- Naissance :
- 22/081733 - Versailles
- Décès :
- 31/03/1816 - Versailles
- Profession ou qualité :
- Académicien
Elu le 24/12/1799
DUCIS (JEAN-FRANÇOIS), membre du Sénat conservateur, né à Versailles (Seine-et-Oise) le 22 août 1733, mort à Versailles le 31 mars 1816, vit le jour dans une rue de Versailles qui porte aujourd'hui son nom; ses parents, originaires de la Savoie, tenaient un commerce de lingerie et de poterie. Il remplit très jeune encore les fonctions de secrétaire du comte de Provence, et fut attaché ensuite au maréchal de Belle-Isle qui, en 1756, l'emmena avec lui dans un voyage d'inspection des places fortes du royaume. Devenu ministre de la guerre en 1758, le maréchal de Belle-Isle plaça Ducis comme commis dans les bureaux de son département, aux appointements de 2,000 francs. Mais Ducis, tourmenté par la vocation littéraire, négligea les devoirs de sa position, et offrit sa démission. Le ministre l'accepta, et lui conserva ses appointements, qu'il toucha jusqu'à la Révolution. Un contemporain a pu dire de lui, à cette époque, « qu'il commençait ses journées à l'église et qu'il les finissait au théâtre. » Il débuta par une pièce imitée d'Athalie, Amélise, qui n'eut aucun succès (1768). Il trouva sa voie le jour où il tenta de transporter sur la scène française les drames de Shakespeare. Le premier résultat de cette tentative fut Hamlet, qui parut en 1769. La politesse raffinée du XVIIIe siècle répugnait au brutal génie du tragique anglais ; Ducis le mit à sa portée et, après Hamlet, qui fut une révélation, il donna Roméo (1772), et dans un autre ordre d'inspiration, OEdipe chez Admète, avec un très grand succès. L'effet produit par ses premiers ouvrages valut à Ducis l'honneur d'être choisi par l'Académie française pour succéder à Voltaire en 1779. L'auteur d'Hamlet poursuivit le cours de ses succès en donnant Lear (1783) et Macbeth (1784). Bien que protégé par un prince du sang et pensionné du roi, Duci. salua avec enthousiasme la Révolution de 1789, et en adopta les principes. Il déclina l'offre de la mairie de Versailles, et refusa également une place de conservateur à la Bibliothèque nationale. Il formula ce refus dans la lettre suivante du 23 août 1790 : « Citoyen Ministre, « Je suis entré, il y a vingt ans, dans la carrière difficile de Corneille. Mais ma ressemblance la plus marquée avec ce grand homme est une impropriété absolue pour tout ce qui demande les soins de la plus simple administration. Jugez si le fardeau de la Bibliothèque nationale doit m'épouvanter. S'il m'est donné d'être un peu utile à mon pays, ce ne peut être qu'en mettant en action sur la scène quelques-unes de ces grandes vérités morales qui peuvent rendre les hommes meilleurs, vérités que la réflexion saisit bien dans un livre, mais que le théâtre rend vivantes, en parlant à l'âme et aux yeux. Pardonnez-moi donc, citoyen ministre, de refuser une place qui m'ôterait le seul moyen que Dieu m'ait donné pour servir mes semblables. » En 1792, il donna Othello et Jean Sans-Peur, tragédies dont le succès égala celui des précédentes. Il écrivit à ce sujet à Herault de Séchelles ce billet : « Recevez, mon illustre concitoyen, le sans-culotte Othello... Le bon et fier Africain n'a point déplu à nos compatriotes, on le donne aujourd'hui décadi, et j'espère que Talma continuera à le faire rugir comme le lion du désert. Je vous embrasse en homme républicain. » Pendant toute la période révolutionnaire, Ducis fut protégé par une certaine sauvagerie de mœurs et d'allures qu'il porta jusque dans les salons du premier consul, lorsque celui-ci, tenant à rallier à sa fortune les gloires littéraires, l'invita à la Malmaison. Aussi Ducis fut-il porté par lui sur la première liste des membres du nouveau Sénat conservateur (3 nivôse an VIII), et l'insertion de cette nomination fut-elle renouvelée à trois reprises dans le Moniteur. Ducis refusa cette dignité à laquelle était attachée une dotation annuelle de 25,000 francs. Nommé en 1803 membre de la Légion d'honneur, Ducis n'accepta pas le ruban rouge; il dit plaisamment : « J'ai refusé pis. » En 1810, il s’opposa aux démarches de ses amis qui voulaient lui faire obtenir un prix décennal. Quand vint la Restauration, Ducis fut présenté à Louis XVIII. Le comte de Provence, devenu roi de France, accueillit son ancien secrétaire avec une bienveillance marquée. Le roi récita au vieux poète quelques-uns de ses vers, et le poète en fut profondément touché. Ducis accepta de Louis XVIII la croix d'honneur et une pension de six mille francs. La monarchie constitutionnelle paraissait alors à Ducis, comme à beaucoup d'autres, le port après la tempête, s'il faut en croire les vers suivants : Peuple enfant, crédule et léger, Toujours prêt à rire, à combattre, Ne connaissant aucun danger, Mais aussi qu'un rien peut abattre. Ah! si vos rois, vos grands et vous, Vous aviez, comme en Angleterre, Limitant chacun dans sa sphère, Balancé trois pouvoirs jaloux Par un contrepoids nécessaire, Vous n'auriez pas été des fous!.. Il convient d'ajouter que Ducis professa toujours des sentiments très religieux. Aux pièces déjà citées il faut ajouter Abufar, qui parut à la scène en 1795, et les Religieux hospataliers. Ducis a laissé, outre son théâtre, le Banquet de l'Amitié, poème en quatre chants; son Discours de réception à l'Académie française (1779); une Epître à l'Amitié, lue le 13 février 1786 en l'assemblée publique de l'Académie française; un Recueil de Poésies diverses; un volume d'Epîtres et Poésies nouvelles publiées en 1813; et un opuscule sous le titre Au roi de Sardaigne, sur le mariage du prince de Piémont avec Mme Clotilde de France (1775). Deux volumes consacrés à ses Œuvres posthumes ont été publiés en 1829.