Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.

Revalorisation de l'AAH

Mme Muguette Dini .  - Samedi prochain, 20 000 manifestants sont attendus à Paris, à l'appel du collectif « Ni pauvres, ni soumis » qui regroupe un grand nombre d'associations oeuvrant dans le domaine du handicap. Ce collectif demande au Président de la République de tenir ses engagements. L'allocation pour adultes handicapés est de 628,90 euros, très en deçà du seuil de pauvreté fixé à 817 euros. Les personnes en situation de handicap peinent à se loger, se vêtir ou se nourrir.

Le Président de la République s'est engagé à revaloriser l'AAH de 25 % au cours de son mandat, soit une augmentation de 5 % par an. Or la revalorisation au 1er janvier dernier n'a été que de 1,1 %... Comment comptez-vous tenir ces engagements ? La manifestation prévue témoigne de l'inquiétude des personnes en situation de handicap. Comment comptez-vous financer la revalorisation de leurs ressources et, plus largement, améliorer leurs conditions d'existence ? (Applaudissements sur quelques bancs socialistes et au centre)

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité .  - Le 25 mars, le Président de la République s'est rendu à Tarbes. La prise en charge des personnes fragiles, et notamment des personnes handicapées, est au coeur de ses préoccupations : il en a fait une priorité présidentielle. Il a répété qu'il tiendrait ses promesses : au 1er septembre 2008, l'AAH sera revalorisée de 5 %. (Exclamations à gauche)

Aujourd'hui, 250 000 personnes reconnues travailleurs handicapés n'ont pas accès à l'emploi. Il faut engager des mesures pour y remédier, certaines dès à présent, d'autres dans le cadre d'un pacte national pour l'emploi des personnes handicapées qui sera présenté lors de la conférence nationale sur le handicap le 10 juin prochain, que le Président de la République présidera lui-même.

Il n'y a pas que la question des ressources. Aujourd'hui, 23 000 entreprises ne recrutent aucun travailleur handicapé.

M. David Assouline.  - Où est l'argent ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État.  - Elles vont les recruter, car il y aura, le 10 juin, une annonce forte en direction des administrations et entreprises.

M. Jean-Pierre Michel.  - Une annonce de plus ! Un coup de pub !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État.  - Pour les personnes handicapées qui ne sont pas en mesure d'accéder à l'emploi, il nous faut aussi travailler sur le reste à vivre dans les établissements. C'est pourquoi la conférence nationale est un rendez-vous très attendu. Cinq millions de personnes sont concernées. (Exclamations à gauche) Le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement sont mobilisés pour respecter l'esprit de la loi de 2005. (Applaudissements à droite et au centre)

Situation politique générale au lendemain des élections

M. Bernard Vera .  - En 2007, les actionnaires du CAC 40 se sont partagés plus de 41 milliards. Dans le même temps, les salariés subissent de plein fouet l'augmentation des prix ; 30 % de nos concitoyens ont dû renoncer aux soins faute de ressources ; des millions de retraités ne parviennent plus à boucler leurs fins de mois et les bénéficiaires du minimum vieillesse peinent à survivre avec 628 euros par mois. Terrible paradoxe qui explique votre échec aux élections municipales et cantonales ! (Exclamations à droite)

Les Français savent que l'échelon départemental est celui des solidarités et que l'échelon communal est un rempart contre votre politique antisociale.

Ils sont aussi inquiets de la grave crise qui secoue la planète financière. Vous nous assuriez pourtant que la France n'était pas concernée, que vos prévisions de croissance tiendraient, que l'on allait travailler plus pour gagner plus, que les 15 milliards de cadeaux fiscaux accordés aux plus riches allaient relancer notre économie... (Protestations à droite) Or la croissance est en berne, les prix flambent et le rythme des embauches devrait s'infléchir.

Face aux inquiétudes et à la volonté de changement des électeurs, vous ne faites que préparer, sans le dire, un plan de rigueur : nouveau tour de vis aux salaires, services publics au régime minceur et protection sociale encore rabaissée. Vous allez faire payer par tous cette crise financière des possédants !

Monsieur le Premier ministre, accepterez-vous un débat parlementaire sur la crise financière et sur les solutions pour mettre un terme à ces dérives et contraindre à un autre partage des richesses ?

La sanction des élections montre la désillusion des Français devant vos promesses déjà abandonnées. Allez-vous rester sourds à leur message ou changer d'orientation ? (Applaudissements à gauche)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi .  - J'ai moi-même été candidat et j'ai entendu les attentes des électeurs : perspectives d'évolution dans l'emploi, d'études solides pour les enfants, croissance, développement durable... Les mesures prises par le Gouvernement portent déjà leurs fruits -bien plus que vous ne voulez le dire ! Ainsi, 320 000 emplois ont été créés...

M. Jacques Mahéas.  - On ne s'en est pas aperçu !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - ...et le taux de chômage est à son plus bas niveau depuis vingt-cinq ans ; le nombre d'allocataires du RMI a régressé de 8 % depuis 2007. Certes, les Français n'en ont pas moins des attentes, nous les avons entendues : mais nous, à la différence de vous, ne faisons pas de hold up sur l'interprétation des résultats de ce scrutin. (On renchérit à droite.) J'observe du reste que 67 % de nos compatriotes souhaitent que les réformes se poursuivent. (« Bravo ! » sur les bancs UMP)

M. Yannick Bodin.  - Alors continuez !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Je songe pour ma part à la réforme du service public de l'emploi, afin que les demandeurs soient aidés plus efficacement ; à la formation professionnelle ; aux négociations sur l'assurance chômage à entamer avec les partenaires sociaux... Nous sommes là non pour jouer les Cassandre mais pour agir concrètement ! (Applaudissements sur les bancs UMP et quelques bancs au centre)

Politique étrangère et rôle du Parlement

Mme Nathalie Goulet .  - Depuis le début de la présidence de M. Sarkozy, la politique étrangère et de défense a connu des inflexions sans que le Parlement ait eu l'occasion de s'exprimer à leur sujet. Les auditions en commission ne sauraient remplacer un débat en séance publique. Dans la réforme des institutions, le rôle du Parlement devrait être renforcé. Pourquoi ne pas anticiper et organiser au Sénat un grand débat sur la politique étrangère, au moment où notre pays prend des engagements internationaux qui ont des conséquences diplomatiques, humaines, financières ? Envoi de troupes en Afghanistan, autres opérations extérieures, ouverture d'une base militaire sur les rives du Golfe persique... Envisagez-vous un grand débat au sein de notre Assemblée ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Le Gouvernement est sensible à votre demande. Nous avons abordé le sujet hier en Conférence des Présidents. La révision constitutionnelle que nous vous soumettrons dans les semaines à venir renforcera les pouvoirs du Parlement en matière de politique étrangère.

M. Yannick Bodin.  - Commencez maintenant !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Mais faut-il devancer l'appel ?

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Relisez la Constitution actuelle !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Les ministres de la défense et de la politique étrangère seront, dans un premier temps, à la disposition de votre commission ; et le Premier ministre a dit clairement l'accord du Gouvernement pour ouvrir ensuite le débat en séance publique. Nous souscrivons à la proposition de M. de Rohan de tenir régulièrement, deux fois par an environ, une grande discussion sur la politique extérieure. (Applaudissements sur les bancs UMP et quelques bancs au centre)

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Quand on envoie des troupes, il faut un vote !

Programme de travail du Gouvernement

M. Henri de Raincourt .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Après la période de suspension, le Parlement reprend ses travaux. La campagne électorale est close.

M. Yannick Bodin.  - Elle fut bonne !

M. Jacques Mahéas.  - Excellente !

M. Henri de Raincourt.  - La France a choisi ses élus locaux...

M. François Marc.  - Oui !

M. Yannick Bodin.  - C'était bien !

M. Henri de Raincourt.  - En 2001, nous avons gagné, en 2008 nous avons perdu, ainsi va la démocratie. Mais le résultat ne nous décourage pas, il nous incite à aller de l'avant avec ardeur pour appliquer le programme quinquennal sur lequel le Président de la République a été élu. Le diagnostic demeure identique et nous impose des mesures fortes et coordonnées. Nous ne sommes pas habités par la crainte de l'action. L'hésitation ne se substituera pas au courage.

Depuis plusieurs semaines, la situation financière internationale se dégrade, elle n'est pas sans conséquences pour nous.

M. Jacques Mahéas.  - Conséquences catastrophiques !

M. Henri de Raincourt.  - Grâce aux mesures prises depuis l'été dernier, pour rendre du sens à la valeur travail, favoriser l'accession à la propriété, renforcer les atouts de notre pays, nous résistons mieux que certains de nos voisins. Il faut poursuivre ; il faut aussi dire la vérité aux Français, rappeler la nécessité des réformes engagées. La réforme n'est pas une punition mais une chance ! (On se gausse à gauche)

M. Yannick Bodin.  - Cela dépend pour qui !

M. Henri de Raincourt.  - Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous démentir les rumeurs de plan de rigueur et présenter les grandes mesures qui nous occuperont d'ici la fin de la session ? (Applaudissements sur les bancs UMP et sur quelques bancs au centre)

M. François Fillon, Premier ministre .  - Depuis huit mois, un travail considérable de réforme a été accompli. (Marques d'ironie à gauche) Hier, on parlait RTT ; aujourd'hui, heures supplémentaires. Hier, on discutait réforme des régimes spéciaux, aujourd'hui, équité des retraites. Hier, les universités étaient bloquées dans leur développement, aujourd'hui elles sont en marche vers l'autonomie. A la fatalité de l'insécurité et de la délinquance s'est substituée une politique de fermeté. (Protestations à gauche, applaudissements sur les bancs UMP)

M. Yannick Bodin.  - Allez dans les banlieues !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Oui, nous allons poursuivre ; et ce d'autant plus que les retards accumulés dans notre pays ne sont pas dus à la crise internationale mais à notre mauvaise habitude de changer de cap tous les dix-huit mois au moindre changement de vent...

Cela fait vingt ans qu'on ne mène jamais les réformes à leur terme. Les nôtres ont déjà obtenu des résultats. Le taux de chômage a été ramené à 7,5 %, niveau historiquement bas, et il va continuer à baisser. (On le conteste à gauche) On en est à ce que l'Unedic connaisse un excédent de 4,5 milliards ! Le nombre de Rmistes a diminué de 8 %. En 2008, la France aura une croissance supérieure à la moyenne de la zone euro et, en particulier, à l'Allemagne. Elle le doit à la force de sa demande intérieure, qui a été stimulée par les décisions que vous avez prises en juillet (M. Alain Gournac : « Très juste ! ») : les 9 milliards que vous avez injectés dans l'économie avec les heures supplémentaires, avec les déductions d'emprunt pour le logement, avec les mesures fiscales. Voilà ce qui nous différencie des autres pays européens.

Pour les semaines à venir, notre programme est articulé autour des mêmes priorités. Nous vous soumettrons le projet de loi traduisant la réforme du contrat de travail sur laquelle se sont accordés les partenaires sociaux. Nous vous proposerons d'élargir aux salariés des PME les dispositions sur l'intéressement, de conditionner les allégements de charges afin que le Gouvernement puisse peser sur la politique salariale -ce que la gauche réclame à vive voix mais n'a jamais fait. (Applaudissements sur les bancs UMP) Nous traduirons dans la loi les dispositions du Grenelle de l'environnement. Viendra également un texte sur la réforme de nos institutions afin de renforcer les pouvoirs du Parlement et les droits de nos concitoyens. La maîtrise des dépenses publiques sera confortée avec notre modèle social, avec le rendez-vous sur les retraites, le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances pour 2009 : ce sera une étape décisive pour le retour à l'équilibre des comptes publics -ce que l'on n'a pas vu depuis trente-deux ans.

M. Jacques Mahéas.  - Vous n'êtes pas crédibles !

M. François Fillon, Premier ministre.  - Avec le Président de la République, nous avons choisi la continuité, la ténacité, le courage. Nous vous demandons de nous accompagner dans cette voie. (Applaudissements à droite et au centre)

Tibet

M. Thierry Repentin .  - Comme d'autres avant moi, je voudrais évoquer la situation d'un peuple loin de tout et riche de peu, si ce n'est de ce qui lui reste de sa culture, un peuple qui vit actuellement dans un État et sous un gouvernement qu'il n'a pas choisi, un peuple qui souffre davantage depuis plusieurs semaines parce qu'il a osé relever la tête contre l'oppression coloniale qu'il subit depuis plus de soixante ans, depuis que les troupes chinoises ont envahi Lhassa, capitale de son pays. Ce peuple, vous l'aurez compris, c'est le peuple tibétain.

Nous sommes nombreux, sur tous les bancs de cet hémicycle, à être extrêmement préoccupés par la dégradation de la situation au Tibet. Les rares informations qui filtrent à travers des frontières brutalement refermées témoignent que la répression en train de s'abattre sur les manifestants tibétains est terrible, hors de proportion avec les revendications de liberté, voire les violences que certains ont pu commettre. La France va-t-elle assister impuissante à l'engrenage de la violence au Tibet, en se contentant de regrets ou d'appel à de la retenue ? Ou s'exprimera-t-elle par une condamnation sans appel, comme plusieurs gouvernements européens qui font preuve de lucidité et de courage sur ce dossier.

Contrairement aux allégations des dirigeants de Pékin, il ne s'agit pas d'une question de politique intérieure qui ne concernerait que la Chine. D'abord, parce que plus de 130 000 réfugiés tibétains vivent en dehors de leur pays et que, tous les jours, de nombreux autres traversent l'Himalaya au péril de leur vie. Ensuite, parce ce que la communauté internationale a reconnu la stature de leur chef spirituel et leader politique, en attribuant en 1989 le prix Nobel de la Paix au 14e Dalaï-lama. Aujourd'hui, celui-ci est reçu avec les égards qui lui sont dus dans toutes les capitales du monde libre par des chefs d'État ou de gouvernement.

A l'appui de ma question, je voudrais faire une citation : « Des cris étouffés s'élèvent de ces montagnes et de ces hauts plateaux. Une population hurle silencieusement vers nous : les Tibétains. Un homme nous tend la main : le Dalaï-lama ». C'est en ces termes que s'exprimait M. Kouchner en 1993. Aujourd'hui, je vous le demande : le Dalaï-lama sera-t-il reçu à l'Élysée par le Président de la République comme il devrait l'être par le Président du Sénat ?

Je voudrais savoir ce que, selon vous, la France, pays symbole des droits de l'Homme, peut faire en faveur du Tibet pour amener le gouvernement chinois à une attitude plus conforme à ce qu'on attend d'une grande nation qui se veut démocratique. De quels moyens disposons-nous, avec la perspective des Jeux Olympiques de Pékin et de l'exposition universelle de Shanghai en 2010 ? Quelles actions concrètes allez-vous engager dans le cadre de l'Union européenne, sachant que les Nations unies ont par trois fois déjà condamné l'attitude de la Chine au Tibet ? Une réponse ambiguë serait complice. (Applaudissements à gauche et sur certains bancs UMP)

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme .  - Nous n'avons pas attendu les émeutes de Lhassa pour nous préoccuper du Tibet ! La France a réagi avec fermeté. Elle a condamné la répression, elle a appelé à l'arrêt des violences, à la libération des manifestants pacifiques, à la reprise du dialogue avec le Dalaï-lama.

Aucun pays ne souhaite un boycott des Jeux olympiques. Pour la cérémonie d'ouverture, en revanche, le Président de la République a estimé que toutes les options sont ouvertes. Je suis prête à recevoir le Dalaï-lama.

M. David Assouline.  - Et le Président de la République ?

Mme Rama Yade, secrétaire d'État.  - Il fera son choix le moment venu. Il en a appelé au sens des responsabilités de la Chine pour qu'elle soit à la hauteur de son rang.

Nous ne remettons pas en cause l'appartenance du Tibet à la Chine ; c'est pourquoi il appartient à celle-ci de veiller à la situation qui prévaut à l'autonomie culturelle pour que les Tibétains jouissent de leurs droits à la liberté de religion et de conscience.

Nous avons mobilisé nos partenaires européens et, à notre demande, la question du Tibet sera à l'ordre du jour de la réunion des ministres des affaires étrangères qui aura lieu demain. La France souhaite que soit adoptée une réponse uniforme : nous plaidons pour une solution pacifique et attendons de Pékin un progrès dans le respect des droits de l'Homme. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François Marc.  - Quelle langue de bois !

Réforme des institutions

M. Gérard Larcher .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) La semaine dernière, le Premier ministre a présenté en conseil des ministres les grandes lignes d'une réforme des institutions qui donnera au Parlement des pouvoirs nouveaux. Dans quelles conditions l'examinerons-nous, dans quel délai et quelle sera son articulation avec la mission confiée à Mme Veil sur le Préambule de la Constitution ? Quel sera le contenu du texte, comment approfondira-t-il le rôle du Parlement, qu'il s'agisse du partage de l'ordre du jour ou de l'élaboration des textes ? Au-delà des principes, comment traduira-t-il l'esprit nouveau des relations entre le Gouvernement et le Parlement dans le cadre de la Ve République? Le Sénat est prêt à cet approfondissement. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement .  - En effet, le Premier ministre a présenté la semaine dernière une communication en conseil des ministres. L'avant-projet a été transmis au Conseil d'État et, si tout va bien, le texte pourrait être examiné en conseil des ministres le 16 ou le 23 avril, avant d'être transmis à la commission des lois de l'Assemblée nationale et de venir en séance publique fin mai, puis d'être transmis au Sénat en juin. Cela veut dire que le Congrès pourrait se réunir début juillet -j'ai avancé la date du 7 juillet, parce que la révision ne peut intervenir le 14 et que nous ne serions peut-être pas prêts pour le 30 juin.

Vous avez établi un lien avec la mission confiée à Mme Veil et qui suppose un travail extrêmement important, associant les représentants de tous les partis, de toutes les idéologies et de toutes les écoles de pensée. La modification du Préambule viendra donc dans une deuxième étape car engager les deux révisions à la fois reviendrait à reporter le renforcement des pouvoirs du Parlement à fin 2008. Nous avons donc préféré franchir la première étape, avec le partage par moitié de l'ordre du jour, le débat sur les textes votés en commission, le contrôle des nominations et de nouveaux pouvoirs en matière de politique étrangère et de défense, soit un rééquilibrage des institutions de la Ve République. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

Conjoncture économique

M. Simon Sutour .  - La crise économique est devant nous. Selon Alan Greenspan, elle sera la plus grave depuis 1929 et, pour le directeur général du FMI, M. Strauss-Kahn, la finance mondiale fait face à un risque de rupture. L'économie française subit l'envolée du prix des matières premières et du pétrole. Après avoir soutenu qu'il n'y avait pas lieu de réviser une prévision de croissance de 2 à 2,25 %, le Gouvernement admet qu'elle pourrait s'établir entre 1,6 et 1,8 % et l'Insee table sur un chiffre de 0,7 % pour le premier trimestre. L'inflation, qui atteint 3 %, érode le pouvoir d'achat et affecte la consommation des ménages.

Le paquet fiscal a été une double erreur : injuste, il est inefficace. (Protestations à droite) La note sera très lourde, car à ses 9 milliards s'ajoutent les prévisions de croissance erronées (10 milliards) et les promesses électorales (7 milliards). Pour la payer, vous préparez un plan de rigueur : suppressions d'emplois publics, baisse des dotations aux collectivités... mais dans un second temps, les Français subiront-ils une augmentation de TVA, de CSG et de CRDS ? Il faut prendre la mesure de la situation et arrêter les décisions qui s'imposent, annuler le paquet fiscal, renforcer le bouclier européen, le gouvernement économique de l'Union et l'Eurogroupe. Nous devons aussi moraliser les pratiques financières : ferons-nous payer aux contribuables les bêtises d'un capitalisme dérégulé ? Que proposez-vous, vous qui appartenez à un gouvernement qui n'entend ni le message fort des élections locales, ni les entreprises dont la compétitivité s'effondre? Allez-vous enfin entendre nos propositions pour répondre aux attentes des Français? (Applaudissements à gauche)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi .  - Je vous prie d'excuser Mme Lagarde, qui est aujourd'hui en Angleterre.

S'il est vrai que l'environnement international est incertain, les fondamentaux de la zone euro sont sains et alors que les prévisions de croissance pour les deux prochains trimestres s'établissent à 0 et 0,1 % pour les Etats-Unis, elles sont de 0,5 et 0,4 pour les Européens et même plus pour la France, grâce aux réformes initiées par le Premier ministre. La consommation de février a été dynamique (+ 1,2 %), de même que la production industrielle, et l'emploi reste bien orienté.

M. Jacques Mahéas.  - Les prix augmentent !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Nous pouvons porter un jugement équilibré sur la réalité. Notre prévision de croissance, entre 1,7 et 2 %, est en ligne avec celles de l'OCDE, de l'Insee et de la Commission européenne.

Depuis un an, vous prédisez l'apocalypse, monsieur le sénateur, mais le but, quand on fait de la politique, n'est pas de prédire le pire (exclamations sur les bancs socialistes) mais d'agir pour le mieux ! (Bravos et applaudissements à droite)

Événements au Tibet

M. Jean-François Humbert .  - (Applaudissements à droite) Le 10 mars, à l'occasion du quarante-neuvième anniversaire du soulèvement de Lhassa, le Dalaï-lama, a dénoncé la « répression continuelle » et « le génocide culturel » infligés aux Tibétains par les forces de sécurité du régime chinois.

Depuis plusieurs jours, de nombreuses voix s'élèvent en France, en Europe et dans le monde, pour dénoncer les exactions et les violences commises au Tibet. Si la situation s'aggrave, elle ne nous est pas inconnue. Avec le groupe d'information sur le Tibet, présidé par Louis de Broissia et regroupant une cinquantaine de sénateurs de tous bords politiques, nous avons tiré la sonnette d'alarme après nous être rendus à Daramsala, en Inde, où se trouvent de nombreux réfugiés tibétains, à Pékin et à Lhassa. Nous n'avons donc pas attendu les médias qui dénoncent aujourd'hui ces faits à l'approche des Jeux Olympiques. D'ailleurs, il y a fort à craindre qu'une fois les Jeux Olympiques terminés le problème du Tibet en République populaire de Chine ne passionne plus personne si ce n'est le groupe d'information du Sénat.

Outre la polémique sur un éventuel boycott des cérémonies d'ouverture des Jeux Olympiques, action médiatique qui ne règlera pas durablement la situation, quelle est la position du Gouvernement ? Quelle est notre marge de manoeuvre pour que la République populaire de Chine rétablisse un dialogue constructif avec le Dalaï-lama et qu'une solution géopolitique viable puisse être envisagée, les droits de l'Homme ne devant pas être une préoccupation ponctuelle uniquement liée au calendrier olympique ?

En juillet, nous allons assumer la présidence de l'Union Européenne. N'est-il pas de notre responsabilité d'inciter nos partenaires européens à adopter une position commune, ferme et constructive ?

Enfin, nos consciences ne devraient-elles pas souffrir de notre incapacité à aider un peuple non violent ? (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme .  - La France a réagi dès que les événements du Tibet ont éclaté. Ainsi, le 14 mars, M. Kouchner condamnait les exactions à Lhassa, réclamait l'arrêt immédiat des violences et demandait que les manifestants arrêtés soient relâchés et que les droits de l'homme soient respectés. Ces demandes ont été relayées à Paris auprès de l'ambassade de Chine et à Pékin par notre ambassadeur.

Quant à moi, j'ai exprimé l'émotion de la France, j'ai appelé au dialogue entre les autorités chinoises et le Dalaï-lama et indiqué que nous étions disposés à jouer un rôle d'intermédiaire et que nous étions prêts à rencontrer le Dalaï-lama.

Le Président de la République a fait part au président chinois de sa profonde émotion et de sa disponibilité pour aider à renouer le dialogue afin que tous les Tibétains soient en mesure de vivre leur identité spirituelle et culturelle. Interrogé sur le boycott de la cérémonie d'ouverture, il a estimé que toutes les options étaient ouvertes, ce qui est un message fort. Nous maintenons la pression. Sans attendre la présidence française de l'Union européenne, nous ferons tout, dès la prochaine réunion des ministres des affaires étrangères, pour que nos pays apportent une réponse unie, ferme et constructive en faveur du dialogue.

Au-delà des Jeux olympiques, nous veillerons à ce que la question du Tibet reste en haut de l'agenda bilatéral et européen. Je serai à vos côtés pour accompagner la longue et douloureuse marche dans laquelle le peuple du Tibet s'est engagé. (Applaudissements à droite et au centre)

Bilan de la loi sur les territoires ruraux de 2005

M. Alain Fouché .  - (Applaudissements à droite) Ma question s'adresse au nouveau secrétaire d'État à l'aménagement du territoire, M. Falco. (Applaudissements à droite et au centre) Je suis d'autant plus heureux de m'adresser à lui que la nomination d'un sénateur à ce poste marque incontestablement la reconnaissance de ses compétences personnelles et de l'attachement de notre assemblée aux problématiques territoriales du fait de notre spécificité institutionnelle.

C'est pourquoi je souhaite que M. Falco fasse le point sur la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux qui a permis de les replacer au coeur de la politique de l'aménagement du territoire. Trois ans après sa promulgation, quel bilan en tirez-vous, monsieur le ministre ? Nous sommes particulièrement préoccupés par les difficultés que rencontrent certains de nos concitoyens pour accéder aux soins alors que déjà quatre millions d'entre eux vivent dans des zones fragiles. La loi de 2005 avait prévu des mécanismes pour inciter les médecins à s'y installer. Quels en sont les résultats et envisagez-vous, monsieur le ministre, de prendre d'autres mesures dans le droit fil des propositions faites dans le remarquable rapport d'information de M. Juilhard ?

Enfin, M. Raffarin avait voulu développer des pôles d'excellence rurale pour que l'innovation soit au service des campagnes. Ces pôles ont-ils connu le succès escompté et est-il envisager d'en créer de nouveaux ? Si tel est le cas, les crédits seront-ils à la hauteur des attentes ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. le président.  - Je tiens à féliciter M. Falco dont c'est la première intervention en tant que ministre dans cet hémicycle.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire .  - C'est un grand honneur pour moi d'être parmi vous, dans cette assemblée qui m'est chère et qui représente si bien la diversité et la richesse de nos territoires.

M. Jean-Pierre Bel.  - Pas si bien !

M. Yannick Bodin.  - Il y a une erreur de calcul !

M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat.  - Au moment où je rejoins le Gouvernement de M. Fillon pour porter ses ambitions en matière d'aménagement du territoire, je veux vous faire part de ma conviction profonde que les territoires ruraux sont une chance pour le devenir de notre pays. (« Très bien ! » et applaudissements à droite)

M. Raffarin partage, je le sais, mon sentiment, qui fut l'initiateur, comme Premier ministre, de la première loi relative au développement des territoires ruraux ; ces territoires qui sont une chance pour notre pays, qui lui apportent un équilibre précieux, un potentiel de ressources exceptionnel, un dynamisme exemplaire ; ces territoires, pourtant, qui sont aussi en proie à de profondes forces de morcellement : pour endiguer cette détérioration préoccupante, il nous appartient, dans les années à venir, de travailler à reconstruire la cohérence de ces territoires en partant de la réalité, du potentiel, de la vocation de ces espaces en même temps que de leur identité.

C'est mon intime conviction que le XXIsiècle doit être et sera le siècle du retour au territoire de vie à dimension humaine (on approuve sur plusieurs bancs à droite), propice à la qualité de vie et à l'épanouissement de ses populations. Car si la croissance est dans les flux, la confiance est dans les lieux. (Nombreuses marques d'assentiment à droite)

M. Yannick Bodin.  - Quelle aisance !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Vous m'interrogez, monsieur le sénateur, sur les pôles d'excellence ruraux : 350 initiatives, sur 750 candidatures, ont été labellisées. 20 % concernent les services publics et de santé et apportent des réponses innovantes, grâce à la mutualisation et aux nouvelles technologies, aux besoins de nos concitoyens. L'effort de l'État pour accompagner ces projets s'élève à 235 milliards. Le taux d'engagement est aujourd'hui de 53 %. Je souhaite que d'ici à la fin de l'année, date à laquelle toutes les initiatives auront été lancées, nous en dressions un bilan.

Mais gardons-nous de méconnaître que derrière ce dynamisme, se cachent des disparités. (On s'impatiente à gauche)

M. le président.  - Veuillez terminer.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État  - La question médicale sera à cet égard l'une des plus emblématiques. Mme Bachelot s'y attelle. (« Ah ! » à droite) Les États généraux dont l'initiative lui revient aborderont tous les problèmes stratégiques. (Nouvelles marques d'impatience à gauche)

Voilà, monsieur le sénateur, ce qui fonde une grande part de mon action, une action que je veux, à vos côtés, mettre au service de l'ensemble des territoires. (Applaudissements à droite et au centre)

Réforme du mode de scrutin aux élections sénatoriales

M. Jean-Pierre Bel .  - Les urnes, en ce mois de mars, ont parlé. Dans leurs communes, dans leurs départements, les électeurs ont choisi. Les résultats, M. de Raincourt vient de le reconnaître, sont sans appel. Aux municipales, la gauche l'a emporté dans près de cent villes de plus de 9 000 habitants et un journal du soir relève que trois Français sur cinq vivent désormais dans une ville administrée par la gauche

M. Christian Cointat.  - Les pauvres !

M. Jean-Pierre Bel.  - La gauche est désormais majoritaire dans plus de 60 % des départements. Faut-il enfin rappeler sa victoire, plus éclatante encore, aux dernières élections régionales, où elle a emporté vingt circonscriptions sur vingt-deux ?

Bref, nous sommes majoritaires dans les communes, dans les départements, dans les régions.

M. Charles Revet.  - Mais pas au Sénat !

M. Jean-Pierre Bel.  - De fait ! Dans cette assemblée censée représenter les collectivités locales, au sein de laquelle les sénateurs sont élus par les délégués de ces collectivités, l'équation ainsi posée devrait en toute rigueur aboutir à un résultat fort simple : puisque la gauche est majoritaire partout, elle devrait l'être au Sénat ! (Applaudissements à gauche) Mais non ! Toutes les projections montrent que ni en 2008, où le Sénat sera renouvelé d'un tiers, ni en 2011, où il le sera pour moitié, la gauche n'a la moindre chance de l'emporter !

M. Jean-Patrick Courtois.  - Bonne nouvelle !

M. Jean-Pierre Bel.  - Car le mode de scrutin retenu favorise démesurément les communes de moins de 1 500 habitants...

M. Charles Revet.  - Sont-elles donc pour vous moins légitimes que les autres ?

M. Jean-Pierre Bel.  - ...classées à droite par le ministère de l'intérieur. C'est ainsi que 20 % de la population dispose de 40 % de délégués aux élections sénatoriales. Un véritable déni de démocratie ! (Applaudissements à gauche ; protestations à droite) Tout se passe comme si était inscrit au fronton de cette assemblée : « Réservé à la droite ». Cela pourrait prêter à rire si un tel décalage avec la réalité du terrain ne mettait en cause la légitimité même du Sénat. Comment peut-on parler de réforme des institutions et de revalorisation du rôle du Parlement sans rendre justice aux principes élémentaires de la démocratie ? Ce Gouvernement entend-il enfin, monsieur le ministre, déverrouiller nos institutions et mettre fin à cette anomalie démocratique qui n'est pas digne de la France ? (Applaudissements à gauche)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement .  - Voilà un discours, monsieur le sénateur, que je vous entends répéter depuis des années. Quant à l'expression d'« anomalie démocratique », je vous en laisse la responsabilité. Elle semble nous ramener au temps où un Premier ministre socialiste qualifiait le Sénat lui-même d'anomalie.

M. Charles Revet.  - Cela ne lui a pas réussi...

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Avec la revalorisation du rôle du Parlement, nous avons proposé une première étape. Sur ce sujet, nous nous sommes clairement exprimés et avons fait taire la rumeur qui évoquait une réduction des pouvoirs de cette assemblée : il n'en est rien.

Je vous rappelle que le projet de révision de la Constitution ne prévoit pas de révision des modes de scrutin.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est bien là où le bât blesse.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Mais le Président de la République comme le Premier ministre l'ont clairement dit, il y aura ensuite débat sur ces questions (« Ah ! » à gauche) car nous avons l'obligation de redécouper les circonscriptions.

M. Yannick Bodin.  - Sur le scrutin régional, sans doute ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - C'est dans deux ans ! Vous aurez l'occasion de participer à ce débat.

Vous voulez gagner au Sénat, c'est votre droit...

M. Jacques Mahéas.  - Le fait est que l'on a gagné !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - ...mais ne mettez pas en cause les pouvoirs de cette assemblée parce que vous considérez que le mode de scrutin ne sert pas la gauche. (Applaudissements à droite) Nous renforçons, d'abord, le rôle du Parlement. Nous en viendrons, ensuite, au mode de scrutin. (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 16 heures.

La séance reprend à 16 h 15.