Edito
Municipales, départementales : mêmes causes, mêmes effets
La droite et le centre ont remporté une très large victoire aux élections départementales, ce qui confirme, après les résultats des municipales, qu’ils représentent unis la première force politique du pays.
Au-delà de la victoire électorale, c’est une victoire politique qui a été remportée car les Français ont confié la gestion de 68 départements aux candidats rassemblés dans l’union de la droite et du centre.
C’est donc un vote sanction pour le PS et le Gouvernement. Il faudra qu’ils en tiennent compte, mais je crains que le chemin pris ne traduise pas les enseignements des élections quand j’observe l’attitude du gouvernement sur la suite du projet de loi Macron ou sur le projet de loi sur l’asile.
C’est aussi un message de protestation qui s’est exprimé par le vote FN. Nous devons y être particulièrement attentifs. Si on constate néanmoins que les Français n’ont pas accordé leur confiance aux candidats du Front National jusqu’à leur confier les clés d’un exécutif départemental, un certain nombre de nos compatriotes nous ont envoyé un message, un cri d’alerte ; c’est le cri de la France des territoires, cette France trop ignorée, délaissée, cette France qui demande à être écoutée et entendue.
Mes récents déplacements du Pas-de-Calais aux monts du Lyonnais et encore dans le Loiret ne font que confirmer cette impression. Notre devoir est de l’entendre, d’apporter des réponses. Cette France périphérique que j’ai appelée dans mon rapport au Président de la République « la France d’à côté », elle est aussi une part de la Nation. Et la réponse ne peut plus se résumer à des slogans, à des formules. Nous devons agir !
C’est dans ce sens que le Sénat s’engage en lien étroit avec les territoires.
Le gouvernement et la Majorité eux ne peuvent avoir comme seule ligne d’horizon le congrès du Parti socialiste à Poitiers ! Et rien ne serait pire que l’immobilisme.
C’est d’abord à la France et aux Français que nous devons penser
Gérard Larcher
Réforme de l'asile : le Sénat demande au Gouvernement de prendre en compte la réalité de la pression migratoire internationale
La France est le deuxième pays le plus sollicité de l’Union européenne, après l’Allemagne, par les demandeurs d’asile. Dans notre pays, leur nombre a presque doublé depuis 2007, passant de 35.000, à 65.000, en 2014. Le phénomène est européen.
Régi par la convention de Genève de 1951, le droit d’asile avait été conçu, à son origine, comme un droit individuel. Mais l’exercice de ce droit est devenu aujourd’hui un mécanisme collectif dont l’objectif a été détourné, comme l’illustre le nombre important de déboutés.
La majorité des demandeurs d’asile, plus de 45.000 personnes par an, voient en effet leurs demandes refusées et ne quittent pas le territoire français alors même qu’ils sont en situation irrégulière.
En raison des dysfonctionnements de la politique d’éloignement – près de 75% des décisions d’éloignement ne sont pas exécutées-, la demande d’asile est ainsi devenue un moyen d’entrer sur le territoire européen, puis français, pour tenter d’obtenir, à terme, une régularisation au titre du droit du séjour.
La commission des lois du Sénat a donc considéré qu’il convenait, non seulement de réformer la procédure de demande d’asile, pour en accélérer la procédure d’examen, mais également d’améliorer les moyens de lutte contre l’immigration irrégulière, constituée pour une part importante par les déboutés du droit d’asile.
La pression migratoire internationale qui s’exerce aujourd’hui sur l’Europe, et les arrivées tragiques de plusieurs centaines de migrants par jour sur les rivages européens d’Italie ou de Grèce rendent encore plus indispensable que jamais une approche globale de ces problèmes qui n’oublie pas l’humanité nécessaire mais qui traite réellement les causes de ces migrations de la misère et du chaos.
Le Sénat souhaite aborder les questions relatives aux politiques d’immigration sans faux semblant et avec toutes les informations nécessaires.
Loi Macron : un texte fourre-tout
Le Sénat a commencé le 7 avril, l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite « Loi Macron ». La commission spéciale présidée par Vincent Capo-Canellas avec les trois rapporteurs, Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et François Pillet, en a enrichi le contenu dans le souci d’en faire un vrai texte de relance de l’activité économique.
Travaillant dans un état d’esprit constructif, elle a adopté conformes 42 % des articles du projet de loi soit 124 articles. Les sénateurs ont fait un double travail de réécriture et de proposition de réformes pragmatiques.
La commission a ainsi supprimé des dispositions qu’elle jugeait inutiles, comme les multiples demandes de rapport qui viennent alourdir inutilement la charge du Gouvernement et de l’administration. Elle a apporté de nombreuses corrections techniques au texte de l’Assemblée et précisé ou encadré des dispositions qui vont dans le bon sens, comme la possibilité de prêts interentreprises ou la réforme de la juridiction prud’homale.
Elle a aussi introduit plusieurs dispositions nouvelles et très opérationnelles. Certaines ont un objet ciblé, comme l’encadrement des relations entre les hôteliers et les plateformes de réservation par Internet via un mécanisme de contrat de mandat ou la possibilité offerte aux professionnels de la restauration de bénéficier du statut d’artisan.
D’autres ont une portée politique plus forte, toujours dans le souci de lever les freins à la croissance et de lutter contre le chômage. Je pense notamment au lissage dans le temps des effets du franchissement des seuils sociaux et au report du seuil de 11salariés à 21, à la simplification du « compte pénibilité », qui est un enjeu majeur pour la compétitivité de notre économie, à l’assouplissement des conditions de conclusion des accords de maintien de l'emploi ou encore à la possibilité de conclure des accords pour développer l'emploi dans les entreprises.
Je souhaite que, dans le respect de nos différences politiques, le gouvernement tienne compte des propositions du Sénat. Il en va de l’intérêt du pays et des enjeux qu’il nous faut relever.
La Nation française, un héritage en partage
Le Président de la République m’a demandé, en janvier 2015, de conduire une réflexion et de faire des propositions sur les moyens de promouvoir toutes les formes d’engagement afin de renforcer le sentiment d’appartenance à la République française.
J’ai accepté de conduire cette mission dans le respect du principe de séparation des pouvoirs, en souhaitant inscrire cette démarche dans le cadre de mes fonctions de Président du Sénat.
Les travaux que j’ai menés, après une large écoute, et qui ont abouti au rapport que j’ai remis à François Hollande, le 14 avril, auront été l’occasion de confirmer que le renforcement de l’engagement républicain et celui du sentiment d’appartenance à la nation étaient indéfectiblement liés.
Vouloir dissocier ces deux objectifs revient à les rendre illisibles et faire que la France connaisse aujourd’hui de réelles fractures ethniques, religieuses, territoriales…
J’ai donc abordé quatre grands thèmes qui participent au sentiment d’unité nationale : l’école, qui est le creuset de la République ; le contrôle des flux migratoires ; l’éloignement entre les territoires métropolitains et la France « d’à-côté » ; la relation entre l’État et les cultes, et tout particulièrement l’Islam.
Ces thèmes, j’ai voulu les aborder sans détour et de manière concrète, car notre identité commune se vit dans nos actes quotidiens : « L’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours, comme l’existence d’un individu est une affirmation perpétuelle de la vie » disait Ernest Renan.
L’école a pour mission de transmettre des savoirs et de forger un citoyen rationnel et émancipé. Elle devrait être au service de l’émergence d'un citoyen s’affranchissant de sa communauté. Cette ambition suppose certaines conditions, à commencer par l’autorité du maitre face à l’élève et la primauté de la transmission des savoirs sur tout pédagogisme.
L’école doit, plus que jamais, se montrer capable d’assumer sa mission originelle : être le creuset de la République au-delà de la simple coexistence des différences. L’école doit rassembler au travers de célébrations et promouvoir la méritocratie républicaine.
Les politiques d’immigration doivent désormais être clairement revisitées au risque que les communautarismes ne fassent voler en éclat la nation. Je l’affirme avec force : la maîtrise rapide des flux migratoires est une nécessité car la capacité collective d’intégration de notre pays est aujourd’hui saturée. Cette maîtrise est d’autant plus impérative, que la pression migratoire internationale est devenue forte, comme le montre les franchissements, pour certains dramatiques, de migrants qui viennent des côtes libyennes et cherchent à accoster en Europe, sur les rivages italiens ou grecs.
Pour le Sénat qui est le représentant des territoires, la restauration de ce sentiment d’appartenance nationale passe aussi par la résorption de la fracture territoriale que nous connaissons aujourd’hui. Une partie de la France qui se trouve mise « à côté » des métropoles mondialisées doit retrouver sa place au sein de la Nation.
Un dialogue franc et ouvert avec les religions, et particulièrement avec l’Islam doit être conduit. Bien entendu, ce n’est pas à l’État de réformer l’Islam, mais il doit dire quel Islam il reconnaît, un Islam qui promeut ce sentiment d’attachement aux valeurs de la République française au travers du respect de ses lois.
Enfin, au moment même où il est d’usage et d’ailleurs légitime d’encenser « l’engagement associatif », « le service civique », « l’engagement citoyen », nul ne doit oublier que l’engagement républicain, l’engagement aux services des autres, c’est d’abord l’engagement électif.
Les 550 000 élus locaux que compte notre pays sont une trame irremplaçable pour notre démocratie, pour le lien social et pour le maintien d’un aménagement concerté du territoire. C’est vers eux que l’on doit d’abord se tourner quand le pays va mal.
Consulter le rapport "La Nation française, un héritage en partage"
Une nouvelle organisation du travail sénatorial
Le Sénat est une institution clé de l’équilibre démocratique de la Ve République. Alors que le quinquennat subordonne l’Assemblée nationale au rythme et aux exigences de l’exécutif, le Sénat reste garant de l’élaboration de lois de qualité et de la prise en compte des expressions démocratiques locales.
Pour autant, les nouvelles attentes des citoyens lui imposent d’évoluer dans le sens de l’efficience et de l’exemplarité.
Comme je m’y étais engagé lors de mon élection à la présidence du Sénat, j’ai présenté, sur la base d’une réflexion conduite avec tous les groupes politiques du Sénat, une réforme volontariste de notre institution. Cette réforme s’articule autour de trois axes :
- Renforcer la participation des sénateurs aux travaux du Sénat. La présence active de l’élu dans son institution est l’expression même d’une démocratie parlementaire vivante. Comme tout parlementaire, le sénateur doit concilier les impératifs du travail législatif et de contrôle avec la présence auprès de ses électeurs et dans son territoire.
- Légiférer et contrôler plus efficacement, avec la rationalisation de l’organisation du travail parlementaire en favorisant la présence aux votes solennels et dans les séances de commission où sont examinés les textes de loi. Une nouvelle organisation de la semaine de travail permet d’éviter les chevauchements de séances ; la publication sur le site Internet du Sénat d’un tableau permettra de suivre les activités de chaque sénateur dans les séances plénières, les réunions des commissions, les délégations et l’ensemble des structures temporaires (missions d’information, commissions d’enquête…) et des réunions internationales. Le vote solennel est désormais la règle pour l’ensemble des votes sur les textes importants. Enfin, l’organisation des temps de parole a été revue afin de donner une meilleure dynamique aux débats dans l’hémicycle.
- Garantir une gestion exigeante de l’Institution et la transparence financière vis-à-vis de nos concitoyens. Ces réformes doivent s’inscrire dans un ensemble d’évolutions plus profondes du Parlement qui doit contribuer au retour de la confiance dans la République, nos institutions et leurs élus. Une réflexion qui est aujourd’hui ouverte.
Programme de stabilité de la France : le Parlement est court-circuité
Chaque année, au printemps, le Programme de stabilité trace pour les années à venir la trajectoire des finances publiques de la France, notamment en matière de dépenses, de prélèvements obligatoires, de déficit et de dette publics. Le Plan national de réformes, qui lui est associé, présente les mesures structurelles que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour atteindre ses objectifs. Élément fondamental de la stratégie économique et budgétaire du pays, l’exercice revêt cette année une importance toute particulière. C’est en effet à l’aune de ces deux documents que la Commission européenne examinera le respect par la France de ses engagements européens et des recommandations que le Conseil lui a adressées.
La trajectoire présentée par le Gouvernement le 15 avril manque cruellement d’ambition et les réformes mises en avant ne correspondent pas à l’urgence de la situation. La dépense publique, dont la part dans le PIB a atteint un nouveau record l’an passé bien au-delà du reste de l’Europe, va continuer de croître faute de réforme audacieuse. Les prélèvements obligatoires, dont le poids, lui aussi trop élevé, asphyxie l’initiative économique, vont rester jusqu’en 2017 largement au-dessus de ce qu’ils étaient au début du quinquennat.
Le Gouvernement a, sensiblement et sans raison vraiment convaincante, relevé les hypothèses de croissance potentielle de l’économie inscrites dans la loi de programmation des finances publiques de décembre 2014. Ce changement impromptu lui permet d’afficher de manière artificielle une amélioration structurelle des comptes publics de 0,5 point de PIB par an. Le Haut Conseil des finances publiques a émis des réserves sur l’opportunité de ce changement. La cohérence et la crédibilité du scénario du Gouvernement en sont fortement affectées.
Compte tenu de l’enjeu et des modifications inopinées quelques mois seulement après l’adoption de la loi de programmation des finances publiques, il est regrettable que le Gouvernement ait refusé d’organiser un débat au Parlement sur le programme de stabilité, débat pourtant prévu par la loi. Avec mes collègues Sénateurs, je regrette que le Parlement soit ainsi court-circuité et ne puisse s’exprimer, avant la transmission du Programme de stabilité à la Commission européenne, sur cette étape cruciale de l’élaboration de la stratégie financière du pays. Un dialogue exclusif entre le Gouvernement et la Commission européenne, sans contrôle démocratique du Parlement, ne peut que renforcer la défiance de nos concitoyens vis-à-vis du projet européen.