Mission commune d’information
sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle
La formation professionnelle en Allemagne :
Le système dualiste
En République fédérale d’Allemagne, la formation professionnelle a lieu parallèlement dans l’entreprise et dans un centre de formation professionnelle. En fonction du principe du système dual, l’entreprise se charge de la formation pratique alors que le centre de formation, que l’apprenti fréquente en général un ou deux jours par semaine, délivre une formation complémentaire, à la fois théorique dans le champ professionnel et en matière d’enseignement général. Ce régime repose sur le fait que l’apprenti acquiert à la fois l’expérience professionnelle nécessaire et les connaissances générales et aptitudes théoriques utiles. La formation se déroule largement dans les conditions dans lesquelles la profession apprise sera exercée dans la pratique. Ce n’est que dans l’entreprise, en effet, que l’apprenti peut,d’une part apprendre à répondre aux exigences changeantes de la véritable situation professionnelle, d’autre part, se rendre compte de la multiplicité des relations sociales qui structurent le monde du travail. L’apprenti peut utiliser les connaissances et aptitudes qu’il a acquises, dans des missions professionnelles concrètes et dans des conditions réelles. Il se rend directement compte du succès de ses efforts.
I - La loi sur la formation professionnelle
Conformément au rôle joué par les entreprises dans la formation, les normes et les règles relatives à cette formation ont été établies par les organismes d’autogestion économiques, donc en premier lieu par les Chambres de commerce et d’industrie. Ce n’est qu’en 1969 que le Parlement allemand a adopté une loi sur la formation professionnelle qui regroupa les quelques dispositions comprises dans d’autres lois et qui conféra force légale à beaucoup d’éléments qui relevaient jusque-là du droit statutaire des Chambres de commerce et d’industrie. Le système de formation lui-même n’a pas été modifié par cette loi. En 2005, la loi a été amendée complètement.
Cependant, la loi sur la formation professionnelle ne règlemente pas seulement la formation des jeunes à la suite de leur scolarité générale. Elle aborde en effet, sous le terme de formation professionnelle, la formation continue et l’adaptation à l’évolution des métiers. Conformément aux compétences définies dans la constitution, la loi sur la formation professionnelle ne s’applique pas aux centres de formation, qui se trouvent sous la tutelle des différents Länder. La formation professionnelle, dont les entreprises sont considérées comme le principal pilier et qui repose sur le principe fondamental du « learning by doing », implique que son régime juridique ne repose pas seulement sur la législation relative à la formation, mais aussi sur un grand nombre d’éléments relevant du droit du travail. C’est ainsi que les relations juridiques entre l’entreprise et l’apprenti sont fondées sur un contrat de formation de droit privé auquel s’applique le régime du contrat de travail, dans la mesure où d’autres prescriptions ne s’y opposent pas. Il y a donc en principe liberté contractuelle. Chaque entreprise décide elle-même si elle veut former des apprentis et avec qui elle veut conclure un contrat de formation. C’est également le cas pour le jeune. Il n’y a pas de formation obligatoire, ni pour les entreprises, ni pour les jeunes. Il n’existe pas non plus de formation dirigée, mais seulement une orientation professionnelle et une intermédiation des agences pour l’emploi pour la répartition des places d’apprentissage.
II - La formation et le marché du travail
Les capacités en places d’apprentissage et les besoins en personnel qualifié sont, dans ce système, étroitement liés. Il n’est pas nécessaire d’avoir recours à des plans nationaux, ou même régionaux. En effet, les décisions prises par les différentes entreprises s’appuient sur leurs besoins en générations professionnelles nouvelles et s’additionnent pour former les besoins globaux. Elles représentent ainsi conjointement le besoin global de formation. Il ne peut donc y avoir d’erreurs fondamentales de programmation. En outre, il existe des échanges constants entre les entreprises formant des apprentis et celles qui n’en forment pas, si bien que le marché du travail procède aux corrections nécessaires des décisions prises par chacune des entreprises. Ce type de coordination entre le système de formation et celui de l’emploi est jugé extrêmement efficace. Les rapports étroits entre la formation et l’entreprise ont aussi des conséquences en ce qui concerne le financement de la formation. Celui-ci est à la charge de l’entreprise. Autrement dit, les coûts occasionnés par la formation représentent des frais généraux et entrent dans le calcul des prix de revient.
III – Mise en œuvre de la formation professionnelle
Bien que l’entreprise soit libre de décider si elle veut former des apprentis ou non, la formation elle-même doit obéir à certaines règles, concernant notamment les contenus de la formation. La loi sur la formation professionnelle, amendée en 2005, précise que « la formation professionnelle doit donner, dans un déroulement régulier, les aptitudes, les connaissances et les capacités spécifiques (capacités professionnelles d’agir) nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle qualifiée dans un monde du travail en évolution. Elle doit en outre permettre à l’apprenti d’acquérir l’expérience professionnelle nécessaire ». Le ministre fédéral compétent doit donc, pour préciser les bases d’une formation homogène édicter des codes de formation fixant la dénomination de la profession envisagée, la durée de la formation (entre deux et trois ans en général) ainsi que les aptitudes, les connaissances et les capacités que doit acquérir l’apprenti pendant sa formation. Chaque entreprise est tenue de procéder à la formation professionnelle sur cette base, de façon méthodique et structurée par périodes et par matières. Cette structuration de la formation professionnelle par matières et par périodes doit être reprise dans le texte du contrat de formation. Pour aider les entreprises à établir ce plan de formation relatif au contrat individuel de formation, des instructions concernant la structuration par matières et par périodes sont publiées en annexe des codes de formation. Ces derniers temps, les teneurs de la formation sont formulés sous forme d’objectifs à atteindre. Il est toutefois décisif ici de trouver des libellés mettant bien en évidence que la formation au sein de l’entreprise est caractérisée par la collaboration. Il n’est donc pas nécessaire de reprendre des catégories d’objectifs dans le genre de celles établies par les sciences pédagogiques. Il vaut mieux utiliser des notions que le formateur puisse également comprendre.
IV – Trois cent cinquante Professions agréées
Il existe actuellement en Allemagne environ 350 professions agréées dans le cadre de la formation professionnelle, qui préparent à plus de 15 000 activités professionnelles. Cela signifie que ce n’est qu’à la suite de la formation que la spécialisation se fait, mais que le jeune, grâce à sa formation, est en mesure de faire son choix entre plusieurs activités. Sa mobilité est grande, d’autant plus que la formation dans l’entreprise lui donne des qualifications dont il peut tirer parti partout et qui ne sont pas directement liées à des aptitudes spécifiques. Les codes de formation revêtent une importance primordiale pour le système allemand de la formation professionnelle. Les entreprises collaborent activement à leur élaboration. Pour sa préparation, le ministre fédéral compétent a recours à l’Institut fédéral pour la formation professionnelle qui fait appel aux conseils des groupes de travail d’experts des différentes activités professionnelles désignés par les organisations nationales de l’économie et des syndicats. On s’efforce dans ces discussions, souvent fort longues, de trouver une moyenne pour les différentes situations existant dans les entreprises.
V - Coordination entre l’entreprise et le centre de formation professionnelle
Le système dualiste de formation pose un problème important en ce qui concerne la répartition des contenus de formation entre l’entreprise et le centre de formation. L’objectif est de déterminer qui est le mieux susceptible d’apporter certaines connaissances à l’apprenti. Le schéma fondé sur la séparation : pratique dans l’entreprise/théorie à l’école, ne répond plus à la situation et aux exigences actuelles.
Par ailleurs, les différentes compétences, fixées par la Constitution, en matière de formation professionnelle (les entreprises dépendent du ministère fédéral de l’économie et les centres de formation professionnelles dépendent des ministres de la culture des Länder) rendent la coordination difficile.
VI - Qualification des entreprises
La nécessité de tenir compte des différences entre les entreprises pour l’établissement des codes de formation ne signifie pas que chaque entreprise doive être en mesure de former des apprentis. Certaines entreprises qui ne peuvent former des apprentis en raison de leur structure, de leur forme, de leur degré de spécialisation, de leur programme de production, de leur offre en services, de la structure de leur personnel, etc. Par suite de l’évolution technique des contenus toujours plus complexes des formations, surtout industrielles, il est devenu nécessaire pour un grand nombre de professions d’enseigner certaines choses, surtout les aptitudes dites de base, sans lien direct avec la production, donc sous forme de cours. Pour cela, les grandes et moyennes entreprises ont créé des ateliers spécifiques de formation. Pour les entreprises qui, en raison de leur taille, ne peuvent se permettre de telles installations, les Chambres de commerce et d’industrie et les Chambres syndicales ont créé des ateliers de formation interentreprises. Ces ateliers ne peuvent que compléter, et non remplacer, la formation dans l’entreprise, étant donné qu’ils ne présentent pas les avantages déjà évoqués de l’entreprise, mais qu’en général ils ne font que simuler la pratique.
Chaque apprenti doit fréquenter le centre de formation professionnelle, parallèlement à sa formation dans l’entreprise, à raison de douze heures de cours par semaine. Il s’agit de centres publics. Leur enseignement est principalement axé sur la profession envisagée et il est donné en général dans des classes spécifiques pour une profession.
VII - Missions des Chambres de commerce et d’industrie
Les Chambres de commerce et d’industrie ont plus précisément, dans la formation professionnelle, les importantes missions suivantes :
1. Aider et contrôler la formation
L’une des principales missions des Chambres de commerce et d’industrie est de donner aux entreprises formant des apprentis des conseils sur tous les problèmes de formation, par exemple les professions possibles, la forme à donner à la formation, le recours à des moyens d’enseignement ainsi que les questions pédagogiques, psychologiques et juridiques. Les apprentis sont également conseillés par les Chambres de commerce et d’industrie. Toute entreprise désirant former des apprentis doit remplir certaines conditions en ce qui concerne sa qualification pour cette mission. L’entreprise doit offrir, dans sa structure, son programme de production ou son offre de services, les conditions nécessaires pour donner à l’apprenti les connaissances et aptitudes prescrites.
De même, les apprentis et les instructeurs doivent remplir certaines conditions au niveau personnel, professionnel et pédagogique (pédagogie professionnelle et pédagogie du travail). Les Chambres de commerce et d’industrie exercent un contrôle préalable, avant le début de la formation, et un contrôle régulier, au cours de la formation, du respect de ces conditions. Ce contrôle se base sur le registre des contrats de formation, géré par la Chambre de commerce et d’industrie et qui doit faire apparaître chaque contrat de formation conclu. Les Chambres de commerce et d’industrie disposent de collaborateurs, les conseils en formation, dont la mission spécifique est de conseiller et de contrôler les entreprises formant des apprentis.
2. Les examens intermédiaires et finaux
En règle générale, chaque apprenti doit passer un examen intermédiaire pendant sa formation. Cet examen sert à constater son niveau de connaissances. C’est un jury institué par la Chambre de commerce et d’industrie qui le fait passer.
A la fin de sa formation, chaque apprenti passe un examen final destiné à prouver la qualification professionnelle qu’il a atteinte. Les Chambres de commerce et d’industrie instituent pour cela des jurys composés d’au moins trois membres : un nombre égal de délégués des employeurs et des employés et au moins un enseignant d’un centre de formation. Pour le déroulement de l’examen, le comité de formation professionnelle de la Chambre, composé de façon paritaire de délégués des employeurs et des employés ainsi que d’enseignants des centres de formation, qui ont voix consultative, doit décréter un règlement des examens. Celui-ci règle l’admission, la structure de l’examen, les critères de jugement, la délivrance des certificats, les conséquences d’infractions au règlement et l’examen de rattrapage. Le niveau exigé pour l’examen est fixé par les codes de formation. Selon les professions, il peut prévoir un examen des aptitudes et/ou un examen des connaissances. L’examen des aptitudes exige des spécimens des travaux réalisés par l’apprenti et/ou des œuvres réalisées pour l’examen. L’examen des connaissances est un examen écrit et/ou oral.
Lorsque l’apprenti a été reçu à son examen, il obtient un certificat de la Chambre de commerce et d’industrie. Ce certificat n’est pas l’attestation d’un droit. Son rôle est surtout de prouver que le jeune est apte à exercer une activité professionnelle déterminée. Mais il représente aussi la base de son avancement et de sa réussite professionnelle. Un résultat positif à l’examen final est la condition de règle pour être admis aux examens de maîtrise et à de nombreux autres examens supérieurs. Il est également exigé pour prouver l’aptitude de son détenteur à former des apprentis dans toute une série de secteurs professionnels et économiques et souvent aussi pour faire valoir ses droits aux prestations prévues par les conventions collectives.
3. La formation continue
Les Chambres de commerce et d’industrie peuvent faire passer des examens pour assurer la base d’une formation continue homogène. Les comités de formation professionnelle adoptent pour cela des dispositions spéciales règlementant la teneur, l’objectif, le niveau, la procédure et les conditions d’admission à ces examens. La Chambre de commerce et d’industrie institue des commissions pour faire ces examens, ces commissions étant soumises aux mêmes règles que les jurys des examens de fin d’apprentissage. Pour uniformiser ces examens de formation continue, le ministre fédéral de la culture et de la recherche peut les règlementer par voie d’ordonnance. Les Chambres de commerce et d’industrie collaborent à l’établissement de ces dispositions par les experts qu’elles désignent.
Toutefois, l’activité des Chambres de commerce et d’industrie dans le secteur de la formation continue ne se limite pas à faire passer des examens. Les Chambres de commerce et d’industrie organisent également des mesures de formation en différenciant la formation d’avancement, qui doit permettre un avancement professionnel, donc d’exercer dans l’entreprise une fonction plus élevée, et la formation d’adaptation qui doit permettre de conserver, d’élargir et d’adapter au progrès technique les connaissances et aptitudes professionnelles. Ces mesures sont en général de courte durée alors que les cours de formation d’avancement englobent en général 500 à 700 heures. En règle générale, seuls ces cours peuvent être conclus par un examen passé devant la Chambre de commerce et d’industrie.
4. Le recyclage
Les Chambres de commerce et d’industrie font passer les examens consécutifs à des mesures de recyclage préparant à une nouvelle activité professionnelle. Elles instituent pour cela les jurys nécessaires. Lorsque ces examens ne sont pas passés dans des professions agréées pour faire l’objet d’une formation, les Chambres de commerce et d’industrie doivent faire adopter par leurs comités de formation professionnelle les dispositions nécessaires relatives à la teneur, à l’objectif, au niveau, à la procédure et aux conditions d’admission.