DISCOURS DE M. GÉRARD LARCHER, PRÉSIDENT DU SÉNAT
À L’OCCASION DU COLLOQUE SANTÉ AU TRAVAIL
VENDREDI 29 JANVIER 2016
Madame la Sénatrice,
Mesdames, messieurs,
C’est avec beaucoup de plaisir que j’ouvre ce matin ce colloque sur la santé au travail. À cela deux raisons. La première c’est l’occasion de rendre hommage à l’action de Mme David et à son engagement sur les problématiques du travail et les questions sociales en général. Ancienne présidente de la commission des affaires sociales de notre assemblée, membre toujours actif de cette commission, elle agit sans relâche pour défendre ses amendements, faire valoir ses propositions, toujours avec détermination et respect des positions et sensibilités des uns et des autres.
La seconde raison, c’est que les questions relatives aux conditions de travail me passionnent.
Permettez-moi de citer Charles Péguy avec quelque distance : « Ils [les ouvriers artisans] disaient en riant, et pour embêter les curés, que travailler c'est prier, et ils ne croyaient pas si bien dire. Tant leur travail était une prière. Et l'atelier un oratoire. ». Mais contrairement à Charles Péguy, nous savons aussi que le travail, parfois, peut être aliénation et souffrance ; qu’il peut être un fardeau et une peine ; qu’il y a des conditions de travail contraires à la dignité du travailleur. Nous savons aussi qu’il faut se méfier de la tendance à ne traiter que la conséquence, les conditions de travail, et pas les causes qui ont conduit à cette détérioration des conditions de travail : travail trop intensif, pression du management…
C’est pourquoi, ministre du travail, j’avais lancé le premier plan santé au travail en 2005. L’idée ne devait pas être si vide de sens puisqu’après un deuxième plan préparé par Eric Woerth, Myriam El Khomry a lancé le troisième plan santé au travail en décembre dernier.
Voici ce que je disais en 2005 en présentant le plan : « il engage, pour les cinq années à venir, une nouvelle dynamique afin d’améliorer durablement la prévention des risques professionnels. Son but est de faire reculer ces risques, sources de drames humains et de handicaps économiques, et d’encourager la diffusion d’une véritable culture de prévention dans les entreprises. C’est un plan pour rassembler les énergies et fédérer l’ensemble des acteurs, aux niveaux national et local, autour de cet objectif commun. C’est donc avant tout un plan d’organisation. Il vise à mieux structurer notre dispositif de prévention… Ce plan s’inscrit dans le long terme. Il fera l’objet, en concertation notamment avec les partenaires sociaux, d’un suivi, de bilans réguliers et donnera lieu à la mobilisation de moyens humains et financiers, avec des objectifs ambitieux à horizon 2009.C’est là le sens du plan santé au travail qui, [dans la continuité du plan de cohésion sociale], vise à réconcilier progrès social et progrès économique ». C’est encore d’actualité… me semble-t-il !
Ainsi, pour reprendre l’expression de la ministre du travail d’aujourd’hui au cours du dernier Conseil d’orientation des conditions de travail, un plan santé au travail, c’est à la fois la feuille de route d’un gouvernement et le fruit d’une réflexion collective sur la santé au travail.
Je partage d’ailleurs les grandes orientations de ce troisième plan axé sur la prévention et sur une approche positive du travail, et non pathogène. Il est également important de bien cibler les évolutions liées aux nouvelles formes de travail : le travail indépendant, les conséquences de l’utilisation des technologies numériques…
La loi relative au dialogue social et à l’emploi de juillet dernier a donné lieu à beaucoup de débats et de propositions ici, au Sénat. Elle comporte des dispositions intéressantes sur la santé au travail et les pathologies psychiques. Je note que la création des comités régionaux d’orientation des conditions de travail, placés auprès du préfet de région devrait d’une part faciliter la prise de conscience des enjeux en matière de santé et de sécurité au travail, et d’autre part assurer la coordination de l’ensemble des acteurs intervenant dans le champ des conditions de travail.
Et nous rejoignons là les thèmes de votre colloque organisé par l’association Travail Santé Société Territoires et la revue Santé au travail.
Vous allez, notamment, examiner les pathologies de l’engagement, liées au stress et aux risques psychosociaux, avant de traiter des liens entre management et prévention, et enfin d’aborder la question des coopérations au sein des territoires. La qualité et la diversité des intervenants sont le gage d’une réunion fructueuse et d’une réflexion collective aboutie.
Les questions que vous allez traiter sont au cœur des enjeux prioritaires de la politique de santé au travail. Notre objectif commun est d’avoir une économie tournée vers l’innovation. Cela exige, par conséquent, un investissement dans les ressources humaines, donc dans la santé au travail. Une économie compétitive est une économie où la santé des salariés est une constante préoccupation et où les salariés se réalisent au travail. Il est donc central d’identifier les facteurs de risques, ainsi que les liens de causalités entre travail, emploi et santé. C’est ainsi que nous pourrons trouver, ensemble, les leviers de progrès, et assurer leur diffusion au sein de l’ensemble de l’économie et ce dans une dimension territoriale : chefs d’entreprise, management, syndicats et représentants du personnel.
Vos travaux pourront servir à éclairer les politiques publiques. Ils vont faire progresser cette réflexion collective, si importante pour mettre en évidence les liens qui unissent santé au travail, qualité de vie et performance économique. Je n’ai pour ma part, jamais séparé la politique de l’emploi et la politique du travail. Tout faire pour lutter contre le chômage ! Tout faire pour garantir un travail décent à chacun ! « Un travail décent » au sens de l’OIT, c’est un travail productif et convenablement rémunéré, assorti de conditions de sécurité sur le lieu de travail ! Tel doit être l’objectif central de toute politique publique !
Je souhaite plein succès à votre colloque.