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- OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)
OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)
Mercredi 30 janvier 2002
- Présidence de M. Jean-Yves Le Déaut, député, Président de l'Office, puis de M. Henri Revol, sénateur, Premier Vice-président
« Evolution du secteur des semi-conducteurs et de la microélectronique ». - Examen de l'étude de faisabilité
L'Office a tout d'abord procédé à l'examen de l'étude de faisabilité de la saisine de la commission des affaires économiques et du plan du Sénat sur l'évolution du secteur des semi-conducteurs et de la microélectronique.
M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur, après avoir souligné que le sujet avait déjà été traité deux fois par l'Office (rapports Mexandeau en 1989 et Descours en 1994), a rappelé que, depuis trente ans, le secteur des semi-conducteurs a mené une course à la puissance miniaturisée en réalisant les prédictions de Gordon Moore, un des fondateurs d'Intel, en vertu desquelles la puissance des composants doublerait tous les 18-24 mois, à coûts constants.
Il a donné deux illustrations de ce mouvement de long terme :
- le prix d'un mégabit électronique, qui équivalait à 75.000 € en 1973 vaut aujourd'hui 5 centimes d'euro, soit une réduction de coût d'un facteur un million ;
- le nombre de transistors sur un microprocesseur de même surface est passé de 2.300 en 1973 à 14 millions en 2001 et devrait approcher les 24 millions en 2003.
Cette course à la puissance miniaturisée, a ajouté le rapporteur, a été un des moteurs de la croissance de l'économie mondiale depuis cette date ; elle a créé de nouveaux objets (ordinateurs, téléphones portables, radios-réveils, télévision haute résolution etc.) qui ont profondément modifié nos comportements sociaux.
Puis M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur, s'est demandé si cette évolution était appelée à se poursuivre car l'avenir du secteur est affecté par deux grandes catégories d'incertitudes, les unes économiques, les autres scientifiques et technologiques.
De là, deux interrogations :
- ééconomiquement, le secteur est-il toujours aussi stratégique à une époque où la plus-value se déporte vers les langages informatiques, les réseaux, les échanges de services et la création de contenus ?
- technologiquement, il est prévu que le phénomène de miniaturisation se poursuive encore une quinzaine d'années, mais au-delà et à une taille de transistor que l'on évalue à 0,02u (au lieu de 0,13u actuellement), les scientifiques savent que l'on se heurtera à des impossibilités physiques sur la filière silicium. Par quoi remplacer cette filière ?
En matière économique, M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur, a exposé que le secteur des semi-conducteurs resterait un secteur central de l'économie mondiale, dont l'importance se mesure plus à son poids stratégique qu'à son chiffre d'affaires. En effet, ce secteur, qui ne représente que 1 % du PNB mondial, a un effet de levier incontestable sur les industries électroniques (environ 4 % du PNB mondial) et les services (environ 18 % du PNB mondial). Et sa diffusion technique est de plus en plus prévalente : la « pervasion du silicium », c'est-à-dire l'incorporation croissante de microprocesseurs dans les objets de la vie quotidienne s'accroît. Si la valeur d'un ordinateur des années quatre-vingt n'était due que pour 15 % aux microprocesseurs, aujourd'hui ce pourcentage atteint 40 %.
La consommation moyenne actuelle est de 50 millions de transistors par habitant de la planète, elle sera d'un milliard de transistors en 2010.
Mais ce secteur, a poursuivi le rapporteur, a aussi ses facteurs de fragilité. Et au premier rang desquels des coûts de développement et de production de plus en plus lourds. Les investissements de recherche et développement technologique y représentent, en effet, 15 % du chiffre d'affaires annuel et les équipements de production 20 %. Et la poursuite de la miniaturisation fait croître ces charges de façon exponentielle :
- en recherche-développement, par exemple, pour les trois entreprises européennes du secteur, les dépenses de recherche-développement sont passées en quinze ans de 250 millions à 2.500 millions d'€.
- en production, une usine de production de disques de « 200 mm » coûte 1,5 milliard de $, en 2003 une usine de disques de « 300 mm » coûtera 2,5 milliards de $ et en 2010 une usine de disques de « 400 mm » coûtera 6 milliards de $, soit plus qu'une centrale nucléaire.
Dans ce contexte, la nécessité de développer des produits sur le long terme (de cinq à sept ans pour une génération de puces) peut aboutir à des décalages avec le marché et, parallèlement, comme la réactivité est essentielle dans le secteur, les ressauts de demande aboutissent à des surcapacités de production, dont les conséquences sont sévères en cas de retournement de conjoncture. A titre d'illustration, en 2001, le chiffre d'affaires du secteur est passé de 200 milliards de $ à 139 milliards de $.
Ces deux caractéristiques, de coûts croissants et de cycles de production heurtés, ont une double conséquence :
- les situations respectives des entreprises se modifient rapidement ;
- et il existe une tendance à la concentration.
Mais, contrairement à une opinion répandue, la France et l'Europe ont réussi à maintenir trois acteurs majeurs dans le secteur : le franco-italien STMicroelectronics, le néerlandais Philips et l'allemand Infineon, qui ne représentent que 10 % du chiffre d'affaires mondial, mais qui occupent des positions plus importantes sur des marchés porteurs (microprocesseurs pour téléphones portables, décodeurs numériques, cartes à puces).
Abordant les défis scientifiques et technologiques du secteur, M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur, a rappelé qu'un consortium de fabricants mondiaux établit régulièrement une sorte de « carte routière » où sont répertoriés, jusqu'en 2014, les principaux obstacles technologiques à surmonter pour poursuivre la miniaturisation des semi-conducteurs, dont :
- la taille de la section des transistors ;
- le maintien des interconnexions dont la conductivité souffre lorsque l'on réduit la taille des transistors ;
- et la résistance à la chaleur.
Actuellement, des limites technologiques non encore résolues sont identifiées vers 2005 à une taille de transistor estimée à 0,07u (contre 0,13u actuellement). Au-delà, et pour arriver à une taille de 0,02u, d'autres améliorations technologiques seront nécessaires.
Puis le rapporteur a exposé que la programmation par ordinateur qui permettait, par exemple, de planifier la répartition des fonctions de 14 millions de transistors sur une « puce » de moins de 2 cm², était encore trop artisanale et pas assez systématique.
M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur, a aussi rappelé que les combinaisons de microprocesseurs devenaient de plus en plus complexes et en a pris pour exemple les cellules des téléphones portables.
S'agissant des défis de long terme, auxquels il convient dès maintenant de se préparer, le rapporteur a exposé que trois filières étaient explorées pour remplacer la filière silicium au-delà de 2015 :
- l'ordinateur moléculaire, qui semble la voie plus avancée, et qui repose sur l'idée d'utiliser des molécules directement comme transistors ;
- les systèmes d'information quantiques, qui ont pour but de tirer parti des facultés exponentielles de calcul (par rapport à un ordinateur classique) des états quantiques ;
- l'informatique ADN, qui utilise les particularités des séquences ADN pour le traitement de l'information.
Il a ajouté que ces filières en étaient encore au stade de la recherche fondamentale et qu'il n'était pas sûr, aux dires des personnes entendues, qu'elles puissent déboucher sur des applications industrielles d'ici quinze-vingt ans.
Puis il a noté que l'étude des perspectives du secteur des semi-conducteurs ne pouvait s'exonérer de celles des interfaces entre ce secteur, les microtechnologies, déjà présentes, et les nanotechnologies à venir.
En conclusion, M. Claude Saunier, sénateur, rapporteur, a présenté trois observations :
- l'importance économique et sociale du secteur des semi-conducteurs croîtra dans les années à venir, d'autant plus que ce secteur est appelé à être associé aux micro et nanotechnologies, qui vont créer de nouveaux marchés dans les quinze prochaines années ;
- les entreprises françaises et européennes implantées en France représentent un atout important dans cette compétition ;
- compte tenu des enjeux financiers et technologiques liés à ce mouvement de long terme, il est de première importance de déterminer si les soutiens directs et indirects des pouvoirs publics français et de l'Union européenne sont pertinents pour relever les défis futurs en matière de recherche fondamentale, de développement technologique mais également de formation.
Puis il a proposé de donner suite à la saisine de la commission des affaires économiques et du plan du Sénat, en reformulant son intitulé comme ci-après pour tenir compte de l'importance nouvelle des micro et nanotechnologies :
« L'évolution du secteur des semi-conducteurs et ses liens avec les micro et nanotechnologies ».
M. Jean-Yves Le Déaut, député, président, a souligné l'importance actuelle et à venir du secteur technologique des semi-conducteurs.
M. Claude Birraux, député, a souhaité que les actes du colloque proposé par le rapporteur soient publiés en annexe du rapport.
Puis l'Office, à l'unanimité des membres présents, a approuvé les conclusions du rapporteur tendant à poursuivre l'étude dont il a été chargé, tout en modifiant son intitulé.
Evaluation de l'ampleur des changements climatiques, de leurs causes et de leur impact prévisible sur la géographie de la France à l'horizon 2025, 2050 et 2100 - Examen du rapport
Puis l'Office a procédé à l'examen des conclusions du rapport de M. Marcel Deneux, sénateur, rapporteur sur l'ampleur des changements climatiques, de leurs causes et de leur impact prévisible sur la géographie de la France à l'horizon 2025, 2050 et 2100.
Après avoir rappelé que la saisine sur ce thème qui préoccupe l'opinion publique émanait du Bureau du Sénat rejoint par le Bureau de l'Assemblée nationale, M. Marcel Deneux, sénateur, rapporteur, a souligné que l'échéance de 2100 n'était pas si lointaine qu'il y paraissait pour des décideurs nationaux ou locaux.
En effet, les grandes décisions d'infrastructures, d'équipements, de constructions diverses, mettant en jeu des investissements importants, sont prises en comptant sur une longévité d'au moins un siècle pour les réalisations évoquées.
Le rapporteur a ensuite insisté sur les contenus mêmes des notions de changement climatique, d'effet de serre et d'intensification de cet effet, seule cette intensification pouvant être attribuée à une cause humaine.
Il a indiqué que trois questions majeures se posaient à propos des risques éventuels de changements climatiques : leur prévention, l'adaptation à ceux-ci et les réparations de leurs impacts.
D'où les négociations internationales menées depuis 1997 sur la lutte contre le réchauffement climatique.
M. Marcel Deneux, sénateur, rapporteur a précisé qu'au-delà de la grande qualité de la communauté scientifique, les décideurs ne pouvaient attendre de celle-ci des réponses à toutes les questions posées par une éventuelle évolution du climat ; d'autant que les connaissances sur les nuages ou les océans demeurent encore aujourd'hui largement empreintes d'incertitudes et requièrent de nombreuses années de recherche à travers de vastes programmes, souvent internationaux.
Il a ensuite a annoncé que, pour prendre en compte l'aspect prioritaire d'une large sensibilisation des décideurs et de l'opinion publique sur les changements climatiques, le rapport devrait paraître simultanément sur support papier et sur support numérique sous la forme d'un double Cd-rom ; ce support permettant de fournir au lecteur non seulement le rapport de l'Office mais une vingtaine de rapports connexes sur le climat, émanant des cercles les plus autorisés (Académie des sciences, Mission interministérielle de l'effet de serre...), le second Cd-rom comprenant les soixante-cinq rapports de l'Office parus de 1985 à 2001.
Puis M. Marcel Deneux, sénateur, rapporteur a noté l'évolution de la communauté scientifique au cours des dix dernières années, toujours dans le sens d'une plus grande certitude sur le rôle joué par l'homme dans le réchauffement climatique.
Il a indiqué que le secteur des transports et celui du résidentiel-tertiaire étaient les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone) tandis que l'élevage émettait du méthane.
Il a rappelé également l'élévation très probable du niveau des océans au cours du XXIe siècle.
En conclusion, M. Marcel Deneux, sénateur, rapporteur a proposé à l'Office l'adoption de recommandations générales, dont une trentaine de recommandations prioritaires, ainsi que de préconisations relatives à la vie quotidienne.
A la suite de cette présentation générale, M. Henri Revol, sénateur, premier vice-président, s'est demandé s'il existait un consensus des milieux scientifiques sur le rôle de l'homme dans le réchauffement climatique et si ce réchauffement ne s'inscrivait pas plutôt dans un cycle naturel d'évolution du climat.
M. Marcel Deneux, sénateur, rapporteur, a confirmé que le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, le GIEC (ou IPCC, en anglais) qui mène des travaux sur ce thème depuis 1988, venait de remettre à l'automne 2001 son troisième rapport et avait maintenant désigné sans ambiguïté l'homme comme responsable de l'intensification de l'effet de serre.
Il a ajouté que ce réchauffement, d'origine anthropique, s'inscrivait dans un cycle général de refroidissement qui devrait culminer dans 70 000 ans.
A une question de M. Serge Poignant, député, sur l'impact de l'élévation du niveau de la mer sur les côtes françaises (trait de côte, érosion des falaises...), notamment à la suite de publications de cartes dans divers organes de presse, le rapporteur a précisé que nombre des cartes publiées indiquaient des rythmes et des niveaux d'élévation de la mer peu vraisemblables et, généralement, très exagérés. En effet, les experts du GIEC évoquent, au cours du XXIe siècle, une hausse oscillant entre 45 à 95 cm en moyenne et non plusieurs mètres.
Dans une seconde réponse à M. Serge Poignant, sur les dérèglements climatiques entraînant les cyclones, le rapporteur a précisé que le réchauffement climatique était susceptible de modifier les rythmes des pluies, leur abondance et leur localisation. De plus, sans pouvoir établir de lien direct entre réchauffement et multiplication des phénomènes extrêmes, il a estimé qu'il serait avisé de prévoir des mesures de protection civile nouvelles face aux événements extrêmes.
M. Henri Revol, sénateur, premier vice-président, a rappelé que bien des phénomènes climatiques extrêmes étaient qualifiés de « jamais vu », de « sans précédent », souvent parce qu'ils excédaient la capacité de mémorisation d'une génération et, que, même un événement marquant survenu il y a quatre-vingt-dix ans, pouvait être oublié, comme les deux tempêtes de décembre 1999 l'ont montré en maintes régions.
M. Marcel Deneux, sénateur, rapporteur, a rappelé que le climat de la terre était variable, par définition, mais que les inquiétudes actuelles portaient sur la rapidité du rythme de l'évolution en cours causée par les agissements de l'homme, la portée planétaire du problème incitant à créer une Agence mondiale de l'Environnement.
Après avoir félicité le rapporteur pour la grande qualité de son étude, M. Gérard Miquel, sénateur, a tenu à rappeler l'atout que le nucléaire représente pour la France et, par ailleurs, les difficultés qui ne manqueraient pas de survenir pour installer des éoliennes en grand nombre.
Le rapporteur a précisé à ce sujet que même un programme ambitieux en faveur des énergies renouvelables ne permettait pas de fournir plus de 15 % des besoins en énergie du pays.
M. Serge Poignant, député, et M. Henri Revol, sénateur, premier vice-président, ont joint leurs félicitations à celles exprimées par leur collègue, et M. Henri Revol a rappelé à quel point ce rapport était attendu en espérant que le nouveau mode de diffusion choisi, le Cd-rom, permette de toucher un public aussi large que possible, objectif auquel il attachait le plus grand prix.
Les recommandations du rapport ont alors été adoptées à l'unanimité des membres présents.