Naissance :
15/08/1769 - Ajaccio
Décès :
05/05/1821 - Longwood (Ile de Sainte-Hélène)

Elu le 04/08/1802

NAPOLÉON-BONAPARTE, premier consul, consul à vie, empereur, né, selon la date officielle, à Ajaccio (Corse) le 15 août 1769), mais plus probablement à Corte (Corse) le 7 janvier 1768, mort à Longwood (île de Sainte-Héléne-Afrique) le 5 mai 1821, était fils de Charles Marie de Bonaparte et de Maria-Laetitia Ramolino. Son père avait été reconnu noble par arrêt du 18 août 1771; mais, pauvre et chargé de famille, il dut faire d'actives démarches pour placer ses enfants; c'est ainsi qu'il obtint, à la fin de 1778, une entrée gratuite pour l'un d'eux à l'Ecole militaire de Brienne. Cette faveur longtemps attendue ne laissa pas de l'embarrasser alors, car le règlement de l'Ecole en refusait rigoureusement 1 entrée après dix ans révolus, et il était difficile d'en faire profiter le seul de ses enfants qui fût alors dans les conditions d'âge requises, Joseph, que son caractère doux et timide réservait à la prêtrise; le tempérament de Napoléon « qui battait l'un, égratignait l'autre». a-t-il dit lui-môme à Sainte-Hélène, son éducation « pitoyable, avoue-t-il encore, comme tout ce que l'on faisait en Corse », l'avaient au contraire destiné de tout temps à l'état militaire, dans les desseins de la famille, dont on ne peut que reconnaître, en cette circonstance, la perspicacité. Grâce à une simple substitution d'état civil entre les deux frères, fraude assez facile en ce temps-là, Napoléon, rajeuni d'un an, put entrer à Brienne : l'acte de naissance produit à l'Ecole militaire est en effet le seul qui porte la date du 15 août 1769; un acte de naissance de Napoléon délivré à Corte le 19 juillet 1782, son acte de mariage au registre de la mairie du 2e arrondissement de Paris (19 ventôse an IV) portent la date du 7 janvier 1768; d'autre part, on n'a jamais produit d'acte de naissance de Joseph, qui, bien que reporté à Corte, puisque son frère se disait né à Ajaccio, a toujours déclaré, et fait affirmer par ses compatriotes, dans les circonstances nécessaires, qu'il était né à Ajaccio. Napoléon s'embarqua avec son père pour Marseille le 25 décembre 1778. Après trois mois et demi passés au collège d'Autun « où, dit l'abbé Chardon, son professeur, il apprit le français de manière à faire librement la conversation, de petits thèmes et de petites versions », il entra, le vendredi 23 avril 1779, à l'Ecole de Brienne tenue par les Minimes de l'ordre de Saint-Benoît. Sa pauvreté, son air gauche, l'accent fortement italien de son langage et de son nom Napolione, dont ses camarades eurent vite fait un sobriquet: « la paille au nez », imposèrent plus d'une humiliation à ce caractère orgueilleux et vindicatif par nature, et l'obligèrent même à écrire à son père, le 5 avril 1781 : « Je suis las d'afficher l'indigence. Arrachez-moi de Brienne, si la fortune se refuse absolument à l'amélioration de mon sort, et donnez-moi, s'il le faut, un état mécanique... »Il resta cependant, et se destina à entrer dans la marine, suivant les conseils de ses professeurs, Mais des combinaisons de famille en décidèrent autrement, et son père choisit pour lui l'artillerie. Sorti de Brienne le 17 octobre 1784, Napoléon entra, le 23, comme cadet-gentilhomme, à l'Ecole militaire de Paris. Il en sortit en août 1785, avec le n° 42, et ainsi noté : « Réservé et studieux, il préfère l'étude à toute espèce d'amusement.., hautain, extrêmement porté à l'égoïsme, ambitieux et aspirant à tout, ce jeune homme est digne qu'on le protège.» Le 26 octobre, il reçut, daté du 1er septembre précédent, son brevet de lieutenant en second à la compagnie de bombardiers du régiment de la Fère, en garnison à Valence, aux appointements de huit cents livres, plus cent vingt livres d'indemnité de logement, et deux cents livres de gratification annuelle du roi. Tour à tour en garnison à Valence, Lyon (15 août 1786), Douai (17 octobre), il ne cessa de vivre à l'écart, sombre et taciturne, s'occupa d'écrire une histoire de la Corse, et en communiqua les deux premiers chapitres à l'abbé Raynal: « Si vous m'encouragez, je continuerai, lui écrivait-il; si vous me conseillez de m'arrêter, je n'irai pas plus avant.» L'abbé l'engagea sans enthousiasme à continuer, sur des documents plus précis; mais, les affaires de la famille, qui périclitaient en Corse, le rappelèrent auprès des siens, N'ayant pu obtenir de suite le congé qu'il demandait, ennuyé de la vie de garnison, il songea à ce montent au suicide : « Toujours seul au milieu des hommes, écrivait-il, je rentre pour rêver en moi-même et me livrer à toute la vivacité de ma mélancolie. De quel côté est-elle tournée aujourd'hui? Du côté de la mort. » Le congé arriva, fin janvier 1787, et Bonaparte rejoignit sa famille en Corse, d'où il ne revint, sauf un voyage à Paris d'octobre à décembre 1787, qu'en mai 1788, pour rejoindre son régiment alors en garnison à Auxonne. Là il mena une vie assez monotone, et, après les premiers incidents de la Révolution, prévoyant qu'il aurait, dans la surexcitation générale, un rôle à jouer en Corse, demanda et obtint un nouveau congé de semestre (15 septembre 1790), Les événements dont l'île fut le théâtre l'y retinrent jusqu'au 1er février 1791; forcé alors de rejoindre son corps sous peine de destitution, il revint à Auxonne, et, lors de la réorganisation de l'artillerie, fut nommé lieutenant en premier au 4e régiment, ci-devant Grenoble. en garnison à Valence. Lorsque l'Assemblée nationale décréta la formation de quatre bataillons de volontaires corses soldés (août 1791), il demanda d'aller surveiller cette organisation, et obtint un congé de trois mois sans solde; le congé fut prolongé parlai jusqu'au 2 mai 1792; il avait eu le temps de se faire proposer pour le grade de capitaine adjudant-major d'un bataillon corse, et de se faire élire (1er avril 1792) lieutenant-colonel du 2e bataillon à Ajaccio. Mais, sous le coup d'une destitution et d'une accusation de désertion à son corps à Valence, il se décida à se rendre à Paris, où il obtint, à force de démarches, et grâce à l'agitation du moment, d'être réintégré avec le grade de capitaine (brevet du 6 février 1792, délivré le 30 août suivant seulement); il avait vainement demandé d'entrer dans l'artillerie de marine. Quinze jours après, des intérêts de famille le rappelaient de nouveau en Corse. En janvier 1793, il obtint d'être adjoint au corps expéditionnaire chargé d'opérer eu Sardaigne, expédition qui ne réussit pas; il revint en Corse (29 février) où il se déclara contre Paoli en lutte avec les représentants envoyés par la Convention, fut nommé provisoirement par l'un d'eux, Salicetti, inspecteur général de l'artillerie de Corse, et quitta l'île (11 juin 1793), après l'insuccès de 1 expédition française, avec sa famille proscrite par Paoli. Arrivé en France, il rejoignit sa compagnie à Nice (25 juin), et se fit attacher au service des batteries de côte. Il prit part à l'expédition d'Avignon contre les fédéralistes du Midi, et écrivit au retour (29 juillet 1793) le Souper de Beaucaire, curieux exposé de ses idées politiques, et qui fut imprimé aux frais du trésor. Ln mois après, Toulon était traîtreusement livré aux Anglais (nuit du 27 au 28 août 1793). A ce moment, Bonaparte demandait à aller à l'armée du Rhin; le ministre le destinait à l'armée de Nice; une blessure du chef d'artillerie Donmartin le fit maintenir par les représentants Gasparin et Salicetti à l'armée chargée de réduire Toulon, avec le grade de chef de bataillon au 2e régiment d'artillerie (19 octobre). Nous n'avons pas à retracer ici la merveilleuse carrière militaire qui commence à la prise de Toulon; l'incontestable génie militaire de Napoléon est en dehors de notre sujet, et, de l'épopée consulaire et impériale, nous n'avons à retenir que le côté politique. Au lendemain de la prise de Toulon, le général Duteil écrivait au ministre de la Guerre: « Je manque d'expressions pour décrire le mérite de Bonaparte : beaucoup de science, autant d'intelligence et trop de bravoure, voilà une faible esquisse des vertus de ce rare officier. C'est à toi, ministre, à les consacrer à la gloire de la République. » Dans la joie du succès de la prise de Toulon, à laquelle le chef de bataillon du 2e d'artillerie avait contribué pour une grande part, Robespierre jeune, en mission à Toulon, le fit passer d'emblée général de brigade (6 février 1794), après l'avoir fait nommer (26 décembre précédent) « inspecteur des côtes depuis les bouches du Rhône jusqu'à celles du Var. » Fin mars, Bonaparte reçut l'ordre de rejoindre à Nice l'armée d'Italie, avec le titre de général commandant l'artillerie et inspecteur général ; il ne joua dans cette campagne qu'un rôle secondaire, et séjourna surtout à Nice. Chargé par Robespierre jeune de réviser le premier plan de campagne, il venait d'étudier la situation à Gênes, quand il apprit à Nice le coup d'Etat du 9 thermidor. Ses relations avec les Robespierre ne pouvaient plus que le compromettre : « Bonaparte était républicain, écrivait plus tard Mlle de Robespierre, je dirai même qu'il était républicain montagnard, du moins il m'a fait cet effet par la manière dont il envisageait les choses à l'époque où le me trou vais à Nice (1794) ». Robespierre jeune écrivait de son côté à son frère le 5 avril 1794 : « Le général Bonaparte, général chef de l'artillerie d'un mérite transcendant, est Corsa, et n'offre que la garantie d'un homme de cette nation, qui a résisté aux caresses de Paoli et dont les propriétés ont été ravagées par ce traître. » Le coup de thermidor avait lourdement retenti partout : les représentants en mission s'empressèrent de dénoncer Bonaparte au comité de salut public, « comme l'homme des Robespierre, leur faiseur de plan auquel il leur fallait obéir. » Suspendu de ses fonctions le même jour (19 thermidor), décrété d'arrestation à Nice le 22, Bonaparte fut emprisonné au fort Carré près d'Antibes. De sa prison, il écrivait à Paris, à Tilly ex-chargé d'affaires de France à Gênes : « J'ai été un peu affecté de la catastrophe de Robespierre le jeune que j'aimais et que je croyais pur; mais fût-il mon frère, je l'eusse poignardé moi-même s'il aspirait à la tyrannie. » On ne pouvait exiger davantage, Remis en liberté provisoire le 3 fructidor, Bonaparte fut nommé, quelques jours après, par Salicetti son compatriote, et l'un des représentants qui l'avaient dénoncé en thermidor, directeur des préparatifs de la nouvelle expédition maritime contre la Corse. L'île était occupée par les Anglais, qui attendirent la flotte française au passage et la dispersèrent: Bonaparte fut désigné alors pour commander l'artillerie à l'armée de l'Ouest (27 mars 1794). Ses notes de service de cette époque portent cette mention: « Cet officier est général de l'arme de l'artillerie, dans laquelle arme il a des connaissances réelles, mais ayant un peu trop d'ambition et d'intrigue pour son avancement, » De retour à Paris (10 mai), il s'y installa, obtint la permission d'y rester quelque temps, et, ayant été versé, le 13 janvier 1795, dans l'infanterie, résolut de ne pas rejoindre, et se fit délivrer, pour prolonger son séjour, des certificats de complaisance de maladie : « Général, mais sans emploi, disait-il à Sainte-Hélène en rappelant ce temps-là, je fus à Paris parce qu'on ne pouvait rien obtenir que là; je m'attachai à Barras parce que je n'y connaissais que lui, Robespierre était mort; Barras jouait un rôle ; il fallait bien m'attacher à quelqu'un et à quelque chose. » Ayant reçu, le 16 août, l'ordre formel de se rendre à son poste, il put, par l'entremise de Barras, se faire attacher au bureau topographique du comité de salut public (21 août). Puis il se mit sur les rangs pour faire partie de la mission militaire envoyée au sultan pour la réorganisation de l'artillerie turque; mais, le jour même (15 septembre) où sa commission était présentée à l'approbation du comité de salut public, celui-ci le destituait, « attendu son refus de se rendre au poste qui lui a été assigné. » Il était sans emploi et presque sans ressources, lorsque, le 2 octobre au soir, il fut mandé par Barras, pour lui servir de second dans le commandement des troupes destinées à défendre la Convention contre les sections (13 vendémiaire). Bonaparte mitrailla les royalistes sur les marches de Saint-Roch, et la Convention, reconnaissante d'avoir été sauvée, le nomma, le 4 octobre, général en second de l'armée de l'intérieur; douze jours après, il recevait le brevet de général de division, et, quatre jours plus tard, Barras ayant donné sa démission, il le remplaçait comme général en chef de l'armée de l'intérieur. Le 2 mars 179G, le Directoire le plaça, comme général en chef, à la tête de l'armée d'Italie. Le 9, Bonaparte épousa Marie Josèphe-Rose de Tascher de la Pagerie, née le 23 juin 1773 à la Martinique, veuve, depuis le, 23juillet 1794, du vicomte Alexandre de Beauharnais, ancien général en chef de l'armée du Rhin. Les témoins de Bonaparte étaient Calmelet et le général Le Marois, ceux de Joséphine, Barras et Tallien. Quarante-huit heures après la cérémonie civile, Bonaparte quittait sa femme et Paris pour rejoindre son quartier général à Nice. Les victoires de Montenotte, de Millésime, de Mondovi, de Lodi, de Castiglione, de Roveredo, d'Arcole, dépassèrent les espérances qu'avait données le jeune général, et excitèrent l'envie de ces collègues. Beurnonville écrivait, de Mulheim, à Kléber, le 5 novembre 1796 : « Notre héros de 25 ans qui, avec 30,000 hommes constamment éternels, a déjà détruit quatre armées, pourra avec toutes ses forces, on prenant Mantoue, re prendre ses équipages de siège qu'il n'a pas avoué lui avoir été pris. Par cette mesure, on ne perdra pas deux superbes armées pour conserver la sienne, qui a été an moins mangée trois fois, et qui ressemble à la lame du couteau de Jérôme Pointu, qui a déjà usé trois manches et qui est encore toute neuve. » Lors des élections royalistes de l'an V aux Conseils des Anciens et des Cinq-Cents, Barras, Rewbell et La Réveillère, trois des cinq directeurs, songèrent à un coup d'Etat militaire et firent des ouvertures à Hoche, à Moreau et à Bonaparte. Celui-ci voulait se faire nommer directeur, aussitôt la paix signée en Italie, et, comme il n'avait que 28 ans, et que la Constitution en exigeait 40, il comptait faire proposer aux Cinq-Cents de déclarer éligible le vainqueur d'Italie. Le coup d'Etat de fructidor renversa ses projets, et Bonaparte en montra de l'humeur; de retour à Paris, après la paix de Campo-Formio, « il parlait, dit La Reveillère, de se retirer à la campagne, ardemment occupé à cultiver son champ; il se refusait à toutes fonctions. Il y en a une cependant, disait-il, dont le nom seul fait une douce impression sur mon cœur, celle de juge de paix. » - « Je savais cependant, disait plus tard Napoléon à Sainte-Hélène, qu'il fallait fixer l'attention pour rester en vue et qu'il fallait pour cela tenter des choses extraordinaires, parce que les hommes savent gré de les étonner. C'est en vertu de cette opinion que j'ai imaginé l'expédition d'Egypte.» Pendant que Bonaparte promenait ses soldats victorieux des Pyramides au Mont-Thabor, le Directoire achevait de se déconsidérer dans l'opinion. Tout le monde pensait alors ce que le journaliste Suleau écrivait, de Coblentz, dés 1792 : « Le dieu tutélaire que j'invoque pour ma patrie, c'est le despote, pourvu qu'il soit d'ailleurs homme de génie. » Dès le mois de mai 1799, des conscrits et volontaires de Paris attribuaient tout haut nos défaites en Italie à « l'exil » de Bonaparte en Egypte, et, en juillet, Dubois-Dubays, dans un discours aux Cinq-Cents, comparait le général à Miltiade. Bonaparte, qu'inquiétaient aussi des bruits d'une nouvelle guerre continentale, quitta secrètement l'Egypte le 22 août 1799, débarqua à Saint-Raphan (Var) le 9 octobre, et arriva à Paris en soulevant un enthousiasme général. Sieyès (Voy. ce nom) comprit vite le parti qu'on pouvait tirer de ce retour « Au fameux dîner de Saint-Sulpice, dit Grandmaison (Mémoires inéd.), Sieyès présenta aux Français un César et un Pompée, dans Bonaparte et Moreau, qu'il crut sottement pouvoir employer successivement l'un contre l'autre. Des patriotes prédirent dès lors la perte du dernier, et que le général corse réduirait le calotin au silence.» Sieyès fut en effet l'inspirateur du 18 brumaire, et mena sous main la campagne qui conduisit les Conseils à Saint-Cloud. « Bonaparte, dit encore Grandmaison, ne parut d'abord que l'exécuteur et non le chef de la révolution du 18 brumaire; ce ne fut qu'après le succès qu'il neutralisa et écarta de suite le directeur Sieyès ; il joua avec cet homme vain et lâche le rôle qu'Octave avait joué avec Cicéron. » Bonaparte montra, en effet, dans la salle des Cinq-Cents l'indécision d'un agent qui exécute Je plan d'un autre ; son frère Lucien, seul, amena et précipita le dénouement, et ce furent deux grenadiers, Thomas Thouré et Jean-Baptiste Poiret, qui couvrirent le général « de leur corps et de leurs armes, » et le grenadier Suvée qui l'emporta dehors « et le remit à terre, écrivait plus tard ce dernier, la figure blanche comme du linge. » Le 3 nivôse suivant, les Consuls demandèrent et obtinrent pour Thouré et Poiret une pension de 600 livres, en récompense du service rendu le 19 bru maire. L'inspirateur de cette journée, Sieyés, fut nommé l'un des trois consuls provisoires, avec Roger Ducos et Bonaparte, et eut enfin la joie de mettre à l'essai une des nombreuses constitutions qu'il avait élaborées: ce fut la Constitution de l'an VIII. Sieyès ne jouit pas longtemps de sa victoire ; un peu plus d un mois après, il quittait le pouvoir : Napoléon Bonaparte était premier consul; on lui adjoignit Cambacérès et Lebrun. La Constitution de l'an VIII n'était d'ailleurs pas pour lui déplaire ; elle neutralisait, à force de les pondérer, les assemblées électives : « L'influence que Bonaparte devait obtenir sur la formation des listes des candidats et sur le choix dit Sénat, l'avait rassuré sur les dangers de la parole laissée aux tribuns ; d'ailleurs il fallait ce provisoire pour avoir le temps d'habituer notre nation parleuse à voir défendre ses droits par des hommes qui ne parlaient pas. A la suite de l'expédition d'Egypte par saint Louis, nous avions eu les Quinze-Vingts aveugles; Bonaparte, après une campagne semblable, trouva peut-être plaisant de nous donner les (Quinze-Vingts muets. » (Ms. Grandmaison.) Du reste le Tribunat fut supprimé dès qu'il ne sut pas éviter de devenir gênant. Réduit à 50 membres le 4 août 1802, il disparut le 19 août 1807: « Voilà ma dernière rupture avec la République, » dit Napoléon à cette occasion. La Constitution de l'an VIII subit, au surplus, bien d'autres révisions. L'arrivée du premier Consul au pouvoir avait rassuré beaucoup d'intérêts ; la bienveillance témoignée aux émigrés qui rentraient en foule, le désir évident de les rallier au nouveau régime dont ils célébraient d'ailleurs à l'envi la justice et la grandeur (voir toutes les requêtes eu radiation aux Arch. Nat.), avaient éveillé d'autres ambitions, et Louis XVIII crut le moment venu de proposer au jeune général la restauration de la vieille monarchie. La réponse de celui-ci, datée du 7 septembre 1800, fut péremptoire : « J'ai reçu, Monsieur, votre lettre. Je vous remercie des choses honnêtes que vous m'avez dites. Vous ne devez pas souhaiter votre retour en France, il vous faudrait marcher sur cent mille cadavres. Sacrifiez votre intérêt au repos et au bonheur de la France. L'histoire voua en tiendra compte. Je ne suis pas insensible aux malheurs de votre famille; j'apprendrai avec plaisir et contribuerai volontiers à assurer la tranquillité de votre retraite. » Bonaparte n'était alors que sollicité ; lorsqu'il se crut menacé, il fit fusiller le duc d'Enghien dans les fossés de Vincennes ; plus tard encore, au faite de la puissance, il écrivait à Fouché (30 août 1806) : « Il est assez ridicule que le Journal de l'Empire nous parle sans cesse de Henri IV et des Bourbons. Défendez que dans les annonces de livres, ni dans aucun article de journal, on cherche à occuper le public de choses auxquelles il ne pense plus. » Le Concordat du 15 juillet 1801, adopté, les 6 et 8 avril 1802, au Tribunat par 78 voix contre 85, et au Corps législatif par 128 voix sur 249, vint donner à la France la paix religieuse. Bien que Napoléon y eût ajouté de son fait, sous le nom « d'articles organiques », des clauses non consenties par le pape, il n'exigea pas du Saint-Siège tout ce que celui-ci était résigné, paraît-il, à lui accorder: «Puisque je rétablis la religion en France, dit-il à ce propos à M. de Sémonvilles, c'est pour qu'elle soit honorée et respectée; et, si j'exigeais de telles concessions, je déshonorerais le pape et l'Eglise.» Il venait d'être nommé (20 janvier 1802) « président de la République italienne » lorsque fut signée la paix d'Amiens (25 mars). On crut un moment que le premier Consul allait se consacrer aux travaux de la paix ; le 26 avril, un sénatus-consulte porta amnistie pour les prévenus d'émigration non encore rayés des listes; le 8, un nouveau sénatus-consulte réélit Napoléon Bonaparte premier Consul de la République pour dix nouvelles années. Dans sa réponse au message sénatorial, le nouvel élu dit: « L'intérêt de ma gloire et celui de mon bonheur sembleraient avoir marqué le terme de ma vie publique au moment où la paix du monde est proclamée. Mais si vous jugez que je dois au peuple un nouveau sacrifice, je le ferai, si le vœu du peuple me commande ce que votre suffrage autorise. » Le 19 mars, il institua l'ordre de la Légion d'honneur ; le 2 août, un sénatus-consulte organique lui conféra le titre de premier Consul à vie, et cette modification de l'acte constitutionnel, soumise au vote de la nation, fut ratifiée par 3,568,885 oui, sur 3,577,259 votants; le 4, un nouveau sénatus-consulte modifia à nouveau la Constitution de l'an VIII en ce qui concernait le système électoral, « un enfantillage de l'idéologie, disait Napoléon au conseil d'Etat (mars 1829) ; ce n'est pas ainsi qu'on organise une nation. » La nouvelle organisation des collèges électoraux rendit le premier Consul le « grand électeur de la notabilité », a dit Rœderer. Bonaparte aplanissait peu à peu les derniers obstacles au pouvoir suprême, appuyé sur un Sénat dont il choisissait les membres, sur un Tribunat épuré et réduit à 50 noms, sur un Corps législatif dont les choix du Sénat lui garantissaient la docilité. Il tenta, à son tour, en février 1803, d'obtenir de Louis XVIII une renonciation à la couronne, en échange d'un établissement en Italie ; la démarche n'eut aucun succès, et peut-être l'exécution du duc d'Enghien (mars 1804) ne fut-elle qu'un épilogue, à la manière corse, de l'échec de ces négociations. 11 y avait vingt-quatre jours que Pichegru avait été trouvé étranglé dans la tour du Temple, lorsqu'un tribun, Curée, proposa au Tribunat de confier le gouvernement de la République à un empereur et de déclarer l'empire héréditaire dans la famille du premier Consul Napoléon Bonaparte (30 avril 1804). Dès le 27 mars, le Sénat avait voté une « adresse confidentielle » à Bonaparte où il était dit : « Vous fondez une ère nouvelle, mais vous devez l'éterniser, l'éclat n'est rien sans la durée. Tranquillisez la France entière, en lui donnant des institutions qui cimentent votre édifice et prolongent pour les enfants ce que vous fîtes pour les pères. » Le 25 avril, le premier Consul répondait : « Votre adresse n'a pas cessé d'être présente à ma pensée... Je vous invite donc à me faire connaître votre pensée tout entière. » La motion de Curée survint alors le 30 avril, et, le 4 mai, le Sénat vint affirmer à Bonaparte « qu'il est du plus grand intérêt du peuple français de confier le gouvernement de la République à Napoléon Bonaparte, empereur héréditaire. » Le 18, le nouvel empereur accepta solennellement, au château de Saint-Cloud, « le titre, dit-il, que vous croyez utile à la gloire de la nation ». Le lendemain, il nomma dix-huit maréchaux d'Empire, et reçut, le 27, le serment des corps constitués; parmi lesquels le clergé « se dit un historien, par les formules les plus expressives de la servitude hébraïque. » Les grandes dignités de l'ancienne cour furent rétablies à peu près sous les mêmes noms, et la noblesse de l'ancien régime, à laquelle le premier Consul avait rouvert les portes de la France, et qui occupait déjà nombre de préfectures et de hautes situations, s'empressa auprès du nouveau César. Le premier Almanach impérial, celui de l'an XIII (1805), porte, au nombre des chambellans, de Mercy-Argenteau, de Brigode, de Bondy, de Lauriston, de Xaintrailles, etc. ; Mmes de La Rochefoucauld, de Talhouet, de Lauriston, de Serant, etc., se partagent les fonctions de dames d'honneur de Joséphine, dont M. de Galard de Béarn est simple chambellan ordinaire ; et, chaque année grossit le nombre et la qualité des courtisans, si bien que l'Almanach impérial de 1813, le dernier, porte une liste de chambellans qui ne contient pas moins de 85 noms, et qui commence par M. d'Aubusson de la Feuillade, pour finir par M. de Montmorency. Le pape vint lui-même sacrer à Notre-Dame « l'élu du ciel » (2 décembre 1804) ; cinq mois après (26 mai 1805), Napoléon fut couronné à Milan, roi d'Italie, et un sénatus-consulte du 9 septembre rétablit l'usage du calendrier grégorien a partir du 1er janvier 1806. Déjà s'ouvrait la campagne contre la troisième coalition, qui se termina glorieusement à Austerlitz (2 décembre 1805), et qui aboutit à la paix de Presbourg (26 décembre). Le 26 janvier 1800, le Sénat décréta l'érection d'un monument à Napoléon le Grand, et, lorsque l'empereur ouvrit, le 2 mars, la session du Corps législatif, il se montra à la hauteur des triomphes qui lui étaient décernés: « Mes armées, dit-il, n'ont cessé de vaincre que lorsque je leur ai ordonné de ne plus combattre... Il m'est doux de déclarer que mon peuple a rempli tous ses devoirs. ) » Quelques mois plus tard, la quatrième coalition rappelait l'empereur en Allemagne: Iéna, Eylau, Friedland marquèrent victorieusement, les étapes de nos armées dont les traités de Tilsitt (7 et 9 juillet 1807) consolidèrent les succès. Le retour à Paris fut pour l'empereur un nouveau triomphe: « Napoléon, lui dit le premier président Séguier, est au delà de l'histoire humaine; il appartient aux temps héroïques; il est au dessus de l'admiration; il n'y a que l'amour qui puisse s'élever jusqu'à lui. » Lui s'enivrait volontiers de cet encens; n'avait-il pas écrit à Cambacérès (31 mars 1807) en parlant de Junot, son ancien compagnon d'armes : « Junot m'écrit toujours avec du grand papier de deuil qui me donne des idées tristes quand je reçois ses lettres. Faites-lui donc connaître que cela est contraire à l'usage et au respect, et qu'on n'écrit jamais à un supérieur avec le caractère de deuil d'une affection particulière. » Le 19 août, un nouveau sénatus-consulte organique supprima le Tribunat et exigea pour la députation l'âge de quarante ans accomplis. Cette même année vit commencer la funeste guerre d'Espagne. Le 11 mars 1808, un sénatus-consulte institua les titres héréditaires de prince, duc, comte, baron et chevalier, avec faculté de majorats. L'ouverture de la session nouvelle du Corps législatif eut lieu le 20 octobre; un incident extra-parlementaire rompit seule la docile uniformité de la session. En réponse à une adresse que ce corps lui avait présentée le 13 décembre 1808, l'impératrice Joséphine avait dit : « Le Corps législatif, qui représente la nation... » Dès le lendemain, le Moniteur publia ce communiqué : « S. M. l'Impératrice n'a point dit cela. Elle connaît trop bien nos institutions, elle sait trop bien que le premier représentant de la nation, c'est l'Empereur, car tout pouvoir vient de Dieu et de la nation. Dans l'ordre de nos institutions, après l'Empereur est le Sénat ; après le Sénat est le conseil d'Etat, après le conseil d'Etat est le Corps législatif. Le Corps législatif, improprement appelé de ce nom, devrait être appelé Conseil législatif, puisqu'il n'a pas la faculté de faire des lois, n'en ayant pas la proposition. Dans l'ordre de notre hiérarchie constitutionnelle, le Conseil législatif a le quatrième rang. Tout rentrerait dans le désordre, si d'autres idées constitutionnelles venaient pervertir les idées de nos constitution monarchiques, » Ce que devait être, à son gré, le Corps législatif, l'empereur l'avait dit, dans une autre occasion, avec plus de calme: « Le Corps législatif ne doit s'occuper que de l'impôt et des lois civiles générales. La politique intérieure et extérieure ne le regarde pas; le long séjour des députés dans les provinces le rend impropres à ces sortes d'affaires... Je voudrais pour députés des propriétaires âgés qui viendraient tous les ans a Paris, parleraient à l'empereur dans son cercle, et seraient contents de cette petite portion de gloriole jetée dans la monotonie de leur vie. » Le Corps législatif fut renouvelé en partie l'année suivante, en avril 1809. Talleyrand, vice grand électeur, rendit compte à Napoléon, en ces termes, des « opérations électorales »: « J'ai l'honneur d'envoyer à S. M. la liste des nominations du Sénat que j'ai présidé cette semaine, conformément aux ordres de S. M. Je me suis attaché à écarter le nom des personnes qui m'avaient été désignées par le ministre de l'Intérieur, et j'ai eu peu à faire pour remplir sur ce point le devoir de ma charge; il suffisait de faire connaître à quelques personnes les impressions qui m'ont été données et qui ne pouvaient être que des ordres pour tout ce qui a l'honneur d'être serviteur de S. M.» Napoléon était alors aux prises avec la cinquième coalition, qu'il écrasa à Eckmuhl, à Wagram, et à laquelle il imposa (14 octobre) la paix de Vienne. Les corps constitués répondaient, en France, à ses victoires par de nouveaux hommages, qui allaient parfois contre leur but, si l'on en juge d'après cette note curieuse dictée à Duroc par l'empereur, à Schœnbrunn, le 3 septembre 1809 : « L'Institut propose de donner à l'empereur le titre d'Auguste et de Germanicus. Auguste n'a eu que la bataille d'Actium, Germanicus a pu intéresser les Romains par ses malheurs, mais il n'a illustré sa vie que par des souvenirs très médiocres. » De retour à Paris, Napoléon s'occupa de l'affaire de son divorce qui fut prononcé par le sénatus-consulte du 16 décembre 1809, et par l'officialité diocésaine de Paris le 18 janvier 1810; le 7 février suivant furent signées les conventions du mariage de Napoléon avec Marie-Louise, archiduchesse d'Autriche. Un décret impérial du 3 mars fixa les huit prisons d'Etat destinées aux détenus « qu'il n'est point convenable ni de faire traduire devant les tribunaux, ni de faire mettre en liberté » : la détention était prononcée en conseil privé. Cette même année, l'empire français atteignit sa plus grande extension par l'incorporation de la Hollande, que le ministre des Affaires étrangères, dans son exposé des motifs, appelle « comme une émanation du territoire. de la France» (1er juillet); annexion qui fut complétée, le 13 décembre, par celle du Lauenbourg, des villes hanséatiques, etc., et par celle du Valais. Au nom du Sénat, M. de Sémonville pouvait dire dans son rapport: « Le génie le plus extraordinaire qu'ait produit le monde réunit dans ses mains triomphantes les débris de l'empire de Charlemagne. » Ce fut pourtant dans le Corps législatif trié avec tant de sollicitude par M. de Talleyrand, que se manifestèrent (session de 1810) les premiers symptômes d'opposition qui devaient si rapidement grandir. A propos de la refonte du code d'instruction criminelle, un député, M. Lainé, osa Proposer d'ouvrir une discussion sur le projet; la majorité s'y refusa, mais, au scrutin, 80 boules noires appuyèrent la motion de Lainé, L'empereur parut alors indifférent à cette manifestation, décora même M. Lainé, mais imposa aux journaux un silence absolu sur l'incident. Sauf la continuation de l'interminable guerre d'Espagne et la naissance du roi de Rome (20 mars), l'année 1811 ne fut marquée que par la convocation à Paris d'un concile national destiné à régulariser, au refus du pape, l'institution canonique des évêques nommés par l'empereur. Saut trois évêques, qui furent d'ailleurs arrêtés et emprisonnés, l'assemblée se montra docile aux vues de celui qui écrivait (8 octobre 1809) au cardinal Fesch : « Le Saint-Esprit cesserait d'être avec mon clergé, le jour où il tenterait de s'écarter de l'obéissance qu'il me doit. » Tandis que l'année 1812 était marquée à l'extérieur par de brillantes victoires bientôt suivies d'irréparables désastres, à l'intérieur l'insuccès tout fortuit de la conspiration Malet révélait à la fois un profond mécontentement et la faiblesse du colosse impérial, Du fond de la Russie,l'empereur revint à Paris presque en fugitif, le 2U décembre; le Sénat ne l'en félicita pas moins, le même jour sur « son heureuse arrivée ; » la harangue contenait. notamment cette phrase : « le Sénat, premier conseil de l'empereur, et dont l'autorité n'existe que lorsque le monarque la réclame et la met en mouvement... » Le 25, Foutanes, grand maître de l'université, renchérit sur ces adulations : « L'étude des bonnes lettres, dit-il, est fondée sur le bon sens. Le bon sens s'arrête avec respect devant le mystère du pouvoir et de l'obéissance, Il l'abandonne à la religion qui rendit les princes sacrés, en les faisant l'image de Dieu même. » La campagne de Saxe, avec ses alternatives de triomphes et de revers, occupa l'année 1813, et amena les armées ennemies presque jusqu'au Rhin. Le Corps législatif était renouvelable en partie en décembre; mais l'empereur, redoutant l'effervescence des esprits dans les collèges électoraux, fit proroger par un sénatus-consulte (15 novembre 1813) les pouvoirs de la série sortante, supprima la liste des candidats à la présidence, et déféra à l'empereur la nomination du président. Puis, la session ayant été ouverte (19 décembre), l'empereur communiqua au Sénat et au Corps législatif les documents relatifs aux négociations entamées avec les puissances coalisées. La commission élue à l'effet d'examiner les pièces communiquées, fut composée de députés indépendants par leur situation et par leur caractère, et, dans le rapport déposé le 30 décembre, elle demanda que « tout en proposant les mesures les plus promptes pour la sûreté de l'Etat, S. M. fût suppliée de maintenir l'entière et constante exécution des lois qui garantissent aux Français les droits de la liberté, et, à la nation, le libre exercice de ses droits politiques. » L'impression, du rapport fut votée par 225 voix contre 32; mais le ministre de la police, Savary, fit saisir les épreuves, et les communiqua à l'empereur. Le Corps législatif fut immédiatement ajourné (31 décembre), et, à la réception officielle du lendemain, 1er janvier. Napoléon ne dissimula pas son irritation : « Députés du Corps législatif, leur dit-il, vous pouviez faire beaucoup de bien et vous avez fait beaucoup de mal. Votre rapporteur, M. Lainé, est un me-chant homme. Le trône est dans la nation. Quatre fois j'ai été appelé par elle, j'ai un titre et vous n'en avez pas; vous n'êtes que les députés des départements de l'empire... Il faut laver son linge sale en famille... Vous voulez donc imiter l'Assemblée constituante et recommencer une révolution? Mes victoires écraseront vos criailleries... etc. » Puis il partit pour aller disputer pied à pied le sol de la patrie à l'Europe que son ambition avait unie contre nous, Lutte inégale: l'ennemi arriva bientôt sous les murs de Paris, et ce fut une déclaration de l'empereur de Russie qui convoqua, le 1er avril 1814, le Sénat conservateur. Le Sénat nomma un gouvernement provisoire, et, le lendemain, prononça la déchéance de l'empereur, abolit le droit d'hérédité dans la famille Bonaparte, et délia le peuple et l'armée du serment de fidélité. Soixante-dix-sept députés présents à Paris adhérèrent à l'acte du Sénat. Napoléon, forcé d'abdiquer sans condition, partit, le 20 avril, de Fontainebleau, pour aller régner sur l'île d'Elbe. Le 20 mars 1815, il rentrait aux Tuileries que Louis XVIII venait de quitter à la hâle il avait traversé la France en triomphateur. Le 27, le conseil d'Etat le releva de sa déchéance, et annula son abdication. Le 22 mai, Napoléon promulgua l'Acte additionnel aux constitutions de l'empire, où se retrouvent plusieurs dispositions de la Charte de 1814, établit le gouvernement représentatif, et institua deux Chambres ; une Chambre de pairs héréditaires et une Chambre de représentants élus à deux degrés, renouvelable en entier tous les cinq ans. En réalité, cet acte, œuvre hâtive de Benjamin Constant, concession arrachée à Napoléon par la force des circonstances, loin d'être additionnel aux constitutions de l'empire, en était la complète antithèse, La véritable force de Napoléon à ce moment était dans l'élan patriotique, dans les idées de gloire, de revanche, qu'avait réveillées son retour. L'Acte additionnel n'enthousiasma personne, et satisfit à peine quelques politiques. L'empereur ouvrit les Chambres en personne le 7 juin: « Aujourd'hui dit-il, s'accomplit le désir le plus puissant de mon cœur, je viens commencer la monarchie constitutionnelle. » L'assemblée le prit au mot dès la début; elle choisit pour président Lanjuinais, pour vice-présidents La Fayette et Dupont (de l'Eure), qui lui déplaisaient, Cinq jours après, Napoléon alla prendre le commandement de l'armée du Nord, et fut écrasé à Waterloo. Le retour à Paris, l'hostilité des Chambres, la seconde abdication, la fuite, le Bellérophon, Sainte-Hélène, aucune humiliation, aucune amertume ne furent épargnées au « captif des rois ». Il succomba à un cancer de 1 estomac le 5 mai 1821. Ses restes, ramenés en France par le gouvernement de Louis-Philippe, furent déposés en grande pompe aux Invalides, le 15 décembre 1840.