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DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR LA PLANIFICATION

Mardi 14 novembre 2000

- Présidence de M. Joël Bourdin, président.

Perspectives macroéconomiques à moyen terme (2000-2005) - Examen du rapport d'information

La délégation a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Joël Bourdin sur les perspectives macroéconomiques à moyen terme (2000-2005).

M. Joël Bourdin, rapporteur, a tout d'abord rappelé la finalité de cet exercice auquel, depuis 1982, la délégation se livre chaque année avant la discussion budgétaire. Il a indiqué qu'il s'agissait d'introduire une dimension prospective à moyen terme dans l'analyse des projets de loi à caractère financier (loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale), par la présentation de résultats de travaux réalisés à l'aide de modèles macroéconomiques.

Il a précisé que si, depuis la fin des années 70, le Sénat avait souhaité recourir aux instruments modernes de l'analyse économique, que le Gouvernement utilisait par ailleurs largement pour conduire sa réflexion, ce n'était certes pas pour prévoir l'avenir, mais pour décrire des évolutions cohérentes entre elles, tenter de simuler des " chocs " de politique économique ou sur l'environnement international et, enfin, illustrer les principales tendances à l'oeuvre dans l'économie française et, ainsi, mieux répondre aux questions d'orientation de la politique économique qui se posent aujourd'hui.

Evoquant les perspectives à moyen terme pour l'économie mondiale, M. Joël Bourdin, rapporteur, a illustré la contradiction entre les opportunités, réelles, de croissance mondiale, qui donnent aujourd'hui une tonalité optimiste à la plupart des analyses, et les risques, tout aussi évidents, de crise financière et de niveau durablement élevé du prix du pétrole.

Il a estimé que l'endettement des Etats-Unis, qui résulte de l'attitude des agents privés (ménages et entreprises), qui s'endettent pour acheter des actions, ce qui contribue au gonflement des marchés boursiers, constitue un problème grave pour le court terme. Il a indiqué que le jugement qu'il avait exprimé un an auparavant, selon lequel si un krach boursier aux Etats-Unis s'accompagnait d'une défiance durable envers le dollar, son impact s'en trouverait considérablement accru (du fait d'une hausse, elle-même durable, des taux d'intérêt, et d'une dégradation de la compétitivité européenne), semblait confirmé par une simulation récemment effectuée par le fonds monétaire international (FMI).

Il a considéré que l'évolution à court terme du prix du pétrole était difficilement prévisible, du fait d'incertitudes quant à l'offre et à la demande de pétrole. Il a précisé que, selon une simulation effectuée par l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) à l'aide du modèle multinational MIMOSA, une augmentation de 12 dollars du prix du baril de Brent susciterait une réduction de 0,9 point de la croissance des pays de l'OCDE.

Evoquant les perspectives de croissance européenne à moyen terme, M. Joël Bourdin, rapporteur, a estimé que la " nouvelle économie ", c'est-à-dire une accélération du progrès technique permise par les technologies de l'information et de la communication (les ordinateurs et Internet en particulier, mais aussi d'autres secteurs comme la téléphonie mobile), semblait surtout concerner aux Etats-Unis les secteurs producteurs de ces technologies.

Abordant la question de l'évolution du taux de change de l'euro, il a considéré que celle-ci ne représentait pas un enjeu essentiel pour l'économie européenne. Il a estimé que la dépréciation quasi-continue de la monnaie unique depuis son lancement s'expliquait par le différentiel de croissance entre la zone euro et les Etats-Unis, l'acquisition d'entreprises américaines par des entreprises de la zone euro, et une insuffisance de l'union politique de cette dernière.

Présentant ensuite les perspectives à moyen terme pour l'économie française, M. Joël Bourdin, rapporteur, a considéré qu'elles rendaient généralement une tonalité optimiste, la croissance affichée pour le moyen terme par les principaux prévisionnistes étant comprise entre 2,9 % et 3,8 % par an, alors qu'elle n'a été que de 1,7 % par an entre 1990 et 1997.

Indiquant les principaux résultats de simulations réalisées par l'OFCE à l'aide du modèle e-mod.fr, il a estimé que l'augmentation du prix du pétrole avait eu un impact de - 0,5 point sur l'économie française en l'an 2000, et que si en l'an 2001 le prix du pétrole atteignait le niveau de 25 dollars au mois de juin, et non au mois de février, comme le prévoit le Gouvernement, l'impact sur la croissance française serait de l'ordre de seulement - 0,1 point.

M. Joël Bourdin, rapporteur, a considéré qu'il résultait de ces analyses une inversion nécessaire des priorités de la politique économique : celles-ci ne doivent plus être orientées vers le soutien de la demande, dans la mesure où celle-ci paraît solide, mais vers le soutien de l'offre productive, qui souffre d'une insuffisance de capital et de main-d'oeuvre.

Il s'est interrogé à ce sujet sur l'incidence à moyen terme de la loi sur les 35 heures. Indiquant que, contrairement à ce qu'on observe habituellement en période de reprise, le nombre d'heures travaillées semblait stagner, voire reculer, il a considéré que la mise en oeuvre des 35 heures était en grande partie responsable de ce phénomène.

M. Joël Bourdin, rapporteur, a ensuite présenté les principales tendances des finances publiques. Des projections, réalisées à l'aide du modèle e-mod.fr de l'OFCE, suggèrent qu'après six années de croissance soutenue (près de 3 % par an entre 2000 et 2005), c'est-à-dire un scénario favorable à la résorption des déficits publics, ceux-ci représenteraient encore 0,7 % du PIB en 2005, ce qui est supérieur à l'objectif fixé pour l'année 2003 par le programme pluriannuel de finances publiques (0,5 %).

Il a considéré que ce résultat n'était pas rassurant et que cette situation ne placerait pas l'économie française dans les meilleures conditions pour faire face à une récession. Il a estimé qu'il fallait faire preuve de davantage de prudence en matière de finances publiques, en particulier en ce qui concerne les réductions d'impôts, ces dernières devant être " gagées " par des économies de dépenses correspondantes.

M. Daniel Percheron a estimé que le risque d'augmentation des taux d'intérêt en cas de krach boursier était limité par la réaction qu'adopterait vraisemblablement la Réserve fédérale des Etats-Unis, que l'augmentation du prix du pétrole était une bonne chose du fait de son impact positif sur l'économie de la Russie, que la dépréciation de l'euro favorisait la croissance de la zone euro, et que s'il était nécessaire de mener une politique de l'offre, ceci ne devait pas se faire au détriment de la demande.

Mme Janine Bardou a souligné l'ampleur des incertitudes pesant sur la croissance à moyen terme.

M. Marcel Lesbros s'est interrogé sur le niveau du taux de chômage structurel. En réponse, M. Joël Bourdin, rapporteur, a estimé que celui-ci n'était pas encore atteint, et que certains secteurs devaient voir leur développement favorisé. M. Daniel Percheron a considéré que le coût du travail non qualifié freinait particulièrement en France la création d'emplois dans les secteurs de la distribution, de l'hôtellerie et du tourisme.

La délégation a alors adopté le rapport d'information présenté par M. Joël Bourdin sur les perspectives macroéconomiques à moyen terme (2000-2005).