augmentation de 25 % de la construction à l'échelon national !
Cependant, les contrats de relance qui ont été engagés se traduisent par une remontée permanente et significative, et leur financement a partiellement réglé la question du bouclage global des opérations.
Pourtant, nous revenons de loin, monsieur le sénateur : quand M. Périssol a supprimé toutes les aides à la pierre pour ne conserver que la mesure fiscale portant sur la TVA, nous avons enregistré une chute du financement qui a rendu impossible le bouclage des opérations. Par la suite, M. Besson a instauré le PLUS ; au même moment, du fait de la reprise de la construction, les coûts ont augmenté : coût du foncier d'un côté, coût de la construction de l'autre.
Il faut donc trouver une régulation économique pour que les budgets de l'Etat ne viennent pas sans cesse alimenter cette sorte de spéculation qui conduit à l'augmentation permanente des prix. Le sujet est complexe, mais nous nous attachons à le régler. Quoi qu'il en soit, nous ne sommes plus dans le creux de la vague, et je ne crois pas que l'on puisse parler de panne.
Un deuxième sujet important a été évoqué : celui de la contribution des collectivités locales. La question de la décentralisation fera l'objet, comme toujours, d'un grand débat national lors de la campagne pour l'élection présidentielle, temps fort de notre démocratie, et la question du logement devra être posée. Or je constate que peu nombreux sont ceux qui font des propositions en la matière. Tout le monde est d'accord pour décentraliser, mais dès qu'il s'agit de fixer des modalités concrètes, l'imagination se met soudainement à défaillir.
Or, on le constate à propos du logement, on le constate aussi à propos du seuil de 20 % de logements sociaux, une certaine autonomie des collectivités est nécessaire ; mais l'Etat doit aussi garantir la solidarité, sur laquelle repose le droit fondamental de tous les citoyens d'avoir un toit. C'est cette articulation entre la liberté locale et la garantie d'un logement pour tous, partout, dans un esprit de mixité, qui nous contraint à recourir à la loi, même si l'on peut le regretter. De ce point de vue, les zonages qu'évoquait M. Hérisson sont certainement l'un des éléments sur lesquels il serait possible d'agir rapidement.
Je souhaite maintenant m'expliquer rapidement sur l'institution de la société foncière. Je considère qu'une multitude d'outils sont nécessaires pour soutenir le logement social, car, si toute la charge pèse sur les seuls offices d'HLM, ceux-ci ne pourront pas faire face. Les investissements privés doivent prendre leur part et inventer de nouveaux outils pour répartir l'ensemble de la charge sociale - je n'aime pas ce terme de « charge » ! -, pour que l'effort de solidarité soit partagé entre les divers acteurs.
Il est fondamental que se mettent en place une complémentarité et une collaboration des différents acteurs, et je pense, monsieur le sénateur, que c'est là une piste pour l'avenir. En effet, l'investissement « pierre » doit être en mesure d'adosser le financement des retraites. Or vous remarquerez que, à travers cette société foncière, le pays disposera d'un fonds collectif alimenté par un prélèvement sur la richesse produite par les entreprises, et ce dans un double but social : d'une part, la mixité sociale et la réalisation de logements sociaux et très sociaux dans les zones urbaines, et, d'autre part, un abondement des fonds de répartition - puisqu'il s'agit de cela.
Nous sommes là sur une piste - il faudra peut-être en trouver d'autres - qui peut permettre au pays à la fois de faire davantage d'efforts en matière de logement, particulièrement en matière de logement social, et de renforcer son régime de retraite par répartition. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Marcel-Pierre Cleach. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Cleach.
M. Marcel-Pierre Cleach. En ce qui concerne l'équilibre des opérations - ce que j'ai appelé l'insuffisance du financement par opération -, le plan de relance va tout à fait dans le sens que je souhaite et, grâce à lui, nos dernières opérations sont équilibrées à un iota près. Mais il ne nous permet pas de renoncer, en zone rurale notamment, à demander aux collectivités locales les contributions et les terrains viabilisés que j'évoquais.
Un grand débat doit s'ouvrir : le logement social doit-il rester de la seule compétence de l'Etat, ou bien devons-nous tous « nous y mettre » ?
Le problème est résolu depuis très longtemps dans mon département : il s'agit, certes, d'une compétence d'Etat, mais nous travaillons tous ensemble à tirer la même charrette ; et je constate que cette attitude est en train de se généraliser à l'échelon national. Je crois comprendre que vous aussi allez dans ce sens et, quand nous nous rapprocherons de l'équilibre des opérations, les organismes d'HLM se porteront peut-être mieux.
Le débat sur la décentralisation est passionnant et mérite d'être porté à l'échelon national. Il nous faut tenir compte de votre préoccupation, madame le secrétaire d'Etat - et je m'en étais déjà entretenu avec votre prédécesseur -, qui est d'assurer l'égalité sur l'ensemble du territoire. Mais il est difficile d'y parvenir.
Votre réponse, madame le secrétaire d'Etat, me donne donc, au moins partiellement, satisfaction, parce que je constate que vous allez dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, mais aussi la réforme des aides à la personne, traduisent la volonté du Gouvernement de faire du logement une priorité ; il faut au demeurant reconnaître que le Gouvernement y est aidé par un contexte qui reste relativement favorable. L'examen des crédits consacrés à l'urbanisme et au logement dans le projet de loi de finances pour 2002 confirme votre souci de modernisation, et je m'en rejouis.
Les effets qu'induit la croissance, pour nos concitoyens, en matière de logement permettent de recentrer l'effort budgétaire sur les aides à la pierre. Je vous félicite pour ce choix, sachant que le logement social demeure l'une de vos préoccupations constantes.
Je souhaite toutefois exprimer à mon tour - car il faut « enfoncer le clou » - quelques-unes de mes inquiétudes relatives à la diminution de la dotation en faveur de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. Nous savons que, en réponse aux nombreuses craintes exprimées par nos collègues de l'Assemblée nationale, vous avez accepté de l'abonder de 200 millions de francs en autorisations de programme et de 60 millions de francs en crédits de paiement. Ce complément sera-t-il suffisant, compte tenu des nouvelles missions confiées à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains ?
J'aimerais en tout cas, madame la secrétaire d'Etat, que des garanties soient apportées concernant certains outils qui ont fait leurs preuves - et qui continuent à donner satisfaction - en matière d'amélioration du parc privé.
Je pense en particulier aux opérations programmées d'amélioration de l'habitat, les OPAC, dont les effets sont très bénéfiques sur le parc immobilier locatif. Ces programmes, qui sont un élément fort d'engagement des collectivités locales, sont essentiels à la revitalisation de certains quartiers. Les communes et communautés de communes comptent beaucoup sur les OPAC pour réhabiliter les logements privés et lutter contre l'insalubrité.
Cet outil est aussi un bon moyen de soutenir les PME-PMI locales et - même si, je le concède, l'abaissement du taux de la TVA à 5,5 % joue là un rôle primordial - d'améliorer rapidement la qualité du bâti existant. Plus de 30 000 logements ont ainsi été rénovés l'année dernière, raison pour laquelle les élus sont très attachés aux OPAC.
J'espère donc que l'accroissement des missions de l'ANAH ne se fera pas au détriment des opérations programmées.
Je comprends bien les réserves émises par la Cour des comptes au sujet du ciblage social des aides octroyées par l'ANAH. Celle-ci a une mission de service public et il est normal que les aides qu'elle verse ne constitue pas une aubaine pour le parc privé. Il convient donc de prendre en compte les observations de la Cour des comptes, et, partant, de renforcer les conditions d'attribution des aides et les modalités de leur contrôle.
Je souhaite à présent vous poser deux questions, madame la secrétaire d'Etat.
D'abord, est-il vrai que, comme on le laisse entendre ici ou là, 2 milliards de francs seront prélevés en 2003 sur le 1 % logement au profit des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations ? La commission des finances et son président, M. Lambert, s'interrogent, madame la secrétaire d'Etat.
Ensuite, ne jugez-vous pas utile de porter les crédits de l'ANAH à un niveau lui permettant de continuer à faire face à ses missions ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénataur, comme vous, je suis convaincue du rôle de l'ANAH en matière de réhabilitation et c'est pourquoi j'insiste sur le fait qu'il n'y a pas cette année de diminution de ses crédits.
L'an dernier, la subvention de l'ANAH s'élevait à 2,2 milliards de francs, celle de la PAH à 800 millions de francs, soit, au total, 3 milliards de francs, mais il était convenu avec l'ANAH et les gestionnaires de la PAH que les crédits utilisés s'élèveraient en réalité à 2,7 milliards de francs. Personnellement, j'ai souhaité que l'argent disponible soit dépensé et que l'on ne procède donc pas à un gel des crédits. Au total, on parviendra ainsi cette année à 2,9 milliards de francs et la grande ANAH disposera donc objectivement de davantage de moyens pour effectuer les mêmes missions, puisque j'inclus les crédits de la PAH.
Par ailleurs, j'insiste sur le fait qu'il faut ajouter à ces 2,9 milliards de francs les aides à la réhabilitation, en particulier la TVA à 5,5 % et le crédit d'impôt de 15 % pour les améliorations thermiques et l'isolation. De nombreuses réhabilitations dans le champ de la PAH bénéficient en effet de ces mécanismes. Vous avez bien voulu reconnaître par ailleurs que la réduction du taux de la TVA constituait un fantastique moteur pour la réhabilitation.
Votre autre question portait sur le prélèvement opéré par l'Etat sur le 1 % logement. Je rappelle que, pendant des années, les prélèvements de l'Etat ont été considérables. Peu importe la forme qu'ils ont pu revêtir, mais le prélèvement non budgétisé de 7 milliards de francs opéré par M. Périssol pour financer le prêt à taux zéro constituait bien un prélèvement d'Etat.
On affecte une certaine somme à une mission qui n'est plus financée par l'Etat puisque les PAP ont été supprimés, somme que l'on prélève sur le 1 %. Le prêt à taux zéro est en fait rebudgétisé et le prélèvement au titre du renouvellement urbain, qui s'élèvera à quelque 3 milliards de francs, s'étalera sur les cinq années que recouvrent les conventions. Le prélèvement sur le fonds du 1 % est donc dérisoire par rapport à ce qui se faisait jusqu'à présent.
Je ne veux d'ailleurs pas que l'on insiste trop sur le fait qu'il est relativement faible, car la tentation d'y recourir est déjà trop fréquente quand les moyens de l'Etat sont limités, et ils le sont toujours au regard des besoins !
Les partenaires qui gèrent le 1 % logement ont beaucoup tenu à respecter les conventions car ils sont convaincus de la détermination du Gouvernement et, je l'espère, du Parlement à ne pas opérer de prélèvement sur ces fonds et à affecter correctement ceux-ci.
Enfin, s'agissant des crédits de l'ANAH, toutes les observations de la Cour des comptes sur le ciblage social et sur l'habitat indigne font l'objet d'une sorte de contractualisation, en tout cas d'un accord de l'ANAH, pour orienter ces crédits vers les priorités du Gouvernement en respectant les observations de la Cour des comptes.
M. Yvon Collin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Collin.
M. Yvon Collin. Je remercie Mme la secrétaire d'Etat du volontarisme qu'elle affiche dans ses propos et dans son projet de budget. Je précise, car je ne l'avais pas dit, que je voterai bien entendu celui-ci.
Je tenais à exprimer nos interrogations en la matière, et je vous remercie des réponses que vous y avez apportées, madame la secrétaire d'Etat.
Votre volontarisme ne doit pas se démentir, car l'habitat est un formidable moteur de cohésion sociale. A ce propos, j'ai pris bonne note de votre volonté d'éradiquer les marchands de sommeil, encore trop nombreux dans notre pays.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2002 concernant les services communs, l'urbanisme et le logement.
La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, compte tenu des contraintes de temps qui s'imposent à moi, je ne pourrai évoquer la question de la construction de logements sociaux, ce qui est regrettable car elle mérite toute notre attention.
Je focaliserai mon intervention sur un point précis, qui a déjà été abordé en fin de matinée, à savoir l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH.
Le projet de budget du logement pour 2002 opère manifestement un transfert des crédits du secteur privé vers le logement social et une redéfinition des priorités au profit de ce dernier.
Les subventions d'investissement affectées à l'ANAH, qui incluent cette année le financement de la prime à l'amélioration de l'habitat, la PAH, baissent de 14 % par rapport à la loi de finances pour 2001. Or, l'année dernière, ces crédits avaient déjà été réduits de 45,7 millions d'euros, au motif que l'agence disposait d'une trésorerie importante. Ainsi, en deux ans, les crédits affectés à l'ANAH accusent une diminution de 23 %. Cette forte baisse est très surprenante, surtout si l'on considère la réforme consécutive à l'adoption de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
En effet, cette loi a considérablement élargi le rôle de l'agence en prévoyant de lui confier la gestion de la prime à l'amélioration de l'habitat, et ce à moyens constants, voire en baisse.
Par ailleurs, elle a réorienté les priorités vers les copropriétés dégradées, les logements en sortie d'insalubrité et les opérations liées à la prévention du saturnisme : il s'agit là, pour l'essentiel, de problématiques urbaines. Parallèlement, le conseil d'administration de l'ANAH du 4 octobre dernier a décidé de ramener les taux de subvention de base de 25 % à 20 % dans tous les secteurs lorsque les loyers sont libres.
Cette réforme entraînera par conséquent deux types de bouleversements.
En premier lieu, l'élu local que je suis ne peut que déplorer la réorientation des aides au détriment du monde rural. En effet, l'ANAH joue un rôle primordial dans ce dernier, la réhabilitation et la remise sur le marché de logements vacants, souvent inconfortables, étant un puissant vecteur de développement local, de redynamisation du tissu économique et de valorisation du patrimoine architectural de nos villages.
Par ailleurs, dans les petits bourgs et les villes moyennes, les aides à la réhabilitation constituent de véritables soutiens à l'artisanat.
Ainsi, en 1996, 4,7 milliards de francs de subventions publiques ont induit 19 milliards de francs de travaux et permis de maintenir ou de créer plus de 105 000 emplois. Le secteur artisanal a plus que jamais besoin d'un tel soutien de la part des pouvoirs publics, dans le contexte difficile du passage à l'euro, de l'application des 35 heures et de la réduction du volume d'activité.
Une fois de plus depuis l'arrivée de ce gouvernement au pouvoir, ce sont les entreprises d'un côté et le milieu rural de l'autre qui sont lésés. Il apparaît en outre que l'Etat se décharge de ses responsabilités en incitant les collectivités locales à subventionner les réhabilitations entrant dans le champ d'action de l'ANAH.
La subvention de l'Etat est en effet majorée dès lors que les collectivités locales participent au financement des travaux. Le logement social relève pourtant de la responsabilité de l'Etat et non de celle des collectivités territoriales. Les communes, notamment les petites villes, mènent souvent une politique indépendante en matière de logement conventionné et n'ont pas accès aux subventions de l'ANAH.
En second lieu, la réforme de l'ANAH constitue un signe très négatif adressé aux propriétaires privés bailleurs. Là encore, le Gouvernement semble confondre propriétaires privés et nantis, ce qui relève d'une vision totalement erronée des bailleurs privés. Rappelons en effet que quelque 71 % de ceux-ci disposent d'un revenu par foyer inférieur à 25 000 francs par mois et que près de 83 % des intentions d'achat de logements locatifs émanent de personnes disposant d'un revenu familial inférieur à ce même montant. Soulignons en outre qu'un jeune âgé de dix-huit à vingt-cinq ans sur trois envisage d'acheter un logement locatif à plus ou moins long terme, contre une personne de plus de vingt-cinq ans sur dix.
Par conséquent, il conviendrait, à mon sens, non seulement de maintenir à leur niveau actuel, voire de renforcer, les aides de l'ANAH destinées aux propriétaires privés dans l'habitat diffus, mais aussi de simplifier les procédures d'aide au développement de l'offre locative.
Enfin, ces aides sont manifestement inadaptées à la réalité de la situation sociale des propriétaires privés. Elles semblent davantage conçues pour les personnes jouissant d'un patrimoine important et ne permettent par conséquent aux petits propriétaires ni d'amorcer le financement d'un investissement ni d'en retirer un revenu avant un délai qui ne soit pas trop long eu égard au niveau de leurs ressources.
Pourtant, les propriétaires privés doivent s'associer aux élus pour redynamiser le patrimoine ancien dans nos petites villes. Ne conviendrait-il pas, madame le secrétaire d'Etat, de profiter de la présente discussion budgétaire pour remédier aux faiblesses du financement de l'ANAH ? L'excédent de trésorerie de cette dernière résulte sans doute de la modification de la nature des interventions et de la baisse constante des taux.
Par ailleurs, quelles mesures entendez-vous prendre pour rassurer les propriétaires privés et favoriser l'investissement locatif ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison d'insister sur le rôle joué par les bailleurs privés dans la politique du logement social en France.
Les crédits de l'ANAH sont l'un des outils dont nous disposons pour conduire cette politique, mais ce n'est pas le seul. Comme je l'ai souligné ce matin, l'Assemblée nationale a souhaité que nous abondions de 200 millions de francs supplémentaires le montant des autorisations de programme pour l'ANAH. Le Gouvernement a donné son accord à cette proposition, de sorte que le total des crédits affectés à la nouvelle ANAH sera de 2,9 milliards de francs pour 2002.
Il faut comparer ce montant aux crédits prévus par la loi de finances pour 2001. Vous avez indiqué, monsieur le sénateur, qu'une baisse était intervenue ; or ce n'est pas le cas puisque 2,2 milliards de francs étaient inscrits l'an dernier au budget pour l'ancienne ANAH, auxquels s'ajoutaient 800 millions de francs au titre de la prime à l'amélioration de l'habitat, soit un total de 3 milliards de francs.
Toutefois, il était convenu que seuls 2,7 milliards de francs seraient utilisés : nous disposerons donc cette année de 2,9 milliards de francs, contre 2,7 milliards de francs l'année dernière à périmètre égal, c'est-à-dire en tenant compte du transfert qui a été opéré au profit de la nouvelle ANAH. Je considère que celle-ci dispose, avec cette dotation, de moyens tout à fait importants pour agir.
Par ailleurs, vous avez exprimé votre crainte, monsieur le sénateur, que le monde rural ne se trouve particulièrement pénalisé par les réorientations de crédits auxquelles l'ANAH a procédé en réponse, je vous le rappelle, à des consignes de la Cour des comptes.
Je ne crois pas qu'il en ira ainsi. En effet, l'ANAH donne une priorité absolue, dans son action, à tout ce qui concerne le traitement des logements insalubres ou indécents. Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, il existe, en milieu rural et dans les bourgs-centres, de nombreux logements inconfortables ou insalubres.
La seconde priorité de l'ANAH est le conventionnement, qui correspond à une mission sociale. Or, précisément, le niveau du conventionnement est très proche de celui du marché dans le milieu rural. Il n'y a donc aucune raison que les propriétaires privés ne bénéficient pas du taux majoré applicable au conventionnement, car ils ne sont en rien lésés par ce mécanisme et contribuent davantage, grâce à lui, à la solidarité nationale.
Enfin, comme vous l'avez relevé, monsieur le sénateur, nous devrons prendre d'autres mesures visant à aider les investisseurs privés. Une grande partie des petits propriétaires, j'en suis tout à fait d'accord avec vous, sont loin d'être des nantis, notamment en zone rurale ou dans les petits bourgs. Il a d'ores et déjà été décidé que, en sus des crédits de la PAH et de la baisse de la TVA, un crédit d'impôt de 15 % serait accordé aux occupants pour tous les travaux permettant de réaliser des économies d'énergie, ce qui concerne de nombreuses opérations de réhabilitation.
Je souligne que nous avons complété également le dispositif de la loi Besson, en stimulant l'investissement par le biais d'une déduction de 60 % sur les revenus fonciers, à condition que les logements concernés aient davantage un caractère social que ce n'est le cas actuellement et soient loués à des populations aux revenus un peu plus modestes que celles qui sont visées par le dispositif Besson, les loyers demeurant à un niveau encore attractif pour le bailleur.
Je pense que l'ensemble de ces dispositions sont de nature à encourager les petits propriétaires à s'engager dans l'investissement locatif, surtout si celui-ci a une vocation sociale, et, par ailleurs, à accroître l'effort entrepris en faveur du logement social dans le milieu rural et dans les bourgs-centres.
M. Joseph Ostermann. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Ostermann.
M. Joseph Ostermann. Je formulerai une seule remarque, madame la secrétaire d'Etat.
En tant que maire, j'ai eu l'occasion de superviser deux opérations programmés d'amélioration de l'habitat. La première fut financée par l'ANAH à hauteur de 35 %, la seconde à hauteur de 30 % ; par la suite, ce taux a été abaissé à 25 %, pour atteindre aujourd'hui 20 %.
Les collectivités locales sont donc amenées à participer de plus en plus largement au financement des opérations. Je le déplore, parce que ces collectivités mènent, en particulier dans les petits bourgs, leur propre politique, notamment en matière de logement conventionné. Or, si l'on change sans cesse les règles du jeu, elles ne pourront pas continuer à participer à l'effort consenti en faveur du logement social.
M. le président. La parole est à M. Dauge.
M. Yves Dauge. Madame la secrétaire d'Etat, je voudrais revenir sur l'accord concernant le 1 % logement que vous avez négocié avec les partenaires sociaux, accord que nous considérons tous comme essentiel et qui représente une importante garantie contre les risques de fiscalisation.
Cependant, je souhaiterais obtenir des éclaircissements sur quelques points précis.
En ce qui concerne l'accession à la propriété, pourriez-vous nous indiquer le montant prévisionnel, par année ou pour l'ensemble des cinq exercices, des contributions qui seront apportées au 1 %, lequel permet de sécuriser, je le rappelle, le dispositif de financement du prêt à taux zéro ? Vous serait-il également possible de nous confirmer que vous avez pu étendre le champ des bénéficiaires de celui-ci ?
A cet égard, il est arrivé que le Parlement vote des dispositions mais que l'administration en entrave l'application par la suite, rendant difficile la consommation de crédits que nous avions pourtant alloués. L'an dernier, nous nous étions par exemple plaints du fait que le bénéfice des mesures visant à faciliter l'accession à la propriété, notamment par le biais du 1 %, soit réservé aux primo-accédants, alors que bien d'autres catégories devraient pouvoir y prétendre.
En outre, pouvez-vous nous préciser dans quelles conditions le dispositif est étendu au logement ancien, question qui nous intéresse tous ici, et quel est alors le montant de travaux requis ?
Par ailleurs, le prêt locatif à usage social, le PLUS, et le plan de relance, notamment l'augmentation de l'aide à la pierre, avaient déjà rendu le financement beaucoup plus performant, alors que nous étions confrontés à un sous-financement des opérations. Or nous allons maintenant pouvoir bénéficier aussi des prêts alloués au titre du 1 % : pouvez-vous nous indiquer à quel taux et sur quelle durée, l'enveloppe s'élevant, m'a-t-on dit, à 3,5 milliards de francs ? Je voudrais que les choses soient bien claires sur ce point.
J'exprimerai le même souhait s'agissant de la démolition-reconstruction. On nous annonce que, grâce à la convention, nous bénéficierons d'un effort exceptionnel à hauteur de 3 milliards de francs qui, dans mon esprit, viendront s'ajouter au dispositif de « droit commun », si j'ose dire, que constitue le PLUS. Pouvez-vous nous confirmer qu'il en sera bien ainsi et nous préciser sur quelle durée sera consenti cet effort exceptionnel ?
Il importe que nous soyons bien informés à cet égard, car ces problèmes de démolition-reconstruction sont difficiles à régler, d'autant que, dans certains cas, les démolitions seront coûteuses, puisqu'elles concerneront des logements qui sont encore inscrits dans les comptes des offices et représentent une valeur supérieure à la valeur de démolition. C'est sans doute là que l'aide exceptionnelle du 1 % pourra nous aider.
Enfin, je souhaiterais connaître l'aide que vous comptez apporter, toujours dans ce cadre, à la société foncière dont vous avez parlé et qui me paraît fort utile.
Ma dernière question, qui, je le sais, est un vaste sujet, est la suivante : comment va-t-on programmer ces aides, notamment celles qui sont accordées au titre du 1 % ? On va déconcentrer sur les régions. On va déconcentrer et décentraliser. Je pense qu'il y a un double mouvement, qui est évoqué souvent. C'est une question essentielle. Vous savez que se pose un problème d'équilibre entre les sociétés anonymes et les offices d'HLM sur la répartition du 1 %. Jusqu'à présent, il faut bien le reconnaître, le 1 % est réparti d'une manière inégale, pour ne pas dire plus.
Je conclurai en disant que, comme nombre de collègues ici, je suis très attaché à l'équilibre territorial. Il faut bien sûr « mettre le paquet » sur les quartiers dégradés. Mais il y a aussi d'autres quartiers, les quartiers dits anciens, les quartiers historiques, les quartiers des secteurs sauvegardés, et tout le milieu rural. Dans la programmation, il faut parvenir à un équilibre territorial. Le sujet est d'une importance telle qu'on ne peut le résoudre aujourd'hui. Cependant, je voudrais connaître l'orientation vers laquelle vous entendez aller.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, je voudrais vous rassurer : toute une série de choses ne changent pas dans le mécanisme du 1 %.
Premièrement, les 4,5 milliards de francs qui étaient affectés aux HLM, dont 1 milliard de francs sous forme de prêts bonifiés pour le plan de relance, sont maintenus. Nous sommes donc dans la même épure que par le passé pour les cinq ans à venir.
Deuxièmement, l'accession à la propriété est à peu près maintenue, puisque nous avoisinons les 4,5 milliards de francs. Si une légère érosion se produit, nous oscillons entre 4 milliards de francs et 4,5 milliards de francs sur les prêts à la personne physique qui sont l'emploi traditionnel du 1 %. Par ailleurs, tous les autres prêts - LOCA-PASS, PASS-travaux, etc. - ne sont pas modifiés ; c'est ce que l'on avait appelé les nouveaux emplois.
S'agissant du PLUS, il n'y a pas de changements, ni dans la forme, ni dans la méthode, ni dans le financement. Trois milliards de francs supplémentaires seront consacrés à la démolition. Ces 3 milliards de francs s'ajouteront, dans bien des cas, aux subventions de l'Etat, qui ont déjà triplé dans le budget. Cela devrait, avec l'ensemble du financement 1 %, nous permettre de résoudre les problèmes que vous avez évoqués, notamment en matière de portage. Les offices d'HLM étaient un peu inquiets. Leur interrogation était la suivante : s'agissant des démolitions qui seront portées par le 1 %, le terrain ne sera-t-il pas rendu à la société foncière ? Non, il n'y a pas de lien direct obligatoire entre la société foncière et la démolition. Dans certains cas, la société foncière peut être un outil pour la diversité du territoire ou même pour des portages fonciers, sur une longue période, de terrains sur lesquels il n'est pas opportun de reconstruire tout de suite.
Troisièmement, la société foncière elle-même qui, à terme, atteindra 7 milliards de francs. Je dis bien « à terme » car il y a une certaine progressivité. Je rappelle que la fonction de la société foncière est d'être propriétaire de biens ; elle ne construit pas, elle ne gère pas. Par ailleurs, elle aura pour mission d'offrir des logements de type intermédiaire dans les quartiers où on a besoin de cette diversité car ils sont trop uniformément à caractère social. Elle aura également pour mission d'offrir des logements à vocation sociale, voire très sociale, puisque nous aurons dans l'accord un partie équivalente aux PLAI - prêts locatifs aidés d'intégration - dans des communes qui sont concernées par la loi SRU, qui fixe un objectif de 20 % de logements sociaux. La société foncière aura donc deux missions complémentaires.
Comme vous l'avez dit, tout cela doit être bien harmonisé sur le territoire. C'est pourquoi l'ensemble du dispositif sera adossé au PLH - c'est clairement indiqué dans l'accord que nous avons signé avec le 1 % - et une commission nationale fixera le cadre d'ensemble mais elle laissera toute latitude sur le terrain - des agglomérations ou des départements, selon les cas -, au regard des programmes locaux de l'habitat, pour déterminer la manière d'asseoir la complémentarité entre l'intervention de la société foncière et celle des HLM.
Dans ce dispositif, nous avons la chance d'avoir un nouvel opérateur, qui n'est ni un concurrent des HLM, ni une sorte de grande tutelle généralisée du logement social. Evidemment, cela est possible, monsieur le sénateur, parce que le 1 % monte en puissance avec la reprise de l'emploi et la progression de l'activité économique. Nous avons donc été raisonnables dans nos projections. Par ailleurs, il est à noter que le prélèvement de l'Etat s'arrête et que l'ensemble de la ressource du 1 % sera très vite totalement affecté à sa fonction logement. C'est ce qui nous a permis non seulement de ne rien diminuer, mais d'augmenter les dotations sur de nombreux points.
M. Yves Dauge. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Dauge.
M. Yves Dauge. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat. Il est important d'entendre ces explications car le sujet est assez complexe. Un problème de clarification se pose en ce qui concerne tant le rôle des acteurs que la répartition du montant des aides dans des opérations qui sont complexes s'agissant du montage financier.
Ce que vous venez de dire me satisfait et rassure, je crois, l'ensemble de mes collègues. Si les choses sont claires, et je crois qu'elles le sont, le moment est venu de diffuser très largement l'information. J'ai, en effet, entendu autour de moi bien des interrogations émanant tant des organismes d'HLM que des opérateurs. Les gens sentent bien l'importance de ces nouveaux montages financiers avec le concours du 1 %. Il s'agit incontestablement d'un événement considérable. Encore faut-il bien l'expliquer à tout le monde, pour que ce soit clair.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Madame le secrétaire d'Etat, vous ne vous étonnerez pas que je vous interroge sur les préoccupations que suscite, dans le pays, la mise en oeuvre de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. D'ailleurs, il suffisait de participer au congrès des maires de France, voilà quelques jours, pour constater que cette loi émeut la quasi-totalité des maires de notre pays,...
Mmes Josiane Mathon et Evelyne Didier. Oh !
M. Ladislas Poniatowski. ... pour des raisons pratiques !
Je voudrais évoquer la mise en oeuvre pratique de ce texte et traiter notamment de la mise en oeuvre des SCOT, les schémas de cohérence territoriale.
Comme vous le savez, l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme interdit d'ouvrir des espaces naturels à l'urbanisation, si un SCOT n'a pas été réalisé, dans toutes les zones situées à moins de quinze kilomètres du rivage de la mer ou d'une agglomération de plus de 15 000 habitants.
Toutes les critiques que nous avons formulées lors de l'examen de ce texte au Sénat s'avèrent aujourd'hui fondées. La définition a priori d'un périmètre autour des agglomérations de plus de 15 000 habitants a des conséquences désastreuses sur le développement des espaces ruraux et périurbains avoisinants. Comment voulez-vous que les communes intéressées aient pu non seulement réaliser un SCOT mais encore en entamer la préparation entre le 14 décembre 2000 - jour de l'entrée en vigueur de la loi - et le 1er janvier 2002, soit un an et dix-sept jours plus tard pour être précis ? Quiconque - et c'est le cas de nombre d'élus - a élaboré un plan d'occupation des sols ou un schéma directeur comprendra aisément que ce délai prêterait à sourire s'il n'avait pour effet d'attenter aux droits des communes et à ceux des citoyens.
Comme vous le savez, il n'existait l'an passé qu'un peu plus de 200 schémas directeurs susceptibles d'être transformés en SCOT. J'aimerais donc connaître le nombre total des schémas de cohérence territoriale en vigueur ainsi que le nombre de schémas qui sont en cours d'élaboration et qui permettent de déroger à l'application de l'article L. 122-2 précité.
J'observe d'ailleurs que certains de vos services, ou ceux du ministre de l'équipement, conscients des problèmes posés par ce texte en font une interprétation assez souple - ce n'est pas inintéressant. Ils considèrent que seules certaines des zones NA, dites zones d'urbanisation future, sont concernées par l'application de l'article L. 122-2. Nous prenons acte, à défaut de mieux, de cette lecture conciliante, voire élastique, du code de l'urbanisme. Cependant, au nom du principe d'égalité de tous devant la loi, qui figure dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, je souhaiterais connaître, madame le secrétaire d'Etat, votre interprétation exacte de ces dispositions. Nous nous interrogeons en effet sur ces mouvements de marche avant et de marche arrière, qui vous conduisent à faire adopter un texte qui constitue un carcan alarmant un grand nombre de communes rurales, avant d'y apporter quelques accommodements, de façon subreptice et en fonction de l'ouverture d'esprit du directeur départemental de l'équipement.
Ce matin, madame le secrétaire d'Etat, vous avez répondu à M. Hérisson que M. Gayssot avait, en plus, donné des consignes de souplesse aux préfets pour autoriser certaines dérogations. (Mme le secrétaire d'Etat fait un signe de dénégation.) Cela signifie que certaines communes dans certains départements pourront bénéficier de cette souplesse et d'autres non.
Je souhaiterais également connaître le nombre de plans d'occupation des sols qui ont été mis en révision afin d'être transformés en PLU, ainsi que le nombre de cartes communales qui sont actuellement préparées. Nous sommes en effet curieux de savoir si le grand mouvement de rénovation des documents de planification, que M. Besson appelait de ses voeux ici même voilà moins d'un an, est bien lancé et de quelle manière. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, le grand mouvement est lancé. Aucun membre du Gouvernement ou toute personne qui est raisonnablement au fait de ces questions ne peut imaginer que l'on va brutalement passer d'un système très typé à une évolution de notre façon de concevoir la planification de l'urbanisme, et peut-être pour tenir mieux compte du développement durable, de la globalité des enjeux.
Néanmoins, je voudrais, d'abord, vous rassurer sur le fait que nous ne sommes en rien dans une situation de blocage. Il n'y a pas de dérogation à la tête du client et selon les préfets. Je répète ce que j'ai dit sur les zones à urbaniser. Dans les quinze kilomètres autour des zones urbanisées, de deux choses l'une. Ou bien le SCOT est engagé, c'est-à-dire l'EPCI constitué, et à ce moment-là, sans même que le SCOT soit arrêté, l'EPCI peut décider de rendre urbanisable une partie du territoire qui était en zone NA. Ou bien cette démarche n'est pas engagée pour plusieurs raisons sur lesquelles je ne reviens pas, et l'urbanisation est alors possible car le texte prévoit que c'est le préfet qui donne la dérogation ; celle-ci n'est acceptée qu'après consultation explicite de la commission des sites et de la chambre d'agriculture. C'est ce que prévoit le texte. Donc, à ce jour, aucun espace urbanisable n'est bloqué par la loi SRU.
Se trouve ainsi posée la question suivante : où en est-on dans le mouvement des SCOT ? On a estimé, je crois, à 40 millions le nombre d'habitants qui seraient touchés, un jour ou l'autre, par un SCOT. A ce jour, en prenant les anciens schémas directeurs transformés ipso facto en SCOT ou les projets de SCOT qui sont engagés, plus de la moité des habitants seraient touchés. Je n'ai que ce chiffre global à vous donner ici, mais je suis en mesure de pouvoir vous fournir des indications plus précises quant aux territoires concernés et, même si j'ai moins de données immédiates, concernant les POS. Ma conviction, en faisant la tournée des départements, est que le mouvement est engagé. Vous l'avez vu, à l'Assemblée nationale, une proposition a été faite pour rendre plus compatibles les EPCI qui devront être créés pour les SCOT et les EPCI d'intercommunalité au titre de la loi sur l'intercommunalité, ce qui lèvera les quelques obstacles que l'on avait pu observer, et qui rendaient parfois complexe la juxtaposition de ces deux types de structures. Il n'était pas nécessaire d'en rajouter dans la complexité.
Compte tenu de l'ensemble de ces données, je peux dire que la loi SRU se met en oeuvre correctement sur le territoire. Mais, vous en conviendrez, quand on a un changement culturel de cette nature, forcément il y a des moments d'incertitude. J'espère que les services de l'Etat seront aux côtés des élus pour leur donner toutes les indications de nature à les rassurer.
En tout cas, monsieur le sénateur, je me tiens à votre disposition et à celle de cette assemblée pour répondre aux questions qui, sur le terrain, pourraient se poser et qui vous paraîtraient être insuffisamment traitées et par l'Etat et par le Gouvernement.
M. Ladislas Poniatowski. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. C'est précisément parce que cette situation génère des problèmes pour de très nombreuses communes que, dans cette enceinte, un certain nombre d'entre nous vous avons demandé de repousser la date butoir du 1er janvier 2002.
Je ne comprends pas la position rigide que vous avez adoptée. Je la comprends d'autant moins que M. Gayssot, en novembre dernier - ce n'est pas vieux - lors de l'examen du texte sur les sociétés d'économie mixte, avait lui-même reconnu qu'une plus grande souplesse était nécessaire.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. C'est ce que l'on a fait !
M. Ladislas Poniatowski. C'est pour cette raison qu'il avait fait adopter deux articles concernant la révision des plans d'occupation des sols. D'un côté, vous reconnaissez que les choses sont compliquées et vous adoptez, à l'occasion d'un autre texte, des mesures de souplesse ; de l'autre, vous refusez la plus grande souplesse, qui ne vous coûte rien.
M. Gayssot, dans la discussion, avait laissé entendre à un moment qu'il pourrait y avoir six mois de délai, mais, finalement, c'est la rigidité qui a prévalu, et aucun délai n'a été accordé.
Compte tenu de la perturbation que cela entraîne, notamment dans de nombreuses communes rurales, c'est à mon avis une erreur, que je regrette sincèrement.
M. le président. La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, votre réponse à M. Poniatowski me fait craindre que la rigidité dont fait preuve le Gouvernement n'aboutisse à transformer certaines de nos communes rurales en réserves naturelles ! Il est bien évident, en effet, que les petites communes rurales dans l'incapacité d'établir un schéma de cohérence territoriale avant le 1er janvier 2002, date butoir prévue par la loi, seront fort nombreuses.
Comme M. Poniatowski, je regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas suivi le Sénat, qui avait proposé un délai jusqu'au 1er janvier 2003.
Vous indiquez que les préfets pourront prendre les dispositions qui s'imposent. Nous déplorons que les communes rurales soient laissées au libre arbitre de l'autorité préfectorale. Il aurait été préférable qu'une sécurité juridique soit instaurée et que chaque collectivité puisse être traitée de la même façon.
Ma seconde question porte sur l'article 46 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains : elle concerne le financement des extensions de réseaux et de voirie. La loi permet pour les voies nouvelles la participation du pétitionnaire. En ce qui concerne les voiries existantes, des différences d'interprétation entre certaines directions départementales de l'équipement, les syndicats d'eau et les syndicats d'électrification aboutissent à un préjudice certain au développement de l'urbanisation dans nos communes. Dans certains départements, le préfet a cru même devoir saisir le tribunal administratif. Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas adopté de position claire à ce sujet et que les syndicats d'eau ou d'électrification n'aient pas la possibilité de demander aux pétitionnaires de participer au financement.
J'aimerais obtenir une réponse à ces deux questions, madame le secrétaire d'Etat.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, je vous mets en garde devant une attitude alarmiste qui ne serait pas fondée sur la raison : aucun blocage n'empêche une commune rurale de s'urbaniser !
La décision au titre de l'article L. 122-2 est prise par le préfet, non pas « à la tête du client », mais après avis de la chambre d'agriculture et de la commission des sites. Le plus souvent, l'un de ces deux organismes aura émis un avis défavorable, lorsque le préfet pourra être amené à se prononcer négativement, si une urbanisation projetée n'était pas conforme à l'équilibre du territoire. Mais je n'imagine pas qu'un maire puisse avoir une telle ten-tation.
Il n'existe donc pas d'insécurité juridique.
Par ailleurs, comme je l'ai souligné à plusieurs reprises, le raccordement au réseau ne pose pas de problème majeur. L'attitude des élus qui n'était pas conforme à la loi a été sanctionnée par les tribunaux. Chaque fois qu'un habitant s'était retourné contre la pratique consistant à faire payer au lotisseur des sommes supérieures à la part de l'extension des réseaux nécessaire à son seul projet, les élus ont perdu et ont dû verser des pénalités de retard. Il fallait bien rappeler la jurisprudence et instaurer un système permettant aux communes de récupérer l'ensemble des investissements nécessaires pour pouvoir urbaniser ou lotir le secteur concerné.
Des conflits peuvent surgir avec les syndicats. La loi veut que la collectivité locale qu'est la commune délibère elle-même sur ses besoins. Le syndicat des eaux ou de l'électricité ne peut créer tout seul une participation. Cette décision relève de la commune. Le syndicat ne se substitue pas au bon vouloir de la commune en la matière. Mais il n'existe pas de conflit en l'occurrence. Les conflits, lorsqu'ils existent, naissent non de la loi, mais des désaccords qui pourraient exister entre les collectivités locales ou les différents échelons d'intercommunalité. Je ne vois donc pas quels problèmes peuvent se poser.
Par conséquent, monsieur le sénateur, si vous songez à une situation concrète, je vous suggère de me la faire connaître afin que, si un aspect nous avait échappé, nous puissions y remédier et essayer d'envisager localement une solution.
M. Henri de Richemont. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. de Richemont.
M. Henri de Richemont. Sur le premier point, je regrette qu'un délai supplémentaire d'un an n'ait pas été accordé.
Sur le second point, à partir du moment où les communes ont délégué leurs compétences en matière d'eau et d'électricité au syndicat, elles ne peuvent pas se substituer à lui, et il appartient à ce dernier d'appliquer la loi. Le problème est qu'il existe - il en est ainsi en tout cas dans le département de la Charente que je représente - un conflit d'interprétation de la loi entre le syndicat et la direction départementale de l'équipement. Le syndicat considère qu'il peut continuer à faire payer les pétitionnaires, alors que la DDE n'est pas de cet avis. Mais il est bien évident que la commune, à partir du moment où elle a abandonné ses compétences au syndicat, ne pourra pas se substituer à ce dernier. Je regrette que cette difficulté d'interprétation ait été source de conflits et ait entraîné la saisine du tribunal administratif.
M. le président. La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. Madame le secrétaire d'Etat, le budget que vous nous présentez aujourd'hui manque d'ambition ; il est en baisse sensible s'agissant de l'ensemble des moyens d'engagement, et, surtout, du logement social, secteur particulièrement touché et en mal de réformes, comme le soulignait M. le rapporteur spécial.
Aujourd'hui, le secteur du logement social est en perte de vitesse et enregistre des résultats d'autant plus décevants que le ralentissement économique qui s'amorce n'améliorera en rien cette situation déjà préoccupante à bien des égards.
De plus, votre politique en matière de logement social est révélatrice de la recentralisation délibérée que nous dénonçons depuis de nombreuses années, spécialement depuis 1997. A cet égard, force est de constater que les objectifs quantitatifs, tout comme les aides, sont fixés au niveau central. Cet excès de centralisme nuit à l'efficacité de la politique du logement social.
Pour illustrer mon propos, j'évoquerai la réforme des prêts locatifs à usage social, les PLUS, qui correspond à un aménagement d'un dispositif centralisé et apparaît donc peu adaptée aux marchés fonciers locaux.
On peut ainsi s'interroger sur l'opportunité de créer une société foncière nationale financée par le 1 % logement. Il serait préférable de doter financièrement les opérateurs existants dont la mission est de mettre en oeuvre les politiques de renouvellement urbain décidées par les élus locaux.
Cette volonté recentralisatrice s'est d'ailleurs principalement traduite dans la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Ainsi faut-il rappeler que l'article 55 de cette loi relatif aux obligations des communes en matière de logement social a été au coeur des débats parlementaires. Plus contraignant et plus étendu géographiquement que le système antérieur, le nouveau dispositif institue, je le rappelle, un prélèvement sur les recettes fiscales des communes dans lesquelles le nombre de logements sociaux est inférieur à 20 % des résidences principales.
Ainsi, les communes concernées devront prendre toutes dispositions nécessaires pour rattraper leur retard en réalisant des logements sociaux.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 7 décembre 2000, a certes admis le principe des nouvelles obligations, mais il a censuré, en raison de son automaticité, le dispositif de sanction institué par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains à l'encontre des communes n'ayant pas réalisé l'objectif triennal de création de logements sociaux.
Ces différents éléments traduisent l'absence d'une véritable détermination à mettre en oeuvre une approche locale en matière de mixité sociale. Il est en effet indispensable de mener une politique sociale en adéquation avec les besoins locaux. Le dialogue, bien plus que la coercition, favorisera l'élaboration d'une politique du logement social efficace et adaptée aux besoins.
Aujourd'hui, tout le monde le sait, le parc social ne répond pas à la demande puisque, selon les récentes études, seulement 21 % des ménages à faibles revenus occupent des logements locatifs sociaux, et 31 % des logements locatifs privés. De même, la progression de la vacance des logements sociaux dans certains endroits incite à penser qu'il est urgent de réformer en profondeur cette politique.
Devant une telle situation, que comptez-vous faire, madame le secrétaire d'Etat, pour réformer cette politique du logement social en manque d'efficacité ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour limiter l'excès de centralisation ? La France ne devrait-elle pas, à l'instar d'autres pays de l'Union européenne, privilégier une action d'évaluation de sa politique du logement social ?
Je suis de ceux qui réclament depuis de nombreuses années un audit indépendant sur les procédures. Il nous a toujours été refusé. De quoi vos prédécesseurs avaient-ils peur ? Etes-vous prête, vous, à l'accepter enfin ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Tout d'abord, le logement social n'est pas en crise à ce point, monsieur le sénateur. La relance du logement social fonctionne : nous en sommes à 50 000 logements, cette année, et nous atteindrons 55 000 en 2002. J'en conviens, mieux vaudrait un nombre supérieur, et, comme cela a été indiqué ce matin, le problème du financement global du logement social se trouve posé.
J'ajouterai que, quand M. Périssol avait supprimé toutes les aides à la pierre et qu'il ne subsistait plus que la TVA à 5,5 %, le système était alors très souple,... sauf que l'on ne faisait plus rien ! C'était l'effet de ce mécanisme.
A partir du moment où une aide à la pierre est réintroduite, la vraie question est de savoir qui finance cette aide. Si c'est l'Etat, il le fait au nom de la solidarité nationale. Il doit donc veiller à ce que les collectivités locales répondent aux deux impératifs majeurs de la solidarité nationale, c'est-à-dire l'égalité du droit au logement pour tous et la répartition équitable de ces logements sur tout le terrain. Nous ne voulons en effet pas d'une société à l'américaine, avec des ghettos. C'est donc toute la logique de notre politique en matière de démolitions, de reconstructions et de réhabilitations urbaines.
Je vous le dis très franchement : je suis fondamentalement décentralisatrice mais à une seule condition : que la collectivité locale ait le devoir de faire tout ce qu'elle veut ; en effet, si elle est défaillante, comment l'Etat-nation garantira-t-il la solidarité nationale s'agissant du logement ? Dans les années quatre-vingt, nous avions espéré, avec la loi d'orientation sur la ville, pouvoir nous dispenser de la contrainte. Nous avions rêvé de parvenir, par l'incitation, à une juste répartition de la construction du logement social sur le territoire national. Force est de constater que, en dépit de ce dialogue et de ces incitations, les inégalités se sont creusées et que certaines communes ont obstinément refusé de construire du logement social, qu'il soit public ou privé.
Depuis que le monde est monde, il ne suffit pas d'espérer la réunion des bonnes intentions pour parvenir à la solidarité. Sinon, il n'y aurait pas besoin de République, de lois et de contraintes pour que la fraternité et l'égalité de droits puissent exister.
Nous aurions aimé nous dispenser du taux de 20 % de logements sociaux ; mais nous y avons été contraints, car, sinon, ce sont les soubassements mêmes de l'unité du pays, avec la ségrégation spatiale, qui auraient été en cause.
S'agissant de ce seuil de 20 % dans les agglomérations, j'ai entendu dans mon propre département certains maires me dire : « Tu n'as qu'à prendre le logement social dans ta commune, et je prendrai le logement intermédiaire ». Croyez-vous, monsieur le sénateur, que ce soit digne d'une République au xxie siècle ? Quand je vois ce qui se passe ailleurs sur la planète, je me dis que nous avons raison de défendre sur le territoire national le principe de la mixité sociale, car cela nous prépare, je l'espère, un avenir plus équilibré ; en tout cas, ce sera plus à l'honneur de l'héritage de 1789 que toute autre pratique.
Je veux bien entendre tout ce que l'on veut sur la décentralisation. Je serai prête à tout contractualiser, et même à totalement décentraliser, le jour où j'aurai la conviction que, dans l'ensemble du pays, on fait du logement social, qu'on le fait pour tous, et sans ségrégation d'aucun ordre. Je travaille en ce sens. Je réunirai les présidents de région et les présidents de conseil général pour leur demander leurs propositions en vue d'ouvrir une nouvelle voie de la décentralisation dans le domaine du logement, mais dans cet esprit républicain, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Schosteck.
M. Jean-Pierre Schosteck. Nous sommes en présence de déclarations fortes et de positions de principe. Mon propos visait simplement à rappeler que la décentralisation n'est pas forcément quelque chose de mal, à la différence de la recentralisation excessive.
Ce que vous dites est fort bien, madame le secrétaire d'Etat. Mais je voudrais vous faire comprendre quelle est ma préoccupation.
Je suis maire d'une commune qui possède 35 % de logements sociaux. Or, d'après vos services, qui tiennent une comptabilité bizarre, nous n'en aurions que 26 %. Cela ne me gêne pas puisque, de toute façon, nous dépassons les 20 %, mais j'observe que les méthodes employées, que nous dénonçons depuis des années, ne sont pas bonnes.
Nous, dans les organismes dans lesquels nous travaillons, nous souhaitons cet audit indépendant. Pourquoi craint-on tellement d'y faire appel ? Pour ma part, je crois que nos objectifs, qui sont communs, pourraient être ainsi mieux atteints.
MM. Jean Chérioux et Jacques Oudin. Très bien !
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les services communs, l'urbanisme et le logement inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement » seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 41 004 185 euros. »

Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : moins 5 513 942 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 726 595 000 euros ;
« Crédits de paiement : 749 631 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programmme : 2 933 092 000 euros ;

« Crédits de paiement : 1 288 211 000 euros. »
La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Pour me prononcer sur ces crédits, j'ai besoin d'explications supplémentaires sur le financement des documents d'urbanisme.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains contient, outre les dispositions critiquables que je viens d'évoquer, une mesure que je qualifierai d'hypocrite ; en vertu de laquelle les services de l'Etat pourront être mis gratuitement à la disposition des maires pour l'élaboration des plans locaux d'urbanisme et des schémas de cohérence territoriale.
Voilà comment l'Etat s'exonère de ses responsabilités et contrevient aux principes posés par les lois de décentralisation en vertu desquels il ne saurait y avoir transfert de compétences sans un transfert de ressources !
Quinconque connaît le manque de moyens des services de l'équipement et les difficultés qu'ils rencontrent pour venir en aide aux communes comprendra notre étonnement. Celui-ci est d'autant plus grand que chacun connaît les relations parfois complexes entre les élus et les DDE.
On demande aux services déconcentrés d'être à la fois les rédacteurs des plans locaux d'urbanisme et les contrôleurs de leur légalité, autrement dit d'être auteurs et censeurs en même temps.
Mais, me direz-vous, madame le secrétaire d'Etat, des crédits sont consacrés par l'Etat à l'élaboration de ces documents d'urbanisme. C'est vrai ; ils s'élèvent, si j'en crois les informations dont je dispose, à 100 millions de francs inscrits au chapitre 41-56, à l'article 10, au titre du budget du ministère de l'intérieur. S'y ajoutent 66 millions de francs au chapitre 57-30-40, au titre de votre département ministériel.
Au total, ces crédits sont censés permettre - excusez du peu - non seulement la réalisation des sept directives territoriales d'aménagement, qui en sont à différents stades d'évolution, mais aussi des dizaines de schémas de cohérence territoriale, dont l'entrée en vigueur conditionne la constructibilité dans les communes situées à moins de quinze kilomètres d'une agglomération de plus de 15 000 habitants ou du rivage de la mer. Ces crédits devraient aussi pouvoir financer l'élaboration de centaines de PLU et de cartes communales.
Autant dire que les finances locales vont être rudement mises à contribution dans les mois à venir pour l'élaboration du document d'urbanisme.
Selon des informations concordantes, il semblerait que les sociétés de conseils et les cabinets d'urbanisme profitent de l'accroissement de la demande de documents d'urbanisme pour augmenter considérablement leurs prix. Cela leur est d'autant plus aisé que les collectivités locales ont besoin d'eux dans des délais très brefs puisqu'elles sont prises au piège de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme, que nous avons évoqué tout à l'heure.
C'est pourquoi, madame le secrétaire d'Etat, j'aimerais connaître le coût moyen d'un SCOT, d'un PLU et d'une carte communale. J'aimerais connaître également l'estimation du surcoût occasionné aux collectivés locales par l'entrée en vigueur de la loi SRU. J'aimerais surtout connaître les mesures que vous entendez prendre pour venir en aide à ces collectivités. (Très bien ! et applaudissement sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Ça, c'est le droit public !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. J'ai déjà répondu sur ce point.
Il s'agit d'un principe de droit : depuis 1983, l'ensemble des crédits qui étaient affectés aux études nécessaires à l'élaboration des POS et autres documents d'urbanisme ont été décentralisés au sein de la dotation générale de décentralisation, la DGD.
Depuis lors, personne ne s'est bousculé pour réaliser des études ! Monsieur le sénateur, il faudrait être cohérent : on ne peut à la fois recevoir des crédits pour effectuer des études puis, quand ces études doivent être faites, demander à l'Etat de les financer, même si c'est lui qui modifie les règles globales !
Les collectivités locales doivent suivre l'évolution de leurs territoires grâce à des études régulières. Tout évolue : les préoccupations et les attentes de nos concitoyens en matière d'environnement, en matière d'urbanisme ont changé ; les projets se sont transformés.
Or il y a des POS qui n'ont pas été modifiés depuis quinze à vingt ans. Les crédits de la DGD ont été touchés sans que la moindre étude soit faite sur le terrain. Et au moment où une étude se révèle indispensable, il faudrait que l'Etat finance !
M. Ladislas Poniatowski. C'est l'Etat qui a fait la loi SRU !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Evidemment, c'est l'Etat qui fait la loi, ou plus exactement le Parlement !
Si on demandait sans arrêt de nouvelles études, je pourrais admettre que les collectivités locales fassent des difficultés. Mais tel n'est pas le cas !
M. Jean-Pierre Schosteck. Si !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Au demeurant, les services de l'Etat sont renforcés pour faciliter la mise en oeuvre de la loi SRU. Ainsi, quarante postes ont été créés dans les services de l'habitat et de l'urbanisme au sein des directions départementales et de l'équipement, pour permettre d'aider au mieux les collectivités territoriales. (M. Chérioux proteste.)
M. Jean-Pierre Schosteck. Ils ne répondent à rien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Vous demandez de la souplesse ; les collectivités locales réclament de l'indépendance. Eh bien, les SCOT et les PLU ne sont pas que de simples documents techniques ; ce sont de véritables projets de territoire !
Autant la DDE peut aider les collectivités locales dans la mise en oeuvre technique du projet de territoire,...
M. Jean-Pierre Schosteck. Non !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. ... autant ; pour effectuer les études nécessaires, elles ont intérêt à faire appel à des urbanistes, à des agences d'urbanisme. Avec ces professionnels, elles pourront librement organiser leur territoire. Ensuite, la DDE sera à même de donner des conseils techniques.
M. Jean-Pierre Schosteck. Non !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Admettez qu'il n'est pas sain de demander à l'Etat d'avoir l'initiative du projet de territoire et d'en déterminer les éléments ! Vous auriez beau jeu ensuite, mesdames, messieurs les sénateurs, et à juste titre, de dire que c'est l'Etat qui décide de vos projets ruraux et urbains !
Parmi les pays de l'Union européenne, notre pays est l'un de ceux qui investit le moins dans les études d'urbanisme et de paysage. Nous y consacrons beaucoup moins de moyens que nos collègues allemands, et pourtant la France est si belle dans tous ses territoires !
M. Jean Chérioux. C'est peut-être pour cela !
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat. Voyons, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est une richesse pour les collectivités locales que de pouvoir réfléchir librement sur leurs projets d'avenir !
Je vous rappelle, par ailleurs, qu'il n'est pas indispensable que les SCOT soient achevés pour que l'urbanisation et l'évolution du territoire se mettent en oeuvre.
Il n'y a donc pas lieu de se précipiter au risque de mal établir le document. Il vaut mieux prendre du temps, ce qui rend possibles les ajustements dans l'intervalle. Dès lors, les effets sur les prix auxquels vous avez fait allusion devraient être réduits.
J'ai d'ailleurs demandé à la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de se montrer vigilante afin que les coûts de ces études ne connaissent pas une hausse anormale.
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les service communs, l'urbanisme et le logement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.

III. - TRANSPORTS ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE
Transports terrestres
Routes et sécurité routière

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement : III. - Transports et sécurité routière : transports terrestres, routes et sécurité routière.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule expérimentée l'an dernier et fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
La parole est à M. Oudin, rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les transports et l'intermodalité. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, toute économie moderne a besoin d'un réseau de transport développé, coordonné et efficace. Les réseaux de transport sont aux sociétés ce que le réseau de veines et d'artères sont au corps humain. En un mot, ils sont vitaux.
De ce fait, la demande de transport croît rapidement, souvent plus vite, d'ailleurs, que la richesse nationale.
L'ouverture des frontières, la mondialisation, la création de vastes espaces économiques, la motorisation de nos sociétés, l'évolution de nos systèmes productifs vers le « juste à temps » généralisé sont autant de facteurs qui entraînent une évolution croissante de la demande en matière de transports. Au cours des vingt prochaines années, cette demande ne faiblira pas, et les experts s'accordent sur cette évolution.
La France, de par sa position géographique au coeur de l'Europe, a un rôle essentiel à jouer dans la politique européenne du transport et dans l'aménagement des grandes liaisons transeuropéennes.
En outre, comme vous le savez, le secteur des transports est confronté à des contraintes très fortes.
Ce sont d'abord les contraintes environnementales : elles sont nécessaires, elles sont légitimes. Cela nous impose des obligations de concertation et d'aménagement. Bien sûr, cela a aussi un coût.
Précisément, le deuxième ordre de contraintes concerne les coûts. Les réseaux de transport coûtent cher et cela sera de plus en plus vrai. Le budget ne pourra pas tout payer. Il faudra donc trouver la ligne du juste partage entre le contribuable et l'usager. Il faudra déterminer les principes d'une juste tarification qui puisse être harmonisée au niveau européen.
Enfin, la contrainte européenne se traduit par l'ouverture de tous nos réseaux à la concurrence. De nombreux secteurs - transport maritime, transport routier, transport aérien - ont connu, à cet égard, de profonds bouleversements. Il reste maintenant à trouver des solutions adaptées pour cet ultime bastion que constitue le secteur du transport ferroviaire.
Dans quelle mesure le présent projet de budget répond-il aux enjeux auxquels nous sommes confrontés ?
Les moyens d'engagement demandés pour les transports terrestres et l'intermodalité en 2002 atteignent 8 milliards d'euros, soit une hausse de 2,8 % par rapport au budget de 2001, abondé par les crédits de l'ex-FITTVN, le Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables. Les dépenses ordinaires s'élèvent à 7,3 milliards d'euros et les dépenses en capital à 513 millions d'euros.
J'en ai terminé avec les chiffres et j'en viens tout de suite à mes observations.
Tout d'abord, force est de constater, monsieur le ministre, que, malgré vos déclarations, l'effort de l'Etat en matière d'investissements ferroviaires accuse une diminution incompréhensible.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Mais non !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Vous nous donnez vos chiffres, monsieur le ministre !
Le réseau ferré n'a représenté que 13 % des investissements en infrastructures en 2000. On est ainsi passé entre 1997 et 2000 de 23 milliards à 16 milliards de francs d'investissements par an, principalement en raison de la chute des financements sur ressources propres de la SNCF et de Réseau ferré de France.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'était la dette, à l'époque !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Vous êtes donc le ministre qui a sacrifié le rail et non celui qui l'a promu.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Personne ne vous croira !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. C'est ce que dit le rapport du Conseil supérieur du secteur public ferroviaire.
Dans le même temps, vous avez aussi sacrifié la route, comme la Cour des comptes le confirme et comme le simple examen des programmes futurs des sociétés d'autoroutes permet de le vérifier.
Quoi qu'il en soit, pour l'avenir, vous annoncez une relance de l'investissement ferroviaire. C'est bien. Les subventions publiques devraient en effet quadrupler d'ici à 2004. En 2004, les programmes d'investissement atteindraient plus de 5,7 milliards d'euros, soit 37 milliards de francs, rien que pour financer les programmes déjà approuvés : TGV-Est, contrats de plan Etat-région, etc.
Mais ce ne sont là que des prévisions, qui ne semblent pas se traduire par une amorce de concrétisation. Où sont, en effet, les crédits qui doivent financer ces programmes ?
Le projet de budget des transports terrestres pour 2002 ne comprend pas de subventions exceptionnelles pour faire face aux programmes d'investissement. Vous créez donc un établissement intermodal « alpin » financé par des dividendes de sociétés d'autoroutes alpines, lesquelles ne sont pas en mesure de verser des dividendes, et maintenant vous créez in extremis , d'ailleurs contre toute les règles de droit, un nouveau fonds « généraliste » dont on ne sait ni comment il fonctionnera, ni à quoi il servira, ni comment il sera financé sur longue période. Après-demain, vous nous proposerez peut-être un troisième fonds intermodal...
L'an dernier, vous évoquiez l'affectation du produit des licences UMTS : manifestement, elle n'est plus à l'ordre du jour ! Comme vous le savez, l'Allemagne, elle, a effectivement affecté une partie du produit des licences UMTS au développement de son réseau ferroviaire.
Chez nos amis allemands, notons-le au passage, le financement des transports a fait l'objet de débats approfondis : ce n'est malheureusement pas le cas chez nous !
Cela me conduit à ma première question. Le FITTVN a été supprimé en 2001. Or, actuellement, les nouveaux établissements publics ou fonds sont en cours de création. Ce nouveau mouvement de débudgétisation, après la rebudgétisation du FITTVN, va-t-il connaître de nouveaux développements ?
Il existe un établissement public chargé des infrastructures ferroviaires, Réseau ferré de France, RFF, auquel sont versées chaque année sur le budget de l'Etat des dotations en capital pour contenir la dette ferroviaire, dont le total s'élève, je le rappelle, à 258 milliards de francs. Mais il apparaît que RFF ne recevra pas, en 2001, les dotations qui étaient inscrites dans la loi de finances, soit 12 milliards de francs, les recettes du compte spécial du Trésor relatif aux privatisations étant insuffisantes cette année.
Ma deuxième question sera donc la suivante : pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, combien RFF recevra au titre des dotations en capital en 2002 et quel devrait être le montant réel versé en 2001 ?
J'en viens maintenant à la SNCF, qui renouera avec le déficit à la fin de cette année.
Je rappelle dans mon rapport écrit que, déficit ou pas, l'ensemble du secteur ferroviaire reçoit chaque année l'équivalent de 67 milliards de francs de soutien financier public.
Quant au fret ferroviaire, qui est officiellement une priorité, il recule de 8 %, bien que vous promettiez son doublement d'ici à 2010 : les réalités, au moins pour l'heure, sont vraiment éloignées des promesses.
Avec l'application des 35 heures, vous avez accru les charges de personnel de la SNCF, qui redeviennent à nouveau, cette année, supérieures à l'ensemble des recettes du trafic.
Au cours de sa réunion de la semaine dernière, le Conseil supérieur du secteur public ferroviaire a examiné et adopté un excellent rapport sur la situation financière dudit secteur, et c'est sur les chiffres qu'il contient que je me suis fondé. Voici donc ma troisième question : quelles conclusions tirez-vous, pour ce qui vous concerne, de ce rapport ?
Le dernier projet de réforme de la SNCF, « Cap-client », a été abandonné « en rase campagne », au printemps 2001.
D'où ma quatrième question : la réforme de la SNCF sera-t-elle reprise sur les mêmes bases que le projet « Cap client » ou sur de nouvelles orientations ? Dans ce dernier cas, lesquelles ?
Je relèverai ensuite la complexité des comptes de la régionalisation des transports de voyageurs, qui doit être mise en oeuvre au 1er janvier 2002.
Pour 2002, la dotation de l'Etat aux services régionaux de voyageurs s'élève à 1,5 milliard d'euros. Cette dotation doit couvrir le déficit d'exploitation constaté sur les trains express régionaux en 2000, la compensation pour tarifs sociaux et le renouvellement du matériel roulant. Les régions ne sont pas satisfaites - c'est le moins que l'on puisse dire ! - de cette compensation, tant il est vrai que ce secteur a été trop longtemps négligé. Il nécessite donc une remise à niveau.
Nous sommes à la veille de l'échéance du 1er janvier 2002 pour la signature des conventions de régionalisation des transports ferroviaires entre l'Etat et les régions. Les régions contestent les montants des compensations financières envisagées. Ma cinquième question est donc la suivante : quelle sera la position de l'Etat si les régions refusent de signer ces conventions ?
J'en viens maintenant aux transports en Ile-de-France pour dire simplement que, à mes yeux, la création du Syndicat des transports parisiens et de la région d'Ile-de-France, le STIF, est positive, notamment du fait de l'entrée de la région d'Ile-de-France dans cette structure. Les contrats signés entre la RATP, la SNCF Ile-de-France et le STIF vont dans le sens d'une meilleure responsabilisation.
Cependant, je note que la situation financière de la RATP est inquiétante puisque l'endettement net de l'entreprise représente 3,8 milliards d'euros en 2000, soit 7,2 fois sa capacité d'autofinancement : autant dire qu'elle ne peut plus faire grand-chose !
L'entreprise bénéficie aujourd'hui du fait que les investissements du XIIe plan ne sont encore qu'au stade des études, mais il est urgent de définir les moyens d'éviter une nouvelle dérive de comptes de la RATP.
Voici donc ma sixième question : quels investissements prévoyez-vous pour les années 2002-2006, concernant la RATP ? Je souhaiterais avoir un chiffre pour chaque année de cette période.
Je terminerai par le transport fluvial, qui est, à mon sens, réduit à la portion congrue.
La dotation prévue pour 2002, soit 80 millions d'euros, ne permet d'assurer qu'une simple maintenance, sans réhabilitation, sachant que le coût de celle-ci serait bien plus élevé. Les grands projets soit sont abandonnés, soit n'avancent pas. Ce n'est pas ainsi que nous pourrons développer ce secteur !
Septième et dernière question : pour les années 2002-2006, quels investissements l'Etat prévoit-il s'agissant de l'aménagement de la liaison fluviale Seine-Nord ?
En conclusion, je vous rappelle, monsieur le ministre, que la commission des finances a émis un avis défavorable sur l'ensemble des crédits de l'équipement, des transports et du logement, qui, du fait de la nomenclature budgétaire, ne font l'objet que d'un seul vote. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, pour les routes et la sécurité routière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous présente les crédits du budget des routes et de la sécurité routière avant de faire le point sur le nouveau « jaune » budgétaire consacré à la sécurité routière, publié sur mon initiative l'an dernier, au nom de la commission des finances.
Pour 2002, les crédits consacrés aux routes et à la sécurité routière augmentent de 2,5 % en moyens d'engagement, avec une stabilité pour le développement routier et une revalorisation pour l'entretien routier. Les montants en crédits de paiement ne sont pas significatifs en raison de la réintégration des crédits du FITTVN, l'ancien compte spécial du Trésor en 2001. De fait, une forte proportion de ces crédits sera reportée sur 2002.
J'en viens à mes principales observations, qui commencent par un constat : les crédits pour l'investissement routier sont en diminution depuis de nombreuses années.
Ce constat est partagé tant par le ministère chargé des transports que par la Cour des comptes. Selon elle, les dépenses du secteur routier ont diminué de plus de 14 % sur la période 1996-2000. Seule la hausse des investissements des collectivités locales permet de limiter la réduction des programmes d'investissements.
Je rappelle qu'après la mise en oeuvre du XIe Plan, le Gouvernement a décidé d'affecter 5,1 milliards d'euros aux volets routiers du XIIe Plan. Mais les contrats de plan prennent du retard puisque leur taux d'avancement n'atteindra que 38,3 % à la fin de 2002 au lieu des 42,8 % prévus. S'il faut bien constater une chute des investissements routiers ces dernières années, je me félicite, monsieur le ministre, de la revalorisation des crédits d'entretien routier. Ces crédits avaient également été fortement sacrifiés pendant des années - la Cour des comptes l'avait dénoncé - et on constate heureusement pour 2002 une revalorisation des moyens d'engagement qui permettra un renforcement de l'entretien préventif et, surtout, la réhabilitation de certains ouvrages d'art. Il faut bien sûr aller plus loin, mais la direction est positive. A ce sujet, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous exposiez les opérations en cours et à venir relatives à la mise en sécurité des tunnels routiers.
Enfin, toujours sur cette question de l'entretien, je souhaite que des personnels suffisants soient affectés à l'exploitation de la route. J'aimerais donc qu'un tableau de suivi, actualisé pour 2002, soit disponible.
Je poursuis mes observations en vous rappelant la révolution créée par les schémas de service et ses conséquences.
Le schéma directeur routier national de 1992, réalisé à 81,6 % au début de l'année 2001, sera prochainement abandonné, sa fonction étant reprise par les schémas de services voyageurs et marchandises approuvés le 9 juillet 2001.
Monsieur le ministre, vous expliquez que, désormais, il y a non plus un programme routier ou autoroutier, mais une approche « intermodale ». Si la construction de certaines liaisons autoroutières est projetée, les modalités financières ne sont pas précisées, en raison de l'abandon du mécanisme de l'adossement.
Il serait pourtant nécessaire que les parlementaires soient clairement informés des moyens que vous entendez accorder pour l'avenir au développement autoroutier. Vous aviez indiqué que les dividendes des sociétés d'autoroutes financeraient les nouvelles liaisons, mais ils doivent aussi financer le réseau ferroviaire.
Je souhaite donc avoir des précisions sur les liaisons autoroutières que vous envisagez de lancer, à partir de 2003, dans le cadre des schémas de service.
Je relève ensuite que vous annoncez vouloir financer le rail par la route.
La situation des sociétés concessionnaires d'autoroutes s'améliore, en effet, en raison de l'allongement des concessions. Leur endettement total devrait atteindre en 2003 un montant maximum d'environ 22,4 milliards d'euros, puis se résorber rapidement. Dans ces conditions, l'Etat peut espérer dégager des bénéfices importants.
De fait, dès cette année, et surtout en 2002, le secteur routier sera appelé à financer le budget général de l'Etat et, éventuellement, le développement des infrastructures ferroviaires.
Vous avez ainsi proposé au Parlement de créer un établissement public dit « multimodal alpin », dont les ressources seraient constituées par les dividendes de ses participations dans trois sociétés concessionnaires d'autoroutes et, le cas échéant, par des subventions et recettes diverses.
Il faut relever l'ouverture du capital d'Autoroutes du Sud de la France, ASF. Mme la secrétaire d'Etat au budget nous a indiqué en séance publique que, si l'ouverture du capital rapportait plus que les dix milliards de francs prévus, le surplus irait au fonds pour l'intermodalité.
A ce sujet, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer en quoi consisterait ce fonds intermodal ? Comment fonctionnerait-il ? Serait-il amené à remplacer le FITTVN, supprimé l'an dernier ?
Je voudrais également des précisions sur l'avancement des contrats de plan entre l'Etat et les sociétés d'autoroutes et sur l'application de la TVA aux péages autoroutiers. Les contrats de plan doivent être conclus prochainement pour ne pas laisser subsister des incertitudes sur l'ouverture du capital d'ASF, les investissements routiers et les péages.
J'en viens aux dotations affectées à la sécurité routière.
En application de l'article 96 de la loi de finances pour 2001, adopté sur l'initiative de notre commission, le Gouvernement est désormais tenu de présenter chaque année un rapport relatif à l'ensemble des moyens alloués par l'Etat à la lutte contre l'insécurité routière.
Pour 2002, les crédits consacrés à la sécurité routière par l'Etat sont estimés à 1,5 milliard d'euros, en hausse de 4,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2001.
La nouvelle présentation des crédits de la sécurité routière est de nature à développer l'efficacité de cette politique qui doit être interministérielle.
Le « jaune » budgétaire relatif à la sécurité routière comporte, comme nous l'avions souhaité, des indicateurs de résultat sur la politique de sécurité routière.
L'année 1998 a été caractérisée par de mauvais résultats, mais, depuis, le nombre de tués sur les routes a diminué de 4,8 % en 1999 et de 5,5 % en 2000. Cette amélioration coïncide avec la mise en oeuvre des nouvelles mesures de prévention et de sanction.
La tendance, plutôt favorable en 2000, semble s'être poursuivie sur les six premiers mois de l'année 2001. Cependant, ces résultats restent fragiles et je pense que l'action interministérielle en faveur de la sécurité routière pourrait être plus efficace si elle prenait mieux en compte les nombreux acteurs de la prévention routière.
Ainsi, les collectivités territoriales sont des acteurs privilégiés pour l'amélioration de la sécurité routière. Par exemple, les contrats de plan Etat-région signés en 2000 comportent pour chaque région un volet sécurité d'un montant total de 305 millions d'euros. Un suivi permanent de la coopération avec les collectivités locales sur le thème de la sécurité routière serait nécessaire et le nouveau Conseil national de la sécurité routière pourrait être l'instrument de ce suivi.
Par ailleurs, je rappelle que les sociétés concessionnaires d'autoroutes développent d'importantes actions en faveur de la sécurité routière puisqu'elles sont évaluées à 423,2 millions d'euros pour 2002.
Compte tenu des moyens mis en oeuvre, je souhaiterais, monsieur le ministre, savoir s'il serait possible, dans les prochains contrats de plan qui seront signés avec les sociétés d'autoroutes pour plusieurs années, d'identifier clairement les moyens consacrés à la sécurité routière et de les revaloriser.
La commission des finances a donné un avis défavorable sur l'ensemble des crédits de l'équipement, des transports et du logement, qui, du fait de la nomenclature budgétaire, ne font l'objet que d'un seul vote.
Mais à titre personnel, monsieur le ministre, je voterai le budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Eric Doligé. Il en faut un !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Messieurs les rapporteurs spéciaux, je vais, avant de répondre à vos questions, revenir en quelques mots sur le budget du ministère des transports. Il est en augmentation, cette année, de 6,8 % en moyens de paiement et de 2,6 % en moyens d'engagement. Encore faut-il y ajouter la dotation à Réseau ferré de France pour une année supplémentaire et les 150 millions d'euros de dividendes des sociétés d'autoroutes, ayant pour vocation de contribuer au financement de la politique intermodale, et qui sont désormais inscrits en loi de finances rectificative, ainsi que 760 millions d'euros provenant de l'ouverture du capital d'ASF et qui viendront alimenter un fonds intermodal.
Deux priorités principales s'expriment dans ce budget : le développement équilibré de tous les modes de transport et la sécurité.
Monsieur Oudin, vous avez cité quelques chiffres. Sans polémiquer, je tiens à les mettre en perspective. En 2000, dites-vous, les investissements ferroviaires ont été à un point bas, mais vous oubliez de rappeler que cela correspond à la fin des contrats de plan que vous avez signés. A l'inverse, les contrats de plan actuels consacrent une multiplication par huit des montants des projets par rapport aux précédents contrats. De plus, entre 1997 et 2002, les crédits d'investissements ferroviaires ont doublé.
La dette, dites-vous, est à un point haut en 2001, mais, à peu de chose près, elle est ce niveau depuis 1998, alors qu'elle avait augmenté de presque 50 % entre 1993 et 1997.
L'Etat a apporté à RFF, sous forme de dotations en capital, un montant total de 5,6 milliards d'euros sur la période 1999-2001 et continuera à apporter 1,83 milliard d'euros en 2002.
La conjoncture dans le domaine du transport aérien a conduit le Gouvernement à choisir de reporter l'ouverture du capital de la SNECMA, qui devait fournir les recettes nécessaires pour boucler le financement des 1,83 million d'euros que l'Etat versera à RFF au titre de l'exercice 2001.
La SNCF, dites-vous, enregistrera l'année prochaine un déficit de 160 millions d'euros. C'est possible mais, en 1996, ce déficit s'élevait à 2,4 milliards d'euros, alors que le trafic était en baisse continue, sans perspective de développement. Aujourd'hui, celui-ci, notamment le trafic voyageurs, connaît une hausse telle que des investissements importants en matériels sont nécessaires.
Vous avez parlé des grèves, mais pensez-vous pouvoir donner des leçons en la matière, vous qui n'avez pas su éviter la grève de 1995, expression de la crainte des cheminots devant la stratégie de déclin ?
Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Oudin, l'avis du Conseil supérieur du service public ferroviaire, adopté par treize de ses trente-sept membres et repoussé par les élus de droite, est contrasté. Vous vous en êtes servi, vous avez dit que c'était un bon avis.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. J'ai dit que le rapport était bon et je vous ai demandé ce que vous en pensiez !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Les élus de droite l'ont repoussé, comme il en ont le droit, cela ne fait aucun doute.
Ce rapport contrasté, je le répète, et bon selon vous, relève les changements importants introduits par la « réforme de la réforme » engagée par le Gouvernement depuis 1998. Il souligne qu'elle a mis fin à une logique de déclin et a engagé une logique de développement, une politique de l'emploi, avec notamment l'embauche de 26 000 cheminots sous statut entre 1999 et 2001, des aides accrues de l'Etat au désendettement, un engagement clair sur l'unicité du système ferroviaire.
J'en viens à la question du désendettement. Convenons-en ensemble, la dette du système ferroviaire est un héritage du passé. « Avant, l'Etat payait. », dit-on. En fait l'Etat ne payait rien ! C'était en aggravant la dette de la SNCF qu'on finançait des réalisations. Voilà la vérité ! Et la SNCF a failli mourir de cette politique passée !
Sur cette question du désendettement - question majeure, en effet, vous avez raison de le souligner - l'avis du Conseil supérieur du service public ferroviaire précise que la dette est quasiment stabilisée depuis 1998 - cela figure en toutes lettres dans le texte - après des années d'accroissement important, mais qu'elle s'élève encore à 200 milliards de francs.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Le problème, c'est qu'on doit la rembourser !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'en sais quelque chose et je pense qu'il faut contribuer à sa résorption massive : 200 milliards de francs, hors service annexe d'amortissement de la dette. Quand vous parlez de 258 milliards de francs, vous cumulez la dette de Réseau ferré de France, la dette de la SNCF et la dette du service annexe.
Je peux vous assurer, monsieur Oudin, que je m'opposerai avec force à toute solution susceptible de conduire à une privatisation partielle ou totale de la SNCF et de RFF et que je partage l'avis du Conseil supérieur du service public ferroviaire selon lequel un désendettement massif du système public ferroviaire est nécessaire.
J'en viens au budget lui-même. Afin d'accompagner cette politique de développement équilibré des transports, les crédits d'engagement en matière d'investissement ferroviaire augmenteront de 20 % cette année au profit des dotations pour le TGV-Est européen et pour la réalisation des contrats de plan.
Au-delà, il nous fallait trouver des moyens importants pour financer le programme ferroviaire concernant l'acheminement aussi bien des marchandises que des voyageurs. Cet effort, engagé déjà depuis 1997, s'est traduit non seulement par le doublement sur cinq ans de l'enveloppe pour le ferroviaire, mais aussi par la mise en place prochaine d'un fonds de développement de l'intermodalité, que vous avez évoqué, messieurs les rapporteurs spéciaux.
Ce fonds, créé et géré par un nouvel établissement public spécialisé, sera financé à partir d'une part significative du produit de l'ouverture du capital d'Autouroute du sud de la France, à hauteur de 760 millions d'euros. Il contribuera notamment au financement de grands projets ferroviaires, passagers ou fret, comme la ligne Perpignan - Figueras, les contournements de Nîmes et de Montpellier, le TGV Lyon Satolas - liaison alpine, ou encore le TGV Rhin - Rhône.
Puisque vous avez posé la question en ces termes, monsieur Oudin, je précise que ce fonds ne viendra pas remplacer le FITTVN. En effet, les crédits du compte d'affectation spéciale ont été intégralement budgétisés et j'ai obtenu que les dotations ainsi budgétisées, augmentent au minimum de l'évolution des recettes qui relevaient initialement du FITTVN. En fait, ce fonds viendra s'ajouter aux anciennes ressources du FITTVN pour soutenir, dès 2002, la politique intermodale des transports.
Puisque M. Oudin a évoqué le sujet, je traiterai maintenant de la décentralisation à l'ensemble des régions des services ferroviaires régionaux de voyageurs. Je me suis attaché à mettre en place les moyens de cette grande réforme prévue par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Avec 1,5 milliard d'euros, les dotations versées aux régions pour assurer cette nouvelle compétence augmentent de plus de 30 %. Elles intègrent en particulier une contribution nouvelle de plus de 205 millions d'euros pour la modernisation du matériel roulant.
Au début du mois de juillet, j'ai reçu une délégation des présidents des régions de France qui m'avaient interrogé sur la dotation de régionalisation. Il en résulte une augmentation de 50 % de la dotation pour le matériel roulant, que ces représentants trouvaient trop basse.
Je rappelle que le montant total que l'Etat consacrera aux TER sera, en 2002, en augmentation de 30 % par rapport à 2001 et en hausse de 70 % par rapport à ce qu'il était lors du dernier exercice du précédent gouvernement, en 1997.
Le décret d'application relatif aux services ferroviaires régionaux est paru la semaine passée, après avoir reçu l'avis favorable du Conseil d'Etat. Par ailleurs, les arrêtés fixant les montants des dotations par région sont en cours de communication aux régions.
Il est désormais indispensable que les régions et la SNCF concluent au plus vite les conventions pour que le service régional se déroule dans les meilleures conditions dès le début de l'année 2002. Si tel n'était pas le cas, la décentralisation aurait quand même lieu en dehors de toute convention. Mais je ne doute pas que l'absence de convention sera très transitoire, dans l'intérêt de toutes les parties.
S'agissant de la suspension du projet Cap client, je peux vous informer, mesdames, messieurs les sénateurs, que le président de la SNCF a récemment organisé un débat sur la production à l'intérieur de l'entreprise et qu'il a retenu l'idée de créer la fonction de directeur des opérations, qui lui sera directement rattaché. Cela permettra de renforcer l'efficacité de l'entreprise dans le domaine des transports de marchandises sans remettre en cause le caractère intégré de l'entreprise publique.
S'agissant de la RATP, le total de ses investissements pour la période 2002-2006 sera en augmentation de 715 millions d'euros en 2002 et de plus de 1 milliard d'euros en 2006, soit une progression prévisible de l'ordre de 40 % en cinq ans. Cette hausse résulte de deux facteurs essentiels. Il s'agit, d'abord, de la montée en puissance des dépenses d'infrastructures nouvelles inscrites dans le contrat de plan Etat-régions. Il s'agit ensuite du paiement des nouveaux matériels roulants dont la livraison permet de renouveler le matériel ancien et d'améliorer la qualité du service.
Je voudrais maintenant traiter de la sécurité dans les transports terrestres.
M. Miquel a évoqué la sécurité routière. A cet égard, force est de constater que si les progrès continus enregistrés depuis 1997 sont fragiles, ils peuvent être à tout moment remis en cause, comme le montrent les chiffres enregistrés en septembre dernier. Heureusement, ces progrès sont confirmés en octobre.
A la fin du mois d'octobre, et sur une période de douze mois, près d'un millier de vies ont été épargnées par rapport à la même période de 1998.
Pour poursuivre cet effort en 2002, la sécurité routière disposera d'un budget en augmentation de 8,3 %, soit près de 100 millions d'euros en moyens d'engagement. Il faut ajouter que l'année 2002 verra l'embauche, pour la deuxième année consécutive, de soixante-dix-sept nouveaux inspecteurs et délégués du permis de conduire.
Je présenterai maintenant quelques remarques à propos du « jaune » budgétaire.
Il est effectivement indispensable que les parlementaires puissent disposer d'une vision plus large de l'action de l'Etat contre l'insécurité routière, une vision qui ne se limite pas au seul budget de la DSCR, la délégation à la sécurité routière de mon ministère.
Ainsi, ce sont bien 10 milliards de francs - 1,5 milliard d'euros - qui y sont consacrés, avec un périmètre qui devra être encore précise pour bien tenir compte de l'ensemble des ministères concernés après ce premier exercice.
Monsieur Miquel, j'ai bien entendu votre souhait quant au suivi des réalisations. Je suis tout à fait favorable au fait de tenir la représentation parlementaire informée régulièrement de la situation et de voir comment on peut agir de manière interactive pour favoriser ce combat.
Pour ce qui est des bilans, on peut effectivement noter une baisse très soutenue entre 1998 et l'été 2001, une baisse moins prononcée depuis cette date et une hausse inquiétante en septembre, à laquelle j'ai immédiatement réagi.
Effectivement, le partenariat entre tous les acteurs de la sécurité routière - professionnels, associations, collectivités locales et services de l'Etat - est et doit être plus encore au coeur de la politique mise en oeuvre depuis 1997.
Je citerai les programmes Label Vie, qui permettent de subventionner les projets réalisés par des jeunes, premières victimes de l'insécurité routière, ou la grande cause nationale 2000 retenue par le Gouvernement.
Mais la sécurité passe aussi par l'évolution des infrastructures. Après la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, le diagnostic des trente-neuf tunnels de plus de un kilomètre de long a été réalisé sous l'égide d'un comité d'évaluation, pour assurer la sécurité là où cela s'est avéré nécessaire.
Dans le même temps, la réglementation applicable à l'ensemble des tunnels a été entièrement revue pour prendre en compte les recommandations du député Christian Kert.
Aujourd'hui, dans la grande majorité des tunnels, des études ou des travaux sont en cours. Les travaux engagés concernent de nombreux ouvrages dont mes services pourront vous fournir la liste. Pour l'année 2002, les besoins sont estimés, sur le réseau non concédé, à 27 millions d'euros pour la poursuite des opérations déjà engagées en 2000 et 2001, et, sur le réseau concédé, hors tunnel du Mont-Blanc, à 53 millions d'euros.
Sur le même sujet, vous avez évoqué, monsieur Miquel, les contrats de plan entre l'Etat et les sociétés autoroutières. Je peux vous confirmer que la sécurité routière fait bien partie des problématiques traitées par ces contrats. Leur négociation est en cours. Ils devraient être signés avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes avant la fin du premier trimestre de l'année 2002.
Ces contrats prévoiront aussi de nouveaux investissements. Ainsi, sur les 3 000 kilomètres d'autoroutes prévus dans le cadre des schémas de services de transports, près de 1 000 kilomètres seront financés par les concessionnaires actuels sans contribution publique.
Par ailleurs, 370 kilomètres d'autoroutes déjà lancés et non concédés sont actuellement en cours de programmation dans le cadre des contrats de plan - par exemple, l'A 84 Caen-Rennes - ou des grands programmes d'aménagement du territoire financés par l'Etat seul -, par exemple, l'A 75 entre Clermont-Ferrand et Béziers, hors viaduc de Millau.
Enfin, les schémas identifient 1 600 kilomètres de liaisons nouvelles. Les nouvelles concessions correspondant à ces liaisons nouvelles seront lancées au fur et à mesure de la disponibilité des dossiers et après appel d'offres. Deux concessions signées cette année permettront un lancement des travaux en 2002 : l'A 28 Rouen-Alençon...
M. Alain Lambert, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Depuis le temps !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous l'avez tous rêvé, je l'ai fait ! (Sourires.)
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Avec l'argent des contribuables !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Pas seulement avec l'argent des contribuables, puisque c'est en concession !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Si on l'avait fait plus tôt, cela aurait coûté moins cher.
M. Gérard Larcher. Cela a coûté plus cher !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Selon vous, monsieur le ministre, les collectivités locales ne paient plus rien ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Si ! Elles paient leur part à 50/50.
M. Gérard Larcher. Elles paient énormément !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous connaissez la formule aussi bien que moi, monsieur Lambert !
Une autre concession signée cette année permettra le lancement des travaux en 2002 du viaduc de Millau pour lequel les collectivités locales ne paieront rien.
M. Eric Doligé. L'Etat non plus !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Absolument !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Deux poids, deux mesures !
M. Gérard Larcher. C'est la parité !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. L'Etat ne paiera pas lui non plus, parce qu'il s'agit d'une concession, contrairement à ce que certains de vos amis voulaient. Mais je ne vais pas faire la mauvaise langue !
Il ne m'est pas possible de préjuger les nouvel-les concessions qui pourront aboutir en 2002 et les années suivantes. Cependant, un certain nombre de projets sont en cours d'étude. Le plus avancé est probablement l'A 19 Courtenay-Arthenay. Je peux aussi citer l'A 41 Genève-Annnecy, l'A 150 Croix Marc-Barentin, qui bouclera la liaison Rouen-Le Havre, ou encore Langon-Pau, l'A 89 Balbigny-Lyon, le contournement ouest de Lyon et l'A 45.
S'agissant enfin de l'application de la TVA aux péages autoroutiers, celle-ci est entrée dans les faits depuis le 1er janvier 2001, cette disposition ayant été votée dans la loi de finances rectificative pour 2000.
Voilà, messieurs les rapporteurs, les premier éléments de réponse que je pouvais apporter à vos interrogations. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Joly, rapporteur pour avis.
M. Bernard Joly, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan pour les transports terrestres. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits qu'il nous est proposé de consacrer au système ferroviaire et aux autres transports collectifs terrestres s'élèvent à 7,6 milliards d'euros en 2002 contre 6,9 milliards d'euros en 2001, soit une hausse appréciable de 9,7 %. Ils représentent à peu près 80 % du budget global des transports.
Le trafic ferroviaire de voyageurs évolue de manière encourageante, en grande partie du fait des bons chiffres du trafic des TGV, qui ont été en augmentation de 7,4 % en 2000.
Le TGV que l'on appelait Méditerranée et qui est actuellement qualifié de Sud-Est paraît être un succès. Nous nous en félicitons. Ce sont, au total, 130 TGV par jour qui relient l'Europe du Nord et le sud de la France. Ils devraient, à terme, générer 23 millions de voyageurs, soit 5 millions à 6 millions de voyageurs supplémentaires.
La SNCF fait observer que, depuis l'ouverture de la ligne, le 10 juin 2001, le trafic global sur l'ensemble de l'axe Méditerranée est en hausse de 40 % par rapport à la même période de l'année 2000.
Si l'année 2000 s'est traduite par une progression de 6,2 % du trafic de marchandises, les premiers résultats de l'année 2001 font état d'une inquiétante baisse - 5,1 % au premier trimestre - par rapport à la même période de l'année précédente.
On sait que le ministre chargé des transports s'est fixé pour priorité le doublement du fret ferroviaire sur la période 2000-2010. Cet objectif, inscrit au schéma de services collectifs de transport de marchandises, est-il d'ores et déjà hors d'atteinte, monsieur le ministre ? Je me permets de poser la question.
Quelle est par ailleurs la situation du transport combiné ? Après un trafic de 13,9 milliards de tonnes/kilomètre en 1997, le transport combiné rail-route a connu un recul en 1998 et en 1999. L'année 2000 s'est caractérisée par une certaine reprise.
Mais le premier trimestre de l'année 2001 s'est traduit par de très mauvais résultats : une baisse de 12 % par rapport au premier trimestre 2000.
Ces mauvais résultats ont d'ailleurs moins affecté le trafic national que le trafic international.
Le transport combiné a représenté, en 2000, 25 % du trafic de fret ferroviaire, contre 15 % en 1990. Aujourd'hui, il paraît être retombé entre 12 % et 15 %. C'est inquiétant.
De l'aveu de la SNCF, la qualité du service de transport combiné reste très insuffisante : 20 % à 25 % des trains sont en retard par rapport à l'heure limite de remise dans les terminaux.
Je traiterai maintenant d'un sujet qui me tient particulièrement à coeur : l'électrification de la ligne internationale Paris-Bâle.
Lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, le 30 octobre 2001, vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que le « chiffrage » des investissements nécessaires serait fixé à la fin de l'année 2002.
Je me suis, quant à moi, posé la question suivante : pourquoi ne pas substituer des motrices diesel plus performantes à l'actuel matériel roulant dans l'attente de la mise en service du TGV Rhin-Rhône en 2015 ?
J'en viens à la situation économique et financière de la SNCF.
On le sait, le « retour à l'équilibre » de l'entreprise, obtenu en 2000, fruit d'incontestables efforts de gestion que nous avions salués comme ils le méritaient, aura été, hélas ! de courte durée. Pour 2001, la SNCF devrait enregistrer un déficit de 162 millions d'euros, soit 1,062 milliard de francs.
Au 31 décembre 2000, l'endettement net de la SNCF s'élevait, quant à lui, à 6,3 milliards d'euros, tandis que la dette du service annexe d'amortissement se montait à 8,9 milliards d'euros, ce qui représente un endettement total de 15,314 milliards d'euros, soit 100,4 milliards de francs !
On sait que la loi portant création de Réseau ferré de France a conduit, en 1997, le groupe à céder 20 milliards d'euros de dette, soit environ 131 milliards de francs, en contrepartie du transfert des immobilisations d'infrastructure.
Au 31 décembre 2000, la dette à long terme de RFF s'établissait à 168,9 milliards de francs.
La dette globale de la SNCF et de RFF, ainsi que cela a déjà été dit par la commission des finances, atteindrait donc quelque 270 milliards de francs !
On reste un peu « confondu » par ces chiffres et on peut légitimement s'interroger sur la capacité d'investissement du système ferroviaire à l'heure où l'Etat se désengage et où le ferroviaire reste plus que jamais à l'ordre du jour des programmes européens !
J'en viens à la délinquance.
On a enregistré, en 2000, une inquiétante augmentation des atteintes contre les voyageurs en province - 25,8 % - essentiellement dans les zones les plus urbanisées, et une hausse substantielle en Ile-de-France - 13,1 %. Les atteintes contre les agents ont été en forte progression en province, de 21,3 %.
Les vols simples commis au préjudice des voyageurs ont augmenté en Ile-de-France de 20,3 % alors que les vols commis au préjudice de la SNCF ont, eux aussi, augmenté en Ile-de-France, de 10,3 %.
Au total, 34 881 actes délictueux ont été constatés en 2000, dont 18 024 pour l'Ile-de-France et 16 857 pour la province.
Un certain nombre de mesures ont été prises que je détaille dans mon rapport écrit.
Ces mesures seront-elles suffisantes ?
Certainement pas. C'est un effort financier, juridique et humain d'une autre ampleur qui devra être consenti dans les gares et les trains pour contenir ce fléau que constitue la petite et moyenne délinquance, et qui ne concerne pas, hélas ! que les emprises ferroviaires. Lors de son audition devant la commission des affaires économiques, le ministre chargé des transports s'est déclaré intéressé par une idée émise par votre rapporteur : pourquoi ne pas disposer, dans des endroits appropriés, des gares ferroviaires, voire des trains, des appareils d'enregistrement qui permettraient de faciliter l'identification des délinquants et, partant, de présenter, peut-être, un caractère dissuasif à terme ?
En conclusion, le projet de budget pour 2002 des transports terrestres est plutôt bon pour le système ferroviaire, mais la « fuite en avant » de la dette donne quelque peu le « vertige ».
D'abord, ce budget ne fournit aucun signe d'une réflexion sur le traitement en profondeur d'un problème structurel qu'il conviendrait de prendre « à bras le corps ». L'Etat, c'est-à-dire le contribuable, sera sans doute mis, une fois de plus, à contribution pour l'apurement partiel de cette dette. Mais qui financera les investissements futurs, notamment la poursuite du programme de lignes à grandes vitesse ? Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques indications sur le sujet ?
Ensuite, la multiplication des actes de violence dans les trains et l'effet dissuasif qu'elle génère ne peut qu'aboutir à une situation en totale contradiction avec les ambitions gouvernementales tendant à reporter sur le transport collectif une part importante du transport des voyageurs, qui préfèrent aujourd'hui le mode de locomotion individuel et... la sécurité !
Face à cette contradiction, j'attends de savoir si le Gouvernement a « conceptualisé » une politique ou s'il se contente de réactions au coup par coup.
La SNCF fait son possible en matière de sûreté. Elle fait cependant observer, et elle a raison, que son métier est le transport de voyageurs ou de marchandises et que c'est l'Etat qui, en principe, est chargé de la sécurité des citoyens.
Pourriez-vous également, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur cette question ?
Enfin - j'ai évoqué cette question dans mon exposé - les incertitudes relatives à la possibilité, pour la SNCF, de reconquérir une part significative du fret posent le problème de l'objectif de doublement de ce marché à l'horizon 2010.
Au fait, monsieur le ministre, qu'en est-il de la réforme de la réforme ?
En conclusion, la commission des affaires économiques a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés aux transports terrestres. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gruillot, rapporteur pour avis.
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les routes et les voies navigables. Monsieur le ministre, depuis quelques années déjà, j'ai l'honneur de rapporter devant vous l'avis de la commission des affaires économiques du Sénat sur une partie de votre projet de budget, celle qui concerne les routes et les voies navigables.
Vous savez que notre commission s'intéresse de très près à toutes les politiques de transport. Elle a d'ailleurs été, dans un passé récent, à l'origine d'un certain nombre d'initiatives heureuses dans ce domaine. Les transports de voyageurs ou de marchandises conditionnent, en effet, dans une très large part la réussite ou l'échec des politiques de développement économique, donc des politiques de l'emploi, et par là même la future qualité de vie de nos concitoyens, objectif essentiel des élus que nous sommes.
Dans l'Europe que nous construisons, la France a la chance d'avoir une situation géographique très privilégiée en matière de transports.
Elle a une façade ouest qui est largement ouverte sur l'océan Atlantique, avec des ports mieux placés que la majorité des autres grands ports européens.
Elle a une façade sud, avec Marseille, face à une Afrique du Nord en pleine évolution démographique, qui constituera rapidement un très grand marché de consommation.
Elle est un carrefour de toutes les voies routières, ferrées ou fluviales qui relient les pays les plus puissants d'Europe occidentale.
Elle dispose, de surcroît, de plates-formes aéroportuaires qui sont plus faciles à développer qu'ailleurs en Europe, face au nouveau monde.
Tout nous incite, ou devrait nous inciter, en France, à conduire une politique très volontariste dans la mise en place des grandes infrastructures de transport. C'est la chance de la France, mais c'est aussi son avenir qui se joue là.
Malheureusement, faute de moyens peut-être, mais plus encore, selon moi, d'une véritable volonté politique et de lucidité, nous avons l'impression de tourner en rond.
Le discours convenu, politico-écologiste, oppose les divers moyens de transport, alors qu'ils sont, tous, complémentaires et ont, qui plus est, besoin les uns des autres pour se développer harmonieusement et intelligemment.
Le rôle du pouvoir politique est bien d'apporter l'harmonie et l'intelligence et, à travers vous, monsieur le ministre, c'est cela que la commission des affaires économiques du Sénat attend du Gouvernement. Depuis des années, elle vous adresse le même message par ma voix. N'ayant toujours pas trouvé de réponses crédibles dans votre projet de budget sur les routes et les voies navigables, elle a émis un avis défavorable à leur adoption.
Il est vrai que votre politique est alignée sur la politique européenne en ce domaine. Ce ne serait pas illogique si celle-ci était efficace. On peut la résumer ainsi : désengorger les autoroutes en reportant, chaque fois que c'est possible, le trafic sur fer, moins consommateur d'énergie, moins dangereux et moins polluant, et, mieux, sur la voie d'eau, quand elle existe, plus économe encore dans tous les domaines.
Malheureusement, les résultats ne sont pas là, comme le décrit très bien un récent article de L'Expansion intitulé : « Europe, terre de bouchons ».
On y lit, entre autres : « l'Europe des transports souffre de thrombose et ne se soigne pas. Lentement, le fret ferroviaire perd du terrain ; sûrement, le transport routier gagne des parts du marché, quand tout le contraire est souhaité ».
Cet article met en exergue trois chiffres très éloquents : dix, dix-huit et six cents.
Dix, ce sont les hectares qui sont recouverts chaque jour par de nouvelles routes en Europe.
Dix-huit kilomètres à l'heure, c'est la vitesse moyenne d'un wagon de marchandises en Europe, inférieure à celle d'un brise-glace dans la Baltique.
Six cents, ce sont les kilomètres de voies ferrées qui ont été fermés alors que 1 200 kilomètres d'autoroutes ont été inaugurés chaque année en Europe depuis trente ans !
Ces chiffres, très frappants, ne sont pas inventés.
Ils sont extraits du Livre blanc intitulé La Politique européenne des transports à l'horizon 2010 : l'heure des choix, rédigé par la Commission européenne elle-même.
Une politique se lit, nous le savons tous, essentiellement à travers les budgets. Or, que nous proposez-vous pour 2002 concernant les routes et les voies navigables ?
Je souhaite faire une remarque sur les bleus budgétaires. D'année en année, ils sont de plus en plus difficiles à déchiffrer. S'agissant du projet de budget pour 2002, l'arrivée de l'euro augmente encore la confusion.
M. Jean-laude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. La monnaie unique, ce n'est pas moi ! (Sourires.)
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. Avez-vous conscience, monsieur le ministre, que nous ne sommes pas tous inspecteurs des finances ? A moins qu'il ne s'agisse d'une volonté délibérée d'entretenir un certain flou, mais je ne le crois pas.
Que trouve-t-on dans le budget des routes, dont nous avons suffisamment parlé cet après-midi ?
Les moyens d'engagement affectés aux routes progressent globalement de 2,5 %. Les crédits d'entretien et de maintenance enregistreront une hausse de 3,34 %.
Les crédits d'investissement sur la voirie nationale augmentent.
En 2002, les capacités d'engagement dédiés à la lutte contre l'insécurité routière devraient atteindre près de 100 millions d'euros, représentant une augmentation de plus de 8 % par rapport à l'an passé. Dans ce domaine, nous continuons par conséquent à faire des progrès significatifs.
En cinq ans, le nombre d'accidents corporels a diminué de 3 %, celui des tués et des blessés de 5 %, alors que, dans le même temps, la circulation augmentait de 13 %.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Absolument !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. Il faut nous féliciter de ces progrès.
Comme chaque année, les enquêtes effectuées dans le cadre du programme REAGIR nous permettent de connaître avec précision les différents facteurs qui interviennent dans les accidents de la route. Ils sont, la plupart du temps, comportementaux : alcool, vitesse exagérée, drogue. Je n'insiste pas sur ces choses-là, on en parle suffisamment. En revanche, on parle beaucoup moins du facteur « conception de l'infrastructure », qui se retrouve dans 34 % des accidents, ou du facteur « entretien et exploitation de l'infrastructure, qui se retrouve dans 24 % des accidents. Ce n'est pas négligeable ! En matière de sécurité, il faut donc être extrêmement vigilant sur les dépenses liées aux infrastructures routières.
Malgré les hausses que j'ai évoquées, il convient toutefois de ne pas se faire trop d'illusions sur l'apparente progression du budget des routes. Et il convient d'évoquer deux phénomènes à ce propos.
Le premier concerne le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, évoqué par M. Jacques Oudin.
Monsieur le ministre, vous avez, l'année dernière, pris devant nous l'engagement que la disparition de ce fonds ne serait pas dommageable pour les budgets routiers.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui, je l'ai pris !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. Vous nous avez même indiqué qu'à ce sujet vous aviez reçu l'engagement de Bercy, et vraisemblablement du Premier ministre, que les dotations pour 2002 seraient au minimum équivalentes, voire plutôt augmentées. Or je constate que ce bel optimisme est apparemment battu en brèche et que le compte n'y est pas !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Si !
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis. En effet, le budget pour 2002 qui nous est proposé s'élève à 1,182 milliard d'euros alors que, d'après nos calculs, la réintégration promise aurait dû générer un montant supérieur à 1,354 milliard d'euros. Et je ne parle pas du reliquat 2000 du FITTVN de 609 millions d'euros réaffectés en totalité dans les comptes généraux de votre budget, mais que l'on ne retrouve pas, ou insuffisamment, en direction des routes. Les chiffres sont donc en baisse.
Je rappellerai, par ailleurs, que le budget pour 2001 accusait, par rapport à celui pour 2000, une baisse de 17,7 % des crédits routiers et, plus spécialement, une diminution de 38,1 % des moyens de paiement destinés au développement du réseau routier.
Il convient donc de relativiser les apparentes progressions des enveloppes routières pour 2002, surtout à l'heure où le Gouvernement présente comme un succès le fait d'avoir réduit de près de dix points la part relative des routes dans le volet financé par l'Etat dans les contrats de plan Etat-région de la nouvelle génération 2000-2006.
J'en viens aux voies navigables.
Globalement, l'enveloppe financière qui leur est consacrée est extrêmement modeste puisqu'elle s'élève à 84,1 millions d'euros en autorisations de programme et à 63,4 millions d'euros en crédits de paiement.
L'essentiel de ces crédits figurant au titre VI, soit 80,79 millions d'euros en autorisations de programme et 60,97 millions d'euros en crédits de paiement, est affecté à Voies navigables de France, qui a la lourde tâche de gérer le transport fluvial et d'exploiter, d'entretenir et de développer le réseau qui lui a été confié, à savoir 6 800 kilomètres sur les 8 500 kilomètres du réseau national.
Une grande partie de ce réseau est dans un état déplorable par manque d'entretien depuis de très nombreuses années. La remise en ordre de l'existant doit intervenir rapidement, mais elle nécessitera des crédits considérables. En reprenant le réseau, Voies navigables de France avait estimé que la somme nécessaire se situerait entre 7 milliards et 17 milliards de francs.
Je sais que vous êtes conscient, monsieur le ministre, de cet état de fait et de l'intérêt que présente pour la France l'augmentation du trafic fluvial, qu'il s'agisse du fret ou du tourisme fluvial. J'ai eu la confirmation de votre volonté en la matière en relisant vos propos du 18 janvier 1999 : « Notre premier grand axe d'orientation est de donner à la voie d'eau la place qu'elle mérite dans un réseau moderne d'infrastructure de transport.
« A cet égard, la première priorité est de fiabiliser le réseau existant pour renforcer l'efficacité du transport fluvial. L'objectif est connu : il s'agit de restaurer et de moderniser en une dizaine d'années le réseau où se concentre la majeure partie du trafic marchandises, constitué par les voies à grand gabarit et une partie du réseau à gabarit Freycinet. »
Mais, depuis 1999, votre volonté ne se concrétise pas. Sans moyens suffisants, Voies navigables de France ne peut réaliser ses objectifs de réhabilitation. Sur un certain linéaire de notre réseau Freycinet, les péniches ne peuvent plus circuler en charge par manque de profondeur, car depuis des décennies, les canaux n'ont été ni dragués ni curés.
Et que dire du réseau à grand gabarit, indispensable pour faire vivre nos ports ?
Le projet Seine-Est n'a pas été retenu dans les schémas de services multimodaux de transports de marchandises et de voyageurs. Est-ce définitif ? Personne ne peut le dire !
Le projet Seine-Nord, lui, a eu plus de chance : il est inscrit au schéma directeur transeuropéen des voies navigables.
Il s'agit de réaliser le « chaînon manquant » entre le bassin économique de l'Ile-de-France et celui du Nord-Pas-de-Calais et, au-delà, de l'Europe du Nord, enjeu capital pour notre pays. Nous savons que la décision politique ne pose plus de problèmes, sauf peut-être sur certains détails de tracé, mais nous n'en sommes encore qu'au stade des études, alors qu'il y a urgence, toutes les voies entre le Nord et Paris étant à la limite extrême de saturation.
Et la liaison Rhin-Rhône, ose-t-on en parler ? Officiellement abandonnée pour des raisons en réalité peu avouables, vous le savez, nombreux sont ceux aujourd'hui, de tous bords politiques, qui s'interrogent sur le bien-fondé de la décision prise.
Quand on regarde une carte d'Europe et qu'on prend conscience que seuls 180 kilomètres de voies à grand gabarit manquent aujourd'hui pour relier Marseille aux flux de grands gabarits européens sur le Rhin, avec à hauteur de Mulhouse un accès facile en direction du Nord et de ses ports, et un autre aussi facile en direction des pays du Danube, on croit rêver !
Ne nous objectez pas ici, monsieur le ministre, le manque de moyens. Dans le cas présent, ils étaient à l'époque acquis, et vous le savez bien. Et puis, quand on a besoin de moyens, on sait les trouver. Vous l'avez fait, et nous avons approuvé le choix de l'axe Ambès-Toulouse, puisqu'il s'agissait d'un problème de développement économique national.
Monsieur le ministre, la commission des affaires économiques du Sénat sait que vous partagez un certain nombre de ses analyses. Vous êtes un homme de bon sens. Alors, arrêtons les incantations et concrétisons : le pays en a véritablement besoin !
Permettez-moi, en conclusion, de vous poser deux questions.
En premier lieu, êtes-vous prêt à étudier, en liaison avec le Parlement, et à mettre en oeuvre un véritable schéma national cohérent des grandes structures de communication, tous moyens confondus, pour préparer l'intégration de la France dans l'Europe, puisque les schémas de service sont peu voire non opérants ?
En second lieu, à vos yeux, la liaison fluviale à grand gabarit Rhin-Rhône est-elle définitivement « enterrée » ? Le départ de l'ancien ministre chargé de l'environnement n'a-t-il pas changé la donne en permettant peut-être de reconsidérer le problème ? Quelles seraient, selon vous, les conditions d'une réouverture de ce dossier ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je souhaite tout d'abord remercier MM. Joly et Gruillot de la qualité de leurs rapports.
J'ai relevé avec satisfaction que M. Joly, qui estime que, « fondamentalement, le projet de budget des transports terrestres enregistre des progressions plutôt favorables au système ferroviaire en général », porte, sur les crédits ferroviaires, une appréciation plus nuancée et, à mon sens, plus exacte que M. Oudin.
A vous entendre dire tout ce qu'il reste à faire alors que j'ai dressé un bilan des actions que j'ai entreprises depuis quatre ans, j'ai l'impression que vous mettez l'accent sur les événements qui se sont produits avant mon arrivée au Gouvernement. Je donnerai les chiffres, y compris sur la voie d'eau, de l'augmentation des crédits depuis 1997. Vous verrez d'où je suis parti ! Avant, ce n'était pas moi ! En même temps, cette situation me rassure, car je vois ce qu'il reste à faire et cela me donne des perspectives de travail pour l'avenir.
J'ai déjà exposé la façon dont ce budget met en pratique la priorité au rééquilibrage intermodal et à la sécurité. M. Gruillot m'a demandé si l'on pouvait avoir une vision d'ensemble. Il y a les schémas de services sur les infrastructures, mais je suis d'avis que, pour être pertinente, la réflexion doit intégrer la place de la France au sein de l'Europe. Le Livre blanc qui a été publié en septembre dernier fait état, justement, d'une nouvelle politique des transports à l'échelle européenne.
Les schémas de services et la politique des transports - à la fois le transport voyageurs et le transport de marchandises - permettent déjà d'avoir une vision de l'intermodalité à l'échelon national. C'est cette articulation qu'il faut « mettre en musique », si je puis dire, car elle intègre à la fois le transport ferroviaire, le transport routier, le transport fluvial, mais également le transport maritime. D'ailleurs, s'agissant de ce dernier, beaucoup reste à faire dans notre pays...
M. Charles Revet. Vous avez raison de le dire !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... où les façades méditérranéenne et atlantique, qui sont tout à fait exceptionnelle, ne sont malheureusement pas utilisées comme elles pourraient l'être.
M. Charles Revet. On en parlera tout à l'heure !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. A cet égard, j'ai mis en place, voilà quelques semaines, avec l'Espagne et l'Italie, un groupe de travail pour le développement du cabotage maritime, afin que puisse être conduite une politique plus équilibrée des transports.
Je me suis déjà prononcé sur la question de la dette du système ferroviaire. Nous avons réussi à contenir son évolution, mais elle demeure à un montant toujours élevé. S'il n'y avait pas eu à la fois les aides, la dotation en capital dont j'ai parlé, et cette évolution de la dette, eh bien ! Réseau Ferré de France, RFF, se serait contenté de gérer la dette sans pouvoir procéder à des investissements. Or ceux-ci sont nécessaires.
Puisque vous m'y avez invité, monsieur Joly, je souhaite revenir sur la question du fret ferroviaire. Voilà deux ans, le Gouvernement s'est fixé pour objectif de multiplier par deux le trafic du fret ferroviaire d'ici à 2010. La Commission européenne, dans son Livre blanc, pose le même principe du doublement du trafic de fret ferroviaire sur dix ans. Certains disaient que c'était utopique. C'est bien la question qui se pose. Cela ne peut représenter qu'une étape, puisque l'objectif plus lointain c'est le triplement des schémas de services collectifs de transports à l'horizon 2020.
Il est vrai qu'en 2000 la situation était plutôt satisfaisante, mais que l'année 2001 n'est pas à la hauteur des attentes. Certains ont évoqué la grève du mois d'avril. Ses conséquences ne peuvent être niées - ce ne serait pas responsable - mais il n'y a pas que cela. Doit également être pris en compte l'effet indiscutable sur le fret ferroviaire d'un commencement de ralentissement de l'activité sur certains produits ; les chiffres le démontrent. Il serait intéressant que vous puissiez un jour avoir la communication - je l'ai demandé - des évolutions selon les catégories de marchandises : celles-ci sont plus ou moins différenciées. Pour les produits qui ont un lien direct avec la crise économique internationale, le ralentissement est important pour les autres, on constate, au contraire, une progression.
Les formules « y a qu'à » ne fonctionnent pas ! C'est plus compliqué que cela ! Pendant des décennies - et je n'accuse personne, car cela a malheureusement été le cas de beaucoup de gouvernements - on a considéré que le fret ferroviaire était « ringard », qu'il relevait du passé. Quelques-uns se battaient pour le défendre ; notamment les cheminots, mais ils n'étaient pas entendus.
Il est vrai que le ralentissement de la conjoncture économique, notamment depuis les événements du 11 septembre dernier aux Etats-Unis, freine la croissance. Mais il ne faut surtout pas revoir à la baisse notre objectif et revenir en arrière. Il importe au contraire de le maintenir. J'ajoute même que, pour les zones sensibles que sont les Alpes et les Pyrénées, il convient non pas de doubler le trafic de fret ferroviaire dans les dix ans, mais de le multiplier par quatre, par cinq, ou par six si l'on veut vraiment répondre aux problèmes que pose la société.
Les moyens sont et seront mis en oeuvre par l'Etat, Réseau ferré de France et la SNCF, et ce sur le plan tant des infrastructures que de la qualité du service.
Je tiens d'ailleurs à souligner que, grâce à l'effort que le Gouvernement a consenti dans le cadre des contrats de plan Etat-région, de nombreux investissements sont engagés ou vont l'être prochainement pour améliorer les lignes ferroviaires les plus prioritaires pour le fret, et résorber les goulets d'étrangement dans plusieurs grandes métropoles. Je ne les énumère pas, vous les connaissez.
Il est vrai que cette politique rompt avec celle qui a pu être menée durant trente ans en France, et qui est encore, d'ailleurs, largement répandue en Europe, si j'en crois le Livre blanc sur les transports ; vous avez eu raison de le souligner, monsieur Joly. Cette politique se traduisait, en France, par des fermetures de lignes toujours plus importantes. Quant au matériel roulant, imaginez qu'il a fallu commander six cent quatre locomotives dédiées au fret, ce qui a représenté tout de même une somme de 9 milliards de francs ! Celles que nous avions étaient trop vieilles. La SNCF a donc reçu l'autorisation de passer les commandes et les premières locomotives seront livrées à partir de 2003. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous voyez bien que nous mettons les moyens pour changer la donne !
Vous avez abordé la question, qui vous est chère, de l'électrification progressive de la ligne Paris-Bâle, comportant une première phase d'électrification entre Gretz et Troyes. La mise en service de ce projet se fera avec un matériel roulant moderne présentant une fiabialité renforcée.
La convention de financement des études d'avant-projet a été signée par l'ensemble des partenaires cet été et j'ai demandé à RFF de produire, pour la fin de l'année 2002, un chiffrage précis des investissements à réaliser. Cette étude déterminera également les besoins en matériels roulants à traction électrique.
Ce projet d'électrification ouvre également de nouvelles possibilités en matière de transport de marchandises, avec, notamment, une meilleure utilisation des capacités offertes par cette ligne pour le développement d'itinéraires alternatifs aux axes les plus chargés.
Enfin, l'électrification de la ligne permettra d'en finir avec les émissions polluantes occasionnées par l'utilisation des locomotives Diesel.
Cela étant, ce projet ne doit pas être opposé à un autre, celui du TGV Rhin-Rhône. D'ailleurs, la perspective n'est pas 2015, monsieur Gruillot : nous allons nous atteler au TGV Rhin-Rhône, la réalisation étant prévue entre 2004 et 2008. Nous l'avons déjà dit, nous n'attendrons pas l'achèvement du TGV Est-européen, pour commencer la réalisation du TGV Rhin-Rhône. Nous nous sommes engagés sur cette démarche, et nous tiendrons nos engagements.
Les travaux du TGV Rhin-Rhône pourront donc commencer à partir de 2004-2005, pour répondre à la question un peu polémique de M. Gruillot sur le canal Rhin-Rhône.
Si nous faisons le TGV Rhin-Rhône, comme nous l'avons décidé, monsieur Gruillot, rendez-vous compte de la capacité de transport de marchandises qui sera libérée sur la ligne classique. Comprenez-le ! Car la politique ferroviaire du transport de marchandises passe aussi par la réalisation des lignes à grande vitesse.
Donc, je n'oppose pas le projet d'électrification de la ligne Paris-Bâle au TGV Rhin-Rhône, dont la réalisation est prévue entre 2004 et 2008 et qui bénéficiera directement des nouvelles sources de financement de l'intermodalité dont j'ai déjà parlé.
Je voudrais également souligner l'effort particulier que le Gouvernement met en oeuvre pour développer, entre la France et l'Italie, un service d'autoroutes ferroviaires : les premières navettes circuleront à la fin de l'année 2002.
Dans un premier temps, seuls les camions-citernes pourront les utiliser. Il faut, en effet, mettre le tunnel de Modane au gabarit B 1 pour permettre l'accès au fameux wagon Modalhor, qui a la particularité d'être surbaissé. Moyennant quoi, il est possible de faire passer 80 % du parc de camions qui traversent notre pays alors que, avec les types de wagons qui sont utilisés entre la Suisse et l'Italie, 20 % seulement des poids lourds pourront passer dans les tunnels à gabarit B 1. Je réponds ici à ceux qui me demandaient pourquoi on ne prenait pas les mêmes wagons.
A la fin de 2005, lorsque nous aurons achevé les travaux dans le tunnel, ce sont 300 000 poids lourds qui pourront passer en navette sur la ligne historique. Lorsque nous aurons achevé la ligne Lyon-Turin, à l'horizon 2012, ce sont un million de poids lourds qui pourront passer sur le rail. Voilà les travaux qui sont engagés. On me demande pourquoi ce n'est pas pour demain. Que voulez-vous, il faut le temps de trouver les moyens, de faire les études, de respecter les procédures. Franchement, nous travaillons réellement à cette grande question de l'autoroute ferroviaire.
A l'occasion du sommet franco-italien de Périgueux, le 27 novembre dernier, le gouvernement italien a confirmé son soutien au projet en réaffirmant sa participation, y compris à la subvention d'équilibre du service, qui sera partagée à parts égales entre les deux Etats.
S'agissant plus particulièrement du transport combiné, je tiens à souligner que son développement reste également, plus que jamais, une priorité du Gouvernement.
Je voudrais aussi rappeler que l'Etat ne se borne pas à apporter une aide à l'exploitation, mais qu'il contribue aussi, pour un montant annuel de 120 millions de francs, au développement, dans toute la France, des chantiers de transport combiné et à l'équipement des opérateurs en matériels de transbordement. J'ai d'ailleurs obtenu de Mme de Palacio, Commissaire européenne aux transports, lors d'une réunion à Zurich, il y a quelques jours, qu'elle accepte, y compris dans le cadre du financement des grandes infrastructures de transports européens, d'aider également au financement des chantiers de transbordement. C'est un élément tout à fait positif.
Plus globalement, monsieur Joly, « la réforme de la réforme » du ferroviaire a permis de l'engager sur la voie du développement et de le sortir de la voie du déclin.
Vous avez également évoqué, monsieur Joly, la question de la sécurité dans les transports collectifs.
La lutte contre la délinquance est l'un des axes prioritaires de mon ministère. J'ai pris l'initiative, à la fin de 1997, d'une table ronde - vous vous en souvenez sûrement - avec les entreprises de transport et les autorités organisatrices de transports. A cette occasion, douze mesures avaient été décidées. Certes, tout n'est pas gagné, je le sais bien, et le combat doit être poursuivi dans ce domaine également. Mais nous avons prévu un renforcement de la présence humaine dans les réseaux de transport, un accroissement de l'effort financier pour accélérer et étendre les programmes d'équipement de sécurité, un renforcement des moyens de la police nationale et une répression accrue des atteintes aux agents.
En Ile-de-France, par exemple, deux programmes triennaux d'investissements de sécurité, l'un de 400 millions de francs - intégralement mis en place - l'autre de 863 millions de francs - actuellement en cours - ont permis d'installer, dans les gares, des bornes d'appel, des équipements de radiolocalisation ou de vidéosurveillance et de financer la réalisation de douze postes de police.
Nous avançons donc, mais il faut encore progresser.
Le renforcement de la présence humaine s'est traduit en Ile-de-France par la création de 2 000 emplois à la SNCF et de 2 300 emplois à la RATP.
En province, les efforts des autorités organisatrices et des entreprises de transport ont permis la création de plus de 1 500 emplois-jeunes dans les réseaux. L'Etat a apporté, par ailleurs, 190 millions de francs de subventions à ces autorités organisatrices pour financer des équipements de sécurité.
La loi relative à la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001 contient aussi des mesures législatives destinées à lutter plus efficacement contre la fraude dans les réseaux de transport, à accroître les prérogatives des agents de contrôle, à renforcer leur protection et à conforter les moyens et les pouvoirs des services de sécurité interne de la RATP et de la SNCF.
J'ai également nommé, en juillet dernier, un haut fonctionnaire chargé de coordonner et d'impulser les actions en faveur de la sécurité dans les transports publics.
Je tiens à revenir brièvement sur deux autres volets majeurs de ce budget : le soutien aux transports collectifs et la poursuite de l'effort en faveur de l'entretien routier.
Concernant les transports collectifs, qui contribuent à faire progresser la mixité sociale, l'urbanité et le droit à la ville pour tous, le projet de budget pour 2002 consolide la politique menée. Depuis 1997, j'ai pris en considération dix-neuf projets de transports collectifs en sites propres en province, pour lesquels j'ai déjà attribué près de 470 millions d'euros, ce qui a permis une nette amélioration de l'offre, puisque nous sommes passés de 196 kilomètres à 317 kilomètres de lignes.
Pour 2002, le budget prévu s'élève à 300 millions d'euros en autorisations de programme et à 215 millions d'euros en crédits de paiement, notamment par un renforcement des crédits destinés aux projets en Ile-de-France et pour faire face à la montée en puissance des projets inscrits dans les plans de déplacements urbains, les PDU. La circulaire du 10 juillet dernier améliore et simplifie le régime des aides attribuées aux projets de transports collectifs de province et à la mise en oeuvre des plans de déplacements urbains.
Par ailleurs, dès 2002, les crédits versés au syndicat des transports d'Ile-de-France au titre de la contribution de l'Etat à l'exploitation permettront, notamment, de financer les dispositions de la loi SRU prévoyant l'accès aux transports collectifs à coût réduit - 50 % - aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle. Ils permettront également une amélioration de l'offre de services de transport.
S'agissant du budget des routes, dont vous avez longuement parlé, monsieur Gruillot, il s'inscrit dans la ligne que j'ai définie voilà maintenant plus de quatre années. Ainsi, l'entretien et la réhabilitation du réseau bénéficieront, en 2002, de moyens augmentés de 28 % par rapport à ceux de 1997.
Lorsque vous estimez que l'effort du Gouvernement est insuffisant à cet égard, monsieur Gruillot, rappelez-vous ce qui m'a été laissé !
Vous en conviendrez avec moi, cet effort permet de combler progressivement l'insuffisance relevée tant par le Parlement que par la Cour des comptes. Cette forte priorité a été dégagée sans que soit réduit pour autant l'effort de modernisation du réseau.
Ainsi, les dotations d'entretien concernant l'entretien préventif et la réhabilitation des ouvrages d'art augmentent respectivement de 6,8 % et de 7 %, en autorisations de programme, pour préserver le patrimoine. Un patrimoine évalué à 122 milliards d'euros, on ne le laisse pas se dégrader et on l'entretient ! J'ai d'ailleurs tenu à lancer les travaux de réparation les plus urgents et à engager, notamment, un programme de réhabilitation de murs de soutènement.
Nous avons également doublé le montant des programmes régionaux d'aménagement de sécurité, les PRAS, dans les contrats de plan.
En matière d'investissements routiers, l'accent est mis sur les opérations contractualisées dans le cadre des contrats de plan Etat-région.
Seront notamment financés la mise en route express à deux fois deux voies de la route Centre Europe Atlantique, de la RN 10, entre Poitiers et Bordeaux, et de la RN 19, entre Langres, Belfort et la Suisse.
A cette enveloppe s'ajouteront les crédits dégagés en loi de finances rectificative pour 2001 au titre de la contribution de l'Etat à la concession de l'A 28 Rouen-Alençon, que j'ai signée il y a peu avec les élus normands - je crois savoir qu'ils veulent fêter l'événement ! - ainsi que pour les travaux d'aménagement de l'itinéraire à grand gabarit Bordeaux-Toulouse.
Je vous avais promis, l'an dernier, en effet, que la disparition du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, ne serait pas un handicap pour le budget du ministère. Cette promesse a été tenue, monsieur Gruillot. Les reports constatés sur le FITTVN ont été intégralement reversés sur mon budget en début d'année ; vous pouvez le vérifier.
En outre, les autorisations de programme sont en augmentation importante sur le volet transport en général - de 4,2 % - soit une augmentation supérieure au strict engagement de suivre les recettes du FITTVN.
Enfin, puisque plusieurs d'entre vous ont évoqué ce sujet, notamment M. Oudin, rapporteur spécial, et M. Gruillot, rapporteur pour avis, les efforts réalisés depuis 1997 en faveur de la voie d'eau sont consolidés dans ce budget 2002, avec plus de 80 millions d'euros prévus afin que soit poursuivi l'effort de modernisation du réseau pour le transport de marchandises, et il en avait bien besoin !
Au total, depuis 1997, les crédits qui sont consacrés à ce mode de transport auront augmenté de 60 %. Mesdames, messieurs les sénateurs, 60 % ! Si je vous avais présenté aujourd'hui le budget pour 1997, je n'ose imaginer ce que vous m'auriez dit sur son insuffisance ! (Sourires.)
La première étape de réalisation du canal Seine-Nord est en cours, aux termes du contrat de plan et avec la réalisation des aménagements indispensables à la fois sur la Seine, l'Oise et le canal Dunkerque - Escaut, c'est-à-dire aux extrémités de cette liaison Seine-Nord.
La poursuite de l'aménagement progressif de la liaison centrale, inscrite maintenant dans les projets de schémas de services de transport devra se faire dans le même cadre. La décision sur le tracé devrait intervenir rapidement. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents, en accord avec l'ensemble des représentants des groupes et des commissions ainsi qu'avec l'assentiment du Gouvernement, a adopté ces modalités nouvelles de débat budgétaire précisément pour nous permettre d'économiser du temps ! (Sourires.)
Mme Odette Terrade. C'est l'inverse !
M. le président. Je lance donc un appel au Gouvernement, aux commissions et aux orateurs pour qu'ils s'en tiennent aux règles qui ont été fixées et qui doivent nous permettre de maîtriser le déroulement de ce débat budgétaire.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Oudin, rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Les deux rapporteurs spéciaux ont parfaitement respecté le temps qui leur était imparti. Cependant, l'objectivité de mon rapport ayant été mise en cause par M. le ministre, je souhaiterais lui apporter des réponses chiffrées.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je répondrai !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Lorsque j'affirmais que les investissements ferroviaires - que nous souhaitons tous voir se développer, parce que le ferroviaire doit prendre sa juste place dans les transports - sont en diminution, je m'appuyais sur les rapports de la Cour des comptes, d'une part, et du Conseil supérieur du service public ferroviaire, d'autre part.
Je cite ce dernier rapport : « Tous financements confondus, le montant maximal pour le système ferroviaire est atteint en 1992 avec 28,1 milliards de francs, dont 13 milliards de francs relatifs au TGV [...]. On est donc passé, pour le TGV, de 13 milliards de francs à 4,8 milliards e francs ! En 2000, point le plus bas avec 16,3 milliards de francs, le TGV représente 4,8 milliards de francs !
Je reprends ma lecture : « Pour le réseau classique, on constate surtout une baisse sensible en 1999 et 2000. Le montant annuel relatif aux infrastructures diminue de 7,4 milliards de francs en 1998 à 6,3 milliards de francs en 1999, puis 6 milliards de francs en 2000 [...]. » Pour « les opérations de développement, qualité, sécurité : 2,5 milliards de francs en 1998, 1,8 milliard de francs en 1999, 1,5 milliard de francs en 2000 [...]. Après EOLE, les investissements en matériel roulant chutent en Ile-de-France - 1,7 milliard de francs en 1998, 0,8 milliard de francs en 1999, 0,6 milliard de francs en 2000 - et baissent fortement pour le TER - 2,4 milliards de francs en 1998, 1,3 milliard de francs en 1999, 1 milliard de francs en 2000 ».
Monsieur le ministre, où voyez-vous une hausse dans tous ces chiffres ? Moi, je ne vois que des baisses !
Le Conseil conclut : « Les investissements du système ferroviaire passent par un point bas en 1999 et surtout en 2000, avec des montants respectifs de 17 milliards de francs et 16,3 milliards de francs. » Nous partions de 28 milliards de francs en 1992 ! Voilà pour le premier point.
Quant au deuxième point, la dette, il est vrai qu'elle s'élève à 258 milliards de francs et qu'elle a été stabilisée. Pourquoi ? La dette augmente lorsque des investissements sont réalisés ; à partir du moment où l'on investit moins, on peut évidemment stabiliser la dette. CQFD.
A l'heure actuelle, on ne paie que les intérêts de la dette ferroviaire : personne ne sait comment en rembourser le capital. C'est la question que je posais, et je n'ai pas obtenu de réponse.
Troisième point, monsieur le ministre, vous avez annoncé un plan en dix ans pour développer le fret, à raison de 12 milliards de francs par an. Compte tenu de l'ampleur du projet, il apparaît, toujours selon le rapport du Conseil supérieur du service public ferroviaire, qu'il serait souhaitable d'engager au total 31 milliards de francs par an, soit 20 milliards pour RFF et 11 pour la SNCF. Mais il n'est pas indiqué où l'on trouvera cette somme !
A titre de comparaison, on note dans le même rapport que, pour les vingt prochaines années, la France s'est engagée à hauteur de 31 milliards de francs, l'Espagne de 35 milliards de francs, l'Italie de 41 milliards de francs, l'Allemagne de 51 milliards de francs et la Grande-Bretagne de 63 milliards de francs, soit deux fois plus que la France.
Ces chiffres se passent de commentaires.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre, dont le propos, je n'en doute pas, sera aussi concis que précis.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, vous avez raison de ne pas douter de ma concision.
M. Ladislas Poniatowski. Ce n'est pourtant pas toujours le cas !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Toutefois, je ne peux pas laisser M. Oudin mettre en cause mes indications relatives à la démarche du Gouvernement.
Premièrement, je maintiens que les investissements budgétaires de l'Etat ont doublé entre 1997 et 2002. Vous avez parlé de l'année 1999-2000, monsieur le rapporteur spécial, période, je le rappelle, à laquelle prenaient fin les contrats de plan : le creux de 2000 s'explique donc par le laps de temps qui s'est écoulé entre deux grands investissements, entre la réalisation du TGV Méditerranée et le début de celle du TGV Est.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Les investissements avaient tout de même diminué !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'entends bien, et je vais m'arrêter un instant sur ce point.
L'achèvement du TGV Méditerranée n'était pas financé, et il a fallu trouver l'argent pour ce faire. Il a fallu rompre avec l'ancienne méthode de financement des investissements ferroviaires.
Le TGV Est, on en parle depuis vingt ans, et je suis bien placé pour le savoir, moi qui ai dû discuter avec les Lorrains, avec les Alsaciens, avec les habitants de Champagne-Ardenne, et même avec les Luxembourgeois ! On en parlait, on en parlait, mais personne ne faisait jamais rien - alors que je vais donner prochainement le premier coup de pioche du chantier : le TGV Est va voir le jour !
Il est bien évident que les nouveaux projets qui sont à l'étude, notamment le TGV Aquitaine vers la Bretagne, mais aussi le TGV Rhin-Rhône, que j'ai déjà évoqué, non seulement sont en passe d'être réalisés, mais en outre seront financés,...
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Vous n'avez pas les moyens de financement !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... et cette fois sans plomber la SNCF, comme cela se faisait précédemment, et c'était la pire des choses !
Vous avez prétendu que l'Etat payait ; mais l'Etat ne payait pas ! (M. Caldaguès proteste.) Même pour le TGV Est-européen, il était prévu de n'investir que 3,9 milliards de francs. On ne risquait pas d'en voir le début ! Il a fallu que l'Etat porte sa contribution à un peu plus de 8 milliards de francs et que les régions se mobilisent - et il faut voir comment elles ont su le faire !
Aujourd'hui, nous sommes en mesure de réaliser cette ligne à grande vitesse ; le financement est là, et la méthode est plus saine que par le passé. Ne niez pas la réalité, monsieur le rapporteur spécial ! Dans le passé, la politique ferroviaire était uniquement axée sur le « tout-TGV » et son financement était assuré par le « tout-endettement » de la SNCF. La politique actuelle est tournée sur le « tout-ferroviaire » - ce qui n'est pas synonyme d'exclusivité du ferroviaire, puisque nous l'envisageons dans le cadre global de l'intermodalité - et elle repose principalement sur les contrats de plan.
Avant 1997, on ne payait que les intérêts de la dette ferroviaire en diminuant le nombre de cheminots ! On en supprimait 6 000 ou 7 000 par an, et c'est ainsi que l'on finançait les intérêts ! Nous, que voulez-vous, nous avons fait le choix de ne pas supprimer de postes de cheminots, ce n'est pas notre politique. Depuis 1998, nous en avons même embauché 26 000 au statut SNCF.
Il est vrai que la dette existe encore et que, depuis 1997, nous en payons les intérêts, que nous la stabilisons. Mais nous devons désormais aller plus loin, je suis d'accord avec vous sur ce point, monsieur Oudin : notre objectif est le désendettement massif du système ferroviaire français. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Et comment ferez-vous ?
M. le président. Nous allons passer aux questions.
Je vous rappelle que les orateurs interviendront pour une durée limitée à cinq minutes.
La réponse de M. le ministre est limitée à trois minutes.
Chaque orateur disposera d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
La parole est à Mme Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 2002 sera l'année de la mise en oeuvre de deux initiatives majeures pour les transports terrestres, à savoir, d'une part, le transfert des services régionaux de voyageurs à l'ensemble des régions métropolitaines - hors la Corse et l'Ile-de-France - et, d'autre part, le lancement de la route ferroviaire dédiée aux poids lourds traversant les Alpes.
Ces initiatives, ajoutées aux dispositions de circulation alternée entre les tunnels du Mont-Blanc et de Fréjus que vous avez déjà prises, monsieur le ministre, contribueront à atténuer les risques liés aux transports routiers et les nuisances subies par les populations de la vallée de Chamonix.
En ce qui concerne la régionalisation des transports, nous apprécions la publication du décret d'application de ce volet de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
La généralisation de l'expérimentation menée par six régions est positive pour l'aménagement du territoire, pour la qualité du transport des voyageurs et pour la SNCF elle-même. Pour ne prendre qu'un exemple, celui de la région Centre, que je connais bien, on constate à une progression régulière - de 10 % à 12 % en moyenne - du nombre de voyageurs utilisant les TER, la modernisation des matériels existants et l'arrivée de nouvelles rames dont l'image correspond à notre époque et à l'attente des voyageurs, même si des défauts de jeunesse restent à corriger.
De plus, le contrat de plan Etat-région a prévu la réouverture d'une ligne fermée depuis de nombreuses décennies. La région Centre a également pris l'initiative de créer des comités locaux d'animation et de développement des lignes régionales qui permettent aux élus, aux usagers et à leurs associations ainsi qu'à la SNCF de débattre ensemble pour améliorer les dessertes. La réussite de l'expérimentation a permis à la région Centre de mieux répondre aux besoins des habitants, sans pour autant accroître la pression fiscale régionale.
C'est une nouvelle compétence qui, pour une fois, a été négociée en prévoyant des ressources prenant mieux en compte la réalité que cela n'avait été fait pour les lycées ou les collèges, par exemple, même s'il reste à actualiser les dotations pour le matériel et à finaliser l'accord pour la rénovation des gares.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen apprécient la progression des crédits destinés aux services régionaux, qui porte l'effort à 1 505 millions d'euros. Il est intéressant de noter qu'en 2002 les apports de l'Etat à la modernisation du parc de matériel ferroviaire des TER s'élèveront à plus de 220 millions d'euros.
Ce soutien à la régionalisation des transports prend place dans un budget des transports terrestres qui progresse de 6,8 %. La priorité affichée pour le mode ferroviaire répond à la volonté affirmée dans les schémas de services de donner une impulsion au développement durable au travers de transports confortables, accessibles à tous, dans un environnement mieux respecté et mieux protégé. Ainsi, les crédits destinés au développement du réseau ferroviaire augmentent de 20 %, ce qui conduit à un doublement de l'enveloppe ferroviaire de 1997 à 2002.
La dotation de l'Etat pour financer le nouveau dispositif d'aide au transport combiné, qui s'élève à 40 millions d'euros, sert le même objectif : réduire le nombre de camions sur la route.
M. Jean-Philippe Lachenaud. La question !
Mme Marie-France Beaufils. Aux termes des propositions formulées lors des états généraux du fret ferroviaire, organisés par le Conseil supérieur du service public ferroviaire, le CSSPF, l'Etat contribue au désendettement de la SNCF, dont il a été largement responsable en d'autres temps, et reconduit pour une année supplémentaire l'apport de 1,8 milliard d'euros en capital à Réseau ferré de France.
Quant au budget consacré au réseau routier, il connaît, lui aussi, une progression de 2,6 %, avec une augmentation de 14,5 % des crédits de paiement. Il consacre un effort prioritaire à l'entretien du réseau national principalement axé sur l'entretien préventif et sur la réhabilitation des ouvrages d'art, les autorisations de programme s'accroissant respectivement de 6,8 % et de 7,1 %. On ne peut que se féliciter de ce souci de la sécurité des usagers, principalement de ceux qui franchissent les tunnels.
Tout en gardant la volonté politique forte de rééquilibrer les investissements en faveur du rail - ce budget, malgré ses limites, l'illustre - vous avez tenu, monsieur le ministre, à dégager les financements nécessaires aux opérations figurant dans les contrats de plan Etat-région.
La priorité accordée depuis 1997 par le Gouvernement à la lutte contre l'insécurité routière a donné des résultats significatifs. En année pleine, 1 000 vies, en moyenne, ont été sauvées. C'est positif, mais 7 400 personnes se sont tuées au cours des douze derniers mois. Le Conseil national de la sécurité routière a bien du travail devant lui ! La nouvelle augmentation de 8,5 % des crédits de la sécurité routière est donc appréciable.
La route est un lieu où se retrouvent les problèmes de notre société : on y trouve des gestes d'incivilité, de la délinquance routière, qui fait fi du respect d'autrui, et souvent même de soi. Un gros travail reste à fournir, là aussi, pour construire ou reconstruire les repères indispensables à la vie en société. Ne faudrait-il pas envisager que, dans la formation des conducteurs, au-delà des gestes techniques, soit inculqué aussi un comportement plus respectueux des règles ?
Le maintien de l'effort de 2001 pour les transports contribuera à l'amélioration de la qualité de vie dans les zones urbaines et participera activement à ce qui s'appelle aujourd'hui le « développement durable ».
Pour mieux utiliser les différents modes de transports, particulièrement ceux qui apportent une meilleure sécurité aux déplacements des voyageurs ou des marchandises, et ce dans des conditions plus respectueuses de l'environnement, des moyens importants sont nécessaires.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez déjà engagé des discussions à l'échelon européen. Pouvez-vous nous dire où en sont les négociations ? L'Europe est-elle prête à s'engager à vos côtés dans ce rééquilibrage des modes de transports ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour trois minutes.
Dois-je rappeler une fois encore les règles que, d'un commun accord, nous devons nous imposer si nous voulons que le débat budgétaire puisse se dérouler dans de bonnes conditions ?...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre appréciation sur la politique que nous avons engagée.
Vous m'avez posé une question capitale qui porte à la fois sur les négociations européennes et sur la place de l'Europe.
J'ai déjà dit à plusieurs reprises, puisque MM. les rapporteurs ont évoqué ce sujet, que le Livre blanc, publié en septembre, montre indiscutablement qu'une démarche nouvelle se fait jour, à l'échelle européenne, à l'égard des transports. Comment cela se traduit-il ?
Si la politique du transport de voyageurs, mais aussi - et surtout ! - de marchandises, n'est conçue qu'à l'échelle d'un Etat, elle trouve tout de suite ses limites. La traversée des zones sensibles que sont les barrières naturelles telles que les Alpes et les Pyrénées en est une bonne illustration. Le transport est au moins binational, et même plus. Ainsi, la moitié des marchandises qui proviennent d'Espagne s'arrêtent chez nous ; l'autre moitié continue au-delà de la France, vers l'Italie, vers la Grande-Bretagne, vers l'Europe du Nord.
Un de vos rapporteurs disait tout à l'heure que nous avions l'avantage d'être à un carrefour. Certes, c'est un atout, mais c'est en même temps un obstacle : puisque nous sommes un pays de transit, tout passe par chez nous ! C'est aussi un élément qu'il faut prendre en compte.
L'Europe a opté en faveur d'une politique davantage fondée sur l'intermodalité et reposant sur un nouvel équilibre favorisant le rail. Elle prévoit ainsi la multiplication par deux du transport ferroviaire de marchandises, mais cette démarche n'a pour objectif que de maintenir les parts de marché actuelles, ce qui m'a d'ailleurs amené à la critiquer comme n'étant pas suffisamment ambitieuse. En effet, si l'on reste sur la lancée des trente dernières années sans consentir d'effort supplémentaire, la dégradation de la part du rail se poursuivra éternellement.
Cette nouvelle politique doit se traduire par de nouveaux concepts. Ainsi, le Livre blanc propose d'internaliser des coûts externes. Vous me direz que c'est du charabia technocratique. En fait, cela signifie que des éléments qui aujourd'hui ne sont pas pris en compte devront être intégrés dans l'évaluation des coûts de transport.
La réalisation des infrastructures n'est en effet pas la seule composante du coût. Il faut, par exemple, intégrer également les effets sur l'environnement.
La politique que nous avons engagée en France vise à conforter l'intermodalité. Ainsi, les dividendes des sociétés d'autoroutes doivent servir non seulement à construire de nouvelles routes et autoroutes, mais aussi à développer cette intermodalité. Les politiques de tarification qui peuvent être initiées à l'échelle du pôle alpin ou d'autres secteurs sensibles ont aussi cet objet.
Les nouvelles orientations européennes en matière de transports concernent également le financement. Jusqu'à présent, pour les grands projets de transport arrêtés à l'échelle européenne, les études ne pouvaient être financées par des fonds européens qu'à hauteur de 50 %, mais, pour la réalisation concrète des infrastructures ferroviaires, le maximum était de 10 %. Il est proposé aujourd'hui de porter ce plafond à 20 %. L'intérêt est évident : un financement européen à hauteur de 20 % peut faciliter les partenariats entre public et privé pour la réalisation de nouvelles infrastructures. A titre d'exemple, le programme « Marco Polo » mis en place pour 2003 et 2004 par la Commission européenne pour les réseaux transeuropéens de contournement des barrières naturelles pourra bénéficier de subventions pour des alternatives à la route.
Les discussions à propos du Livre blanc et des politiques de chaque Etat évoluent. Je ne dis pas que tout est entièrement résolu, mais il s'agit désormais d'une démarche qui converge avec la politique du gouvernement français et les attentes de la société.
M. le président. Souhaitez-vous répondre à M. le ministre, madame Beaufils ?
Mme Marie-France Beaufils. Ayant légèrement dépassé le temps qui m'était imparti, je ne reprendrai pas la parole, monsieur le président. (Très bien ! sur les travées du RPR.)
M. le président. Je vous remercie de votre compréhension et de votre contribution, madame Beaufils. Ma tâche, vous le savez, n'est pas toujours aisée !
La parole est à M. Reiner.
M. Daniel Reiner. La décentralisation, il y a ceux qui en parlent et ceux qui la font. Le Gouvernement, monsieur le ministre, est dans cette dernière catégorie et votre ministère nous conduit vers une nouvelle étape très importante de cette révolution tranquille, mais pas simple, décidée en 1982.
Au 1er janvier 2002, en application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui a, je le rappelle, moins d'un an, la région, autorité organisatrice des transports collectifs d'intérêt régional, aura la pleine compétence de l'organisation des services ferroviaires régionaux de voyageurs ou éventuellement routiers, en substitution.
S'agissant de la méthode, c'est l'aboutissement logique de la généralisation d'un processus décentralisé mené très raisonnablement, passant par les étapes des conventionnements régions - SNCF et l'engagement d'expériences par plusieurs régions pilotes volontaires.
Sur le fond, ce rôle nouveau dévolu aux conseils régionaux s'inscrit parfaitement dans une de leurs compétences essentielles : l'aménagement infrarégional de leur territoire. Le TER doit participer, à l'évidence, au développement durable et respectueux de l'environnement, à l'amélioration de la sécurité et au renforcement de la solidarité entre les villes et les campagnes.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, intègre cette nouvelle donne : plus de 1,5 milliard d'euros sont inscrits sur cette ligne, soit 30 % de plus qu'en 2001.
En effet, pour être juste, le transfert de compétence qui induit un transfert de charges implique une compensation ; c'est la loi, et l'article 125 de la loi SRU l'a explicitement prévu.
Cet article définit les grandes lignes de la dotation financière de compensation qui sera versée aux régions en abondement de la DGD. Cette dotation sera constituée, faut-il le rappeler, de la contribution pour l'exploitation des services transférés, de la dotation au renouvellement du parc de matériel roulant - les gares demeureront propriété de la SNCF, mais l'Etat contribuera néanmoins à leur modernisation, souvent nécessaire -, enfin, de la dotation correspondant aux tarifs sociaux décidés par l'Etat.
Les négociations entre les régions et la SNCF sont en cours depuis quelque temps, le plus souvent dans un esprit positif, naturellement un peu plus tendu à la veille de la finalisation des accords, pour pouvoir respecter la date impérative du 1er janvier 2002. Le volet financier de la convention est évidemment un élément essentiel de la discussion. S'agissant de montants élevés, il convient que le cadre national de ces négociations régionales soit clairement fixé.
Le décret en Conseil d'Etat prévu par la loi vient enfin d'être publié officiellement et les régions sont dans l'attente des arrêtés fixant la nature des services transférés et la dotation régionale.
Dans la mesure où un délai de deux mois est prévu pour permettre aux régions de donner leur avis, il est permis de penser qu'aucune convention ne pourra être signée avant le 1er janvier 2002.
Cela ne devrait pourtant pas retarder le transfert de compétences dès lors qu'une solution amiable et intelligente sera proposée : une formule transitoire simplifiée pourrait convenir, cosignée par les conseils régionaux et la SNCF, par exemple sur la base de versements par douzièmes. Cette solution pourrait éviter la mise en oeuvre d'une inscription d'office au budget régional par le préfet de région, nécessairement désagréable dans la mesure où la bonne volonté des uns et des autres ne serait pas en cause. Il serait donc utile, monsieur le ministre, d'apporter cette précision assez rapidement.
Pour autant, et au vu du décret qui confirme le projet ayant déjà circulé, quelques questions de fond demeurent posées concernant le montant de la dotation. L'une d'entre elles mérite une attention particulière. Elle concerne la déduction du fonds de compensation de la dotation aux amortissements facturée par la SNCF sur son matériel roulant existant, et ce sans contrepartie ni réinvestissement, puisque les régions subventionneront ensuite à 100 % le nouveau matériel roulant, dont elles ne seront d'ailleurs pas propriétaires. Cela justifie davantage qu'une explication comptable, car cela paraît souvent assez injuste pour les régions.
Certes, si le matériel est ancien - l'âge moyen est estimé à quinze ans mais, dans certaines régions il peut atteindre vingt-sept ans, comme en Lorraine -, la dotation aux amortissements sera faible mais l'effort financier à consentir pour moderniser le parc sera d'autant plus important. Nous proposerions volontiers que cette question soit réétudiée, en particulier pour la dotation 2003, qui doit être révisée au vu des nouvelles règles comptables en usage à la SNCF.
J'ajoute que les régions apprécient peu d'avoir à supporter un surcroît de taxe professionnelle sur leurs nouvelles acquisitions, surtout celles qui auront à rattraper un retard en investissant beaucoup dès les premières années.
M. Gérard Longuet. C'est bien vrai !
M. Daniel Reiner. Un calcul a évalué cette charge fiscale à 7 % du coût unitaire d'une rame - je préfère ce mot à « caisse ».
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nos concitoyens, usagers du transport public, attendent beaucoup de la régionalisation du transport. Le TER, pour de multiples raisons, n'a pas toujours bonne presse en ce moment. C'est dommage, car ce service public mérite mieux.
La décentralisation ou, plus précisément, la régionalisation devrait y pourvoir. Faisons en sorte qu'elle soit exemplaire et qu'elle soit une réussite pour tous, et d'abord pour les usagers. La qualité du transport quotidien est en effet un élément de la qualité de vie, le temps de trajet étant psychologiquement intégré dans le temps de travail.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Reiner.
M. Daniel Reiner. Je m'achemine vers ma conclusion, monsieur le président.
Ce doit aussi être une réussite pour les conseils régionaux, qui, pour nombre d'entre eux, ont montré ces dernières années qu'ils avaient pris à coeur cette responsabilité et obtenu des résultats probants.
Ce doit enfin être une réussite pour l'entreprise SNCF elle-même et ses agents, qui ont envie de prouver qu'avec des moyens appropriés ils savent et peuvent répondre aux attentes. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.) M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire dans votre intervention qu'il s'agit d'une réforme majeure du point de vue de la décentralisation. Nous devons la réussir, sans remettre en cause - c'est très important - l'unicité du système ferroviaire.
Je dois dire d'ailleurs, en complément de ce que j'indiquais à Mme Beaufils tout à l'heure, qu'à l'échelle de l'Europe aussi nous veillons à ce que le caractère public du service ferroviaire ne soit pas remis en cause.
Cela étant, le décret d'application relatif au transfert de compétence en matière de transports collectifs d'intérêt régional a été publié le 27 novembre dernier. Vous regrettez que ce soit un peu tard, mais je dois préciser que les choses se sont déroulées relativement rapidement si l'on compare avec d'autres domaines.
La dotation comprend trois volets : la compensation des déficits d'exploitation, la part régionale des tarifs sociaux et le matériel roulant.
Je vous communique une information : nous transmettons dès aujourd'hui aux régions les projets d'arrêtés fixant le montant du droit à compensation dont elles bénéficieront.
Elles ont un délai maximal - j'insiste sur ce mot - de deux mois pour faire part de leur avis.
Néanmoins, sans attendre les arrêtés définitifs, vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, les régions peuvent envisager la signature de la convention, sachant qu'elles disposent maintenant de tous les éléments et qu'elles discutent du contenu de la convention de service avec la SNCF depuis cet été.
Par ailleurs, vous avez soulevé deux autres questions de fond relatives aux modalités financières de la réforme.
S'agissant de la déduction des amortissements nets du montant annuel de la dotation complémentaire pour le renouvellement du matériel, elle est assez simple bien que technique.
Les amortissements nets du matériel roulant apparaissent dans le compte d'exploitation de l'activité TER comme une charge. Ils participent donc au déficit du compte qui a été constaté en 2000 et qui est intégralement compensé par la contribution de l'Etat à l'exploitation. C'est à ce titre que les amortissements nets sont déduits de la dotation complémentaire pour le renouvellement du matériel roulant.
Néanmoins, pour tenir compte de l'inquiétude des régions quant aux investissements effectifs réalisés à hauteur de la dotation aux amortissements, le décret d'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit qu'une annexe à la convention entre la région et la SNCF indiquera les programmes d'investissement prévus pour le domaine TER par les deux partenaires.
Votre deuxième question de fond est relative à la taxe professionnelle. Elle est plus complexe et a déjà fait l'objet de nombreuses explications aux régions. Je ne vous rappellerai donc que brièvement quelques éléments.
Le débat sur la taxe professionnelle et son éventuelle exonération a eu lieu au moment de l'examen du projet de loi SRU par le Parlement. S'agissant d'un dispositif fiscal pouvant mettre en cause le traitement égalitaire des collectivités territoriales, les amendements proposés à ce sujet ont été rejetés.
Par ailleurs, l'augmentation de la taxe professionnelle consécutive à des commandes de nouveaux matériels sera tempérée par le système d'indexation annuelle de la dotation générale de décentralisation et par la disparition progressive de la taxe professionnelle correspondant à l'ancien matériel.
De plus, il faut se remémorer les mesures que nous avons prises dans ce domaine à l'égard du nouveau matériel roulant : elles permettent de diminuer de moitié les taux de taxe professionnelle s'appliquant à celui-ci.
Pour ce qui concerne la part régionale des tarifs sociaux, la dotation de l'Etat est entièrement transférée aux régions. Elle a été réévaluée cette année de 135 millions de francs. Là encore, il n'y a pas transfert de charges mais transfert concomitant de compétences et des moyens de les assurer.
M. Daniel Reiner. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Reiner.
M. Daniel Reiner. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous avez données. Le décret est relativement récent et nous ne l'avons pas étudié dans le détail. Si des réponses ont été apportées, certaines questions restent en suspens. Chacun a en particulier présent à l'esprit le problème de la participation à reverser à RFF en contrepartie de la location des sillons nécessaires aux TER - mais laissons cela pour demain.
M. le président. La parole est à M. Longuet.
M. Gérard Longuet. En dépit de tout le respect que j'ai pour la compétence de M. Gayssot et de toute l'estime que je porte à l'ancien président de la commission d'aménagement du territoire du conseil régional de Lorraine, M. Reiner, je ne crois pas que l'on puisse trancher les problèmes liés au TER dans les quelques minutes qui nous sont imparties : nous avons écouté les différentes interventions, mais tout n'est pas résolu. Cela étant, j'en viens à ma question, qui sera brève.
Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, qui s'est réuni le 9 juillet dernier à Limoges, a décidé d'annuler le projet de réalisation de l'autoroute A 32, qui avait été approuvé par vos prédécesseurs, monsieur le ministre, et par vous-même, comme vous l'avez indiqué, le 1er février 2001, dans une déclaration à L'Est républicain.
Toutefois, les membres du CIADT ne sont pas complètement fermés aux réalités du terrain et ils nous ont dit que, à défaut d'autoroute, serait construit quelque chose y ressemblant. Par conséquent, j'aimerais savoir, monsieur le ministre, si vous avez l'intention de nous présenter des solutions de rechange, afin que le million de Lorrains concernés par la décision du CIADT puissent savoir quelles sont vos intentions, quel sera le calendrier retenu et comment sera financé le nouveau projet, sachant que la réalisation de l'A 32 devait, elle, être payée par l'usager.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Vous avez raison, monsieur le sénateur, de dire qu'il n'est pas facile de traiter en dix minutes de problèmes aussi importants. Je tenais cependant à apporter quelques éléments de réponse aux questions qui m'ont été posées.
S'agissant du projet abandonné d'autoroute A 32, pour tenir compte de la concertation régionale ayant souligné l'importance du trafic de transit dans le sillon mosellan et son influence sur les conditions de circulation locales, le Gouvernement a décidé de modifier la rédaction du projet de schéma de services de transports. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, il entend apporter une réponse aussi multimodale que possible au problème soulevé.
Le texte définitif prévoit, outre le développement prioritaire des capacités ferroviaires, la préservation de la possibilité d'aménagements routiers destinés à écarter les trafics de transit des zones urbaines par l'autoroute A 31.
C'est donc un nouvel itinéraire routier fonctionnel - une autoroute A 31 future - qui sera constitué, en intégrant des déviations de zones urbaines comme la jonction Toul-Dieulouard formant déviation de Nancy, les contournements de Metz et de Thionville, ainsi que les sections non urbaines de l'actuelle A 31 dont l'élargissement serait possible.
Les études de mise en oeuvre de cette solution ont déjà débuté, aussi bien pour le volet routier que pour le volet ferroviaire. Les sections urbaines déviées de l'actuelle A 31 seront requalifiées en voies rapides urbaines, et je crois, monsieur le sénateur, que cette évolution sera très bien perçue dans votre région.
Dans l'optique du fort développement du trafic ferroviaire de fret et de voyageurs sur l'axe nord-sud, le sillon mosellan doit également faire l'objet d'aménagements de capacité, afin de garantir la régularité et la fluidité des trafics actuels et à venir. Cette priorité a été confirmée par les schémas de services collectifs de transport, c'est pourquoi les aménagements destinés à améliorer la fluidité sur cet axe sont prévus dans le cadre du contrat de plan Etat-région Lorraine.
Pour la Lorraine, le volet ferroviaire du contrat de plan Etat-région a retenu un programme d'investissements de plus de 800 millions de francs, qui comprend à la fois des opérations d'augmentation de capacité sur la ligne du sillon mosellan Thionville-Metz-Nancy, ainsi que l'aménagement d'un axe de rechange pour le transport de marchandises par Longwy, Conflans-Jarny et Toul.
Ainsi, pour faire face à l'accroissement du trafic, un itinéraire supplémentaire raccordé à l'axe Athus-Meuse sera mis en place, et les réflexions doivent même aller au-delà, afin que nous puissions trouver une solution pour canaliser autant que possible le trafic de fret sur cet axe, comme me l'a d'ailleurs suggéré Mme Evelyne Didier.
M. Gérard Longuet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Longuet.
M. Gérard Longuet. En ce qui concerne le volet ferroviaire, monsieur le ministre, je crois qu'un partenariat pertinent s'est en effet instauré, et tout ce que nous souhaitons, c'est que le calendrier des travaux puisse permettre de consommer les crédits que l'Etat et la région ont mobilisés à cette fin.
En revanche, votre réponse sur le volet routier m'a semblé très partielle, monsieur le ministre : en ce qui concerne la jonction Toul-Dieulouard, il n'y a pas de problème, mais cela ne règle pas les questions relatives aux projets d'aménagement dans le sud lorrain ; en ce qui concerne la métropole nord-lorraine et l'axe Luxembourg - Thionville - Metz - Pont-à-Mousson, qui constitue une zone d'urbanisation continue, je crains qu'il ne faille imaginer un itinéraire nouveau, c'est-à-dire revenir au projet de l'A 32.
Mais le génie est une longue patience, et nous n'en manquerons pas !
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas le jour où des difficultés et des critiques s'abattent sur notre rail, qui est le meilleur, que l'on peut confirmer, à la suite de la prédiction de Louis Armand, que le chemin de fer sera bien le mode de transport du xxie siècle.
Cela étant, il est vrai qu'il peut répondre à la croissance continue du trafic de voyageurs et de marchandises et, en même temps, à notre quête de développement durable, à notre désir de lutter contre les nuisances, à notre inquiétude devant l'insécurité, de plus en plus mal supportée, qu'engendrent la route et le transport routier.
Votre projet de budget indique bien, monsieur le ministre, que le transport ferroviaire est la pièce maîtresse d'une multimodalité en marche. Les financements prévus et nécessaires seront-ils cependant à la hauteur des investissements attendus et pourront-ils l'être aussi longtemps que pèseront la dette et les contraintes liées à celle-ci ?
L'établissement RFF, auquel la loi a donné pour mission non seulement d'être le gérant avisé de la dette transférée, mais aussi et surtout d'agrandir, de moderniser et de régénérer le réseau ferroviaire, est en première ligne devant ces lourdes contraintes.
L'efficacité, la haute technicité et la rigueur de son équipe de très haut niveau, sa crédibilité nationale et internationale lui ont permis de stabiliser une situation dégradée, mais il est évident que sa puissance d'investissement serait singulièrement renforcée si, comme cela fut fait en Allemagne, RFF pouvait être intégralement désendetté. Nous l'avons tous souhaité dans cet hémicycle : est-ce envisageable, est-ce possible ?
Dans cette marche vers la modernisation, l'Europe nous guette, la directive au bout du stylo ! Pour l'heure, les trois directives du « paquet ferroviaire » de février 2001 ont stabilisé les incertitudes en établissant les règles de tarification, de procédure d'attribution des sillons et d'accès aux réseaux. Toutefois, certains ultra-libéraux n'ont pas abandonné l'idée d'ouvrir un accès plus large aux réseaux à d'autres entreprises que les entreprises ferroviaires définies par la directive 2001-13. Monsieur le ministre, d'autres directives sont-elles, à votre connaissance, dans les « tuyaux » ?
Par ailleurs, contrairement au trafic de voyageurs, le trafic de marchandises enregistre une baisse importante. Si, par malheur, un ralentissement de l'économie devait l'aggraver, le doublement du fret ferroviaire, incontournable objectif pour 2010, ne serait-il pas gravement compromis ? Nous risquerions alors de dénombrer, comme le prévoyait M. Claude Martinand, dix mille camions par jour à la frontière espagnole !
Cinquième partenaire du transport ferroviaire européen, les régions participent aux grands projets, « mettent la main au portefeuille », aident à la régénération du réseau classique, jusqu'à présent quelque peu abandonnée.
Ainsi en est-il avec le projet POLT - Paris, Orléans, Limoges et Toulouse -, pour lequel, de Paris à Toulouse, quatre régions se sont mobilisées sur le plan financier. Celles-ci constatent aujourd'hui avec amertume que, en dépit d'un financement assuré, la réalisation prend du retard : l'échéance est repoussée à 2005-2007 au lieu de 2004, comme cela avait été annoncé. Pourquoi ce retard ? Est-il la conséquence de procédures trop lourdes ou bien du manque d'enthousiasme de la SNCF pour le train pendulaire, qui est au coeur de cette innovante régénération ? A ce propos, où en est le train pendulaire, monsieur le ministre ? Dans les esprits, dans les cartons ou dans les ateliers ?
Ce renouveau ferroviaire est inscrit dans la loi de 1997. Cette loi a sauvé la SNCF du naufrage, redéfini ses missions, rendu possible pour elle une nouvelle crédibilité, pour peu bien sûr que, dans une paix sociale retrouvée, elle puisse échapper à ces grèves récurrentes qui transforment hélas ! trop souvent - c'est encore le cas aujourd'hui - le client en galérien du rail et, comme l'a dit son président devant la commission des finances, menacent son équilibre financier.
L'histoire retiendra, monsieur le ministre, que cette réforme n'avait point votre faveur quand elle fut votée. Vous n'avez jamais cessé cependant de la mettre en oeuvre et de la compléter, souvent sans doute malgré l'opposition de certains syndicats et, disons-le, le manque d'enthousiasme d'un grand nombre de responsables de la SNCF.
Après cinq années d'application, il est nécessaire de faire le point, comme cela était prévu. Vous avez demandé au Conseil supérieur du service public ferroviaire de procéder à une évaluation. Des échos ont été rapportés aujourd'hui par la presse sur ce sujet, qui font craindre que le rapport ne témoigne pas de l'objectivité et de l'indépendance que nous souhaitons. Il ne faudrait pas, dans ce débat, monsieur le ministre, que l'on puisse interpréter le rapport d'évaluation du Conseil supérieur du service public ferroviaire comme un plaidoyer en faveur d'une réunification de la SNCF, c'est-à-dire en faveur de la disparition de RFF, laquelle est naturellement tout à fait impossible.
Une instance d'évaluation n'est pas un atelier de repentance, et il serait fâcheux que ressorte du texte cette impression que la SNCF est parfois idéalisée et RFF diabolisé. Nous comptons sur votre naturelle autorité, monsieur le ministre, pour nous épargner de telles interprétations. En effet, pour faire face à tous les défis qui s'imposent à lui, le transport ferroviaire doit fédérer tous ses acteurs, dans une vision dynamique de l'avenir. On a gagné la bataille du rail, ne perdons pas la paix du rail. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, sur la réforme et la réforme de la réforme, j'ai déjà répondu à M. Oudin. Je vous confirme ma détermination et la volonté du Gouvernement de préserver l'unicité du système ferroviaire public. A cet égard, si des idées intéressantes ont été émises à plusieurs reprises par le Parlement européen afin de limiter les risques de dérive dans ce domaine, on sait aussi que des tendances libérales continuent de se faire jour et que nous devons être très vigilants.
Soyez également assuré de ma détermination s'agissant de la mise en oeuvre d'une politique des transports nouvelle, qui ne relèvera ni du « tout-routier », ni du « tout-autoroutier », ni du « tout-TGV », ni du « tout-aérien », mais qui visera à tirer parti des avantages de chaque mode et à instaurer une réelle complémentarité entre eux.
Il s'agit quand même là d'un véritable événement, car cette perspective ne se dessinait pas voilà cinq ou six ans, que ce soit à l'échelon de la France, de l'Europe ou même du monde. Cela répond aux aspirations de nos sociétés et de l'ensemble des populations.
Nous devons donc nous engager dans cette voie nouvelle très positive, en associant à la réflexion, comme j'essaie de le faire avec les comités de pilotage pour l'autoroute ferroviaire alpine, tous les acteurs, qu'il s'agisse des salariés et des directions des entreprises concernées, des élus ou des partenaires économiques.
En ce qui concerne le projet POLT, sa réalisation a effectivement pris du retard, puisque la mise en service était prévue pour 2004. Ce retard tient non pas aux procédures ou à des réticences de la SNCF, qui s'est toujours montrée favorable au projet, mais plutôt à la complexité du dossier. En effet, l'utilisation de trains pendulaires constitue une première dans notre pays. Telle est l'explication du retard constaté, mais les études d'avant-projet détaillées ont confirmé la perspective d'une mise en service progressive à partir de la fin de 2004 ou du début de 2005. J'ai d'ailleurs demandé à RFF et à la SNCF de s'investir encore davantage dans cette opération prioritaire pour l'Etat et les conseils régionaux du Centre, du Limousin et de Midi-Pyrénées.
S'agissant de la section Perpignan-Figueras, la commission intergouvernementale franco-espagnole a proposé le 1er décembre 2001 aux ministres français et espagnol des transports de retenir les candidats - je crois qu'ils sont au nombre de six - et de leur demander de participer à la phase de présentation des offres. Ces candidats devront remettre leur offre avant le 31 mars 2002, l'objectif étant que la mise en service intervienne en 2005.
Enfin, lors du sommet franco-italien de Périgueux, l'accélération des procédures a été confirmée pour l'autoroute ferroviaire et pour la nouvelle ligne Lyon-Turin, de manière que celle-ci soit réalisée avant 2012.
M. François Gerbaud. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, pour la réponse que vous m'avez apportée, s'agissant notamment du projet POLT. Il n'en reste pas moins que les procédures sont lourdes et que l'exemple de la régénération de la ligne POLT devra nécessairement vous amener à revoir, sinon à remettre en cause certaines d'entre elles.
Cela étant, vous êtes depuis plusieurs années à la tête de votre ministère ; vous détenez un record de longévité, si bien que cette séance ressemble un peu à l'émission Questions pour un champion ! (Rires.)
M. le président. La parole est à Mme Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Monsieur le ministre, mon collègue Daniel Hoeffel présidant la séance, il ne peut vous exposer les deux questions qu'il souhaitait vous poser. Aussi, je me ferai son interprète.
Il s'agit de deux questions très brèves mais importantes. La première s'inscrit dans la perspective d'une réflexion au regard de l'évolution de notre trafic sur le plan européen et sur le plan national ; la seconde a davantage trait à l'actualité.
La saturation de certains axes routiers, la nécessité de ne pas réduire la plurimodalité des transports au rail et à la route ainsi que les exigences d'une vision européenne de l'aménagement du territoire conduisent à poser la question suivante : quand la France va-t-elle relancer un programme de voies navigables à grand gabarit, particulièrement sur l'axe Rhin-Rhône ?
Seconde question : la réalisation de la première phase du TGV Est-européen s'effectuera-t-elle dans les délais prévus, y compris en ce qui concerne la construction du deuxième pont ferroviaire sur le Rhin, dont on parle tant ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Madame la sénatrice, s'agissant de la première phase du TGV Est-européen, les délais seront tenus. Conformément à ce qui avait été annoncé lors du dernier comité de pilotage du projet, à Metz, le 12 novembre dernier, je vous confirme que la mise en service de la première phase du TGV Est-européen est prévue pour l'été 2006. Les premiers travaux préparatoires ont d'ores et déjà commencé, les gros travaux débuteront au printemps 2002. C'est effectivement bien engagé. Bien sûr, nous discutons dans le même temps avec nos amis allemands pour prévoir la suite, c'est-à-dire le pont après Strasbourg et pour que la liaison soit Est-européenne. Telle est la démarche.
Vous avez évoqué les voies navigables. J'ai répondu tout à l'heure au sujet de la liaison Rhin-Rhône, que l'on devrait plutôt appeler Saône-Rhin puisque tel était le projet.
Vous le savez, les projets de liaisons fluviales à grand gabarit Seine-Est et Saône-Moselle ne sont pas assez avancés pour être envisagés à l'horizon des schémas de services collectifs. Quant au projet Saône-Rhin, il a été abandonné en 1997 car les atteintes directes et irréversibles au patrimoine naturel et, plus généralement, au cadre de vie dans les régions traversées n'étaient pas compensées par l'intérêt intrinsèque d'un projet dont le coût d'investissement et le déficit prévisionnel de fonctionnement étaient très élevés. (M. Gruillot est dubitatif.) On se heurtait aussi à des oppositions très fortes, y compris d'élus, dans certains en droits. Le fait que nous ayons comme perspective, avec la réalisation du TGV Rhin-Rhône, de transporter beaucoup de fret par la voie ferrée constitue un élément de réponse sur cet aspect.
Les schémas multimodaux de services collectifs de transports retiennent un projet majeur, celui de la liaison Seine-Nord. Le tracé du futur canal sera arrêté rapidement, pour la partie centrale, et les travaux d'aménagement aux extrémités, Dunkerque-Escaut d'une part, Oise-aval d'autre part, sont d'ores et déjà engagés et programmés.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez au président de séance de remercier Mme Gautier de s'être substituée à lui pour poser ses deux questions.
La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le ministre, le budget que vous nous proposez aujourd'hui est un bon budget. Avec ses 25 milliards d'euros, il progresse de près de 3 % et, surtout, il vise - c'est bien là l'essentiel - au développement équilibré des moyens de transport.
Toutefois, vous me permettrez certainement, monsieur le ministre, de dire deux mots sur ce qui intéresse plus particulièrement le département que je représente, la Haute-Vienne.
En ce qui concerne le rail, je me félicite, avec nombre de mes collègues, du fait que les moyens alloués à la régionalisation des transports de voyageurs soient en augmentation importante. J'espère que la liaison ferroviaire Limoges-Poitiers, trop lente et très inconfortable, pourra en profiter rapidement.
Pour autant, il ne faudrait pas oublier les besoins des grandes lignes. Mon collègue François Gerbaud a évoqué tout à l'heure le retard pris par le POLT. Vous ne nous avez qu'à moitié rassurés parce que les retards que vous avez évoqués ne sont pas ceux auxquels il faisait allusion.
Néanmoins, les attentes sont fortes.
L'étude de la liaison TGV Paris-Bordeaux-Toulouse a-t-elle une incidence sur les travaux du POLT ? Je ne le crois pas, mais rassurez-nous, monsieur le ministre, et, surtout, rassurez les usagers.
Vous m'avez dit à plusieurs reprises que la liaison Bordeaux-Limoges-Lyon allait être améliorée. Là aussi, les utilisateurs se plaignent de l'inconfort et de la lenteur du voyage. Cette ligne, qui a un intérêt interrégional évident, doit rester classée « grande ligne ».
En ce qui concerne la sécurité dans les trains, je me félicite avec vous du fait que les progrès soient importants et visibles. En conséquence, la suppression de certains arrêts, la nuit, en gare de Limoges n'est peut-être plus indispensable.
Permettez-moi de dire deux mots des liaisons routières.
Le 26 novembre dernier, s'est tenue à Limoges la réunion de lancement de la concertation régionale relative à la mise à deux fois deux voies de la RN 147 entre Limoges et Poitiers et de la RN 145 entre Bellac et La Croisière. Ces itinéraires ont été classés « grandes liaisons d'aménagement du territoire » dans le schéma directeur routier national de 1992. L'aménagement de la RN 147 à deux fois deux voies en route express a été inscrit dans les schémas de services collectifs de transports validés par le Gouvernement lors du CIADT du 9 juillet dernier à Limoges.
L'itinéraire Nantes - Méditerranée est désormais arrêté. Il passera par Cholet, Poitiers, Bellac et Limoges. Cependant, la fin des travaux n'est prévue qu'à l'horizon 2020. A mon sens, il n'est pas convenable d'attendre encore vingt ans pour relier par une route à deux fois deux voies deux capitales régionales proches à l'heure où chacun sait que le développement de réseaux de ville à taille humaine est un des bons moyens d'aménager convenablement le territoire.
Au-delà de son utilité régionale, qui est grande, cette voie express présente aussi un intérêt national et même international. Des crédits importants sont prévus aux deux contrats de plan - Limousin et Poitou-Charentes - mais leur rythme d'exécution est lent.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, attirer également votre attention sur la mise à deux fois deux voies de la RN 141 entre Limoges et la côte atlantique.
Les quatre déviations programmées dans le contrat de plan de Poitou-Charentes, à savoir Chasseneuil, La Rochefoucauld, Jarnac et Bourras, seront en principe terminées en 2006. En revanche, rien n'est programmé pour la mise à deux fois deux voies du tronçon de trente kilomètres entre Saint-Junien, en Haute-Vienne, et Chasseneuil, en Charente, alors que la déviation de Saint-Junien est terminée et que la mise à deux fois deux voies entre Limoges et Saint-Junien se poursuit.
Il serait bon, là aussi, monsieur le ministre, que les travaux puissent être accélérés.
La Haute-Vienne, relativement peu peuplée, a un relief tourmenté. Cela explique sans doute pourquoi les infrastructures modernes se sont fait attendre plus longtemps qu'ailleurs dans ce beau pays.
Il est donc impératif que, aujourd'hui, la solidarité nationale s'exerce de manière plus forte en faveur de ceux qui ont été un peu oubliés par le passé...
Cela dit, monsieur le ministre, je le répète : votre budget est un bon budget. Aussi, le groupe socialiste et moi-même le voterons sans hésitation.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, les questions que vous m'avez posées sont nombreuses et précises. Je vais m'efforcer d'y répondre le mieux possible et, si jamais je ne répondais pas sur tous les points de manière détaillée, je m'engage à vous faire parvenir les éléments qui pourraient m'être fournis ultérieurement.
Le TGV Aquitaine et le projet POLT sont-ils contradictoires, m'avez-vous demandé ? Je réponds : non. Ces deux projets représentent des priorités ferroviaires pour le Sud-Ouest. S'agissant de la liaison POLT, je me suis exprimé lorsque j'ai répondu à M. Gerbaud. Si des retards ont été constatés, c'est simplement parce qu'il convient d'intégrer les problèmes complexes posés par la mise en place de ce premier projet pendulaire pour notre pays.
J'en viens à la liaison Bordeaux-Lyon par Toulouse.
L'amélioration de la liaison ferroviaire Bordeaux-Lyon s'articule autour de trois itinéraires.
Le premier, qui nécessite d'aménager progressivement l'axe Paris-Bordeaux en ligne à grande vitesse, permettra une réduction des temps de parcours d'environ une heure à terme, et déjà d'une demi-heure, grâce à une première étape de réalisation entre Angoulême et Bordeaux, dont les études d'avant-projet sommaire sont en cours.
Pour le deuxième itinéraire, la modernisation des dessertes le long des transversales passant par Clermont-Ferrand est envisagée. Les études ont conclu à un gain d'environ quarante-cinq minutes, grâce à la suppression de quelques arrêts peu fréquentés et à la modernisation du matériel roulant. Il s'agit d'éléments fournis par la SNCF.
J'ai demandé à mes services de suivre l'aboutissement des discussions entre la SNCF et les quatres régions concernées sur les deux itinéraires transversaux existants.
Enfin, il est aussi envisagé de moderniser l'axe transversal Bordeaux-Toulouse-Narbonne - à terme, cette liaison permettra d'améliorer la desserte entre le sud de la France et le nord de l'Espagne - dans le prolongement du projet de contournement de Nîmes et de Montpellier. Les études prévues à cet effet dans le contrat de plan en région Midi-Pyrénées permettront d'évaluer l'intérêt d'utiliser la technique pendulaire sur cet axe et de déterminer les investissements nécessaires à l'amélioration de la desserte.
Avec la liaison Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, le gain de temps entre Paris et Toulouse est de l'ordre d'une demi-heure. Avec une liaision rapide, de type pendulaire, qui pourrait être réalisée entre Bordeaux, Toulouse et Narbonne, il serait également possible de gagner du temps.
J'en viens au réseau routier.
Sur la section A 20 - Bellac de la RN 145 à deux fois deux voies, la concertation a été lancée voilà une semaine, afin de constituer le dossier d'avant-projet sommaire de première phase début 2002.
La RN 141 entre Limoges, Angoulême et Saintes constitue la branche ouest de la route Centre-Europe-Atlantique, la RCEA.
Le taux d'avancement du contrat de plan Etat - région sur la RN 141 est, à la fin de 2001, en avance, par rapport à la moyenne nationale, de dix-huit points en région Limousin et de treize points en région Poitou-Charente, ce qui traduit la volonté de l'Etat d'accélérer la réalisation de la RCEA en général et de la RN 141 entre Limoges et Saintes en particulier.
S'agissant du désenclavement de Limoges vers l'Atlantique et la Méditerranée, je sais l'intérêt que vous portez à cette question. Elle est aussi en cohérence avec l'objectif de relier Limoges à Nantes par une route à deux fois deux voies. Les études avancent à un rythme soutenu sur la majeure partie de l'itinéraire. Sur la RN 149, la déclaration d'utilité publique des trente-huit kilomètres en tracé neuf de la liaison Cholet-Bressuire est intervenue par décret du 24 octobre 2001, et les travaux pourront débuter dès 2003.
Les concertations régionales ont également commencé en novembre dans les deux régions sur l'avant-projet sommaire d'itinéraire - APSI - première phase de la RN 147 Poitiers-Limoges. L'approbation de cet APSI interviendra début 2002. Par ailleurs, la liaison vers le sud de l'A 20 entre Limoges et Montauban sera achevée en juillet 2003 par la mise en service du contournement de Cahors.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Je tiens à remercier M. le ministre de ses réponses, qui nous donnent des informations plus complètes que ne le faisait son propos liminaire.
Je souhaite lui faire une suggestion : le Portugal et le Royaume-Uni utilisent une technique de financement des grandes infrastructures routières appelée le péage virtuel. Vos services ne pourraient-ils pas entreprendre une étude à cet égard ? Les grandes liaisons routières qui restent à réaliser sont celles qui n'ont pas encore été faites, comme aurait pu le dire M. de la Palice ! Mais elles n'ont pas été réalisées parce qu'elles sont peut-être moins rentables que d'autres dans la mesure où elles traversent des régions peu peuplées et au relief plus accidenté nécessitant des travaux plus coûteux. M. Radet, député-maire de Limoges, vous a interrogé récemment par courrier sur ce point. Nous serons très attentifs à vos réponses à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Doligé.
M. Eric Doligé. Monsieur le ministre, vos amis vous disent tous, au début de leur propos, que votre budget est un bon budget. Mais ensuite, j'ai le sentiment qu'ils réclament autant que nous-mêmes et qu'ils n'ont peut-être pas tout à fait satisfaction, tant sur les transports routiers que sur les transports ferroviaires.
Vous avez cité des chiffres tous merveilleux,...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Non !
M. Eric Doligé. ... puisqu'ils sont en augmentation de 9 %, de 8 %, de 6 % ou de 2 % ! M. Oudin, que j'ai écouté avec beaucoup d'attention, nous a montré que la réalité était un peu différente. Pour être sur le terrain - nous sommes en effet des élus de terrain - je constate quand même un certain nombre de difficultés.
Dans une région située au sud du Bassin parisien, se trouvent le Loiret et la région orléanaise, où nous avons depuis au moins cinq ans un projet multimodal de ferroutage. Vous devez d'ailleurs le connaître, car quelques élus communistes de ce secteur, issus de la SNCF, à Saran ou ailleurs, vous en ont entretenu. Depuis cinq ans, nous sommes tous d'accord pour mettre en place la plate-forme logistique. Mais la guerre qui existe entre RFF et la SNCF maintient ce dossier au point mort.
Le développement du transport routier effectué par la SNCF est important. Je rappelle que la SNCF, à la suite d'une politique de rachat de transporteurs routiers, circule finalement plus sur les routes que sur les voies ferroviaires.
J'évoquerai également la RN 60 et l'A 19, dont nous avons déjà parlé à de multiples reprises dans cette enceinte ou ailleurs, monsieur le ministre.
La RN 60 est l'une des routes les plus fréquentées et les plus mortelles de France : elle est extrêmement dangereuse. Or les choses n'avancent pas vite ! En effet, si 300 millions de francs - un tiers provenant de l'Etat, un tiers du département et un tiers de la région - étaient inscrits au précédent contrat de plan, on constate, deux ans plus tard, que les crédits n'ont pas été engagés en totalité ; et, pour le présent contrat de plan, seuls 60 millions de francs sont inscrits, sur lesquels la première opération devrait démarrer en 2002, pour 2,5 millions de francs. Pour le reste, on nous dit : « Venez discuter à partir de 2003 » ! Par conséquent, il faudra, pour réaliser les aménagements sur la RN 60, deux cents ans au rythme actuel et quarante ans au rythme ancien !
Monsieur le ministre, j'aimerais savoir - je vous ai déjà posé la question, mais n'ai pas obtenu de réponse - si vous accepteriez que les collectivités locales, en particulier le département, qui financent l'opération aux deux tiers - l'Etat y contribue à hauteur de 33 %, mais récupère la TVA, et paie donc environ 15 % - aient la maîtrise d'ouvrage de cette opération, ce qui permettrait d'éviter les délais extrêmement longs que met l'Etat à réaliser les travaux. Je vous rappelle que c'est l'une des routes les plus mortelles de France !
S'agissant de l'A 19, la concession devait être attribuée en 1997. Quatre ans après, rien n'est fait ! Vous m'expliquerez bien sûr, monsieur le ministre, qu'il s'est passé beaucoup de choses sur le plan des appels d'offres européens. On nous annonce aujourd'hui que la concession devra être donnée dans dix-huit mois ; par conséquent, si tout va bien, il aura fallu cinq ans et demi pour avoir une concession ! On nous annonce également - vous l'avez d'ailleurs rappelé - que les collectivités ou au moins les pouvoirs publics participent à 50 % du déficit de financement potentiel, ce qui n'était pas le cas en 1997.
J'aimerais donc, monsieur le ministre, que les règles du jeu exactes nous soient communiquées et que les émissaires, dont la venue nous est annoncée chaque jour depuis cinq ans, viennent discuter avec les collectivités. Nous les attendons, car nous voudrions savoir à quelle sauce nous allons être mangés et quel poids budgétaire peut représenter la participation des collectivités.
Mieux vaut d'ailleurs, monsieur le ministre, que ces émissaires ne viennent pas à Orléans par le train : certes, des trains pour Orléans partent toutes les heures de Paris et font théoriquement le voyage en une heure. Mais les retards et les problèmes d'insécurité sont nombreux, les grèves assez fréquentes. Par conséquent, il vaut mieux qu'ils viennent en voiture, même s'il y a des embouteillages !
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques questions que je souhaitais vous poser.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Du point de vue des grèves, monsieur le sénateur, la majorité précédente était bien placée !
M. Eric Doligé. Je parle d'aujourd'hui !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. En quelle année les grèves ont-elles été les plus nombreuses ? C'était en 1995, sous un gouvernement que vous souteniez !
M. Philippe de Gaulle. Quelle culture de la grève !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Cela a duré des semaines et des semaines ! Les gens ne pouvaient plus se déplacer ! Et quel a été le résultat ? Les dispositions que craignaient les cheminots n'ont pas été mises en oeuvre ! Par conséquent, nous pouvons, si vous le voulez, parler de ce sujet-là, aussi !
M. Michel Caldaguès. Oh oui !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'en viens aux questions plus précises que vous avez évoquées.
Concernant la RN 60, j'ai effectivement eu l'occasion d'en parler avec vous ; vous m'interrogez à nouveau sur des points auxquels j'ai déjà apporté des réponses, notamment s'agissant de la maîtrise d'ouvrage. Je vais donc me répétez : monsieur le sénateur, ce n'est pas moi qui décide ou non si je peux donner la maîtrise d'ouvrage, c'est la loi qui m'autorise ou m'interdit de faire certaines choses !
S'agissant plus précisément de la RN 60 et de l'A 19, Jacques Reboul, que vous connaissez certainement, est venu récemment à mon ministère me parler de ces questions.
J'ai mandaté M. le préfet Lacroix pour entreprendre une mission de financement de l'autoroute A 19. A l'issue de la réforme du régime des concessions, une subvention publique d'équilibre significative devra être rassemblée pour permettre le lancement de l'appel à concession.
L'Etat assumera 50 % de cette subvention d'équilibre ; c'est la règle qui est admise pratiquement partout. L'A 19 a une fonction de contournement par le sud du Bassin parisien. A ce titre, j'entends proposer à la région d'Ile-de-France et aux régions Bourgogne et Pays de la Loire d'y participer aux côtés de la région Centre.
J'en viens à la maîtrise d'ouvrage des travaux prévus sur la RN 60 entre Montargis et Châteauneuf-sur-Loire, que vous souhaitez voir confiée au conseil général. En vertu de l'article 2 de la loi du 12 juillet 1985, relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses relations avec la maîtrise d'oeuvre privée, le maître d'ouvrage est la personne morale pour laquelle l'ouvrage est construit. Responsable principal de l'ouvrage, il remplit dans ce rôle une fonction d'intérêt général dont il ne peut se démettre. L'Etat, affectataire unique du domaine public routier national, est, par nature, le maître d'ouvrage exclusif sur une route nationale.
Concernant les travaux de la déviation de Bellegarde, ils ont débuté en 1998 et ont été arrêtés pendant sept mois entre le mois de novembre 2000 et le mois de mai 2001. La mise en service, initialement prévue en septembre 2001, a été retardée, mais une partie du retard a été rattrapée puisque les travaux de chaussée, commencés dès la fin du mois d'août 2001, sont terminés depuis la fin du mois d'octobre 2001. Les travaux de finition ont débuté depuis le mois de novembre 2001. L'objectif consiste à terminer les travaux à la fin du mois de janvier 2002, avec un risque portant sur quelques semaines, en fonction des aléas climatiques.
Les travaux de la déviation de Tournon ont débuté sur la RN 60, pour une somme nettement supérieure aux 2,5 millions de francs que vous avez cités.
M. Eric Doligé. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Doligé.
M. Eric Doligé. Monsieur le ministre, s'agissant de la maîtrise d'ouvrage, je ne suis pas tout à fait certain que vous ayez raison. En effet, pour les universités, la maîtrise d'ouvrage est confiée aux collectivités alors que les universités se trouvent sur le sol de l'Etat et appartiennent à ce dernier. Par conséquent, je vais vérifier ce point et, si j'ai raison, j'espère que vous m'en donnerez acte...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Absolument !
M. Eric Doligé. ... et que vous nous confierez alors la maîtrise d'ouvrage de la RN 60. La discussion est donc intéressante.
Je n'ai pas abordé tout à l'heure la question des grèves pour polémiquer ! Monsieur le ministre, 6 000 personnes par jour prennent le train à Orléans pour aller travailler à Paris, et elles seraient probablement 8 000 ou 10 000 en l'absence de retards et de problèmes de sécurité. Si l'on arrivait à restaurer la qualité du service, je suis persuadé que les densités d'utilisation seraient alors très supérieures. C'est ce point que j'ai voulu évoquer tout à l'heure ; pour ma part, je souhaiterais que les liaisons ferroviaires fonctionnent mieux et que les personnes prenant le train entre Orléans et Paris soient beaucoup plus nombreuses.
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les transports terrestres, les routes et la sécurité routière, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement », seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 41 004 185 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : moins 5 513 942 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 726 595 000 euros ;
« Crédits de paiement : 749 631 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 933 092 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 288 211 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant les transports terrestres, les routes et la sécurité routière.

iii. - transports et sécurité routière (suite)
3. Aviation et aéronautique civiles
Budget annexe de l'aviation civile

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement : III. - Transports et sécurité routière : Aviation et aéronautique civiles, et budget annexe de l'aviation civile.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour un exercice un peu paradoxal, puisque le projet de budget que nous sommes appelés à examiner a été préparé bien avant les attentats du 11 septembre qui ont bouleversé la donne de l'économie des transports aériens. Le Gouvernement a d'ailleurs d'ores et déjà fait voter plusieurs amendements pour modifier les recettes et devra opérer des ajustements supplémentaires en loi de finances rectificative.
Je ne m'attarderai donc pas trop longtemps sur le projet de budget annexe de l'aviation civile pour 2002, tel qu'il figure dans les documents annexés au projet de loi de finances.
Du point de vue des recettes, ce projet était caractérisé essentiellement par une stabilisation des taux de la taxe de l'aviation civile et par la suppression de la subvention versée par le budget général. Il faut à mon avis souligner que l'aviation civile devient ainsi le seul moyen de transport financé exclusivement par ses usagers. Par ailleurs, l'endettement du budget annexe était stabilisé, les emprunts nouveaux correspondant à peu de choses près au remboursement des emprunts passés.
Le volet des dépenses, contrairement à celui des ressources, n'a pas été modifié. Les dépenses de personnel augmentent de 8,4 %, sous l'effet du protocole d'accord de la direction générale de l'aviation civile, signé pour trois ans en décembre 2000. Ce protocole prévoit de nombreuses mesures catégorielles, fixe les modalités de mise en oeuvre des 35 heures et prévoit surtout la création de 446 emplois nouveaux par an, dont 210 contrôleurs, afin d'absorber la croissance du trafic aérien. Ces protocoles triennaux conduisent à une croissance importante des rémunérations alors même que la durée du temps de travail sera réduite.
Tous les trois ans, le Gouvernement consent à « acheter la paix sociale » au prix fort. Il le fait d'autant plus facilement que les payeurs ne sont pas partie prenante à ces négociations et qu'une grève des contrôleurs aériens coûte près de 200 millions de francs par jour.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Plus !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. L'augmentation des ressources du budget annexe est ainsi complètement absorbée par la croissance des charges de personnel, et les dépenses d'investissement constituent, comme souvent, la variable d'ajustement. Les attentats du 11 septembre ont - comme vous le savez - des conséquences négatives considérables pour le transport aérien. Certaines d'entre elles appellent la mise en oeuvre de mesures immédiates et ponctuelles, du moins, c'est ce qui serait souhaitable : je pense à la mise en oeuvre du plan Vigipirate renforcé dans les aéroports ou à la compensation, aux compagnies aériennes, du préjudice subi lors de la fermeture du ciel américain pendant les fameux quatre jours.
Ces mesures, de même que la prise en charge des mesures de sûreté mises en oeuvre par les compagnies aériennes elles-mêmes, seront essentiellement financées par l'Etat en 2002, même si une petite partie sera à la charge des compagnies.
Pour autant, il ne s'agira pas de revenir à la situation d'avant le 11 septembre dès que la menace semblera s'éloigner ; il faudra si possible franchir un palier supplémentaire en termes de sûreté aérienne et aéroportuaire.
Les dépenses vont donc augmenter de manière importante au cours des prochaines années, notamment en matière de personnel, afin d'assurer le contrôle des passagers mais aussi des bagages de soute. Ces mesures sont financées par la taxe d'aéroport, dont les plafonds sont relevés, et par le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, dont les ressources proviennent de la taxe d'aviation civile. Elles seront donc, en fait, financées par les compagnies aériennes, et, in fine, par les passagers.
Dans l'hypothèse où le trafic ne progresserait que de 2,6 % en 2002, comme le prévoit l'agence européenne Eurocontrol, le produit des redevances et de la taxe d'aviation civile sera - vous l'avez compris - moindre que celui qui était attendu.
La trésorerie du budget annexe en souffrirait dans un premier temps, mais son équilibre financier serait remis en cause si la crise du transport aérien devait durer. Des sources de financement nouvelles devraient alors être trouvées. Comment faire ?
Vous pourrez augmenter encore les redevances ou la taxe d'aviation civile, mais ce sera au détriment de la situation concurrentielle des compagnies aériennes françaises. Vous pourrez aussi augmenter les emprunts, mais le niveau d'endettement du budget annexe est déjà bien trop élevé. Reste alors le contribuable.
Ce qui est certain, c'est que, si la crise dure un peu trop longtemps, le budget annexe sera fragilisé, comme les compagnies aériennes, qui constituent, rappelons-le, sa principale source de financement. Dans ce cas, la réduction des coûts fixes serait indispensable, pour le budget annexe comme pour les compagnies aériennes.
La question de la dénonciation du protocole d'accord, qui repose sur une hypothèse de croissance du trafic aérien de 5,8 % par an, devra alors être posée.
La situation actuelle doit nous conduire, plus que jamais, à poser la question de l'engagement financier et opérationnel des pouvoirs publics dans le domaine du transport aérien, notamment en matière de sûreté.
Au cours des dernières années, le secteur des transports aériens a fait appel à la sous-traitance pour presque toutes les activités, y compris les plus sensibles. Cette politique doit être réévaluée à l'aune des événements récents, car elle ne permet pas, selon moi, d'exercer un contrôle suffisant.
S'agissant du rôle de l'Etat, il faut souligner que les Etats-Unis, pionniers de la libéralisation du secteur, sont intervenus massivement en faveur de leurs compagnies aériennes, alors que les Etats membres de l'Union européenne se sont surtout montrés soucieux de prévenir les distorsions de concurrence et d'engager une restructuration du secteur à l'échelle européenne.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous fassiez part de vos commentaires sur les décisions prises dans le cadre de l'Union européenne et, en particulier, sur la question de l'assurance des compagnies aériennes, à propos de laquelle des interrogations planent encore, si j'ose dire.
Puisque j'évoque les aides publiques au secteur du transport aérien, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous rappeliez le détail du plan de soutien que vous avez annoncé, voilà bientôt deux mois, prévoyant un financement de 2 milliards de francs, assuré à parité par l'Etat et par les compagnies aériennes. Nous aurons l'occasion d'examiner tout à l'heure un amendement qui constitue un élément de ce plan. Cependant, quelques aspects méritent des éclaircissements, voire des explications.
Sur un total de 2,035 milliards de francs, l'Etat devrait prendre en charge un peu moins de la moitié - 948 millions de francs - qui serait financé notamment grâce aux recettes dégagées par la privatisation d'Autoroutes du sud de la France. Cette somme devrait servir, à concurrence de 520 millions de francs, à aider les compagnies aériennes et, pour 428 millions de francs, à financer les investissements de sûreté aéroportuaires. Il semble que les sommes destinées à financer les dépenses de sûreté des compagnies aériennes devraient être versées, d'abord, sous la forme d'une dotation en capital à Aéroports de Paris, qui serait chargé de les redistribuer aux compagnies.
Ce montage compliqué, dont je souhaiterais que vous nous exposiez les motifs, est doublement critiquable : d'abord, parce qu'il s'agirait d'affecter les recettes de privatisation à des dépenses de fonctionnement, ce qui ne constitue pas une bonne gestion du budget de l'Etat ; ensuite, parce qu'il confie à Aéroports de Paris une tâche compliquée qui ne lui revient pas alors que ses comptes prévoient que l'Etat prélèvera 150 millions de francs au titre de l'année 2001.
Avant de dire un mot des crédits du transport aérien, je veux évoquer la question emblématique du troisième aéroport.
La décision récente d'installer cette plate-forme à Chaulnes ne me semble pas une bonne décision. Un nouvel aéroport situé à plus de 120 kilomètres de la capitale ne renforcera ni la position concurrentielle de Paris ni celle d'Air France, qui s'inquiète légitimement, car si elle résiste mieux que d'autres compagnies européennes, c'est aussi grâce à la qualité de son hub de Roissy.
Ce futur aéroport ne sera opérationnel que dans une quinzaine d'années. Je suis curieux de savoir comment il sera possible d'absorber la croissance du trafic aérien d'ici là, compte tenu du plafond que vous avez fixé pour Roissy.
Avant de conclure, je voudrais évoquer les crédits du transport aérien.
Les crédits de recherche sont en légère diminution tandis que les avances remboursables, destinées notamment à financer l'Airbus A 380, sont en forte progression. Je me félicite, monsieur le ministre, du soutien accru au développement de ce projet ambitieux. En revanche, on peut regretter que les crédits de recherche soient en diminution alors que les besoins sont importants, afin notamment de renforcer les dispositifs de sécurité dans les appareils.
Les incertitudes portant sur l'avenir du transport aérien risquent de durer, fragilisant nos entreprises du secteur du transport aérien. Je crains également que des incertitudes ne persistent en matière de sûreté, en dépit des mesures prises, car seule une coopération internationale renforcée et permettant de contrôler le respect des normes par les différents Etats permettra de s'assurer d'un niveau de sûreté minimale.
Alors que la situation internationale fait peser des risques nouveaux, la commission des finances déplore fortement que l'Etat poursuive son désengagement en matière de financement de la sûreté, qui constitue une mission régalienne. Elle a donc décidé de proposer au Sénat de rejeter les crédits du budget annexe de l'aviation civile.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'aviation civile et le transport aérien. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les attentats du 11 septembre 2001 ont écrit l'une des pages les plus noires de l'histoire de l'aviation civile. Nous nous associons pleinement aux souffrances des victimes, de leurs familles, des équipages, des personnels des compagnies, et je n'ai pas voulu commencer ce rapport pour avis sans faire part de l'émotion de la commission des affaires économiques.
Le plan de soutien mis en place par le Gouvernement, à concurrence de 2 milliards de francs, doit être financé pour moitié par les passagers et pour moitié par l'Etat. Le milliard des passagers n'a pas tardé à se concrétiser, avec les relèvements de la taxe d'aviation civile et de la taxe d'aéroport, pour un renchérissement estimé à 15 francs par billet. On avait déjà eu l'occasion d'en parler, c'est donc devenu effectif.
Quant au milliard de l'Etat, il s'agit en réalité de 950 millions éparpillés dans divers instruments budgétaires : 200 millions sont inscrits dans le projet de loi de finances rectificative, le reste provenant d'un montage confus s'apparentant à une véritable usine à gaz pour recycler, via Aéroports de Paris, des recettes de privatisation d'Autoroutes du sud de la France, ASF.
Au passage, monsieur le ministre, je me félicite de votre conversion soudaine aux bienfaits des privatisations...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est l'ouverture du capital !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. ... puisque utiliser l'argent des privatisations, c'est reconnaître de facto l'intérêt de celles-ci. Vous n'avez pas toujours eu le même avis !
Cela étant, il reste encore beaucoup de confusion autour du milliard annoncé. Et je ne sais pas encore comment il pourra être mobilisé, d'autant que cela suppose que certaines modifications interviennent de façon que les excédents d'ASF puissent être recyclés.
Il est toutefois dommage que votre conversion soit partielle et ne vise qu'à récolter, dans la précipitation, l'argent que vous n'arrivez pas à trouver ailleurs. Il aurait fallu continuer sur votre lancée. Pourquoi ne pas faire évoluer le statut d'Aéroports de Paris ou celui d'Air France ?
Ce montage budgétaire de dernière minute est pour le moins biscornu. Il alourdit encore, dans le budget annexe, la part du financement provenant des compagnies, et donc des usagers du transport aérien, alors que ces dépenses relèvent, pour une part sans cesse croissante, de missions régaliennes !
En ce qui concerne le FIATA - fonds d'intervention pour les aéroports et les transports aériens -, qui a absorbé, en 1999, le fonds de péréquation des transports aériens - FPTA -, son périmètre a été étendu à la prise en charge de dépenses de sécurité, d'incendie, de sauvetage, de lutte contre le péril aviaire et d'environnement.
Or, depuis cette « hybridation » du FIATA, les missions d'aménagement du territoire n'ont cessé d'être diluées et marginalisées, le fonds étant peu à peu détourné de son objet.
La dégradation de la qualité et de la fréquence des dessertes aériennes régionales rend urgent l'assouplissement des conditions d'éligibilité à ce fonds. Cela dépend de vous, monsieur le ministre, puisque c'est par décret que vous pouvez faire évoluer ces habitudes.
Au-delà de la crise actuelle du secteur, personne ne conteste les prévisions de croissance du trafic à moyen terme. Comment absorber alors les 140 millions de passagers attendus en Ile-de-France en 2020 ?
Le Gouvernement - ou plutôt le Gouvernement moins le ministre de l'environnement - a répondu à cette question en prévoyant la construction d'un troisième aéroport, à Chaulnes.
Arrêtons-nous un instant sur la méthode qui a présidé à cette prise de décision. Dans le débat public, au-delà des paillettes et des effets de manches, à aucun moment n'a été envisagée l'évolution possible des plates-formes parisiennes actuelles, en particulier de celles de Roissy, aéroport formaté pour accueillir un nombre de passagers bien supérieur aux 55 millions arbitrairement fixés pour son activité.
Je me demande comment une telle solution a pu échapper à la sagacité de la commission Zémor, que l'on ne peut suspecter de s'être livrée à un oubli volontaire.
Construire un aéroport exige au moins quinze ans. Que se passera-t-il d'ici là ? Un déplafonnement non avoué et non accompagné du quota d'activité de Roissy !
Au lieu de traiter le problème de front, vous l'avez soigneusement contourné, contribuant à envenimer un peu le dialogue entre riverains, élus et exploitants de la plate-forme, tant il est vrai que, comme au temps des Horace et des Curiace, le sort des uns se joue sur la division des autres.
Pourtant, vous le savez bien, exproprier, reloger et indemniser les riverains de Roissy qui souhaiteraient déménager pour augmenter les capacités de la plate-forme et, plus modérément, consacrer les sommes nécessaires pour financer l'enveloppe de bruit coûterait deux fois moins cher que la construction de Chaulnes. Ce scénario, auquel vos experts travaillent pourtant, n'est évoqué nulle part !
La prétendue méthode démocratique du débat public - et je sais de quoi il s'agit pour avoir, en 1995, été rapporteur de la loi qui l'a instaurée ! - alors qu'il était de bon ton de s'opposer aux travaux de la mission Douffiagues, dont j'avais l'honneur d'être membre, aurait-elle couvert une décision prise sur des critères autres que celui de l'intérêt général, sur des critères, dirons-nous - mais ce n'est qu'une supposition - politiciens ?
Pourquoi pas Beauvilliers ? Sans doute parce que ce site avait été choisi par la droite et qu'une députée verte en avait fait son fonds de commerce. Pourquoi Chaulnes ? Peut-être faut-il voir là l'influence de l'un de vos amis politiques ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. S'agissant de Chaulnes, monsieur le ministre, n'aurait-il pas été de bonne gouvernance de prendre contact avec nos voisins belges et allemands, de manière à ménager un environnement favorable à la création d'une plate-forme à cet endroit ? Or il m'a été dit qu'ils n'avaient pas été consultés ni même prévenus de ce choix. Ils le regrettent amèrement, et à juste titre, car ç'aurait été le moyen de dessiner une sorte de schéma de cohérence aéroportuaire.
Une deuxième question avant de conclure, monsieur le ministre : quand les préconisations de l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'ACNUSA, relatives à l'élargissement des zones d'inconstructibilité autour des aéroports seront-elles mises en oeuvre ? Vous n'êtes pas avare de promesses quant à la parution du décret nécessaire, voire d'un nouveau projet de loi sur le sujet. Je m'en félicite mais, au-delà des mots, quels sont vos actes ? Quand ce décret attendu depuis le mois de mai sera-t-il enfin publié ? Tout est prêt. Il ne manquerait plus, m'a-t-on dit, qu'une signature : la vôtre !
La commission des affaires économiques s'est prononcée à la fin du mois d'octobre sur le budget annexe alors que la traduction budgétaire des mesures du plan de soutien, notamment, n'étaient toujours pas connues. Dans le brouillard le plus total, elle s'en est remise à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits de l'aviation civile et du transport aérien.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez clarifier cette situation budgétaire quelque peu confuse.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 10 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du budget annexe de l'aviation civile, le BAAC, s'inscrit dans un contexte bien différent de celui qui avait entouré notre discussion sur le même sujet l'année dernière.
Voilà un an, en effet, notre collègue Jean-Pierre Plancade relevait que la croissance du trafic aérien se poursuivait de façon régulière. Il citait l'Organisation de l'aviation civile internationale, qui prévoyait que cette croissance perdurerait dans les années à venir.
Or, il y a tout juste douze semaines, c'est le transport aérien de passagers que le fanatisme a réquisitionné pour commettre ses abominables forfaits. En conséquence, le plus grand pessimisme a semblé de mise quant à l'avenir de ce secteur.
Dans un premier temps, le Gouvernement français a décidé d'octroyer une aide de 2 milliards de francs aux aéroports et compagnies aériennes pour leur permettre, notamment, de renforcer la sécurité et la sûreté, et il a su convaincre la Commission européenne, initialement réticente, du bien-fondé de cette mesure.
Evidemment, il n'était pas question pour le Gouvernement de venir pallier les conséquences des erreurs de gestion commises dans des compagnies privées ou de sauver des filiales françaises de groupes étrangers subissant les répercussions des difficultés de leur maison mère. Il convient toutefois que la puissance publique demeure attentive au sort des salariés victimes de l'échec de stratégies aussi ambitieuses qu'inconsidérément suivies.
Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2002, quoique élaboré avant le 11 septembre, a prévu d'allouer au budget annexe de l'aviation civile des crédits qui s'élèvent à 1,417 milliards d'euros, soit 9,299 milliards de francs, ce qui représente une hausse de 3,8 %, plus forte d'un point que celle de l'an dernier. Malgré cette augmentation, il convient de le signaler, le budget annexe de l'aviation civile s'équilibre par ses recettes propres, sans qu'il soit besoin d'une subvention provenant du budget général.
Et pourtant, le taux de la taxe de l'aviation civile est une nouvelle fois demeuré stable. En fait, c'est en tablant, sans audace excessive, comme nous le verrons plus loin, sur l'accroissement du produit des redevances de navigation aérienne, de route et pour services terminaux, que ce budget annexe se suffit à lui-même.
Ces recettes seront en grande partie consacrées au financement des 467 emplois créés, notamment dans le personnel technique, doté de 366 postes supplémentaires, d'où une hausse des dépenses en personnel de 8,4 % et, partant, celle de 7,8 % qu'enregistrent les dépenses ordinaires.
En revanche, les dépenses de fonctionnement proprement dites n'augmentent pas plus vite que le budget annexe dans son ensemble, avec une croissance de 3,7 %.
Une fois l'effort en termes de recrutements assimilé par les finances publiques, il conviendra sans doute de relancer les dépenses d'investissement, car elles ont été, tant en autorisations de programme qu'en crédits de paiement, réduites cette année, comme la précédente.
Il faut cependant reconnaître que cette baisse ne compromettra pas les efforts de modernisation de notre outil de contrôle du trafic aérien et d'amélioration de la sécurité du dispositif dans les espaces que l'OACI a confiés à la France.
De même, ce budget annexe permettra de financer de nombreux travaux sur nos bases aériennes et dans le domaine du contrôle technique, dont les moyens sont en forte progression. Je note que le doublement des crédits de paiement dans ce domaine a notamment pour but de permettre l'engagement de nouvelles études liées à la lutte contre les nuisances sonores.
Cela m'amène à évoquer le sujet qui a fait l'actualité nationale du secteur aérien durant ces derniers mois : je veux parler de la construction d'un troisième aéroport parisien et de sa localisation.
Sur ce sujet, des déclarations passionnées ont été faites, appuyées par des arguments techniques dont l'utilisation avait peut-être pour but de masquer les raisons, qui n'étaient pas nécessairement en rapport avec l'intérêt général, de la position des intervenants dans ce dossier.
Il a notamment été avancé, par référence à de supposées conséquences à long terme de la tragédie du 11 septembre, que le trafic aérien allait s'effondrer au xxie siècle, un siècle au cours duquel, si l'on en croyait l'an dernier à pareille époque les infatigables professionnels du pessimisme, les Concorde ne reprendraient pas leurs vols.
En réalité, il n'y a aucune raison de croire à une remise en cause de la tendance au développement, progressif mais régulier, du transport aérien de passagers et de fret.
J'ajouterai qu'il serait pour le moins indécent, voire indigne, de vouloir tirer un quelconque profit politique personnel de ces horribles événements.
Avec sagesse, le Gouvernement a décidé de maintenir les limitations de nuisances à Orly et à Roissy.
Reste à trouver des infrastructures susceptibles d'accueillir la différence entre les plafonds actuels d'activité et les 140 millions de passagers attendus en 2020 pour le Grand Bassin parisien, sans compter le fret supplémentaire.
Le recours aux aéroports régionaux constitue sans doute une partie de la réponse, et le Gouvernement l'a bien compris puisqu'il a assuré, pour le futur immédiat, une aide de 5 milliards de francs pour leur développement. Mais la logique même du hub vient limiter l'intérêt d'une telle ressource.
Une nouvelle plate-forme s'impose donc, et c'est là que le dossier se complique. En effet, par un bien compréhensible réflexe de not in my backyard , c'est-à-dire « pas dans mon coin », les habitants voisins des sites successivement pressentis ont souvent exprimé leur réticence, voire leur opposition. Pourtant, il a bien fallu trancher, et le Gouvernement a su prendre ses responsabilités, tout en optant pour le site qui semble le moins mauvais possible.
Les élus cantonaux de nombreux villages ne resteront pas indifférents au destin des petites communes concernées par le projet. Bien sûr, nous serons tous attentifs à ce que le processus se déroule avec le moins possible de dommages pour les populations concernées.
Il serait sans doute intéressant de voir les avocats d'un relogement des riverains de Roissy et d'Orly expliquer le bien-fondé de leur solution par rapport au déplacement des habitants du secteur retenu par le Gouvernement, en nombre nettement inférieur.
Quoi qu'il en soit, force nous est de reconnaître l'intérêt du site de Chaulnes, entre l'agglomération parisienne au sens le plus large et celle que forment le nord de la France et le Benelux, avec sa desserte ferroviaire et autoroutière.
A ce propos, j'ai entendu des critiques s'exprimer en ironisant sur la saturation de l'A 1 ou sur celle de la ligne ferroviaire à grande vitesse, exploitant même divers incidents techniques survenus dans sa traversée de la Somme.
Au-delà d'un nécessaire renforcement de l'infrastructure ferroviaire, le développement de solutions aternatives, en particulier pour le fret, s'imposera sans doute pour donner à la nouvelle plate-forme tous les gages de succès : je pense notamment au canal Seine-Nord et aux liaisons autoroutières transversales.
Cependant, ces considérations ne sont nullement de nature à remettre en cause notre appui à la décision prise à la mi-novembre par le Gouvernement.
Mais ce dossier n'est pas le seul qui ait permis au Gouvernement de manifester sa capacité à faire face à ses responsabilités. En témoigne la très nette progression des crédits du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien. Le FIATA est en effet en hausse de 52 % par rapport à 2001 ; c'est dire que le repli de l'an dernier est plus qu'effacé : l'accroissement est de 17 % par rapport à 2000. Ces moyens permettront de faire face aux enjeux, d'une acuité toute particulière depuis le 11 septembre, de déplacements aériens plus sûrs.
Il s'agit en effet d'accroître la sûreté et les services de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronef, le contrôle à 100 % des bagages de soute, l'acquisition et le fonctionnement de matériel pour l'inspection des passagers et le contrôle des zones protégées.
En outre, le FIATA pourra davantage aider les entreprises de transport aérien à contribuer à l'aménagement du territoire par leurs dessertes.
Enfin, le Gouvernement a souhaité accroître son concours à la construction aéronautique civile en reconduisant les 329 millions d'euros d'autorisations de programme et en portant à 266 millions d'euros les crédits de paiement, qui sont en hausse de 10 %.
Il s'agira notamment de soutenir, avec 185 millions d'euros, le développement de l'A 380, un appareil gros-porteur très prometteur, comme l'a dernièrement montré la commande de trente-deux appareils de ce type parmi les quarante-trois Airbus achetés par l'Emirat de Dubaï au constructeur européen.
Monsieur le ministre, sur tous les grands dossiers aéronautiques et aériens, malgré une conjoncture mondiale particulièrement délicate et des tentatives de récupération de la crise internationale à des fins intéressées, le Gouvernement a su, cette année encore, faire prévaloir l'intérêt général.
Il a aussi fait en sorte que se poursuive la mise en oeuvre d'une stratégie industrielle et d'une politique des transports aériens au service de l'emploi et du développement durable.
Les moyens mobilisés par ce projet de loi de finances permettent de soutenir cette politique. Le groupe socialiste votera donc les crédits des transports aériens et du budget annexe de l'aviation civile.
M. le président. La parole est à M. Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui ce budget de l'aviation civile dans des conditions historiques exceptionnelles et dramatiques, à la suite des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, comme l'ont rappelé nos deux rapporteurs, Yvon Collin et Jean-François Le Grand.
Nos premières pensées vont, bien sûr, aux victimes des attentats et des accidents.
Nous ne pouvons cependant nous abstenir d'une analyse rigoureuse de la politique proposée par le Gouvernement afin d'apprécier comment il entend répondre à la conjoncture et préparer l'avenir du secteur du transport aérien.
Le budget annexe de l'aviation civile pour 2002 s'élève à 1,41 milliard d'euros. Néanmoins, il est aujourd'hui très difficile de chiffrer avec précision les recettes de l'aviation civile, car nous ne savons pas dans quelles proportions le produit des redevances sera affecté par la baisse du trafic.
Les attentats ont en effet déclenché un grave marasme dans le secteur du transport aérien, même si la situation commençait déjà à se dégrader avant le 11 septembre pour quelques compagnies aériennes, comme le montrent les faillites de Swissair et de Sabena. Certains n'hésitent pas à qualifier les difficultés actuelles de « plus grande crise à court et à moyen terme de l'aviation civile depuis la Deuxième Guerre mondiale ».
Le trafic international a baissé de 18,6 % depuis le 11 septembre, dont 10,9 % sur les lignes européennes, 33,6 % sur l'Atlantique nord et 17,6 % sur l'Extrême-Orient.
Selon toute vraisemblance, cette crise affectera profondément le secteur. D'une part, elle risque de se prolonger : le transport aérien n'a-t-il pas mis quatre ans à se remettre des conséquences de la guerre du Golfe ? D'autre part, les restructurations vont s'accélérer.
Dans l'immédiat, toutes les compagnies ont réagi de façon radicale : suppressions d'emplois, gel de certaines dessertes, hausse de tarifs, notamment pour absorber les surcharges de sécurité. Leur situation économique s'est fortement détériorée et l'exercice 2001 devrait se clore, pour nombre d'entre elles, par des pertes record. Sur la période de juillet à septembre 2001, British Airways a vu son bénéfice avant impôt chuter de 97 %. Pour Air France, au premier semestre, le résultat net a malheureusement baissé de 34 %.
Les Etats-Unis ne s'y sont d'ailleurs pas trompés en déployant un plan d'intervention sans précédent, d'un montant de 18 milliards de dollars, soit 5 milliards d'aides directes, 10 milliards de garanties pour les hausses des primes d'assurance et 3 milliards pour financer des mesures de sécurité dans les aéroports et les avions.
Face à une telle détermination, nous devons particulièrement veiller à ce que ces aides ne se traduisent pas par des distorsions de concurrence.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est le cas !
M. Ladislas Poniatowski. Il en va de même des normes de sécurité nouvelles que les Etats-Unis pourraient chercher à imposer au reste du monde.
Jusqu'à présent, l'Union européenne a choisi une voie prudente en mettant en place des aides ponctuelles et évolutives qui ne déséquilibrent pas le marché. Gardons-nous, cependant, de laisser l'écart se creuser avec les Etats-Unis et veillons à ce que les soutiens ne soient pas accordés à des entreprises déjà chancelantes.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé une enveloppe de 1 milliard de francs pour renforcer la sûreté et dédommager les compagnies de leurs pertes d'exploitation. Cela sera-t-il suffisant ? Nous devons non plus raisonner dans l'absolu mais tenir compte de l'interventionnisme des Etats-Unis, pays qui a lancé la déréglementation du ciel. Il faut absolument que vous nous précisiez les modalités d'octroi de ce milliard ; ou plus exactement, de 950 millions de francs.
Face à des actes de violence d'une telle atrocité et à une crise d'une telle ampleur, notre objectif premier doit être la sécurité de nos concitoyens, qui ont perdu confiance en un mode de transport pourtant sûr. Un travail approfondi doit être rapidement engagé sur ce sujet dans le cadre de l'organisation de l'aviation civile internationale, l'OACI.
D'après les données du Livre blanc sur la politique européenne des transports présenté par la Commission en septembre dernier, de tous les modes de transport, c'est le transport aérien qui a enregistré, de loin, la croissance la plus forte au cours des vingt dernières années. Depuis 1970, le trafic a quintuplé dans les aéroports des Quinze, et ce sont près de 25 000 avions qui se croisent quotidiennement dans le ciel européen.
Cette tendance devrait se poursuivre dans les prochaines années, et la part du transport aérien dans le transport de passagers devrait doubler entre 1990 et 2010.
Même si les attentats sont susceptibles de ralentir un tel niveau de croissance pendant quelques années, ils ne l'enrayeront pas.
En conséquence, comme il est écrit dans le Livre blanc, nous ne pourrons nous dispenser « d'une réforme de la gestion du ciel et d'une disponibilité suffisante en termes de capacités aéroportuaires dans une Union européenne élargie ».
Nous souhaiterions d'ailleurs connaître les réponses du Gouvernement à ce document dont les auteurs déplorent une organisation de la gestion du trafic insuffisamment intégrée, appellent à la réalisation du ciel unique à l'horizon 2004, dénoncent « la pénurie chronique d'aiguilleurs du ciel », entendent « réconcilier la croissance du trafic aérien avec l'environnement » et plaident pour « l'optimisation des capacités aéroportuaires ».
Sur ce dernier point, monsieur le ministre, nous sommes très dubitatifs sur la manière dont le Gouvernement s'est « entiché », si je puis dire, du site de Chaulnes, dans la Somme. Votre choix est très surprenant parce qu'il constitue un pari coûteux, risqué et contesté.
Un aéroport situé à 130 kilomètres de Paris n'est-il pas trop éloigné pour ne pas être délaissé ? Les Canadiens n'ont-ils pas essuyé un redoutable échec avec l'aéroport de Mirabel, pourtant établi à seulement 80 kilomètres de Montréal ? Pourquoi ferions-nous mieux ? (M. le ministre s'exclame) Une telle distance suppose un réseau d'infrastructures, notamment ferroviaires, lourdes et performantes.
Enfin, le choix de ce troisième aéroport ne résout pas la question de la qualité et de la fréquence des liaisons entre Paris, Orly et Roissy. A terme, on peut même s'interroger sur l'avenir de l'aéroport d'Orly.
Ce nouvel aéroport ne règle pas non plus le problème essentiel des nuisances sonores pour les riverains.
La solution évidente, mais qui mériterait d'être fermement appliquée, réside dans la stricte interdiction des constructions aux abords des aéroports. Nous l'avons évoquée longuement lors de l'examen de la loi SRU, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Eh oui !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski. Je ne suis pas loin de m'interroger pour savoir si l'ouverture de l'aéroport de Chaulnes n'est pas un moyen de faire admettre à l'opinion publique et aux riverains la construction de deux pistes supplémentaires à Roissy.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oh !
M. Ladislas Poniatowski. Le débat public qui va s'engager maintenant à propos de ce nouvel aéroport parisien ne doit pas nous faire oublier les dessertes régionales qui ont connu, ces derniers mois, une forte dégradation, comme l'a montré la commission des affaires économiques du Sénat dans un récent rapport.
Parfois directement concurrencées par le TGV, ces lignes n'en continuent pas moins de répondre à des besoins et de participer de l'aménagement du territoire. Il serait préférable, à l'avenir, de chercher des solutions équilibrées sur le long terme, complémentaires d'un point de vue spatial et qui ne privilégient pas un mode de transport par rapport à un autre.
Ce débat budgétaire m'a permis d'évoquer plusieurs questions portant sur les transports aériens. Force est de constater que le Gouvernement n'y apporte pas de réponse qui permette de préserver l'avenir de ce secteur ni d'un point de vue conjoncturel ni d'un point de vue structurel. C'est la raison pour laquelle le groupe des Républicains et Indépendants ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Gerbaud.
M. François Gerbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans une célèbre chanson, Jacques Brel disait : « T'as voulu voir Vesoul, et on a vu Vierzon ». S'agissant du troisième aéroport, on attendait Beauvilliers, et on a vu Chaulnes !... (Sourires.)
C'est finalement après de nombreuses heures de vol et de multiples changements de cap que le projet de troisième aéroport a finalement « amerri » dans la Somme, déjà si éprouvée par les inondations !
Après cet atterrissage forcé dans la partie historique et riche de la Somme, l'émotion, la révolte se relaient dans une même interrogation : cet aéroport du futur est-il opportun au moment où, et pour combien de temps encore, la tragédie du 11 septembre a frappé le transport aérien au coeur ?
L'angoisse, la perspective du déracinement s'expriment par tous les moyens, de la part d'une population jetée dans les vertiges de l'incertitude et qui se voit, hélas ! forcée, dès aujourd'hui, de préparer au quotidien une mort lente annoncée. Les promesses de richesses à terme ressemblent, dans ce cas particulier, à des soins palliatifs.
Comment ne pas comprendre la détresse de ces villages auxquels on notifie le destin de l'Atlandide, ou celui, plus récent, des engloutis de la vallée de Tignes ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. Et Goussainville ? Et Gonesse ?
M. François Gerbaud. Je suis de ceux qui partagent leurs légitimes émotions.
Il ne s'agit pas de refuser un équipement qui s'imposera, peut-être, un jour. Il s'agit, plus simplement, de dire que l'on pouvait attendre et, peut-être, faire ailleurs ou autrement.
Je suis convaincu aussi que ce choix, qui renforce encore plus l'hégémonique région parisienne au nord-est...
M. Paul Raoult. Des noms !
M. François Gerbaud. ... n'est pas dans une logique d'aménagement du territoire. Il semble s'inscrire - comme cela a été dit - dans les retombées d'une écologie électorale plutôt que dans une vision stratégique à moyen terme.
Au mois de février, lors d'un débat que vous avez organisé, monsieur Collin, le président d'Aéroports de Paris de l'époque disait : « Je ne souhaite pas que le troisième aéroport soit simplement le produit d'une réaction de rejet ». Il ajoutait que, si une croissance du trafic aérien est séduisante dans le hit-parade des aéroports, elle est aussi perçue d'une manière négative par les riverains.
Ainsi en est-il de Roissy qui, faute d'un plan draconien d'occupation des sols, a vu monter vers ses pistes et ses nuisances des riverains dont les protestations avaient, en leur temps, conduit le gouvernement de l'époque à la création de la mission Douffiagues vous avez participé, monsieur le rapporteur. Celle-ci avait conclu que Beauvilliers, dans un espace beauceron proche de Paris et peu peuplé, pouvait être le site du troisième aéroport.
Le Gouvernement en avait ainsi décidé. Mais ce qu'un gouvernement avait fait, un autre l'a défait... Exit Beauvilliers, c'est Chaulnes qui peut !... (Sourires.)
Nous verrons si un autre gouvernement, demain, ne lui réservera pas le sort de la plate-forme beauceronne !
Tenons-nous - en aux faits : les aéroports régionaux existent, et, si l'on peut s'interroger sur la réelle opportunité d'un troisième aéroport, c'est dans le souci qu'il n'y ait point de contradiction entre le rythme des investissements parisiens et celui des investissements consacrés aux plates-formes régionales.
Lors de l'annonce du choix de la troisième plate-forme, qu'il ne jugeait pas urgente, votre collègue M. Yves Cochet a dit : « L'Etat organisera le transfert d'activité de fret à Vatry. »
Surprenante déclaration que celle d'un transfert autoritaire du fret de Paris vers un seul aéroport, celui de Vatry. A-t-on interrogé l'Aéropostale et Federal-express pour lesquels une telle décision n'est pas vraiment acceptable ?
Les grands aéroports de province qui se modernisent peuvent accueillir un nombre accru de passagers, post ou pré-acheminés par TGV. Quant au fret, deux plates-formes spécialisées, Châteauroux et Vatry, peuvent l'accueillir pour mieux désencombrer les deux aéroports parisiens.
L'exclusive recommandation de Vatry a été énoncée sans qu'aucune analyse objective n'ait été réalisée auprès d'autres aéroports.
L'aéroport de Châteauroux, partenaire officiel d'Aéroports de Paris depuis 1998, en raison des avantages qu'il offre - compétitivité des tarifs, ouverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre, situation en dehors de l'encombrement aérien, connexion autoroutière directe - est une piste supplémentaire dédiée au fret.
En outre, sa situation au sud et proche de Paris en fait une escale particulièrement économique pour les produits provenant du bassin méditerranéen, d'Afrique, de l'océan Indien et d'Asie, ainsi que pour les denrées périssables destinées à Rungis.
Désigner ministériellement et arbitrairement Vatry comme le seul site capable d'accueillir le fret, c'est ignorer les plates-formes de province et, d'une certaine manière, nier le nécessaire équilibre du territoire.
En disant cela, je n'ai pas l'intention d'engager une nouvelle bataille de la Marne ni d'entrer en compétition avec Vatry. Je souhaite simplement démontrer que les sites d'accueil ont des différences importantes, géographiques et juridiques. Vatry est exploité par une société privée à capitaux franco-canadiens, tandis que ce sont les collectivités locales qui gèrent l'aéroport de Châteauroux-Déols à leurs risques et périls, ce qui mérite quelque respect.
Si les propos de votre collègue auquel je fais allusion, et qui ne sont point les vôtres, devaient être enterinés, le Gouvernement transgresserait la règle de l'équité et de l'égalité de traitement qu'il se doit de réserver à tous ses administrés, quels qu'ils soient.
A l'occasion du choix du site de Chaulnes, M. le Premier ministre a annoncé l'octroi d'une enveloppe budgétaire pour aider les aéroports régionaux à investir. L'aéroport de Châteauroux entend en bénéficier et prendre ainsi sa place parmi les grandes plates-formes régionales. Nous comptons beaucoup sur vous pour qu'il en soit ainsi.
Au nombre des mesures d'accompagnement et pour mieux dynamiser une politique en faveur de l'aménagement du territoire, il faut aussi envisager de libérer les droits de trafic en province.
La libération des droits de trafic pour les aéroports régionaux est l'indispensable orientation souhaitée par tous les grands responsables d'aéroports.
Le concept ancien des droits de trafic doit évoluer avec les changements intervenus dans le domaine du transport aérien. Si les droits en matière de transport de passagers doivent être adoucis, ceux qui existent pour le fret doivent l'être encore davantage.
Les autorisations accordées par les autorités d'un pays aux compagnies aériennes étrangères ont par ailleurs un impact considérable sur cette compétition. En effet, si les droits d'atterrissage sont refusés, les chargements ne peuvent être que déroutés sur les aéroports de pays voisins.
Je citerai quelques exemples : en 1995, deux Boeing 747 devaient prendre des cargaisons de beaujolais à Paris ; les droits ayant été refusés, les avions ont été chargés, l'un, à Bruxelles, l'autre, à Luxembourg. Cela s'est traduit par des pertes d'argent et de travail.
Plus récemment, en décembre 2000, des vols réguliers d'Iliouchine de la compagnie Faso Airways acheminant à Châteauroux des haricots verts à destination de Rungis ont été refusés par l'administration française. Les avions se sont donc posés à Ostende.
Autre exemple : la compagnie algérienne Khalifa Airways désirait également que ses avions se posent à Châteauroux. Elle s'est vu refuser les droits de trafic en 2001 et ses appareils se sont posés, eux aussi, à Ostende.
Voilà quelques situations parmi d'autres qui éclairent parfaitement que tout déroutement sur des aéroports étrangers représente une perte économique considérable pour notre pays. C'est la raison pour laquelle nous sollicitons toute votre attention sur ce sujet.
Ainsi s'achève la part que je souhaitais prendre à ce débat, qui, une fois de plus, et c'est une respectueuse coïncidence, se déroule, comme l'écrivait Saint-Exupéry, sur « un vol de nuit » ! (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

3

ÉLECTION D'UN SÉNATEUR

M. le président. En application des articles LO 325 et LO 179 du code électoral, j'ai reçu de M. le ministre de l'intérieur une communication de laquelle il résulte qu'à la suite des opérations électorales du 2 décembre 2001 M. Nicolas Alfonsi a été proclamé élu sénateur du département de la Corse-du-Sud.

4

LOI DE FINANCES POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale.

Equipement, transports et logement (suite)

III. - TRANSPORTS ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE
3. - Aviation et aéronautique civiles
Budget annexe de l'aviation civile (suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'aviation et l'aéronautique civiles et le budget annexe de l'aviation civile.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le ministre, le groupe de l'Union centriste a estimé que la question de la desserte aérienne des départements d'outre-mer était suffisamment importante, vitale même, non seulement pour ses destinations, mais pour la métropole en général, pour que je puisse y consacrer l'ensemble de mon intervention.
Je commencerai par vous remercier, monsieur le ministre. En effet, en tant qu'élu réunionnais, j'ai suivi les opérations de restructuration d'AOM, qui a connu de graves difficultés voilà quelques mois. Vous vous êtes personnellement engagé dans le combat. Permettez-moi de vous dire que, si vous avez gagné la première manche, vous n'avez pas gagné, ou plutôt nous n'avons pas gagné le match, car c'est bien un match commun qu'il s'agit de gagner. Pourquoi ? Les enjeux sont multiples.
Nous avons connu, voilà vingt ans, les effets négatifs du monopole d'une seule compagnie sur ces dessertes. Les conséquences étaient le manque de choix, des tarifs excessifs, sans compter tous les effets sur l'économie locale, que vous connaissez mieux que moi.
Puis, l'ensemble des élus des quatre départements d'outre-mer ont milité pour ouvrir le ciel de l'outre-mer à d'autres compagnies. C'est ainsi que sont nées Point Air, puis AOM et, aujourd'hui, Air Lib. Avec la restructuration d'AOM, à laquelle, je l'ai dit, vous avez participé grandement, monsieur le ministre, et de façon très positive, nous sommes parvenus aujourd'hui à un point crucial.
Si les départements d'outre-mer n'étaient desservis que par une seule compagnie, ces « vols sur une aile », si vous me permettez cette image, seraient déséquilibrés. Or les liaisons aériennes sont, avec les liaisons maritimes et les liaisons par satellite, les seuls moyens pour rompre l'isolement de nos départements ! Je n'en connais pas d'autre.
Aujourd'hui, je m'en tiendrai aux liaisons aériennes. Que représentent-elles pour nous ? Grâce à ces liaisons, monsieur le ministre, 2 000 jeunes du département de la Réunion sont venus travailler cette année en métropole, 15 000 personnes sont venues se former et 2 000 étudiants ont fréquenté les facultés nationales. Pensons aussi à tous les jeunes qui viennent passer les concours administratifs et dont vous avez besoin dans la fonction publique, ainsi qu'à l'exportation de notre savoir-faire dans les cultures fruitières, en l'occurrence les litchis et les ananas.
Ce matin précisément, cinquante tonnes d'ananas, bloquées à la Réunion, n'ont pas pu être transportées par fret sur la métropole, alors que les ananas produits à la Réunion sont très prisés sur le plan national et sont même considérés comme les meilleurs du monde ! La puissance publique a d'ailleurs consacré à cette production des dizaines de millions de francs, en termes d'efforts, d'encadrement et de production. La compagnie Air Lib s'est donc positionnée comme « la » compagnie de l'outre-mer. Elle est excellente et les départements d'outre-mer y sont attachés pour des raisons sentimentales et vitales. J'écarterai les raisons sentimentales pour n'évoquer que les raisons vitales.
Au cours de l'année 2001, le secrétariat d'Etat à l'outre-mer nous a fait parvenir un rapport selon lequel nous aurions perdu des dizaines de milliers de sièges à cause de la restructuration. Cette perte porte atteinte au tourisme, qui est une corde vitale de notre économie et, comme je l'ai indiqué, à notre capacité d'exportation des marchandises par la voie du fret. Pour reprendre l'image de tout à l'heure, si nous n'avons pas de « vols sur deux ailes », à savoir deux compagnies pour assurer la desserte aérienne des départements d'outre-mer, nous mettrons en péril l'économie de ces départements et les dégâts collatéraux seront considérables.
Avec votre autorisation, monsieur le président, permettez-moi d'en évoquer quelques-uns devant la représentation nationale.
Si Air Lib interrompt ses liaisons, dans quelques mois, ce sont 3 200 emplois directs qui seront touchés ; le coût s'élèvera à plus de deux milliards de francs pour la puissance publique. Autre conséquence : les départements d'outre-mer seront encore plus isolés et incapables de mettre à profit l'ensemble des politiques tendant à rompre l'isolement et à réduire la distance, qui sont nos principaux handicaps. Air lib qui disparaît, c'est encore le ciel du développement économique des DOM qui s'assombrit.
Vous me demanderez sans doute quelle solution j'ai à vous proposer après ce beau discours ! Rappelez-vous, monsieur le ministre. Au mois de septembre, vous avez réuni à votre ministère, en présence du secrétaire d'Etat à l'outre-mer, l'ensemble des présidents des collectivités locales, à qui vous avez exposé la première partie du plan de restructuration d'Air Lib. Vous étiez convenus de les réunir à nouveau pour leur faire connaître la finalité de l'ensemble du dispositif. Au moment où je vous parle, Swissair qui devait verser à Air Lib 1,3 milliard de francs - c'est d'ailleurs la raison de ma présence à cette tribune - n'a tenu parole que pour 1,05 milliard de francs, si mes chiffres sont exacts ; mais il vous appartiendra de les corriger, puisque vous êtes le ministre en charge de ce dossier. Il manque donc à Air Lib 300 millions, voire 400 millions de francs, pour faire la soudure entre aujourd'hui et l'atteinte du point d'équilibre, qui est fixée à 2003.
Si la compagnie ne récupère pas ces fonds pour sa trésorerie, elle ne pourra faire la soudure, monsieur le ministre ; Air Lib sera donc en situation de dépôt de bilan dans les mois qui viennent. Conséquences : 3 000 emplois disparaîtront, 2 milliards de francs seront nécessaires pour payer les frais, Air France aura le monopole des liaisons sur l'ensemble de l'outre-mer, sans compter les dégâts sur le plan économique qui se chiffreront à plusieurs milliards de francs !
Monsieur le ministre, le malade n'étant pas loin du coma financier, le Gouvernement ne devrait-il pas, très rapidement, répondre au voeu des élus de l'outre-mer qui souhaitent sauver Air Lib ? En effet, ce matin, un collègue qui siège sur une autre travée, et qui est par ailleurs président du conseil régional de La Réunion, a évoqué le même problème. Il y a donc unanimité, aujourd'hui, dans les départements d'outre-mer, particulièrement à la Réunion pour sauver Air Lib.
Monsieur le ministre, qu'envisagez-vous concrètement pour trouver les 400 millions de francs qui manquent, afin qu'Air Lib atteigne son point d'équilibre et que la desserte aérienne des départements d'outre-mer fasse l'objet non pas d'une concurrence, mais d'une complémentarité entre la compagnie nationale et Air Lib ?
Je vais vous raconter une petite anecdote, et je le ferai avec le sourire, pour montrer que cette complémentarité est nécessaire.
Si j'ai pu m'exprimer ce soir à cette tribune, c'est grâce à Air Lib. En effet, hier soir, quand je suis arrivé trois quarts d'heure avant le départ du vol d'Air France, on m'a dit que je ne pouvais pas embarquer en raison du fret trop important. Alors, j'ai fait du stop, en quelque sorte, et c'est grâce à Air Lib que j'ai le plaisir de m'adresser à vous ce soir. Et je ne suis pas le seul ! Il est arrivé la même chose à Jean-Luc Poudroux, président du conseil général, qui m'accompagnait et qui a été également débarqué par Air France !
J'ai qualifié cette mésaventure d'anecdote, car pour nous ce n'est pas grave. En revanche, pareille situation est dramatique pour un jeune qui joue son emploi à la suite de sa réussite à un concours administratif, ou qui joue son avenir car il va passer un oral, etc. C'est grave aussi pour un jeune qui a son contrat de travail en poche et qui se fait « jeter » à son arrivée à Gillot, ou encore pour des planteurs qui, comme c'est le cas actuellement, voient leur production refusée !
Ne rien faire, ce serait commettre un crime contre l'unité de la République et contre nos capacités de développement ! Mais je sais, monsieur le ministre, que vous ne laisserez pas faire cela ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du groupe du Rassemblement démocratique et social européen.)
M. le président. La parole est à Mme Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les événements tragiques du 11 septembre dernier nous amènent à débattre du budget des transports aériens dans un contexte particulièrement déprimé pour l'ensemble de la filière aéronautique mondiale. Certes, le ralentissement dans ce secteur d'activité s'était déjà amorcé dès le début de 2001. La multiplication des plans sociaux établis quelques jours après les attentats est révélatrice du rôle d'amplificateur qu'ils ont pu jouer en générant un climat de méfiance.
Le gouvernement américain a dû apporter des aides publiques à de nombreuses compagnies américaines compte tenu de l'ampleur de leurs difficultés. En Europe, les sociétés aériennes vivent des situations extrêmement précaires. Alors que Sabena vient d'annoncer un plan de suppression de 6 000 emplois, Swissair est dans une situation très précaire qui appelle aussi l'aide de l'Etat. Dans notre pays, si Air France a su résister, cela n'a pas été le cas pour les compagnies AOM, Air Liberté et Air Littoral. Nous connaissons la responsabilité des actionnaires dans la situation de ces sociétés. Il n'en demeure pas moins que ce sont les salariés qui, en perdant leur emploi, sont les premières victimes. Vous avez proposé qu'Air France, particulièrement, participe à la réinsertion de ces personnels. Compte tenu de la nouvelle situation, quelle espérance les licenciés de ces sociétés ont-ils de retrouver un emploi dans l'aéronautique ? Dans quelques instants, Mme Luc aura l'occasion de vous interroger sur ce sujet. Je ne m'y arrêterai donc pas plus longuement.
Le secteur de la construction aéronautique a également été fortement touché. Si Airbus semble être dans une situation moins précaire, son concurrent Boeing a annoncé qu'il envisageait le licenciement de plus de 30 000 personnes d'ici à 2002.
Ce contexte est particulièrement inquiétant et il faut veiller à ce qu'il ne dégénère pas avec une guerre tarifaire entre les compagnies aériennes à l'affût de gains de parts de marché. La captation de certains créneaux par des compagnies tirant vers le bas prix doit être évitée afin qu'elle ne débouche pas sur des formes de concurrence déloyale.
Sur un plan plus général, il devient urgent, monsieur le ministre, qu'une gestion transparente et efficace de l'espace aérien européen soit mise en place. La multiplication de compagnies pratiquant des bas prix est-elle compatible avec l'exigence de sécurité que nous nous devons d'assurer ? Le développement de ce type de sociétés contribue-t-il à la qualité du transport aérien des usagers ? N'est-il pas particulièrement fragile ?
On nous rétorque toujours que les prix bas sont dus à des services comme la restauration, non inclus dans le prix du billet, mais le fait que les collectivités locales soient régulièrement sollicitées pour équilibrer les comptes de telles compagnies n'est pas fait pour me convaincre de leur solidité.
Dans ce domaine comme dans d'autres, la question de l'harmonisation des législations européennes se pose avec acuité, alors que, parmi nos partenaires européens, nombreux sont ceux qui se prononcent en faveur d'une large libéralisation de l'espace aérien.
Qu'en est-il exactement de la position de l'Union européenne sur cette question ? Pouvez-vous nous apporter des précisions sur l'éventualité d'un gel des tarifs sur certains créneaux aériens décidé par la Commission ?
Il faut aussi réexaminer dans quelles conditions un second pôle aérien français pourrait être développé à côté d'Air France qui, avec votre soutien, a pu devenir une grande compagnie, réputée mondialement pour la qualité de ses services.
De même, des efforts doivent être entrepris pour le développement des lignes régionales, qui participent à l'aménagement du territoire, et en faveur de la complémentarité intermodale entre le transport aérien et le transport par rail.
Il est certain que l'interconnexion TGV au sud de Paris serait un nouvel atout si, en même temps, elle permettait une desserte d'Orly par le rail.
Dans un tel contexte, votre budget, monsieur le ministre, ne verse pas pour autant dans le pessismisme. (Sourires.) Nous apprécions particulièrement la création des 476 emplois supplémentaires, dont 336 postes techniques, pour renforcer la sécurité de la navigation aérienne.
De même, nous nous félicitons de l'augmentation de 10 % des crédits destinés à la construction aéronautique civile. C'est une mesure significative pour soutenir le développement de l'Airbus A 380.
Il n'en demeure pas moins que le secteur de l'aéronautique exige de plus larges soutiens à l'échelle européenne pour rivaliser avec les Etats-Unis à armes égales.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques observations que je pouvais faire dans le temps qui m'était imparti, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, sur votre budget, que nous approuverons, bien entendu. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est convenu, depuis le début de ce débat, de dire que l'aviation civile est aujourd'hui à un tournant de son histoire, après deux décennies de croissance ininterrompue du trafic aérien à un rythme annuel de l'ordre de 5 %. Comment donc survivre en étant confronté à la fois à une chute de la demande, à une hausse du coût d'exploitation induit par les mesures de sûreté et à un renchérissement considérable des primes d'assurance ?
La solution passe, malheureusement, nous le voyons bien, par des restructurations et par la réduction drastique des charges d'exploitation et des investissements. Air France a ainsi dû stopper, dès le 18 septembre, les affrètements ponctuels, suspendre les embauches prévues et réduire toutes les dépenses non liées à la sûreté et à la qualité du produit fourni aux clients. Qu'en sera-t-il pour les compagnies qui ne bénéficient pas de la même assise financière, comme ce peut être le cas d'Air Lib, qui vient d'être évoqué ?
Face aux incertitudes et à la paralysie du secteur, les annonces de suppressions d'emplois se succèdent. Au total, ce sont ainsi 100 000 emplois qui ont été supprimés aux Etats-Unis et près de 40 000 qui sont menacés en Europe.
Monsieur le ministre, le contexte particulier que nous connaissons depuis près de trois mois nous invite, au-delà des chiffres, à nous interroger sur notre politique aéroportuaire.
Si la question, préoccupante, de l'accroissement des capacités se pose avec moins d'insistance aujourd'hui, au moins en apparence et au moins provisoirement, le problème n'est pas pour autant réglé, et il est de notre devoir, compte tenu de l'évolution cyclique constatée du trafic aérien, d'anticiper les besoins.
Je crois qu'en la matière il n'y a malheureusement pas de solution miracle.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est vrai !
M. Roger Karoutchi. Ce week-end, sur un problème d'extension d'aéroport - non pas en Ile-de-France, monsieur le ministre, mais à Marseille-Provence -, des communes riveraines ont organisé un référendum. A une très large majorité, elles se sont prononcées contre l'extension projetée, contre la création de nouvelles pistes sur Marseille-Provence, qui n'est pourtant pas dans la situation de l'Ile-de-France.
Quant à la gestion de l'espace aérien francilien, qu'on me permette simplement quelques rappels.
Roissy et Orly accueillent près des trois quarts du trafic aérien national, soit 73 millions de passagers. Malgré le retournement de conjoncture, les estimations pour 2020 sont de l'ordre de 140 millions de passagers. Roissy, qui a vu son nombre de passagers croître de près de 70 % de 1994 à 2000, reçoit aujourd'hui près de 50 millions de passagers chaque année. Je vous rappelle, monsieur le ministre, l'engagement que vous avez pris en 1997 de limiter le trafic de cette plate-forme à 55 millions de passagers et le volume de bruit autorisé, à celui de 1997.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Et on le tient !
M. Roger Karoutchi. A Orly, un arrêté ministériel de 1994 limite à 250 000 le nombre des créneaux horaires utilisables, ce qui équivaut, quand même, à 25 millions de passagers par an !
Le trafic aérien dans le Bassin parisien est actuellement en état de quasi-saturation. Pourtant, en termes d'utilisation des capacités, les deux plates-formes ne sont pas dans la même situation.
Roissy a « bénéficié » des contraintes réglementaires imposées à Orly et se trouve actuellement, au regard de ses infrastructures, en état d'utilisation limite de ses capacités, ce qui provoque des difficultés significatives en termes de sécurité et de protection de l'environnement.
Orly souffre, sur le plan économique, des contraintes réglementaires qui limitent l'utilisation de ses capacités, venant fournir ainsi de nouveaux arguments à ceux qui souhaitent une extension de son trafic avec le projet de troisième aérogare.
Pour faire face à ces problèmes, vous avez opté, le 26 octobre 2000, pour la construction « d'une nouvelle plate-forme à vocation internationale dans le Bassin parisien », contredisant par là même la décision prise en 1997 de geler le projet lancé par Alain Juppé. Mais, après tout, on peut évoluer...
Vous avez fait état, le 15 novembre dernier, de votre décision de retenir, parmi les huit sites envisagés, celui de Chaulnes, dans la Somme, malgré, là aussi, si je comprends bien, l'opposition des riverains, des élus locaux et, si j'en crois la presse, de vos amis Verts, Noël Mamère en tête.
Pour calmer les riverains d'Orly et de Roissy, vous avez assorti votre décision de création d'un nouvel aéroport de mesures d'accompagnement à court terme, annonçant un plan de soutien aux aéroports régionaux, un projet de loi au début de 2002 pour protéger les populations riveraines, le développement de l'aéroport de fret de Vatry et un projet d'indemnisation des victimes des déplacements.
Mais laissons de côté le choix de Chaulnes. Reste que, à ma connaissance, mes chers collègues, aujourd'hui, il n'y a pas une commune pour souhaiter accueillir un aéroport sur son territoire ; des communes un peu éloignées, des départements un peu périphériques, voire des régions limitrophes, peut-être, mais, et chacun le comprend bien, personne ne souhaite avoir les nuisances d'un aéroport à sa porte !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très juste !
M. Roger Karoutchi. D'ailleurs, personne n'a demandé leur accord aux élus du Val-d'Oise pour créer Roissy, j'en prends ici à témoin notre collègue Jean-Philippe Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Absolument !
M. Roger Karoutchi. Et, malgré tout, aujourd'hui, 73 millions de passagers décollent de l'Ile-de-France ou transitent par cette région.
Je le dis très franchement : actuellement, pour toutes les populations, aussi bien les populations rivevaines des deux grands aéroports que l'ensemble des populations qui subissent les nuisances dues aux couloirs aériens qui partent de ces deux aéroports,...
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très bien !
M. Roger Karoutchi. ... le seuil de saturation est en passe d'étre dépassé.
Je me permets un petit commentaire à l'intention de ceux qui, tout à l'heure, ont envisagé l'éventualité...
M. Jean-Philippe Lachenaud. D'un déménagement !
M. Roger Karoutchi. ... d'une expropriation ou d'un déménagement : cela concernerait, mes chers collègues, et pour le seul secteur de Roissy représenté par les associations de défense, de 300 000 à 320 000 personnes ! Je parle toujours sous le contrôle de mon collègue Jean-Philippe Lachenaud.
Que tous les gouvernements successifs aient eu tort de ne pas bloquer les constructions tout autour de Roissy, c'est une certitude. Mais de là à envisager purement et simplement le déplacement de 300 000 personnes... La chose serait tout de même un peu compliquée !
Vos mesures, monsieur le ministre, sont toutes purement incitatives et ne sont pas de nature à mettre un frein de manière immédiate et efficace aux insupportables pollutions sonores subies par les riverains d'Orly et de Roissy et par toutes celles et tous ceux qui se voient imposer la nouvelle donne des couloirs aériens ; je pense ici notamment aux zones très urbanisées du Val-d'Oise, de la Seine-Saint-Denis, du nord des Hauts-de-Seine et de l'Essonne où vient d'avoir lieu, comme pour l'aéroport de Marseille-Provence, un référendum local contre les nouveaux couloirs aériens.
J'ajoute, monsieur le ministre, que vous ne nous avez donné aucune indication sur le trafic aérien autorisé ou les couloirs aériens.
Va-t-on mettre en place à Roissy, comme c'est déjà le cas à Orly, une interdiction de vol la nuit ? Quand la décision de l'association pour la coordination des horaires, la COHOR, tendant à réduire de moitié les vols de nuit sera-t-elle effective ? Quels vols seraient concernés ? Quel sort envisagez-vous pour le projet de troisième aérogare à Orly ? Quelles décisions allez-vous prendre en ce qui concerne les tracés des couloirs aériens ou les mesures contraignantes, comme la hauteur des survols, qui les accompagnent ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, durement touchée par les attentats du 11 septembre, l'aviation civile se trouve, aujourd'hui, à un moment crucial de son histoire. Des circonstances économiques extrêmement difficiles contraignent ce secteur à une douloureuse, mais vitale restructuration. S'il importe de réagir efficacement et promptement au changement de la donne dans le secteur pour aider les industries, assurer la sécurité des vols et rassurer les voyageurs, nous ne devons pas pour autant négliger les mesures urgentes et indispensables pour juguler les nuisances environnementales, sonores et atmosphériques. (Applaudissement sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Mes chers collègues, avant de suspendre la séance à la demande du Gouvernement, je réitère mon appel à la rigueur et à la concision pour que nous respections ce soir l'horaire qui a été fixé d'un commun accord en conférence des présidents : l'objectif est d'avoir achevé nos travaux à zéro heure trente pour que la séance de demain soit ouverte à neuf heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures dix, est reprise à vingt-deux heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, si j'ai demandé ces quelques minutes de suspension, c'est pour être mieux à même de répondre aux questions des orateurs.
Messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez tous souligné, le transport aérien est profondément affecté par les terribles attentats du 11 septembre dernier. Le projet de budget pour 2002, préparé avant ces événements, a été largement remanié pour en tirer toutes les conséquences, tout particulièrement sur le plan de la sûreté.
Le secteur aérien traverse sans aucun doute l'une des crises les plus graves que nous ayons connues, et vous avez eu également raison de souligner la gravité de la situation pour les compagnies aériennes. Les statistiques du mois d'octobre dernier montrent que le trafic est inférieur de 15 % à celui du même mois de l'année passée. Certes, Air France présente des résultats moins détériorés que la moyenne de ses principaux concurrents, puisqu'elle n'a reculé en octobre que de 8 % environ. Ces chiffres témoignent d'ailleurs de la performance du groupe public, qui n'a rien à envier aux groupes privés, monsieur Le Grand, bien que vous veuillez à tout prix privatiser Air France.
M. Vergès a interrogé ce matin le Gouvernement, lors de la discussion des crédits du tourismes, sur la desserte de la Réunion. Je voudrais l'assurer, ainsi que M. Virapoullé, que j'accorde une très grande importance à la desserte des DOM-TOM. Vous l'avez souligné : je n'ai pas ménagé mes efforts pour que puissent exister des transporteurs aériens à côté d'Air France.
Aujourd'hui, la défaillance de Swissair, conjuguée à la crise que traverse le monde du transport aérien depuis les attentats tragiques qui ont touché les Etats-Unis d'Amérique le 11 septembre dernier, affecte considérablement l'activité d'Air Lib, qui était déjà fragile financièrement, et se traduit par des impayés d'au moins 400 millions de francs de la part du groupe Swissair. Les avocats d'Air Lib ont entamé une procédure contre les sociétés de ce groupe afin de récupérer les sommes dues au titre du protocole transactionnel du 1er août 2001.
Tous les efforts seront faits pour sauvegarder l'activité et l'emploi des compagnies aériennes fragilisées par la crise. Toutes les mesures, notamment fiscales et sociales, seront prises par l'Etat pour permettre à Air Lib de poursuivre son exploitation. Diverses pistes seront explorées par l'entreprise et par l'Etat pour trouver ces 400 millions de francs que les anciens actionnaires, défaillants, n'ont pas encore versés. La première piste est une piste juridique, et je l'ai d'ailleurs évoquée avec mon homologue suisse, actuellement président de la Confédération helvétique ; la seconde piste est une piste bancaire.
L'Etat sera toujours - je m'en porte garant - aux côtés d'Air Lib pour maintenir la desserte des départements d'outre-mer. Je sais que les élus des DOM partagent ce souci et envisagent même la participation financière de leurs départements pour assurer la pérennité d'Air Lib.
S'agissant des emplois, je veillerai à ce que notre engagement soit respecté. L'ampleur de la crise actuelle a conduit Air France à geler temporairement les embauches ; dès que le recrutement reprendra, les candidatures des salariés de l'ex-AOM et de l'ex-Air Liberté qui ont réussi les épreuves de sélection d'Air France seront examinées avec la plus grande attention.
Madame Beaufils, vous avez attiré mon attention sur le risque que certaines compagnies profitent de la situation actuelle pour prendre des parts de marché au détriment des transporteurs existants. Il s'agit d'une question importante. Plusieurs d'entre elles pensent en effet pouvoir tirer parti de la situation présente pour éliminer le plus grand nombre de concurrents possible : des prédateurs sont là, qui attendent pour « récupérer des créneaux », comme on dit.
M. Michel Caldaguès. Où sont-ils ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. D'autres ne seraient pas malheureuses de voir subsister quelques monopoles. Pour ma part, je pense que, dans notre pays - c'est vrai pour d'autres, mais, après tout, cela les regarde ! -, un autre pôle aérien peut trouver sa place aux côtés d'Air France afin de répondre à des besoins existants. Il y a une place non pas pour survivre, mais pour vivre et pour se développer.
Après mon intervention lors du dernier conseil des ministres européens des transports, qui s'est tenu quelques jours après les tragiques attentats du 11 septembre, la Commission a adressé aux coordonnateurs nationaux chargés de répartir les créneaux aéroportuaires des orientations générales visant à préserver les droits historiques des compagnies aériennes. Personne ne profitera de manière malsaine, si je puis dire, de la situation.
Mais la crise, nous en sommes tous convaincus, - comme vous, monsieur Raoult, et comme la plupart de vos collègues -, ne durera pas.
Nous devons être confiants dans une reprise de la croissance et de l'activité à moyen terme. La crise est grave, très grave, elle est sérieuse, mais elle est conjoncturelle. L'avenir appartient au transport aérien.
S'agissant d'une crise conjoncturelle, je ne remettrai donc pas en cause, monsieur Collin, le protocole social signé avec les personnels de l'aviation civile, protocole dont les dispositions essentielles portent sur des créations d'emploi indispensables au développement du transport aérien, ainsi que l'a souligné M. Poniatowski dans son intervention.
C'est cette conviction qui m'a amené à proposer les premières mesures pour redonner confiance aux passagers et aux compagnies aériennes. Près de 310 millions d'euros, soit plus de 2 milliards de francs, ont ainsi été prévus pour renforcer la sûreté et aider ces compagnies.
Outre la mise en application immédiate du plan Vigipirate, nous avons renforcé le contrôle des passagers et des bagages à main, tout en accélérant le programme de contrôle des bagages de soute afin qu'il soit opérationnel à 100 % dès le premier semestre 2002, et non plus en 2003, comme cela avait été initialement prévu. Nous avons donc accéléré les choses, ce qui explique que des moyens de financement supplémentaires soient nécessaires.
L'accès aux zones réservées sera désormais entièrement sécurisé et les personnels feront l'objet de contrôles renforcés.
Des mesures complémentaires seront en outre prises pour renforcer la sécurisation du fret.
Par ailleurs, monsieur Karoutchi, dans les jours qui ont suivi les événements du 11 septembre 2001, des restrictions ont été apportées à la circulation des aéronefs légers, en bordure et autour de Paris notamment : un certain nombre d'itinéraires pour hélicoptères ont été fermés autour du quartier de la Défense, d'une part, et l'accès à l'aéroport du Bourget a été restreint, d'autre part.
La coordination en temps réel entre les services de la circulation aérienne civils et militaires a également été renforcée en application des dispositions particulières de surveillance prises aussitôt après le 11 septembre.
Environ 100 millions d'euros sont prévus pour compenser aux compagnies aériennes les pertes d'exploitation entraînées par la fermeture de l'espace aérien américain et pour prendre en charge les dépenses de sûreté exceptionnelles qu'elles ont engagées depuis le 11 septembre.
Pour répondre aux questions de M. le rapporteur spécial et de M. le rapporteur pour avis, je présenterai en détail le financement de ces mesures, dont le montant total d'environ 310 millions d'euros est partagé en deux parts à peu près égales entre l'Etat et les usagers du transport aérien. Nous avons toutefois veillé à ce que le coût pour les passagers ne dépasse pas 2,3 euros, c'est-à-dire 15 francs maximum par vol.
Plusieurs amendements gouvernementaux ont été déposés au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2002.
Tout d'abord, Mme la secrétaire d'Etat au budget a présenté un amendement visant à augmenter les taxes d'aéroport affectées aux gestionnaires de plates-formes afin de permettre la prise en charge parmi les dépenses de sûreté des dépenses d'exploitation pérennes à hauteur de 95 millions d'euros.
Pour les petits aéroports, j'ai souhaité limiter la hausse des taux plafonds, de sorte que le total des augmentations de taxe ne dépasse pas 2,3 euros. C'est pourquoi une partie importante des dépenses dans ces petits aéroports - 16 millions d'euros - sera financée par le système de péréquation du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA.
En moyenne, pour les aéroports accueillant moins de 85 000 passagers par an, plus des trois quarts des dépenses seront ainsi pris en charge par le dispositif de péréquation nationale. Dans certains cas, la prise en charge par le FIATA pourra même représenter jusqu'à 90 % des dépenses.
Je note que ce dispositif, que certains veulent supprimer alors qu'il permet d'aider les plus petits aéroports à faire face, grâce à la solidarité nationale, aux impératifs de renforcement de la sûreté, répond ainsi clairement au double objectif de solidarité et d'aménagement du territoire.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Personne ne veut supprimer le FIATA !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'ai entendu que certains le demandaient.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Pas nous !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Au contraire !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je n'ai pas dit qu'il s'agissait de vous, messieurs les rapporteurs, j'ai indiqué que certains pensaient que l'on pourrait se passer du FIATA. Au contaire, il ne faut surtout pas s'en passer, et nous devons lui laisser jouer pleinement son rôle en matière de solidarité et d'aménagement du territoire.
Je suis favorable, monsieur Le Grand, à ce que le FIATA subventionne plus largement des dessertes régionales de qualité, mais vous savez que les dispositions européennes sur ce sujet sont très strictes et contraignantes : il faut, dans le même temps, obtenir la validation de la Commission européenne.
Ensuite, deux autres amendements vous ont été présentés lors de l'examen de la première partie du projet de budget pour 2002 : le premier pour majorer en moyenne de 0,5 euro par passager les tarifs de la taxe de l'aviation civile ; le second pour modifier le partage de cette taxe entre le budget annexe, dont les dépenses augmentent, et le FIATA, dont les crédits vont progresser de manière significative. C'est pourquoi un amendement ayant pour objet de majorer les dépenses du budget annexe a également été déposé à l'article 34 du projet de loi de finances.
Enfin, il est prévu d'ouvrir de nouveaux crédits budgétaires dans la loi de finances rectificative pour 2001 sur la ligne « Subventions au budget annexe de l'aviation civile », afin de verser aux compagnies aériennes une aide pour compenser la fermeture de l'espace aérien américain : plus de 30 millions d'euros sont inscrits à ce titre dans la loi de finances rectificative pour 2001.
Ces mesures seront complétées par des dotations en capital à Aéroports de Paris, comme cela s'est déjà fait dans le passé, et aux aéroports de province. Ces dotations permettront de financer les dépenses exceptionnelles d'investissement nécessaires au renforcement de la sûreté.
Quant au dispositif de compensation aux compagnies aériennes pour la sûreté, la Commission examinera les dossiers au cas par cas. Les modalités de versement par l'Etat de cette compensation ne sont pas aujourd'hui arrêtées.
J'ai la conviction que ce plan d'aide global, d'un montant de 310 millions d'euros, contribuera à redonner confiance aux passagers et permettra de sortir rapidement de cette crise, certes profonde, mais passagère.
J'ajoute, pour répondre à M. Collin, que les mesures concernant les assurances seront examinées demain par le Conseil ECOFIN.
Comme vous le savez, monsieur le rapporteur spécial, le Conseil Ecofin avait donné son accord à la prise en charge par l'Etat du surcoût des assurances, puis il avait accordé, à titre provisoire, un délai supplémentaire. C'est cette question qui sera à nouveau examinée demain. La Commission propose de reconduire pour trois mois, c'est-à-dire jusqu'à la fin mars, le dispositif de garantie par les Etats des risques d'attentat. Je suis pour ma part favorable à un dispositif communautaire de mutualisation de ces risques.
Ma confiance en l'avenir est renforcée par le succès, souligné par plusieurs d'entre vous, que rencontre aujourd'hui, malgré la crise, le fameux gros porteur A 380. Je peux vous informer qu'à ce jour aucune annulation de commande n'a été annoncée pour cet avion, livrable en 2006, ce qui doit faire réfléchir ceux qui craignent que la crise que traversent les transports aériens ne dure ad vitam aeternam.
La compagnie Emirates a même annoncé la commande ferme de vingt-deux A 380, en plus des dix options déjà prises et de la commande de onze autres avions de modèles actuels. On voit donc bien, dès lors que l'on se tourne vers l'avenir, que la confiance existe.
Le programme de l'A 380 fait partie des priorités d'Airbus et de l'Etat, qui le soutient dans le cadre des règles communautaires et internationales. Ainsi, les crédits de paiement dévolus à la recherche aéronautique augmentent de 10 %, avec 266,8 millions d'euros. Le volume de ces crédits marque donc la poursuite de l'effort en faveur d'un secteur crucial, tant pour l'emploi et le développement technologique que pour le commerce extérieur de notre pays.
Plus des trois quarts des crédits prévus sont destinés à des avances remboursables qui permettent de soutenir des projets déjà lancés ainsi que le développement de nouveaux programmes, dans le respect, je le répète, des accords internationaux. L'Airbus A 340, versions 500 et 600, continuera ainsi d'être soutenu à hauteur de 25 millions d'euros, tandis que 185 millions d'euros seront consacrés au futur A 380, qui est en cours de lancement, et à ses moteurs.
La croissance du transport aérien ne sera pas durablement affectée par la crise actuelle. C'est, je le répète, ma conviction comme celle du Gouvernement. Il faut donc instaurer des conditions privilégiant une politique intermodale des déplacements internationaux, notamment par le développement volontariste des liaisons ferrées à grande vitesse et des grands aéroports régionaux, pour lesquels 760 millions d'euros de prêts à taux préférentiels seront dégagés, non pas à court terme, monsieur Karoutchi, mais à long terme.
M. Gerbaud a eu raison de souligner tout l'intérêt qui s'attache à l'aéroport de Châteauroux dont le trafic fret s'est accru de 15 % entre 1999 et 2000. Il n'y a pas à mes yeux de concurrence entre Vatry et Châteauroux, qui ont tous deux vocation à accueillir le fret.
Il faut aussi respecter les engagements de limitation de trafic pris depuis 1997 envers les populations riveraines d'Orly et de Roissy.
Le trafic de l'aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle doit rester plafonné, comme l'a rappelé M. Karoutchi, et qui pourrait soutenir le contraire !
Certains objecteront qu'il faudra attendre douze ans pour le troisième aéroport, c'est la raison pour laquelle le Gouvernement a adopté un plan en faveur des aéroports de province.
A ce propos, j'ai été quelque peu surpris que M. le rapporteur pour avis laisse entendre que nous avons effectué ce choix « pour faire plaisir ». Non ! Je ne fonctionne pas comme ça ! Je n'ai d'ailleurs jamais accusé la droite, lorsqu'elle a fait le choix de l'implantation du troisième aéroport à Beauvilliers, d'avoir fonctionné ainsi...
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis. Eh non, puisque l'on a permis à la député verte de se faire élire !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... car, monsieur le sénateur, je ne sais pas travailler de cette façon...
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... et je me défends d'avoir, dans ce genre de situation, une attitude partisane, alors qu'il s'agit de défendre l'intérêt général.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. J'en suis là aujourd'hui et j'en resterai là demain ! (Applaudissements.)
M. Paul Raoult. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement est prêt à soutenir au Sénat la proposition de loi adoptée à l'Assemblée nationale visant à plafonner les niveaux de bruits nocturnes au voisinage des aéroports. Les décrets d'application seront rédigés parallèlement afin d'assurer une mise en oeuvre dans les meilleurs délais.
L'ACNUSA, l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, a récemment formulé des recommandations majeures concernant l'élaboration et la gestion des plans d'exposition au bruit pour renforcer le dispositif réglementaire en vigueur. Le Gouvernement a décidé, sous mon impulsion, de les prendre en compte pour les nouvelles plates-formes aéroportuaires. Une concertation sera prochainement conduite avec les collectivités locales afin d'examiner les conditions concrètes de leur application aux aéroports existants.
La récente décision de réserver le secteur de Chaulnes, en Picardie, c'est-à-dire à égale distance de la région Nord - Pas-de-Calais et de la région parisienne, pour y implanter un nouvel aéroport international afin de répondre aux besoins à l'horizon 2015 et 2020, va dans ce sens.
A ce sujet, M. Karoutchi a laissé entendre que, en 1997, je n'envisageais pas un troisième aéroport. Ce n'est pas vrai ! Vous ne trouverez jamais aucune déclaration de ma part en ce sens, et pour cause ! Figurez-vous que lorsque j'ai décidé la réalisation de deux pistes à Roissy...
M. Jacques Oudin. Ça, c'était une bonne décision !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. En effet, c'était une bonne décision.
M. Jacques Oudin. Enfin une !
M. Jean Chérioux. Nous, nous sommes objectifs !
Mme Marie-France Beaufils. Oh !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je ne vous ai pas vu me soutenir, même pour les bonnes décisions, et ceux qui manifestaient pour s'opposer à cette décision le faisaient sous toutes les couleurs ! En tout cas, quand j'ai pris cette décision,...
M. Jacques Oudin. Il paraît que c'est votre prédécesseur qui l'a prise !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... j'ai dit immédiatement que le nombre de mouvements serait plafonné et que le bruit ne pourrait pas dépasser le niveau moyen existant en 1997, engagement que nous tenons à l'heure actuelle malgré l'augmentation du trafic sur Roissy. Il s'agit cependant d'une moyenne et l'ACNUSA nous propose de faire mieux en analysant le bruit par mouvement.
En outre, comme je savais que la croissance du trafic était de l'ordre de 5 % à 7 % par an, pour pouvoir répondre aux inquiétudes des riverains d'Orly, de Roissy et, plus généralement, des habitants du Val-d'Oise qui craignaient que, sans le troisième aéroport, je ne tienne pas mes engagements, j'ai d'emblée envisagé l'hypothèse de la réalisation de ce troisième aéroport tout en précisant, bien sûr, qu'il resterait à déterminer sa localisation en fonction de tous les éléments qui se dégageraient. Je n'ai pas changé de point de vue depuis.
Vous avez été plusieurs à soulever la question de la distance de Chaulnes à la capitale. Certains disent que c'est trop loin de Paris, d'autres disent que c'est toujours Paris qui profite des nouvelles infrastructures : il faudrait savoir !
Le projet du Gouvernement prévoit, évidemment, la desserte par ligne dédiée, à partir des aéroports d'Orly, de Roissy et de Chaulnes. Les liaisons devront être particulièrement efficaces. Certains ont chiffré la dépense à 30 milliards de francs : il ne faut pas 30 milliards de francs pour faire un aéroport et cette somme engloble la desserte dédiée.
Il faudra, pour atteindre Chaulnes, vingt-six minutes exactement à partir de Roissy et trente minutes à partir de Paris. A partir de Lille, ce sera également trente minutes...
M. Paul Raoult. Très bien !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. ... puisque Paris et Lille sont équidistants de Chaulnes. Cela permet également d'envisager la notion de bipôle.
On ne peut remplir les avions s'il n'y a pas suffisamment de clientèle. C'est ainsi. Certes, on peut envisager d'implanter un aéroport sur le plateau de Millevaches au motif qu'il n'y a pas d'habitants, mais les compagnies ne viendront pas, à moins que vous ne décidiez que l'on administre la France et le monde entier, qu'on nationalise toutes les compagnies et qu'on les oblige à faire ce que l'on veut. Dans la réalité, cela ne se passe pas ainsi.
On a cité l'échec de Mirabel. Je rappelle que cet aéroport n'est pas relié à Montréal par une ligne ferrée performante. Par ailleurs, MM. Raoult et Karoutchi ont eu raison de rappeler le caractère irréaliste de la proposition qui consisterait à déplacer et à indemniser des centaines de milliers de personnes qui habitent autour de Roissy. D'ailleurs, dans cette logique, je ne vois pas pourquoi on déplacerait uniquement ces personnes. En effet, il faudrait aussi déplacer les riverains d'Orly et les indemniser. Tout cela n'est pas raisonnable !
Monsieur Karoutchi, vous avez également évoqué le problème des couloirs aériens. Sachez que ce dispositif, qui remonte à un quart de siècle, n'est plus adapté au trafic aérien en Ile-de-France. Il est difficile à gérer si l'on veut maintenir un haut niveau de sécurité. Il fallait donc élaborer un nouveau dispositif en intégrant les problèmes actuels et toutes les dimensions de la question, c'est-à-dire à la fois la sûreté, la sécurité, l'efficacité et l'environnement.
Avec la volonté d'assurer la plus grande transparence et la plus large concertation avec les élus et les associations de riverains, j'ai pris la décision, dès le début de l'année, de confier le soin à un organisme extérieur - parce qu'on disait : c'est la DGAC qui a prévu, etc. -, Eurocontrol, d'examiner cette problématique et de formuler des propositions. Durant près de dix mois, un comité régional regroupant les élus des huit départements franciliens, sous la présidence du préfet de région, a piloté cette expertise.
L'ACNUSA a formulé des recommandations. Il m'appartient d'y répondre, notamment sur la nécessité de définir des volumes dans lesquels, lors des procédures de départ et d'arrivée, les vols devront s'inscrire. En outre, des mesures restrictives et contraignantes devront permettre réglementairement de réduire, la nuit, la gêne sonore.
Je prendrai donc ma décision dans les prochains jours, en vue d'une mise en oeuvre avant la pleine saison aéronautique de l'été. En effet, malgré la baisse conjoncturelle, il n'y a pas lieu, me semble-t-il, de retarder la mise en oeuvre de ce dispositif qui améliore la situation du trafic aérien à l'échelle de l'Ile-de-France sur le plan de la réduction des nuisances sonores pour le plus grand nombre possible de nos concitoyens, de la régularité de vol et, bien sûr, de la sécurité.
Je reviens brièvement sur le budget annexe de l'aviation civile. Ce budget s'inscrit dans la poursuite d'un objectif de modernisation afin d'améliorer la qualité du service rendu dans tous les domaines que je viens de citer. Malgré le ralentissement conjoncturel du trafic, le nombre de vols contrôlés impose le maintien à un niveau élevé des moyens de l'aviation civile, en préparant pour demain les moyens de la croissance du trafic.
La composante navigation aérienne du budget reste prioritaire et l'effort soutenu en faveur de l'emploi est maintenu. L'enveloppe de 155 millions d'euros d'autorisations de programme pour la navigation aérienne permettra ainsi de poursuivre le plan de renouvellement des aides à l'atterrissage et la mise en oeuvre de systèmes de radionavigation sur les aérodromes qui en sont dépourvus. Ce budget verra également la création de 467 emplois, principalement au profit de la navigation aérienne, permettant d'assurer la fluidité et la sécurité du trafic. La DGAC sera ainsi en mesure d'anticiper le départ à la retraite de ses agents par une politique de recrutement à long terme, tenant compte par exemple, des délais de formation de ses corps techniques, et d'accompagner ainsi l'évolution du trafic aérien.
J'en viens au Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA.
Ce fonds était doté, avant les modifications apportées à la suite des attentats du 11 septembre, de 64,5 millions de francs, en augmentation de 52 % par rapport à 2001 et de 17 % par rapport à 2000. Viendront s'ajouter à ces dépenses 16 millions d'euros, soit un total de plus de 80 millions d'euros, pour aider les petits aéroports de province à financer les dépenses de sûreté, tout en limitant les hausses de taxes à 2,3 euros par passager, comme je vous l'ai dit. Les dépenses de sûreté financées par le FIATA croîtront donc, en 2002, de plus de 50 % par rapport à l'an passé.
Je souhaite, enfin, vous faire part de mes préoccupations au sujet du projet « Ciel unique européen ».
A la suite des travaux du groupe à haut niveau conduits en 2000, la Commission européenne a publié une communication et quatre projets de règlement, pour une mise en application d'ici à la fin de l'année 2004.
Les projets de règlement de la Commission posent des problèmes majeurs.
Ces projets semblent envisager les services de navigation aérienne comme des services marchands. Une approche risquant de déboucher sur la mise en concurrence entre services nationaux semble inadaptée pour prétendre améliorer la performance du système. Elle l'est d'autant plus que ces services relèvent de compétences régaliennes. Dans son rapport, M. Collin faisait état de la contradiction selon laquelle on confie en sous-traitance des activités au secteur privé alors que, dans le même temps, les responsabilités régaliennes s'accroisssent, notamment en matière de sûreté. Monsieur le sénateur, vous avez posé ce problème de façon plus large par rapport à l'activité aérienne en général.
De nombreuses questions, notamment dans le règlement sur l'espace aérien, ont une incidence militaire et peuvent affecter la capacité d'entraînement aérien. A cet égard, la France a attiré l'attention du comité militaire de l'Union européenne sur ces questions et a fait connaître son souhait que celles-ci ne relèvent que des mécanismes du deuxième pilier.
Allant très au-delà des travaux du groupe à haut niveau dont le rapport a été publié en novembre 2000, ces projets contiennent de nombreux points qui n'ont pas été sérieusement étudiés, conduisant à des propositions irréalistes, ou excessives, dans les trois domaines couverts.
Dans le même temps, la signature du protocole d'adhésion de la Communauté à Eurocontrol, qui regroupe trente Etats d'Europe, est bloquée depuis deux ans par le différend hispano-britannique sur Gibraltar. Vous le savez, je juge cette situation inacceptable.
En tout état de cause, et je l'ai également affirmé à mes collègues européens, l'examen du dossier « Ciel unique » ne saurait aller sans l'adhésion de la Communauté européenne à Eurocontrol et la ratification de la convention Eurocontrol révisée, signée en 1997. A cet égard, un projet de loi portant autorisation de ratification sera déposé au Parlement au cours du premier trimestre de 2002.
Compte tenu des nombreux problèmes que posent ces textes initiaux, j'entends m'employer à rechercher, avec mes homologues européens, les meilleurs moyens pour améliorer concrètement la gestion du trafic aérien. J'attends, de votre part et des parlementaires en général, une adhésion à cette position que je soutiendrai au nom de la France.
J'ai bien entendu la position des organisations syndicales. A leur demande, une partie d'entre elles a été reçue cet après-midi.
Il leur a été rappelé ma conviction et celle du Gouvernement français sur ce dossier, mais aussi ma détermination à faire entendre cette position au niveau européen.
Je souhaite que la conjoncture difficile que le transport aérien connaît ne soit pas aggravée par un mouvement que je comprends puisqu'il exprime la crainte d'un démantèlement. Il n'est pas question qu'un démantèlement intervienne. Le Gouvernement défend cette position non seulement en France mais également à l'échelon européen. D'ailleurs, ce mouvement pénaliserait l'ensemble du secteur aérien à un moment où celui-ci n'en a pas besoin.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je souhaitais apporter à la suite de vos interventions. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'aviation et l'aéronautique civiles, inscrits à la ligne « Equipement, transports et logement », seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de l'examen des crédits affectés à la mer.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 41 004 185 euros. »

Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV : moins 5 513 942 euros. »

La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, je sais tout ce que vous avez fait pour sauver AOM-Air Liberté, devenu Air Lib, depuis le printemps dernier et, vous le savez, les personnels l'apprécient. Ils ont fait preuve, eux aussi, d'une très grande combativité.
Après les événements tragiques du 11 septembre dernier à New York, ils comprennent la situation difficile dans laquelle se trouve Air France, qui ne peut honorer tous ses engagements pour le moment. Aussi, leur déception et leur inquiétude sont grandes, mais ils gardent l'espoir que leur compagnie vivra et se développera. Face aux atouts économiques des départements et territoires d'outre-mer, il est important qu'il y ait, à côté d'Air France, un deuxième pôle aérien, comme vous l'aviez déclaré et ainsi que l'avait dit le président d'Air France, M. Spinetta.
Monsieur le ministre, vous êtes confronté à de nouvelles difficultés, mais nous savons que votre opiniâtreté est grande et qu'elle n'a d'égale que celle des salariés, et la nôtre.
Les prévisions d'ouverture d'une liaison vers l'Algérie semblent se concrétiser. Le dossier est bien préparé. Mon amie Odette Terrade et moi-même ainsi que, bien sûr, l'ensemble du groupe communiste républicain et citoyen souhaitons qu'il se concrétise le plus rapidement possible.
Enfin, reste la carence des actionnaires, M. Seillière et Swissair. Il faut donc que soient trouvées rapidement des solutions de substitution pour permettre à cette entreprise aujourd'hui saine et dynamique de développer toute son activité. Il ne serait pas normal que la défaillance des groupes concernés ne permette pas à cette compagnie de constituer, comme vous l'avez toujours dit, un second pôle aérien nécessaire dans notre pays.
Cela ne dédouane pas pour autant les anciens actionnaires qui doivent assumer, y compris par voie de droit, leurs responsabilités.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui !
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, comment appréciez-vous la situation et quelles actions comptez-vous engager ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Madame la sénatrice, j'ai déjà répondu en partie à vos questions. Il s'agit de questions très importantes.
Je précise que l'Etat français n'est pas partie au conflit qui oppose Air Lib à Swissair. Mais je puis vous indiquer qu'Air Lib a entamé une procédure pour faire valoir ses droits par rapport aux engagements pris par Swissair. On est donc dans le domaine juridique. Le problème, c'est que, en attendant que cela aboutisse, il manque les 400 millions de francs dont j'ai parlé tout à l'heure. D'où les efforts que nous faisons et que fait l'entreprise pour pouvoir passer ce cap. Elle le passera !
En ce qui concerne l'Algérie, Air Lib a déposé une demande d'ouverture d'une liaison Paris-Alger. Cette demande a déjà reçu un avis favorable du Conseil supérieur de l'aviation marchande, le CSAM. Le dossier, en cours d'instruction, tant du côté français que du côté algérien, devrait se concrétiser rapidement.
S'agissant de l'embauche des personnels concernés par le plan social d'ex-AOM-Air Liberté, Air France a d'ores et déjà procédé au recrutement de plus de 200 salariés. L'ampleur de la crise a conduit à une réduction d'activité et à un gel temporaire des embauches. Cependant, dès la reprise d'activité, le recrutement reprendra et les anciens salariés d'AOM-Air Liberté verront leur candidature examinée avec la meilleure attention.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 726 595 000 euros ;

« Crédits de paiement : 749 631 000 euros. »
La parole est à M. Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. J'interviendrai, ce qui ne surprendra personne, en tant qu'ancien président du conseil général du Val-d'Oise et comme sénateur de ce département, qui, à un moment donné, a été chargé d'une mission d'étude sur les problèmes de Roissy et d'Orly, pour développer la solidarité du point de vue économique, financier et environnemental, et qui a beaucoup suivi les travaux de la mission de son ami Jacques Douffiagues.
Ce soir, je voudrais m'adresser principalement à mes collègues des autres départements, aux rapporteurs, MM. Collin et Le Grand, à M. Gerbaud ainsi qu'à l'ensemble des sénateurs qui suivent les questions de l'implantation éventuelle d'un troisième aéroport. Il s'agit d'un enjeu national. C'est un défi important qui est lancé à notre société, à nous, responsables politiques. Comment le traiter ?
Il convient d'envisager le problème avec une certaine distanciation, que je vous invite à prendre, comme je m'y emploie. Je ne suis pas candidat aux élections, ni dans la circonscription de M. Strauss-Kahn, ni dans celle de M. Cochet. Aucun intérêt électoral ne dicte mes propos.
Tout d'abord, il faut une distance géographique. Il convient d'éviter d'opposer l'Ile-de-France et la province et, au contraire, de rechercher l'intérêt général. Mais il faut aussi que l'Ile-de-France et la province regardent la réalité.
Autour de Roissy, ce sont 300 000 personnes qui vivent là depuis longtemps. Toutes subissent des nuisances insupportables. Je n'aurai pas la cruauté d'inviter l'un quelconque d'entre vous à habiter jour et nuit, en week-end et en semaine, dans le secteur de Roissy !
Il faut savoir prendre une distance géographique, mais aussi une distance historique.
Je vous rappelle que la décision de créer Roissy a été arrêtée par le général de Gaulle - c'était une décision extrêmement courageuse - dans la perspective d'un développement aérien limité, pour une dizaine de millions de passage et peu de pistes. Mais elle a provoqué la vitrification totale du secteur de Goussainville. L'église est toujours là, depuis plusieurs centaines d'années, le village aussi, mais, autour, tout a été complètement gelé. Gonesse, Goussainville, autant de villes à propos desquelles il serait caricatural de prétendre que les habitants sont venus s'installer en infraction au permis de construire ou dans un esprit de spéculation ! On ne peut pas intenter ce procès, comme certains ont pu le faire, à tous ceux qui ont habité ou travaillé dans ces villes depuis des dizaines d'années.
Mais il faut encore observer une distance politique.
Franchement, sur un enjeu aussi important, ne pourrait-on pas rechercher l'intérêt général et oublier nos querelles politiques ? Les propos que je tiens actuellement, je les tiens en accord avec Mme Olin, élue de droite, et avec l'ensemble des élus de droite de la vallée de Montmorency et du secteur de Roissy ; je les tiens en accord avec Mme Beaudeau, qui représente le secteur de Sarcelles, ainsi qu'avec Alain Richard et Bernard Angels. Nous essayons d'examiner ce problème dans un esprit d'indépendance et de neutralité politique.
Et puis les autorités politiques changent. Qui a décidé, la première fois, qu'un troisième aéroport serait nécessaire ? C'est le gouvernement Juppé, Bernard Pons étant alors ministre des transports. Qui a décidé de poursuivre la réflexion et a tenu les engagements pris en 1997 ? C'est le gouvernement de M. Jospin, avec M. Gayssot. Qui, demain, après l'alternance, se posera la même question ?
Plusieurs sénateurs sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. Encore M. Gayssot ! (Sourires.)
M. Jean-Philippe Lachenaud. Evidemment, je souhaite que ce soit quelqu'un de notre bord. De toute façon, celui qui aura cette charge devra rechercher l'intérêt général et déterminer s'il faut ou non construire un troisième aéroport.
Je vous invite donc à cette réflexion dans le temps, dans l'espace, dans la perspective des décennies à venir.
M. Paul Raoult. Très bien !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Et puis, se sont produits les événements du 11 septembre, qui ont entraîné, dit-on, une baisse du trafic. Mais celui-ci est lié aux échanges internationaux et Roissy est l'aéroport de la France. Il y a des tendances lourdes de développement, et le fret aussi bien que le trafic voyageur vont reprendre leur croissance. C'est une des conclusions à laquelle sont arrivées à la fois la mission Douffiagues et la DUCSAI, la démarche d'utilité concertée pour un site aéroportuaire international.
La méthode de concertation employée par cette dernière était une bonne méthode ; je suis désolé de le dire. On s'est interrogé sur la nécessité de construire ou non un troisième aéroport, ainsi que sur les avantages et les inconvénients des différents sites. Ils sont tous mauvais, c'est évident ! Si l'on avait demandé aux habitants de Goussainville ou de Gonesse s'ils acceptaient la construction de Roissy, ils auraient répondu négativement, bien évidemment !
Croyez-vous que M. Cochet, élu dans une circonscription du Val-d'Oise, aura le courage d'aller défendre ses positions dans le secteur où il est élu ? Non, je ne le pense pas.
Après une concertation, des débats objectifs, l'évaluation des avantages et des inconvénients, sans sous-estimer les difficultés d'infrastructures, de gestion d'Air France, de gestion du hub , émerge une décision qui s'inscrit dans le schéma des structures aéroportuaires. Les premières mesures concernent le développement des aéroports régionaux. Je suis favorable au développement de Vatry. Je suis favorable au développement de Châteauroux. Je suis favorable au développement de Nantes et de Lyon, qui offrent des capacités et des possibilités extraordinaires.
Pour conclure, monsieur le président, je répète que nous aurons les uns et les autres à décider d'un troisième aéroport et à prendre, parce que demain c'est aujourd'hui, dans le domaine foncier et pour la préparation des infrastructures les mesures nécessaires pour que cet aéroport fonctionne au mieux, dans l'intérêt de tous les citoyens français. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 933 092 000 euros ;

« Crédits de paiement : 1 288 211 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget annexe de l'aviation civile et figurant aux articles 33 et 34.

Services votés

M. le président. « Crédits : 1 201 311 800 euros. »
Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 33 au titre des services votés.


(Ces crédits ne sont pas adoptés.)

Mesures nouvelles

M. le président. I. - Autorisations de programme : 198 100 000 euros ;
« II. - Crédits : 216 389 687 euros. »
L'amendement n° II-59 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A. - Dans le II de l'article 34, majorer les crédits ouverts au titre de l'aviation civile de 24 399 000 euros.
« B. - Dans le I de l'article 34, réduire les autorisations de programme ouvertes au titre de l'aviation civile de 3 049 000 euros.
« C. - Dans le II de l'article 34, réduire les crédits ouverts au titre de l'aviation civile de 3 049 000 euros. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Dans le cadre des décisions du conseil des ministres européens des transports, nous avons proposé de dégager près de 55 millions d'euros de crédits pour compenser les pertes d'exploitation subies par les compagnies aériennes en raison de la fermeture de l'espace aérien américain.
Cet amendement a pour but de majorer, à concurrence de 21 millions d'euros, les crédits du budget annexe de l'aviation civile dans le projet de loi de finances.
Trois millions d'euros en autorisations de programme et en crédits de paiement seront dégagés en plus par redéploiement, ce qui portera l'effort du Gouvernement à 24 millions d'euros.
J'ajoute que la loi de finances rectificative pour 2001 prévoira, au-delà de ces 24 millions d'euros, une dotation complémentaire légèrement supérieure à 30 millions d'euros.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas pu examiner cet amendement. Toutefois, je pense qu'elle ne s'y serait pas opposée car il est normal que l'Etat prenne à sa charge les pertes financières des compagnies aériennes liées à la fermeture du ciel américain, conformément aux décisions prises dans le cadre de l'Union européenne.
Je regrette toutefois que cette mesure soit partiellement financée par une coupe dans les crédits consacrés aux études et aux équipements.
Quoi qu'il en soit, malgré les critiques portant sur l'organisation du plan de soutien de l'Etat, la commission ne saurait empêcher le Gouvernement d'intervenir, compte tenu de l'urgence de la situation. Elle émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-59 rectifié, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix, modifiés, les autorisations de programme et les crédits ouverts à l'article 34, au titre des mesures nouvelles.


(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'aviation et l'aéronautique civiles, ainsi que le budget annexe de l'aviation civile.

iv. - mer

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant l'équipement, les transports et le logement : IV. - Mer.
La parole et à M. le rapporteur spécial.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits inscrits au budget de la mer pour 2002 s'élèvent à 940,1 millions d'euros, en diminution de 8 % par rapport au budget de 2001. En fait, cette baisse n'est qu'apparente : elle résulte du transfert de la totalité des crédits de rémunération des personnels sur la section « services communs » du budget de l'équipement, des transports et du logement. Hors personnel, le budget de la mer augmente de 1 % par rapport au budget voté l'année dernière.
Ma première observation concerne la sécurité maritime, qui demeure la priorité de ce budget, comme ce fut déjà le cas l'an dernier.
Au total, les crédits de paiement consacrés à la sécurité maritime augmentent de 20 % en 2002 : c'est une évolution dont on ne peut que se féliciter.
Ainsi, les centres de sécurité des navires chargés de contrôler les navires français et étrangers en escale dans les ports voient leurs effectifs substantiellement renforcés puisque trente-quatre postes d'inspecteurs de la sécurité sont créés, ce qui porte à 104 leur nombre total, seize postes ayant déjà été créés l'an dernier à la suite du naufrage de l' Erika .
C'est un effort important qu'il faut poursuivre pour atteindre l'objectif fixé par le mémorandum de Paris, soit 25 % de navires contrôlés, alors que, lors du naufrage de l' Erika , la France contrôlait à peine 14 % des navires, les inspecteurs n'étant à l'époque que cinquante-quatre.
S'agissant des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, on sait depuis longtemps qu'ils sont débordés, à la fois par l'extension de leurs missions et par la multiplication de leurs interventions. Ils doivent effectuer aujourd'hui, en moyenne, 7 000 opérations de recherche et de sauvetage par an.
Lors du dernier conseil interministériel de la mer, on a beaucoup insisté sur la vétusté de leurs équipements, notamment celle des radars et des moyens de communication.
Depuis, un effort budgétaire a été consenti. Cette année, la dotation dévolue aux CROSS continue d'augmenter de 40 % en crédits de paiement, ce qui permettra de renouveler les radars et aussi d'améliorer la couverture radio actuelle.
Autre aspect de la sécurité maritime : la signalisation. Celle-ci voit, elle aussi, sa dotation progresser fortement en crédits de paiement - de 50 % - ce qui permet de poursuivre le plan de modernisation des phares et des balises. C'est ce plan qui a permis la construction de trois baliseurs : après le baliseur côtier du Havre en 2001, l'année 2002 est celle de la livraison du grand baliseur océanique de Brest ; quant au baliseur océanique de Dunkerque, il sera livré en 2003.
Par ailleurs, afin de développer le dispositif de contrôle et de surveillance des affaires maritimes, qui assure des missions de surveillance et de police ainsi que de contrôle technique de certaines catégories de navires, l'acquisition d'un second patrouilleur de haute mer sera effectuée en 2002.
La sécurité portuaire, qui figure, comme l'an dernier, en bonne place dans le budget de la mer, doit assurer le bon accès des navires et constitue une condition préalable au développement des activités portuaires. L'effort financier consenti l'année dernière pour l'entretien des infrastructures portuaires et les moyens consacrés aux dragages d'entretien des accès maritimes est reconduit cette année.
Le programme de réhabilitation des infrastructures portuaires de base, tel qu'il résulte des nouveaux contrats de plan portuaires entre l'Etat et les régions, sera poursuivi en 2002 avec, par exemple, la réhabilitation de la digue de calibrage du chenal d'accès au port de Rouen, la réhabilitation d'écluses à Dunkerque et à Saint-Malo, la poursuite de la restauration de la digue du large à Cherbourg.
Par ailleurs, sept emplois de surveillants de port sont créés, ce qui représente une augmentation de 14 % des effectifs pour l'ensemble des ports.
La deuxième priorité du budget concerne la protection et la mise en valeur du littoral. L'augmentation des moyens amorcée en 1998 est donc poursuivie : elle est de 42 % en crédits de paiement et de 40 % en moyens d'engagement.
Un effort financier est également prévu en faveur des zones littorales habitées et soumises à l'érosion marine. Les crédits destinés à la protection des lieux habités contre l'érosion marine augmentent fortement en autorisations de programme, ce qui traduit les engagements pris par l'Etat dans le cadre des contrats de plan littoraux et des avenants consécutifs aux tempêtes de la fin de l'année 1999.
Une autre observation concerne la protection sociale des marins, qui est renforcée grâce à deux mesures.
En premier lieu, est créée une dotation destinée à financer la protection contre une exploitation « sous-normes » des marins. Cette dotation permettra d'apporter une aide aux associations et des avances sur salaire au bénéfice des marins abandonnés dans les ports français, en attendant la mise en place d'un système d'assurance internationale, discuté dans le cadre de l'Organisation maritime internationale sur l'initiative de la France.
En second lieu, l'article 73 rattaché prévoit une disposition relative au régime de la sécurité sociale des marins. Cette année, la dotation de l'Etat à l'ENIM, l'établissement national des invalides de la marine, qui finance le régime de retraite des marins, intègre un nouveau mécanisme de cessation anticipée d'activité pour les marins ayant été fortement exposés à l'amiante. Il s'agit d'étendre aux marins le droit à cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante prévu par la loi de financement sur la nécessité sociale pour 1999.
La dotation de l'Etat à l'ENIM, qui représente les trois quarts du budget de la mer, diminue cette année de 3,5 %. Toutefois, cette baisse est purement mécanique puisqu'elle résulte d'une hausse des transferts de compensation entre les régimes sociaux. Les pensions seront revalorisées en 2002 dans les mêmes conditions que les retraites du régime général.
J'aborde maintenant le soutien de l'Etat à notre flotte de commerce, qui n'a cessé de décliner depuis les deux chocs pétroliers des années soixante-dix.
Aujourd'hui, la flotte française compte à peine plus de 200 navires : 206 au 31 décembre 2000. Sa compétitivité est bien moindre que celle de ses concurrentes.
C'est pourquoi, depuis 1990, la flotte de commerce a fait l'objet d'un plan pluriannuel de soutien. Actuellement, ce système de soutien consiste, d'une part, en des réductions de charges fiscales et sociales pesant sur les entreprises de transport maritime, d'autre part, en une mesure d'allégement fiscal pour les groupements d'intérêt économique qui acquièrent un navire.
Concernant les charges fiscales pesant sur les entreprises de transport maritime, un allégement de la part maritime de la taxe professionnelle a été institué et, depuis 1991, les subventions de l'Etat couvrent 100 % du montant de la taxe. Le dernier CIMER - comité interministériel de la mer -, qui s'est tenu le 27 juin 2000, a levé l'incertitude qui pesait sur le maintien de cette aide : elle a en effet été prorogée, sans limitation de durée.
En matière de charges sociales, c'est un dispositif de remboursement qui a été créé : les charges sociales patronales afférentes aux risques vieillesse, maladie et accident du travail, versées par les entreprises qui emploient des personnels navigants sur des navires de commerce battant pavillon français, sont remboursées depuis ce même CIMER.
A l'occasion de celui-ci, de ce dernier, il a également été décidé non seulement de pérenniser cette aide, mais aussi de l'étendre aux cotisations d'allocations familiales et d'assurance chômage ; cette mesure a été votée dans la loi de finances pour 2001 mais son effet ne se fera sentir qu'en 2002, ce qui explique la progression de 20 % des crédits destinés à la flotte de commerce.
Concernant l'allégement fiscal pour les groupements d'intérêt économique qui acquièrent un navire, vingt-six dossiers ont été acceptés au 1er juillet 2001, représentant trente-trois navires, pour un montant total d'investissement de 1,3 million d'euros, soit 8,6 millions de francs.
Enfin, le soutien à la flotte française prend aussi la forme d'un soutien au cabotage maritime depuis que le dernier CIMER a insisté sur le caractère sûr et non polluant de ce mode de transport. Le Gouvernement a arrêté le principe d'un soutien financier public au démarrage de nouvelles lignes et en a informé la Commission européenne ; la décision de cette dernière devrait intervenir d'ici à la fin de l'année 2001.
Pour conclure sur ces mesures de soutien à la flotte de commerce, je relèverai que, à la suite de la demande formulée par le CIMER du 27 juin 2000, des études sont actuellement conduites par le ministère de l'équipement, des transports et du logement, d'une part, et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, d'autre part, sur les dispositifs de soutien à la flotte de commerce mis en place à l'étranger.
En effet, plusieurs pays ont récemment adopté divers dispositifs de taxation au tonnage : la Norvège, les Pays-Bas, le Danemark, la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Il semble que ces pays aisent vu leur flotte augmenter depuis l'adoption de ce mode de taxation.
M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Et voilà !
M. Marc Massion, rapporteur spécial. Appliqué dans notre pays, un tel système aurait un coût budgétaire non négligeable : de l'ordre de 100 millions de francs.
J'en viens aux ports maritimes.
Avec un trafic global de 346,3 millions de tonnes, l'activité des ports français a augmenté de 4 % par rapport à l'année dernière, après avoir connu une légère baisse en 1999. Le trafic des ports autonomes a augmenté de 6,5 %, tandis que celui des ports d'intérêt national a diminué de 4,5 %, en raison d'un recul des échanges à Calais, qui représente à lui seul 45 % du trafic des ports d'intérêt national. Hors Calais, le trafic des ports d'intérêt national s'est maintenu au cours de l'année 2000.
La croissance globale doit cependant être relativisée : le trafic total européen, ports français inclus, a progressé de 7,5 % en 2000 ; certains ports européens ont même connu des taux de croissance à deux chiffres.
L'extension des infrastructures portuaires, l'amélioration des dessertes terrestres, une plus grande sécurité portuaire sont absolument nécessaires pour permettre aux ports français de se placer convenablement à l'échelle mondiale, dans un secteur où la croissance est forte, deux fois plus rapide que celle des autres moyens de transport, et permet donc d'envisager des gains de parts de marché.
Le projet de budget pour 2002 traduit ces priorités. Les dotations aux investissements sont en hausse. Elles financeront, outre Port 2000 au Havre, des opérations prévues au port de Nantes - Saint-Nazaire et dans le port de Marseille.
L'opération Port 2000, dotée à elle seule de 47 % des investissements prévus en 2002, demeure de loin l'investissement d'extension des ouvrages portuaires le plus important du projet de budget pour 2002, comme les années précédentes. Les travaux ont pris du retard, mais il semble qu'on soit aujourd'hui sur la bonne voie. Actuellement, sont en voie d'être achevées les opérations de déminage.
L'avenir des ports français dépend aujourd'hui des mesures prises au niveau européen et, en particulier, de ce qu'il adviendra du projet de directive sur les services portuaires. Ce projet est issu des réflexions menées après la publication en 1998 d'un livre vert sur les ports et les infrastructures maritimes, qui évoquait la réalisation éventuelle d'un cadre communautaire en matière de tarification et de financement.
Le 13 février 2001, la Commission a présenté ses propositions de cadre réglementaire dans un « paquet » portuaire comprenant, d'une part, les résultats d'une enquête effectuée auprès des Etats membres sur les financements dans les ports et, d'autre part, un projet de directive sur l'accès au marché des services portuaires.
Les deux enseignements principaux de l'enquête sont les suivants : en premier lieu, les ports de la façade « mer du Nord » bénéficient de financements publics plus importants, quel que soit le type d'investissement, que les ports des autres façades, notamment la façade sud-ouest de l'Europe ; d'autre part, la Commission reconnaît à la France une transparence supérieure aux autres Etats membres.
Quant au projet de directive, il a pour objet de clarifier le régime des droits exclusifs ou des monopoles de droit ou de fait, de nature publique ou privée, concernant l'accès au marché des services portuaires. A l'heure actuelle, aucun Etat membre n'a clairement fait connaître une position officielle sur ce projet de directive.
Selon moi, ce projet de budget affiche de vraies priorités : sécurité maritime et portuaire, aide à la flotte de commerce et meilleure protection du littoral. L'évolution positive de ce budget, trop peu doté au fil des ans, est ainsi confirmée.
M. le président. Mes chers collègues, j'invite chacun d'entre vous à faire diligence pour que nous puissions achever nos travaux dans des délais raisonnables, de manière que, demain, les deux grands budgets que sont celui du ministère de l'agriculture et de la pêche et celui du ministère de l'intérieur soient être examinés selon les horaires prévus.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, je vais m'efforcer de répondre à votre appel.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la mer pour 2002 manque, selon moi, d'ambition, d'imagination et d'audace.
S'agissant des moyens financiers, tout d'abord, c'est surtout l'ambition qui fait défaut. Depuis plusieurs années, le budget de la mer oscille entre 900 millions et 970 millions d'euros, c'est-à-dire entre 6 milliards et 6,5 milliards de francs.
Sur ce montant, la charge des pensions versées aux marins retraités au titre de la solidarité nationale « pèse » à peu près 710 millions d'euros, soit environ 4,8 milliards de francs.
Que représente donc l'effort financier de l'Etat en faveur de la marine marchande française, des ports maritimes et de la pêche, de la surveillance de nos côtes et du contrôle des navires, sans parler des écoles de la marine marchande ? En fait, de 195 millions à 225 millions d'euros, c'est-à-dire entre 1,3 milliard et 1,5 milliard de francs, selon les années.
Me permettez-vous, monsieur le ministre, de vous rappeler qu'en 1997 vous aussi jugiez qu'il fallait redresser sérieusement la barre ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Oui !
M. Charles Revet, rapporteur pour avis. Cinq ans plus tard, où en sommes-nous ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Nous l'avons redressée ! (Sourires.)
M. Charles Revet, rapporteur pour avis. Ne vous êtes-vous pas borné, en définitive, à reconduire, bon an mal an, les dotations au niveau où vous les aviez trouvées en arrivant ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Non ! (Nouveaux sourires.)
M. Charles Revet, rapporteur pour avis. Vous nous l'expliquerez tout à l'heure !
Manifestement, la vocation maritime de la France n'aura pas été une priorité gouvernementale. Or la France a toujours eu une vocation maritime.
Votre politique manque d'imagination.
Un louable projet, mené sur une base pluriannuelle, tend, certes, à moderniser, sous l'appellation « Port 2000 », notre port du Havre, afin de renforcer la capacité d'accueil des trafics « conteneurisés ». J'en profite d'ailleurs pour signaler que les collectivités ont été largement sollicitées pour apporter leur contribution au financement de ce projet, auquel seront consacrés 27 millions d'euros en 2002, ce dont nous nous félicitons.
Globalement, l'investissement de l'Etat sur ce projet aura été, sur plusieurs années, de 91 millions d'euros, soit environ 610 millions de francs.
Cependant, personne n'a réfléchi au potentiel que pourrait représenter un complexe portuaire composé du port du Havre couplé à celui de Rouen. Sommes-nous donc si puissants et si compétitifs par rapport aux ports d'Anvers ou de Rotterdam, par exemple, pour faire l'économie de ce type de réflexion ou d'expérience ?
Interrogé par moi-même sur ce sujet lors de votre audition devant la commission des affaires économiques, vous vous êtes, monsieur le ministre, montré intéressé par l'idée de l'« interportuarité ». Mais alors, que n'avez-vous tenté, depuis cinq ans, de mettre en oeuvre ou, tout au moins, d'expérimenter ce genre de formule ?
Là encore, je ne mets en cause ni les intentions ni la bonne volonté du Gouvernement. Je pense simplement que son « immobilisme » sur le sujet ne fait que traduire un relatif manque d'intérêt pour notre vocation maritime. Ce relatif manque d'intérêt, je le concède a été, hélas ! partagé par d'autes gouvernements.
D'autres priorités - et même d'autres modes de transport - ont mobilisé et mobilisent toujours, à tort ou à raison, des moyens financiers considérables. Le « maritime » demeure, quant à lui, réduit à la portion congrue. Il constitue manifestement une « variable d'ajustement », comme on dit, dans la gestion du budget des transports.
Mais ce budget manque surtout d'audace.
Si les fonds publics sont rares, du moins pourrait-on « déverrouiller » le secteur afin de libérer les énergies et les vocations. Ce « déverrouillage », en termes de réglementation, de fiscalité et de charges sociales, pourrait avoir un effet multiplicateur sur le niveau général de l'activité, en permettant d'ailleurs à l'Etat de récupérer, à très court terme, sa « mise de départ ».
Ainsi ont agit la plupart des pays industrialisés voisins : Italie, Espagne, Grèce, Portugal, Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Norvège, etc. Or il s'agit de pays européens. Dès lors ce qui est possible chez eux devrait aussi l'être chez nous ! Notre « timidité » en la matière n'a pas été bonne conseillère.
Je proposerai au Sénat, à titre personnel, un amendement qui va dans le sens que je juge souhaitable, celui de la reconquête de la vocation maritime française.
Puissiez-vous, monsieur le ministre, ne plus camper, dans le domaine de la mer, sur ces positions « passives et timorées » qui, en vingt-cinq ans, ont fait rétrograder notre flotte de commerce du cinquième au vingt-huitième rang mondial !
Vous le comprendrez, monsieur le ministre, devant cette situation, la commision des affaires économiques a émis un avis défavorable sur les crédits de la mer inscrits dans le projet de loi de finances pour 2002. (MM. Le Grand et Oudin applaudissent.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 10 minutes ;
Groupe socialiste, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Désiré.
M. Rodolphe Désiré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2002 prévoit de doter le budget de la mer de 6,166 milliards de francs, c'est-à-dire 940,1 millions d'euros, soit une baisse de 8,2 % par rapport à l'an dernier.
Cette baisse n'est qu'apparente, puisque certaines dépenses ont été transférées sur d'autres budgets. On peut davantage parler de stabilité des dépenses, les catastrophes de l' Erika et du Ievoli Sun n'ayant pas eu de réelles incidences sur les masses budgétaires dédiées à la mer. Elles ont eu plutôt une incidence sur leur répartition et leur utilisation.
De même, le bleu budgétaire ne rend pas totalement compte de l'effort de l'Etat en faveur de la mer, certaines sommes étant inscrites dans les budgets de la recherche, de la défense ou de l'économie et des finances. Au total, ce sont donc 10,37 milliards de francs, soit 1,58 milliard d'euros, qui sont consacrés à ce secteur.
Le budget de la mer pour 2002 s'articule autour de cinq axes : le renforcement de la sécurité, la formation, la modernisation des ports, le soutien à la flotte de commerce et la protection sociale des marins.
En ce qui concerne la sécurité maritime, l'une des leçons de la catastrophe de l' Erika est que la course au profit dans le transport maritime peut avoir des conséquences dramatiques pour notre littoral, ainsi que pour les marins.
La Commission européenne a ainsi enregistré, de 1990 à 1998, la perte de 131 navires et de 731 marins.
Protéger des vies humaines et sauvegarder le littoral sont sans nul doute des priorités de ce budget, comme en témoigne la hausse de 24 % des dotations en dépenses ordinaires et crédits de paiement destinées à la signalisation et à la surveillance maritime.
On notera tout particulièrement le renforcement des moyens en personnel, avec la création de quarante-deux nouveaux emplois, dont trente-quatre d'inspecteurs de la sécurité des navires.
Si cet effort est louable, puisqu'il porte à 104 le nombre d'inspecteurs de la sécurité dans notre pays, il n'en demeure pas moins insuffisant. A titre comparatif, nos voisins britanniques ou espagnols emploient environ 200 personnes pour les mêmes missions.
On se félicitera davantage des efforts effectués pour équiper et moderniser les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage en mer, les CROSS.
Dans le domaine portuaire, l'effort financier consenti l'année dernière est reconduit, avec une dotation de 463,11 millions de francs, soit 70,6 millions d'euros, en direction de l'entretien des infrastructures portuaires et des moyens consacrés aux dragages d'entretien des accès maritimes.
Pour ce qui est du littoral, l'augmentation des moyens, amorcée en 1998, est maintenue. On en attend surtout la poursuite de la remise à niveau des plans POLMAR et un accroissement des actions en direction des zones littorales habitées et soumises à l'érosion marine.
Dans les Antilles françaises, nous sommes particulièrement attentifs à la sécurité maritime et à la protection du littoral, compte tenu de la fragilité de notre écosystème.
Dans nos départements, les risques de marée noire sont d'autant plus importants que les raffineries sont régulièrement approvisionnées par des tankers de 85 000 à 100 000 tonnes.
Plus globalement, l'ampleur du trafic de produits polluants dans la zone Caraïbe nous conduit à déplorer l'absence de remorqueur affecté à l'un de nos ports, Pointe-à-Pitre ou Fort-de-France, les remorqueurs les plus proches se trouvant à Sainte-Lucie et Sainte-Eustache et pouvant être affectés, le moment venu, à d'autres tâches. En cas d'accident, nul doute qu'une telle lacune risquerait d'accroître les délais d'interventions et, par là-même, l'ampleur des dégâts.
Concernant la formation, ce sont soixante-dix-neuf emplois dans les lycées maritimes et aquacoles, dont seize d'enseignants, qui sont créés.
Si l'on veut renouer avec notre marine d'antan, et bien que cet effort ne soit pas négligeable, il n'est pas suffisant. Les crédits consacrés à ce domaine nécessiteraient des moyens humains et financiers plus importants pour faire face aux nouvelles formations maritimes supérieures, à l'augmentation des effectifs dans les écoles nationales de la marine marchande ou au développement du centre de formation des formateurs de Nantes.
S'agissant de la modernisation des ports français, avec un trafic global de 346,3 millions de tonnes hors ravitaillement, leur activité a augmenté de 4 % par rapport à l'année dernière. Ce chiffre est à relativiser quand on sait que le trafic total européen, ports français inclus, a progressé de 7,5 % en 2000, certains ports européens ayant même connu des taux de croissance à deux chiffres.
Pour que nos ports puissent davantage profiter de cette croissance et résister à la concurrence, la qualité des infrastructures et des dessertes terrestres doit être améliorée. Par conséquent, on ne peut que déplorer la baisse de 5 % des moyens de fonctionnement des ports autonomes, que n'atténue pas la hausse de 27 % des crédits des ports d'intérêt national.
En ce qui concerne les départements d'outre-mer, je soulignerai deux points. D'une part, la population attend la création de véritables gares maritimes afin de bénéficier de meilleures conditions d'accueil et de sécurité. Ce sont avant tout des îles. D'autre part, en tant que représentant de ce département, je suis heureux de constater que la Martinique a engagé la modernisation de son outil portuaire par la construction, pour 750 millions de francs, d'un nouveau terminal à conteneurs qui sera opérationnel à la fin de l'année 2002.
Cependant, ce projet doit aujourd'hui être impérativement complété par une réforme de la manutention. Le port de Fort-de-France est, en effet, le dernier port français à ne pas appliquer la loi de 1992 modifiant le régime de travail dans les ports maritimes. Il serait utile que cette réforme, que la Martinique va engager en 2002, soit appuyée, au plus haut niveau, par votre ministère ainsi que par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Il en va de la compétivité du port de Fort-de-France, qui a vocation à devenir l'un des ports d'éclatement de la Caraïbe.
Quant au soutien à la flotte de commerce, sa nécessité est illustrée par les différentes mesures mises en place au cours des dix dernières années. Les crédits destinés au soutien à la flotte de commerce pour les navires battant pavillon français augmentent ainsi de 20,9 % par rapport à 2001.
Cette progression est due à une extension du dispositif de remboursement des charges sociales patronales que l'on ne peut qu'approuver. Souhaitons simplement que l'ensemble des mesures en la matière soit étendu aux navires inscrits au registre des terres australes et antarctiques françaises.
Si l'on peut également se réjouir du fait que le soutien de l'Etat aux investissements navals se poursuive, on notera, une fois de plus, le retard de la France qui, contrairement à ses voisins européens, n'a pas mis en place la taxation au tonnage. Notre pays ne peut se priver d'une mesure qui a permis, ailleurs, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Norvège, de relancer les flottes sous pavillon national.
Dans la même optique, à quand un véritable développement du cabotage qui, comme vous le savez, pourrait contribuer à diminuer le trafic routier de marchandises ? La nouvelle dotation de 5,97 millions de francs, destinée à favoriser le démarrage des lignes de cabotage, semble bien trop modeste face aux enjeux actuels.
Concernant la protection sociale des marins, comme chaque année, l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, absorbe 75 % de la dotation globale pour 2002.
On le voit bien, la mer n'a pas, dans notre pays, la place qui devrait être la sienne. La France ayant été l'une des quatre nations qui a initié l'histoire maritime des temps modernes, il convient désormais, sans céder à la logique ultra-libérale qui a fait tant de ravages, de réaffirmer la vocation maritime de la France en lançant une large réflexion sur la place de notre pavillon, la qualification de nos marins, les savoir-faire de notre industrie navale. Cela passe par davantage de dialogue entre l'Etat, les collectivités locales littorales et les représentants socio-professionnels concernés.
Enfin, je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de m'exprimer devant vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour regretter la dilution des crédits consacrés au « monde maritime ». De ce fait, sont occultées des discussions les difficultés, pourtant majeures, rencontrées par les pêcheurs et les professionnels du transport maritime de passagers.
Il est fort dommageable que la présentation annuelle du budget de la mer ne soit pas l'occasion de souligner la pluralité des moyens et des mesures engagés par la France en faveur du développement de ce secteur. De plus, aucune place n'est faite aux départements insulaires français, ceux d'outre-mer et la Corse, pourtant concernés au premier chef par tout ce qui touche au monde maritime.
Nonobstant ces quelques observations, je voterai, monsieur le ministre, en faveur de votre budget.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique maritime de la France est un vaste sujet. Je n'en aborderai que quelques aspects : d'abord, la priorité donnée à la sécurité maritime, ensuite, le dispositif de soutien à la flotte de commerce.
Le naufrage de l' Erika a été un révélateur. Ce n'était pas le premier naufrage, ce ne sera peut-être pas le dernier. Mais, à partir de là, un effort budgétaire réel a été constaté et, comme l'a indiqué notre rapporteur M. Marc Massion, les crédits consacrés à la sécurité maritime ont augmenté de 20 %. C'est important, c'est même spectaculaire, mais c'est finalement assez modeste en comparaison avec l'ensemble des crédits de la mer. En fait, il ne s'agit que d'un rattrapage.
Cet effort budgétaire portera essentiellement sur le contrôle de la sécurité des navires. Dans ce domaine, la France accusait d'ailleurs un retard considérable : les centres de sécurité de navires qui sont chargés, dans le cadre du contrôle par l'Etat des ports, de contrôler 25 % des navires qui entrent dans les ports français, n'en ont contrôlé, en fait, que 14 %.
Ce retard est essentiellement dû à un manque de personnel tout à fait regrettable. On l'a dit, nous n'avions que cinquante-quatre inspecteurs. On a créé seize postes en 2001, et on en créera trente-quatre en 2002. C'est bien, c'est une augmentation, mais nous manquons cruellement de personnel qualifié pour occuper ces postes.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. C'est exact !
M. Jacques Oudin. Et les candidats ne se bousculent pas !
C'est pourquoi il me semble paradoxal que, parallèlement à une volonté affichée de renforcer les effectifs du contrôle de sécurité dans les ports, on diminue les aides à la formation maritime, qui seront l'année prochaine de 1,5 million d'euros contre 2,2 millions l'année dernière.
Il s'agit d'une des baisses les plus remarquables des crédits de la mer. Elle est encore incompréhensible. Elle me semble menacer, à court et à moyen terme, l'ambition de la France de se doter d'une force de contrôle compétente et qualifiée. Sur ce point, une réponse serait quand même intéressante.
Pour rattraper le niveau des pays voisins - la Grande-Bretagne dispose de 250 inspecteurs de sécurité maritime, et l'Espagne, de 200 -, il faudrait que le Gouvernement fasse des choix très clairs, d'une part, pour développer un enseignement attractif, et, d'autre part, pour offrir des débouchés à ceux qui ont bénéficié de ces enseignements.
Pour cela, il faut, tout d'abord, soutenir et développer la flotte de commerce. Tous les orateurs précédents l'ont signalé.
Chacun sait que notre flotte de commerce a subi, depuis un quart de siècle, une véritable hécatombe : elle est passée du cinquième au vingt-huitième rang mondial. Actuellement, elle est stabilisée au niveau le plus bas que nous ayons jamais connu : 206 à 207 navires, alors que certains de nos partenaires ont des flottes de quatre à sept fois supérieures à la nôtre.
Pour pallier cette chute vertigineuse, les pouvoirs publics ont tenté d'apporter des solutions afin de soutenir un secteur qui souffre énormément de la mondialisation et de la concurrence.
Ainsi, un triptyque de mesures a été mis en place au cours des dernières années.
Il s'agit, tout d'abord, de la réduction de charges fiscales et sociales. Je n'en parlerai pas, sinon pour l'évoquer.
Il s'agit, ensuite, du GIE fiscal, qui permet à un GIE qui acquiert un navire de bénéficier d'un allégement fiscal prenant la forme d'un amortissement accéléré et d'une exonération de la taxation sur les plus-values. Le GIE fiscal a, en fait, remplacé le système des quirats, qui n'a vécu que de juillet 1996 à décembre 1997 : un record de brièveté et un véritable désastre sur le plan de la dynamique maritime ! Actuellement, vingt-six dossiers ont été acceptés au 1er juillet 2001 pour le GIE fiscal, mais sans augmenter la flotte d'une unité.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ni moraliser ?
M. Jacques Oudin. Moraliser, pour un désastre ? Et quelle moralisation, dans un monde en compétition ouverte ? Je me le demande !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Attention !
M. Jacques Oudin. Mais ce sont deux approches différentes : vous avez la vôtre, nous avons la nôtre. La vôtre n'a pas réussi formidablement dans ce domaine !
La dernière de ces mesures est le soutien au cabotage. C'est bien. Mais, pour soutenir le cabotage, vous avez inscrit à votre budget 0,92 million d'euros seulement.
Permettez-moi de citer quelques chiffres à titre de comparaison. La France, qui a 5 500 kilomètres de côtes, compte 50 caboteurs. L'Allemagne, qui a 700 kilomètres de côtes, en compte 500.
M. Marc Massion, rapporteur spécial. Avant, il n'y avait rien !
M. Jacques Oudin. Il n'y avait peut-être rien,...
M. Marc Massion, rapporteur spécial. Il n'y avait pas de ligne budgétaire !
M. Jacques Oudin. ... mais il y a une différence entre 50 et 500 caboteurs !
Nous souhaitons reconquérir l'ambition maritime de la France. Nos rapporteurs l'ont souligné : certaines mesures vont dans le bon sens. Mais le projet de budget que vous nous présentez, comme l'a indiqué M. Revet, manque de substance et d'ambition.
Le groupe d'études sénatoriales sur la mer, que j'ai l'honneur de présider, a formulé, le 26 juin dernier, trente-six propositions pour une stratégie de l'économie de la mer. C'était ambitieux. Je vous ai adressé ce document, mais je n'ai pas reçu de réponse à ce jour. Cela viendra peut-être...
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Cela viendra !
M. Jacques Oudin. Les trente-six propositions s'articulent autour de sept axes majeurs qui sont : le renouveau de la flotte de commerce et le développement des entreprises d'armement maritime, la priorité à l'emploi et à la formation maritimes, la sécurité des voies de navigation maritime, la consolidation et le développement du nouvel essor de la construction navale, la rentabilisation et le développement du patrimoine portuaire, une politique de développement durable du littoral et, enfin, une politique de protection et de développement des intérêts maritimes.
Je souhaiterais revenir sur deux de ces propositions et d'abord, sur le renouveau de la flotte de commerce.
Comme l'ont souligné les orateurs qui m'ont précédé, l'objectif est de valoriser les entreprises françaises maritimes dans le cadre du droit européen afin de les porter à un niveau compétitif.
L'Etat est engagé dans un jeu d'accords internationaux aux niveaux de l'Union Européenne et de l'Organisation mondiale du commerce ; il ne peut plus mener une politique de soutien budgétaire par la voie de subventions à un secteur soumis à une concurrence totalement ouverte.
Il apparaît que l'avenir d'un soutien respectueux de la concurrence loyale entre les armements européens passe par une défiscalisation complète et harmonisée, seule voie possible pour aligner les conditions d'exploitation sur le régime des pavillons internationaux.
Plusieurs solutions peuvent utilement être évoquées, à savoir la taxe au tonnage, la défiscalisation des revenus investis et immobilisés dans l'aventure maritime, la résidence fiscale extérieure des navigants, les couvertures sociales soumises à concurrence sur un cahier des charges minimal de prestations, la séparation objective du droit de pavillon et du droit du sol afin d'employer des marins aux conditions de leur pays de résidence.
Je me contenterai de revenir sur l'une de ces propositions, sur laquelle, avec certains de mes collègues, j'ai déposé un amendement : il s'agit de la taxe au tonnage,...
M. Philippe Marini. Nous l'avons votée !
M. Jacques Oudin. ... qui me semble être une mesure déterminante pour l'avenir de notre flotte marchande.
Ce système concerne actuellement 75 % de la flotte mondiale. Entré en vigueur d'abord en Grèce, il s'est progressivement généralisé aux Pays-Bas, en Norvège et, plus récemment, en Allemagne et en Grande-Bretagne.
L'efficacité de cette taxe n'est plus à démontrer. La flotte a augmenté de 36 % aux Pays-Bas et de 16 % en Norvège. Dans ce pays, monsieur le ministre, on compte 1 622 bateaux alors que nous n'en possédons que 200 ! En Grande-Bretagne, l'institution de cette taxe a facilité l'inscription de cinquante nouveaux navires sous pavillon anglais. Les différents exemples illustrent bien l'impulsion considérable qu'elle donne.
C'est un système efficace que nos concurrents ont adopté, auquel la Commission européenne est favorable. Par conséquent, le Gouvernement s'y est opposé ! Logique !
Mon amendement a quand même été adopté le 26 novembre dernier par le Sénat. Quel sort lui sera réservé à l'Assemblée nationale ? Je ne pense pas qu'il échappe au couperet ; c'est d'autant plus regrettable que cela entraînera plusieurs années de retard et que, malheureusement, nous tournons ainsi le dos à ce qui sera de toute façon l'avenir.
J'en viens à mon dernier point, la priorité à l'emploi et à la formation maritimes.
La marine marchande peut et doit devenir une source de création d'emplois. Cela passe par le développement de notre flotte - je l'ai dit - et par une formation de qualité.
Monsieur le ministre, l'enseignement maritime est dans un triste état. Il doit donc être modernisé, réorienté et ouvert pour être aligné sur celui des grandes nations maritimes. L'une des mesures les plus significatives consisterait à réaffecter les crédits de l'éducation nationale consacrés à l'enseignement maritime et à permettre une validation, par l'éducation nationale, des diplômes de cet enseignement. C'est l'une des mesures que j'ai proposées ; je souhaite qu'elle soit entendue.
Je conclurai mon propos en insistant à nouveau sur le renforcement indispensable de la sécurité maritime, mais en lui donnant une autre dimension que celle que nous connaissons.
Il est aujourd'hui indispensable d'harmoniser nos conditions de contrôle pour asseoir l'égalité de traitement dans tous les ports européens. En effet, le contrôle doit être identique, afin qu'il n'y ait ni complaisance liée au laxisme, souvent par faute de moyens, ni surenchère à la « qualité du contrôle ».
Le contrôle technique annuel des navires de commerce qui fréquentent les ports de l'Union européenne ou qui battent pavillon d'un Etat membre devrait être confié à une agence maritime européenne qu'il faudrait rapidement mettre en place. C'est encore une proposition que nous avons formulée. Cette inspection devrait être faite par un corps européen de contrôle au titre tant du mémorandum de Paris - c'est le contrôle par l'Etat du port - que de la visite annuelle de sécurité à la charge de l'Etat du pavillon.
Le financement de la sécurité des voies de navigation maritime européenne repose sur un principe : l'utilisateur est le payeur du service rendu. Un péage devrait donc être institué sur les navires qui touchent un port de l'Union. Il serait calqué sur ce que l'on appelle les light dues , les droits d'éclairage, que les Britanniques appliquent à leurs ports. Ils seraient perçus pour le compte de l'agence maritime européenne et devraient être proportionnels à la fois au tonnage du navire et à la distance parcourue dans les eaux sous contrôle européen.
Bref, vous l'avez compris, monsieur le ministre, je souhaite, pour ma part, une européanisation plus accentuée du contrôle et de la sécurité maritime.
Il faut avoir de l'ambition pour notre flotte et une ambition maritime pour la France. Notre pays, quatrième ou cinquième exportateur mondial, a toujours regardé la mer avec un certain soupçon. Il est impossible de s'ouvrir sur le monde et de gérer le deuxième domaine maritime du monde avec une politique maritime aussi timorée. C'est la raison pour laquelle, pour ma part, je ne voterai pas votre budget !
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un peu plus de 940 millions d'euros, le budget de la mer demeure quasiment stable comparé à celui de la loi de finances pour 2001. C'est un budget relativement modeste si l'on tient compte du fait qu'il concerne un secteur qui est au coeur des préoccupations écologiques actuelles en termes de préservation de l'environnement et de développement durable.
Certes, il faut tenir compte de l'ensemble des contributions des autres ministères, dont le montant total s'élève aujourd'hui à près de 1 581 millions d'euros, soit 10,37 milliards de francs en faveur de la mer. Il n'en demeure pas moins que, dans la conjoncture actuelle marquée par un inquiétant ralentissement de la croissance, nous aurions besoin d'un soutien plus important des crédits publics.
Nous le savons, monsieur le ministre, cette modestie des crédits ne constitue pas la spécificité de votre budget. Mais, je tiens à le souligner, il devient urgent de rompre avec les logiques antérieures, de relâcher fortement les contraintes budgétaires auxquelles nous soumet le pacte de stabilité européen, car nous risquons, le cas échéant, de frôler dangereusement la récession.
De même, après la catastrophe écologique due au naufrage du pétrolier Erika et la mise en examen pour « complicité de mise en danger de la vie d'autrui » et « pollution maritime » de TotalFinaElf, il devient urgent que la réglementation internationale soit non seulement respectée, mais aussi renforcée.
La dérive libérale qui conduit à des pratiques de réduction drastique des coûts, de dumping social et de contournement des règles accroît le risque des pollutions lourdes et met, dans le même temps, en péril la vie des marins.
Le renforcement de la sécurité des transports maritimes exige le renouvellement du parc mondial des navires, souvent trop vieux, ayant la plupart du temps amorti leur investissement depuis longtemps et continuant d'être affrétés par les compagnies.
En matière de construction navale, la France dispose de capacités de production importantes et d'une main-d'oeuvre qualifiée capable de concevoir, à l'exemple des chantiers navals de Saint-Nazaire, des pétroliers et des chimiquiers compétitifs et performants.
Nous attendons du conseil des ministres européens qu'il se prononce, le 5 décembre prochain, en faveur du retour des aides publiques à la commande, afin de mettre un terme à la concurrence déloyale exercée en ce domaine par la Corée, le Japon ou les Etats-Unis.
Nous savons, monsieur le ministre, que vous oeuvrerez dans cette direction. Nous attendons de vous que vous demeuriez extrêmement vigilant face à la directive européenne visant la libéralisation des services portuaires, dont certains assurent de manière efficace la protection de nos côtes contre les risques de pollution ainsi que la sécurité des utilisateurs, professionnels et usagers, des ports.
Soyons clairvoyants, ce sont les grandes compagnies d'armateurs et d'affréteurs, les TotalFinaElf, qui ont intérêt à la mise en concurrence des ports et des services portuaires. A l'évidence, les catastrophes écologiques en témoignent, leurs intérêts ne convergent pas avec ceux de l'ensemble de la collectivité.
Ces observations étant faites, je terminerai mon intervention sur un point qu'il me paraît essentiel d'évoquer : le cabotage.
Le développement de l'intermodalité des transports suppose que l'on soutienne d'une manière plus volontariste la promotion de ce type de transport. Outre qu'il participerait à l'aménagement du territoire en permettant d'alléger le trafic routier de fret, il est aussi beaucoup moins coûteux et plus respectueux de l'environnement.
Les 6 millions de francs prévus à cet effet dans le projet de budget sont un premier encouragement à la mise à l'étude des projets de cabotage qu'il conviendra d'amplifier au regard de la demande des porteurs de projets.
Monsieur le ministre, ce budget consacré à 75 % à l'ENIM laisse 25 % à la sécurité des transports maritimes, au contrôle, aux CROSS, aux phares et balises, à la sécurité portuaire, à la formation, à la protection du littoral, à la modernisation des ports et à l'emploi.
Sans porter préjudice à l'ENIM, ces 25 % méritent d'être largement abondés si nous voulons relever les défis de demain. Avec ce budget, vous avez pris les bonnes orientations. Il conviendra désormais de donner à la mer les moyens qu'elle mérite. Pourquoi pas un nouveau ministère à part entière pour ce domaine essentiel ?
Le groupe communiste républicain et citoyen soutient pleinement votre action, monsieur le ministre, et votera donc ce projet de budget.
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre examen du projet de budget de la mer se révèle a priori délicat, en raison d'une modification de la structure des crédits de son ministère de rattachement.
En effet, leur montant total semble en forte diminution, puisqu'ils baissent de 8,2 % : 940 millions d'euros, soit 6,166 milliards de francs, mais ils sont en fait presque stables, avec moins d'un demi-point de repli consécutif à une hausse de 2,36 % entre 2000 et 2001.
L'explication réside dans le transfert de charges de personnel du budget de la mer à celui des services communs du ministère de l'équipement.
Il ne semble pas que cette décision ait fait l'unanimité, dans la mesure où elle empêcherait, à l'avenir, de distinguer quels sont les personnels spécifiquement employés pour les missions relatives à la mer.
J'attends de nos débats qu'ils vous permettent, monsieur le ministre, de rassurer ceux qui craignent que cette restructuration ne préfigure le retour à la situation qui prévalait voilà vingt ans.
D'ailleurs, la lisibilité de l'effort de l'Etat en faveur du secteur maritime demeure limitée, car certains crédits figurent dans les budgets de la recherche, de la défense ou de l'économie et des finances.
Au total, les sommes consacrées directement ou non à la mer dépassent les dix milliards de francs, soit un milliard et demi d'euros.
En outre, une autre particularité de ces crédits réside dans l'ampleur de la part du régime de protection sociale spécifique, à travers l'Etablissement national des invalides de la marine, qui représente les trois quarts de ce budget, et dont la subvention est en repli de 3,33 %, cette diminution étant compensée par une dotation du régime général.
Cela ne doit pas occulter l'effort consenti en faveur de la mer par le projet de loi de finances pour 2002.
En effet, les dotations prévues hors charges de personnel et hors ENIM s'établissent à 232,6 millions d'euros, soit une nette hausse, par rapport aux crédits de même nature en 2001, de 5,47 %.
C'est donc à première vue ce qu'il est convenu d'appeler un bon budget, et l'examen détaillé de ses priorités confirme cette appréciation.
Placées au premier rang des préoccupations de l'opinion et du Gouvernement, la sécurité et la protection de notre littoral bénéficient d'efforts conséquents.
Ainsi, la signalisation et la surveillance maritimes voient leurs moyens accrus de près d'un quart en crédits de paiement, et quarante-deux emplois doivent être créés pour améliorer la sécurité, dont trente-quatre particulièrement consacrés à l'examen des navires, soit une hausse de leur nombre de près de moitié.
De même, les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les CROSS, disposeront de crédits accrus de 38 % pour le renouvellement des radars et l'amélioration de la couverture radio, alors que les phares et balises voient les leurs « bondir » de près de moitié, avec 49 % de mieux.
Mais deux ans presque jour pour jour après le naufrage de l' Erika , la protection du littoral bénéficie d'une sollicitude encore plus grande de la part du Gouvernement.
Les moyens de lutte contre la pollution, particulièrement les barrages flottants POLMAR, ont été complétés, pour atteindre cinquante kilomètres contre trente-sept avant cette catastrophe.
Indépendamment des aspects budgétaires, les plans POLMAR ont été refondus, afin de tirer les enseignements de ce naufrage.
Par ailleurs, la catastrophe a aussi suscité des directives européennes qui ont récemment fait l'objet d'une conciliation réussie.
Enfin, le Gouvernement a su encourager, tant au niveau européen qu'à celui de l'Organisation internationale de la mer, l'accélération de l'élimination des navires à simple coque.
En outre, les subventions accordées notamment dans le cadre des contrats de plan explosent, avec des hausses de 94 % pour les autorisations de programme et de 167 % pour les crédits de paiement.
Il est vrai que la tâche est immense, puisque les phénomènes d'érosion affectent 1 300 de nos 5 000 kilomètres de côtes.
D'un point de vue économique, si les moyens de fonctionnement alloués aux ports autonomes reculent, ceux qui sont destinés aux ports d'intérêt national progressent à nouveau cette année, de sorte que les crédits d'investissement destinés aux ports maritimes sont révalorisés de 11,6 %.
A ce propos, si je salue la dotation de 180 millions de francs pour le projet « Port 2000 » du Havre, il sera sans doute judicieux de ne pas laisser de côté les autres infrastructures portuaires françaises, qui peuvent présenter un intérêt comparable en usant des ressources de l'« interportuarité ».
Je pense notamment à l'ensemble formé par les trois ports de Boulogne, Dunkerque et Calais qui, réunis, constituent le deuxième port de commerce français, le premier port de voyageurs d'Europe continentale et le premier centre européen de transformation des produits de la mer.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, je salue votre décision de confier à l'ingénieur général Rousset une mission en vue du rapprochement de ces trois ports, et j'attends avec une sereine impatience (sourires) les résultats de ses travaux.
Il est vrai que la régression subie en matière d'investissement entre 1993 et 1997 impose actuellement de faire des choix, face aux besoins de nos installations, qui demeurent importants dans toutes les catégories de ports. Les crédits consacrés aux ports témoignent, d'ailleurs, de la volonté du gouvernement actuel de développer ces infrastructures.
A ce propos, de manière spécifique, alors que la disparition des boutiques duty free sur les lignes transmanche affectent, comme prévu, les ports de Boulogne et de Calais, il conviendrait sans doute de mettre en jeu la solidarité nationale à leur profit, conformément aux engagements gouvernementaux.
Toujours d'un point de vue économique, le Gouvernement a décidé de maintenir son soutien à notre flotte de commerce sous trois formes.
Je citerai, tout d'abord, le remboursement de la taxe professionnelle, pour plus de 100 millions de francs ; ensuite, le remboursement de cotisations sociales, qui concernera aussi, désormais, les cotisations d'allocations familiales et de chômage, en contrepartie d'engagements sur l'emploi ; enfin, le dispositif dit de « GIE fiscal », dont ont bénéficié dès le 1er juillet dernier, trente-trois navires pour un montant de 8,6 milliards de francs, ce qui représente un effet de levier particulièrement intéressant.
Toutes ses potentialités n'ont d'ailleurs pas encore été totalement exploitées.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Absolument !
M. Paul Raoult. Il faut, en effet, noter que les banques refusent de devenir propriétaires d'un pétrolier par l'intermédiaire du GIE fiscal afin de ne pas porter la responsabilité objective et illimitée en cas de pollution dans les eaux américaines.
En outre, sans exonérer le ministère de l'agriculture et de la pêche de ses responsabilités en la matière, et tout en reconnaissant les efforts qu'il déploie auprès des autorités européennes, il serait sans doute souhaitable que les chalutiers de pêche industrielle puissent recourir, eux aussi, à ce régime. Là encore, c'est à Bruxelles que réside la solution du problème.
Puisque nous en sommes aux dossiers mettant en jeu l'Union européenne, je suis convaincu que vous serez attentif au sort du programme d'aide au cabotage, ainsi qu'au projet de directive sur les services portuaires concernant, notamment, l'auto-assistance.
Je ne doute pas, à ce propos, que vous soyez conscient des risques que comporte l'autorisation de cette pratique. En effet, un pilote doit très bien connaître le port dont il permet l'accès ; un pilote engagé sur un navire ne pourra pas assurer l'accès du bâtiment à tous les ports dans des conditions de sécurité suffisantes.
Pour conclure sur le volet économique des moyens consacrés à la mer, je noterai avec satisfaction que, globalement, les crédits destinés à notre flotte de commerce progressent de plus de 20 % et que cette aide pourra être étendue aux navires sous registre des Terres australes et antarctiques françaises.
Dans le domaine social, la protection des marins sera améliorée au moyen de mesures d'accompagnement des licenciements, pour un montant de 18 millions de francs. A ce propos, il conviendrait sans doute que les marins artisanaux puissent bénéficier des ASSEDIC.
Je saluerai aussi la mise en oeuvre, moyennant 30 millions de francs, de la cessation anticipée d'activité pour les marins exposés à l'amiante, actuellement ou par le passé.
Plus généralement, il convient de signaler la perspective, pour le tout début de l'année prochaine, de la publication d'un nouveau décret concernant le régime de protection sociale des marins pêcheurs, un demi-siècle après le précédent, qui était devenu, à bien des égards, obsolète.
Enfin, ce budget a pris en compte la réforme de la formation maritime, avec l'adaptation aux nouvelles normes de l'Organisation internationale de la mer, le développement du centre de Nantes et le passage sous statut public des personnels des lycées maritimes.
L'évolution des effectifs est en rapport avec ces impératifs, car soixante-dix neuf emplois sont créés dans ce secteur, dont seize emplois d'enseignant.
Monsieur le ministre, sur ce dossier comme sur les autres thèmes de l'action en faveur de la mer et de ceux qui en vivent, le Gouvernement a su tout à la fois prendre la mesure des enjeux d'un développement essentiel pour notre pays et déployer les moyens en rapport.
Le groupe socialiste votera donc les crédits de la mer.
M. Gérard Le Cam. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
Monsieur le ministre, le sort de notre calendrier est entre vos mains ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de la mer pour 2002 s'élève à 940,1 millions d'euros. Vous avez indiqué dans votre rapport, monsieur Massion, que ce budget, hors crédits de personnel, ne progresse que de 1 % par rapport à la loi de finances pour 2001. La progression est, en fait, bien supérieure : elle s'établit, en effet, à 5,47 %, le budget de la mer hors personnel et ENIM passant de 220,53 millions d'euros l'année dernière à 232,60 millions d'euros en 2002.
Je vous confirme que la baisse de la subvention à l'ENIM n'est que la traduction mécanique de l'augmentation attendue des transferts financiers émanant d'autres régimes dans le cadre du système de compensation liant les divers régimes sociaux. Elle ne traduit nullement une diminution des prestations offertes aux marins.
Au total, cent treize emplois sont créés pour renforcer les services de la mer, dont cinquante au profit de la sécurité maritime et soixante-trois en régularisation des personnels de l'AGEMA, l'association de gérance des écoles de formation maritime et aquacole. Après l'augmentation de soixante-quinze emplois l'an passé, on est loin de l'effort « infinitésimal » décrit par M. le rapporteur pour avis.
Ce budget reprend les quatre grandes priorités qui sont les miennes depuis 1997 : la poursuite du renforcement de la sécurité maritime ; la mise en place d'un véritable service public de la formation maritime, gage d'efficacité et de sécurité ; l'accélération de la modernisation des ports et le soutien à la flotte de commerce au bénéfice de l'activité et de l'emploi ; l'amélioration des conditions de vie et de travail des marins.
Dès mon premier budget, j'avais obtenu une hausse de 30 % des moyens d'engagement en faveur de la sécurité maritime. Depuis lors, cet effort n'a pas cessé et, après avoir augmenté encore de 60 % l'an passé en autorisations de programme, le budget croît, cette année, de 23 % en crédits de paiement.
Comme vous l'avez souligné, monsieur Désiré, ces crédits ne traduisent pas l'ensemble des moyens de l'Etat en faveur de la mer puisqu'il faut compter avec ceux des douanes et de la défense, par exemple pour ce qui est des remorqueurs. La mise en oeuvre d'un tel navire dans les Caraïbes est donc à étudier avec ce ministère, à qui je proposerai de mener une étude de risque sur cette zone.
Les comités interministériels de la mer de février et de juin 2000 ont permis de compléter et de moderniser le dispositif des CROSS, dans le cadre d'un programme pluriannuel. Cela se traduira, en 2002, par une augmentation de 40 % des crédits de paiement par rapport à 2001, permettant, notamment, de mettre en place les premières stations radars de nouvelle génération des CROSS de la Manche et le système de suivi du trafic maritime global.
Le budget pour 2002 permettra la création de trente-quatre postes d'inspecteur de sécurité maritime, portant ainsi leur nombre total à cent quatre, ce qui représente un doublement depuis 1999. Nous nous donnons ainsi les moyens de revenir à l'objectif de 25 % de navires contrôlés fixé par le mémorandum de Paris, et de le tenir. Faute de moyens humains à l'époque où s'est produit le naufrage de l' Erika , le ratio de contrôles de navires n'était que de 14 %, parce que les effectifs n'avaient cessé de décroître avant 1997 ; il faut maintenant, compte tenu du délai de formation des inspecteurs - quatre à cinq ans - rattraper le retard accumulé.
Après les seize emplois du budget pour 2001, les trente-quatre emplois de ce budget sont une réponse à la hauteur de l'enjeu, monsieur Massion. Tous les postes ouverts sont maintenant pourvus. D'ores et déjà, quinze nouveaux inspecteurs, recrutés ces dernières années, seront habilités d'ici à 2002. Les taux de contrôle français seront donc en redressement sensible dès l'année prochaine.
Ces inspecteurs pourront s'appuyer sur un renforcement sans précédent des normes internationales, grâce à l'aboutissement des négociations internationales sur le « paquet » de directives Erika I et sur l'élimination accélérée des navires à simple coque, actions qui sont à mettre au crédit, vous l'avez tous reconnu, de la présidence française.
La signalisation maritime connaîtra une augmentation de 50 % en crédits de paiement, permettant non seulement la poursuite du plan de modernisation des phares et balises, mais aussi la livraison du grand baliseur océanique de Brest, après celle du baliseur côtier du Havre en 2001, et avant celle du baliseur océanique de Dunkerque en 2003.
Après la catastrophe de l' Erika et les tempêtes de décembre 1999, qui ont donné lieu à l'ouverture de crédits spécifiques pour la reconstitution des matériels POLMAR, et pour la réparation des digues de protection des zones littorales habitées, le projet de budget pour 2002 comporte, pour la troisième année consécutive, une forte augmentation des moyens pour la protection et la mise en valeur du littoral : 39 % en moyens d'engagement et 42 % en moyens de paiement.
Dès cet hiver, l'ensemble des stocks POLMAR de barrages flottants ont été reconstitués à un niveau supérieur à celui qui existait avant la catastrophe de l' Erika . Ils atteindront, à terme, un niveau encore supérieur de 50 000 mètres disponibles.
Les efforts entrepris pour renforcer la sécurité seront renouvelés en 2002, grâce à la reconduction, à hauteur de 70,6 millions d'euros, des crédits pour l'entretien des infrastructures portuaires, tout particulièrement pour les dragages d'entretien des accès nautiques. Parallèlement, les effectifs des officiers de port et officiers de port adjoints seront renforcés de sept postes, soit une augmentation des effectifs de 14 % sur les exercices 2001 et 2002.
La formation maritime représente non seulement un gage d'efficacité mais aussi, au-delà, un atout indispensable pour que notre flotte et notre pavillon relèvent les défis qui sont les leurs.
La création, dans ce projet de loi de finances pour 2002, de soixante-dix-neuf emplois supplémentaires, en complément des trois cent quinze postes créés en 2000, permettra de concrétiser, au 1er janvier 2002, la création d'un grand service public de l'enseignement maritime, dans le cadre du passage sous statut public des personnels de l'AGEMA.
Monsieur Oudin, la baisse des crédits d'investissement pour les écoles s'explique par l'importance des reports de crédits et les difficultés rencontrées dans l'exécution des contrats de plan Etat-région l'année passée. Voilà l'explication. Cette baisse ne manifeste donc pas notre désintérêt pour l'enseignement maritime, j'en veux pour preuve le nombre de postes budgétaires que nous consacrons à ce titre. Simplement, nous gérons au mieux les crédits dont nous disposons ; en l'occurrence, des reports se sont produits. J'ajoute que ces crédits seront abondés en cours d'année 2002 par la cession d'actifs immobiliers.
Le développement maritime de notre pays s'appuie sur les ports maritimes et sur la flotte de commerce. Le projet de budget pour 2002 traduit la volonté du Gouvernement de soutenir ces deux maillons essentiels de notre économie maritime qui sont confrontés à une rude compétition internationale.
Les crédits pour le développement des ports maritimes et au soutien à la flotte de commerce battant pavillon français augmentent, en 2002, de 7,3 % en moyens d'engagement et de 9,6 % en moyens de paiement.
Les échanges de marchandises conteneurisées devraient connaître, au cours des prochaines années, une augmentation d'environ 7 % par an. L'accélération de la modernisation de nos ports, pour laquelle les crédits d'engagements ont plus que doublé depuis 1997 - l'augmentation est de 130 % - a pour but de permettre aux ports français de regagner des parts de marchés. Les efforts entrepris en ce sens ont permis, entre autres, le démarrage des travaux de « Port 2000 », au Havre, au titre desquels le projet de budget pour 2002 intègre une dernière tranche de crédits de 27,4 millions d'euros. En complément de ces crédits, l'Etat apportera aussi au port autonome du Havre une dotation en capital de 68,6 millions d'euros qui accompagnera un effort complémentaire des collectivités locales.
Au-delà, hors « Port 2000 », le projet de budget pour 2002 marque une nouvelle revalorisation de 11,6 % des crédits d'investissement destinés aux ports maritimes, au bénéfice autant des ports autonomes que des autres ports relevant de l'Etat. Ces moyens permettront tout à la fois de réhabiliter des infrastructures portuaires de base et de moderniser certains terminaux portuaires dans le cadre des nouveaux contrats de plan Etat-région.
Outre ces investissements, vous savez, monsieur Raoult, quel objectif est le mien : la coordination interportuaire. L'exemple du rapprochement de Boulogne, Calais et Dunkerque, que vous avez rappelé, participe de cette logique et confirme que le Gouvernement n'est pas resté sans rien faire dans ce domaine !
Il convient, en parallèle, de tirer tous les fruits des réformes engagées en matière portuaire, par exemple, dans le domaine de la manutention. A cet égard, monsieur Désiré, Fort-de-France reste effectivement le dernier port d'outre-mer où la réforme de 1992 ne s'est pas concrétisée. J'admets qu'il faut maintenant terminer cette évolution, et je vous confirme que l'objectif est d'aboutir avant la mise en service du nouveau terminal à conteneurs de la pointe des Grives, d'ici à la mi-2002.
En revanche, je partage l'inquiétude de MM. Raoult, Le Cam et Désiré au sujet de la directive portuaire. Si je soutiens évidemment l'objectif de transparence et d'efficacité, je ne peux accepter la rédaction actuelle, qui passe sous silence les enjeux de sécurité, de protection de l'environnement et l'importance des règles de qualification des différents métiers. Elle mène sur la voie que préconise M. Oudin d'une « ouverture des professions portuaires à la concurrence », pour citer l'une des propositions de votre récent rapport sur la politique maritime, monsieur le sénateur.
M. Philippe Marini. Excellent rapport !
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Une profonde réécriture du projet de directive me paraît nécessaire.
L'année 2002 marquera également une nouvelle avancée dans la politique de soutien à la flotte de commerce pour les navires battant pavillon français : les moyens budgétaires progressent de 20,9 %, du fait du remboursement des cotisations familiales et d'assurance chômage au titre des personnels naviguant sur les navires sous registre métropolitain et des départements d'outre-mer.
Ces dispositions, ainsi que le GIE fiscal, ont permis de stabiliser le nombre de navires à deux cent six - j'admets qu'il convient d'aller plus loin -, ce qui permettra de faire croître le nombre des navires et des marins français.
Je précise, monsieur Raoult, que les armements à la pêche disposent également de dispositifs d'aides adaptés. En ce qui concerne les pétroliers, nous cherchons actuellement avec les professionnels et le ministère des finances les dispositions permettant de résoudre les problèmes de responsabilité que pose le système de GIE fiscal au regard des risques de pollution.
De la même façon, monsieur Désiré, monsieur Oudin, nous étudions la possibilité d'adapter notre fiscalité dans le sens que suggère votre proposition de taxe au tonnage.
Un autre aspect nouveau du projet de budget pour 2002 réside dans l'attribution d'une première enveloppe de 0,9 million d'euros pour favoriser la mise en place de lignes de cabotage maritime, élément important d'une politique intermodale des transports dont l'intérêt a été souligné, notamment, par M. Le Cam.
Vous avez voulu, monsieur Revet, insister sur la modestie de ces crédits. Mais il s'agit là d'une première dotation ; elle s'ajoute aux crédits dégagés par l'ADEME et permettra de financer les études de faisabilité des lignes de cabotage. Par ailleurs, nous instaurons un dispositif de soutien à l'exploitation, qui doit recevoir l'aval de la Commission européenne pour ne pas tomber sous le coup de la législation relative aux aides d'Etat. Enfin, j'ai obtenu l'accord de l'Espagne et de l'Italie pour que nous travaillions en commun à la mise en place de liaisons maritimes pouvant se substituer à la traversée des Alpes et des Pyrénées.
Pour terminer, je tiens à évoquer le volet social, qui est très important. Comme je vous l'ai dit en introduction, le régime des marins a connu ces dernières années de nombreuses évolutions positives.
Ainsi que je m'y étais engagé, il est prévu dans ce budget une première dotation de 0,3 million d'euros destinée à apporter une aide aux associations et à verser des avances sur salaire au bénéfice des marins abandonnés dans les ports français. Ce dernier dispositif est mis en place dans l'attente d'un système d'assurance international, étudié par l'Organisation maritime internationale sur l'initiative de la France. Les principes d'utilisation de ces crédits sont en cours de discussion avec les syndicats et les associations.
J'ai signé le 21 novembre dernier, à Paris, un accord de partenariat renforcé avec l'Organisation internationale du travail, l'OIT, portant sur un volet maritime, afin de lancer un programme sur « le travail décent des marins ».
Ce programme complétera ainsi, dans le volet social, les avancées obtenues à l'OMI. Je suis d'accord que, si la loi du profit, la recherche du prix le plus bas et de la complaisance l'emportent, ce sont les hommes et l'environnement qui « trinquent ».
Par ailleurs, le nouveau service public de l'inspection du travail maritime est effectif depuis le 1er septembre 2001, depuis la nomination des premiers inspecteurs et contrôleurs du travail maritime dans les services déconcentrés des affaires maritimes. Ces personnels pourront plus efficacement contrôler et vérifier les conditions de vie et de travail des marins à bord des navires.
Enfin, je me suis attaché depuis 1997 à faire du régime de protection sociale des marins un régime qui rende justice à la dureté de ce métier. Tout en préservant sa spécificité, j'ai pu résorber les retards qu'il présentait par rapport au régime général. Ainsi, cette année, la subvention à l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, intègre non seulement la réforme de l'invalidité que j'ai mise en oeuvre l'an passé, mais aussi la création d'un dispositif de cessation anticipée d'activité pour les marins exposés à l'amiante.
Ce dispositif s'appliquera également aux marins qui, sans être malades, sont, en l'état actuel des connaissances, les plus exposés au risque, à savoir ceux qui ont fait carrière « à la machine », comme on dit, et ceux qui ont été embarqués sur des navires transportant de l'amiante. Ces deux catégories semblent en effet avoir été exposées dans des conditions comparables à celles qu'ont connues les travailleurs de la construction et de la réparation navales.
Naturellement, je suis favorable à voir le champ d'application de cette mesure évoluer s'il s'avérait que d'autres postes de travail ont également été fortement exposés à l'amiante.
La question de la couverture par les ASSEDIC, monsieur Raoult, ne se pose, à mon sens, que pour les marins pêcheurs salariés. J'y suis naturellement favorable, sous réserve d'un accord préalable des partenaires sociaux.
Monsieur Revet, l'effort financier de l'Etat pour le secteur maritime n'est pas une « goutte d'eau ». Il marque au contraire, depuis 1997, une réelle évolution favorable de la politique maritime de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant l'équipement, les transports et le logement.
Je vous rappelle que le Sénat a déjà examiné aujourd'hui même les crédits affectés au tourisme, à l'urbanisme, au logement et aux transports terrestres, à l'aviation et à l'aéronautique civiles.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III : 41 004 185 euros. »

La parole est à M. le rapporteur général, pour une très courte intervention.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Intervention brève, et néanmoins substantielle, monsieur le président !
Monsieur le ministre, il va bien falloir prendre une décision sur l'ensemble de votre budget, puisque nous nous prononçons par un vote global sur les crédits de l'équipement, des transports et du logement.
Je me bornerai à un bref rappel.
La commission des finances, ayant examiné vos budgets, a d'abord observé que les dépenses de personnel et de fonctionnement augmentent fortement, trop fortement à son sens.
Par ailleurs, les investissements lui semblent, dans une large mesure, sacrifiés. (Vives protestations sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Paul Raoult. C'est la meilleure !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ainsi, alors que nous savons qu'en 2000 l'investissement ferroviaire a atteint son point le plus bas depuis dix ans, le ministre nous annonce pour l'année 2002 une hausse, mais ne précise pas comment elle sera financée. Il évoque un financement de 5 milliards de francs provenant de la privatisation, ou plus exactement de l'ouverture du capital d'Autoroutes du Sud de la France, mais il est très difficile de se faire une opinion sur les modalités de préparation et de calcul de cette opération.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Ce seront au minimum 5 milliards de francs !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour les routes, nous savons que le nombre de kilomètres d'autoroute mis en chantier en 2003 doit être de onze. (Sourires.) Voilà une des indications importantes sur lesquelles la commission a médité !
Nous observons que les contrats de plan Etat-région prennent du retard et que de nombreuses liaisons ne sont pas financées. Nous observons encore que rien n'est prévu, en matière de financement autoroutier, pour remplacer le système de l'adossement. Nous observons enfin que le changement de régime fiscal des péages autoroutiers est source de réels problèmes pour les sociétés d'autoroutes.
Tout à l'heure, nous avons traité de l'aviation civile, et nous pouvons nous interroger sur l'étendue de la prise en compte des graves événements internationaux qui se sont produits récemment, malgré les quelques ajouts, les ajustements à la marge auxquels il a été procédé.
Enfin, en matière de logement, le rapporteur spécial, M. Jacques Pelletier, nous a fait remarquer que les subventions d'investissement de l'Agence nationale de l'amélioration de l'habitat étaient réduites d'une centaine de millions de francs.
L'heure ne me permet pas de développer davantage. J'ajouterai cependant, monsieur le ministre, que, en matière de politique de la mer, les efforts sont tout à fait insuffisants, puisque, même si les crédits augmentent, le nombre de navires de la flotte de commerce n'augmente pas ; il est même en diminution.
M. Charles Revet, rapporteur pour avis. Exactement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour l'ensemble de ces raisons - que l'on pourrait développer, mais ce n'est peut-être plus indispensable à ce stade -, vous comprendrez,...
M. Marc Massion, rapporteur spécial. Non !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... monsieur le ministre, je l'espère, que la commission appelle au rejet de l'ensemble des crédits dont vous assumez aujourd'hui la gestion. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre IV : moins 5 513 942 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)



ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 726 595 000 euros ;
« Crédits de paiement : 749 631 000 euros. »
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 2 933 092 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 288 211 000 euros. »
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.

(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 73, qui est rattaché pour son examen aux crédits affectés à la mer, ainsi que l'amendement n° II-60 tendant à insérer un article additionnel après l'article 73.

Equipement, transports et logement

Article 73



M. le président.
« Art. 73. - Le 9° de l'article L. 12 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance est complété par les mots : "ou une allocation de cessation anticipée d'activité versée par la caisse générale de prévoyance des marins en faveur des marins exposés ou ayant été exposés à l'amiante". »
L'amendement n° II-61, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« A. - Compléter l'article 73 par un paragraphe ainsi rédigé :
« II. - L'indemnité de cessation anticipée d'activité versée en application d'une convention collective de branche, d'un accord professionnel ou interprofessionnel, d'un accord d'entreprise, du contrat de travail ou d'une disposition unilatérale de l'employeur aux marins exposés ou ayant été exposés à l'amiante est exonérée d'impôt sur le revenu et exclue de l'assiette des cotisations sociales, de la contribution sociale généralisée et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale. »
« B. - En conséquence, faire précéder le début de l'article 73 de la mention : "I". »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Il est proposé d'exonérer l'indemnité de départ versée par les employeurs aux marins durablement exposés à l'amiante dans les mêmes conditions que l'indemnité versée aux autres salariés dans le cadre du régime général de « préretraite amiante », issu de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Marc Massion, rapporteur spécial. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais je crois pouvoir émettre un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-61, accepté par la commission.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 73, modifié.

(L'article 73 est adopté.)

Article additionnel après l'article 73



M. le président.
L'amendement n° II-60, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
« Après l'article 73, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 26 de la loi n° 96-151 du 26 février 1996 relative aux transports est ainsi rédigé :
« Les marins embarqués sur les navires immatriculés dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises doivent être français dans une proportion minimale définie par voie réglementaire ou, dans des conditions fixées par décret, par un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ou les délégués élus du personnel. Les capitaines ainsi que les officiers chargés de leur suppléance doivent être français. »
« II. - Après le paragraphe II de l'article 81 A du code général des impôts, il est inséré un paragraphe II bis ainsi rédigé :
« II bis. - Les traitements et salaires perçus par les marins du commerce de nationalité française qui ont leur domicile fiscal en France et qui sont employés sur des navires exploités sous pavillon national ne sont pas soumis à l'impôt. »
La parole est à M. Revet.
M. Charles Revet. Cet amendement vise à assouplir la réglementation applicable au pavillon Kerguelen et à encourager les vocations maritimes. Il va dans le même sens que l'amendement présenté par notre collègue Jacques Oudin, visant à insérer un article additionnel après l'article 10, qui concernait la faculté pour nos navires marchands d'être imposés au « tonnage », amendement que le Sénat a adopté.
La première partie de mon amendement tend à assouplir le dispositif relatif à la composition des équipages sous pavillon Kerguelen. Cette innovation pourrait, à très court terme, favoriser la croissance de la flotte immatriculée dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises, et donc l'emploi des navigants.
Dans la seconde partie de mon amendement, je propose une défiscalisation des salaires des navigants, comme cela se pratique en Italie, par exemple. Une telle mesure, si elle était adoptée, donnerait une forte attractivité à cette profession et contribuerait, à n'en pas douter, au redressement général du secteur.
Il est une troisième mesure que je souhaiterais voir adopter, mais qui ne figure pas dans cet amendement - elle aurait été déclarée irrecevable, monsieur le ministre !
Vous seul, en effet, avez la possibilité, en majorant d'environ 9 millions d'euros le chapitre 45-35, article 50, de votre budget, de financer le remboursement aux entreprises maritimes des allocations familiales et des cotisations ASSEDIC, conformément aux recommandations du comité interministériel de la mer du 27 juin 2000. Pour des raisons inexplicables, cette mesure ne figure pas dans le projet de budget pour 2002.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, dont il demande le retrait. Je m'en explique.
La première disposition proposée vise à fixer par voie conventionnelle la proportion minimale de marins français embarqués sur les navires immatriculés au registre des Terres australes et antarctiques françaises, les TAAF. Elle va donc dans le même sens que celle que prépare le Gouvernement en application de la loi n° 2001-503, qui l'habilite à prendre par ordonnance des dispositions réformant ce registre.
Cette partie de l'amendement que vous présentez, monsieur le sénateur, ne peut pour autant être acceptée. En effet, elle n'aurait aucun impact sur le budget de l'Etat et n'a donc pas sa place dans une loi de finances : elle ne pourrait qu'être annulée par le juge constitutionnel. Il s'agit, en d'autres termes, d'un cavalier !
En vous confirmant que le principe de la fixation de la proportion de marins français par voie contractuelle sera prévu par l'ordonnance en cours de préparation, je vous invite, tout en comprenant votre préoccupation, à retirer la première partie de votre amendement.
La seconde partie de l'amendement, elle, aurait un coût financier direct. Je crains donc que cet amendement ne tombe sous le coup de l'article 40 de la Constitution.
La mesure d'exonération que vous envisagez d'étendre aux marins, qui est très dérogatoire par rapport aux principes qui régissent l'impôt sur le revenu, a été instituée afin d'inciter les salariés français à s'expatrier. Cela ne concerne pas les marins, dont les conditions d'exercice ne sont pas, à cet égard, différentes de celles des salariés exerçant d'autres professions qui les éloignent également de leur foyer.
Certains marins qui rentrent tous les soirs chez eux - et c'est le cas aujourd'hui pour la majorité des personnels d'exécution français - pourraient ainsi bénéficier de cet allégement de l'impôt sur le revenu.
Je vous demande donc monsieur le sénateur de retirer votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable sur sa seconde partie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Marc Massion, rapporteur spécial. Comme dans le cas précédent, la commission n'a pas examiné cet amendement. Toutefois, compte tenu des explications de M. le ministre, qui semble prendre en compte les préoccupations de M. Revet, je pense que la première partie de cet amendement pourrait être retirée. Quant à la seconde, elle tombe sous le coup de l'article 40 de la Constitution.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Revet ?
M. Charles Revet. Compte tenu de l'heure, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-60 est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la mer et, par là même, l'examen des dispositions concernant le ministère de l'équipement, des transports et du logement.

5

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de Mmes Danièle Pourtaud, Michelle André, Maryse Bergé-Lavigne, Marie-Christine Blandin, Yolande Boyer, Claire-Lise Campion, Monique Cerisier-ben Guiga, Dinah Derycke, Josette Durrieu, Odette Herviaux, Gisèle Printz, Michèle San Vicente, MM. Claude Estier, Michel Charasse, Roland Courteau, Claude Domeizel, Jean-Pierre Godefroy, Serge Lagauche, Roger Lagorsse, Guy Penne, Bernard Piras, Pierre-Yvon Trémel, Marcel Vidal et les membres du groupe socialiste et apparentés, une proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations fondées sur le sexe.
La proposition de loi sera imprimée sous le numéro 108, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

6

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 4 décembre 2001, à neuf heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2002, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 86 et 87, 2001-2002). - M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Deuxième partie. - Moyens des services et dispositions spéciales :
Agriculture et pêche (et articles 57 à 57 bis, 58, 58 bis, 58 ter, 59 et 60) :
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 3) ;
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (agriculture, avis n° 89, tome I) ;
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (pêche, avis n° 89, tome II) ;
M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (développement rural, avis n° 89, tome III) ;
M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (industries agricoles et alimentaires, avis n° 89, tome IV) ;
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (enseignement agricole, avis n° 88, tome VII).
Budget annexe des prestations sociales agricoles :
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 41) ;
M. Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 91, tome VI).
Intérieur et décentralisation :
Sécurité :
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 28) ;
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (police et sécurité, avis n° 92, tome II) ;
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (sécurité civile, avis n° 92, tome III).
Décentralisation :
M. Michel Mercier, rapporteur spécial (rapport n° 87, annexe n° 29) ;
M. Daniel Hoeffel, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 92, tome I).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque ministère est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits budgétaires pour le projet de loi de finances pour 2002

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits budgétaires et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2002 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2002

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits du projet de loi de finances pour 2002, est fixé au vendredi 7 décembre 2001, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 4 décembre 2001, à zéro heure trente.)

Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD





ERRATA
au compte rendu intégral de la séance du 21 novembre 2001

AUTORITÉ PARENTALE

Page 5328, 1re colonne, 20e alinéa, 1re ligne (amendement n° 39) :
Au lieu de : « référence "83" par la référence "84" »,
Lire : « référence "3" par la référence "4" ».
Page 5341, 1re colonne, 3e alinéa, dernière ligne (amendement n° 128) :
Au lieu de : « 372-1 »,
Lire : « 371-2 ».

ÉLECTION D'UN SÉNATEUR

En application des articles LO 325 et LO 179 du code électoral, M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre de l'intérieur une communication de laquelle il résulte qu'à la suite des opérations électorales du 2 décembre 2001 M. Nicolas Alfonsi a été proclamé élu sénateur du département de la Corse-du-Sud.

MODIFICATION AUX LISTES
DES MEMBRES DES GROUPES
SÉNATEURS NE FIGURANT SUR LA LISTE D'AUCUN GROUPE
(7 au lieu de 6)

Ajouter le nom de M. Nicolas Alfonsi.



Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)


Elaboration des schémas de cohérence territoriale

1211. - 3 décembre 2001. - M. Philippe Nogrix souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'application de la loi n° 2000-1108 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains et plus précisément sur l'article 122-3-II relatif à l'élaboration des schémas de cohérence territoriale : « le périmètre du SCOT délimite un territoire d'un seul tenant et sans enclave. Lorsque ce périmètre concerne des EPCI compétents en matière de SCOT, il recouvre la totalité du périmètre de ces établissements. » Il aimerait savoir si cet extrait d'article doit être interprété comme contenant deux propositions alternatives, la seconde proposition doit-elle être considérée comme une règle dérogatoire à la première proposition exposant le principe général, permettant ainsi aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) auxquels la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 a permis le maintien d'une enclave en leur sein, d'établir un SCOT sur la totalité de leur périmètre.

Conséquences de la création de la holding Alliance

1212. - 3 décembre 2001. - M. Ivan Renar attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences de l'alliance entre les caisses d'épargne et la Caisse des dépôts et consignations. La constitution d'une holding, dénommée Alliance, regroupant les missions essentielles des caisses d'épargne et de la Caisse des dépôts et consignations, qui sera ouverte à terme aux services financiers de La Poste, suscite de nombreuses interrogations et inquiétudes. Tout d'abord, en ce qui concerne l'avenir des salariés mais aussi sur la pérennité des missions de service public de ces établissements qui sont des partenaires privilégiés des collectivités locales. La conception qui sous-entend ce projet est le transfert des activités et des investissements vers la sphère privée. Une telle orientation, qui s'opérerait au détriment de l'intérêt général, est suffisamment lourde de conséquences pour que toute décision effective soit gelée dans l'attente d'un véritable débat national, réunissant tous les intéressés. Non seulement sur l'opportunité de ce projet mais aussi sur la place et le rôle des banques et institutions financières dans notre pays. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser les intentions du Gouvernement à ce sujet.