Mardi 12 novembre 2013

- Présidence de Mme Michèle André, vice-présidente -

Loi de finances pour 2014 - Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et articles 62 à 62 octies et communication sur son contrôle budgétaire relatif à la gestion et aux moyens de fonctionnement de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre) - Examen du rapport

La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Mme Michèle André, vice-présidente. - Nous souhaitons la bienvenue à Gisèle Printz, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial. - Le lendemain du 11 novembre est une date toute indiquée pour se préoccuper de la mission « Anciens combattants ». Le budget de la mission - 2,98 milliards d'euros en crédits de paiement - subit une baisse de 2,8 %, qui affecte les trois programmes ; cette évolution, très proche de celle de 2013 (- 2,5 %), s'explique par la démographie des populations concernées, 94 % des crédits de la mission étant des crédits d'intervention à destination des anciens combattants et leurs ayants droit, et par la diminution de 20 % des taux de majoration spécifique des rentes mutualistes décidée par décret en septembre dernier, dont le ministre délégué annonce qu'elle est temporaire au sujet de laquelle il serait en pourparlers avec les organismes mutualistes pour qu'ils viennent la compenser, au moins pour partie, sur leurs fonds propres. Si cette possibilité me paraît bien réelle, nous manquons des données précises des bilans des principales sociétés mutualistes et de l'évolution de leurs fonds propres. J'y resterai attentif parce qu'il y va des revenus de presque 400 000 bénéficiaires. La double défiscalisation de la rente mutualiste à l'entrée et à la sortie du mécanisme n'est pas remise en cause, non plus que la majoration légale instaurée par une loi de 1948 qui vient compenser la hausse du coût de la vie.

Le troisième facteur de baisse des crédits est la poursuite de la rationalisation des effectifs au sein de la direction du service national et, plus marginalement, de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliation, qui participe à une réduction de 7,3 millions d'euros des dépenses de titre 2.

Quelques remarques complémentaires doivent être faites. La prise en charge du paiement des prestations en faveur des rapatriés et des harkis par la mission rationalise le système d'aide, et se traduit par une modification budgétaire minime de 17,8 millions d'euros, soit 0,6 % de l'ensemble des crédits de la mission.

Attaché à cette mesure d'équité que constitue l'octroi de la carte du combattant aux militaires ayant servi durant quatre mois en Algérie à cheval sur la date du 2 juillet 1962, je m'étais déjà prononcé en faveur de cette mesure dans le passé et je suis donc favorable à l'adoption de l'article 62 qui modifie le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre en conséquence.

L'année 2014 sera marquée par les commémorations du centenaire du début de la Première Guerre mondiale et du soixante-dixième anniversaire de la Libération et du succès de la Résistance intérieure. La politique de mémoire augmente d'un tiers pour s'établir à 23,2 millions d'euros pour assurer le succès de ces commémorations.

J'attire enfin particulièrement l'attention cette année encore sur la dépense fiscale qui augmente fortement, passant de 505 millions à 606 millions en 2014. Elle représente  20 % des crédits de la mission. Elle reste surtout mal évaluée, avec des écarts de l'ordre de 65 millions d'euros régulièrement constatés entre projets de lois de finances et lois de règlement. Il me paraît indispensable de revenir sur cette question du chiffrage et je compte m'y employer à partir de 2014. Cette question particulièrement importante à l'heure où la majorité des anciens combattants de la guerre d'Algérie va atteindre l'âge de 75 ans et bénéficier d'une demi-part fiscale complémentaire au titre de l'impôt sur le revenu.

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements de crédits contre l'avis du Gouvernement et de la commission des finances. Le premier revalorise de 2 points la retraite du combattant à compter du 1er juillet 2014 pour un coût de 9 millions d'euros ; le second revalorise le plafond majorable de la rente mutualiste d'un point, à 126 points, pour un coût de 2 millions d'euros. Le budget de la Journée défense et citoyenneté servirait de gage. Le Gouvernement a d'ores et déjà fait savoir qu'il demanderait une seconde délibération. Pour ma part, je vous propose l'adoption sans modification des crédits de la mission.

Je vous invite à adopter sans modification l'article 62 accordant la carte du combattant aux militaires ayant servi en Afrique du Nord quatre mois autour du 2 juillet 1962, de même que l'article 62 bis qui majore de 360 points d'indice la pension de réversion du conjoint survivant aux conjoints survivants de grands invalides de guerre pensionnés à partir de 10 000 points.

L'article 62 ter, introduit par amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, proroge d'un an le délai pour demander la décristallisation des pensions civiles et militaires de retraite et militaires d'invalidité, en raison d'un retard de traitement des dossiers par les services de l'ONAC-VG. Le Gouvernement ne précisera le financement des 12 millions nécessaires qu'à la fin de l'examen de deuxième partie du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale. Dans l'attente de ces indications importantes, je vous suggère de réserver notre vote sur cet article.

Nous pouvons adopter sans modification les demandes de rapports de l'article 62 quater sur l'action sociale de l'ONAC-VG et la question de l'allocation différentielle au conjoint survivant, de l'article 62 sexies sur l'opportunité de reconnaître le statut d'anciens combattants aux anciens casques bleus du Liban dans le cadre de la FINUL et de l'article 62 octies sur l'application des décrets instituant des mesures de réparations pour les orphelins victimes de persécutions antisémites et d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. Ce dernier rapport éclaircirait certains cas douloureux de traitement différencié entre orphelins de résistants, selon qu'ils sont morts les armes à la main ou non.

A l'inverse, je vous propose de supprimer les articles 62 quinquies et 62 septies qui demandent des rapports sur la campagne double et sur le décret d'application du dispositif relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français ; le premier parce que les éléments sont déjà connus, le second parce qu'un rapport sur la question vient d'être déposé au Parlement le 9 octobre dernier.

Mme Michèle André, vice-présidente. - Peut-être pourriez-vous présenter immédiatement votre communication sur les moyens de fonctionnement de l'ONAC-VG ?

M. Philippe Marini, rapporteur spécial. - En effet, j'ai conduit ce contrôle en raison de la conclusion d'un contrat d'objectifs et de performance pour 2014-2018 entre le Gouvernement et l'Office, qui est l'opérateur majeur de cette mission. Depuis 2010, celui-ci a eu à reprendre de nombreuses activités de l'ancienne direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale du ministère de la défense. Son rôle a ainsi été renforcé dans deux domaines : la mémoire, avec notamment la reprise de l'entretien des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale, objet de mon rapport de contrôle l'an dernier ; la reconnaissance et la réparation, avec la liquidation de la retraite du combattant ainsi que l'attribution des cartes et titres.

Après une période de flottement initial, les chiffres parlent. Le nombre moyen de dossiers de cartes et titres traités par agent est passé de 337 en 2007 à 957 en 2012, et celui de dossiers de retraite de 1 491 en 2009 à 6 295 en 2012. Ces bonnes performances sont essentiellement liées à la réorganisation opérée par l'ONAC autour de pôles de soutien localisés au sein de services départementaux. Il faut rappeler que la Moselle, département de notre rapporteure pour avis, Gisèle Printz, avec Metz, possède un pôle qui gère l'entretien des sépultures pour toute la France. S'est développée une organisation entre un back office, autour de pôles thématiques, services que les usagers ne voient pas, et un front office, qui assure une mission essentielle d'accueil et d'orientation des ressortissants. Les effectifs des services de proximité sont ainsi réduits, passant de 546,5 à 440,85 équivalents temps plein entre 2008 et 2013, ceux des pôles passant de 13 à 44 équivalents temps plein. Les choix effectués ont été judicieux et doivent être encouragés.

La gestion du budget général (98,47 millions d'euros en 2012) semble satisfaisante et guidée par un souci d'économies. Depuis 2010 les dépenses de fonctionnement ont augmenté en raison de la reprise de missions nouvelles telles que le pôle d'entretien des sépultures de guerre et hauts lieux de mémoire et les activités des trois services d'Afrique du Nord, tandis que les dépenses de fonctionnement courant, hors dotations aux amortissements et provisions et en neutralisant les dépenses liées aux reprises, ont baissé de 14 % entre 2008 et 2012. Entre 2008 et 2012 les effectifs ont augmenté de 227,08 ETPT, tout en absorbant la reprise de l'entretien des nécropoles et hauts lieux de mémoire (216 ETPT) et des services d'Afrique du Nord (68 ETPT) - à périmètre constant, la baisse s'établit à 14,4 %. La part des dépenses de personnel passe ainsi de 52,75 % à 51,54 %, bien que le taux de cotisation de la part employeur de l'État pour les pensions civiles ait augmenté de 55,71 % à 68,59 %.

La gestion immobilière de l'ONAC apparaît dynamique et positive. Dans les services déconcentrés un agent à temps plein occupe près de 37 m² ce qui est très confortable mais en nette diminution. Les modes d'occupation mutualisés des équipements publics sont les plus économes : 27,7 m² pour les services hébergés en préfecture, contre 46,1 m² lorsque l'ONAC occupe un bien propre. De 2010 à 2013, 40 de ces services ont déménagés : les modes d'occupation les moins consommateurs de surfaces ont été privilégiés - 4 installations en préfecture, et 7 en base de défense - alors que ceux au taux d'occupation les plus élevés sont en diminution - 8 abandons de locations et 2 cessions de biens propres. Les dépenses de gestion des locaux de l'ensemble des services déconcentrés connaissent de 2008 à 2012, et à structure constante, une progression minime de 2,84 % ; 20 des 24 déménagements intervenus entre 2010 et 2011 ont induit une diminution des frais de gestion. Enfin les locaux de la direction générale, 1 833 m² aux Invalides, domaine militaire, seront déménagés en 2014 en façade de l'Hôtel national dans une surface de seulement 1 180 m².

Mon jugement est moins positif sur les budgets annexes. La qualité des services apportés par ces établissements n'est pas en cause. Une cession des écoles de reconversion professionnelle (ERP) et des maisons de retraites par l'ONAC-VG doit être engagée, moins parce que leur gestion est globalement déficitaire, que parce que le lien avec les populations cibles s'est distendu. Les ressortissants de l'Office ne représentent plus que 1,2 % des élèves des écoles en 2012, et si les 8 EHPAD ont encore un taux d'occupation par les ressortissants de 50,7 % en 2012, celui-ci a baissé de 10 points en quatre ans. On évoque depuis longtemps l'idée d'une cession de ces établissements et il semble qu'aujourd'hui celle-ci soit acceptée par le monde combattant. Les ERP doivent être cédées à un acteur majeur du monde de la formation, du handicap ou du secteur médico-social, qui garantisse la pérennité du réseau et assure pour l'ensemble des personnels un dispositif d'accompagnement et de poursuite de leur carrière professionnelle.

Pour la cession des EHPAD il faudrait privilégier les solutions locales. Il conviendrait également de densifier le réseau et accentuer la politique de labellisation « Bleuet de France », qui réserve des places aux ressortissants dans 86 établissements répartis sur 53 départements. Cette démarche a déjà été amorcée par la directrice générale de l'ONAC-VG.

Le recentrage de l'ONAC-VG sur le coeur de ses missions doit s'appuyer sur son maillage territorial. Il ne s'agit pas d'être inquiet pour les missions de l'Office qui se trouveront renforcées, pour le droit à réparation, en en faisant un guichet unique au service des rapatriés et des harkis, et en l'engageant à adapter sa structure aux besoins des nouveaux publics que sont les jeunes anciens combattants revenant d'OPEX. Il faut renforcer la politique de mémoire à la veille du cycle 2014-2018, il convient également de promouvoir le lien Armée-Nation, ce qui pour l'heure ne fait pas explicitement partie de ses missions. Il serait bon enfin de chercher des synergies entre l'Office et les services du ministre de la défense : par exemple au travers de meilleurs liens entre les directions départementales de l'ONAC-VG et le délégué militaire départemental, en particulier dans les départements ne comportant plus d'unité militaire.

Quelques recommandations doivent être faites quant à la gouvernance de l'Office. Une plus grande homogénéité dans l'attribution des aides subsidiaires et des secours par les services départementaux (22,7 millions d'euros en 2012) passera par la constitution d'un pôle solidarité et la conduite d'une réflexion sur les mutualisations possibles avec les acteurs locaux de l'action sociale comme les centres communaux d'action sociale. Sans remettre en cause le bien-fondé du financement des actions de solidarité d'associations, les 490 000 euros consacrés à cet objet devraient faire l'objet d'une plus grande transparence : dès la prochaine loi de finances la maquette budgétaire pourrait retracer les attributions à ces associations. L'ONAC-VG doit encore être en mesure d'évaluer efficacement l'activité de tous ses services, il ne l'est pas actuellement. C'est l'enjeu principal : il faudra fixer un calendrier précis et détaillé de l'implantation du référentiel Marianne, améliorer les outils d'évaluation analytique. Enfin la dernière étude prospective du nombre de ressortissants et de leur ayants cause date de 1998. Or, cette évaluation prospective de la démographie est essentielle pour déterminer les moyens nécessaires au travail de l'Office. Il faut demander au contrôle général des armées une rapide mise à jour de cet outil essentiel.

Les nombreux retours et auditions l'ont montré, l'ONAC est un bon outil de travail, tourné vers son avenir. Je souhaite conclure mon propos sur une appréciation qualitative. Le personnel y a une haute conception de son métier et travaille avec passion. Il mérite d'être aidé dans ses missions.

Mme Michèle André, vice-présidente. - Il sera certainement nécessaire de nouer des liens entre départements afin d'adapter au mieux les structures pour personnes âgées.

M. François Marc, rapporteur général. - Je remercie Philippe Marini pour ce rapport très instructif. Concernant son contrôle, il a raison de souhaiter une harmonisation accrue entre départements sur l'octroi des aides et secours : cela évitera l'incompréhension des ayants droit qui est parfois relayée auprès des élus sur un traitement jugé comme différent entre départements. Concernant les crédits de la mission, j'appuie sa conclusion, dans le contexte du moment, une adoption à l'unanimité est souhaitable.

Mme Gisèle Printz, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - La commission des affaires sociales examinera cette mission le 27 novembre. Malgré un contexte budgétaire actuel difficile, cette mission présente des avancées notables - je n'y reviens pas. Bien que des améliorations restent possibles sur ce budget, j'en suis satisfaite.

M. Vincent Delahaye. - Je suis choqué par les commémorations d'un début de guerre, je suis tout à fait d'accord pour commémorer un armistice ; je déposerai un amendement supprimant les 6 millions prévus à cet effet. Je m'abstiendrai sur cette mission.

M. Éric Doligé. - Pour faire des dépenses il faut des recettes. Quelles sont les celles que l'ONAC-VG demande aux collectivités locales et si ces dernières avaient du mal à les apporter, l'Office pourrait-il se maintenir dans les départements ?

M. François Trucy. - Vincent Delahaye est consterné, il a raison sur un point : le déclenchement de la guerre a été une sottise monstrueuse qui a plongé le monde dans un bourbier innommable. Toutefois, nous devons saluer les énormes sacrifices que cela a impliqué et je voterai donc le budget.

M. André Ferrand. - Lorsque j'assiste à des cérémonies par exemple en Angleterre, les Français portent le bleuet, et les Anglais leur poppy, qui est rouge et... trois fois plus gros. Notre amour propre national en souffre, il serait bon que le nôtre soit plus conséquent, mais peut-être est-ce un problème budgétaire ?

M. Michel Berson. - Je suis très surpris par les propos de Vincent Delahaye. Les grands événements historiques, comme la Révolution ou une guerre mondiale, sont à prendre en bloc, avec leur part d'ombre et de lumière. On ne célèbre pas le début de la guerre, on commémore quatre ans de conflit. C'est un évènement sur quatre ans.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial. - J'aime le bleu, j'espère que personne ne m'en voudra. Concernant la taille de ce bleuet, nous savons que les Anglais ont parfois des conceptions différentes des nôtres... ce qui ne m'empêche pas de les admirer. Pour répondre à Éric. Doligé, le total des subventions des collectivités territoriales dans le budget général de l'ONAC-VG s'élevait à 463 000 euros en 2012, ce qui est très peu par rapport à la masse globale.

M. Michel Berson. - Dont une part importante pour le département de l'Essonne.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial. - Nous nous efforcerons l'an prochain de mieux comprendre la dépense fiscale et les perspectives démographiques des populations concernées. Nos commémorations seront efficaces si elles servent une utile pédagogie, mettant en valeur les forces de notre peuple. Elles sont essentielles dans un pays où la culture historique décline. Or celle-ci est indispensable à nos concitoyens pour conserver des repères.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », ainsi que des articles 62, 62 bis, 62 quater, 62 sexies et 62 octies du projet de loi de finances pour 2014. Réservant sa position sur l'article 62 ter, elle adopte les amendements de suppression des articles 62 quinquies et 62 septies.

La commission donne acte de sa communication à M. Philippe Marini, rapporteur spécial, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Loi de finances pour 2014 - Mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 72 à 74) et compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales » - Examen du rapport

Pui la commission procède à l'examen du rapport de MM. Jean Germain et Pierre Jarlier, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 72 à 74 bis) et le compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales ».

EXAMEN DU RAPPORT SPÉCIAL

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - L'examen de cette mission est l'occasion d'évoquer le « pacte de confiance et de responsabilité », issu d'une longue concertation entre les élus locaux, menée au sein du Comité des finances locales (CFL). Il prévoit une diminution de 1,5 milliard d'euros des dotations de l'État aux collectivités en 2014, suivie d'une nouvelle baisse de 1,5 milliard d'euros en 2015 ; une hausse de la péréquation verticale et horizontale ; l'attribution aux départements et aux régions de nouvelles ressources.

Les articles 24, 30 et 72 du projet de loi de finances traduisent la baisse des dotations. L'article 72 prévoit une hausse de la péréquation verticale et l'article 73 modifie le fonctionnement de la péréquation horizontale. L'article 57 augmente la progressivité de la cotisation minimum de cotisation foncière des entreprises (CFE) en fonction du chiffre d'affaires, autorisant les collectivités à fixer six tranches au lieu de trois actuellement. En revanche, les plafonds proposés pour les tranches pourraient conduire à diminuer les recettes pour les collectivités...

M. Philippe Marini, président. - Quelle idée...

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - Aussi souhaitons-nous que ces plafonds soient relevés de façon à ce qu'ils coïncident avec ceux actuellement en vigueur.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - L'article 26 attribue aux départements les frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties (830 millions d'euros en 2014), tandis que l'article 58 rend possible, pour les départements qui le souhaitent, de relever de 3,8 % à 4,5 % le taux des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Si tous les départements choisissaient ce relèvement, le produit des DMTO pourrait être majoré de 1,3 milliard d'euros.

Bien que non rattachée à la mission RCT, nous estimons que cette disposition constitue une sorte de double peine, les départements en difficulté relevant le taux des DMTO, alors même qu'ils disposent le plus souvent de bases assez faibles, et sans recettes significatives à la clef. Nous préfèrerions un système de prélèvement sur le produit de DMTO de l'ensemble des départements, réparti ensuite selon des critères péréquateurs, selon la situation financière de chacun. À titre personnel, je pense que le prélèvement lui-même pourrait être péréqué en s'inspirant du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC)...

M. Philippe Dallier. - Oh !

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - ... dont le prélèvement comme le reversement prennent en compte des critères de ressources et de charges : cela préserverait les départements les plus fragiles.

L'article 25 remplace les 901 millions d'euros de dotation générale de décentralisation « formation professionnelle » des régions par des frais de gestion dynamiques pour les deux tiers du montant, et une fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour le tiers restant.

Le total des concours financiers de l'État aux collectivités représente 101 milliards d'euros en 2014, 70 milliards d'euros hors fiscalité transférée, dont 47 milliards au sein de l'enveloppe normée. En légère hausse, les autorisations d'engagement de la mission s'élèvent à 2,643 milliards d'euros.

Les trois premiers programmes de la mission correspondent aux dotations générales de décentralisation versées à chaque niveau de collectivités, dont le montant est figé. Sont également retracées des dotations d'investissement, comme par exemple la dotation de développement urbain, dotée de 75 millions d'euros, ou la dotation d'équipement des territoires ruraux.

Le quatrième programme correspond aux « Concours spécifiques et administration » ; il regroupe les aides exceptionnelles aux collectivités, les dotations destinées à plusieurs niveaux de collectivités, les moyens de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et des dotations en faveur de l'outre-mer. Ses crédits diminuent notamment en raison de la non-reconduction en 2014 de l'aide aux communes concernées par les restructurations « Défense » ainsi que des subventions exceptionnelles pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques.

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - Les crédits du compte d'avances aux collectivités territoriales s'élèvent à 98 milliards d'euros. La première section, dotée de 6 milliards d'euros, retrace les avances de l'État aux collectivités connaissant des difficultés de trésorerie ou ayant besoin d'emprunter. Cette section portait, jusqu'à cette année, la créance de 290 millions d'euros de la Nouvelle-Calédonie, prescrite le 18 juin 2013. La seconde section recouvre les avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes. Ses crédits progressent de 4,6 %, en raison notamment du transfert de frais de gestion aux départements et du transfert aux régions de frais de gestion ainsi que d'une fraction de TICPE.

L'amélioration des indicateurs de performance pour la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte d'avances aux collectivités marque la fin progressive des difficultés nées de la réforme de la taxe professionnelle.

Nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - En ce qui concerne les articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », l'article 72 répartit l'effort de baisse des dotations entre collectivités : 840 millions d'euros (56 %) pour le bloc communal, 476 millions d'euros (32 %) pour les départements, 184 millions d'euros (12 %) pour les régions. Il précise les règles de répartition de cette baisse au sein des blocs : au prorata des recettes réelles de fonctionnement pour le bloc communal, par péréquation selon un indice de ressources et de charges pour les départements, en fonction de leurs recettes totales pour les régions, sauf pour celles d'outre-mer qui bénéficient d'un mécanisme dérogatoire.

Il prévoit une hausse des dotations de péréquation verticale, des mêmes montants qu'en 2012, soit une augmentation de 60 millions d'euros de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), de 39 millions d'euros de la dotation de solidarité rurale (DSR), de 10 millions d'euros de la dotation nationale de péréquation (DNP) et de 10 millions d'euros pour la dotation de péréquation des départements.

Les amendements adoptés par l'Assemblée nationale tiennent compte des transferts de fiscalité entre communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ; ils prévoient de constater le montant des recettes dans les comptes de gestion plutôt que dans les comptes administratifs ; ils déterminent les modalités de calcul de la baisse des dotations des EPCI en cas de changement de périmètre.

Le CFL avait souhaité que « cette baisse soit considérée comme une contribution exceptionnelle à la réduction du déficit de l'État ». Or, tel qu'il est rédigé, l'article suppose que cette baisse est pérenne. Notre premier amendement précise que la baisse porte seulement sur 2014 et 2015.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement à l'article 72 bis incitant à la création de communes nouvelles, assurées de percevoir, lors des trois années suivant leur création, un montant de dotation globale de fonctionnement (DGF) au moins égal à celui perçu la première année. Cette disposition s'applique aux communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016, sur la base du volontariat, et regroupant une population de 10 000 habitants au maximum, et aux communes nouvelles créées avant le renouvellement général des conseils municipaux en 2014, si bien que les communes nouvelles créées en 2012 et 2013 seraient préservées de la participation à l'effort de redressement des finances publiques incombant au bloc communal en 2014 et, pour celles créées en 2013, en 2015. Une dizaine de communes seraient concernées. Notre deuxième amendement étendra cette garantie aux communes qui ont d'ores-et-déjà accompli ce choix courageux.

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - Sans attendre 2017, l'amendement n° 3 à l'article additionnel après l'article 72 bis précise que les communes chefs-lieux de canton qui perdraient ce statut après la révision de la carte cantonale resteraient éligibles à la fraction « bourg centre » de la DSR.

L'article 73 modifie les modalités de fonctionnement du FPIC et du fonds de solidarité de la région d'Île-de-France (FSRIF). S'agissant du FPIC, l'article porte de 20 à 25 % le poids du revenu par habitant dans le calcul du prélèvement. Ce critère avait été introduit l'année dernière, afin de ne pas pénaliser certains territoires aux ressources importantes mais dont la population est fragile et qui font face, à ce titre, à de lourdes charges. L'article relève le plafonnement des prélèvements pour les collectivités également concernées par le FSRIF, de 11 % à 13 % de leurs ressources fiscales, afin de s'assurer de la contribution au FPIC des collectivités les plus favorisées d'Île-de-France. Nous vous avions proposé, l'année dernière, de fixer ce plafonnement à 12,5 % : nous accueillons donc favorablement cette modification.

Le seuil d'effort fiscal pour l'éligibilité au versement au titre du FPIC passerait de 0,75 à 0,85 conformément au consensus établi au CFL. Néanmoins, l'Assemblée nationale a souhaité fixer ce seuil à 0,9. Dans la mesure où le CFL s'est prononcé en faveur d'un effort fiscal à 1 à l'horizon 2015, et considérant que seules les collectivités ayant eu recours à l'instrument fiscal doivent pouvoir bénéficier des mécanismes de solidarité pesant sur les autres collectivités, nous ne sommes pas contre un tel relèvement. Selon nos informations, la hausse du seuil d'effort fiscal à 0,85 entraînerait l'exclusion du bénéfice du FPIC de 46 ensembles intercommunaux et 50 communes isolées, soit un total de 96 collectivités, représentant 247 000 habitants. La hausse du seuil à 0,9 pourrait exclure 50 collectivités supplémentaires.

Un amendement, adopté sans aucune simulation par l'Assemblée nationale, malgré les avis défavorables de la commission des finances et du Gouvernement, exclut du prélèvement les collectivités « les plus défavorisées parmi les plus favorisées ». Une telle concentration des prélèvements semble difficilement compatible avec la montée en charge prévue du FPIC. Les collectivités contributrices risquent de voir leur prélèvement massivement augmenter. Selon Anne-Marie Escoffier, environ un tiers des collectivités contribuant actuellement au FPIC en seraient exclues. Les conséquences pourraient être particulièrement brutales pour les collectivités contributrices, alors même que le renforcement de la péréquation ne peut être que progressif ; son principe même pourrait être remis en cause. De plus cette modification remet en cause l'accord auquel a abouti le CFL. Nous vous proposons de revenir au droit actuellement en vigueur : c'est l'objet de l'amendement n° 4.

L'Assemblée nationale a aussi modifié les règles de majorité régissant la répartition dite libre : l'unanimité serait remplacée par une double majorité qualifiée. Un tel assouplissement apparaissant nécessaire après la récente réforme de la loi électorale, nous vous proposerons d'assouplir les règles de répartition du prélèvement et du reversement du FPIC entre l'EPCI et ses communes membres. Enfin, nous vous proposerons par amendement d'organiser une sortie en sifflet du FPIC afin d'éviter une baisse brutale des ressources des communes et EPCI bénéficiaires.

En l'état, le texte rapproche le FSRIF du FPIC en retenant le critère du revenu par habitant dans le calcul du prélèvement, de manière à prendre plus finement en compte la situation réelle des communes d'Île-de-France. Deux mécanismes de plafonnement spécifiques évitent des hausses trop importantes de prélèvements qui pourraient résulter de l'introduction de ce critère. Ils concernent les communes dont le prélèvement augmente de plus de 25 % ou de plus de 50 %. Nous vous proposons d'adopter un amendement rédactionnel.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Afin de tenir compte de la réforme de la fiscalité locale, la loi de finances pour 2012 a modifié les modalités de calcul des potentiels fiscal et financier des départements, suscitant les critiques de nombreux départements et de la Cour des comptes. L'Assemblée des départements de France (ADF) a fait une proposition de potentiel fiscal corrigé, critiquée par la DGCL sur le fond autant pour des raisons techniques. Le travail sur cette question doit se poursuivre. Nous vous proposons à ce stade un moratoire : l'amendement n° 8 prévoit que c'est le potentiel fiscal ou financier, selon le cas, de 2011, qui est pris en compte pour le calcul de la dotation de péréquation urbaine, de la dotation de fonctionnement minimale, de la dotation globale d'équipement, du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion, du fonds départemental de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et du fonds national de péréquation des DMTO perçus par les départements. Nous avions adopté un amendement identique l'an dernier.

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - Le projet de loi « Métropoles » créait un fonds de péréquation départemental propre à la région Île-de-France. Il a été supprimé en première lecture au Sénat et la commission des finances a préféré que la question soit abordée en loi de finances : nous n'étions alors pas opposés à cette création, mais le dispositif proposé par le Gouvernement était déséquilibré : près des trois quarts de l'aide bénéficiaient à un seul département...

M. Philippe Dallier. - Ah bon ?

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - En outre, le poids respectif des critères de ressources et de charges dans l'indice synthétique devait être revu. Le dispositif introduit à l'Assemblée nationale est identique à celui du projet de loi « Métropoles », sous réserve de quelques aménagements rédactionnels et, surtout, d'une modification de la pondération des critères, aboutissant à une modification sensible du prélèvement et de la répartition. Les prélèvements n'ont pas d'impact sur les départements des autres régions, dans la mesure où le fonds est exclusivement alimenté par des prélèvements sur les départements d'Île-de-France et où le plafonnement de leur contribution au titre des différents fonds de péréquation pèse sur leur contribution au fonds francilien et non sur celle aux fonds DMTO et CVAE. Outre un amendement rédactionnel, nous vous proposons d'expliciter que la contribution au fonds francilien ne peut peser sur les contributions aux fonds CVAE et DMTO. Enfin, l'amendement n° 9 codifie ce dispositif dans le code général des collectivités territoriales.

Mayotte connaît un fort dynamisme démographique et une hausse très importante de la population scolarisée. L'État a créé en 2002 une dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires à Mayotte, de 10 millions d'euros. Instaurée pour une durée de cinq ans, elle a été prorogée à plusieurs reprises. L'article 74 propose de la pérenniser et de préférer désormais une logique de soutien à des projets à des versements forfaitaires. L'Assemblée nationale a ajusté son montant aux dernières informations connues et modifié le champ des bénéficiaires.

Cette pérennisation fait coïncider le droit et les faits. Nous nous interrogeons en revanche sur l'opportunité de rattacher cet article à la mission RCT, alors que les crédits de cette dotation sont portés, à partir de cette année, sur l'action 06 « Collectivités territoriales » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de la mission « Outre-mer ».

L'article 74 bis propose d'inclure le versement transport dans le calcul du coefficient d'intégration fiscale (CIF) de certains EPCI. Le CIF conditionnant la répartition interne du FPIC et les montants perçus par les EPCI au titre de la dotation d'intercommunalité, il est difficile de prévoir les effets d'une telle mesure. En outre, les modalités de recouvrement du versement transport pourraient susciter des difficultés techniques. Enfin, la situation spécifique de la région d'Île-de-France devrait sans doute être prise en compte.

Tout en vous soumettant un amendement de suppression, nous serions favorables à ce que la commission des finances se penche sur cette question : ce pourrait être dans le cadre du groupe de travail sur la DGF...

M. Philippe Marini, président. - Je partage totalement votre souci que la base minimum de CFE telle qu'elle résultera des dispositions de l'article 57 du projet de loi de finances ne se traduise par une baisse des recettes des collectivités concernées. La prudence commanderait peut-être de rechercher une rédaction dont il serait possible de délibérer dès la première partie de la loi de finances ?

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - Nous avons souhaité attirer l'attention de nos collègues sur cette question. Il n'est pas possible de déplacer cette discussion.

M. Philippe Marini, président. - Dans ces cas-là, Michel Charasse ne manquait pas de ressource ! Le sujet mériterait un amendement dont la recevabilité autoriserait un débat.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Techniquement nous avons une solution, mais cet article n'est pas rattaché à la mission dont nous débattons aujourd'hui.

M. Philippe Marini, président. - Mais comment porter notre message si la première partie n'était pas votée ?

M. Jean-Claude Frécon. - Cela dépend de vous...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Le financement des métropoles s'imputera sur l'enveloppe des communes et de leurs groupements. L'on avait parlé de 200 millions d'euros....

M. Philippe Dallier. - Le Grand Paris !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Pouvez-vous m'indiquer quel sera le coût de la création des métropoles ?

M. Philippe Dallier. - Nous voilà à la croisée des chemins : allons-nous demander plus à ceux qui contribuent à la péréquation alors que les dotations diminuent ? S'il a le mérite de la simplicité, le critère retenu pour la baisse des dotations au sein du bloc communal (les recettes de fonctionnement) est-il véritablement équitable quand certaines communes ont une taxe d'enlèvement des ordures ménagères et d'autres une redevance ? Ignorer les écarts de taux et confondre des recettes de nature différente aura des effets pervers.

Je me réjouis de l'amendement sur le FPIC, afin de revenir sur celui que nos collègues de l'Assemblée nationale ont adopté sans simulation contre l'avis du Gouvernement et de leur commission des finances. En jouant les apprentis sorciers, ils ont tué l'idée de départ d'introduire le critère du revenu par habitant et concentré le prélèvement sur les intercommunalités qui sont juste au-dessus de la moyenne - comme d'habitude, les classes moyennes !

Par ailleurs, la dotation d'intercommunalité avait été exclue du calcul des ressources d'une collectivité. Je ne comprends pas pourquoi ce débat n'a pas été rouvert. N'est-ce pas une dotation comme une autre ?

M. Joël Bourdin. - La baisse des dotations sera répercutée en fonction des recettes réelles de fonctionnement, lesquelles varient fortement d'une commune à l'autre. Il aurait peut-être été plus adapté de retenir la DGF versée : l'on serait resté sur le terrain des dotations. Je m'interroge en outre sur ce qu'il reste de contribution de l'État aux fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) ; pouvez-vous m'indiquer ce qu'il advient de la dotation communes défavorisées ? Enfin, sans rouvrir la vieille discussion sur les revenus, une seule personne peut faire basculer le revenu moyen d'une petite commune : celle-ci doit-elle être pénalisée parce qu'un de ses habitants est un peu plus riche que les autres ? Quant au taux de reversement du fonds de compensation pour la TVA...

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Ce problème est réglé.

M. Joël Bourdin. - S'il n'est pas ajusté, cela sera défavorable aux communes.

M. Jean Arthuis. - Il est ajusté.

M. Vincent Delahaye. - Nous avons besoin d'études d'impact, sans cela, nous ne savons pas très bien où nous allons. Nos rapporteurs proposent de conserver la référence au potentiel financier de 2011. Jusqu'à quand ? Recommencerons-nous l'an prochain si le travail annoncé n'a pas abouti ? Il serait plus logique de retenir la situation de 2012. Pourquoi figer les situations ?

Si je m'interroge sur l'utilité de codifier le fonds de solidarité des départements de la région Ile-de-France (FSDRIF), je suis favorable au potentiel financier agrégé, en y intégrant la dotation d'intercommunalité, la DSU et la DSR. Ce potentiel doit en effet comprendre l'ensemble des dotations perçues par les communes. Contrairement à ce que dit Joël Bourdin, je ne crois pas possible de calculer différemment le potentiel moyen par habitant de certaines communes. En revanche, pour le rendre plus juste, pourquoi ne pas le rapporter au loyer moyen sur le territoire ?

M. Gérard Miquel. - Nos rapporteurs ont préparé d'intéressantes propositions. Lors des débats du texte sur les métropoles, il m'avait été indiqué que les prélèvements opérés pour le FSDRIF seraient différenciés de ceux effectués en faveur des fonds nationaux de péréquation. Ainsi, Paris devrait verser aux deux. Récemment, il m'a semblé entendre un autre son de cloche.

Les départements sont confrontés à une situation difficile : les aides sociales individuelles coûtent très cher : le reste à charge par habitant - le seul critère qui vaille ! - s'établit à 155,32 euros dans les Hautes-Pyrénées, à 154 dans l'Hérault à 152 euros dans le Lot, mais à 63,59 euros en Essonne, 66 dans les Hauts-de-Seine et 68 dans les Yvelines. La Seine-Saint-Denis, quant à elle, est à 126 euros par habitants, le Pas-de-Calais à 121,14 et Paris à 87 euros. Nous devrions faire en sorte que le reste à charge soit plus équilibré.

En outre, les difficultés s'accroissent avec la gestion des secours sapeurs-pompiers car, à chaque manifestation, les ministres, quels qu'ils soient, accordent d'autant plus volontiers des avantages aux sapeurs-pompiers que ce sont les conseils généraux qui payent. Même chose lorsqu'il s'agit d'augmenter le revenu de solidarité active (RSA) de 2 % par an pendant cinq ans. Les collectivités ont besoin de moyens financiers pour compenser ces charges supplémentaires. C'est pourquoi j'approuve le principe d'un prélèvement supplémentaire sur les DMTO, correspondant à une augmentation de 0,7 point, pour alimenter le fonds de péréquation. Je serais très favorable à ce qu'un amendement l'acte.

Le potentiel financier Fillon a provoqué des déséquilibres : les pauvres sont devenus riches et les riches se sont un peu appauvris. Le potentiel fiscal Ackermann risque de ne pas passer alors que nous avons beaucoup travaillé dessus : pourquoi s'en remettre à la DGCL ? Je me réjouis de l'amendement qui maintient la DSR aux chefs-lieux de canton, surtout au moment où l'on dit n'importe quoi de la réforme que nous avons mise en oeuvre.

M. François Patriat. - A partir du moment où l'État réalise des économies, les collectivités locales doivent également en consentir. Cependant, les régions sont traitées de façon indélicate : 12 % d'autonomie fiscale, contre 33 à 52 % pour les autres collectivités. En outre, leurs ressources fiscales, mal corrélées à leurs compétences sont peu dynamiques : + 1,50 %, contre 3,3 % pour les autres collectivités. Les régions ne perçoivent que 25 % de la CVAE alors qu'elles sont chef de file en matière économique. De plus, la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) et les immatriculations, dont résultent leurs deux principales ressources, vont baisser. Aucun financement complémentaire n'est attribué et il n'est pas question de créer de nouvelles taxes.

L'Assemblée nationale a rejeté trois amendements à l'article 25. Les deux premiers donnaient de la visibilité aux régions sur les frais de gestion, leur seule ressource fiscale un peu dynamique, et le troisième créait une double clause de garantie. Nos rapporteurs devraient les reprendre.

Les dotations de l'État aux régions vont diminuer de 184 millions d'euros. Les régions sont d'accord sur la règle de répartition entre collectivités, au prorata des ressources réelles de chaque échelon ; elles souhaiteraient, si la baisse est reconduite, un maintien de ce taux et de ces règles.

M. Éric Bocquet. - La baisse des dotations aux collectivités, qui sont les principaux investisseurs, est un non-sens économique. L'endettement des collectivités est d'une remarquable stabilité depuis trente ans : entre 10 et 11 % du total de la dette du pays. Cette dette est maîtrisée et remboursée. Les budgets des collectivités sont votés à l'équilibre, et leurs dépenses se situent, bon an mal an, entre 200 et 210 milliards d'euros, dont 150 milliards d'euros en fonctionnement et 50 à 60 milliards d'euros en investissement. Par leur considérable poids économique, elles contribuent à la croissance et à l'emploi. Elles sont, hélas !, devenues une variable d'ajustement budgétaire : M. Barroso s'en réjouira, pas nous, car les collectivités pourraient nous aider à sortir de la crise. Nous voterons contre cette mission.

M. Francis Delattre. - Notre système est à bout de souffle, et l'on essaye de masquer les diminutions des dotations de l'État par plus de complexité. Dans le temps, on créait des taxes ; maintenant, ce sont des fonds, sans fond. Il y en aura désormais trois en région parisienne. Leurs résultats se contrarient parfois ? Tout va très bien... Si mon département augmentait les droits de mutation, la moitié partirait en péréquation. Cela n'incite guère à accroître ces droits.

Le taux du critère des ressources par habitant montera à 25 %, ce que j'approuve. Mais pourquoi ne pas prendre en compte le coût et l'état des transports en Île-de-France ? Les transports en province sont souvent de bien meilleure qualité que dans le Val-d'Oise. Les péréquations ne tiennent pas compte des situations sociales ni des territoires.

Contrairement à ce que vous dites, nous ne sommes pas tous d'accord sur le FPIC, car Bercy laisse les élus se débrouiller pour se répartir une enveloppe fermée : quel piège ! Il ne serait pas difficile de prendre en compte le coût des logements et des transports dans les agrégats économiques pour mesurer la richesse des collectivités. L'an dernier, j'avais rappelé qu'Ivry et Vitry versaient des sommes invraisemblables au FPIC, alors que Vincennes était bénéficiaire.

Le taux de TVA applicable aux ordures ménagères va-t-il augmenter ? Il me semble que oui. Beaucoup de collectivités font des économies, alors que certaines comptent jusqu'à 25 % de chômeurs et qu'elles doivent financer les rythmes scolaires. Comme l'État n'a plus les moyens d'accompagner les projets, il multiplie les normes. Voyez ce qui se passe pour les crèches et les garderies ! La justice sur laquelle ce gouvernement s'est fait élire n'est pas au rendez-vous...

M. Philippe Marini, président. - Nous trouverons la bonne péréquation dans un autre monde.

M. Jean Arthuis. - Les gouvernances publiques successives portent de lourdes responsabilités dans les difficultés actuelles. On a beaucoup demandé aux contribuables, surtout aux producteurs et aux entreprises. En ces temps de difficultés financières, comment se fait-il que l'État ait laissé perdre la créance de 290 millions d'euros qu'il détenait sur la Nouvelle-Calédonie ?

En dépit de la saturation des prélèvements obligatoires, les départements sont invités à porter pendant deux ans le taux sur les DMTO de 3,8 à 4,5 %. Revenir à 3,8 % en 2016 perturberait le marché au second semestre 2015. Dans l'article additionnel après l'article 73, le potentiel financier des départements tient compte du produit des DMTO : est-ce indépendamment du taux voté par l'assemblée départementale ? Les départements qui n'augmentent pas leur taux de DMTO ne renonceront-ils pas à la péréquation, alors que leurs gestionnaires avaient sagement voulu stabiliser les prélèvements obligatoires ?

M. Jean-Paul Emorine. - À entendre Gérard Miquel ou François Patriat, je me dis que le pacte de confiance et de responsabilité est bien discutable. Dans la loi de finances pour 2012, nous avions diminué les concours de l'État aux collectivités locales de 200 millions d'euros et on nous annonce 1,5 milliard d'euros pour cette année et de même l'an prochain !

Je partage l'analyse de Jean Arthuis sur les DMTO : voilà une augmentation de la fiscalité. Nos rapporteurs nous proposent d'augmenter la progressivité de la cotisation minimum de CFE : ce serait un frein à l'installation de nouvelles entreprises.

M. François Fortassin. - Je remercie nos rapporteurs pour leur clarté. La solidarité sociale existe en France. En revanche, on a inventé pour la solidarité territoriale le beau mot de péréquation, qui masque de terribles disparités entre collectivités, parfois au sein du même territoire. Serait-il indécent de prévoir un écrêtement pour les collectivités qui bénéficient de ressources disproportionnées ? En Midi-Pyrénées, une ville de moins de 20 000 habitants dispose d'un budget équivalent à 60 % de celui du conseil général.

M. Francis Delattre. - C'est un miracle !

M. François Fortassin. - En outre, de telles collectivités captent l'essentiel des subventions. Au lieu de nous donner des leçons de gestion, l'État devrait balayer devant sa porte. Comme l'a souligné Gérard Miquel, certains départements n'ont pour seul titre de gloire que la générosité des pauvres. Enfin, la confusion entre produit fiscal et potentiel fiscal, entraîne des incompréhensions. Il ne suffit pas d'utiliser des formules magiques, comme ce préfet me recommandant de « procéder à la décélération de la hausse de la pression fiscale ».

M. Philippe Marini, président. - Péréquation et FPIC sont les enfants de la réforme de la taxe professionnelle : au départ, le Gouvernement voulait transformer cette fiscalité d'entreprise sur la valeur ajoutée en dotation, mais le Parlement lui a préféré la CVAE pour conserver un lien entre la réalité économique et les budgets locaux. La contrepartie de cette territorialisation a été la péréquation. Nous sommes entrés dans une seringue redoutable, dans une machine à faire se battre les élus locaux les uns contre les autres.

M. Yves Krattinger. - En dépit du travail remarquable de nos rapporteurs, certaines questions restent sans réponse. Avez-vous conscience que la recette des DMTO par habitant va de un à cinquante selon les départements ? Au départ, ces droits devaient financer l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). L'écart de richesse est insurmontable : aucune péréquation ne comblera la différence.

Nous avons peu de marges de manoeuvre pour influer sur les allocations de solidarité : le montant du RSA est décidé par le Gouvernement et le département n'a pas son mot à dire pour son attribution : il envoie le chèque à la fin du mois sur la base de fichiers, le plus souvent illisibles. L'APA est liée au vieillissement : or les personnes âgées viennent vivre dans le sud et l'ouest, amplifiant les déséquilibres. Le handicap est de mieux en mieux pris en compte grâce à la belle loi de 2005, qui n'a pas été accompagnée des recettes nécessaires. Dans nombre de départements, la protection de l'enfance devient la première dépense sociale, mais ils n'ont pas prise sur elle puisqu'elle résulte de décisions du juge.

Oui, il faut trouver de nouvelles ressources pour les départements. Nous avons besoin de ces 0,7 % de DMTO, et d'une règle de péréquation connue dès maintenant. Les départements ne sont majoritairement pas favorables au potentiel financier de 2011, que l'on nous propose de reprendre. Le président Ackermann a convaincu plus de 80 % des départements. Suivons-le plutôt que de ne rien faire au motif que tout le monde n'est pas d'accord. Je connais un département qui a le 82e potentiel fiscal, le 13e taux d'imposition le plus élevé et qui ne percevait aucune péréquation l'année dernière. Soyons courageux, sortons des systèmes qui ne fonctionnent pas. Comme l'a dit François Fortassin, la solidarité territoriale n'existe pas : au sein d'une même région, les tensions s'exacerbent. La péréquation, c'est la République !

Pour les recettes, il faut prendre en compte les recettes à taux national moyen pondéré. Les collectivités qui ont dû voter des taux élevés sont pénalisées parce qu'elles sont considérées suffisamment pourvues en recettes.

M. Philippe Dallier. - Bien sûr !

M. Yves Krattinger. - Dans les départements, le montant des taux va de un à cinq. Peut-on continuer ainsi ? Soyons courageux : suivons la proposition des rapporteurs sur les DMTO. M. Ackermann propose de lisser sur cinq ans ce dispositif, afin que chacun puisse s'adapter.

M. Michel Berson. - Je voudrais exprimer une certaine insatisfaction, pour ne pas dire amertume. La péréquation prévue pour le FDSRIF est beaucoup plus juste que celle figurant dans le projet de loi « Métropoles ». Mais 60 millions ! Il aurait fallu 80 millions d'euros, voire plus.

Le rééquilibrage fait apparaître des écarts inexplicables : pourquoi le Val-de-Marne bénéficie-t-il d'un reversement du fonds près de trois supérieur à celui de l'Essonne alors que son potentiel fiscal est du même ordre ? S'il est logique que Paris et les Hauts-de-Seine financent en très grande partie ce fonds, un rééquilibrage des départements bénéficiaires aurait été souhaitable.

M. Dominique de Legge. - Tout le monde est d'accord sur le principe de la péréquation, mais les collectivités prélevées crient à l'injustice et celles qui reçoivent estiment que c'est un dû, et que cela ne suffit pas.

Il est proposé de modifier les critères du FPIC : celui du revenu par habitant prend en compte le territoire et les charges des collectivités. Accroître l'effort fiscal ? Aide-toi, le ciel t'aidera ! Comme les contribuables nationaux et locaux sont les mêmes, les marges de manoeuvre des collectivités sont très faibles. Dans ma commune, le coût des rythmes scolaires représenterait 10 % d'augmentation de la taxe d'habitation. L'augmentation de l'effort fiscal pour bénéficier du FPIC me laisse dubitatif.

M. Éric Doligé. - L'ADF organise en ce moment une réunion sur la répartition de l'augmentation des DMTO. Tiendrez-vous compte de ses propositions ?

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - Nous avons beaucoup reçu, y compris l'ADF et Anne-Marie Escoffier. Nous n'avons masqué aucune difficulté. En revanche, l'article 58, relatif aux DMTO, n'est pas rattaché à la mission que nous examinons, qui ne signifie pas que nous n'ayons pas d'idées... Nous avons rédigé ce rapport en sachant que les collectivités participaient à l'effort de redressement des finances publiques mais sans ignorer les inquiétudes sur l'avenir de l'investissement public dans notre pays, qui est largement financé par les collectivités territoriales.

La suppression brutale de la taxe professionnelle nous a obligés à prendre des décisions dont les effets continuent à se faire sentir. Le FPIC n'a pas été créé par cette majorité, et les critères de répartition étaient alors plus injustes. L'impact du financement des métropoles ne se fera sentir qu'à partir de 2016 - le texte n'est d'ailleurs pas encore définitivement adopté. À terme, 70 millions devraient être prélevés sur la dotation des EPCI.

L'accord réalisé au sein du Comité des finances locales a éclairé notre réflexion ; nous n'avons pas jugé opportun de le remettre en cause par nos amendements. Pour les départements, la discussion se poursuit sur l'article 58. Enfin, nous nous devions de dire que la cotisation minimum de CFE, qui représente 20 % du produit de CFE, pouvait provoquer une baisse des recettes pour certaines collectivités. Mais les arbitrages ne sont pas encore rendus. Peut-être notre président nous fera-t-il une suggestion ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - L'exercice est difficile, car cette mission ne représente que 2,5 % des crédits des dotations de l'État aux collectivités. C'est pourquoi la discussion s'élargit assez naturellement à la CFE, au FCTVA et aux DMTO qui n'y figurent pas directement.

La baisse des dotations a fait l'objet d'une très large concertation. Des groupes de travail du CFL ont traité de tous ces sujets pendant les six premiers mois de l'année. Nous avons ensuite arrêté des principes, acceptés par les régions, les départements et le bloc communal, pour répartir cette diminution non pas en fonction de l'évolution de la DGF mais de celle des recettes réelles de fonctionnement, afin que l'impact ne soit pas trop violent, notamment sur les petites collectivités où le montant de la DGF pèse beaucoup plus que dans les grandes. Ce critère a le mérite de faire consensus.

MM. Francis Delattre et Philippe Dallier. - Mais non !

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - En tous cas, au Comité des finances locales.

Sur la moyenne du potentiel financier agrégé pour le calcul du prélèvement, nous vous proposerons d'en revenir à 90 % car on ne peut faire monter en puissance la péréquation horizontale tout en réduisant le nombre des collectivités contributrices : nous risquerions de les frapper deux fois.

Joël Bourdin a évoqué la prise en compte du revenu moyen. Certes, il peut y avoir de grandes variations de certains critères dans les petites collectivités. Des réflexions sont menées sur le revenu moyen et sur le revenu médian, mais on ne peut au détour d'un amendement risquer de faire considérablement varier les répartitions. Nous vous proposons un amendement atténuant la baisse en cas de variation forte.

Vincent Delahaye s'est interrogé sur le potentiel financier pris en compte pour les départements. Si nous proposons d'en rester à 2011, c'est que le nouveau potentiel de 2012 intègre la réforme de la taxe professionnelle et a bouleversé l'appréciation de la richesse des départements. Peut-être l'Assemblée nationale va-t-elle modifier les modalités de calcul du potentiel financier mais nous préférons, pour l'instant, nous en tenir au principe du moratoire.

Le Comité des finances locales avait envisagé de pondérer le revenu par habitant à hauteur de 30 %. Nous avons préféré rester à 25 %. Ce critère pourrait être amélioré, mais mieux vaut attendre les conclusions des groupes de travail qui vont se pencher en début d'année sur la réforme de la DGF. Toutes les études montrent que le revenu moyen par habitant est un critère synthétique qui reflète la fragilité des territoires. Il faudra, lors de la répartition des DMTO, que l'on sorte de la logique du revenu par habitant ramené à la population, car cela a été catastrophique pour certains départements ruraux qui ont perdu une grande partie de la péréquation des DMTO. Une réflexion est en cours pour corriger tout cela.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 72

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Sur l'article 72 nous vous proposons un amendement qui permet de préciser que la baisse des dotations est prévue « pour 2014 et 2015 » et non pas « à compter de 2014 ». Je rappelle que le Comité des finances locales (CFL) avait souhaité que la baisse des dotations soit une contribution exceptionnelle et donc limitée à deux ans. Nous souhaitons inscrire dans la loi qu'il en sera ainsi. Pour l'après 2015, ce sera une autre discussion.

M. Philippe Marini, président. - Cet amendement est astucieux va car il va obliger le Gouvernement à s'exprimer.

M. François Marc, rapporteur général. - Cet amendement me pose problème. Le Comité des finances locales est une chose, le principe de l'annualité budgétaire en est une autre. Nous nous sommes prononcés sur une trajectoire financière jusqu'en 2017. Or, si cet amendement était adopté, 3 milliards d'euros seraient restitués aux collectivités en 2016 pour revenir à la situation antérieure. Peut-on s'engager ainsi ? Je ne le crois pas.

M. Philippe Marini, président. - Je souhaiterais que les rapporteurs spéciaux nous précisent ce qu'ils proposent. Je comprends que l'amendement prévoit qu'à compter de 2016, la baisse des dotations est interrompue et qu'on maintient les transferts de l'État au niveau atteint en 2015.

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - Bien évidemment, il ne s'agissait pas de revenir à la situation ex ante. C'est absolument impossible. Les propos du rapport général sont convaincants sur le principe de l'annualité budgétaire. De la même façon qu'on ne peut pas s'engager pour 2016, on ne peut pas s'engager en 2014 pour 2015. Je pense que l'on pourrait simplement remplacer les mots « à compter de 2014 », qui donnent l'impression qu'on ne respecte pas l'annualité budgétaire, afin de se limiter à dire ce qu'il en sera en 2014.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Notre amendement serait alors rectifié ainsi : « En 2014 », plutôt que : « En 2014 et en 2015 ».

M. Philippe Marini, président. - Nous sommes sur un texte qui est difficilement lisible parce que l'on procède par référence. Est-ce que vous pourriez nous relire l'expression complète ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Le texte actuel dit : « À compter de 2014, le montant de la dotation forfaitaire des communes de métropole et des communes des départements d'outre-mer, à l'exception de celles du Département de Mayotte, est minoré d'un montant de 588 millions d'euros ». Avec notre amendement, cela donnerait « En 2014, le montant de la dotation forfaitaire des communes de métropole et des communes des départements d'outre-mer, à l'exception de celles du Département de Mayotte, est minoré d'un montant de 588 millions d'euros ».

Cet amendement permet de rester dans le cadre de qu'avait proposé le CFL. 

M. Philippe Marini, président. - Si vous mettez « En 2014 », vous décrivez fidèlement la proposition budgétaire du Gouvernement. Il ne peut rien vous être reproché.

M. Philippe Dallier. - Si l'on met « En 2014 », tout va bien.

M. Philippe Marini, président. - Ou mal !

M. Philippe Dallier. - Je ne pense pas qu'il soit possible de s'engager sur les années suivantes.

M. Francis Delattre. - C'est de la communication...

M. François Marc, rapporteur général. - Je ne suis toujours pas convaincu, car s'il s'agit de supprimer une contribution exceptionnelle, quand son effet s'interrompt, l'on doit restituer 1,5 milliard sur une année ou 3 milliards sur deux ans. Le retour à la case départ est implicitement accepté par cette formulation.

M. Philippe Marini, président. - Il n'est pas dans l'intention des rapporteurs spéciaux de demander une restitution mais une stabilisation, une fois la ponction faite. Il faudra sans doute réécrire cet amendement pour lever les ambiguïtés qui demeurent.

À l'issue de ce débat, la commission décide de réserver sa position sur l'amendement n° 1 et sur l'article 72 du projet de loi de finances pour 2014.

Article 72 bis

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - Avec l'amendement n° 2, les communes qui ont déjà choisi de fusionner ne seront pas privées de l'incitation financière à la création de communes nouvelles pour les années 2014, 2015 et 2016.

La commission adopte l'amendement n° 2 et décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 72 bis du projet de loi de finances pour 2014 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 72 bis

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - L'amendement n° 3 conserve aux actuels chefs-lieux de canton le bénéficie de la fraction « bourg-centre » de la DSR.

M. François Marc, rapporteur général. - Les dotations en question continueront à être servies aux communes bénéficiaires après 2017. Pour autant, cette dotation est servie aux chefs-lieux de canton, mais aussi aux communes représentant au moins 15 % de la population du canton. Il faudrait également les rassurer.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Je propose que l'on ajoute à l'amendement les communes « dont la population représentait 15 % de celle du canton au 1er janvier 2014 ».

M. Philippe Marini, président. - Les cantons actuels vont-ils se survivre pour appliquer cette disposition ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Ce sont les communes concernées qui conserveront l'éligibilité.

M. Dominique de Legge. - Puisque la taille des cantons va doubler, des communes sortiront du dispositif si nous maintenons les 15 %.

M. Philippe Marini, président. - C'est la situation au 1er janvier 2014 qui sera prise en compte.

M. Dominique de Legge. - On créée des droits acquis.

M. Philippe Marini, président. - On créée un principal fictif : l'arrêté Miot en Corse s'est appliqué pendant 200 ans.

M. Gérard Miquel. - Le rôle des communes dont nous parlons ne va pas changer avec le redécoupage cantonal. Nous devons continuer à les soutenir, même après la réforme.

M. Philippe Marini, président. - Cette rédaction est correcte dans l'immédiat.

À l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement n° 3 rectifié.

Article 73

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - L'amendement n° 4 à l'article 73 supprime l'apport de l'Assemblée nationale qui voulait remplacer le taux de 90 % par celui de 100 % pour fixer le niveau de potentiel financier agrégé à compter duquel une commune ou un EPCI devient contributeur au FPIC.

La commission adopte l'amendement n° 4.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - L'amendement n° 5 modifie les modalités de répartition du FPIC entre un EPCI et ses communes membres, afin d'introduire une certaine souplesse, tout en limitant l'écart possible à 20 % par rapport à la répartition en fonction du CIF. Le but est de sortir de la règle de l'unanimité.

M. Philippe Marini, président. - C'est bien, car l'exigence de l'unanimité entraîne le chantage. Quelle est la majorité qualifiée que vous préconisez ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - La majorité des deux-tiers des suffrages exprimés.

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - En matière financière, la réforme des élections au conseil communautaire rend la règle de l'unanimité inapplicable.

M. Philippe Marini, président. - Encore une grande erreur collective que nous avons commise.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - C'est pourquoi nous proposons ici cette souplesse, car la situation sera bien plus compliquée après les élections municipales.

À l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement n° 5.

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - L'amendement n° 6 organise une sortie en sifflet du FPIC : les bénéficiaires de ce fonds dont l'attribution diminue de plus de 50 % percevront une garantie complémentaire calculée de telle sorte qu'ajoutée à leur attribution au titre du FPIC, elles recevront 50 % du montant de l'année précédente.

M. François Marc, rapporteur général. - Où prendra-t-on les sommes en question puisque l'enveloppe est fermée ? Qu'en penseront les autres bénéficiaires ?

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - C'est de la solidarité.

M. Philippe Dallier. - Lorsqu'une collectivité sort de la DSU, elle perçoit 50 % de ce qu'elle avait touché l'année précédente, puis le montant décroit jusqu'à zéro. Ici, que se passera-t-il l'année d'après ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Il existe déjà un dispositif de garantie pour ceux qui ne sont plus éligibles. L'idée est d'éviter que les communes qui perdent plus de la moitié de leur dotation soient pénalisées plus fortement que celles qui perdraient la totalité du bénéfice du dispositif, mais la garantie s'atténuera d'année en année.

M. Philippe Dallier. - Si la dotation diminue brutalement, ce peut être parce que la commune a bénéficié d'une recette nouvelle ; il ne saurait alors être question de compenser la baisse du FPIC. Ou alors, cette baisse serait due à la modification des critères, modifications auxquelles nous nous livrons chaque année avec délice. Ceinture, bretelle et parachute ? Au bout du compte, on ne sait plus ce que l'on fait.

M. Yves Krattinger. - On corrige la dotation sans revaloriser l'enveloppe.

M. Philippe Dallier. - C'est dans l'enveloppe.

M. Philippe Marini, président. - Le système sera globalement moins péréquateur.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Cet amendement répond aux interrogations qu'exprimait Joël Bourdin : dans de petites collectivités, le changement fiscal d'un seul habitant peut faire baisser fortement les attributions au titre du FPIC. Lorsqu'une collectivité sort du FPIC, elle a une garantie, mais lorsqu'elle subit une baisse brutale, elle n'en a pas jusqu'à présent. Nous corrigeons une incohérence.

À l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement n° 6, ainsi que l'amendement rédactionnel n° 7 et décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 73 du projet de loi de finances pour 2014 ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 73

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - Insérant un article additionnel, l'amendement n° 8 revient au potentiel de l'année 2011. Nous en avons déjà parlé.

M. Yves Krattinger. - Je vote contre cet amendement.

M. Claude Haut. - Moi aussi.

La commission adopte l'amendement n° 8.

Article 73 bis

La commission adopte l'amendement de codification n° 9 à l'article 73 bis, ainsi que l'amendement rédactionnel n° 10 et l'amendement de précision n° 11, puis elle décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 73 bis du projet de loi de finances pour 2014 ainsi modifié.

Article 74

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification de l'article 74 du projet de loi de finances pour 2014.

Article 74 bis

M. Jean Germain, rapporteur spécial. - L'amendement n° 12 à l'article 74 bis revient sur l'intégration à l'aveugle du « versement transport » dans le calcul du coefficient d'intégration fiscale.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Des simulations sont nécessaires.

M. Philippe Marini, président. - Absolument !

La commission adopte l'amendement de suppression n° 12.

Mercredi 13 novembre 2013

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Désignation d'un rapporteur

Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission procède tout d'abord à la désignation d'un rapporteur.

La commission désigne M. Jean-Claude Frécon rapporteur sur la proposition de loi n° 840 (2012-2013), de M. Daniel Dubois et plusieurs de ses collègues, relative au financement du service public de l'assainissement par des fonds de concours.

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Loi de finances pour 2014 - Examen des articles de la première partie

Puis la commission procède à l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2014, sur le rapport de M. François Marc, rapporteur général.

M. Philippe Marini, président. - Mes chers collègues, le rapporteur général va nous présenter les amendements qu'il propose à la première partie du projet de loi de finances. Avant de commencer leur examen, je souhaiterais que nous nous mettions d'accord sur l'organisation de nos travaux. Je vous propose de procéder comme l'année dernière, c'est-à-dire en examinant d'abord les amendements contenus dans la liasse des amendements proposés par le rapporteur général, puis en procédant à un vote global sur l'ensemble de la première partie.

Y a-t-il des oppositions à cette manière de procéder ?

Il en est ainsi décidé.

M. François Marc, rapporteur général. - Je vous propose de réserver trois articles de cette première partie, car les amendements que j'envisage ne sont pas encore techniquement aboutis, faute d'avoir obtenu en temps utile, de la part des services du ministère de l'économie et des finances, une expertise suffisante.

Tous ceux qui sont concernés par les articles 13, réformant le régime de défiscalisation des investissements productifs et des logements sociaux outre-mer, et 14, qui concerne la lutte contre l'endettement artificiel par le recours à des produits hybrides, sont très attentifs aux initiatives qui pourraient être prises. Je ne souhaite pas susciter des réactions fortes qui résulteraient de l'adoption, ce matin, de dispositifs qui ne seraient pas totalement calés.

S'agissant de l'article 17, relatif à la suppression des dépenses fiscales inefficientes et inutiles, j'attends un retour de Bercy sur une dépense qui pourrait répondre à ces deux critères. Toutefois, il semblerait que des niches en apparence abandonnées hébergent parfois des chiens endormis...

M. Philippe Marini. - Clandestins ?

M. François Marc, rapporteur général. - ... et je veux donc être pleinement assuré de l'impact éventuel d'une suppression avant d'y procéder. « Chien à demi endormi peut mordre ! »

M. Philippe Marini, président. - Il faut savoir dresser les chiens.

La réserve est décidée.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. François Marc, rapporteur général. - Le nombre des amendements que je vous propose est volontairement restreint.

Article 7 quater

M. François Marc, rapporteur général. - L'amendement n° 1 tend à réduire le taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux engrais organiques afin qu'ils bénéficient, comme les engrais bio, du taux intermédiaire de 10 %.

Actuellement, les fertilisants organiques et chimiques sont taxés de la même manière. Le présent article prévoit un passage au taux normal de 20 % en 2014. Nous souhaitons encourager le recours aux engrais organiques, issus des effluents d'élevage faisant l'objet de méthanisation ou d'assèchement, au détriment des engrais chimiques, parfois en provenance de destinations lointaines, en différenciant leur régime fiscal.

L'amendement vise ainsi à favoriser les circuits courts, au bénéfice de l'environnement. Il s'inscrit dans la logique du plan annoncé par le ministre de l'agriculture. La France accuse en effet un retard certain en matière de méthanisation, alors que l'Allemagne, elle, compte déjà un millier de « méthaniseurs ».

M. Philippe Marini, président. - Quel serait le coût de cette mesure ? Ne faudrait-il pas un gage ?

M. François Marc, rapporteur général. - Le rendement attendu du passage au taux normal de TVA est de 15 millions d'euros. L'amendement diminuerait légèrement cette recette supplémentaire.

M. Philippe Marini, président. - Je comprends. Pour apprécier la recevabilité financière, il convient naturellement de choisir le terme de référence le plus favorable à l'initiative parlementaire. Par rapport au texte de l'Assemblée nationale, l'amendement entraine une légère détérioration du rendement budgétaire, mais par rapport au droit existant, l'amélioration demeure.

M. Dominique de Legge. - Cet amendement est sympathique. Mais le message envoyé à la filière agricole n'est pas vraiment positif. La multiplication des incitations fiscales en faveur de l'agriculture biologique depuis dix ans a eu pour seul résultat de détériorer notre potentiel productif. La loi de finances n'est pas le véhicule adapté pour réguler les pratiques agricoles. Je voterai contre.

M. Joël Bourdin. - Pour ma part, je suis partagé. Je suis hostile à l'augmentation de la TVA. Mais la différenciation qu'instaure l'amendement me semble aller dans le bon sens. Je voterai pour.

M. Yannick Botrel. - Je veux signaler à Dominique de Legge que les professionnels récupèrent la TVA sur les engrais qu'ils utilisent : pour eux, l'article du projet de loi de finances est neutre. En ce qui concerne les particuliers, le signal est positif. Nous souhaitons que la méthanisation se développe. La production d'engrais à partir de fientes de volaille, la première concernée par l'amendement, est à encourager également. Mais on n'écoulera de la sorte qu'une petite partie des excédents.

L'amendement n° 1 est adopté.

Article 8 ter

M. Philippe Marini, président. - L'intégration d'éléments virtuels - des plus-values latentes - dans le calcul du plafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) suscite la controverse. La disposition pourrait être anticonstitutionnelle.

M. François Marc, rapporteur général. - L'amendement n° 2 ajuste, à la marge, le dispositif actuel de plafonnement de l'ISF afin de le rendre plus cohérent. Il vise à intégrer les intérêts des plans d'épargne-logement (PEL) dans les revenus pris en compte pour le calcul du plafonnement. Comme les gains d'assurance vie visés par l'article, ces sommes sont définitivement acquises par le contribuable et subissent des prélèvements sociaux - qui sont inclus dans le calcul.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel ne semble pas parfaitement fixée. L'an dernier, les sages ont censuré la prise en compte de revenus non directement encaissés, mais, en 2011, ils n'avaient pas censuré un dispositif introduit par Gilles Carrez à propos des revenus de l'assurance vie, assez voisin de celui initié par le présent amendement. Dès lors, on peut se demander si la censure de l'année dernière ne visait pas principalement les revenus mis en réserve dans certaines holdings. A ce stade, il y a lieu selon moi d'apporter un soutien politique à l'initiative de Christian Eckert.

M. Philippe Marini, président. - L'axe des rapporteurs généraux n'est pas moins redoutable que celui des présidents de commission ! Votre amendement durcit un peu le plafond. Il vise à éviter le grief d'inégalité de traitement qui pourrait être opposé à la rédaction de l'Assemblée nationale. Dans les revenus pris en compte pour le plafond figurent à la fois des plus-values latentes et des intérêts versés sur compte, non mobilisés mais qui peuvent être considérés comme acquis. Cette disposition mérite d'être examinée par le Conseil constitutionnel.

M. Philippe Adnot. - Je vote contre.

L'amendement n° 2 est adopté.

Article 9

M. François Marc, rapporteur général. - L'article 9 met à la charge des entreprises une taxe exceptionnelle de solidarité sur les rémunérations supérieures à un million d'euros. La rédaction actuelle autorise cependant des stratégies d'optimisation consistant à répartir ces rémunérations entre plusieurs entreprises d'un même groupe. Pour prévenir un possible contournement, l'amendement n° 3 prévoit d'assujettir également les groupes, à charge pour la société mère de s'acquitter de la taxe pour le total des rémunérations versées à un salarié par ses sociétés.

L'amendement n° 3 est adopté.

M. François Marc, rapporteur général. - L'amendement n° 4 vise à étendre la taxe exceptionnelle de solidarité sur les hautes rémunérations sportives à l'ensemble des clubs professionnels de football affiliés à une fédération française, quel que soit leur lieu d'établissement.

Mme Michèle André. - Très bien.

M. Jean-Claude Frécon. - Oui !

M. François Marc, rapporteur général. - L'amendement crée un régime spécifique de taxation pour les sociétés sportives auquel seront soumis tous les clubs affiliés à une fédération française, à moins qu'ils n'apportent la preuve qu'ils ont acquitté la taxe exceptionnelle de droit commun.

M. François Marc, rapporteur général. - D'autres conflits opposent l'AS Monaco et la ligue professionnelle : ils n'entrent pas dans nos préoccupations. En revanche, tous les clubs doivent participer à l'effort de solidarité. Or, dans la rédaction actuelle, celui de Monaco en serait dispensé. Il convient de remédier à cette inégalité afin de rétablir l'équilibre économique et sportif.

M. Jean-Marc Todeschini. - Le dispositif est-il bordé ?

M. Philippe Marini, président. - L'amendement augmente-t-il les recettes de l'Etat ?

M. François Marc, rapporteur général. - Oui, de quelques millions d'euros.

M. François Fortassin. - Est-il possible d'empêcher l'AS Monaco de participer au championnat s'il refuse de payer ?

M. François Marc, rapporteur général. - La radiation est alors automatique. Le recouvrement de la taxe sera opéré par la ligue de football professionnel, qui dispose de tous les éléments d'informations utiles sur les rémunérations versées.

M. Yvon Collin. - Ils peuvent aller jouer en Italie !

M. Philippe Marini, président. - Dès lors que l'AS Monaco participe au championnat organisé par la Fédération française de football, il n'y a pas de raison de l'exclure du champ de la taxe. Hostile à la taxe, je considère que, si elle est votée, elle doit s'appliquer à tous, quitte à entraîner une sorte d'annexion fiscale partielle de Monaco !

M. Jean-Claude Frécon. - C'est une question d'équité. L'ensemble des clubs professionnels en France ont souligné que l'exemption de l'AS Monaco fausserait le championnat. L'amendement est sans doute puisé à bonne source. Si on laisse perdurer l'exception monégasque, d'autres clubs possédés par des capitaux étrangers pourraient être tentés par de telles stratégies d'évitement.

M. François Marc, rapporteur général. - Soyez rassuré, l'amendement vient du Sénat. Mon club de coeur, Brest, ayant été relégué en ligue 2, vous ne pouvez me soupçonner de vouloir amoindrir les chances de Monaco !

L'amendement n° 4 est adopté.

Article additionnel après l'article 10

M. François Marc, rapporteur général. - La loi de finances pour 2013 a introduit une limitation de la déductibilité des charges financières dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés (IS), à hauteur de 75 % pour 2014. Cette mesure vise à corriger le différentiel de taux effectif d'imposition entre les PME et les grands groupes. Elle doit inciter les entreprises à augmenter leurs fonds propres plutôt que recourir à l'endettement. Dans cette optique, 25 % des charges financières seront désormais imposées à l'IS.

Cette mesure suscite l'inquiétude des entreprises gérant des stocks sur plusieurs années, producteurs de champagne par exemple. Les grands groupes ont les moyens de financer les stocks sur fonds propres, pas les PME et les entreprises de taille intermédiaire. Pour celles-là, l'amendement n° 5 vise à anticiper un risque éventuel de baisse de la rentabilité due à une augmentation des taux d'intérêt. Il a vocation à les protéger, tout en garantissant le rendement budgétaire de la mesure.

M. Philippe Marini, président. - Nouvelle illustration de la technique fiscale bien connue consistant à prendre une mesure puis à la retailler, la raffiner, la rogner, pour la priver d'une partie de ses effets.

M. François Marc, rapporteur général. - Cet amendement est vertueux : il ne coûte rien dans l'immédiat et assure une protection des PME et ETI, qui restent cependant incitées à se financer davantage sur fonds propres.

M. Philippe Adnot. - L'intention est louable. Mais les entreprises n'ont d'autre choix que l'endettement. Si l'on veut que les PME puissent croître et devenir des ETI, il faut supprimer le plafonnement de la déductibilité des intérêts d'emprunt !

M. Jean-Paul Emorine. - Je suis choqué par cet amendement. Toutes les entreprises préfèreraient se financer sur fonds propres ; on sait bien que cela est impossible dans la conjoncture que nous traversons. Aujourd'hui, s'endetter est un acte courageux. Si l'objectif poursuivi est le développement des ETI, alors l'amendement est contre-productif.

M. Vincent Delahaye. - Je partage ce point de vue. Aucune entreprise ne s'endette par plaisir.

M. Francis Delattre. - Nous avons combattu l'an dernier l'introduction du plafonnement de la déductibilité des charges financières, passée relativement inaperçue dans l'opinion publique. Ce plafonnement va à l'encontre des objectifs poursuivis par la création de la Banque publique d'investissement ! Nous y demeurons hostiles.

Il y a trois ans, la France comptait 7 millions d'actionnaires privés, à présent seulement 4 millions. La mesure, en fait, vise les banques prêteuses, qu'on veut contraindre à des prises de participation. Soit, mais elle n'est pas adaptée à l'ensemble des entreprises. Comme l'an dernier nous combattrons cet amendement.

M. Charles Guené. - La remarque formulée par le président Marini précédemment peut être reprise ici. L'amendement limite les effets pervers du plafonnement, mais c'est le plafonnement qui pose problème.

M. Philippe Marini, président. - Nous nous trouvons devant un dilemme. Le vote en faveur de l'atténuation des effets d'une mesure détestable vaut-il acceptation de cette mesure ? Vous nous crucifiez, monsieur le rapporteur général !

M. Joël Bourdin. - A l'heure actuelle, les taux d'imposition qui frappent les épargnants ne les incitent pas à investir dans les entreprises. Dans ces conditions, entraver l'emprunt revient à condamner les entreprises. Nous fonctionnerons bientôt uniquement avec des administrations.

M. Jean Germain. - L'amendement répond aux préoccupations de beaucoup d'entreprises, notamment agricoles, qui disposent de stocks importants. Il est excellent. D'autant qu'il freinera les appétits de grandes entreprises qui achètent et fusionnent à tout va des petites entreprises, avec bien sûr un financement par l'emprunt pour profiter de la déductibilité.

M. Pierre Jarlier. - L'amendement améliore le dispositif, même si la pertinence de ce dispositif prête à discussion. Je voterai l'amendement.

M. François Marc, rapporteur général. - Le plafonnement de la déductibilité des frais financiers adopté l'an dernier s'inscrit dans une logique d'harmonisation européenne. Mon amendement vise à atténuer les risques financiers liés à la hausse des taux pour les PME.

L'amendement n° 5 est adopté.

Article 11

M. François Marc, rapporteur général. - L'amendement n° 6 vise à mieux articuler l'incitation à l'investissement dans les PME les plus risquées avec l'imposition des plus-values tirées in fine de ces investissements. Il tend à calculer les plus-values mobilières en tenant compte, le cas échéant, de la réduction d'impôt dite Madelin obtenue au moment de l'investissement. L'Assemblée nationale a interdit le cumul entre la réduction Madelin et le régime incitatif à abattement renforcé créé par l'article 11. Il est préférable de conserver la réduction d'impôt à l'investissement mais de l'intégrer dans le calcul de la plus-value. Nous maintenons ainsi le rôle incitatif de la réduction d'impôt tout en supprimant les effets d'aubaine.

M. Philippe Adnot. - Le rapporteur général a raison de vouloir assouplir le dispositif voté à l'Assemblée nationale mais ses changements sont néanmoins limités : la réduction Madelin reste intégrée à la sortie. Avec de telles mesures, qui voudra encore investir dans les PME ? En outre cet article est en contradiction avec le nouveau dispositif PEA-PME. La visibilité en pâtit.

M. Philippe Marini, président. - L'amendement procède de bonnes intentions mais à force de vouloir affiner des mesures complexes, l'ensemble devient illisible. Il faudrait un bon coup de balai !

M. François Marc, rapporteur général. - L'article voté par l'Assemblée nationale est dissuasif. Notre rédaction maintient, elle, le caractère incitatif d'un investissement dans les PME risquées.

M. Philippe Adnot. - Sans aucun doute, l'amendement marque un progrès par rapport à la rédaction de l'Assemblée nationale.

L'amendement n° 6 est adopté.

Article 12

M. François Marc, rapporteur général. - L'article 12 prévoit, à l'attention des PME, un amortissement fiscal accéléré pour favoriser l'équipement en robots industriels. Ceux-ci sont nombreux dans les usines d'Allemagne et ils ont joué un rôle majeur, aux Etats-Unis, dans la relocalisation industrielle. Or seuls 300 robots industriels, en France, sont installés dans des PME. L'amendement n° 7 élargit le dispositif aux entreprises de taille intermédiaire.

M. Philippe Dallier. - Je ne peux que soutenir cet amendement qui, selon vos estimations, ne coûte rien ! Mais quelle est la définition des robots industriels ? Le chiffre de 300 robots me paraît peu élevé.

M. Philippe Marini. - Une machine à commande numérique ou un automate ne sont pas des robots. Existe-t-il une instruction fiscale ?

M. François Marc, rapporteur général. - L'organisation internationale de normalisation définit les robots comme des manipulateurs multi-application, reprogrammables, commandés automatiquement et programmables dans trois axes ou plus.

M. François Fortassin. - Voilà qui nous éclaire.

M. Philippe Adnot. - Quel seront les modalités de l'amortissement ? Quelle est la différence avec le leasing qui prévoit un amortissement de 60 % dès la première année ?

M. Francis Delattre. - La relocalisation industrielle aux Etats-Unis concerne surtout les nouvelles technologies. Ainsi Apple avait toujours fabriqué ses produits à l'étranger mais a installé récemment un centre de production dans le Minnesota. Les robots sont plutôt en usage dans l'industrie lourde ou l'automobile. Dans les usines automobiles allemandes installées en Europe de l'Est, comme l'usine Volkswagen à Bratislava, les robots appartiennent aux firmes qui les construisent, non aux industriels qui les utilisent. Néanmoins, pour une fois, l'amendement procède d'une louable intention.

M. François Marc, rapporteur général. - L'article 12 prévoit un amortissement total en deux ans, tandis que dans le leasing, après un amortissement de 60 % la première année, la sortie est en sifflet. Le mécanisme est donc plus avantageux. On compte 30 000 robots en France mais seulement 300 dans les PME. Nous devons donc élargir les mesures incitatives aux entreprises de taille intermédiaire pour espérer atteindre nos objectifs.

L'amendement n° 7 est adopté.

Article additionnel après l'article 12

M. François Marc, rapporteur général. - Les transporteurs maritimes sont exclus du bénéfice du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) car ils établissent leur impôt selon le régime forfaitaire de la taxe au tonnage. Pourtant ils sont soumis à la concurrence d'autres compagnies maritimes européennes et des autres modes de transport, qui bénéficient du crédit d'impôt. En conséquence, l'amendement n° 8 tend à ce que ces entreprises puissent bénéficier de l'allègement de charges que permet le CICE. En outre, la Commission européenne vient de lancer une enquête sur la taxe au tonnage.

M. Philippe Marini, président. - Cet amendement concerne-t-il tous les transporteurs maritimes ?

M. François Marc, rapporteur général. - Il concerne le transport maritime de personnes ou de biens, le remorquage en haute mer, le sauvetage. En revanche sont exclus le dragage, le remorquage portuaire, ou les navires fixes.

M. Philippe Marini, président. - Quel en sera le coût ?

M. François Marc, rapporteur général. - Probablement de l'ordre de 10 à 12 millions d'euros par an.

L'amendement n° 8 est adopté.

Article 18

M. François Marc, rapporteur général. - Pour développer l'offre immobilière, l'article 18 crée un abattement exceptionnel de 25 % entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014, pour l'imposition des plus-values de cessions des terrains autres que les terrains à bâtir. Toutefois, la perte de recettes correspondante est importante, évaluée à 485 millions d'euros. Aussi, l'amendement n° 9 réduit l'abattement exceptionnel à 20 %.

M. Jean Germain. - Nous avions déjà déposé cet amendement l'an passé. Il n'avait pas reçu l'approbation du Gouvernement. Je le voterai néanmoins.

M. Philippe Marini, président. - L'an dernier, nous l'avions voté. Du reste, n'est-ce pas le rôle du rapporteur général de ne pas être totalement aligné ?

M. François Marc, rapporteur général. - Le Gouvernement avait donné un avis de sagesse.

M. Roger Karoutchi. - Je ne comprends pas. D'un côté le Gouvernement souhaite développer l'offre immobilière, de l'autre, le rapporteur général propose de réduire l'abattement exceptionnel, alors que le volume de transactions est déjà très faible. Veut-on bloquer le système ?

M. Francis Delattre. - Sans compter l'instabilité fiscale.

M. Philippe Marini, président. - Il est toujours difficile d'apprécier le coût de ces mesures incitatives. La direction de la législation fiscale se fonde sur des évaluations de l'état du marché et du volume des transactions. Peut-être son estimation est-elle un peu trop généreuse...

M. François Marc, rapporteur général. - Avec cet amendement, l'économie pourrait être de l'ordre de 50 millions d'euros.

M. Yann Gaillard. - Cet amendement est différent des précédents. Il ne vise plus à favoriser un secteur économique mais obéit à des considérations strictement budgétaires.

M. Philippe Marini, président. - C'est aussi le rôle de la commission des finances.

M. Philippe Dallier. - Quels sont exactement les biens visés ? Les terrains autres que les terrains à bâtir comportent déjà des constructions.

M. Philippe Adnot. - Et qu'en est-il des droits de mutation ? Le Gouvernement propose d'en relever le taux de 3,7 à 4,5 %, soit une charge supplémentaire de 1,3 milliard d'euros pour nos concitoyens.

M. François Marc, rapporteur général. - La définition des terrains est celle retenue par le code général des impôts. Ce sont des terrains qui portent déjà des constructions. On en trouve par exemple en centre-ville, friches ou terrains occupés par des immeubles dégradés.

M. Francis Delattre. - Cette mesure s'inscrit directement dans le champ de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains (SRU), elle concerne le renouvellement urbain. Celui-ci donne lieu à des programmes d'envergure. Il faut les encourager. Comment appliquer le plan local de l'habitat (PLH) si vous découragez fiscalement les projets ? Enfin que penser de cette mesure au regard de l'objectif de stabilité fiscale,  pourtant essentielle en matière d'investissements immobiliers !

M. Dominique de Legge. - Les terrains visés relèvent-ils exclusivement du code de l'urbanisme ou peut-il s'agir de terres agricoles ?

M. François Marc, rapporteur général. - Le Gouvernement souhaite accélérer la circulation du patrimoine immobilier, résidences situées en centre-ville ou encore, résidences secondaires.

M. Philippe Dallier. - C'est bien ce que je pensais...

M. François Marc, rapporteur général. - L'an passé, le Gouvernement prévoyait un abattement de 20 % : nous avions proposé 15 %, le Gouvernement s'en était remis à la sagesse, mais nos positions étaient un peu difficiles à défendre en CMP... Cette année le Gouvernement porte l'abattement à 25 % ; il nous semble que le niveau de 20 % est suffisamment incitatif.

M. Philippe Dallier. - Cet abattement vise aussi les résidences secondaires.

L'amendement n° 9 est adopté.

M. François Marc, rapporteur général. - En supprimant l'abattement sur les plus-values de cessions de terrains à bâtir, l'article 18 vise à relancer le marché immobilier : les propriétaires seront moins enclins à conserver longtemps leur bien. Afin de laisser le temps aux propriétaires de procéder à la vente d'un bien susceptible de bénéficier d'un taux d'abattement élevé, l'Assemblée nationale a décalé la date d'entrée en vigueur de cette suppression au 1er mars 2014, alors que le projet de loi initial prévoyait le 1er janvier de la même année. Toutefois, d'ici à la date d'entrée en vigueur du nouveau régime, un propriétaire pourrait être tenté de contourner les nouvelles dispositions en cédant son terrain à un proche ou à une société civile immobilière, dont lui ou un membre de sa famille serait associé, à seule fin de minorer l'imposition due. Il bénéficierait ainsi de l'abattement sans que le terrain soit remis réellement sur le marché. C'est pourquoi l'amendement n° 10 avance la suppression de l'abattement au 1er décembre 2013, pour ces seuls cas.

M. Philippe Marini, président. - Toute mesure interventionniste crée des effets d'aubaine contre lesquels on s'efforce ensuite de lutter. Pourquoi ne pas procéder à une grande simplification au profit d'une fiscalité durable et neutre ?

M. Philippe Dallier. - La précaution est intéressante. Mais si l'on veut favoriser un choc d'offre...

M. Philippe Marini, président. - A défaut d'un choc de simplification !

M. Philippe Dallier. - ...la date du 31 mars est trop rapprochée : pourquoi ne pas la repousser, comme à l'amendement précédent, au 31 août 2014 ?

M. Roger Karoutchi. - Il faut de la stabilité. On crée des effets d'aubaine puis on s'efforce de les limiter et on modifie les dates... Comment nos concitoyens pourraient-ils y comprendre quoi que ce soit ?

M. Philippe Adnot. - Cet amendement vise à éviter le contournement de la loi. Mais il est injuste : certaines ventes en famille qui ne visent pas à tricher seront pénalisées. L'amendement ne devrait s'appliquer que dans l'hypothèse où le bien est revendu ensuite à la famille.

M. Philippe Marini, président. - Très juste : toutes les opérations au sein d'une famille ne sont pas abusives. C'est un amendement anti-famille.

M. Charles Guené. - Pourquoi ne pas laisser s'appliquer le régime de l'abus de droit ? Pourquoi compliquer ?

M. Philippe Marini, président. - C'est ce que répétait Alain Lambert lorsqu'il était rapporteur général !

M. François Marc, rapporteur général. - J'entends vos objections et je retire donc cet amendement.

L'amendement n° 10 est retiré.

Article 18 ter

L'amendement rédactionnel n° 11 est adopté.

Article 19

M. François Marc, rapporteur général. - L'amendement n° 12 vise à maintenir le taux de TVA à 7 % pour les logements situés entre 300 et 500 mètres autour d'une zone ANRU, pour lesquels une demande de permis de construire aura été déposée avant le 1er janvier 2014 et non le 16 octobre 2013. Il s'agit de ne pas remettre en cause l'équilibre d'opérations déjà engagées.

M. Philippe Marini. - Cet amendement semble concerner quelques opérations en particulier.

M. Yann Gaillard. - Il est bizarre.

M. Philippe Dallier. - Le report de la date au 1er janvier est une bonne idée. Mais je déplore que l'on change les règles alors que les projets ANRU sont lancés. Le but était de renforcer la mixité sociale à proximité des quartiers concernés. La modification est-elle utile quand certains projets se termineront dans les deux ou trois ans ? Dans ma commune, la zone ANRU est bordée par le canal de l'Ourcq, ce qui réduit déjà de 150 mètres la zone visée.

M. Philippe Marini, président. - Mais quelle chance d'avoir un canal !

M. Francis Delattre. - Cet amendement correspond à des situations très précisément localisées, entre 300 et 500 mètres. Il est vrai que dans les dossiers ANRU, nous nous efforçons d'augmenter la mixité en périphérie de la zone de renouvellement. Nous devons reloger les personnes concernées à proximité, car elles sont attachées à leur quartier. Mais pourquoi 300 mètres ? Pourquoi ne pas plutôt appliquer le taux de 7 % jusqu'à 500 mètres ?

M. Philippe Marini, président. - Le Gouvernement propose de revenir de 500 mètres à 300 mètres. Le rapporteur général aménage la période de transition.

M. Jean Germain. - Réduire le rayon à 300 mètres est très restrictif : celui de 500 mètres est approprié pour décloisonner les quartiers. Grâce à cet amendement, des projets dans la zone des 500 mètres pourront se poursuivre jusqu'au 1er janvier.

M. Philippe Dallier. - Soit dans un mois...

M. François Marc, rapporteur général. - Cet amendement vise les opérations déjà prêtes. Il est le fruit des auditions d'associations d'élus comme d'entreprises. Il s'agit de ménager une transition en douceur.

L'amendement n° 12 est adopté.

Article 19 bis

M. François Marc, rapporteur général. - Il s'agit de la taxe sur les véhicules de société. L'amendement n° 13 aligne le tarif applicable aux véhicules diesel, lorsqu'ils respectent les normes « Euro 6 », au taux des véhicules à essence. Et ce, avant même le 1er septembre 2015 : car cela aura un effet incitatif pour renouveler le parc en ayant recours à des véhicules propres.

M. Philippe Dallier. - C'est une excellente mesure. Ne multiplions pas les obstacles au rétablissement de Peugeot.

M. Philippe Marini, président. - Quel en est le coût ?

M. François Marc, rapporteur général. - Les recettes escomptées de la taxe créée par l'Assemblée nationale en seraient très légèrement diminuées.

M. Gérard Miquel. - Cet amendement est excellent. Nos constructeurs automobiles ont réalisé d'importants efforts de recherche pour améliorer les moteurs diesel. Nous devons soutenir notre industrie.

M. Yvon Collin. - Très bien !

L'amendement n° 13 est adopté.

Article 24 ter

M. François Marc, rapporteur général. - L'article 24 ter s'inscrit dans le prolongement de la réforme de la taxe professionnelle. Le Gouvernement a introduit cet article à l'Assemblée nationale ; nous le complétons. L'amendement n° 14 vise à décaler d'un an, du 30 juin 2012 au 30 juin 2013, la date limite des redressements de taxe professionnelle pris en compte pour l'actualisation de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCRTP) et du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR). Des rôles supplémentaires, dont les montants peuvent être importants, ont en effet été émis après le 30 juin 2012. Il fallait les prendre en compte.

M. Philippe Marini, président. - Cette mesure est d'autant plus justifiée qu'elle peut concerner des redressements à l'égard de contribuables qui ont cherché à échapper à la taxe due.

L'amendement n° 14 est adopté.

Article 31

M. François Marc, rapporteur général. - Les amendements n° 15 et n° 16 sont des amendements de principe. Ils visent à étendre le champ d'application du plafonnement des taxes affectées, par souci de cohérence, car toutes les taxes ne sont pas concernées ! L'amendement n° 15 plafonne celle sur les distributeurs de services de télévision, qui est affectée au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Le plafond étant fixé au niveau de la prévision de recettes pour 2014, il ne devrait pas donner lieu à écrêtement.

M. Philippe Marini, président. - C'est une bonne initiative, conforme aux positions de la commission des finances. Si le volume des recettes dépasse les prévisions budgétaires, le surplus est reversé au budget général : cela me paraît sain.

L'amendement n° 15 est adopté.

Article 31

M. François Marc, rapporteur général. - Même philosophie pour l'amendement n° 16 qui plafonne les redevances affectées aux agences de l'eau.

M. Philippe Adnot. - Les agences de l'eau ont vu leurs missions s'alourdir. Elles auront du mal à tenir leurs engagements. Je ne voterai pas cet amendement. Il aurait pour conséquence une hausse des prélèvements fiscaux. J'ajoute que l'excédent reversé au budget de l'Etat ne sera certainement pas affecté à l'amélioration de la qualité de l'eau.

M. Jean-Paul Emorine. - Je partage l'analyse de Philippe Adnot. Les départements se sont désengagés de la politique de l'eau et de l'assainissement. Au niveau européen les agences de l'eau françaises sont reconnues comme des organismes pertinents. Elles ont beaucoup à faire. Je voterai contre l'amendement.

M. Pierre Jarlier. - Je crois indispensable de maintenir les moyens des agences. En  2015, l'eau distribuée devra être en « bon état écologique ». Les communes et les EPCI ont des travaux importants à conduire pour mettre aux normes leurs réseaux d'assainissement. Les départements se désengagent, comme l'Union européenne. Si les agences ont moins de moyens, les objectifs ne seront pas atteints. Je ne peux voter cet amendement.

M. Joël Bourdin. - A l'occasion de la définition, dans mon département, d'un schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), je constate que les travaux de prévention des inondations et de gestion des zones humides sont colossaux. Les agences de l'eau ont besoin de recettes !

M. Éric Doligé. - L'assainissement et la réalisation de stations d'épuration représentent l'un des plus gros investissements dans les secteurs ruraux. Prélever sur les agences de l'eau serait un coup dur pour le monde rural.

M. François Fortassin. - Pleurer sur les agences de l'eau, soit. Mais toutes n'ont pas un comportement exemplaire, notamment au niveau de la gouvernance. A moins que ma région soit un cas particulier ?

M. Jean-Paul Emorine. - Il faut améliorer leur gouvernance.

M. François Fortassin. - Elles dépensent souvent à la légère des sommes considérables. Cela n'a rien d'anormal, en outre, de leur demander de participer à l'effort de consolidation des finances publiques.

M. Jean Germain. - Les agences de l'eau fonctionnent plus ou moins bien selon les endroits. Des réflexions sont en cours pour développer les mutualisations, les regroupements. La lutte contre les inondations entrera désormais dans leur champ de compétences. Elles auront besoin de recettes. Mais je comprends la position du rapporteur général.

M. Philippe Marini, président. - Son amendement ne diminue pas les recettes ; il les plafonne à leur niveau prévisionnel, ce qui incite à établir des prévisions réalistes. Seules seraient reversées au budget général les plus-values de recettes.

M. Charles Guené. - Mon département, château d'eau de la France, compte trois agences de bassin. Elles n'ont pas encore arrêté leurs programmes pour les années à venir car elles manquent de visibilité sur leur financement. De plus des retards importants ont été pris dans les secteurs ruraux et ils s'aggraveront si l'on ponctionne la trésorerie. Il est vrai que si les agences réalisaient plus vite leur programmation, elles dégageraient moins d'excédents. Mais le moment est mal choisi pour plafonner leurs recettes. Nous risquons de ne pas tenir nos engagements.

M. François Marc, rapporteur général. - Notre commission, avec constance, souhaite un contrôle rigoureux sur les taxes affectées depuis plusieurs années. Je m'appuie aussi sur les recommandations du Conseil des prélèvements obligatoires de juillet. En outre, je ne supprime ici aucune recette : le plafonnement correspond à la prévision de recettes pour 2014. Point de baisse programmée mais une incitation à établir des prévisions sérieuses !

M. François Fortassin. - Les problèmes se posent avec acuité en milieu rural. Il y a forcément un surcoût de dépenses d'assainissement quand on compte un abonné tous les 250 mètres, contre un tous les 30 mètres en zone urbaine. Les agences de l'eau doivent l'admettre.

L'amendement n° 16 est adopté.

Article 34

M. François Marc, rapporteur général. - Avec l'amendement n° 17, seules les ressources fiscales des chambres de commerce et d'industrie seront inscrites dans la trajectoire triennale qu'elles doivent définir avec l'Etat, non leurs ressources propres ni les subventions versées par les collectivités territoriales. C'est un assouplissement du dispositif voté à l'Assemblée nationale.

L'amendement n° 17 est adopté.

M. Philippe Marini, président. - Nous allons nous prononcer sur les articles de la première partie.

M. Pierre Jarlier. - Le Sénat n'a pas débattu l'an dernier de la seconde partie du projet de loi de finances. Les conséquences en ont été désastreuses non seulement en termes d'image, mais aussi parce que des mesures ont été adoptées rapidement par l'Assemblée nationale, concernant les collectivités territoriales et la péréquation, que nous n'avons pu discuter. Ne reproduisons pas cette erreur. Les sénateurs centristes de la commission ne prennent pas part au vote.

M. Philippe Adnot. - Il n'est pas bon que le Sénat ne puisse débattre de la seconde partie. Je voterai la première partie.

M. Philippe Marini, président. - Voter la première partie signifie voter les impôts. Comment les critiquer ensuite sans être en porte-à-faux ?

M. Philippe Adnot. - Mon jugement reste libre.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2014.

M. Philippe Marini, président. - Les résultats sont conformes à ceux de l'an passé.

M. François Marc, rapporteur général. - La majorité est plus large que l'an dernier. Tous les espoirs sont donc permis pour la discussion en séance...

- Présidence de M. Philippe Marini, président -

Loi de finances pour 2014 - Mission « Écologie, développement et mobilité durables » - Examen du rapport

Au cours d'une seconde réunion tenue l'après-midi, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Gérard Miquel, rapporteur spécial, sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et articles 63, 63 bis et 63 ter) et le compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres », du rapport de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial, sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et le compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs », et du rapport de M. François Fortassin, rapporteur spécial, sur le programme « Météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - La mission s'appelle désormais « Écologie, développement et mobilité durables ». Le remplacement du terme « aménagement » par celui de « mobilité » prend acte des évolutions de la maquette de l'année dernière et rend mieux compte de la part significative des crédits dédiés aux infrastructures de transport.

La mission compte trois nouveaux programmes au titre du second programme d'investissements d'avenir (PIA 2), pour un montant de 1,94 milliard d'euros, dédiés à l'innovation pour la transition écologique et énergétique, ainsi qu'à la ville durable. Avec le PIA, les crédits de paiement augmentent de 17 %. Hors PIA, ils atteignent 7,3 milliards d'euros, soit une baisse de 6 % par rapport à 2013. Si cette réduction hors PIA était prévue par le nouveau triennal 2013-2015, le niveau des crédits 2014 est inférieur au plafond prévu par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2012-2017, grâce à un effort particulier sur certains opérateurs, qu'il convient de saluer.

Les moyens relatifs à la protection de la biodiversité sont globalement stables, avec des disparités entre les sous actions et entre les opérateurs. Les parcs nationaux subissent une réduction importante de leurs subventions, tandis que l'Agence des aires marines protégées bénéficie de moyens supplémentaires pour faire face à ses nouvelles missions, notamment la mise en oeuvre de la directive cadre « Stratégie pour le milieu marin ». Une loi-cadre sur la biodiversité précisera l'année prochaine les contours de la future Agence de la biodiversité, qui regroupera des moyens jusqu'à présent dispersés parmi les nombreux opérateurs rattachés au programme 113.

La dotation de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), en très légère hausse par rapport à 2013, reste en deçà du plafond prévu par le triennal, en raison d'un effort particulier sur les dépenses de personnel. Suite à la chute de ses recettes commerciales, l'IGN a engagé une réflexion stratégique sur ses missions, dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens 2014-2016, qui devrait être signé d'ici la fin de l'année.

Les crédits de paiement dédiés à la prévention des risques diminuent de façon significative, avec de fortes disparités. Pour les risques industriels, les crédits suivent le rythme de mise en oeuvre et de montée en puissance des plans de prévention des risques technologiques, d'où un décalage entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement. La forte régression de la dotation pour les risques naturels est compensée par une débudgétisation : certaines missions seront transférées au Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM). La sûreté nucléaire bénéficiera de moyens en légère hausse, pour faire face aux obligations de sécurité supplémentaires suite à la catastrophe de Fukushima.

Les crédits dédiés à la lutte contre le changement climatique pour 2014 baissent de près de 60 % en raison de la non-reconduction de la ligne de 50 millions équilibrant le bonus-malus. Les autres crédits sont stables, de l'ordre de 35 millions d'euros. Il faut y associer les moyens fiscaux prévus par les articles 19 bis, 21 et 37 du projet de loi de finances pour 2014, qui sont nécessaires, pour des raisons de santé publique, mais aussi parce que la France a été assignée devant la Cour de justice européenne pour non-respect des valeurs limites relatives aux particules fines. Nous courrons bientôt les mêmes risques pour le dioxyde d'azote. Il faut agir vite si nous voulons éviter des sanctions financières significatives.

Les crédits dédiés à la gestion économique et sociale de l'après-mines baissent de 13 %, suivant la décroissance régulière du nombre des ayants droit.

Le programme support de la mission connaît des évolutions importantes. La dotation en crédits de paiement est stable (2,5 milliards d'euros), et les autorisations d'engagement sont en hausse de 17 % (2,9 milliards d'euros). La création au 1er janvier 2014 du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) donne lieu à l'inscription d'une subvention pour charges de service public de 220,6 millions d'euros. Ce nouvel opérateur, centre de ressources et d'expertise scientifique et technique, regroupe les huit ex-centres d'études techniques de l'équipement (CETE) ainsi que trois services techniques centraux. Il s'inscrit dans le processus de la modernisation de l'action publique. Un dispositif de gouvernance spécifique assurera la prise en compte des attentes des collectivités, ce dont on peut se féliciter.

Une enveloppe de 429 millions d'euros en autorisations de programme est inscrite en vue de la conclusion d'un bail emphytéotique administratif pour la rénovation de la paroi sud et du toit de la Grande arche de la Défense, dans le cadre du projet immobilier commun aux ministères de l'écologie et du logement. Les premières autorisations de programme liées à ce projet ont été votées l'année dernière, dans le cadre de la dernière loi de finances rectificative de 2012. Ce projet, relativement complexe, doit aboutir, à terme, à des économies de l'ordre de 10 millions d'euros en 2015, puis de 20 millions d'euros à partir de 2016.

Le plafond d'emplois du programme connaîtra une réduction de 3 557 ETPT. Enfin, je constate avec préoccupation que ce programme fait face en 2013 à une exécution tendue, hors titre 2, tout comme en 2012.

Quant au compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres », autrement dit le CAS bonus-malus automobile, le Gouvernement avait procédé l'année dernière à une augmentation du bonus en contrepartie d'un durcissement du malus. La bonne réaction des consommateurs à ces incitations induit un risque de déficit de plus de 100 millions d'euros. Par conséquent, le bonus et le malus sont durcis : un décret du 30 octobre 2013 a sensiblement diminué la prime offerte à l'achat pour les petits véhicules à moteur thermique, tandis que les incitations restent importantes pour les véhicules électriques et les véhicules hybrides ; l'article 37 du PLF procède, lui, au durcissement de la taxe acquittée en cas d'achat de véhicules polluants.

Au total, les recettes et les dépenses du CAS devraient s'élever à environ 270 millions d'euros contre 402 millions d'euros en 2013. Le recentrage du bonus-malus favorisera l'équilibre budgétaire du dispositif.

Un amendement de crédit du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale tire les conséquences de l'ajustement du transfert des services ou parties de services de l'État au nouvel opérateur CEREMA. Il était annoncé dans le projet annuel de performances de 2014 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». L'Assemblée nationale a adopté les crédits de celle-ci, ainsi modifiés. Je vous propose de les adopter sans modification, ainsi que ceux du compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres ».

L'article 63 étend le périmètre du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, pour un surcroît de dépenses à sa charge de 29 millions d'euros en 2014 et 2015, puis de 21 millions d'euros à partir de 2016, ce afin d'accroître la cohérence des actions de prévention et de favoriser l'élaboration rapide des plans de prévention des risques naturels relatifs aux inondations du littoral. Le Fonds peut faire face à ces nouvelles dépenses. Il faudra toutefois rester attentif : l'inadéquation entre ses dépenses et ses recettes avait, dans un passé récent, incité le Parlement à rechercher une extension de ses ressources. L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification. Je note également que la proposition de loi de Pierre-Yves Collombat et des membres du groupe RDSE sur la prévention des inondations, examinée aujourd'hui par la commission du développement durable, prévoit un rôle accru du Fonds en ce domaine.

L'article 63 bis concerne le reclassement dans les cadres d'emplois de la fonction publique territoriale des ouvriers des parcs et ateliers (OPA), et les modalités de liquidation de leurs pensions. Le transfert des OPA aux collectivités a été effectué en 2009, et ce sont aujourd'hui les conseils généraux qui gèrent ces personnels.

L'article 63 ter étend le dispositif de cessation anticipée d'activité aux fonctionnaires et personnels non titulaires relevant du ministère chargé de la mer, reconnus atteints de certaines maladies professionnelles provoquées par l'amiante.

Je recommande l'adoption sans modification des trois articles rattachés.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - L'examen des crédits des transports et de la mer fait l'objet cette année d'un rapport dédié. Je voudrais à nouveau remercier mes deux co-rapporteurs spéciaux et la commission des finances pour en avoir accepté le principe. Je souhaiterais d'ailleurs que le Gouvernement modifie la maquette budgétaire afin de recréer la mission budgétaire « Transports », disparue avec la création en 2007 d'un grand ministère de l'écologie. L'évolution de la maquette budgétaire est critiquable tant au regard de l'article 7 de la LOLF que de la pratique administrative et parlementaire.

Après plusieurs reports en 2013, l'écotaxe devait finalement entrer en vigueur le 1er janvier 2014. Sa suspension, le 29 octobre dernier, risque d'amputer le budget de la politique des transports de 760 millions d'euros, soit 15 % de ses ressources, sans que nous sachions s'il y aura compensation. Nous ignorons la durée de cette suspension et le budget des transports est lui-même en suspens. L'écotaxe devait rapporter 1,2 milliard d'euros, dont 760 millions pour l'AFITF, 160 millions pour les départements, 230 millions pour Ecomouv', et 50 millions de TVA.

S'agissant de ces reports, l'État et Ecomouv' se renvoient la responsabilité, avec à la clef une possible application de pénalités à Ecomouv'. Quoi qu'il en soit, depuis juillet, a été organisée une marche à blanc : 4 300 camions ont été testés sur trois mois. Parallèlement, 120 000 dossiers, c'est-à-dire camions, ont été enregistrés ; 45 000 sont en cours de traitement. Pour ce faire, le consortium a embauché 235 personnes.

En tout état de cause, le système technique de recouvrement serait prêt à être mis à disposition de l'État d'ici la fin du mois. L'État sera alors contractuellement tenu de payer un loyer à Ecomouv'. La première facture lui a d'ailleurs été adressée.

La suspension est coûteuse à un double titre, puisque l'État doit s'acquitter d'un loyer minimum de 13 millions d'euros par mois à partir de janvier 2014, auquel s'ajoute une perte de recettes fiscales. Elle devient de plus en plus coûteuse au fil du temps : elle ne peut donc être que temporaire. De plus l'écotaxe mobilise près de 400 personnes d'Ecomouv' et des Douanes. Il ne serait pas raisonnable de les maintenir dans un état d'incertitude prolongé.

Le ministre délégué chargé des transports a réaffirmé que la suspension n'est pas l'abandon. Il a également évoqué quelques pistes, malheureusement insuffisantes, pour combler le manque à gagner pour l'AFITF. La solution probable sera une compensation partielle.

Je précise que le coût d'un désengagement total de l'écotaxe serait compris entre 650 millions et 800 millions d'euros.

Au total, nous ne savons pas quel sera le montant des crédits effectivement affectés à la politique des transports en 2014. J'ai donc procédé à l'analyse des crédits comme si la suspension n'avait pas eu lieu. Mais soyons réalistes : le ministre a clairement laissé sous-entendre que certains projets d'infrastructures pourraient être reportés.

En 2014, le budget des transports devait s'établir à environ 3,7 milliards d'euros de crédits budgétaires et un peu moins de 2 milliards d'euros de fonds de concours, dont l'importance est une des principales caractéristiques de ce budget. La LOLF prévoit que des fonds à caractère non fiscal peuvent être versés au budget général par des personnes morales ou physiques pour concourir à des dépenses d'intérêt public. L'essentiel de ces fonds de concours proviennent de l'AFITF, pour 1,6 milliard d'euros, et des collectivités territoriales, pour un peu moins de 400 millions d'euros. Le schéma de financement global des infrastructures de transport en France est complexe. La multiplication des intervenants et des co-financements gêne l'appréciation de la dépense agrégée pour les infrastructures. Si l'on ajoute les dépenses de Réseau ferré de France (RFF) et de Voies navigables de France, on peut estimer qu'un peu moins de 10 milliards d'euros devraient être investis en 2014 dans les transports et dans l'entretien, le renouvellement ou bien le développement des infrastructures existantes.

Les restes à payer de l'AFITF, c'est-à-dire les projets déjà engagés, s'élèvent à un peu moins de 16 milliards d'euros. Sa capacité à engager des projets nouveaux reste limitée jusqu'en 2017 - et le sera d'autant plus si la suspension de l'écotaxe n'est pas compensée. La commission « Mobilité 21 », présidée par Philippe Duron, également président de l'AFITF, a remis ses conclusions à l'été ; elle prévoit un étalement dans le temps et une priorisation accrue des nouveaux projets d'infrastructure.

La réforme ferroviaire, rendue urgente par la préoccupante dérive des coûts, et présentée par le Gouvernement le 16 octobre, vise à réunifier RFF et la SNCF pour créer un gestionnaire unique de l'infrastructure, appelé SNCF Réseau. La croissance naturelle de la dette de RFF, qui s'élève à de 32 milliards d'euros, est de 1,5 milliard d'euros par an, et les besoins du réseau sont toujours très élevés. La commission des finances aura sans doute l'occasion d'analyser de plus près l'équation financière de cette réforme à l'occasion de son examen devant le Sénat.

Les 340 millions d'euros de crédits déployés cette année sont insuffisants pour atteindre le taux de renouvellement optimal du réseau routier. Je crains que nous assistions, comme pour le réseau ferroviaire, à une lente dégradation, aux conséquences coûteuses à terme.

La compensation des tarifs sociaux à la SNCF, et en premier lieu de la carte famille nombreuse, est une des principales économies de ce projet de budget. Cette réduction de 70 à 30 millions d'euros n'a pas de justification réelle. Invoquant des tarifs plus avantageux, le ministre m'a répondu hier que l'État entendait effectuer une compensation au réel à la SNCF. J'en prends acte mais je reste perplexe sur le choix de cette économie.

Les crédits du programme 205 consacré aux affaires maritimes et à la pêche évoluent peu. L'État augmente de 800 000 euros la subvention de l'École nationale supérieure maritime et lui accorde une dotation de 3 millions d'euros pour construire un nouveau bâtiment sur le site du Havre. Je note une régression des crédits de soutien aux filières de la pêche et de l'aquaculture ; les crédits cofinancés par le Fonds européen pour la pêche diminuent de 4,7 millions d'euros ; en contrepartie, l'État a ouvert 1,5 million d'euros supplémentaires, notamment pour aider la filière ostréicole, en grande difficulté.

Le compte d'affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » porte les crédits destinés à compenser le déficit des trains Intercités. Il est alimenté par trois taxes spécifiques, dont l'une, la taxe d'aménagement du territoire (TAT), est acquittée par les sociétés d'autoroute. En 2014, suite à une réforme des redevances ferroviaires, 16 millions d'euros seront directement versées à RFF par le budget général de l'État ; en conséquence, il faut réduire de 16 millions d'euros la TAT affectée au compte spécial pour la réorienter vers le budget général de l'État. L'opération est parfaitement neutre. Les sociétés autoroutières continuent d'acquitter le même montant de TAT.

Les dépenses du compte spécial demeurent stables. À l'intérieur du compte un plus gros effort est réalisé pour le matériel roulant. D'ailleurs, l'AFITF a engagé 510 millions d'euros pour débuter le renouvellement du matériel roulant, qui atteint une moyenne d'âge de 35 ans.

Compte tenu des incertitudes liées à la suspension de l'écotaxe, je m'abstiendrai sur les crédits de la mission « Écologie », mais je préconise l'adoption des crédits du compte spécial.

M. Philippe Marini, président. - Voilà en quelque sorte un budget virtuel...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Dans tous les cas non modifié depuis les annonces du Gouvernement.

M. François Fortassin, rapporteur spécial. - La totalité du programme 170 « Météorologie » correspond à la subvention pour charges de service public de Météo France. À 209 millions, les crédits demandés en 2014 régressent de 3,2 %. Cette évolution contraste avec les deux dernières années marquées par de fortes hausses pour financer le supercalculateur, outil nécessaire pour améliorer la finesse de la prévision. Inscrite dans le cadre du nouveau triennal 2013-2015, qui établit une trajectoire de crédits moins favorable que celle prévue par le contrat d'objectifs et de moyens pour 2012-2016, la dotation 2014 est inférieure de près de 3 millions d'euros au plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques pour 2012-2017. Cette évolution est rendue possible par la restructuration du réseau territorial et par un effort de maîtrise globale des dépenses. Je salue cet effort, tout en notant que cette tendance pourrait obérer la capacité d'investissement de Météo-France. Le plafond d'emplois de l'opérateur diminuera de 89 équivalents temps plein, soit une baisse de 2,7 %.

En 2014, Météo France devra s'attacher à poursuivre ses efforts de maîtrise des dépenses, dans un contexte social difficile lié à la réduction de son réseau territorial. En outre, l'un des enjeux est de parvenir à stabiliser ses ressources propres, notamment commerciales. Or, Météo France peine actuellement à trouver les leviers susceptibles de renforcer son activité commerciale, dans un contexte de plus en plus concurrentiel. Je n'ai pas senti chez l'opérateur de volonté réelle de développer ces activités.

Pour autant, Météo France n'hésite pas à solliciter les collectivités territoriales. J'ai découvert, en arrivant à la présidence du conseil général des Hautes-Pyrénées que le département lui payait la mise à disposition de six salariés - avec les départs en retraite, nous sommes revenus à deux...

Dans le cadre de la modernisation de l'action publique, le Gouvernement envisage de mettre à disposition gratuitement les données publiques, qui donnent aujourd'hui matière à redevance au profit des établissements publics qui les produisent. Une telle évolution, si elle n'était pas compensée, pourrait aboutir à une perte de recettes de l'ordre de 2 millions d'euros pour Météo France.

Je recommande l'adoption des crédits du programme 170.

Le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA), retrace les recettes et les dépenses de la direction générale de l'aviation civile (DGAC). Celle-ci remplit les missions de contrôle aérien pour lesquelles elle perçoit diverses redevances, notamment les redevances de navigation aérienne. Un budget annexe doit être présenté à l'équilibre. Par conséquent, si les recettes sont insuffisantes, il devient nécessaire de recourir à l'emprunt.

En 2014, le BACEA représentent près de 1,9 milliard d'euros de recettes, pour des dépenses d'environ 2,2 milliards, la différence étant couverte par l'emprunt, soit 267 millions d'euros. Les recettes du BACEA dépendent directement du niveau du trafic aérien et de la conjoncture économique. Les estimations en la matière sont fragiles comme le montrent les écarts enregistrés en 2012 puis en 2013. Compte tenu de recettes plus faibles que prévues, la DGAC a opéré, en 2013, un gel de crédits de 75 millions d'euros, qui a porté pour moitié sur les dépenses de fonctionnement et pour moitié sur les dépenses d'investissement.

En 2014, la DGAC entend effectuer un rebond en matière de dépenses d'investissement. C'est une nécessité pour améliorer sa productivité ; cela répond aussi à ses engagements européens, dans le cadre du Ciel unique européen, projet qui vise à une meilleure coopération entre les contrôles aériens des différents pays. Ce rebond doit être financé par des économies sur les dépenses de fonctionnement et par la stabilisation de la masse salariale.

Malgré la suppression d'un millier de postes depuis 2007, la masse salariale continuait d'augmenter. C'est pourquoi je me réjouis de la stabilité en 2014 des dépenses de personnel, qui représentent la moitié des dépenses du budget annexe. Je n'ai pas une grande empathie pour les contrôleurs aériens. Quand ils demandent un alignement sur les pilotes, je leur fais observer qu'ils restent dans leur pavillon de banlieue et que les pilotes au long cours sont à l'autre bout du monde. En outre, leur activité est tout de même moins risquée.

La stabilité de la masse salariale résulte de deux effets contradictoires : la suppression de 100 emplois et la signature d'un nouveau protocole social accompagnant les différentes restructurations de la DGAC. Espérons que nous constaterons une diminution après la suppression de 100 nouveaux emplois en 2015.

En tout état de cause, la seule économie sur les dépenses de fonctionnement ne couvrira pas la hausse des dépenses d'investissement. En conséquence, le budget annexe devra à nouveau recourir à l'emprunt pour un montant de 267 millions d'euros, ce qui portera l'encours total de dette à 1 282 millions d'euros.

Ne faudrait-il pas également adapter les prix des billets, en tenant compte des notions d'aménagement du territoire pour les vols intérieurs, et des rejets équivalent carbone pour les longs courriers ? Il est quand même curieux qu'aller de Paris à Aurillac coûte trois fois plus cher que traverser l'Atlantique.

M. Philippe Marini, président. - Ce n'est peut-être pas tout à fait le même nombre de voyageurs.

M. François Fortassin, rapporteur spécial. - C'est exact, mais ce n'est pas non plus la même empreinte carbone.

Quoi qu'il en soit, la situation budgétaire est préoccupante car l'objectif du triennal budgétaire était de stabiliser, puis de faire diminuer l'endettement du budget annexe. La tendance n'est donc pas bonne, même si officiellement la DGAC assure qu'elle tiendra les objectifs du triennal budgétaire - elle reconnaît implicitement qu'elle n'y arrivera pas sans un surcroît de recettes. Comme ses redevances sont en partie plafonnées, seule l'affectation d'une recette fiscale supplémentaire équilibrerait ses comptes. Il ne faut pas se voiler la face : les investissements obligatoires que doit réaliser la DGAC représentent une somme non négligeable. Il est donc possible de réfléchir à l'affectation au budget annexe d'une nouvelle recette afin de rétablir son équilibre.

Pour autant, il me semble que la DGAC dispose encore d'une marge de manoeuvre pour réaliser des économies, notamment en ce qui concerne le régime indemnitaire et statutaire des contrôleurs aériens. Je vous invite à adopter les crédits du budget annexe.

M. François Marc, rapporteur général. - Le déraillement survenu cette année a mis en évidence la vétusté du matériel, voire l'insécurité. Les 510 millions prévus suffiront-ils ? Quant à l'écotaxe, contre laquelle j'avais votée...

M. Philippe Marini, président. - Quelle prescience !

M. François Marc, rapporteur général. - Quinze jours se sont écoulés depuis sa suspension : si cela laisse peu de temps pour préparer la substitution, c'est peu au regard des cinq années qui nous séparent du vote de cette mesure - les incertitudes actuelles résultent de bien des hésitations. La fiscalité écologique doit éviter de créer des distorsions de concurrence et des inégalités entre les individus, les entreprises et les territoires ; nous devons maintenant trouver des mécanismes acceptables, et c'est l'objet des groupes de travail mis en place par le Gouvernement dans ce domaine. L'évolution de l'assiette de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) est une option, mais l'élargissement de l'assiette gazole en son sein présente aussi des imperfections...

M. Philippe Marini, président. - Pour trouver des recettes, pourquoi ne pas affecter à ces infrastructures une part du second PIA ? Pourquoi ne pas revenir sur l'interdit jeté par le comité Juppé-Rocard ? Je vois que le BACEA s'endette. Cet endettement est-il consolidé avec celui du budget général de l'État ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - Je ne suis pas défavorable à l'écotaxe, c'est le moyen de financer nos infrastructures de transport en faisant payer le pollueur. Le dispositif a souffert de beaucoup de malchance et de retards très préjudiciables, au départ pour l'attribution, puis à cause de contentieux... ; il a été reporté de fin juillet 2013 au 1er octobre, puis au 1er janvier 2014. Dans mes auditions, l'État et Ecomouv' se sont renvoyé la balle : l'un n'était pas prêt ; l'autre n'avait pas créé l'environnement administratif en prenant les arrêtés nécessaires ; néanmoins l'État n'a pas demandé de pénalité à Ecomouv' pour le report du 20 juillet au 1er octobre. De mon point de vue, les responsabilités sont partagées.

Dans ce partenariat public-privé, l'État bénéficie d'une clause unilatérale de révision ; il peut déplacer les lignes. Nous devons maintenant nous assurer qu'Ecomouv' est techniquement prêt. Or 160 000 camions enregistrés sur 800 000, c'est très insuffisant, même si 10 000 dossiers peuvent être traités chaque jour. Les étrangers ont été les premiers à s'enregistrer ; désormais 45 % des enregistrés sont étrangers, 55 % sont français. Il faut maintenant formuler des propositions, comme l'Assemblée nationale s'y prépare.

Pour le renouvellement du matériel des trains d'équilibre du territoire, la prolongation de la convention d'exploitation au 31 décembre 2014 est en cours de négociation. Le parc affecté à l'exploitation de ces trains est aujourd'hui de 283 locomotives, de 15 automoteurs tri-caisses et de 1 911 voitures, quasi exclusivement Corail, avec un âge moyen de 34 ans. Enjeu essentiel, le renouvellement interviendra, a annoncé le Premier ministre entre 2015 et 2025.

Les premiers paiements relatifs aux investissements dont les modalités sont en cours d'examen vont intervenir à partir de 2014 avec le concours de l'AFITF : il faudra examiner point par point les parcours d'aménagement du territoire. Je note votre suggestion, monsieur le Président : les infrastructures de transport avaient été écartées des investissements d'avenir pour des raisons politiques. La décision de permettre de tels financements reste politique.

M. François Fortassin, rapporteur spécial. - Les 1 282 millions de dette de la DGAC sont bien entendu consolidés avec la dette de l'État.

M. Yvon Collin. - Je félicite les trois rapporteurs pour la qualité de leur travail. Je m'apprêtais à poser la même question que notre rapporteur général sur la sécurité ferroviaire, mais Marie-Hélène Des Esgaulx a déjà répondu. Avec l'écotaxe, l'exercice n'est pas facile et nous disposons de peu de temps pour trouver des ressources de substitution.

Un constructeur français allié à un constructeur japonais a fait beaucoup d'efforts pour mettre au point un véhicule électrique. Il n'a pas atteint les objectifs très ambitieux qu'il s'était fixés. Il met en cause l'absence de bornes de recharge en France, en constatant que les pays qui s'en sont dotés ont vu les ventes de voitures électriques progresser de façon spectaculaire.

François Fortassin a évoqué un ciel européen en panne. Quelles sont les revendications des contrôleurs du ciel qui nous gratifient régulièrement de grèves surprises ? S'agit-il de simples augmentations de salaires ou sont-ils rétifs au concept même ?

Nous avons noté les efforts de Météo France pour maîtriser ses dépenses en supprimant certaines stations de son réseau. Le président Mézard souhaite la fermeture de celle d'Aurillac : tous les matins, la radio y annonce des températures sibériennes, ce qui fait à la ville une mauvaise publicité pour Aurillac et pour le département. Voilà l'occasion de faire des économies en faisant plaisir aux élus du Cantal !

M. Roland du Luart. - Je remercie nos trois rapporteurs pour ce qu'ils nous ont appris. Le durcissement du barème depuis 2012 qui frappe l'industrie automobile me paraît sévère et pourrait avoir des répercussions sur l'emploi. Le ministre du redressement productif devrait se saisir de ce dossier.

Est-il exact qu'un taxi qui achète une voiture hybride à essence touche une subvention et récupère la TVA alors qu'il en serait privé s'il achetait une voiture hybride diesel ? Ce serait une mesure discriminatoire à l'égard de nos constructeurs. On privilégie Toyata, on enfonce Renault et Peugeot.

La suspension de l'écotaxe risque d'être fort coûteuse, a dit Marie-Hélène Des Esgaulx. Puisque la rémunération d'Ecomouv s'élèvera à 230 millions d'euros, la part variable est-elle de 74 millions d'euros ? Bien que beaucoup s'en défendent, nous avions été presque unanimes à voter l'écotaxe, que nos voisins allemands ont mise en service depuis longtemps. Pourquoi ne pas s'aligner sur eux : l'appliquer à partir de 12 tonnes serait une mesure d'apaisement pour l'artisanat qui commence à s'agiter dans tout le pays, et pas seulement en Bretagne.

M. Philippe Dallier. - La dette de RFF va atteindre 32 milliards d'euros et l'entretien courant l'accroît de 1,5 milliard d'euros. Or, un plan de 15 milliards d'euros sur six ans vient d'être annoncé, soit 2,5 milliards d'euros par an pour rattraper les retards d'entretien de ces infrastructures. Comment va-t-il être financé ? Par plus de dettes ?

M. Jean-Paul Emorine. - Marie-Hélène Des Esgaulx a été assez réaliste : sans écotaxe, il manquera 760 millions de recettes et l'État devra verser une indemnité à Ecomouv.

RFF et, SNCF fusionneraient l'année prochaine. Pourtant, la directive européenne sur le quatrième paquet ferroviaire demande bien la séparation du propriétaire de l'infrastructure et des transporteurs. En outre, la réunification ne dégagera sans doute pas d'économies. Quand la séparation a eu lieu en 1997, c'était pour redonner son indépendance au réseau ferroviaire et pour isoler la dette de la SNCF. Je ne suis pas un adepte de la philosophie de la réunification, comme si la SNCF n'assurait pas des travaux commandés par RFF. Enfin, sans recettes nouvelles, quelles seraient les infrastructures prioritaires ?

M. Jean Germain. - Comment vouloir le développement durable sans taxer les poids lourds, comment écarter l'écotaxe ? Elle devra être effective le plus rapidement possible. En Allemagne, l'écotaxe existe depuis cinq ans et touche les poids lourds de plus de douze tonnes ; 12 000 km d'autoroutes y sont soumis et 1 200 km de routes nationales à deux voies y ont été assujettis cette année. Elle a rapporté 4,5 milliards d'euros en 2012 et 720 000 camions sont équipés d'un système embarqué. Le contrôle est fait par Toll Collect, qui comprend Deutsche Telekom, Daimler et Cofiroute - il n'y a pas besoin d'aller chercher bien loin. Ce consortium perçoit 13 % des recettes. Comment la France pourrait-elle échapper à cette taxe ? Nous devons prendre nos responsabilités. Non, le modèle breton n'est pas crucifié par l'écotaxe.

Je suis surpris par l'importance des engagements non couverts par des paiements dans cette mission : 3,8 milliards d'euros au titre des infrastructures et des services de transport ; 120 millions pour les paysages, l'eau et la biodiversité ; 760 millions pour la conduite et le pilotage des politiques de l'économie, du développement et de la mobilité durables. Cela signifie que des décisions ont été prises et ne sont pas suivies d'effet, ce qui a pour effet de bloquer les budgets et de plomber les comptes jusqu'en 2017 ou 2018. Un toilettage ne s'impose-t-il pas ?

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur pour les transports aériens de la commission du développement durable. - Je rejoins les conclusions de votre rapporteur spécial.

La DGAC présente et maîtrise mieux ses crédits. Pourtant, certaines difficultés demeurent : cette année, le trafic a été inférieur aux prévisions, d'où un gel de dépenses. L'endettement du BACEA a augmenté pour procéder aux investissements exigés par l'Union européenne, faute de quoi la France aurait été exposée à des amendes. Le BACEA doit procéder à des investissements pour rejoindre le ciel unique européen, augmenter la productivité et réduire les dépenses de fonctionnement. Les recettes ne sont pas au rendez-vous, d'autant que le trafic est peu dynamique. Une augmentation des redevances n'est pas envisageable vu la situation des compagnies, surtout d'Air France. Enfin, la taxe de l'aviation civile est écrêtée de 20 % au profit du budget général. Nous aurons bien du mal à trouver la quadrature du cercle, sauf si le trafic repart.

M. Philippe Marini, président. - Vos observations sont en effet tout à fait concordantes avec celles de notre rapporteur spécial.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - S'agissant de la sécurité, RFF et la SNCF vont dégager 410 millions sur trois ans, notamment afin de remplacer les aiguillages vieillissants.

Je confirme à Roland du Luart que la part variable devrait s'établir autour de 74 millions, car les loyers annuels de l'écotaxe se monteront à 230 millions, hors taxe - n'oublions pas que 50 millions de TVA reviendront au budget général. La part variable ne sera payée que lorsque l'écotaxe entrera en vigueur. La situation en Allemagne n'est pas tout à fait comparable, car les camions n'y sont assujettis qu'à partir de 12 tonnes et les autoroutes sont gratuites.

Philippe Dallier a évoqué le Grand plan de modernisation du réseau de 15 milliards d'euros sur six ans. Pour ma part, RFF ne m'a pas indiqué qu'il comptait dégager de nouvelles ressources pour le mettre en oeuvre. À mon avis, il s'agit d'un document d'organisation et de hiérarchisation des actions à mener.

J'indique à Jean-Paul Emorine que la fusion entre RFF, SNCF-Infra et la direction des circulations ferroviaires aura bien lieu : l'ensemble s'appellera SNCF-Réseau et sera coiffé par SNCF holding. Je suis persuadée que les coûts vont se réduire, car la complexité actuelle est inimaginable.

Je me réjouis que l'analyse de Jean Germain sur l'écotaxe rejoigne la mienne. Le coût de la collecte en Allemagne est supérieur à celui en France : 510 millions d'euros, contre 230 millions d'euros. Ramené au kilomètre, le coût d'Ecomouv' reste légèrement inférieur à celui du consortium allemand. Il n'a rien de dramatique, contrairement à ce que j'ai entendu, d'autant que l'État sera propriétaire de l'ensemble du dispositif au bout de treize ans. Au demeurant, le chiffre de 20 % n'a aucune signification : rien ne dit que l'écotaxe ne rapportera que 1,2 milliard d'euros ; en outre, Ecomouv' devra reverser 50 millions d'euros aux sociétés habilitées de télépéage (SHT). Le consortium percevra, in fine, 180 et non pas 230 millions d'euros.

En Bretagne, il y a sans doute beaucoup de trajets courts, mais n'oublions pas que ce sont les départements qui ont décidé, avec l'État, du choix des réseaux. Enfin, la Bretagne n'a pas d'autoroute à péage.

Un toilettage ? Le fonctionnement de l'AFITF est compliqué. Je vous engage à vous reporter au tableau qui figure dans ma note de présentation. Cette agence n'est pas qu'un opérateur : elle reçoit 2,2 milliards d'euros (écotaxe comprise) et transfère 1,6 milliard d'euros au budget de l'État.

M. François Fortassin, rapporteur spécial. - On ne peut dire que le ciel européen soit en panne : il se met en place lentement puisque certains investissements vont se poursuivre jusqu'en 2020. Lorsque j'ai rencontré la DGAC, j'ai eu l'impression qu'ils souhaitaient une évolution en profondeur à condition que rien ne change.

M. Philippe Marini, président. - Le principe du Guépard !

M. Gérard Miquel, rapporteur spécial. - Mon département est traversé par une autoroute payante que longe une route nationale, transférée au département. Le département la gère bien évidemment sans recettes et les camions l'empruntent pour éviter les péages. L'écotaxe m'aurait été bien utile pour couvrir les coûts de sa réfection.

Nous n'avons pas réussi à définir les itinéraires structurants dans leur totalité, faute d'une vision suffisante de l'aménagement du territoire : ainsi, la RN 20 est autoroutière jusqu'à Vierzon, puis gratuite jusqu'à Brive, pour redevenir payante jusqu'à Toulouse. Il faudra bien mettre en place cette écotaxe. Nous sommes coresponsables, et je regrette que certains responsables politiques critiquent l'écotaxe après l'avoir portée sur les fonts baptismaux.

Pour les voitures électriques, si nous manquons de bornes de recharge, le Gouvernement a annoncé son intention de lancer un plan national d'équipement. Les collectivités seront probablement incitées à la financer en partie, mais nous n'en sommes pas encore là. J'y réfléchis dans mon département car cela me paraît un bon système.

Je ne crois pas qu'il existe une différence de traitement entre les voitures hybride diesel ou essence : il me semble que les voitures hybrides diesel de PSA bénéficient du bonus écologique et que les taxis récupèrent la TVA, qu'elles roulent à l'essence ou au diesel.

M. Roland du Luart. - Ce n'est pas ce que me disent les chauffeurs de taxis.

M. Gérard Miquel, rapport spécial. - Nous vérifierons.

Par ailleurs, j'attends avec impatience l'hybride à air qui sera très performant et dont la consommation ne dépassera pas 2,5 litres aux 100 kilomètres. Les prototypes sont à l'essai, la voiture devrait être commercialisée d'ici deux ans.

Jean Germain m'a interrogé sur les engagements non couverts par des crédits de paiement : sur le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », une part importante concerne les contrats de projets État-région 2007-2013, la réalisation de certains programmes d'investissement, tels ceux des parcs nationaux, étant perturbée par de nombreux aléas.

S'agissant du programme support de la mission, la majorité des restes à payer relève des engagements passés au titre de la prise à bail et de la location d'immeubles de bureaux dans le cadre du projet immobilier des ministères de l'écologie et du logement.

Je reviens d'ailleurs un instant sur ce sujet : nous allons devoir financer la réhabilitation de l'Arche de la Défense parce que nous n'avons pas été capables d'assurer l'entretien de ce magnifique ouvrage. Aujourd'hui, plus de 400 millions d'euros sont nécessaires pour la réhabiliter et nous passons par un bail emphytéotique administratif pour la réalisation des travaux. Si nous gérions nos collectivités ainsi, nous serions dénoncés par la Cour des comptes depuis longtemps. C'est aberrant !

M. Jean Arthuis. - Quelle confusion dans le débat sur l'écotaxe ! J'écoutais France Info samedi : un transporteur du sud s'indignait que seuls les Français la payent. Or celle-ci est la seule manière de demander une contribution aux camions étrangers, notamment espagnols, dont les réservoirs font plus de 500 litres et qui traversent la France sans faire de plein. Ne nous y trompons pas, l'écotaxe, c'est la TIPP. Peut-être eût-il été opportun de réduire la TIPP à hauteur de l'écotaxe pour ne pas provoquer de ras-le-bol fiscal.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - On ne peut être que d'accord sur la taxation des camions. En revanche, les trajets courts posent problème. Une petite franchise sur ces trajets ramènerait tout le monde à la raison.

M. Yannick Botrel. - L'écotaxe n'a pas eu d'incidence sur l'économie de la Bretagne puisqu'elle n'est pas encore en vigueur : elle n'a été qu'un catalyseur. S'il est vrai que l'on colporte diverses idées reçues sur cette taxe, il en va de même sur l'économie et l'agroalimentaire en Bretagne. Il y a d'ailleurs non pas un, mais plusieurs modèles bretons, qui devront évoluer.

Le transport des marchandises de faible valeur ajoutée pose de réels problèmes. En Bretagne, la production d'animaux vivants et d'aliments pour bétail dégage peu de marge. Pourquoi ne pas prévoir certaines exemptions, comme pour le lait ?

M. Philippe Marini, président. - Par rapport à l'Assemblée nationale, nous faisons preuve d'une grande sagesse et, malgré nos différences, nous traitons cette question de façon responsable. Jeter le bébé avec l'eau du bain causerait un très lourd préjudice à tous les territoires, tant pour le financement des infrastructures de transports terrestres qu'en matière de concurrence entre les modes de transport, sans même parler des aspects internationaux évoqués par le président Arthuis. Une décision est en danger tant qu'elle n'est pas mise en oeuvre. Je suis un peu surpris que l'on ne soit pas parvenu à trouver des solutions pour les parcours de faible distance, pour les marchandises à faible valeur ajoutée, pour les usages de l'agriculture, toutes questions qui auraient dû être identifiées beaucoup plus tôt. Dans d'autres pays, on essaye de faire face de façon positive. Notre tendance au dénigrement général n'est pas bonne. Merci à tous pour l'excellente tenue de ce débat.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Elle décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 63, ainsi que des articles 63 bis et 63 ter.

Elle décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Elle décide enfin de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits des comptes d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres » et « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

- Présidence de M. Philippe Marini, président, puis de M. Yvon Collin, vice-président -

Loi de finances pour 2014 - Mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions » - Examen du rapport

Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Francis Delattre, rapporteur spécial, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - La mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » sont des dossiers très techniques, résultant de décisions prises ces vingt dernières années.

Le CAS « Pensions », qui s'établit à 56,5 milliards d'euros est alimenté par les dotations de l'État à hauteur de 45,4 milliards d'euros, les 11 milliards d'euros restants provenant des cotisations des agents concernés.

La première bonne nouvelle est que les évolutions du CAS « Pensions », comme celles de la mission « Régimes sociaux et de retraite», respectent la programmation triennale 2013-2015. Nous assistons à une légère baisse des dépenses due, pour l'essentiel, à une moindre progression de l'inflation - de l'ordre de 0,8 % en 2013 et de 1,3 % en 2014 - alors que les prévisions l'estimaient à 1,75 %. Le deuxième élément qui explique cette faible progression des dépenses est le report de la revalorisation des pensions de six mois, prévue par le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

Le programme 741 regroupe les pensions civiles et militaires des fonctionnaires de l'État, soit 93 % des crédits du CAS « Pensions ». Le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » n'en représente que 3 % et regroupe deux fonds gérés par la Caisse des dépôts et consignations, l'un pour les retraites des anciens ouvriers de l'État, l'autre pour les accidents du travail. Les 4 % restants regroupent les crédits destinés aux pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, en provenance de la mission « Anciens combattants », dont le président Philippe Marini est rapporteur spécial.

Les pensions versées par les régimes spéciaux sont retracées dans le tableau à la page 10 du rapport. Deux tiers des subventions d'équilibre versées par l'État à ces régimes diminuent, tandis qu'un tiers augmente. Les principaux régimes sociaux et de retraite de la mission sont ceux de la SNCF et de la RATP. La subvention d'équilibre versée au régime de retraite du personnel de la RATP augmente de 3,1 %, alors que celle de la SNCF - où le rapport entre les actifs et les retraités s'améliore - diminue de 1,3 %. La RATP, dont la dotation s'élève à 634 millions d'euros, a enregistré un nombre de départs à la retraite supérieur aux prévisions.

La dotation au régime de retraite de la société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes (SEITA) augmente de 1,5 %. Celle versée à la caisse autonome de sécurité sociale dans les mines enregistre une augmentation de 2,7 %, pour un montant total de 1,35 milliard d'euros. La hausse de la subvention de l'État s'explique principalement par la diminution du produit de cessions immobilières dont a bénéficié le régime des mines ces dernières années. La situation du régime est en réalité stabilisée, ses dépenses seraient même en léger retrait. L'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), qui gère le régime de retraite et de sécurité sociale des marins, a quant à lui reçu une dotation de 825 millions d'euros, en baisse de 1,7 % par rapport à 2013.

J'en arrive au contrôle budgétaire que j'ai conduit sur le régime des marins, durant le premier semestre 2013. La réforme de l'ENIM, réalisée en 2010, a produit de bons résultats, en dépit de certaines difficultés. Le régime bénéficie désormais de l'appui de la sécurité sociale pour la gestion des prestations. La délocalisation du siège de l'établissement à La Rochelle est un élément positif. D'autres services sont situés à Saint-Malo - où je me suis rendu - et à Paimpol. L'on voit là-bas des armements importants alors que le nombre de cotisants décroît. En effet, les cotisations ne représentent plus que 10 % des recettes de l'ENIM, tandis que 90 % de ses ressources proviennent de la solidarité nationale (subvention de l'État et compensation démographique versée par d'autres régimes de retraite).

Ce régime est dans l'ensemble bien géré mais les armateurs veulent des procédures rapides, sinon ils s'adresseront aux pays qui proposent des systèmes d'assurance privés. Il faudrait réactiver les guichets dans les ports pour informer et répondre à la demande, sinon les bateaux continueront à partir de France avec des marins presque tous affiliés à des régimes étrangers. Nous avons proposé diverses solutions, sans pour autant toucher au système de retraite des marins. À l'issue de la mission de contrôle budgétaire, j'ai ainsi adressé, en application de l'article 60 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), une lettre aux ministres de tutelle de l'ENIM. Certaines des recommandations ont d'ores et déjà été suivies ; la réponse des ministres est actuellement en cours de validation.

J'en reviens maintenant au CAS « Pensions ». L'évolution de la contribution du budget général au CAS ne pose pas de problème en tant que telle, malgré un montant très important. Néanmoins, les déséquilibres s'accroissent : en 2006, le taux de contribution de l'État employeur pour les pensions des fonctionnaires civils s'établissait à environ 50 %, aujourd'hui le taux de contribution de l'État s'élève à 74 %. Pour les pensions militaires, le taux de contribution de l'État est passé de 100 % en 2006 à 126 % en 2013.

De même, la situation est très déséquilibrée dans les régimes spéciaux. Malgré toutes les réformes, la subvention de l'État à la SNCF représente 62 % du total des ressources de ce régime. Ce n'est qu'à partir de 2017 que les régimes spéciaux devront s'aligner sur les règles des régimes de la fonction publique (sauf pour les cotisations). À l'occasion de la dernière réforme des retraites, il eût été souhaitable de rééquilibrer les choses et, sans toucher aux droits acquis, de modifier le système pour les nouveaux entrants.

Je souhaiterais ajouter quelques mots à propos des relations entre l'État et la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). Quand les agents de l'État ont été transférés aux collectivités territoriales, cette caisse en a repris la gestion. Un mécanisme de neutralisation des conséquences financières de ce transfert de personnel a été mis en place. Les flux liés à ce mécanisme sont retracés dans le CAS « Pensions ». Mais ce dispositif se traduit par une charge nette d'environ 350 millions d'euros par an pour la CNRACL depuis 2010. La caisse est également fragilisée par la compensation démographique qu'elle verse aux autres régimes de retraite, pour un montant total d'environ 1,3 milliard d'euros par an. Ainsi, en 2014, le déficit de la CNRACL atteindrait 420 millions d'euros.

En conclusion, la situation apparaît globalement maîtrisée. Les différentes réformes ont imprimé sur les comptes de ces régimes une évolution en dents de scie, mais les subventions prévues devraient permettre d'équilibrer ces régimes.

L'Assemblée nationale a adopté en première délibération, sans modification, les crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale.

Sous réserve de ces observations, étant donné que le paiement des droits à pension constitue une obligation pour l'État, je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Présidence de M. Yvon Collin, vice-président

M. François Marc, rapporteur général. - J'ai apprécié l'exposé de Francis Delattre. Les choses sont maîtrisées, nous dit-il. Nous sommes rassurés, comme doivent l'être les bénéficiaires de pensions, au moins à court terme.

M. Gérard Miquel. - Je félicite le rapporteur pour la qualité de son rapport. L'État a transféré de nombreux agents aux départements et aux régions, notamment ceux de l'ancien ministère de l'équipement ainsi que les personnels de service de l'éducation nationale. Les collectivités paient désormais sur ces emplois une cotisation vieillesse de l'ordre de 30 % à la CNRACL. Pour ceux qui ont choisi de rester agents de l'État, nous acquittons une cotisation retraite à l'État équivalant à 70 % du salaire. J'ai interrogé divers ministres de la fonction publique, qui m'ont tous assuré que c'était normal. Je ne trouve pas que ce soit le cas. Lorsqu'un agent demande à intégrer mon conseil général, j'exige désormais qu'il intègre la fonction publique territoriale. Lorsqu'un fonctionnaire d'État devient fonctionnaire territorial, quels transferts financiers s'opèrent entre l'État et la CNRACL ? Et où vont les sommes énormes que nous versons à l'État ?

M. Philippe Dallier. - Avec la baisse du nombre de cotisants et la hausse du nombre de pensionnés, le régime des agents des collectivités locales ne peut que subir de sérieux déficits. Il a été mis à contribution dans le passé, pour venir au secours des autres régimes, et pour des sommes importantes. Et ensuite ? Va-t-on demander aux collectivités territoriales et à leurs agents de cotiser plus ? Sa dette s'accumulant, la CNRACL va-t-elle emprunter ?

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - Il apparaît que l'État facture aux collectivités territoriales ce que lui coûte l'opération. Le principe est le suivant : l'État rembourse les pensions versées par la CNRACL pour les agents ayant effectué une partie de leur carrière pour l'État, ainsi qu'une part de la compensation démographique. Réciproquement, la CNRACL reverse à l'État les cotisations et contributions assises sur les traitements de ces agents qui seraient revenues à l'État si ces agents n'avaient pas été transférés. Ce mécanisme entraîne, à court terme, une charge nette importante pour la CNRACL, de l'ordre de 350 millions d'euros. Je souhaiterais qu'une mission de contrôle spécifique examine de plus près cette question.

M. Philippe Dallier. - On sait comment tout cela va finir !

M. Gérard Miquel. - Un tel mécanisme va à l'encontre de la fluidité entre les diverses fonctions publiques. Nous avons besoin d'un système plus transparent. Comment comprendre que nous ayons un tel taux de cotisation à payer ?

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - La CNRACL devrait revenir à meilleure fortune, mais il faudrait que l'on sache plus précisément de quelle façon.

M. Yvon Collin, président. - La commission établira son programme d'étude et de contrôle en janvier. La CNRACL ne manquera pas d'être évoquée lors de la réunion du bureau qui y sera consacrée.

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - Nous pourrions nous rapprocher du rapporteur de la commission des affaires sociales.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

- Présidence de M. Yvon Collin, vice-président -

Loi de finances pour 2014 - Mission « Engagements financiers de l'État », comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et comptes d'affectation spéciale « Participations de la France au désendettement de la Grèce » et « Participations financières de l'État » - Examen du rapport

Enfin la commission procède à l'examen du rapport de M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'État », les comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et les comptes d'affectation spéciale « Participations de la France au désendettement de la Grèce » et « Participations financières de l'État ».

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. - Les dépenses certaines de cette mission représentent 64,3 milliards d'euros. Si l'on tient compte des dépenses incertaines, la dépense sera probablement de l'ordre de 67 milliards d'euros. Sur un budget de l'Etat d'environ 370 milliards d'euros, ce poste en constitue presque un cinquième.

La mission « Engagements financiers de l'État » retrace tout d'abord les conditions de financement de notre dette publique, au sein du programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État ». Les crédits ouverts en 2014 à ce titre s'élèvent à 46,7 milliards d'euros, en diminution de 0,2 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2013, mais en augmentation de 1,7 milliard d'euros par rapport à la prévision de charge de la dette pour 2013, établie lors de la préparation du projet de loi de finances : c'est ce qu'on appelle le révisé 2013. La différence entre la charge de la dette estimée dans la loi de finances initiale pour 2013 et le révisé 2013 tient notamment à la diminution de la provision pour indexation du capital des titres indexés en raison d'une inflation inférieure aux prévisions.

Pour 2014, la charge de la dette augmentera malgré des taux d'intérêt toujours bas. L'encours nominal de la dette négociable de l'État devrait progresser de 72,2 milliards d'euros entre 2013 et 2014 pour s'élever à 1 531,4 milliards d'euros fin 2014. Cette progression de 4,9 % est toutefois la plus faible des cinq dernières années, sous l'effet de la réduction de nos déficits budgétaires.

Le besoin de financement de l'État atteint ainsi 177 milliards d'euros en 2014, en diminution de 8,8 milliards d'euros par rapport au révisé 2013. En 2014, l'État empruntera pour 40 % afin de financer son nouveau déficit et pour 60 % afin de refinancer les déficits passés. Cette année, la présentation du tableau de financement de l'État tient compte du fait que la charge d'indexation ne se traduit pas par des décaissements en trésorerie ; d'autre part, les investissements d'avenir n'apparaissent plus à la fois en besoin de financement et en ressources.

Par nature exceptionnels, situés en dehors de la norme de dépense de l'État, ils ont vocation à renforcer la compétitivité de notre économie en encourageant des secteurs d'avenir. Ils s'élèvent à 12 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2014. Leur impact budgétaire se fera sentir au fur et à mesure de leurs décaissements. Le premier programme, lancé en 2010, se traduit par des besoins de trésorerie de l'ordre de 3 milliards d'euros par an. Le deuxième sera lancé en 2014.

Le 8 novembre 2013, l'agence Standard & Poor's a abaissé de AA+ à AA la note souveraine de la France - elle conserve toutefois la troisième meilleure note possible. Avec l'Allemagne, l'Autriche, la Finlande, le Luxembourg et les Pays-Bas, nous faisons partie des États dotés d'une note supérieure ou égale à AA avec une perspective stable. Il faut y voir l'effet des réformes structurelles engagées, sur la sécurisation de l'emploi, la compétitivité ou la réforme des retraites. Standard & Poor's souligne en outre les « forces sous-jacentes » de l'économie française : son haut niveau de richesse et de productivité, la stabilité de son secteur financier et la qualité de sa main d'oeuvre. Non, la France n'a pas toujours mal fait.

Le programme « Appels en garantie de l'État » retrace la dépense budgétaire associée à l'ensemble des dispositifs pour lesquels l'État a octroyé sa garantie. Les crédits sont pratiquement stables : 208,4 millions d'euros, en hausse de 0,5 million d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Il s'agit à 70 % des dispositifs de garantie mis en oeuvre par la Coface.

Les garanties s'inscrivent dans l'ensemble plus vaste des engagements hors bilan de l'État, pour lesquels la Cour des comptes a effectué une enquête en application de l'article 58-2 de la LOLF. Ses conclusions ont été présentées en mai dernier : elle plaide notamment pour un véritable suivi et un pilotage effectif des engagements hors bilan. Bernard Cazeneuve s'est engagé le 12 juin 2013 à nous informer de l'évolution des risques d'encours. S'il ne s'y tenait pas, il faudrait légiférer pour améliorer l'information et le contrôle du Parlement.

Le programme 145 « Épargne » retrace les primes d'épargne logement associées aux plans et comptes épargne logement. Leur montant prévisionnel s'élève à 566 millions d'euros, soit 155 millions d'euros de moins qu'en 2013, compte tenu de taux souvent supérieurs à ceux du secteur concurrentiel.

Le programme « Majoration de rentes » retrace l'époque, antérieure à 1987, où l'État majorait certaines rentes viagères dans un contexte de forte inflation. Ces dispositifs sont en voie d'extinction. Les crédits demandés s'élèvent à 171 millions d'euros, en baisse de 10 millions d'euros par rapport à l'an dernier.

Deux programmes traduisent, enfin, les engagements européens de la France. Le programme « Augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement » (BEI) n'est pas doté cette année. Il en va différemment du programme « Dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité » (MES), qui correspond à un dispositif permanent d'assistance financière à plusieurs États de la zone euro : l'Espagne et Chypre, après les aides octroyées à la Grèce, à l'Irlande et au Portugal dans le cadre du précédent mécanisme de solidarité européen. Les 3,26 milliards d'euros de crédits inscrits à ce titre correspondent à la cinquième et dernière tranche de dotation en capital du MES par la France.

Les participations financières de l'État, c'est-à-dire la gestion de l'État actionnaire, sont retracées dans un compte d'affectation spéciale. Le 2 août 2013, les ministres de l'économie et du redressement productif ont présenté une communication en conseil des ministres. Celle-ci précise d'une part l'articulation des interventions de l'État et de la BPI : à l'État les interventions dans les grandes entreprises, sur un temps très long, notamment les services publics en situation de monopole naturel ou économique ; à la BPI les interventions dans les PME, les entreprises de taille intermédiaire, parfois les grandes entreprises, toujours en minoritaire, et sur un horizon de moyen ou long terme. Elle établit d'autre part le principe d'une « gestion active du portefeuille des participations », particulièrement illustrée à l'occasion de trois cessions de participations d'entreprises cotées en 2013 : la vente de 3,12 % de Safran, celle de 3,7 % d'EADS et celle enfin de 9,5 % d'Aéroports de Paris. Leur montant s'est élevé à environ 1,6 milliard d'euros après impôts. Aucune d'entre elle n'a conduit à une perte d'influence de l'État au sein de ces sociétés.

En 2013, l'État n'a pas réalisé d'importantes prises de participation. Il a principalement libéré une tranche de l'augmentation de capital de la BPI pour près de 383 millions d'euros. La valeur du portefeuille coté de l'État a augmenté de 14 % depuis fin 2012.

M. François Marc, rapporteur général. - Pourvu que ça dure !

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. - Dans ce contexte, nous pouvons supposer que l'État sera amené à étudier de nouvelles cessions, mais l'APE ne communique jamais sur ce point. En matière de prises de participations, aucune opération importante ne doit être signalée. En fonction de ses besoins, l'État pourrait libérer une nouvelle tranche de capital pour la BPI.

Le budget général de l'État finance les autres dépenses inscrites sur le compte, qui n'est alors qu'un « tuyau » budgétaire. L'État libérera notamment la dernière tranche du capital du MES pour 3,3 milliards d'euros. En outre, le compte reçoit 1,75 milliard d'euros au titre des dotations en fonds propres qui seront investies dans le cadre du deuxième PIA. En 2014, les dividendes de l'État actionnaire devraient baisser d'environ d'un milliard pour s'établir à 3,2 milliards d'euros. L'État anticipe notamment l'accroissement des provisions des entreprises de son portefeuille.

L'État va définitivement solder la dette de l'établissement public de financement et de restructuration (EPFR), c'est-à-dire la dette héritée du Crédit Lyonnais, pour un montant de 4,48 milliards d'euros. En réalité, il sera proposé au Parlement, dans le projet de loi de finances rectificative présenté aujourd'hui en Conseil des ministres, d'opérer une reprise de cette dette par l'État, donc d'augmenter de 4,48 milliards le besoin de financement de l'État en 2013. Cette opération n'a pas de conséquence budgétaire et n'affecte pas la dette maastrichtienne puisque l'EPFR est compris dans le périmètre des administrations publiques. Elle est néanmoins nécessaire, car ses dettes arrivent à échéance fin 2014 et que ses recettes sont insuffisantes pour les honorer.

M. Francis Delattre. - Quel bonneteau !

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. - Le compte « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » retrace les avances accordées par le Trésor à divers organismes et le remboursement de celles-ci. Les crédits s'élèvent à 7,5 milliards d'euros, en très légère hausse (42 millions d'euros) sur 2013. Il s'agit principalement, à hauteur de 7,2 milliards d'euros, du dispositif de préfinancement de la politique agricole commune.

Le compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux » n'est pas doté, comme les années passées. Dédié à la coopération monétaire avec la zone franc, il garantit, en tant que de besoin, l'ancrage de la parité du taux de change sur l'euro et la garantie de convertibilité illimitée.

Enfin, le compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » retrace les dispositifs de prêts bilatéraux à la Grèce. Le 26 novembre 2012, l'Eurogroupe a décidé de rétrocéder à la Grèce un montant équivalent aux profits perçus par les banques centrales nationales sur les titres obligataires grecs achetés sur le marché secondaire, dans le cadre du programme pour les marchés de titres, ou Securities Markets Programme (SMP). La rétrocession au compte d'affectation spéciale des revenus des titres détenus au portefeuille SMP porte sur 2,06 milliards d'euros sur 2013-2025. Il s'ajoute au dispositif antérieur de prêts bilatéraux dont a bénéficié la Grèce pour racheter sa dette dans des conditions privilégiées. Le compte d'affectation spéciale retrace ces opérations en recettes et en dépenses, qui doivent s'équilibrer à terme : après avoir été en excédent en 2013, il sera en déséquilibre en 2014, et les déficits se résorberont progressivement jusqu'en 2021.

Je vous propose d'adopter les crédits de la mission, des comptes d'affectation spéciale et des comptes de concours financiers, qui retracent les engagements financiers de notre pays. Ceux-ci l'ont déjà été, sans modification, par l'Assemblée nationale en première délibération.

M. Yvon Collin, président. - Nous vous remercions pour la qualité de ce travail.

M. François Marc, rapporteur général. - Notre rapporteur a parfaitement présenté la situation d'endettement de l'Etat. Ces sommes importantes constituent un handicap pour l'avenir. Il y a toutefois des enseignements positifs : la France fait partie du club fermé des États dont la situation est jugée satisfaisante par les agences de notation. Standard & Poor's reconnaît les forces sous-jacentes de notre économie : diversification et résilience de son économie, stabilité de ses acteurs financiers, solvabilité équilibrée - ce n'est pas rien.

De plus, la probabilité que nous soyons à nouveau dégradés dans les deux prochaines années serait inférieure à un tiers. Les marchés financiers attendent de la stabilité : ils devraient être rassurés. Si les taux d'intérêt n'augmentent pas dans des proportions insoutenables, nous devrions faire face à nos engagements. Standard & Poor's table sur une inversion de la courbe de la dette à une échéance proche de celle retenue dans notre trajectoire des finances publiques, très probablement, à l'horizon 2016.

M. François Trucy. - Il faut féliciter notre rapporteur spécial pour la clarté de son propos sur des enjeux aussi énormes. J'espère que les 4,5 milliards d'euros annoncés sont la dernière facture du Crédit lyonnais. Cette piqure ravive mon indignation : comment se fait-il qu'une maison importante, qui avait la confiance de millions de Français et de l'État, ait géré ses affaires de façon aussi désastreuse ; où sont les responsables, où sont les sanctions ? Personne n'a subi le moindre reproche. Je connais un protagoniste de l'affaire : il coule des jours heureux dans le Var, n'éprouve aucune honte, et se montre dans les médias en toute occasion pour donner des leçons. C'est insupportable !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Je ne répondrai pas au rapporteur général sur les agences de notation : je pourrais retrouver les propos tenus par votre majorité lorsque la France a été dégradée pour la première fois.

L'État va emprunter 4,5 milliards d'euros sur les marchés financiers pour solder la dette du Crédit lyonnais. Il le fera avec un an d'avance parce que les conditions d'emprunt sont bonnes : en creux, il reconnaît qu'elles ne peuvent que se détériorer, ce qui n'est pas très adroit. L'opération n'augmente pas la dette maastrichtienne, c'est entendu, mais dire que cela n'a pas d'incidence budgétaire me paraît excessif.

M. François Marc, rapporteur général. - C'était prévu !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Est-ce vraiment la dernière ardoise du Crédit lyonnais ?

M. François Marc, rapporteur général. - C'est vous qui semez l'inquiétude !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - J'appelais de mes voeux depuis longtemps un collectif budgétaire : je me réjouis qu'il soit annoncé, mais j'attends de voir. Le feuilleton judiciaire se poursuit, pourquoi se hâter ?

M. Francis Delattre. - Ce document reflète l'ensemble du budget : c'est une variable d'ajustement. Quoiqu'élégamment rapportées, les choses restent peu réjouissantes. La réalité, c'est que nos conditions de prêt vont se dégrader. L'encours de la dette de l'État progresse moins vite, mais il y a aussi la dette sociale - la Caisse d'amortissement de la dette sociale est un scandale permanent à elle toute seule - et la dette des collectivités territoriales. Nous sommes loin des objectifs affichés.

Le taux de prélèvements obligatoires atteint 46,1 % du PIB : voilà notre reproche fondamental. La résilience de notre économie, tant admirée, est en fait sa capacité à absorber les mauvaises nouvelles. Nous n'avons plus aucune marge fiscale, monsieur le rapporteur général, vous le savez mieux que personne.

M. François Marc, rapporteur général. - Situation que vous avez léguée...

M. Francis Delattre. - La capacité de notre administration à aller chercher l'impôt n'est plus un atout, c'est un motif d'inquiétude. Ce budget est plein de ralentissements - de la dette publique, des dépenses publiques... - quand nous avons besoin d'un inversement de la tendance. Et puisque vous parlez beaucoup de compétitivité, que contient ce budget de concret, de sûr et d'inattaquable en la matière ? Certainement pas la défiscalisation des investissements des entreprises dont nous avons parlé ce matin, ni le crédit d'impôt compétitivité emploi, dont on cherche toujours le financement.

M. François Marc, rapporteur général. - On sait que vous ne l'aimez guère.

M. Francis Delattre. - Nous perdons des parts de marché face à l'Espagne, l'Italie, le Portugal. Ces pays ont redressé leur compétitivité, nous ne faisons rien. Les mesures de compétitivité de ce budget ne sont que des ébauches. Nous en restons à la communication, il faut passer à la réalisation. Nous savons que 150 000 à 200 000 emplois sont menacés par les plans sociaux et les décisions des tribunaux de commerce. La solution n'est pas de s'endetter un peu moins, il faut s'attaquer au niveau insupportable de la dépense publique, il faut dépasser les déclarations d'intention.

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. - Les 4,5 milliards d'euros sont inclus dans les 185,8 milliards d'euros de l'année en cours. Nous n'avons pas le choix : l'EPFR n'existera plus après 2014. Nous sommes contraints d'apurer sa dette maintenant.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Avec un an d'avance !

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. - Il n'y a aucune manipulation : les comptes pour 2013 seront nets, aucun cadavre ne sera laissé dans les placards. Il n'est pas impossible qu'une décision judiciaire intervienne ultérieurement, mais elle ne peut être que favorable à l'État. Voilà, en effet, la dernière facture du Crédit lyonnais.

M. François Marc, rapporteur général. - Il y avait donc un cadavre...

M. Francis Delattre. - Nous pouvons vous rappeler d'où il provenait.

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. - La hausse de l'encours de la dette de l'État est la plus faible de ces cinq dernières années. Nous allons dans le bon sens.

M. Francis Delattre. - À 177 milliards d'euros, c'est tout relatif.

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. - Voulez-vous que je rappelle le passé ? Regardez les chiffres : la charge de la dette plafonne depuis 2011. C'est un constat objectif, sans attaque politique.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Nous reviendrons sur ces 4,5 milliards d'euros au cours du débat sur le projet de loi de finances rectificative.

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial. - Je ne manquerai pas d'intervenir.

M. François Trucy. - Je m'abstiendrai sur le vote de ces crédits, car les engagements de l'État reprennent nécessairement ceux des précédents gouvernements.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État ».

Elle décide également de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », ainsi que des comptes d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et « Participations financières de l'État ».

Jeudi 14 novembre 2013

- Présidence de M. Jean Germain, secrétaire -

Loi de finances pour 2014 - Mission « Défense » et compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État » - Examen du rapport

La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de MM. Yves Krattinger et Dominique de Legge, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Défense » et le compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État ».

M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. - Le projet de loi de finances pour 2014 est la première traduction des orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et du projet loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2014-2019, qui a été adopté en première lecture par le Sénat le 21 octobre 2013.

Le niveau et la structure des ressources de la mission « Défense » sont conformes à cette nouvelle programmation, dont nous avons déjà longtemps débattu. C'est pourquoi je resterai bref quant à leur description.

Les crédits budgétaires de la mission « Défense » hors pensions et hors programme d'investissements d'avenir (PIA), soit 29,61 milliards d'euros, reculent de 497 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2013, au titre de la contribution au redressement des finances publiques prévue par la dernière loi de programmation des finances publiques.

Ces crédits sont complétés par des recettes exceptionnelles d'un montant de 270 millions d'euros, contre 1,27 milliard d'euros en 2013. Elles proviennent essentiellement du produit de cessions immobilières, déjà effectuées ou prochaines. Les cessions qui restent à réaliser portent principalement sur des immeubles situés à Paris, dont on peut attendre qu'ils trouvent assez facilement preneur, sauf retournement brutal du marché, ce que personne ne voit venir pour l'instant.

La mission « Défense » bénéficie en outre, dans le cadre du nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA), de la création d'un programme, intitulé « Excellence technologique des industries de défense », doté de 1,5 milliard d'euros. Ces crédits sont inscrits dans un nouveau programme, n° 402, de la mission. Ce sont donc des crédits budgétaires, bien que hors norme de dépense au sens de la loi de programmation des finances publiques, comme le reste du PIA, et comme le précédent programme d'investissements d'avenir.

Ces ressources complémentaires sont assurées. Il n'en va pas tout à fait de même pour les années à venir. Des recettes exceptionnelles sont prévues par la loi de programmation militaire, elles seront au rendez-vous puisque tel est l'engagement du Président de la République, mais leur nature et leur calendrier exact restent à préciser, notamment pour ce qui concerne la cession de la bande de fréquence des 700 MHz.

En tout, la mission « Défense » disposera donc en 2014 de 1,77 milliard d'euros en plus des crédits budgétaires correspondant à son périmètre habituel.

Les ressources totales de la mission « Défense » restent ainsi stables à 31,38 milliards d'euros hors pensions.

Les crédits de paiement relèvent principalement de deux programmes :

- le programme 178 « Préparation et emploi des forces », correspondant à la quasi-totalité des dépenses de personnels et au maintien en condition opérationnelle des matériels (16 milliards d'euros au total). En 2014, les crédits de paiement dédiés à l'entretien programmé des matériels (EPM) représenteront 3,1 milliards d'euros, soit une hausse de 5,5 % par rapport à 2013 ;

- le programme 146 « Équipement des forces » (9 milliards d'euros).

La mission « Défense » comprend deux autres programmes, plus modestes en termes de crédits de paiement :

- le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » (1,8 milliard d'euros), dont les crédits correspondent essentiellement aux services de renseignement (0,74 milliard d'euros, en hausse de 7 %) et aux « études amont » (également 0,74 milliard d'euros). Les services de renseignements - la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) et la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) - bénéficient de 263 millions d'euros de crédits hors titre 2, soit une hausse de 17 % par rapport à 2013 ;

- le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » (2,8 milliards d'euros en 2014). Ses crédits correspondent essentiellement à la politique immobilière, notamment au profit des infrastructures de la défense, pour un total de 950 millions d'euros (1,04 milliard d'euros avec la dissuasion).

Comme cela a déjà été signalé, la mission « Défense » comporte en 2014 un nouveau programme, le programme 402 « Excellence technologique des industries de la défense », qui regroupe 1,5 milliard d'euros de crédits de paiement dans le cadre du nouveau PIA. Cette somme est versée à deux opérateurs :

- le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), pour financer la recherche et développement en matière de simulation d'essais nucléaires, de perfectionnement des chaufferies nucléaires, notamment celles du Barracuda, de notre nouvelle génération de sous-marins nucléaires d'attaque ;

- le Centre national des études spatiales, pour la poursuite du programme MUSIS, le successeur de nos systèmes d'observation spatiaux optique et radar.

Si l'on prend une approche par grands agrégats, le fait marquant de ce budget est la progression des crédits d'équipement, en hausse de 3 %, à 16,48 milliards d'euros, tandis que la masse salariale hors opérations extérieures (OPEX) baisse de 1,6 % à 10,98 milliards d'euros.

Cette hausse porte notamment sur l'entretien programmé des matériels, afin de permettre le redressement, d'ici à 2016, de l'activité opérationnelle de nos forces et de revenir à un niveau d'entraînement conforme aux normes, notamment OTAN.

Compte tenu de la stabilité globale des ressources de la mission « Défense », la hausse des dépenses d'équipement est compensée par la baisse de tous les autres agrégats de dépenses (masse salariale, OPEX, fonctionnement).

Je ne reviens pas sur les difficultés qu'a connues le ministère de la défense en matière de règlement des soldes et de maîtrise de la masse salariale : lors de l'audition de la Cour des comptes sur la rémunération des militaires, le 9 octobre dernier, les responsables du ministère de la défense nous ont expliqué quelles mesures avaient été prises notamment en matière de dépyramidage et de réorganisation de la fonction RH. Pour ce qui est du logiciel Louvois, on sait que le rétablissement sera long tant le mal semble profond.

S'agissant des opérations extérieures, on enregistrera en 2013, selon les dernières prévisions, un dépassement assez conséquent de la provision OPEX : 1,2 milliard d'euros contre 630 millions inscrits en loi de finances.

Il faut cependant relever que ce dépassement n'est dû qu'à l'opération Serval au Mali. La provision OPEX a donc couvert ce qui était son objet, c'est-à-dire les coûts prévisibles des opérations déjà en place. Sur ce périmètre, la provision de 450 millions d'euros prévue pour 2014 semble assez réaliste, compte tenu de l'achèvement du retrait d'Afghanistan et de la redéfinition de notre dispositif repositionné en Afrique.

Cependant, ce chiffrage, et ce n'est pas son objet, ne permettra évidemment pas de couvrir les coûts d'un éventuel renforcement de notre dispositif au Mali ou d'une nouvelle opération, par exemple en République Centrafricaine. Selon le principe posé par la précédente LPM et confirmé par la nouvelle, ces dépenses imprévisibles seront financées, le cas échéant, par un abondement du budget de la défense, comme cela sera le cas cette année.

Au final, le budget de la défense pour 2014 est conforme à la programmation et constitue la première étape d'un retour à une trajectoire plus soutenable, grâce à une meilleure adéquation entre un modèle d'armée redéfini et les ressources que le budget de l'État peut raisonnablement consacrer à l'effort de défense.

Il permet à la France d'assurer sa sécurité et de maintenir son rang sur le plan international.

Je propose à la commission, en cohérence avec l'adoption par le Sénat en première lecture du projet de loi de programmation, d'adopter les crédits de la mission « Défense », sous réserve d'un amendement de portée financière mineure que je vous présenterai, ainsi que ceux du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télé communications de l'État » qui retrace les ressources exceptionnelles provenant de la cession de fréquences hertziennes par le ministère de la défense et les redevances liées à l'utilisation de ces fréquences.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Yves Krattinger vous a présenté les grandes lignes du budget de la défense, et je m'associe à ses propos.

En compléments de ceux-ci, je souhaite vous livrer quelques réflexions et observations.

Comme il a été dit, ce projet de loi de financement est conforme à la loi de programmation militaire, elle-même traduction du livre blanc. Dès lors, les faiblesses et critiques formulées autour de la loi de programmation militaire se trouvent confirmées dans le projet de budget qui nous est aujourd'hui soumis.

Optiquement, les moyens financiers disponibles pour la mission « Défense » sont reconduits en 2014 par rapport à 2013. Pour autant, les crédits budgétaires proprement dits sont en baisse de 497 millions d'euros. Les recettes exceptionnelles passent de 1,27 milliard d'euros à 270 millions d'euros. C'est la création d'un nouveau programme, le 402, intitulé « excellence technologique des industries de défense », abondé de 1,5 milliard d'euros en provenance du nouveau PIA, qui permet d'afficher une reconduction des crédits.

D'un strict point de vue budgétaire il convient de rappeler que le PIA est hors périmètre de la loi de programmation des dépenses publiques. Il est paradoxal de justifier son exclusion en raison de son caractère exceptionnel, et dans le même temps de l'intégrer en dépense pour financer celles engagées dans les années antérieures à sa mise en oeuvre.

Ainsi l'intégralité du PIA « Défense » sera décaissée en 2014. Il abonde deux opérateurs : le CEA pour 1,328 milliard d'euros et le CNES pour 172 millions d'euros, afin de financer également des engagements antérieurs. Interrogé, le ministère a fourni une réponse pour le moins confuse, puisque le PIA vise selon lui « à développer la recherche et la technologie dans les domaines des applications défense de l'énergie nucléaire et de l'observation spatiale. Il s'agit par définition d'activités s'inscrivant dans la temporalité longue des programmes d'armement, certains ayant débuté d'être financés sur le programme 146 ». On notera cependant qu'au-delà de la sémantique le souci du ministère de la défense est de financer avec ce programme des opérations antérieurement lancées.

Outre que ce recours au PIA pour financer des programmes anciens, tels que les chaufferies nucléaires des sous-marins Barracuda ou la simulation numérique qui a fait suite à l'arrêt des essais nucléaires, ne s'inscrit pas, semble-t-il, dans l'esprit qui avait présidé à la création de ce programme d'investissement d'avenir, il pose le problème, à crédits budgétaires constants, des recettes exceptionnelles en 2015 et les années suivantes, car par définition le recours au PIA ne peut qu'être ponctuel. C'est un fusil à un coup. La trajectoire des ressources de la mission défense repose sur des crédits budgétaires au même niveau en 2015 qu'en 2014, ce qui suppose à nouveau des recettes exceptionnelles d'un même montant de 1,77 milliard d'euros l'an prochain. Rappelons que sur la période 2014-2019, les crédits exceptionnels sont estimés à 6,1 milliards d'euros dont 1,5 milliard d'euros de PIA. Cela signifie qu'il reste millions d'euros par an, tandis le ministère affiche à nouveau une recette de 1,77 milliard d'euros en 2015.

En admettant que cette recette se concrétise, il apparait alors que, pour le reste de la période de programmation, le maintien du budget passe par une augmentation sensible des crédits budgétaires, dans un contexte de croissance incertain.

Sur les OPEX, je tiens à souligner l'effort effectué en 2013 pour fixer un niveau de provision permettant de couvrir les dépenses liées aux opérations déjà engagées au moment du vote de la loi de finances. L'opération Serval au Mali, qui n'était pas prévue et dont le coût en 2013 est estimé à 646 millions d'euros, devrait quant à elle être financée par abondement des crédits de la mission « Défense », conformément au principe posé par la précédente loi de programmation et repris par la nouvelle.

Mais la sensible baisse des provisions OPEX passant de 630 millions d'euros, en 2013 à 450 millions d'euros, en 2014, alors que tout laisse à penser que nous aurons à intervenir de nouveau sur le territoire africain, me semble renouer avec des pratiques de sous-évaluation manifeste. Le recours à la clause de sauvegarde qui consiste à prélever sur des crédits dits interministériels, ne me semble pas relever de bonnes prévisions.

On ne peut que souligner, pour s'en réjouir, l'effort fait en direction de l'équipement et de l'entretien des matériels, surtout après leur forte sollicitation dans les OPEX. Pour autant, et ceci n'est pas propre au gouvernement actuel, il est à craindre que la maintenance de nos équipements grève fortement les capacités d'entraînement de nos forces, faute de disponibilité de nos matériels. La baisse du niveau de réalisation des activités et de l'entraînement qui conditionne nos capacités d'intervention, traduit cette réalité et nous éloigne des normes retenues par l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Un pilote de chasse de l'armée de l'air effectuera en moyenne 150 heures de vol en 2014, alors que le minimum requis par les normes OTAN est de 180 heures. Un pilote d'hélicoptère de l'armée de l'air ne sera aux commandes de son appareil que 160 heures en 2014, contre une norme OTAN fixée à 200 heures, soit un déficit d'activité et d'entrainement de 20 %.

Une telle situation s'avère fâcheuse au moment où nous participons à son commandement intégré et que nous espérons voir se mettre en place une défense européenne qui permettrait de mieux répartir les efforts entre pays européens.

De ce point de vue, je serai personnellement vigilant sur l'évolution de la brigade franco-allemande.

Un autre point de vigilance concernera les externalisations. L'intérêt financier de l'externalisation de certaines fonctions de soutien n'a en effet pas été évalué : celle-ci ne saurait fournir une réponse budgétaire et opérationnelle aux difficultés que rencontre notre armée. Ce qui est concevable par temps de paix sur le territoire national, l'est sans doute moins par temps de guerre et lors des OPEX. Une armée indépendante ne peut pas tout sous-traiter car sa crédibilité repose sur son autonomie.

En conclusion, mes chers collègues, ce projet de budget, à l'image de la loi de programmation militaire, ne me parait pas sincère et par conséquent je voterai contre.

M. François Marc, rapporteur général. - Je tiens à remercier nos deux rapporteurs pour la synthèse qu'ils ont effectuée de ce budget très conséquent dans un contexte marqué par les interrogations que suscitent le projet de constituer une défense européenne et les éventuelles synergies auxquelles sa réalisation pourrait donner lieu. Ma première question concernera les recettes exceptionnelles : comment expliquez-vous la baisse de près d'un milliard d'euros qu'elles enregistrent d'une année à l'autre ? Une telle baisse est-elle imputable à la fin du programme de cession des implantations foncières et immobilières du ministère de la défense ou faut-il avancer d'autres motifs plus conjoncturels ? Je m'interroge également sur le nouveau programme d'investissements d'avenir et la création du nouveau programme intitulé « Excellence technologique des industries de défense » à hauteur de 1,5 milliard d'euros : au-delà des chiffres globaux, est-il possible d'obtenir des informations sur le contenu de ce programme et sur la répartition, y compris géographique, de ces crédits ? Quelles sont les incidences, non seulement territoriales mais aussi techniques, de la mise en oeuvre de ce programme sur l'ensemble de nos armées ?

M. Gilbert Roger, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Tout d'abord, je tiens à vous indiquer que ma commission doit se réunir dans les prochains jours pour examiner le budget de la défense et que, par conséquent, les avis budgétaires de ses différents rapporteurs ne sont pas encore publiés. Mais s'agissant du programme 178 « Préparation et emplois des forces » dont nous sommes, avec André Dulait, les rapporteurs, les crédits annoncés correspondent aux moyens définis par la loi de programmation militaire qui vient d'être adoptée par notre Haute assemblée. Elle assure ainsi une montée en puissance des moyens consacrés à la régénération des matériels, avec une augmentation de 24 % par rapport à l'année passée, et elle demeure conforme aux estimations de la loi de programmation s'agissant de l'entraînement des personnels, que ce soit en termes d'heures de vol pour l'armée de l'air ou en jours d'entraînement pour les autres armes ; leur augmentation devant être assurée à partir de 2015.

En réponse à Dominique de Legge, la baisse des heures de vol d'entrainement des pilotes a été amorcée par la précédente loi de programmation militaire. Lors de la préparation de la loi de finances pour 2012, nous avions, avec André Dulait, alerté que ce nombre d'heures s'avérait très inférieur à la fois aux objectifs de la loi de programmation militaire et aux normes otaniennes. J'émettrai cependant ce constat dans mon rapport budgétaire : nous allons interrompre cette spirale baissière et 2015 devrait marquer un retour à ces normes.

En revanche, les éventuels gels des crédits de la loi de finances en cours nous semblent plus préoccupants en ce qu'ils pourraient conduire à de sérieuses difficultés d'exécution des mesures déjà engagées. Je me fais l'écho à ce sujet de mes autres collègues rapporteurs inquiets quant à la cohérence des choix qui conduisent à de telles réductions de crédits qui sont parfois annoncées par voie de presse sans réelle concertation préalable.

M. Jean Germain, secrétaire. - Quels sont les dangers de l'externalisation ? Y-a-t-il un seuil en-deçà duquel il faut y renoncer et quelles activités peuvent-elles être externalisées?

M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. - En réponse à l'interrogation de notre rapporteur général sur les recettes exceptionnelles, je m'étais également interrogé sur leurs niveaux lors de l'examen de la loi de programmation militaire. Certes, l'actuelle construction du « Balardgone » conduit à la cession d'immeubles situés en plein Paris et de grande valeur. La vente des fréquences de 700 MHz, à la suite de la commercialisation des fréquences de 800 MHz, devrait également procurer d'importants revenus, mais elle ne devrait pas être conduite à son terme pendant l'année 2014. En conséquence, nous sommes avant tout confrontés à un problème de calendrier. D'ailleurs, les chiffres mentionnés à ce titre par la loi de programmation ne me paraissent pas surestimés et il est probable que l'État obtiendra davantage que les 4,3 milliards d'euros actuellement prévus. Le fait que le budget pour 2014 ne contienne qu'un faible montant de ces recettes exceptionnelles est un gage de sincérité budgétaire et il faudra, à l'avenir, gérer le surplus provenant de l'achèvement des opérations en cours.

Le PIA, qui a principalement trait au nucléaire et à la dissuasion, relève par conséquent du secret de la défense nationale. Il est ainsi malaisé d'obtenir plus ample information sur la ventilation du budget de 1,5 milliard d'euros, à l'exception peut-être des 172 millions d'euros accordés au développement par le Centre national d'études spatiales (CNES) du système d'observation MUSIS.

Je partage les interrogations de mon collègue sur les risques de l'externalisation qui ne sont pas seulement constatés que dans le domaine de la défense !

En matière des crédits consacrés à l'entrainement des personnels, cette problématique n'est pas nouvelle ! Cependant, il faudrait s'assurer du contenu des normes de l'OTAN qui sont datées et ne correspondent peut-être plus au niveau technologique des équipements, qu'ils soient embarqués ou qu'ils servent à l'entraînement, comme les simulateurs de vols qui permettent l'apprentissage du pilotage à moindres frais. Jusqu'à présent, nos pilotes ont bel et bien démontré leur efficacité dans les théâtres d'opérations où ils ont été engagés !

Sur la défense européenne, la Brigade franco-allemande n'a jamais été engagée sur aucun théâtre d'opération extérieure du fait des modalités d'engagement des forces d'armées distinctes entre la France et l'Allemagne. Cette unité demeure avant tout le symbole d'une armée de la paix !

En réponse à Dominique de Legge, l'une des marques principales de ce budget, pour autant qu'il soit tenu, réside dans la baisse de la masse salariale qu'appelait d'ailleurs de ses voeux la Cour des comptes dont nous avons sollicité l'expertise à juste titre. Durant la précédente mandature, la baisse de 8,6 % du nombre des personnels militaires s'était accompagnée de l'augmentation de 5,5 % de la masse salariale. Désormais, le ministère de la défense consent à un effort énorme en réaffectant les économies réalisées par la baisse de la masse salariale à la maintenance des matériels qui peut s'avérer lente et coûteuse. S'il parvient à atteindre des tels objectifs, le ministre de la défense aura bien assumé sa mission.

Je partage également les inquiétudes de notre collègue rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées quant au gel des crédits en plein exercice, tant l'édifice budgétaire demeure fragile !

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - S'agissant des ressources exceptionnelles, qui s'élèvent dans la loi de programmation militaire à 6,1 milliards d'euros, dont 1,5 milliard de PIA, je partage l'avis de mon collègue rapporteur spécial quant au montant final de la cession des fréquences hertziennes, mais je ne suis pas du tout certain que nous soyons en mesure de d'en dégager près d'1,7 milliard d'euros d'ici à 2015. Or, la loi de programmation a été conçue en postulant des recettes qu'il semble difficile de réaliser d'ici à 2015. Puisque la loi de programmation budgétaire n'est pas vraiment sincère quant à son contenu, la traduction qui en est faite en 2014 se trouve entachée du même défaut d'insincérité.

Sur l'entraînement, les chiffres sont éclairants quant aux difficultés d'honorer l'engagement d'arrêter la spirale baissière engagée depuis de nombreuses années. En effet, que ce soit pour les heures de vol pour la chasse aérienne, les transports aériens ou, de façon plus générale, pour l'ensemble des chiffres annoncés en matière d'entraînement des forces, le décalage entre les prévisions pour cette année, leur réalisation et les objectifs à atteindre en 2015, qui ont certes leur légitimité au niveau technique, pose un réel dilemme. En effet, compte tenu de la situation actuelle, atteindre de tels objectifs reviendrait à négliger la maintenance et l'entretien des matériels et, vice versa, privilégier ces activités contraindrait à ne pas respecter les sessions d'entraînement fixées par la loi de programmation et qui seraient alors conduites sur des matériels relativement usagés. Une telle situation n'est pas nouvelle et mon constat ne me conduit nullement à remettre en cause la bonne volonté du ministre.

M. François Trucy. - Il y a des limites à la réduction portée à l'entretien des matériels et surtout à l'entrainement des personnels comme j'ai pu le constater pendant les années 1980, lorsque la VIème flotte américaine, qui croisait alors en Méditerranée, faisait escale à Toulon dont j'étais alors le maire. Les quatre jours de permission des personnels qui débarquaient rendaient laborieuses les périodes intenses d'entrainement qui suivaient, comme en témoignaient les difficultés éprouvées par les pilotes de l'aéronavale dont les capacités techniques d'appontage pâtissaient de ces quelque jours d'inactivité. Cette image illustre l'importance que revêt un entraînement constant pour le maniement de matériels techniques qui exige, du reste, une grande technique et maîtrise de soi.

Je partage le même constat sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) et le manque de pièces nécessaires à l'entretien. Ainsi, parmi la centaine de blindés stationnés dans le camp de Canjuers, il en y a à peine le quart qui soit opérationnel ! Cette situation est loin d'être satisfaisante et je crains qu'elle ne perdure !

Je partage également l'étonnement de mes collègues rapporteurs suscité par l'absence d'effet sur la masse salariale de la baisse des effectifs précédemment enregistrée. Espérons ainsi que la nouvelle diminution des effectifs permettent d'atteindre l'objectif d'une baisse de la masse salariale, sous le contrôle réel du ministère de la défense !

Dans le cours de notre discussion budgétaire, on ne saurait enfin occulter les vicissitudes générées par l'utilisation du logiciel Louvois dans le fonctionnement du ministère de la défense, comme nous avons pu le constater avec effarement lors de l'audition de la Cour des comptes. L'échec de ce logiciel, qu'il faudrait, selon certains gradés, abandonner purement et simplement, malgré les investissements qui y ont été consacrés depuis de nombreuses années, est manifeste et ses conséquences sur la gestion salariale des militaires sont importantes. Les gendarmes se félicitent d'ailleurs de ne pas l'avoir adopté !

Enfin, je crains que les OPEX continuent sur le même mode de financement car je crois savoir que la prochaine loi de finances rectificative devrait contenir une dotation de plusieurs centaines de millions d'euros pour pallier la prévision initialement inscrite dans la loi de finances qui s'avère bien inférieure à la dépense réelle.

Je partage également les interrogations de Jean Germain sur l'externalisation. Bien qu'elle puisse permettre aux personnels de se consacrer exclusivement à leurs activités militaires, il faut renoncer à voir l'externalisation obligatoirement comme une source d'économies.

M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. - Le logiciel Louvois a été conçu par le ministère de la défense qui a, pendant vingt ans, fait oeuvre de bricolage en la matière sans recourir à une quelconque forme d'externalisation. Si un grand concepteur de logiciels avait été sollicité, de tels ennuis ne seraient jamais survenus. Certaines opérations techniques peuvent s'avérer d'une grande complexité et la sphère privée peut être plus à même de les concevoir et de les exécuter. Il faut ainsi se garder de diaboliser l'externalisation.

M. Philippe Dallier. - Le logiciel Louvois est révélateur d'un malaise au sein de la fonction publique d'Etat, car si cette dernière s'avère incapable de gérer les traitements et les primes, fussent-elles spécifiques à la défense, où allons-nous ? Je partage l'avis d'Yves Krattinger quant aux bienfaits, dans ce cas précis, de l'externalisation. Au sujet du renforcement progressif du maintien en condition opérationnelle évoqué à partir de 2016 dans votre rapport, à quelle date cet objectif sera-t-il réellement atteint ? De la même manière, les normes de l'OTAN en matière d'entrainement sont légitimement acceptées par ses États membres : à quel moment les armées françaises les respecteront-elles, si tant est que les crédits annoncés soient honorés ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - En 2016.

M. Philippe Dallier. - Cette date n'est pas indicative, elle est donc butoir !

M. Gilbert Roger. - Les recettes exceptionnelles, prévisionnelles en 2013 pour 2014, sont d'ores et déjà acquises. Je souhaiterais revenir sur la question des équipements en prenant exemple sur le retour du matériel utilisé en Afghanistan pour lequel aucune ligne de crédit n'avait été prévue au moment de l'engagement sur ce théâtre d'opérations extérieures. Il faut ainsi trouver un financement supplémentaire sur le budget de 2013 et celui de 2014. Sur les externalisations, je vous renvoie au rapport sur les bases de défense que nous avons commis avec notre collègue André Dulait : s'il est des domaines où l'externalisation est possible, celle-ci peut s'avérer problématique pour les territoires dont les petites et moyennes entreprises sont lésées au profit de grands groupes nationaux auxquels est confié l'entretien des installations militaires. Ainsi, à Charleville-Mézières, le tissu économique local a souffert d'une forme d'externalisation confinant à l'idéologie !

M. Jean Germain, secrétaire. - Je vous invite, monsieur le rapporteur spécial, à présenter maintenant votre amendement.

M. Yves Krattinger, rapporteur spécial.  - Je propose, avec mon co-rapporteur Dominique de Legge, que nous rétablissions les 500 000 euros qui ont été soustraits de la subvention pour charges de service public de l'École polytechnique, en première lecture par l'Assemblée nationale. Cette mesure visait à sanctionner le fait qu'un nombre croissant de ses élèves optent pour des carrières dans le secteur privé tout en bénéficiant d'un régime favorable leur évitant de rembourser les frais liés à leur formation.

Il faut savoir que les effectifs de l'X ont augmenté au point que les grands corps d'État ne sont plus en mesure d'accueillir la totalité des polytechniciens une fois leur scolarité achevée. Cette mesure nous paraît également inopportune, alors que le conseil d'administration de cette école a retenu, le 27 juin dernier, le principe de l'élargissement de la pantoufle à tous les élèves dès lors qu'ils n'ont pas servi pendant dix ans dans la fonction publique, éventuellement autre qu'un corps d'État, dans les quinze ans consécutifs à leur sortie. L'X a transmis le dossier à l'administration du ministère de la défense et ce nouveau régime devra faire l'objet d'un décret en Conseil d'État, ce qui peut prendre quelques mois.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Une telle diminution me paraît également inopportune, puisque la subvention pour charges de service public de l'X baisse déjà de 3,1 % dans le projet de loi de finances. Ce nouveau prélèvement constituerait un mauvais signal pour cette institution française d'une telle renommée internationale et qui s'est adaptée, d'elle-même, à cette nouvelle situation.

À l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement proposé par MM. Yves Krattinger et Dominique de Legge, rapporteurs spéciaux. Elle décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission «Défense », ainsi modifiés, et du compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l'État ».

Loi de finances pour 2014 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et articles 75 et 76) - Examen du rapport

Puis, la commission procède à l'examen du rapport de M. Éric Bocquet, rapporteur spécial, sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et articles 75 et 76).

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » constitue l'un des piliers budgétaires de notre système de solidarité nationale à l'égard des personnes les plus démunies, des personnes handicapées, des personnes sous tutelle ou encore des femmes victimes de violence. Elle est importante en termes budgétaires, puisqu'elle rassemble, pour 2014, plus de 13,4 milliards d'euros de crédits.

La mission est caractérisée par la prépondérance des dépenses d'intervention, qui représentent près de 90 % des dépenses de la mission. Parmi celles-ci, les dépenses contraintes de guichet sont très majoritaires : il s'agit notamment du revenu de solidarité active (RSA) pour sa partie « activité », de la protection juridique des majeurs, de la garantie de rémunération aux travailleurs handicapés et, surtout, de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), qui représente à elle seule 8,4 milliards d'euros, soit plus de 62 % du total des crédits de la mission.

De façon générale, les dotations de la mission augmentent d'environ 3 % par rapport à la loi de finances pour 2013. Cependant, cette augmentation masque des réalités différentes. Certes les dépenses contraintes augmentent, sous l'effet des revalorisations annuelles du montant des prestations et de la progression normale du nombre des bénéficiaires. Mais les dépenses d'intervention pilotables diminuent tout comme les dépenses de fonctionnement et de personnel de l'administration.

Le premier programme est le programme 304 consacré à la lutte contre la pauvreté, en particulier à travers le RSA. Je rappelle que le RSA est pris en charge, pour sa partie socle, par les départements, et par l'Etat pour la partie « activité ». Ce « RSA activité », qui complète les revenus des travailleurs modestes, est financé par le fonds national des solidarités actives (FNSA) qui est alimenté par deux sources : une contribution additionnelle sur les revenus du patrimoine et de placement, et une subvention d'équilibre de l'Etat, portée par le programme 304.

Dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté présenté en janvier de cette année par le Premier ministre, deux principales réformes ont été annoncées concernant le « RSA activité » : d'une part une réforme structurelle visant à mettre fin au phénomène du « non-recours », puisque deux tiers des personnes qui pourraient avoir droit au « RSA activité » n'en bénéficient pas, et d'autre part une revalorisation exceptionnelle de 10 % sur cinq ans du montant du RSA.

Je suis moi-même favorable à ces évolutions. Pour mettre fin au non-recours, il faut simplifier et même automatiser le « RSA activité », alors que son obtention nécessite aujourd'hui des démarches complexes. Notre collègue député Christophe Sirugue a rendu un rapport sur le sujet afin de fusionner « RSA activité » et prime pour l'emploi ; cela constitue une bonne base de travail, et il est impératif que la réforme soit engagée l'année prochaine.

La revalorisation, quant à elle, a été engagée, avec une augmentation exceptionnelle de 2 % en septembre, qui devrait se répéter l'année prochaine. En conséquence, la dépense totale de « RSA activité » est prévue en hausse de près de 9 %, soit 150 millions d'euros. Cette hausse est intégralement prise en charge par la subvention de l'Etat, qui passe de 373 millions d'euros à 544 millions d'euros en 2014, soit une augmentation de 45 %.

Par ailleurs, les autres dépenses du FNSA sont relativement stables, qu'il s'agisse du RSA « jeunes », du « RSA activité » pour les départements d'outre-mer et la prime de Noël.

S'agissant de l'aide personnalisée de retour à l'emploi (APRE), au sujet de laquelle j'ai présenté à la commission des finances un rapport de contrôle il y a quelques semaines, je constate que les crédits programmés, pour un montant de 35 millions d'euros, ne représentent pas même la moitié des crédits consommés les années antérieures, soit 75 millions d'euros. Je ne vous propose pas d'amendement de crédits sur le sujet, car aucun programme n'est à même de fournir l'appoint nécessaire.

En revanche, je proposerai, à titre personnel, un amendement à l'article 39 du projet de loi de finances, pour rétablir à 1,45 % le taux de la contribution additionnelle alimentant le FNSA. En effet, ce taux est abaissé à 1,37 % par cet article : il s'agissait de compenser l'élargissement de l'assiette des revenus de placement et du patrimoine prévu par l'article 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui devait rapporter 109 millions d'euros au FNSA. Cependant, le Gouvernement ayant annoncé son intention de supprimer cet article 8, il y a un « trou » dans les ressources du FNSA qu'il faut compenser ; en outre, cela permettrait de flécher une partie de ce surcroît de recette vers l'APRE.

Sur le programme 304, je souhaite appeler votre attention sur les crédits relatifs à l'aide alimentaire : ils sont stables autour de 23,4 millions d'euros, mais une incertitude continue de peser, qui est liée à la mise en oeuvre du nouveau fonds européen, dont les montants pour la France ne sont pas encore connus. Si cet apport européen n'était pas à la hauteur des années précédentes, un abondement en gestion devra être envisagé.

J'en viens au programme 105 relatif aux familles vulnérables. Les subventions aux associations sont en baisse, car certaines actions de médiation familiale ont été transférées à la caisse nationale d'allocations familiales. En revanche, la protection juridique des majeurs continue de progresser pour atteindre une dépense de 238 millions d'euros en 2014, soit une augmentation de 4 % par rapport à 2013, sous l'effet de l'augmentation du nombre des majeurs dépendants.

Le programme 157 relatif au handicap et à la dépendance est le plus important de la mission, avec 11,4 milliards d'euros de crédits. Il comporte trois principales enveloppes.

La première est celle de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), soit 8,4 milliards d'euros en 2014. Le cap du million de bénéficiaires de l'AAH a été franchi en 2013 ; son montant, à taux plein, est de 790 euros par mois. La dépense progresse de façon spontanée de 247 millions d'euros en 2014.

La deuxième enveloppe est celle de la dotation de fonctionnement et de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés en établissements et services d'aide par le travail (ESAT), pour un total de 2,7 milliards d'euros : elle est relativement stable, le Gouvernement repoussant cette année encore la création de nouvelles places en ESAT.

Enfin, la troisième concerne la contribution de l'Etat au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), pour environ 64 millions d'euros. Je souligne, à cette occasion, que les dysfonctionnements des MDPH perdurent, en particulier les délais d'instruction des demandes et l'absence totale de suivi des dossiers. Il est urgent de mettre sur pied un dispositif informatique de suivi partagé entre les MDPH, l'Etat et les ESAT, pour améliorer la prise en charge des personnes handicapées.

S'agissant du programme 137 relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes, la principale évolution concerne la création d'une action dédiée à la lutte contre la prostitution, qui sera alimentée à hauteur de 2,4 millions d'euros par transfert interne mais devrait prendre de l'ampleur à la suite du débat attendu au Parlement l'année prochaine.

Enfin, le programme 124, programme « support » de la mission, représente 1 milliard et 536 millions d'euros de crédits pour 2014, en baisse de 1,5 % par rapport à 2013. Cette baisse globale traduit des réductions importantes dans les dépenses de fonctionnement courant et les dépenses d'investissement. Elle résulte également des suppressions de postes, qui s'accélèrent par rapport aux années antérieures puisque 210 équivalents temps plein (ETP) sont supprimés en 2014 dans les administrations de l'Etat, à quoi s'ajoutent 150 suppressions d'ETP dans les agences régionales de santé. De plus, ces suppressions se concentrent sur l'administration déconcentrée et sur les catégories B et C. Je suis fermement opposé à cette politique de réduction des effectifs, qui remet en cause la mise en oeuvre de la politique de solidarité sur le terrain.

Au total, sur l'ensemble de la mission, je ne peux qu'être défavorable à l'adoption d'un budget qui, même s'il est globalement en augmentation sous l'effet des dépenses contraintes, sacrifie les dépenses d'intervention pilotables et pourtant utiles, à l'image de l'APRE, ainsi que les dépenses de fonctionnement et de personnel.

J'en viens aux deux articles rattachés à la mission.

Le premier, l'article 75, résulte en réalité d'une erreur de rattachement puisqu'il s'agit de l'aide versée aux collectivités et organismes gestionnaires d'aires d'accueil des gens du voyage. Il aurait sans doute dû être rattaché à la mission « Egalité des territoires, ville et logement », même s'il participe de la même philosophie de protection des personnes vulnérables.

Cet article part du constat que cette aide aux gestionnaires d'aire d'accueil est calculée uniquement sur la base des places disponibles, sans prise en compte de l'occupation effective des places. Le nombre de places ayant beaucoup augmenté - bien qu'insuffisamment dans certaines zones -, le coût de l'aide pour l'Etat a plus que doublé entre 2007 et 2011 et a atteint 34,9 millions d'euros, alors que le taux d'occupation a baissé et s'établit à seulement 55 %. L'objectif de l'article est donc principalement de prévoir que l'aide est également calculée en fonction de l'occupation effective des places, ce qui devrait permettre d'économiser 6 millions d'euros en 2014, dont 3 millions d'euros pour l'Etat.

Le second article, l'article 76, est quant à lui au coeur de la mission puisqu'il est relatif au « RSA jeunes ». Le « RSA jeunes » ne trouve pas son public : le nombre de bénéficiaires a même baissé entre 2012 et 2013 et s'établit aujourd'hui à moins de 9 000 personnes. Dans l'attente d'une réforme du RSA qui intègre une composante « jeunes actifs », cet article propose que les dépenses de la partie socle du « RSA jeunes » soient intégralement portées par le FNSA, c'est-à-dire par l'Etat, plutôt que par les départements.

Je suis favorable à ces deux articles rattachés et vous en propose l'adoption sans modification.

M. François Marc, rapporteur général. - Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation synthétique et claire, mais je ne partage pas sa position sur les crédits de la mission, que j'appelle la commission à voter. Nous savons bien que, dans cet exercice budgétaire, toutes les missions, sauf quelques-unes considérées comme prioritaires, sont appelées à contribuer à l'effort de redressement des comptes publics.

M. Philippe Dallier. - Voilà des années que, de rapports en rapports, on envisage la fusion du « RSA activité » et de la prime pour l'emploi (PPE). Avez-vous pu obtenir des engagements précis de l'administration sur ce sujet au cours de vos auditions ? Parmi les causes probables de l'important non recours au « RSA activité », qui devait initialement bénéficier à environ 2 millions de personnes, il y a en effet la complexité des démarches et la méconnaissance du dispositif ; au contraire, la PPE est automatique. Par ailleurs, si la fusion est réalisée, ce que l'on peut espérer, a-t-on une idée du coût supplémentaire que cela représenterait ?

M. Vincent Delahaye. - Je suis surpris par ce budget et cette augmentation de 3 % des crédits. Certes, ce sont des dépenses contraintes qu'on ne maîtrise pas ; mais l'augmentation est aussi due à des décisions prises, comme la revalorisation de 2 % du RSA en 2013, qui sera prolongée d'après le rapporteur spécial. Je crois que l'un des problèmes de la France est sa générosité excessive. Avec 3 % d'augmentation des crédits, je crois que c'est la mission qui augmente le plus sur toutes celles qui nous été présentées jusqu'ici : pourtant, elle ne figure pas dans les priorités du Gouvernement ! Il est grand temps de faire les réformes structurelles s'agissant, notamment, du RSA, et ainsi d'assainir nos finances publiques.

Par ailleurs, même si le rapporteur spécial s'oppose à la réduction des effectifs, je constate quant à moi que la mission porte environ 11 000 équivalents temps plein, pour un budget total d'environ 13 milliards d'euros ; selon mes rapides calculs, cela fait un agent pour 150 personnes. Je pense que les effectifs sont trop importants et que l'on devrait les réduire de façon plus drastique. Je voterai donc contre le budget qui nous est proposé.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - Le constat de l'impressionnant taux de non recours au « RSA activité » est en effet dressé chaque année : le dispositif présente manifestement un dysfonctionnement ou une inadaptation aux besoins. Les choses avancent, même s'il n'y a pas encore de calendrier. Le rapport de notre collègue député Christophe Sirugue préconise la fusion avec la PPE, avec cette idée d'importer dans le dispositif du RSA les avantages et la simplicité de la PPE. Lors de la réunion de la commission élargie de l'Assemblée nationale le 29 octobre dernier, Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de lutte contre l'exclusion a rappelé que l'arbitrage aurait lieu lors de la préparation du triennal 2015-2017 et que le dispositif serait opérationnel début 2015 ; cela laisse une année de transition dommageable, mais tel est l'engagement du Gouvernement aujourd'hui.

Pour répondre à Vincent Delahaye, je ne pense pas que la France soit trop généreuse. Vous avez lu comme moi les rapports du Secours catholique ou de l'INSEE, qui illustrent la progression de la pauvreté : il faut, je crois, conserver nos dispositifs de solidarité pour assurer la cohésion de notre société. S'agissant des 11 000 ETP, ces emplois ne correspondent pas uniquement aux politiques financées par la présente mission, mais constituent également le support d'autres programmes et d'autres politiques.

M. Aymeri de Montesquiou. - Comment est-ce possible ? C'est un chevauchement contraire au principe de la LOLF d'identification des politiques par mission...

M. Éric Bocquet. - Un exemple : les personnels mettant en oeuvre les politiques du sport, de la jeunesse et de la vie associative, ou encore ceux mettant en oeuvre les politiques de la ville et du logement, sont portés par cette mission, même si la politique en question correspond à une autre mission budgétaire.

M. François Marc, rapporteur général. - Je souhaite réaffirmer ma position : j'invite la commission à adopter ces crédits. D'un côté, le rapporteur spécial, qui considère qu'il y a une réduction de moyens et d'effectifs qui pourrait à terme remettre en cause l'efficacité des services, s'oppose à l'adoption des crédits. De l'autre, d'autres collègues considèrent qu'il y a là trop de solidarité. En réalité, du fait des revalorisations annuelles des dispositifs de guichet, il y a une augmentation du nombre des bénéficiaires et du coût des prestations, ce qui induit en effet une augmentation spontanée des dotations de la mission. Je pense qu'il y a un effort global à fournir qui, sur cette mission, peut porter sur les effectifs de l'administration pour préserver les aides versées aux personnes les plus modestes, personnes handicapés, familles vulnérables, allocataires du RSA. Dans un contexte dépressif, il est normal d'aider au moins à hauteur de l'inflation ces publics fragiles. Je crois qu'il faut accompagner l'effort de solidarité marqué par ce budget ; c'est la spécificité de notre pays, alors que ce sont ces programmes de solidarité qui font l'objet de coupes claires dans d'autres pays, notamment les États-Unis.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ainsi que des articles 75 et 76.

Loi de finances pour 2014 - Mission « Politique des territoires » et compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » - Examen du rapport

La commission procède enfin à l'examen du rapport de Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale, sur la mission « Politique des territoires » et le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

M. François Marc, rapporteur général. - Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale, de la mission « Politique des territoires » et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ) est retenue ce matin. Je m'en tiendrai à une présentation synthétique des faits marquants du présent projet de loi de finances concernant cette mission et ce compte spécial. Je retrouve avec nostalgie cette mission dont j'étais le rapporteur spécial jusqu'en octobre 2011.

La mission « Politique des territoires » poursuit, pour mémoire, l'objectif de soutenir le développement durable des territoires nationaux dans une perspective de développement solidaire et équilibré. J'observe que cette mission est placée, en 2014, sous le signe de la continuité avec les actions menées antérieurement, en dépit de la baisse de ses crédits par rapport à 2013 : - 6,75 % en AE et - 7,95 % en CP, le vote de l'Assemblée nationale sur la mission n'ayant pas apporté de modifications à ce stade. J'ai relevé à cet égard que ces montants sont conformes aux plafonds prévus pour la mission par le projet de loi de programmation des finances publiques. L'objet de la mission la place au coeur de la politique transversale d'aménagement du territoire. Cependant, les actions de l'Etat participant à cette politique excèdent de loin son périmètre puisque, chaque année, 6 milliards d'euros sont engagés pour l'aménagement du territoire. Les deux programmes de la mission ne représentent, en 2014, que 5 % de la totalité de ces crédits, c'est dire à quel point elle est modeste.

Pour ce qui concerne la contraction des crédits, elle ne poserait pas de difficultés, d'après les informations recueillies auprès du Gouvernement. Le niveau de CP proposé permettra de répondre aux besoins de couverture en paiement des engagements, confirmant le maintien de l'effort de désendettement du FNADT. Dans ce contexte, j'attire l'attention sur la nécessité de conserver, pour les prochains exercices, un équilibre dans la répartition entre les AE et les CP du programme, en vue de garantir sa soutenabilité et de ne pas reproduire les tensions observées entre 2003 et 2009.

J'en viens aux deux programmes de la mission, dont le périmètre reste stable en 2014. Le premier programme, « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » ou PICPAT, correspond aux moyens mis à la disposition de la DATAR, appelée à être remplacée en 2014 par le Commissariat général à l'Égalité des territoires.

Le second programme, baptisé « Interventions territoriales de l'Etat » ou « PITE », relève du Premier ministre mais a été confié à la gestion du ministère chargé de l'intérieur. Il correspond à quatre actions interministérielles de portée régionale.

Le programme géré par la DATAR, le PICPAT, est doté de 246 millions d'euros en AE et 257 millions d'euros en CP, soit respectivement une baisse de 6,3 % des AE et de 8 % des CP par rapport à la LFI pour 2013. Ces crédits seront employés au financement de nombreux dispositifs dont je ne vous donne ici que quelques exemples.

Tout d'abord, les contrats de projets Etat-régions (CPER) dont la génération 2007-2013 devait aboutir cette année mais dont le taux d'exécution, de l'ordre de 80 % à la fin 2013, a conduit le Gouvernement à les prolonger sur 2014. 2014 sera donc une année de transition qui doit permettre le prolongement des CPER actuels et la préparation de nouveaux CPER, qui devraient reprendre le nom de « contrats de plan ». La demande que nous avons formulée, en application de l'article 58-2° de la LOLF, à la Cour des Comptes, d'une enquête sur l'exécution des CPER est donc tout à fait pertinente. Ce travail devrait aboutir à l'été 2014.

En second lieu, la prime d'aménagement du territoire, outil d'aide à la localisation d'activités et d'emplois dans certaines zones prioritaires du territoire, est reconduite pour 2014.

Je citerai aussi les pôles d'excellence rurale, le plan d'accompagnement du redéploiement des armées, les pôles de compétitivité qui sont entrés, en 2013, dans leur troisième phase, couvrant les années 2013 à 2018 et, enfin, certaines conventions ou contrats de site tels que le « contrat de redynamisation des Ardennes », le « contrat de développement économique et de l'emploi de Châtellerault » ou la « convention de soutien à l'attractivité du Calaisis ».

Pour ce qui concerne le second programme de la mission, le « PITE », il est doté de 37 millions d'euros en AE et de 38 millions d'euros en CP, soit une baisse de 10 % et 7 % par rapport à 2013. La majorité de ces crédits se trouve affectée à l'action relative à la Corse, à hauteur de plus de 60 %. Cette dernière action, en outre, sera abondée par des fonds de concours, à hauteur de 30 millions d'euros en AE et 25 millions d'euros en CP, en provenance de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

Le PITE retrace quatre actions : le financement de la « reconquête » de la qualité de l'eau en Bretagne, qui comporte notamment le « plan de lutte contre les algues vertes » ; le plan d'investissements en Corse dont je viens de parler ; les dépenses consacrées à l'écologie du marais poitevin ; le programme mis en oeuvre à la Guadeloupe et à la Martinique pour faire face aux dangers du chlordécone, ce pesticide hautement toxique qui a été utilisé contre le charançon du bananier.

Avant de passer au FACÉ, deux principales critiques peuvent être formulées à l'encontre de cette mission.

En premier lieu, l'efficacité des mesures mises en oeuvre par la mission, notamment en termes d'égalité des territoires, paraît insuffisamment mesurée. Améliorer leur évaluation est donc nécessaire. Le Gouvernement a utilement mis en place un nouvel indicateur de suivi des disparités de richesse entre régions, intitulé « Dispersion du PIB régional par habitant », mais cette information ne figurera que dans les futurs documents de politique transversale (DPT), et non dans le projet annuel de performances (PAP) ou dans le rapport annuel de performances (RAP) de la mission.

En second lieu, l'évaluation des dépenses fiscales rattachées au programme que gère la DATAR pose question. Une vingtaine de dépenses fiscales sont rattachées au PICPAT pour un montant total minimal estimé de 480 millions d'euros en 2014, soit un montant supérieur aux crédits de la mission. Ce constat fait écho à la dérive générale en matière de niche fiscale. Le résultat des évaluations issues du rapport de la commission présidée en 2011 par Henri Guillaume, consacré aux niches fiscales et sociales, est inquiétant. Ce rapport s'est, en effet, montré très critique sur ces dispositifs, jugés quasi systématiquement inefficaces : sur les vingt-et-une dépenses fiscales de la mission évaluées, dix-huit ont le score le plus faible, c'est-à-dire zéro. Déjà, en octobre 2010, le Conseil des prélèvements obligatoires avait évoqué des dispositifs à « l'efficacité incertaine ». Une remise à plat de ces mesures semble, à terme, inévitable.

Au total, il semble nécessaire d'accroître globalement l'efficacité des politiques d'aménagement du territoire, au-delà même de la présente mission, dans une démarche de solidarité accrue, voire d'égalité, entre nos territoires.

La solidarité entre les territoires est le thème qui fera office de transition pour parler du FACÉ, instrument qui est un bel exemple d'une solidarité à laquelle nous sommes très attachés. Il est devenu, depuis 2012, un compte d'affectation spéciale, intitulé « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale », et perdant son nom de « Fonds d'amortissement des charges d'électrification ». Mais il a conservé le même acronyme, ce qui est bien commode.

Quelques remarques sur ce compte spécial. Tout d'abord, j'indique que la réforme du FACÉ était justifiée parce que ce système posait différents problèmes juridiques. Les recettes étaient constituées d'impositions de toutes natures mais qui n'étaient pourtant pas fixées par la loi. Quant aux dépenses, elles s'apparentaient à des dépenses publiques, or il n'y avait pas de respect des règles de comptabilité publique. Par ailleurs, il s'agissait d'un fonds géré par EDF, faisant de cette société, qui a désormais un statut de société anonyme, le collecteur d'une imposition de toutes natures d'un montant proche de 400 millions d'euros, hors du contrôle du Parlement. La création d'un compte spécial constituait donc un progrès en matière de sécurisation juridique, de transparence budgétaire et de contrôle parlementaire.

Voilà pour les points positifs mais il y a eu un aspect très négatif : au cours de l'année 2012, les factures du FACÉ se sont accumulées, en raison de circuits de paiement trop longs, voire purement et simplement bloqués, et pour lesquels l'administration n'était pas outillée.

Concernant les détails sur ces incidents, je vous renvoie au rapport de notre collègue Frédérique Espagnac. Il en est résulté une sous-consommation des crédits en 2012, surtout en CP, ces crédits faisant automatiquement l'objet de reports, s'agissant d'un compte spécial. Au total, le report de l'année 2012 sur l'année 2013 s'est ainsi élevé à 66,4 millions d'euros en AE et 124,4 millions d'euros en CP. Il s'agit maintenant de rattraper ces retards, qui ne doivent plus jamais se reproduire. Dans ce contexte, la rapporteure spéciale invite, à nouveau, le Gouvernement à veiller au bon déroulement des opérations sur l'exercice 2013, à procéder aux paiements dans les délais les plus brefs et à faire preuve de bienveillance dans l'examen des dossiers.

Petit rappel concernant les recettes et les dépenses du FACÉ : ses recettes sont assises sur une contribution, due par les gestionnaires des réseaux de distribution d'électricité, attendue à hauteur de 377 millions d'euros en 2014, soit un montant stable par rapport à 2013. S'agissant des dépenses du FACÉ, il s'agit d'aides versées aux autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité (AOD), qui peuvent être des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale, en particulier des syndicats d'électrification, dans la mesure où ces collectivités sont les maîtres d'ouvrage de travaux d'électrification rurale.

Le taux de prise en charge du coût des travaux s'établit à 80 % hors taxes et les dotations sont notamment réparties en fonction des départs mal alimentés (DMA) calculés par EDF. Les investissements sur les réseaux de distribution publique d'électricité peuvent avoir diverses finalités :

- le renforcement des réseaux en vue d'améliorer la qualité de l'électricité distribuée, qui peut se dégrader, notamment en zone rurale, en raison de l'augmentation du nombre d'abonnés raccordés sur un départ basse tension par rapport à la capacité électrique de l'ouvrage de distribution ;

- la sécurisation des réseaux en prévision des évènements exceptionnels notamment atmosphériques (intempéries, tempêtes) qui peuvent provoquer l'interruption de la fourniture ;

- l'extension des réseaux afin d'assurer leur développement ;

- l'enfouissement pour des raisons le plus souvent esthétiques.

Quelques recommandations sur le FACÉ pour conclure. En premier lieu, les actions de renforcement et de sécurisation doivent demeurer l'axe prioritaire des missions du FACÉ. Il faut en terminer avec la dégradation du service de distribution d'électricité dans les zones rurales, visible avec l'augmentation des microcoupures par exemple.

En deuxième lieu, le mécanisme de répartition des charges et des produits entre les communes rurales et les communes urbaines doit rester identique.

En troisième lieu, alors que le taux d'aide est aujourd'hui uniforme, une seconde réflexion est à engager sur la variation des taux d'aides selon les collectivités et la nature des travaux.

C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous propose l'adoption, sans modification, des crédits pour 2014 de la mission « Politique des territoires » et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

M. Jean Arthuis. - J'ai moi aussi la nostalgie de l'époque où le rapporteur général était le rapporteur spécial de cette mission et où il était dans l'opposition. Il se montrait alors plus critique. À cet égard, je juge indispensable de ne pas changer d'analyses lorsque l'alternance a lieu. Ma question porte sur l'absence de rattachement de certains investissements du second programme d'investissements d'avenir (PIA) à cette mission, en particulier pour les investissements numériques. Par ailleurs, les annonces récentes du Premier ministre en faveur de la Bretagne auront-elles une incidence sur les crédits de la mission ?

M. Vincent Delahaye. - J'ai deux questions. D'une part, les crédits spécifiques destinés à Marseille figureront-ils dans cette mission ? D'autre part, quel est le montant des aides versées aux pôles de compétitivité, facteurs de compétitivité pour nos territoires ?

M. Roland du Luart. - Je félicite le rapporteur général qui a repris cette intervention au pied levé et a présenté cet exposé avec brio. L'enveloppe prévue pour le FACÉ en 2013 est-elle la même que celle annoncée par le rapporteur général pour 2014 ?

M. Albéric de Montgolfier. - La plupart des dépenses fiscales rattachées à la mission « Politique des territoires » ont trait à la Corse. Or, bien qu'une décision du Conseil constitutionnel ait déclaré contraire à la Constitution le régime fiscal dérogatoire applicable aux successions sur les immeubles situés en Corse, je la retrouve dans la liste des dispositifs fiscaux rattachés. Je souhaite donc connaître la suite donnée par le Gouvernement à cette décision, qui aurait dû conduire ce dernier à mettre fin à ce régime fiscal dérogatoire.

M. François Fortassin. - Je félicite à mon tour le rapporteur général pour son exposé, on a vu qu'il maîtrisait parfaitement ces sujets. Le FACÉ est un dispositif de solidarité particulièrement utile à nos campagnes et qui donne entière satisfaction, je me demande si sa pérennité est menacée par la mise en place des métropoles, dans la mesure où ces dernières pourraient aussi s'occuper de la distribution d'électricité.

M. François Marc, rapporteur général. - En réponse à Jean Arthuis, j'indique que je n'ai pas pour ma part de nostalgie de l'époque où j'étais dans l'opposition. Les annonces du Premier ministre relatives à la Bretagne devraient avoir des incidences sur la mission, dans la mesure où le financement de différents projets, notamment d'infrastructures, se tiendra dans le cadre des CPER, dispositifs qui relèvent de la mission « Politique des territoires ». Ces crédits ne figurent pas, à ce stade, dans le projet de loi de finances pour 2014. De nombreuses actions de cette mission correspondent à des politiques originales, montées à un moment donné, très souvent dans un contexte d'urgence. Pour ce qui concerne le PIA, je n'ai pas de précisions s'agissant de l'absence de rattachement des investissements numériques à la mission « Politique des territoires ».

Les informations demandées par Vincent Delahaye figurent bien dans le rapport de Frédérique Espagnac : les pôles de compétitivité bénéficieront de 4 millions d'euros en AE et en CP en 2014 au titre de la présente mission. Il est vrai que ce montant est inférieur à ceux prévus pour 2013 et 2012 puisqu'il s'agissait respectivement de 6 millions d'euros et 7,5 millions d'euros. Sur les trois prochaines années, l'Etat apportera au total un soutien de 450 millions d'euros aux pôles de compétitivité, toutes missions confondues, le PICPAT n'en représentant qu'une part modeste.

Par ailleurs, la suite donnée à la décision du Conseil constitutionnel sur le régime fiscal dérogatoire applicable aux successions sur les immeubles situés en Corse, traduite à l'article 8 bis du projet de loi de finances pour 2014, consiste à réduire progressivement cette dérogation d'ici 2023. C'est seulement à ce moment que se fera le retour au droit commun. Ces dispositifs dérogatoires sont donc conservés en Corse, afin de permettre de reconstituer les droits de propriété.

À Roland du Luart, je précise que l'enveloppe du FACÉ est la même en 2014 qu'en 2013 ou en 2012, les seules différences portant sur le rythme de décaissement des CP. L'année 2013, comme je l'ai indiqué, a bénéficié d'importants reports de 2012, en raison de l'important retard à l'allumage du nouveau dispositif.

Je tiens, enfin, à rassurer François Fortassin : le FACÉ sera maintenu et la création des métropoles ne remet pas en cause son existence, ni son niveau de financement.

À l'issue de ce débat la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Politique des territoires », ainsi que du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».