Modification des institutions de la Ve République (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 10 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°444, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le 1° de cet article insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le mandat parlementaire de député est incompatible avec l'exercice de tout autre mandat ou fonction électif. Cette disposition est applicable à compter de la quatorzième législature. » ;

Amendement n°445, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le 1° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 « Le mandat de parlementaire est incompatible avec l'exercice du mandat de maire d'une commune de plus de 3 500 habitants et de toute autre fonction exécutive locale. » ;

M. Bernard Frimat.  - J'ai conscience de vous faire approcher la plénitude, puisque nous abordons le cumul des mandats (sourires), mais je reconnais que les contraintes de temps donnent à notre débat un aspect quelque peu décousu.

M. le président.  - Vous parlez à des initiés, ils vont tous comprendre !

M. Bernard Frimat.  - Ces amendements auraient mérité de longs développements. (M. le secrétaire d'État s'impatiente) L'amendement n°444 pose le principe. Le suivant est présenté à titre de repli. Nous ne pourrons sans doute pas régler la question grâce à cette révision constitutionnelle, puisque vous y êtes hostiles. Mais le problème est devant nous, et je vous invite à un exercice rétrospectif. Chaque fois que la question du cumul a été abordée, les élus concernés, qu'ils soient de droite ou de gauche, ont dit que l'interdiction était irréaliste. Nous avons pourtant connu autrefois des situations à peine croyables : on pouvait être député, député au Parlement européen, président de conseil régional, président de conseil général et maire ! Et cela paraissait normal ! Des gouvernements que j'ai soutenus avant de siéger ici ont fait pourtant progresser la lutte contre le cumul. Les mêmes ont introduit la parité, dont j'ai cru comprendre qu'elle avait fait l'objet ici d'une forte bataille. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat confirme)

On peut s'envoyer à la figure les noms de telle ou telle personnalité, certes, des héros de la lutte contre le cumul ont fini par succomber à son charme. M. Marini, hier, nous a invités à la vertu. Or, en matière de cumul, la vertu suppose la contrainte.

M. Gérard Longuet.  - C'est vrai.

M. Bernard Frimat.  - A contrecoeur, je sais que vous voterez contre ces amendements, mais je ne les retirerai pas, pour que vous ayez le plaisir de les repousser.

M. le président.  - Nous vous laissons l'espoir de réussir un jour.

M. Bernard Frimat.  - Comme la majorité au Sénat !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il est vrai que nous avons beaucoup progressé depuis la licence totale d'autrefois, grâce à laquelle on finissait par ne plus savoir quels étaient les mandats occupés par certains élus.

M. Gérard Longuet.  - Eux-mêmes ne le savaient plus !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Vous avez présenté une interdiction applicable aux seuls députés, mais les sénateurs suivraient inévitablement... On peut discuter sans fin de l'interdiction pour un sénateur d'exercer un mandat local, alors que notre Assemblée représente les collectivités territoriales. J'observe simplement que cette question relève de la loi organique, pas de la Constitution. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Nous avons eu un long débat sur le cumul des mandats. M. le rapporteur a raison : le sujet relève d'une loi organique, pas de la Constitution.

En outre, nous ne souhaitons pas interdire tout cumul. La loi organique du 5 avril 2000, adoptée à l'initiative d'un gouvernement socialiste, a trouvé un équilibre satisfaisant.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Cet hémicycle, ce soir, serait mieux rempli sans le cumul des mandats.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Mais non ! Ils seraient à la pêche !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Je ne cumule pas de mandats.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Les Français de l'étranger ne le peuvent pas !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Je peux donc exercer pleinement ma mission au Sénat et j'éprouve de la compassion pour ceux qui se dispersent entre 36 000 tâches et n'en accomplissent aucune correctement.

M. Christian Cointat.  - Quatre présents sur douze : huit sénateurs représentant les Français de l'étranger sont absents sans double mandat.

M. Pierre Fauchon.  - J'ai déjà dit que le cumul était une des causes de l'amoindrissement du pouvoir parlementaire, mais je reconnais que la question est complexe. Tout d'abord, elle ne se présente pas de façon identique à l'Assemblée nationale et au Sénat : ayant pour mission de représenter les collectivités territoriales de la République, il est légitime, voire souhaitable, que nous ne soyons pas dénués de tout lien avec elles. Ensuite, je pense qu'il faudrait plutôt limiter la durée des cumuls.

Je partage les préoccupations qui ont inspiré les auteurs des amendements, mais je m'abstiendrai, car ma philosophie est différente de la leur.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je regrette qu'il soit impossible d'avoir une discussion sérieuse sur ce sujet, parce que chacun défend son cumul. La taille de la collectivité où l'on est élu n'est pas indifférente ; cependant, être maire d'une grande ville est en pratique incompatible avec le bon exercice d'un mandat parlementaire.

L'amendement n°444 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°445.

M. le président.  - Amendement n°104, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Rédiger comme suit le 2° de cet article :

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs. »

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La rédaction que nous proposons conserve le principe d'une commission indépendante chargée de se prononcer sur les redécoupages électoraux et précise ses compétences. Mais elle ne pourrait se prononcer sur la délimitation des circonscriptions pour l'élection des sénateurs car, à la différence des circonscriptions législatives qui évoluent en fonction de la démographie, les circonscriptions sénatoriales sont des territoires clairement définis et permanents, les départements et les collectivités d'outre-mer.

M. le président.  - Sous-amendement n°343 à l'amendement n° 104 de M. Hyest, au nom de la commission des lois, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Dans le dernier alinéa de l'amendement n°104, remplacer les mots :

dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement

par les mots :

dont la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement sont fixées par une loi organique

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il est fondamental que la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement de cette commission garantissent son indépendance à l'égard de toute pression politique. L'amendement de la commission des lois ne nous rassure pas. Si on laisse au législateur le soin de fixer ces garanties, c'est la majorité parlementaire qui en décidera. Il est dangereux d'introduire dans la Constitution une commission sans en définir les contours. Quels en seront les membres ? En quoi sera-t-elle indépendante ? Tout cela est renvoyé à une loi simple.

Il est très probable que le futur redécoupage des circonscriptions législatives s'opère par voie d'ordonnances. Ainsi le Parlement sera dépourvu de tout pouvoir de contrôle. L'opposition doit pouvoir s'exprimer, sinon ce redécoupage se fera au profit de la majorité actuelle.

Il paraît nécessaire que la composition et le mode de fonctionnement de la nouvelle commission soient fixés par une loi organique : c'est le strict minimum, dans le cadre d'une réforme qui prétend renforcer les droits de l'opposition.

Enfin, il est souhaitable que la Constitution prévoie que le redécoupage ait lieu à des intervalles réguliers, pour tenir compte de l'évolution démographique.

M. le président.  - Sous-amendement n°347 à l'amendement n°104 de M. Hyest, au nom de la commission des lois, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

I. - Dans le dernier alinéa de l'amendement n°104, remplacer les mots :

dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement

par les mots :

dont la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement sont fixées par une loi organique

II. - Compléter cet amendement par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La loi organique visée à l'alinéa précédent définit les conditions dans lesquelles une délimitation des circonscriptions électorales intervient tous les dix ans à compter de son entrée en vigueur ».

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il est défendu.

M. le président.  - Sous-amendement n°270 rectifié à l'amendement n° 104 de M. Hyest, au nom de la commission des lois, présenté par MM. Mercier, Amoudry, Badré, Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Gourault, Payet, MM. Soulage, Deneux, Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. Nogrix, Jean-Léonce Dupont, Christian Gaudin, Zocchetto et Pozzo di Borgo.

Après les mots :

députés ou

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa de l'amendement n°104 :

des sénateurs ou modifiant la répartition entre elles. »

Mme Anne-Marie Payet.  - Cet amendement vise à revenir au texte initial du projet de loi, afin que la nouvelle commission puisse aussi se prononcer sur la délimitation des circonscriptions pour l'élection des sénateurs.

M. le président.  - Amendement n°185, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Dans le dernier alinéa de cet article, remplacer le mot :

indépendante

par les mots :

pluraliste et comprenant un représentant de chaque groupe parlementaire

Mme Éliane Assassi.  - La création de cette nouvelle commission est opportune pour que les redécoupages électoraux soient réalisés de manière plus juste et plus objective. Les refontes de la carte électorale ont trop souvent donné lieu à des manoeuvres politiciennes. Mais quelle sera l'efficience de cette commission ? Le chantier du redécoupage des circonscriptions législatives est ouvert et nous souhaiterions avoir des précisions sur la manière dont il va être conduit. A ce qu'il semble, c'est M. Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, qui a été choisi par le Président de la République pour mener cette réforme, au détriment de Mme Alliot-Marie. Or Mme Alliot-Marie s'était engagée devant l'Assemblée nationale, le 24 octobre dernier, à respecter plusieurs principes. D'une part, elle proposait un ratio de 125 000 habitants par circonscription, en laissant ouverte la possibilité d'une correction proportionnelle de 10 %. D'autre part, le tracé des circonscriptions ne devait pas couper un canton en deux, ce qui supposait une réforme cantonale concomitante. Mais M. Marleix a affirmé, quant à lui, vouloir s'en tenir à la répartition par tranches, déjà appliquée en 1986. Dans ces conditions, il nous paraît évident que le redécoupage se fera en fonction d'intérêts politiques et non selon des critères démographiques. La preuve en est que M. Marleix ne compte pas attendre les résultats de l'actuel recensement, fin 2009.

L'idée de créer une commission indépendante chargée de se prononcer sur les redécoupages électoraux ne doit pas être rejetée. Mais de qui sera-t-elle indépendante, et par quels moyens ? Notre amendement vise à renforcer les droits et les compétences de cette commission, en garantissant son pluralisme : elle devra comprendre un représentant de chaque groupe parlementaire. C'est là une condition minimale pour que la refonte de la carte électorale soit transparente.

M. le président.  - Amendement n°443, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Dans le second alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :

, dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement,

II. - Compléter le même 2° par deux alinéas ainsi rédigés :

« Cette commission indépendante est composée de magistrats et de personnalités qualifiées non parlementaires, dont la nomination est soumise à l'avis d'une commission, désignée en début de législature, constituée paritairement de membres des deux assemblées du Parlement, à la proportionnelle des groupes et statuant à la majorité des trois cinquièmes.

« Une loi précise les modalités de désignation de membres de cette commission, ses règles d'organisation et de fonctionnement et les critères sur lesquels repose la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés ou sénateurs ou répartissant les sièges entre elles. »

III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La commission indépendante visée aux trois derniers alinéas de l'article 25 de la Constitution, tel qu'il résulte de la présente loi constitutionnelle, est constituée avant le 31 décembre 2008. Elle est consultée pour la délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés intervenant après l'entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle.

M. Bernard Frimat.  - Le sujet est important. On pourra nous opposer que notre amendement introduit dans la Constitution des dispositions qui relèvent de la loi, mais puisque nous ne cessons pas de le faire...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est faux !

M. Bernard Frimat. - ...au diable l'avarice ! Madame la ministre, j'ai plusieurs questions à vous poser. Est-ce que la commission sera mise en place à temps pour étudier le redécoupage actuellement envisagé ? L'article 34 du projet ne prévoit pas la date d'entrée en vigueur pour cette disposition. Il serait curieux d'introduire dans la Constitution une commission qui n'existerait qu'une fois le découpage fait et validé ! Nous demandons donc un engagement de votre part.

Par ailleurs, comment comptez-vous garantir l'indépendance de la commission ? Nous avons fait des propositions à ce sujet. Vous nous répondrez qu'elles sont trop détaillées pour figurer dans la Constitution mais elles auront au moins l'avantage de susciter le débat : vous pourrez nous dire si la composition que nous avons envisagée correspond ou non à la vision que vous avez du problème. Un redécoupage est nécessaire : le Conseil constitutionnel l'a dit, et c'est une évidence, car la démographie française a changé. Mais des garanties sont nécessaires pour que ce redécoupage ait lieu de manière transparente.

Enfin, l'amendement de M. Hyest retire la mention des circonscriptions pour l'élection des sénateurs. Mais on pourrait demain décider de modifier, par la loi, les circonscriptions d'élection des sénateurs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ah ! Évidemment...

M. Bernard Frimat.  - Il n'est donc pas souhaitable de retirer cette mention ; il convient au contraire de respecter le parallélisme avec le découpage des circonscriptions pour l'élection des députés.

M. le président.  - Amendement n°81, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf.

Dans le second alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :

ou des sénateurs

M. Hugues Portelli.  - Les dispositions relatives aux circonscriptions pour l'élection des députés ne sont pas transposables aux circonscriptions pour l'élection des sénateurs.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ceux qui s'interrogent tellement sur la composition de la commission doivent vraiment souhaiter que la révision aboutisse !

Mme Éliane Assassi.  - Chat échaudé craint l'eau froide !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission est défavorable aux sous-amendements n°s343 et 347 : il n'est pas nécessaire qu'une loi organique fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement de la commission, une loi simple suffit. En outre, le sous-amendement n°347 prévoit qu'une loi organique définit les conditions dans lesquelles une délimitation des circonscriptions électorales intervient tous les dix ans ; cette précision est inutile.

Nous sommes également défavorables au sous-amendement n°270 rectifié : la commission des lois estime que les circonscriptions sénatoriales sont des territoires clairement définis et permanents ; leur délimitation ne doit donc pas faire l'objet d'un avis de la commission instituée par l'article 10. Si un projet de modification des circonscriptions sénatoriales intervenait, il faudrait d'abord que nous en soyons saisis ; nous déterminerions ensuite la répartition des sièges.

S'agissant de l'amendement n°185, je comprends le point de vue de nos collègues. Mais on pourrait aussi prévoir une commission composée de membres de la Cour de cassation, du Conseil d'État et de la Cour des comptes, comme en 1986. Les parlementaires seront naturellement consultés ; mais il ne serait pas sain que la commission comprenne des représentants des groupes politiques.

M. Josselin de Rohan.  - Ah non, pas du tout !

Mme Éliane Assassi.  - Je ne vois pas pourquoi.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Elle ne serait plus indépendante !

Enfin, nous sommes défavorables à l'amendement n°443. La composition de la commission consultative sera fixée par la loi. Je vous rappelle qu'en 1986, la commission chargée de donner un avis sur le redécoupage électoral était composée de membres de la Cour de cassation, du Conseil d'État et de le Cour des comptes, dont personne n'avait remis en cause l'indépendance.

Il faut conserver de la souplesse dans le processus de nomination. Nous pourrons en débattre lors de l'examen de la loi. Je demande le retrait du sous-amendement n°443.

L'amendement n°81 est satisfait par l'amendement de la commission des lois.

L'amendement n°81 est retiré.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il faut attendre la fin du recensement, fin 2008, et l'avis de la commission s'appliquera pour le redécoupage des circonscriptions des députés, qui a été imposé par le Conseil constitutionnel. Le Sénat l'a fait de sa propre initiative, pour tenir compte des évolutions démographiques. Nous débattrons ensuite du redécoupage, dans le cadre d'une loi, comme les députés et les sénateurs ont eu à le faire en 1986. A l'époque, certains dénonçaient un « charcutage », mais chacun connaît le résultat des élections de 1988...

Le Gouvernement souhaite mieux garantir l'impartialité du redécoupage électoral, qui sera plus transparent grâce à l'intervention d'une commission indépendante. Il n'est pas utile que cette commission donne un avis sur la délimitation des circonscriptions pour l'élection des sénateurs -elles correspondent aux départements- mais il est souhaitable qu'elle se prononce sur les modifications de la répartition de ces sièges. Avis favorable à l'amendement n°104.

Avis défavorable au sous-amendement n°270 rectifié, qui réintroduit les délimitations des circonscriptions des sénateurs.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Il n'est pas utile de préciser dans la Constitution la composition de la commission : cela alourdirait le texte. Avis défavorable à l'amendement n°443.

Avis défavorable au sous-amendement n°343 : il n'est pas nécessaire de prévoir une loi organique pour fixer la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement de la commission. Je comprends la préoccupation exprimée, mais les garanties d'indépendance de la commission sont données par l'ancrage constitutionnel.

Avis défavorable à l'amendement n°185, qui propose qu'un représentant de chaque groupe parlementaire siège dans la commission. Cela poserait un problème d'impartialité. La commission pourra aussi être composée d'experts -notamment des statisticiens.

Avis défavorable au sous-amendement n°347, qui prévoit une nouvelle délimitation des circonscriptions tous les dix ans. Le Conseil constitutionnel s'assure que le redécoupage suit les évolutions démographiques, et il est préférable de prévoir un ajustement en souplesse : un délai fixe risquerait d'imposer un redécoupage à un moment inopportun, durant une année électorale par exemple.

Monsieur Frimat, Alain Marleix travaille à une nouvelle délimitation des circonscriptions, qui sera remise à la commission indépendante pour avis. L'entrée en fonction de la commission ne fait pas l'objet de dispositions spécifiques, mais dépend de la loi qui fixera son organisation et son fonctionnement. Le Gouvernement s'engage à en saisir le Parlement avant la fin de l'année.

M. Michel Charasse.  - L'amendement n°104 pourrait être rédigé autrement. Au lieu d'écrire que la commission se prononce « sur les projets de texte et propositions de loi », il aurait mieux valu écrire « sur les projets et propositions de loi ».

Je suis heureux que Charles Pasqua, l'inventeur de ce système en 1986, soit là ce soir. Chargé de procéder au redécoupage des circonscriptions, il a fait voter une loi d'habilitation pour créer par ordonnance une commission composée majoritairement de magistrats des juridictions administratives et judiciaires. Je suivais de mon côté la question pour l'Élysée, et je n'en ai pas gardé un souvenir abominable. La commission était réellement indépendante et son rapporteur était plus proche de François Mitterrand que du Premier ministre. Le Président de la République qui avait suivi les travaux de très près a déclaré qu'aucune loi, même illégale, ne résiste jamais à une poussée électorale. Il a refusé de signer les ordonnances car il considérait ne pas devoir faire, sur ce sujet, le travail des assemblées.

Il me semble que le découpage de trente à quarante circonscriptions seulement, sur 577, pouvait être contesté.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cela fait 10 % des électeurs !

M. Michel Charasse.  - Le Conseil constitutionnel, saisi d'une loi qui reprenait les ordonnances non signées -votée à l'aide du 49-3, si je ne me trompe pas-, a constaté que, si certains écarts paraissaient anormaux, l'ensemble ne paraissait pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Le rapporteur devant le Conseil était Robert Fabre.

Donc, si le système était institutionnalisé, on ne saurait faire plus mal... (Rires)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est formidable !

M. Charles Pasqua.  - Je souhaitais effectuer un découpage acceptable par tous les groupes politiques. J'ai créé une commission pour me protéger des demandes excessives, venant éventuellement de la majorité. Nous avons défini dans la loi les principes du découpage et les écarts que nous pouvions accepter. Ensuite, les ciseaux ne pouvaient être tenus par plusieurs personnes... Nos amis communistes avaient conçu une excellente affiche, me représentant, ainsi que le Premier ministre, en charcutier ! (Sourires)

Il faut tenir compte des difficultés du découpage électoral, et une commission est fort utile pour résister aux pressions. D'ailleurs, à un élu qui se plaignait auprès de moi du découpage, François Mitterrand avait indiqué que cette délimitation lui assurait sa réélection pour trente ans ! Mais Michel Charasse a raison de dire qu'aucun découpage ne garantit le succès aux élections ! C'est la confiance du peuple qui assure le succès !

François Mitterrand avait effectivement refusé de signer les ordonnances car il souhaitait que nous passions devant le Parlement.

Je vous rappelle au passage...

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Charles Pasqua.  - Je ne parle pas si souvent.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et cela vaut la peine !

M. Charles Pasqua.  - François Mitterrand, donc, m'a dit qu'il n'y avait pas de quoi m'élever une statue, mais pas non plus de me mettre au trou. Je rappelle que j'avais demandé qu'il soit traduit devant la haute Cour... Simplement, il refusait de signer ce texte, dont il considérait qu'il devait être adopté par le Parlement. En l'occurrence, d'ailleurs, ce fut seulement l'Assemblée nationale qui l'adopta parce que le Sénat n'a rien fait. Et ce fut par le 49-3, qui a d'ailleurs des vertus car il est dirigé contre les excès de la majorité et pas contre l'opposition. (Applaudissements sur certains bancs UMP)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Après ces émouvants discours de nos mémorialistes, je suis désolé de revenir à 2008 et au texte que nous étudions ce soir. D'une part, le rapporteur souhaite qu'on retire le mot « circonscription » pour les sénateurs. D'autre part, il nous dit qu'il n'est pas question d?inscrire le mode de scrutin dans la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Exactement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mais le changement qu'il propose par rapport au texte de l'Assemblée nationale est en contradiction avec cela : vous voulez inscrire dans la Constitution que la circonscription pour le Sénat sera toujours le département. Vous préjugez ainsi qu'il en sera toujours ainsi.

M. Henri de Raincourt.  - Heureusement !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous avez le droit de le préférer, chers collègues, mais il se trouve que le groupe socialiste a déposé une proposition de loi qui va dans un autre sens.

M. Henri de Raincourt.  - Tout le monde peut se tromper ! (Rires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous souhaitons, en effet, qu'il y ait un collège pour les communes, un pour les départements et un pour les régions, puisque ces deux catégories de collectivités territoriales sont notoirement sous-représentées. Cette proposition est évidemment discutable, vous pouvez ne pas être d'accord et préférer autre chose. Mais si l'on écrit dans la Constitution que la circonscription sénatoriale intangible est le département, on rend impossible un tel débat. Nous préférons donc la rédaction de l'Assemblée nationale car elle laisse l'avenir ouvert.

M. Richard Yung.  - Quelle journée intéressante nous venons de vivre ! On peut se réjouir d'apprendre que le découpage électoral peut se faire dans la sérénité, que ce peut être une affaire convenable et pacifique. J'avais toujours pensé que c'était forcément conflictuel.

Avec notre amendement n°443, nous souhaitons une commission composée de magistrats et aussi de gens qui ont une expertise du terrain, des statisticiens, des démographes.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Notre insistance paraît vous étonner. C'est que nous avons souvenir d'un découpage récent qui s'est fait sans tenir compte des concertations qui s'imposaient, je parle de la carte judiciaire.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cela n'a rien à voir !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Le résultat en est que l'on a créé une inégalité d'accès à la justice, au détriment des gens pour qui le plein d'essence représente une grosse dépense.

M. Bernard Frimat.  - Je remercie madame la ministre d'avoir répondu à ma question sur la date d'entrée en vigueur. Je prends acte de votre assurance que le découpage ne sera pas fait quand la commission sera créée par une loi avant le 31 décembre 2008.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - J'ai dit que le projet de loi serait déposé avant la fin de l'année.

M. Bernard Frimat.  - C'est une démarche positive. J'aurais aimé qu'on nous dît aussi dans quel sens on se dirigeait. Est-ce le même qu'en 1986 ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le texte de l'Assemblée nationale nous paraît bien meilleur : mieux vaut une consultation officielle des groupes par une commission que l'opacité.

Le sous-amendement n°343 n'est pas adopté, non plus que le n°347.

Le sous-amendement n°270 rectifié est retiré.

L'amendement n°104 est adopté.

Les amendements n°s185 et 443 deviennent sans objet.

L'article 10, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°374, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 25 de la Constitution, après les mots : « conditions d'éligibilité, », sont insérés les mots : « notamment la limite d'âge à partir de laquelle un parlementaire ne peut plus se présenter à une élection, ».

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il y a un âge minimum pour les fonctions électives, pourquoi pas un âge maximum ? Couplée avec une limitation dans le temps du cumul des mandats, cette limite permettrait de libérer des places pour les jeunes. On trouve normal d'interdire le travail aux séniors, pourquoi les parlementaires seraient-ils inamovibles ?

Je précise que notre amendement ne vise que les élections nationales.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il me semble qu'a été pris un engagement moral de gérer notre temps de façon raisonnable.

Chacun peut défendre ses amendements, mais en évitant de répéter sans cesse les mêmes arguments. Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Bernard Frimat.  - Je voterai contre cet amendement. On peut discuter des cumuls, y compris du nombre de mandats successifs, mais il me paraît discriminatoire de poser une limite d'âge : c'est aux électeurs d'apprécier si le candidat est trop âgé pour la fonction. Nous connaissons certes des grands élus qui ont présenté une candidature de trop, et dont le mandat s'est traduit par un naufrage personnel, mais les capacités liées à l'âge doivent être laissées à l'appréciation des électeurs. Il fallait que ce soit un sénateur du même groupe que Mme Boumediene-Thiery qui le dise, témoin du climat apaisé de nos débats. (M. Pierre Fauchon applaudit)

L'amendement n°374 n'est pas adopté.

présidence de M. Philippe Richert,vice-président

M. le président.  - Amendement n°375, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 25 de la Constitution est ainsi modifié :

1° - Dans le deuxième alinéa, le mot : « également » est supprimé ;

2° - Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle fixe également les conditions dans lesquelles sont amenées à être choisies les personnes appelées à assurer, en cas d'empêchement temporaire n'entraînant pas une vacance de siège au sens de l'alinéa précédent, le remplacement des députés ou des sénateurs pour une période ne pouvant excéder six mois. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - En prenant exemple sur les parlementaires hollandais, nous prévoyons le cas de congé de longue durée où un parlementaire doit se faire remplacer, par exemple en cas de maladie, pour une mission, ou encore en cas de grossesse. Le remplacement par le suppléant présente l'avantage d'une certaine continuité et du suivi. L'organisation à l'avance est préférable, un peu comme pour l'intérim de la présidence de la République. (Exclamations à droite)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La comparaison est osée et nous vous la laissons ! Avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Michel Charasse.  - Dans les années 1990, une ministre avait accouché quasiment en couverture de Paris-Match, il eût été dommage de la priver d'une telle publicité ! (Rires à droite)

L'amendement n°375 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°331, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 26 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait pour un membre du Parlement d'avoir pris part, pendant une session ordinaire ou extraordinaire, à moins de deux tiers des scrutins publics en séance, ou à moins de deux tiers des réunions de la commission permanente dont il est membre, peut faire l'objet, dans les conditions fixées par le règlement de chacune des assemblées, d'une procédure de sanction. Une loi organique fixe les motifs d'excuses susceptibles d'être invoqués par les parlementaires ainsi que les conditions et modalités de mise en oeuvre de cette procédure. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'absentéisme parlementaire est courant et il n'est guère sanctionné.

Mme Isabelle Debré.  - Si, par le Règlement !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le vote de la question préalable sur le texte relatif aux OGM, à l'Assemblée nationale, en est l'illustration, de même que, au Sénat, les difficultés d'atteindre le quorum sur la proposition de loi relative au mode d'élection sénatorial.

La présence en séance prouve l'attachement à la dignité de la fonction. L'absentéisme est sanctionné dans de nombreux parlements nationaux et au Parlement européen. Etre présents deux jours par semaine, ce n'est pas trop demander aux parlementaires, même à ceux qui, malheureusement, cumulent leur mandat avec des responsabilités locales !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il faut effectivement réfléchir aux causes de l'absentéisme, elles ne sont certainement pas dans le cumul des mandats, puisque les absents ne sont pas, le plus souvent, ceux qui exercent des mandats locaux. (Approbations à droite) Les règlements des assemblées prévoient déjà des dispositions contre l'absentéisme : avis défavorable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Ce problème ne saurait être pris à la légère, il est important.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Cependant, il n'est pas de nature constitutionnelle. Le Règlement de l'Assemblée nationale, en son article 15, prévoit qu'au-delà de trois absences en commission, un député peut voir son indemnité diminuer de moitié.

M. Josselin de Rohan.  - Il faut le dire à Mme Voynet.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Reste à savoir si la mesure est appliquée. La Constitution n'est pas en cause. La meilleure façon de lutter contre l'absentéisme, c'est de revaloriser le travail parlementaire, comme nous vous le proposons, pour que les parlementaires trouvent davantage d'intérêt à y participer !

L'amendement n°331 n'est pas adopté.

L'amendement n°14 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°184, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 29 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 29. - Le Parlement se réunit en session extraordinaire à sa propre initiative ou sur proposition du Premier ministre, à la demande des trois cinquièmes des membres composant l'Assemblée Nationale, sur un ordre du jour déterminé. »

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Chaque année, le Parlement est convoqué en session extraordinaire : acte II de la décentralisation, réforme des retraites, de la sécurité sociale, de l'université, privatisation de GDF, service minimum dans les transports, autant de mesures prises en session extraordinaire, en période estivale -peu propice à l'opposition-, ce qui représente un véritable détournement de notre Constitution.

Nous proposons que la session extraordinaire du Parlement ne puisse plus être convoquée qu'à la majorité des trois cinquièmes de l'Assemblée nationale. Actuellement, le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale partagent cette compétence mais, à l'exception d'une session en mars 1979, les députés n'ont jamais convoqué d'eux-mêmes une session extraordinaire sous la Ve République. En 1987, pendant la cohabitation, le président François Mitterrand avait estimé que cette compétence était même présidentielle et que les députés, qui voulaient privatiser la Régie Renault, n'avaient en fait ni la faculté de convoquer la session extraordinaire, ni celle d'en fixer l'ordre du jour. En mars 1960, le général de Gaulle avait également refusé cette compétence à 287 députés pour débattre des problèmes agricoles, considérant qu'ils avaient été influencés par les syndicats agricoles. Depuis, nul n'a contesté cette lecture de la Constitution, qui confère un pouvoir excessif au Président de la République sur l'Assemblée nationale et le Gouvernement.

Il nous paraîtrait donc opportun de confier au Parlement l'initiative de cette convocation, sur un ordre du jour suffisamment consensuel.

M. le président.  - Amendement n°441, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 29 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 48 sont applicables au cours des sessions extraordinaires. »

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - L'Assemblée l'a déjà voté !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le deuxième alinéa de l'article 48 est relatif aux questions orales ou d'actualité.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je dois vous signaler, monsieur Sueur, que l'Assemblée nationale a déjà voté la disposition que vous proposez.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je m'en réjouis et j'en profite pour ajouter, même si cela ne concerne que le règlement de nos assemblées et pas la Constitution, qu'il serait souhaitable que la procédure qui a cours pour les questions d'actualité soit, à l'image de ce qui se fait dans d'autres pays, moins stéréotypée qu'elle ne l'est à l'heure actuelle. L'auteur de la question devrait disposer d'un droit de relance.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'amendement n°441 est donc satisfait et devrait être retiré. Défavorable au n°184.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Défavorable au n°184. Je précise à M. Sueur que son amendement est satisfait par le dernier alinéa de l'article 22.

L'amendement n°441 est retiré.

L'amendement n°184 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°183, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 30 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 30. - L'ordre du jour des sessions extraordinaires ne peut comprendre les projets et propositions relevant du domaine de la Constitution, de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et du préambule de la Constitution de 1946, sauf décision contraire des deux tiers des membres de l'Assemblée Nationale. »

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Les longues sessions extraordinaires que nous avons connues ces dernières années détournent le sens de la Constitution. L'adoption de la session unique, en 1995, visait à renforcer le contrôle des assemblées sur l'activité de l'exécutif et à améliorer la qualité du travail d'élaboration de la loi. C'est le contraire qui s'est passé : à un ordre du jour chargé viennent s'ajouter des sessions extraordinaires qui perdent leur rôle de seul complément. C'est que la période d'été permet d'adopter des textes hors tout contrôle démocratique et populaire.

M. Michel Charasse.  - Les révolutions sont incompatibles avec les vacances.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La proposition de loi que nous avions déposée, le 25 juin 2004, pour encadrer leur tenue et leur ordre du jour n'a hélas jamais été inscrite à l'ordre du jour... Et la dérive s'accentue. Juillet 2003, réforme des retraites ; juillet 2004, réforme de l'assurance maladie ; juillet 2006, privatisation de GDF ; juillet 2007, réforme des universités et vote de la loi Tepa, avec son cadeau de 14 milliards aux plus riches. Le Président de la République, qui signe les décrets de convocation, s'apprête une nouvelle fois à détourner la Constitution en imposant l'adoption, en juillet, d'un texte d'abrogation des 35 heures et d'un autre instituant un service minimum à l'école. Les assemblées deviennent des chambres d'enregistrement accéléré. Aucune urgence ne justifie l'inscription de tels textes à l'ordre du jour de la session extraordinaire. Comment, dans ces conditions, croire au sérieux de vos déclarations sur le renforcement du rôle du Parlement ? Nous proposons donc non seulement de poser des limites au pouvoir de convocation de la session extraordinaire mais aussi à la fixation de son ordre du jour.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - S'il est des sessions extraordinaires, il est aussi des catégories de lois extraordinaires : qu'est-ce donc qu'une loi « relevant du domaine de la Déclaration des droits de l'homme » ? Votre amendement n'a pas de sens. Défavorable.

L'amendement n°183, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°186, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 10 bis insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans la deuxième phrase de l'article 32 de la Constitution, le mot : « partiel » » est supprimé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°438, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin de la seconde phrase de l'article 32 de la Constitution, le mot : « partiel » est supprimé.

M. Bernard Frimat.  - Il a déjà été exposé ailleurs. Nous le retirons.

L'amendement n°438 est retiré.

L'amendement n°186, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte, Marsin et A. Boyer.

Avant l'article 10 bis, insérer un  article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article 33 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les commissions parlementaires établissent un texte dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article 42, elles font publier au Journal Officiel le compte rendu intégral de leurs débats. »

M. Michel Charasse.  - Le projet prévoit que la première assemblée saisie discutera du texte établi par la commission. Afin de ne pas priver les citoyens, les praticiens de la loi, les tribunaux des travaux préparatoires indispensables pour interpréter la volonté du législateur -c'est d'ailleurs la raison pour laquelle notre Constitution prévoit la publication de nos débats en séance publique au Journal officiel- il me semble nécessaire de prévoir que les débats ayant présidé à l'établissement du texte de la commission soient également publiés au Journal officiel.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La publication des débats au Journal officiel est le corollaire du principe de publicité des débats en séance publique. Mais que l'examen en séance publique ait lieu sur le texte de la commission n'exige pas la publicité des débats de la commission. La publicité de ces débats n'est ni nécessaire, ni forcément souhaitable. C'est pourquoi nous proposons qu'elle ne soit pas systématique. Le texte issu des travaux de la commission pourra donner lieu, en séance, à des débats aussi approfondis, sinon davantage, puisque débarrassés des amendements techniques, ils pourront se recentrer sur l'essentiel. J'ajoute que le texte de la commission sera éclairé, comme aujourd'hui ses amendements, par le rapport. La publicité des débats de la commission devrait à notre sens être circonscrite au seul cas où l'assemblée aura accepté un examen simplifié. Retrait.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Il est vrai que compte tenu de l'importance accrue que prendront les débats de la commission, il est important qu'ils puissent être rendus publics. Mais il appartiendra à chaque assemblée de prévoir, dans son règlement, les modalités de cette publicité. C'est ce que fait déjà l'Assemblée nationale pour les commissions élargies sur le budget, dont les débats sont publiés au Journal officiel.

M. Michel Charasse.  - L'essentiel est que les travaux préparatoires soient accessibles au public, comme c'est le cas aujourd'hui, car ces débats sont parfois indispensables pour éclairer le sens de certaines dispositions. Je souhaiterais que nous prenions l'engagement de compléter nos règlements en ce sens.

Faut-il rendre public le travail en commission ? Je suis contre la publicité des auditions parce qu'on y perd une liberté d'expression formidable. Mais il est essentiel de satisfaire à l'exigence de clarté et de compréhension de la loi, que le Conseil constitutionnel a rappelée en se référant à la Déclaration des droits de l'homme.

M. Hyest a avancé une affirmation très contestable : on ne pourrait plus examiner en séance publique les amendements rejetés en commission. Aucune disposition n'interdit de déposer des amendements en séance publique ou de sous-amender. Cela représenterait une formidable régression et je le supplie de me dire où il a vu qu'un amendement rejeté en commission ne peut être repris en séance publique. Le Conseil constitutionnel se ferait alors un plaisir de rétablir le droit d'amendement.

Je suis prêt à retirer mon amendement mais je souhaite une réponse sur ce point.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous pourrons rediscuter de cette question à l'article 18.

M. Michel Charasse.  - Vous venez d'en parler.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Lisez le rapport.

M. Michel Charasse.  - C'est parce que je l'ai lu que je me suis inquiété.

L'amendement n°15 rectifié bis est retiré.

Article 10 bis 

L'article 33 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les auditions auxquelles procèdent les commissions instituées au sein de chaque assemblée sont publiques, sauf si celles-ci en décident autrement. »

M. le président. - Amendement n°105, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Supprimer cet article.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il faut pouvoir décider la publicité des auditions si on le souhaite. Autrement, qu'on ne se demande pas pourquoi on y parle la langue de bois. Tout dépend des sujets, souhaitable sur des sujets de société, la publicité peut stériliser le travail...

M. Henri de Raincourt.  - Bien sûr !

M. le président.  - Amendement identique n°274 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Férat et Payet et MM. Merceron, Nogrix, J.L. Dupont, Dubois et Zocchetto.

M. Pierre Fauchon.  - Il convient de respecter le travail, non pas confidentiel, mais privé, non public des commissions ; à défaut, on le dénaturerait. Restons-en à la pratique actuelle.

L'amendement n°82 n'est pas soutenu.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - On peut s'interroger sur la nécessité d'inscrire dans la Constitution une disposition qui peut relever du règlement des assemblées. Comme à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'en remettra à la sagesse.

M. Michel Charasse.  - Paraphrasant France Gall, je me demande « qui a eu cette idée folle, un jour d'inventer » la publicité du travail des commissions permanentes. C'est là que s'accomplit le travail sérieux, que l'on peut poser les questions confidentielles concernant la défense, les crédits, la monnaie, la confiance... Lorsque la commission des finances tient des auditions publiques, la moitié des collègues ne posent pas les questions qu'ils souhaiteraient, non par cachoterie, mais parce qu'il est de l'intérêt national de ne pas mettre certaines choses sur la place publique.

Le règlement actuel permet de décider d'une audition publique. Ne mettons pas cela dans la Constitution, n'encombrons pas le texte sacré d'inutiles balbutiements.

M. Bernard Frimat.  - Sans connaître aussi bien la chanson française que M. Charasse, j'arrive à la même conclusion, mais pour d'autres raisons. S'il peut être très utile de décider d'ouvrir telle ou telle audition, en faire une obligation permanente retournerait la charge de la preuve car, si la norme était la publicité, on donnerait dans les autres cas l'impression d'avoir quelque chose à cacher. La retransmission offre sans doute la meilleure publicité, mais toute une série de nos réunions, certes passionnantes, seraient difficiles à supporter pour les spectateurs. Et puis, si toutes les séances de commission devenaient publiques, les commissaires dont l'absence a permis à la commission des lois de se réunir dans une toute petite salle seraient gênés de ne pas être là...

Les amendements identiques n°s105 et 274 rectifié sont adoptés ; l'article 10 bis est supprimé.

Article 11

L'article 34 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est supprimé ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf motif déterminant d'intérêt général, la loi ne dispose que pour l'avenir. » ;

3° Dans le cinquième alinéa, après les mots : « l'amnistie ; », sont insérés les mots : « la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels, sous réserve de l'article 66 ; »

4° Après le onzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales. » ;

5° L'avant-dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État.

« Des lois de programmation définissent les orientations pluriannuelles des finances publiques. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. »

M. le président.  - Je rappelle que nous avons examiné hier par priorité les amendements relatifs aux charges financières.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'Assemblée nationale a jugé bon d'inscrire dans la Constitution le principe de non-rétroactivité, mais en l'assortissant d'une exception, un motif déterminant d'intérêt général, qui correspond plus ou moins aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme. Ne s'agit-il pas de permettre de le contourner ? La détermination du Président de la République sur la rétention de sûreté nous fait craindre le pire. M. Lamanda, Premier président de la Cour de cassation, lui avait opposé une fin de non-recevoir au nom d'un principe qu'on ne peut donc qu'atténuer ou supprimer... en révisant la Constitution. Avec un tel article, qu'en sera-t-il de la rétention de sûreté ou autres textes répressifs ? Il suffira de considérer que la lutte contre la récidive répond à un motif déterminant d'intérêt général pour faire voler en éclats la jurisprudence du Conseil constitutionnel, auquel nous rendrons service en supprimant cette disposition.

M. le président.  - Amendement n°187 rectifié bis, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

L'article 34 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 34. - La loi est votée par le Parlement. Il ne peut déléguer ce droit. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cet amendement ne va pas vous plaire mais nous déplorons le déséquilibre entre le Président de la République et le Parlement, entre l'exécutif et le législatif. L'article 34 de la Constitution procède à une énumération détaillée des matières dans lesquelles la loi fixe les règles ou détermine les principes fondamentaux. La loi est limitée à certaines matières et le Parlement ne peut se mêler des autres. Même si la jurisprudence constitutionnelle a su s'attacher à la définition formelle de la loi, le Gouvernement a les moyens de s'opposer à l'intervention de la loi dans le domaine réglementaire dont l'autonomie porte une atteinte excessive aux pouvoirs du Parlement.

Nous ne sommes pas opposés au pouvoir d'exécution de la loi tiré de l'article 21. Le Gouvernement invoque souvent l'article 37, or le degré de précision peut changer la nature d'une disposition. D'ailleurs, les renvois au décret se multiplient... Ne limitons pas le domaine d'intervention du législateur.

Selon Carré de Malberg, « il n'y a point de place dans le droit français pour une notion matérielle de la loi envisagée du point de vue de son objet ». Pour renforcer le Parlement, il faut restaurer la primauté de la loi en supprimant les articles 34 et 37. Cela ne remet pas en cause le pouvoir réglementaire dans sa fonction d'application de la loi. Beaucoup de retard a été pris en la matière !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Déléguer le droit, c'est supprimer l'article 38. Le domaine de la loi serait donc universel : c'est contraire aux institutions de la Ve République. Avis défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est logique.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - La définition d'un domaine de la loi est une novation majeure de la Constitution de 1958. Le Conseil constitutionnel veille au respect du domaine réservé de la loi, et le Parlement peut intervenir dans le domaine réglementaire dès lors que l'irrecevabilité n'a pas été invoquée. Le véritable problème n'est pas tant le champ de la loi que le nombre de textes !

A s'encombrer de détails inutiles, la loi perd son autorité et n'est plus comprise par nos concitoyens. Nous souhaitons conserver la distinction entre domaine de la loi et domaine du règlement.

M. Michel Charasse.  - Un domaine de la loi illimité, pas de délégation : c'est la IVe République !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est ce qu'ils veulent !

M. Michel Charasse.  - C'était dans la Constitution de 1946. Un mois après, on inventait le décret-loi... Il y a toujours besoin de respiration. Ne changeons pas le système actuel.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - S'il y a trop de lois, c'est que le Gouvernement légifère sur tout et n'importe quoi !

M. Michel Charasse.  - C'est nous qui légiférons !

L'amendement n°187 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - J'en suis soulagé : son adoption aurait obligé à revoir les amendements adoptés hier... mais aurait eu le mérite de faire tomber les amendements restants... (Sourires)

Amendement n°191, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Supprimer le 1° de cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les députés ont supprimé le premier alinéa de l'article 34, à la suite de l'adoption, à l'article 9, de la nouvelle rédaction de l'article 24. Si le projet de loi touche au domaine de la loi, il ne remet pas en cause l'article 37 : le domaine réglementaire reste toujours aussi large et peu défini. Il est donc nécessaire de rappeler à l'article 34 que la loi est votée par le Parlement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous avons déplacé cette mention à l'article 24 de la Constitution, qui traite des missions du Parlement. Évitons cette répétition.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je le retire, mais c'est regrettable.

L'amendement n°191 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°83, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf.

Supprimer le 2° de cet article.

M. Hugues Portelli.  - L'interdiction de toute rétroactivité de la loi fait l'objet d'une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme, qui a même censuré une décision du Conseil constitutionnel.

M. le président.  - Amendement identique n°106, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Prévoir que « sauf motif déterminant d'intérêt général, la loi ne dispose que pour l'avenir » pourrait autoriser des atteintes au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, fondé sur l'article 8 de la Déclaration de 1789.

M. Michel Charasse.  - Et oui !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - En constitutionnalisant le principe de non-rétroactivité, l'Assemblée nationale constitutionnalise également une exception à ce principe !

M. Michel Charasse.  - Le mieux est l'ennemi du bien.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le juge constitutionnel assure une protection adéquate en exigeant un motif d'intérêt général suffisant et en en contrôlant la proportionnalité. Selon la jurisprudence, seul le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère a valeur constitutionnelle. Il doit demeurer intangible.

M. Christian Cointat.  - Très bien.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cette position fait l'unanimité au sein de la commission. En témoignent les nombreux amendements identiques.

M. le président.  - Amendement identique n°192, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'Assemblée nationale a curieusement éludé la question de la non-rétroactivité de la loi pénale. Or le Gouvernement nous a récemment demandé de déroger à ce principe constitutionnel avec la loi relative à la rétention de sûreté. Le Président de la République a demandé au Premier président de la Cour de cassation de trouver le moyen de contourner la censure du Conseil constitutionnel - celui-ci a préféré proposer d'autres moyens de lutter contre la récidive... Le sujet est sensible. Supprimons cet ajout de l'Assemblée nationale.

M. le président.  - Amendement identique n°275 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe UC-UDF.

Mme Anne-Marie Payet.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°446, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Selon l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit ». Nous sommes très sensibles au contexte rappelé par Mmes Boumedienne-Thierry et Borvo Cohen-Seat : dès lors que le Conseil constitutionnel a jugé que la rétention de sûreté ne pouvait être mise en oeuvre à titre rétroactif et que le Président de la République a marqué publiquement sa volonté de passer outre cette décision, il paraît sage de s'en tenir à la tradition juridique qui est celle de notre pays depuis 1789.

C'est une garantie pour les citoyens.

M. le président.  - Amendement n°41 rectifié, présenté par MM. Cointat, Duvernois et Mme Kammermann.

Au début du second alinéa du 2° de cet article, ajouter les mots :

Sans préjudice de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789,

M. Christian Cointat.  - Je le retire au profit de celui de la commission.

L'amendement numéro 41 rectifié est retiré.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Un amendement adopté par l'Assemblée nationale ajoute à l'article 34 de la Constitution une référence à la non-rétroactivité de la loi, conformément à une recommandation formulée par le comité Balladur.

Le Gouvernement doute que cette disposition soit pertinente. Bien qu'elle ne porte pas atteinte à la non-rétroactivité de la loi pénale, qui trouve sa source dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789, cette rédaction peut susciter des inquiétudes, voire de fausses interprétations du droit constitutionnel. Souhaitant éviter toute ambiguïté en ce domaine, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute assemblée, mais il observe que la suppression est préférable au simple rappel, peu compatible avec la solennité qui sied aux dispositions constitutionnelles.

Comme l'a dit M. Charasse, le mieux est quelquefois l'ennemi du bien.

M. Pierre Fauchon.  - La rédaction de l'Assemblée nationale est, sans doute involontairement, surprenante et même choquante, car la non-rétroactivité de la loi pénale tend précisément à protéger l'individu contre des pressions exercées au nom de l'intérêt général.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La nouvelle loi pénale peut aussi être plus douce. Par ailleurs, on ne peut exclure toute rétroactivité de la loi civile ou sociale. Certaines lois valident des examens plusieurs années après la publication des résultats.

La jurisprudence du conseil Constitutionnel est fixée et satisfaisante. Évitons toute ambiguïté.

M. Pierre Fauchon.  - La rédaction de l'Assemblée nationale est mauvaise !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le mieux est de ne pas évoquer cette question.

Les amendements identiques n°s83, 106,192, 275 rectifié et 446 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°107, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Supprimer les 3° et 4° de cet article.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cela supprimerait l'amendement de l'Assemblée nationale qui a suscité le plus de réactions de tous ordres au sein de la commission.

M. Michel Charasse.  - Et d'inquiétude !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Il est inutile de préciser que la loi peut déterminer la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels car cette possibilité existe déjà en vertu d'une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 23 janvier 1987. Ainsi, l'article 2 de la loi du 11 décembre 2000 portant mesures d'urgence de réformes à caractère économique et financier (Murcef) a confié au juge administratif tout le contentieux suscité par l'application du code des marchés publics. Il y a quelques jours, la loi du 12 juin 2008 portant modernisation du marché du travail a confié au juge judiciaire le contrôle de la rupture conventionnelle du contrat de travail, bien que cette procédure suppose une autorisation administrative.

L'unification du contentieux est impossible dans un seul domaine : le séjour des étrangers. Toutefois, la commission présidée par M. Mazeaud formulera probablement des recommandations en ce domaine.

Par ailleurs, il convient de supprimer la référence à l'égalité entre hommes et femmes, qui a été inscrite à l'article premier.

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme Nathalie Goulet, MM. Fortassin, Laffitte, Marsin et André Boyer.

Supprimer le 3° de cet article.

M. Michel Charasse.  - Pour les mêmes motifs, nous voulons supprimer ce paragraphe anachronique : si M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous faisons tous les jours de la répartition en toute connaissance de cause.

Cette disposition porterait progressivement atteinte à la séparation des pouvoirs, et l'on finirait par voir un maire ou un préfet traîné devant le tribunal correctionnel à cause d'un arrêté tordu.

M. le président.  - Amendement identique n°69 rectifié, présenté par MM. Portelli, Gélard, Lecerf, Virapoullé et de Richemont.

M. Hugues Portelli.  - L'argumentation de la commission est pertinente.

J'ajoute que l'unanimité constatée à l'Assemblée nationale résulte d'une alliance curieuse dont certains membres sont hostiles à l'existence de deux ordres de juridiction, donc de la juridiction administrative bien qu'elle ait longtemps défendu les libertés publiques...

M. Michel Charasse.  - Elle était la seule !

M. Hugues Portelli.  - ...contre l'État.

J'observe à ce propos que l'interdiction faite par le pouvoir révolutionnaire au juge judiciaire de juger l'État...

M. Michel Charasse.  - Interdiction itérative !

M. Hugues Portelli.  - ...s'explique par l'hostilité très ancienne qu'avaient manifestée les parlements d'ancien régime envers l'autorité publique. Il ne faut donc pas croire que la justice judiciaire ait toujours été ce qu'elle est aujourd'hui.

La deuxième partie des députés ayant voulu introduire dans la Constitution cette référence à la détermination législative des blocs de compétence juridictionnelle regroupe ceux qui veulent retirer le contentieux des étrangers au juge administratif, car sa jurisprudence leur paraît trop libérale.

Je récuse ces deux motivations.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement identique n°189, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Mme Éliane Assassi.  - L'amendement de l'Assemblée nationale a été adopté à l'unanimité par sa commission des lois. En séance publique, le débat s'est focalisé sur les conséquences de cette disposition pour le contentieux des étrangers, bien que son rapporteur, M. Warsmann, se soit bien gardé d'évoquer autre chose que l'expropriation, les accidents ou le contentieux du sport. C'était sans compter avec son ami M. Mazeaud, qui souhaite confier ce contentieux au seul juge judiciaire.

Auditionnée par la commission Mazeaud, j'ai exposé l'opinion des élus communistes.

L'alinéa que nous voulons supprimer porte atteinte à la séparation des pouvoirs. Or, la modernisation de nos institutions ne justifie pas que l'on remette en cause le contrôle des actes administratifs par un juge du droit public différent de celui du droit privé.

S'agissant des étrangers, le juge administratif se prononce sur les actes de l'administration, le juge des libertés et de détention vérifie si les droits des personnes en zones d'attente ont été respectés depuis leur interpellation jusqu'à leur placement en détention. Rien ne justifie de regrouper les deux ordres de juridiction, ni de créer une juridiction spéciale, sauf à éviter la libération de ceux que la police et la gendarmerie s'évertuent à arrêter.

Il est vrai que 70 % des mesures d'éloignement ne sont pas mises en oeuvre, soit parce qu'elles sont annulées par le juge administratif, soit faute de laissez-passer consulaires, soit parce qu'il est impossible de placer les intéressés en détention.

A droite, beaucoup sont exaspérés par l'action des juges, qui se contentent pourtant d'appliquer le droit. D'où la volonté de supprimer l'actuel système dual, pour atteindre les objectifs chiffrés d'expulsions fixés par le Gouvernement.

Le vrai problème vient de la politique d'immigration du Gouvernement, qui conduit à multiplier les procédures et donc à augmenter le risque d'irrégularités sanctionnées par le juge.

M. le président.  - Amendement identique n°294 rectifié, présenté par MM. Mercier, Amoudry, Badré, Biwer, Mmes Dini, Gourault, Payet, MM. Deneux, Merceron, Nogrix, Mme Morin-Desailly, MM. Jean-Léonce Dupont, Christian Gaudin et Zocchetto.

Supprimer le 3° de cet article.

M. Pierre Fauchon.  - Nous souhaitons supprimer la disposition introduite par l'Assemblée nationale. Il s'agit d'un problème réel, et il ne suffit pas, pour y répondre, de dire que la distinction des juridictions est essentielle à la séparation des pouvoirs. Il existe des sociétés très évoluées où cette distinction n'existe pas : le système de Guantanamo vient par exemple d'être condamné par la Cour suprême des États-Unis et non pas par une juridiction particulière.

La difficulté est la suivante. Pour ce qui est du contentieux en annulation, c'est-à-dire de la contestation de la régularité d'un acte administratif, il est compréhensible qu'il soit soumis à une juridiction particulière. Mais pour ce qui est du contentieux en réparation, qui n'existait pas au début du XIXe siècle car l'administration n'intervenait pas dans le domaine économique et social, il est singulier qu'il soit soumis tantôt au juge administratif, tantôt au juge judiciaire, alors qu'il s'agit des mêmes faits ! Prenons l'exemple d'un problème de construction : si vous vivez dans une HLM, vous devrez saisir le juge administratif, mais si vous vivez dans un bâtiment privé, vous devrez saisir le juge judiciaire. C'est la même chose en cas d'accident médical : il ne relève pas de la même juridiction selon qu'il s'est produit dans un hôpital public ou dans une clinique privée ! La conséquence de cela, c'est que chacun applique le droit qu'il veut appliquer. Il faut vingt ans pour que les deux jurisprudences se rejoignent. Or nous votons des lois dont l'application doit être universelle. Je rappelle -on l'oublie trop souvent- que les juridictions administratives ne reconnaissent pas les dispositions du code civil : il est seulement dit qu'elles peuvent s'en inspirer. Cette dualité était tellement choquante au sujet des accidents de la circulation qu'on a été obligé d'unifier la procédure par une loi spéciale. D'autres lois spéciales seraient opportunes, dans le domaine de la construction par exemple, et peut-être dans le domaine du droit des étrangers.

Nous pouvons donc remédier à cette situation par des lois spéciales, et je préfère cela plutôt que de conserver l'amendement de l'Assemblée nationale, dont la formulation ne me paraît pas bonne. Soyons conscients cependant que la dualité des juridictions pose problème : malgré toutes les analyses et les commentaires savants auxquels elle donne lieu, elle contribue à faire de notre justice un sphinx bien peu compréhensible pour les justiciables.

M. le président.  - Amendement identique n°365, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Supprimer le 3° de cet article.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le 3° de cet article a suscité des inquiétudes auprès de nombreuses associations, notamment de celles qui oeuvrent en faveur des droits des étrangers. Son objet, tel qu'il a été défini par son promoteur, M. Warsmann, est de donner la possibilité au législateur de créer des blocs de compétences afin de faciliter l'accès au juge. Mme Assassi nous a exposé le lien entre cette disposition et les travaux de la commission Mazeaud : je n'y reviens pas. Elle constitue une menace pour la justice administrative. En particulier, elle augure de façon inquiétante le traitement que l'on va réserver au contentieux des étrangers. Il ne s'agit pas d'une disposition technique : elle traduit la volonté du Gouvernement de créer une justice d'exception pour les étrangers, en privant le juge administratif de ses compétences en la matière. Or nul ne saurait douter de la compétence ni de l'efficacité du juge administratif, qui assure une protection rigoureuse des droits et des libertés des étrangers. Une protection trop rigoureuse, peut-être, pour certains... Une réforme de l'ordre administratif serait sans doute nécessaire, afin de garantir son indépendance. Mais cette disposition pourrait conduire à museler le juge administratif face au comportement parfois indigne et arbitraire des administrations vis-à-vis des étrangers. Nous proposons donc la suppression du 3°, et nous considérons qu'il est préférable d'attendre le rapport de la commission Mazeaud pour discuter de ce problème.

M. le président.  - Amendement identique n°448, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Supprimer le 3° de cet article.

M. Richard Yung.  - Cet amendement va dans le même sens que les précédents. J'insisterai sur deux points. D'une part, cette disposition peut porter atteinte à la séparation des pouvoirs. En permettant au législateur de créer des blocs de compétences sans tenir compte de la dualité des ordres, elle permet de transférer sans limites au juge judiciaire le contentieux des actes administratifs dans un domaine déterminé. Elle constitue donc une menace pour l'existence d'une juridiction administrative indépendante.

D'autre part se pose le problème de la justice des étrangers. Le Conseil constitutionnel a censuré en 1989 des dispositions confiant au juge judiciaire la compétence pour juger des arrêts préfectoraux de reconduite à la frontière. Cette jurisprudence serait remise en cause par la nouvelle disposition qui permettrait d'unifier entre les mains d'un seul juge le contentieux des étrangers. Ce qui se profile à l'horizon, c'est la création d'une nouvelle juridiction spécialisée pour les étrangers, éventuellement par une loi spéciale -expression que je n'aime pas beaucoup car ses connotations sont inquiétantes...

Enfin, la commission Mazeaud poursuit ses travaux, et il est assez curieux que M. Warsmann, qui en fait partie, ait présenté cet amendement avant même que la commission ait rendu ses conclusions...

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme Nathalie Goulet, MM. Fortassin et André Boyer.

Dans le 3° de cet article, après les mots :

sous réserve

insérer les mots :

du principe de la séparation des pouvoirs visé à l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et

M. Michel Charasse.  - Il s'agit d'un amendement de repli. Si la disposition adoptée par l'Assemblée nationale est maintenue, il convient de préciser que la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels ne pourra remettre en cause le principe de séparation des pouvoirs visé à l'article 16 de la Déclaration de 1789. Il faut que les choses soient dites clairement. Il n'est pas question d'accepter aujourd'hui que le juge judiciaire puisse empiéter sur les domaines qui relèvent de la juridiction administrative en vertu de la séparation des pouvoirs.

M. le président.  - Amendement n°84, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf.

Supprimer le 4° de cet article.

M. Hugues Portelli.  - Il est défendu.

L'amendement n°58 n'est pas défendu.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur  - Tous les amendements sont identiques, sauf l'amendement n°84 qui est satisfait par les autres, et je me réjouis que cette question importante fasse l'unanimité parmi les groupes politiques de notre assemblée.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Ce texte résulte d'un amendement, présenté par le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale et adopté par cette dernière, qui vise à étendre au domaine de la loi la répartition des compétences entre les ordres juridictionnels.

M. Michel Charasse.  - On le fait déjà !

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Le Conseil constitutionnel permet déjà au législateur de créer des blocs de compétences afin de simplifier l'accès au juge pour les justiciables. Cela a été fait, par exemple, en 1987 dans le domaine de la concurrence, au profit du juge judiciaire ; en 2001 en matière de marchés publics, au profit du juge administratif ; et cette année pour le contentieux de la rupture conventionnelle du contrat de travail, au profit du juge judiciaire. Quant au droit des étrangers, l'amendement ne le concernait pas ; la commission Mazeaud a été chargée de réfléchir à la simplification des contentieux dans ce domaine. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat au sujet de la suppression du 3°. Il est en revanche défavorable à l'amendement n°17 rectifié bis, qui ajoute un simple rappel au droit existant.

M. Michel Charasse.  - C'était un amendement de repli.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - En ce qui concerne le 4°, qui stipule que la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales, nous avons voulu le faire remonter dans l'article premier, par souci de cohérence. Le Gouvernement est donc favorable aux amendements n°s107 et 84, qui tendent à supprimer le 4°.

L'amendement n°107 est adopté.

Les amendements n°s16 rectifié bis, 69 rectifié, 189, 294 rectifié, 365, 448, 84, 17 rectifié bis et 58 deviennent sans objet.

M. le président.  - Amendement n°503 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Après le 3° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le huitième alinéa est complété par les mots : « ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales » ;

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - On a remarqué à de nombreuses reprises les insuffisances du statut des élus locaux. L'Observatoire de la décentralisation, présidé par M. Jean Puech, a souhaité que nous saisissions l'occasion de cette révision constitutionnelle pour inscrire dans la Constitution que la loi détermine le statut des élus locaux.

Nos collègues souhaitaient que ce statut soit fixé par une loi organique. Le statut des magistrats, comme celui des parlementaires, est fixé par une loi organique car il s'agit d'une autorité constitutionnelle, mais il n'est pas possible de prévoir une loi organique pour ce qui relève de la loi ordinaire.

Jean Puech estimait que la Constitution devait prévoir l'élaboration de ce statut. Je l'ai suivi sur ce point, et M. Gouteyron défendra un amendement dans ce sens. Le code des collectivités territoriales contient déjà plusieurs dispositions sur les retraites, la formation, les autorisations d'absence... Le statut des élus locaux reposera désormais sur un fondement constitutionnel. Nous pourrons le compléter et lui donner davantage de clarté et de cohérence. Nous pourrons nous appuyer pour cela sur les travaux de l'Observatoire de la décentralisation, présidé par Jean Puech.

M. le président.  - Sous-amendement n°504 à l'amendement n° 503 rectifié de M. Hyest, au nom de la commission des lois, présenté par M. Cointat, Mmes Garriaud-Maylam, Kammermann et M. Ferrand.

I. - Au début du second alinéa de l'amendement n° 503, remplacer les mots :

Le huitième alinéa est complété par les mots

par les mots :

Après les mots : « assemblées parlementaires », la fin du huitième alinéa est ainsi rédigée :

II. - Dans le même alinéa de l'amendement n° 503, avant les mots :

ainsi que les conditions d'exercice

insérer les mots :

, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France

M. Christian Cointat.  - Cet ajout est particulièrement important pour nos compatriotes expatriés. Lors de la révision constitutionnelle qui accompagnait la loi de décentralisation, le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait accepté un amendement à l'article 39 mentionnant les instances représentatives des Français établis hors de France dans le cadre de la priorité d'examen conférée au Sénat. L'Assemblée nationale a retiré cette référence pour ne pas donner une priorité au Sénat alors que la création de députés représentant les Français établis hors de France était envisagée. Elle nous a ainsi renvoyés dans la nuit où nous nous retrouverons seuls puisque la décentralisation est effective.

Ce sous-amendement propose de rétablir la mention des instances représentatives des Français de l'étranger à l'article 34, où elle a plus sa place. Ainsi, elles relèveront clairement du domaine de la loi.

M. le président.  - Amendement n°151 rectifié quinquies, présenté par MM. Puech, Arthuis, Bailly, Barraux, Bernard-Reymond, Jacques Blanc, Bourdin, Braye, Dallier, Dériot, Doligé, Mme Bernadette Dupont, M. François-Poncet, Mme Gisèle Gautier, MM. Gouteyron, Hérisson, Kergueris, Mercier, Milon, Mortemousque, Nogrix, Pierre, Mme Procaccia, M. Saugey, Mme Troendle et M. Vial.

Après le 3° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le huitième alinéa est complété par les mots : « ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales » ;

M. Adrien Gouteyron.  - Nous devons cette initiative au président de l'Observatoire de la décentralisation, auquel s'est joint un nombre significatif de collègues. Jean Puech souhaite que les élus locaux soient reconnus par la Constitution et qu'un statut leur soit accordé. Les auteurs avaient prévu de présenter cet amendement dans un article additionnel après l'article 30, mais le président Hyest nous a indiqué qu'il serait plus à sa place à l'article 34.

Nous serons satisfaits si l'amendement de la commission est adopté.

M. le président.  - Sous-amendement n°155 rectifié bis à l'amendement n°151 rectifié de M. Puech, présenté par MM. Cointat, Duvernois, Mmes Kammermann et Garriaud-Maylam.

Compléter le dernier alinéa de l'amendement n° 151 rect. quinquies par les mots :

et des instances représentatives des Français établis hors de France

M. Christian Cointat.  - Ce sous-amendement, qui concerne le mandat des élus des instances représentatives des Français établis hors de France, avait initialement été présenté ailleurs. Il a suivi le déplacement de l'amendement précédent. La réunion de l'ensemble dans un même texte est un peu lourde, mais cette mention répond à une revendication de longue date de l'Assemblée des Français de l'étranger, qui sont eux aussi des élus et souhaiteraient disposer d'un statut. Je ne voudrais pas, cependant, abuser et m'en remettrai à votre sagesse sur ce point si le sous-amendement n°504 est satisfait.

M. le président.  - Amendement n°43 rectifié bis, présenté par M. Cointat, Mmes Kammermann, Garriaud-Maylam et M. Ferrand.

Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - l'organisation des instances représentatives des Français établis hors de France ; » ;

M. Christian Cointat.  - Lorsque l'on représente une population importante, mais dépourvue de territoire, il faut être prudent. J'ai donc prévu un parachute ventral... (Sourires) Si le sous-amendement n°504 est satisfait, cet amendement n'aura pas lieu d'être.

M. le président.  - Amendement n°453, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

 ...° Après le quatorzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 « - de l'organisation des instances représentatives des Français établis hors de France ; »

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Cet amendement est proche des amendements de M. Cointat, mais nous préférons le placer après le quatorzième alinéa de l'article 34. Bien que sans territoire, ou « extra-territoriale », nous souhaitons que l'Assemblée des Français de l'étranger soit considérée comme une collectivité territoriale -« d'outre-frontière », selon l'expression de M. Cointat.

M. le président.  - Amendement n°454, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le 3° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France ; »

M. Richard Yung.  - Cet amendement concerne le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France. Nous voulons inscrire ces règles dans le marbre et institutionnaliser une décision du conseil constitutionnel.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°151 rectifié quinquies, identique à l'amendement de la commission. La commission est favorable aux préoccupations des représentants des Français établis hors de France et au sous-amendement n°504 de M. Cointat -ses autres amendements seront alors satisfaits.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - L'amendement n°503 rectifié bis propose que la loi fixe les règles et les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales. Ce domaine relève des compétences du législateur car il touche aux libertés fondamentales, qu'il s'agisse du libre exercice de leur mandat par les élus, des garanties données au citoyen pour l'exercice des libertés publiques ou du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Le Gouvernement est sensible à la position de la commission des lois, qui souhaite que ces dispositions figurent à l'article 34 pour les situer clairement dans le domaine législatif. Il est important de reconnaître le statut des élus locaux, qui s'engagent sur le terrain avec dévouement, au service de nos concitoyens. (Marques d'approbation sur les bancs UMP) Avis favorable.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ca fait plaisir !

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - M. Cointat souhaite, par l'amendement n°504, placer clairement le régime électoral des instances représentatives des Français établis hors de France dans le domaine de la loi.

Cette compétence est d'autant plus légitime que ces parlementaires sont élus par l'Assemblée des Français de l'étranger. Favorable à l'amendement n°503 et au sous-amendement n°504.

M. Bernard Frimat.  - Je remercie le président-rapporteur de la commission d'avoir su mettre de l'ordre et de l'unité dans ce qu'avait produit l'imagination foisonnante de M. Cointat.

Le sous-amendement n°504 est adopté.

Les amendements identiques n°s 503 rectifié et 151 rectifié quinquies sont adoptés.

Le sous-amendement n°155 rectifié bis et les amendements n°s43 rectifié bis, 453 et 454 deviennent sans objet.

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié bis, présenté par M. Cointat, Mmes Garriaud-Maylam et Kammermann et M. Ferrand.

Après le 3° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - le régime législatif et l'organisation particulière des Français établis hors de France ; » ;

M. Christian Cointat.  - Il ne s'agit pas d'imagination foisonnante mais de parachute ventral ! Mes amendements ont été déposés avant que la commission n'adopte le sien et je ne voulais pas les retirer trop vite. Maintenant, l'essentiel est acquis. Reste toutefois le statut des élus, mais j'ai compris que la situation n'était pas tout à fait mûre. J'ai fait un appel.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'appel du 19 juin ! (Sourires)

M. Christian Cointat.  - Mon amendement ne fait que reprendre une disposition de la Constitution qui concerne, elle, non des citoyens sans territoire mais un territoire sans habitants, les terres australes et antarctiques. Les Français de l'étranger ont des spécificités, qui doivent être prises en considération.

Je me rangerai à l'avis de la commission et du Gouvernement.

M. le président.  - Amendement identique n°452, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga et M. Yung.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Notre amendement a le même objet. Les Français de l'étranger sont soumis à des dispositions particulières en droit de la famille et en droit de la nationalité. Il faut en tenir compte.

Mais l'essentiel est acquis avec le vote qui vient d'avoir lieu.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Retrait : ces amendements se recoupent avec ce qui vient d'être adopté.

Les amendements identiques n°s42 rectifié bis et 452 sont retirés

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par MM. Virapoullé et Lecerf.

Après le 4° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le quinzième alinéa est complété par les mots : « et de la recherche » ;

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Je le reprends, puisque la commission l'a adopté. De fait, cette précision est importante.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - On peut comprendre vos motivations mais une telle mention n'a rien à faire à l'article 34. Le législateur intervient déjà largement pour la recherche, notamment biomédicale, et il y aura bientôt des lois de programmation, sans oublier l'examen des lois de finances. Mais cet article ne concerne pas la matière des textes. Sagesse.

L'amendement n°59 rectifié est adopté.

M. le président. - Amendement n°450, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le dix-huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - du droit de toute personne à disposer d'un logement décent. » ;

Mme Bariza Khiari.  - Cet article, inspiré par M. Repentin, permettra de ne plus faire dépendre le droit au logement d'une interprétation jurisprudentielle sujette à revirement. En effet, plusieurs décisions de justice ayant à considérer l'opposabilité du droit au logement se sont contredites, et ce n'est pas la loi du 5 mars 2007 qui va changer les choses !

« La possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent » a déjà été reconnue par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 19 janvier 1995, comme objectif de valeur constitutionnelle résultant à la fois des alinéas 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946 et du « principe à valeur constitutionnelle » de « sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation » qu'implique le préambule de 1946 dans son ensemble. La mention de ce droit figure aussi à l'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, à l'article 11 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ou encore l'article 31 de la charte sociale européenne. Mais la jurisprudence a souvent varié.

En 2002, un couple avait invoqué les dangers de son logement et saisi le juge administratif des référés pour qu'il impose à la mairie de Paris et au préfet de lui procurer un logement en attendant la réhabilitation du sien. Le Conseil d'État avait rejeté cette requête et on en avait déduit que le droit au logement, malgré sa valeur constitutionnelle, ne constituait qu'un simple objectif à atteindre pour les pouvoirs publics et pas un droit invocable par les particuliers. Et il aura fallu attendre le 5 mars 2007, suite au mouvement médiatique des Enfants de Don Quichotte, pour que vous consentiez à rendre ce droit opposable. Désormais, le code de la construction et de l'habitation prévoit en effet que : « Le droit à un logement décent et indépendant, [...] est garanti par l'État à toute personne qui [...] n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir. »

Aujourd'hui, nous vous proposons simplement de reprendre à votre compte la réalité jurisprudentielle selon laquelle le Préambule de la Constitution a valeur de droit positif. Pouvez-vous refuser d'inscrire le droit au logement dans l'article 34 au motif qu'il serait incongru de citer un droit fondamental qui découle déjà de l'interprétation du bloc de constitutionnalité ? Si vous êtes cohérents, la réponse est non. Souvenez-vous qu'en 2004, à l'occasion de la révision constitutionnelle visant à adopter la charte de l'environnement, le Parlement a élargi le domaine de la loi à la préservation de l'environnement, en ajoutant un alinéa juste là où nous vous proposons aujourd'hui d'ajouter la mention explicite du droit au logement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cet amendement serait réducteur. Les règles relatives au droit du logement sont du domaine de la loi, à preuve celle du 5 mars 2007. Mais le droit au logement comporte nombre d'autres aspects que le droit à un logement décent. Votre amendement est en retrait par rapport au préambule de 1946. Défavorable, pour rendre service à ceux qui ont besoin de faire valoir leur droit au logement.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - L'article 34 ne fait qu'énumérer les matières législatives. Le droit au logement est un objectif, pas une matière législative. On peut voir ce qui ressortira des travaux du comité Veil.

Mme Bariza Khiari.  - Laissez-moi vous démontrer que cela sera utile. La jurisprudence n'a pas toujours été constante. Pour guider le juge, le législateur est en droit de vouloir faire plus et mieux qu'une loi ordinaire. La loi du 5 mars 2007 commence d'ailleurs à montrer ses effets pervers : des juges ont considéré qu'elle ne donnait pas un droit au logement mais un droit d'accès à une procédure !

Le 5 juin, le Conseil de l'Europe a dénoncé une insuffisance manifeste d'offre de logements sociaux dans notre pays, estimant que ceci constituait une violation de la charte des droits sociaux. Mme Boutin a déclaré que l'observation valait pour la situation d'avant la loi Dalo. Si vous souhaitez donner toutes ses chances à cette loi, adoptez cet amendement !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le raisonnement de M. le rapporteur me surprend...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Souvent, les vôtres aussi me surprennent !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous dites que, pour garantir le droit au logement, mieux vaut ne pas l'inscrire à l'article 34 de la Constitution. Cet article mentionne pourtant l'enseignement, l'environnement, le droit syndical, la sécurité sociale. Le logement y a toute sa place, d'autant que le terme ne figure pas dans la Constitution, alors que l'environnement est mentionné. L'environnement, du reste, ne consiste-t-il pas aussi dans les conditions de vie concrètes de nos concitoyens ? Enfin, l'article 34 mentionne la propriété, droit important, reconnu depuis la Révolution française, qui établit un lien supplémentaire avec le logement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - L'article 34 dispose que la loi fixe les règles relatives au droit du travail, et non pas du droit au travail, la différence est de taille ! Le droit au travail est mentionné dans le Préambule !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Donc vous seriez favorable à ce que l'article 34 mentionne aussi le droit du travail ? (Exclamations à droite)

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°450 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages exprimés 160
Pour l'adoption 118
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. - Amendement n°455, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...°Après le dix-huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - de la liberté, du pluralisme et de l'indépendance des médias ; ».

M. David Assouline.  - Il faut que, dans cette Constitution « rénovée », figure la mention de la liberté, du pluralisme et de l'indépendance des médias. J'ai d'abord souhaité que ce soit dès l'article premier, vous m'avez répondu comprendre l'intention, mais que la place n'était pas la bonne. Je reviens donc à la charge. La loi doit respecter ces principes, ce qui se traduit très concrètement, par exemple, lors des prises d'intérêt économique dans les entreprises de presse. L'influence des médias ne cesse de croître depuis 1958 dans la vie publique et la vie sociale, il faut garantir leur pluralisme et leur indépendance !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias sont des principes fondamentaux qui doivent relever de la loi : avis favorable.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Ces principes sont fondamentaux, mais il est inutile de les mentionner à l'article 34, qui répartit les compétences entre le domaine législatif et le domaine réglementaire. La liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias relèvent des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour exercer leurs libertés publiques, ils sont liés à la liberté d'opinion et de communication, reconnue par les articles X et XI de la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Le Conseil constitutionnel a rappelé leur valeur constitutionnelle par des décisions de 1982, 1986 et 1989, de même qu'il a reconnu la valeur constitutionnelle de la liberté de la presse en 1984. Il n'y a donc pas lieu d'énumérer les libertés publiques à l'article 34. Avis défavorable.

M. Michel Charasse.  - Je m'inquiète de la rédaction de cet amendement. Il place la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias parmi les matières dont la loi « détermine les principes fondamentaux ». La liberté d'opinion et de communication, reconnue par la Déclaration de 1789 comme l'un des droits les plus précieux de l'homme, relève essentiellement de la loi, le domaine réglementaire y est très restreint, nous nous en sommes aperçus en créant les autorités administratives indépendantes compétentes en la matière.

On nous propose à présent de l'inscrire à la fin de l'article 34, parmi les principes. Cela équivaudrait en somme à un déclassement partiel d'une matière qui, pour l'instant, relève entièrement du domaine de la loi, qui en fixe les règles. Je suggère de la faire remonter au troisième alinéa de l'article.

M. David Assouline.  - Rectification pertinente. Je la reprends à mon compte.

M. le président.  - Ce sera donc l'amendement n°455 rectifié, rédigé comme suit :

Amendement n°455 rectifié, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le 3° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...°Dans le troisième alinéa, après les mots : «  libertés publiques ;», sont insérés les mots : « la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ; ».

M. David Assouline.  - Je m'inquiétais de voir, depuis qu'ont débuté nos débats, aucun amendement socialiste retenu.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Faux.

M. David Assouline.  - Aussi me suis-je réjouis d'entendre la commission des lois émettre, dans sa sagesse, un avis positif sur celui-ci. Et voilà que Mme la ministre s'y oppose. Ce refus, venant d'un Gouvernement qui prétend renouer un dialogue constructif avec l'opposition, sonne comme un aveu. Je demande à notre Assemblée de suivre sa commission des lois afin de permettre à cette proposition, si elle est perfectible, de s'affiner au cours de la navette.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'avais proposé un amendement portant article additionnel avant l'article premier, qui disposait que les droits fondamentaux sont garantis par la Constitution. Je regrette qu'il ait été repoussé et je voterai celui-ci.

L'amendement n°455 rectifié est adopté.

L'article 11, modifié, est adopté.

Article 12 (Supprimé)

M. le président. - Amendement n°109, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article 34-1 ainsi rédigé :

« Art. 34-1.- Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par une loi organique. Sont irrecevables les propositions de résolution mettant en cause, directement ou indirectement, la responsabilité du Gouvernement. »

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Alors que le Gouvernement, suivant en cela le comité Balladur, donnait aux assemblées, dans son texte initial, la possibilité de voter des résolutions, nos collègues députés ont, estimant cette latitude dangereuse, préféré la supprimer. Il me semble pourtant que les résolutions, dès lors que leur usage est encadré, présentent un réel intérêt.

Le Parlement doit assumer sa fonction tribunicienne, qui trouve dans les résolutions son moyen d'expression le plus naturel, comme en témoigne l'expérience d'une grande majorité des parlements étrangers. Cette fonction ne peut se satisfaire de l'organisation de débats comme les questions orales avec débat qui n'ont pas vocation à déboucher sur une position formalisée. Dès lors, elle utilise le seul vecteur qui lui soit permis, la loi, au risque d'en dévoyer la nature. Lois mémorielles, déclaratoires : bien des dispositions législatives ont perdu tout caractère normatif. Le Parlement porte, comme le Gouvernement, une part de responsabilité.

M. Michel Charasse.  - Dites l'exécutif, pas le Gouvernement, car les dérives n'ont pas commencé avec celui-ci...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La possibilité de voter des résolutions offre ainsi une chance de recentrer la loi sur l'édiction de normes. Elle s'inscrirait dans un contexte très différent de celui des Républiques antérieures : sous l'empire de la Constitution de 1958, la responsabilité du Gouvernement ne peut être mise en cause que dans le cadre des dispositions de l'article 49. Enfin, l'expérience des résolutions européennes, introduites dans la Constitution par les révisions des 25 juin 1992 et 25 janvier 1999, montrent que le Parlement a fait un usage très mesuré du pouvoir qui lui a été reconnu.

Je vous propose en conséquence de conserver la disposition prévue dans le texte initial du projet de loi constitutionnelle en prévoyant cependant de renvoyer à la loi organique, et non aux règlements des assemblées, les modalités de mise en oeuvre du droit de voter des résolutions. Les propositions de résolution mettant en cause, directement ou indirectement, la responsabilité du Gouvernement, seraient en outre irrecevables.

Parmi les conditions fixées dans la loi organique, devraient figurer deux conditions : un nombre minimal de signatures et un examen préalable en commission. Le Parlement disposerait ainsi, entre fonction législative et fonction de contrôle, d'un instrument adapté pour formuler une position ou un voeu.

M. le président.  - Amendement identique n°138, présenté par M. de Rohan, au nom de la commission des affaires étrangères.

M. Josselin de Rohan.  - Je souscris aux propos du rapporteur. Nous avons voté trop de lois mémorielles qui ont eu des effets ravageurs sur nos relations diplomatiques. La possibilité de voter des résolutions y portera remède. J'estime également indispensable que les deux chambres aient un même corps de règle. D'où la nécessité d'inscrire le dispositif, non dans le règlement de chaque assemblée, mais dans la loi organique. Compte aussi le dispositif de filtrage : les résolutions peuvent aisément se transformer, si l'on n'y prend garde, en injonctions au Gouvernement. On en a vu, sous la IVe République, faites pour mettre sournoisement en cause le Gouvernement.

M. Michel Charasse.  - Sur l'ordre du jour !

M. Josselin de Rohan.  - Mais si elles sont bien encadrées et restent votives sans devenir injonctives, les résolutions peuvent se révéler utiles, y compris pour appuyer le Gouvernement dans sa politique étrangère.

M. le président.  - Amendement n°188, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré, un article ainsi rédigé :

« Art.... Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement. Elles s'imposent au gouvernement. »

M. Jean-François Voguet.  - Bien des dispositions proposées par le comité Balladur ont été d'emblée écartées par le Gouvernement. Il est d'autant plus regrettable que les députés aient jugé utile de supprimer l'une de celles qu'il avait retenue, la possibilité de voter des résolutions, pourtant très encadrée puisque leur domaine restait limité et qu'elles ne pouvaient prendre valeur contraignante. Cette faculté aurait permis de garantir le caractère normatif de la loi.

Les sénateurs, émus, sur plusieurs bancs, de cette suppression, proposent le rétablissement de l'article. Nous y sommes favorables, mais souhaitons aller plus loin, en les rendant impératives.

M. le président.  - Amendement n°278 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe UC-UDF.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. 34-1. - Sans préjudice de l'application des articles 49 et 50, les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement. »

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - L'unanimité qui se dégage pour le rétablissement du dispositif cache peut-être quelques désaccords quant à l'encadrement de l'exercice de ce droit. Il faut certes le rétablir, car il constitue la pierre angulaire de ce texte, tant il est emblématique de la revalorisation du rôle du Parlement. Mais c'est à chaque assemblée qu'il revient de décider souverainement, dans son règlement, des modalités techniques d'exercice de cette faculté.

Comme pour les résolutions européennes, il revient au règlement de chaque assemblée de fixer les conditions de l'exercice de ce droit. Nous espérons que les députés nous rejoindront.

M. le président.  - Amendement n°353, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. 34-1. - Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement. Une loi organique détermine le nombre maximum de résolutions que peuvent voter les assemblées par session ainsi que leur domaine. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je salue l'initiative de M. Hyest de rétablir les résolutions, si utiles pour les lois mémorielles. A condition qu'on ne les oublie pas dans les tiroirs comme certaines résolutions européennes... Cependant, son amendement renvoie à la loi organique, d'où un risque de dérive que le mien évite en laissant le règlement de chaque assemblée libre de décider.

M. le président.  - Amendement n°456, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l'article 34 de la Constitution, il est inséré un article 34-1 ainsi rédigé :

« Art. 34-1. - Les assemblées parlementaires peuvent voter des résolutions. Celles-ci sont transmises au Gouvernement et publiées au Journal officiel. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le sort des résolutions votées par les parlementaires a été scellé par le Conseil constitutionnel dès les débuts de la Ve République : ses décisions des 17 et 24 juin 1959 ont considérablement réduit leur champ. Dès lors, le Parlement est placé dans une situation dans laquelle il doit, pour exprimer une opinion, déposer des amendements ou des propositions de lois. Ces objets de communication relèvent davantage d'une littérature nourrie de fortes convictions que d'un véritable travail législatif d'établissement de la norme.

Il est très important de rétablir l'article 12 car il n'est pas convenable que le Parlement ne puisse s'exprimer sur des sujets essentiels parce qu'ils sont nationaux alors qu'il le peut quand ils sont européens. Nous ne pensons cependant pas qu'il soit utile de renvoyer à la loi organique ni qu'il faille interdire les résolutions susceptibles de mettre en cause directement ou indirectement la responsabilité du Gouvernement : il ne faut pas limiter la capacité de la représentation nationale...

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis  - Vive la IVe !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ces résolutions n'auront aucun effet normatif, ce qui n'était pas le cas sous la IVe.

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis.  - Vous revenez à vos anciens errements !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Nous souhaitons que la proposition puisse prospérer. Or l'Assemblée nationale, dont j'ai lu attentivement les débats, n'avait pas retenu la rédaction initiale. C'est pourquoi je tiens beaucoup à ce que la loi organique permette aux deux chambres d'avoir des positions de même nature. Il ne s'agit pas de mettre en cause directement ou indirectement la responsabilité du Gouvernement et, si l'on veut que l'Assemblée revienne sur son vote négatif, il faut prévoir un encadrement. Aussi, après avoir pensé à rétablir l'article, j'ai recherché un contrôle. Les autres amendements sont satisfaits au moins partiellement par le nôtre, sauf celui de Mme Borvo Cohen-Seat qui prévoit que les résolutions s'imposeraient au Gouvernement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je m'expliquerai.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement avait souhaité combler une lacune dans les modes d'expression du Parlement. La plupart des parlements disposent, avec les résolutions, d'un mode d'expression politique qui permet de dégager les lois de dispositions non normatives. Le Gouvernement n'avait pas été insensible aux observations sur les abus éventuels et il avait vu d'un oeil favorable les solutions alternatives de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Vos commissions empruntent une autre voie, en encadrant les résolutions. Il appartiendra aux assemblées d'éviter toute dérive pour que les projets de résolution mettant en cause directement ou indirectement la responsabilité du Gouvernement soient déclarés irrecevables. Le Conseil constitutionnel veillera à ce que la loi organique et le règlement des assemblées respectent ces règles. Sagesse sur les amendements n°s109 et 108 et avis défavorable sur les autres.

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis.  - L'amendement du groupe CRC est exactement à l'opposé de ce que nous voulons faire. Des résolutions qui s'imposent au Gouvernement marqueraient le retour à ce que nous avons souhaité éviter en 1958. Prenez un gouvernement qui doit aller mener une négociation compliquée à l'OMC ou dans un conseil européen, alors que l'opinion publique ou des professions sont profondément hostiles à toute concession. On entend le lier grâce à une résolution votée dans l'émotion du moment. Comment arriver à un accord sans aucune marge de négociation ? On peut rédiger une motion de manière à condamner d'avance le ministre qui aura consenti des concessions ! Il serait extrêmement grave de rendre dangereuse pour l'action gouvernementale une pratique que nous avons voulu bonne. La rédaction de la commission des lois permettra d'éviter cet inconvénient parce qu'elle prévoit l'indispensable filtre.

M. Michel Charasse.  - Malgré l'heure tardive, la discussion est intéressante car, si l'amendement des commissions est adopté, il ne sera pas si simple d'ajuster notre règlement. Nous sommes en effet dans un domaine proche des voeux d'intérêt général au conseil général : une résolution pourra, par exemple, demander au Gouvernement d'examiner la situation des handicapés. Il faut cependant apporter des précisions, parce que chacun comprend bien que, si la résolution ne peut directement ou indirectement mettre en cause la responsabilité du Gouvernement, celui-ci ne peut l'engager sur la résolution au titre de l'article 49-3. Cependant, une fois la résolution adoptée, rien n'interdit à l'opposition de déposer une motion de censure en application de l'article 49-2, le Gouvernement pouvant quant à lui recourir au 49-1. Il faudra donc veiller à ce qu'on ne mette pas dans le règlement ce que nous ne voulons pas qu'il y ait.

Ce dispositif n'a rien à voir avec les résolutions de la IVe République, dont l'objet était de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement, qui se sentait obligé de démissionner même lorsqu'elles étaient adoptées sans la majorité constitutionnelle requise pour le renverser.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Décidément, il faudra organiser un jour un débat sur la IVe République !

Je veux bien que l'on limite le champ de la résolution, mais je ne comprends pas comment le Gouvernement pourrait ne pas donner suite à une résolution votée par la majorité. Autant dire que le Parlement n'a que le droit de voter des voeux pieux !

M. Henri de Raincourt.  - C'est déjà pas mal !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je suis d'accord avec M. de Rohan : même si le Gouvernement tire le meilleur parti de la résolution, celle-ci ne s'impose pas au sens juridique du terme.

M. Michel Charasse.  - D'autant qu'elle sera votée par une seule assemblée !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mais la liberté d'expression du Parlement doit être entière : nous pouvons éventuellement critiquer telle ou telle disposition et souhaiter la voir réformée. Je m'interroge : qu'est-ce qu'une résolution mettant en cause la responsabilité du Gouvernement ? Pouvez-vous nous donner un exemple ? Il ne s'agit pas d'une motion de censure. Est-ce à dire que l'on ne peut critiquer le Gouvernement ? Dire par exemple que l'on soutient le Gouvernement quand il cherche à obtenir -sans succès- des avancées sur le prix du pétrole au Conseil européen, est-ce mettre en cause sa responsabilité ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - C'est parfaitement clair. Prenons l'exemple du Livre blanc sur la défense. Imaginons que le Parlement vote une résolution demandant que rien ne change.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La majorité ne la voterait pas !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Ce serait remettre en cause l'action du Gouvernement. (M. Jean-Marie Vanlerenberghe s'exclame) En revanche, une résolution disant que l'on comprend la nécessité de réformer les armées, mais que l'on souhaite qu'il soit tenu compte de l'aménagement du territoire, serait, elle, recevable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Puis-je reprendre la parole ? (Vives protestations sur les bancs des commissions et du Gouvernement)

M. le président.  - Vous vous êtes déjà exprimé. Il est tard.

M. David Assouline.  - Cet exemple a clarifié les choses mais contredit quelque peu l'interprétation de M. de Rohan, que je rejoignais. La notion de mise en cause de la responsabilité du Gouvernement est tellement subjective que l'on ne pourra aborder sans risque d'autres sujets que les petites fleurs et le beau temps !

La mesure proposée se rapproche des voeux votés par les conseils généraux : cela ne s'impose pas mais permet le débat. (M. le rapporteur le confirme) Mais les voeux ne peuvent être déclarés irrecevables, comme le souhaite M. Karoutchi pour ces résolutions !

On offre une avancée au Parlement sans porter atteinte à l'exécutif. Or, selon l'interprétation du ministre, la résolution ne pourra même pas être discutée si seulement elle conduit à critiquer ! C'est limiter considérablement ce nouveau droit.

M. Jean-Pierre Sueur.  - (M. le rapporteur et M. le ministre protestent) Je remercie le président pour son indulgence... L'exemple donné montre que l'on s'égare complètement. Que l'on ne puisse évoquer des secrets militaires, soit, mais la parole du Parlement sur des questions comme l'aménagement du territoire ou l'organisation de la défense est légitime, quelle qu'elle soit. Au nom de quoi limiterait-on sa liberté d'expression ?

M. Nicolas Alfonsi.  - La nature des choses rétablira un équilibre. Il y a toujours dans les parlements une majorité et une minorité, mais les résolutions devront aller plus loin que la seule majorité et le Gouvernement ne sera pas obligé par elle !

M. David Assouline.  - Il n'y aura jamais de résolution !

L'amendement n°109, identique à l'amendement n°138, est adopté.

Les amendements n°s188, 278 rectifié, 353 et 456 deviennent sans objet.

Articles additionnels

L'amendement n°389 rectifié n'est pas soutenu.

M. le président.  - Amendement n°461, présenté par M. Frimat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 36 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 36. - L'état de siège et l'état d'urgence sont décrétés en Conseil des ministres.

« Leur prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. »

M. Bernard Frimat.  - L'état de siège, qui date de 1849, est désormais peu usité. En revanche, l'état d'urgence a été utilisé en 1958 en Algérie, en 1961, en Nouvelle-Calédonie et, plus récemment, en 2005 dans les banlieues. En matière de libertés publiques, il entraîne une extension considérable des pouvoirs de police. Plutôt que de s'en tenir à la simple jurisprudence du Conseil d'État, nous proposons de constitutionnaliser l'état d'urgence. Cette proposition, qui figurait déjà dans le rapport Vedel, a été reprise par le comité Balladur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La mise en oeuvre de l'état d'urgence étant strictement contrôlée par le Conseil d'État, il n'est pas certain qu'une modification constitutionnelle apporte une garantie supplémentaire. Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Le Gouvernement avait inscrit l'état d'urgence dans son avant-projet de loi constitutionnelle, mais le Conseil d'État l'a persuadé que c'était inutile.

L'état d'urgence existe depuis 1955 ; il a été maintenu après 1958. En 2005, le Conseil d'État a vérifié la justification de sa mise en oeuvre. L'adjonction proposée est donc inutile.

M. Hugues Portelli.  - L'état d'urgence et l'état de siège résultent de lois très anciennes dont la rédaction est périmée. Le débat devrait porter sur le contenu, pas sur les modalités. Ne les inscrivons pas tout de suite dans la Constitution.

M. Michel Charasse.  - C'est déjà fait pour l'état de siège !

M. Bernard Frimat.  - Je suis fasciné par l'esprit d'ouverture du Gouvernement ! Quelle ouverture au dialogue ! Je trouve son attitude infiniment regrettable.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Vous avez un a priori.

M. Bernard Frimat.  - Que le Conseil d'État veuille conserver ses attributions, c'est une chose, mais l'état de siège, qui n'est pas utilisé, figure dans la Constitution, pas l'état d'urgence, qui est utilisé.

Je constate que le Gouvernement reste fermé même à l'ouverture de la commission. J'avais annoncé que nous tirerions les conclusions à la fin de notre débat. En première semaine vous n'avez rien accepté ; il vous reste une chance en deuxième semaine. (Rires)

L'amendement n°461 n'est pas adopté.

M. Christian Cointat.  - Nous votons de nombreuses lois, dont certaines restent inappliquées fautes de décrets, ce qui est infiniment regrettable. Mon amendement contribue à renforcer les pouvoirs du Parlement.

M. David Assouline.  - Ses pouvoirs n'augmentent pas !

M. le président.  - Amendement n°194, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 13 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 37 de la Constitution est abrogé.

Mme Odette Terrade.  - L'apparition d'un domaine réglementaire autonome est une des principales innovations constitutionnelles de la Ve République.

L'article 21 de la Constitution confie au Premier ministre le soin d'assurer l'exécution des lois. Nous ne le contestons pas, tant que les décrets restent subordonnés à la loi. C'est pourquoi nous demandons que les projets de décret soient transmis au Parlement, ce qui est rarement fait.

Cela dit, le texte constitutionnel et la pratique de la Ve République ont conféré au pouvoir réglementaire une force préjudiciable à la démocratie. La stricte réduction de l'initiative parlementaire et le recours accru aux ordonnances de l'article 38 signent le recul du pouvoir parlementaire.

L'article 37 de la Constitution confère au pouvoir exécutif une compétence normative propre. Comme nous l'avons déjà dit, le renforcement des droits du Parlement conduit à supprimer ce vaste domaine réglementaire réservé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La commission a adopté un amendement à l'article 3 du projet de loi pour approfondir le contrôle de l'application des lois. Le dispositif ne néglige pas les textes d'application. Le Sénat le fait depuis 1991.

L'ajout proposé n'est pas nécessaire, car il nous appartient aussi de contrôler la bonne volonté du Gouvernement dans l'application des lois. Il est parfois impossible de publier des textes d'application dans les six mois.

L'amendement n°194 est présenté par cohérence avec celui qui tendait à supprimer la définition du domaine de la loi. Par cohérence avec sa propre position, la commission est défavorable.

Mme Rachida Dati, Garde des sceaux.  - Le Gouvernement ne veut pas abroger l'article 37 de la Constitution.

Il partage l'objectif de M. Cointat, mais pas l'inscription du principe dans la Constitution, d'autant plus qu'il est prévu qu'une loi puisse y déroger.

M. Christian Cointat.  - J'avais déposé cet amendement avant de connaître le dispositif de contrôle élaboré par la commission. Par ailleurs, le Gouvernement a répondu dans le sens que je souhaitais à mon amendement d'appel. Je le retire donc.

L'amendement numéro 44 rectifié bis est retiré.

Mme Bariza Khiari.  - Nous le reprenons !

Le CV anonyme est un outil puissant pour combattre la discrimination à l'embauche, mais le Gouvernement traîne les pieds.

M. Jean-Pierre Sueur.  - M. Cointat aborde un problème très important, puisque tout gouvernement peut empêcher l'application d'une loi votée par le Parlement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Sauf si elle est d'application directe !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Après avoir éprouvé de grandes difficultés à faire voter un amendement, j'ai dû ramer pendant quatre ans pour obtenir son décret d'application.

En définitive, la volonté du législateur est continuellement bafouée.

Je regrette que la disposition présentée par M. Cointat ne comporte pas de sanctions.

Nous pouvons le critiquer mais si le ministre n'en tire pas les conséquences, nous n'avons aucun moyen d'agir. L'amendement de M. Cointat, repris par Mme Khiari, avait le mérite d'inscrire dans la Constitution que selon le droit commun, les décrets d'application doivent être publiés dans les six mois. Cela n'aurait pas empêché que la loi puisse prévoir des délais plus longs en cas de besoin. Si nous adoptons cet amendement, cela permettra l'application effective des textes que nous discutons souvent pendant des heures !

M. Michel Charasse.  - Il est vrai qu'il est irritant de voir que les décrets d'application de textes que nous votons souvent dans l'urgence sont publiés six mois, un an ou deux ans plus tard. Mais si on veut que les autorités exécutives appliquent les textes votés dans des délais stricts, il faut aussi penser à ces autres autorités exécutives que sont les maires, les présidents de conseils généraux et régionaux, qui ne se bousculent pas pour appliquer des textes lorsque ceux-ci ne leur conviennent pas... Si le Gouvernement prend trop de retard dans la publication des décrets d'application, l'Assemblée nationale a la possibilité de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. Le Parlement pourrait éviter les retards excessifs en n'imposant pas dans les lois une multitude de décrets qui, pour la plupart, ne sont pas nécessaires.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur  - C'est vrai !

M. Michel Charasse.  - Il peut aussi proposer de supprimer dans les textes examinés la mention de décrets manifestement inutiles. Enfin le Parlement devrait arrêter d'imposer dans les textes législatifs la consultation d'une multitude d'organismes plus ou moins représentatifs : au bout d'un an on n'a pas réussi à voir tout le monde, et il est impossible dans ces conditions de tenir les délais. Il existe donc des moyens pour le Parlement d'imposer au Gouvernement de tenir ses délais, mais le Parlement devrait aussi balayer devant sa porte !

M. David Assouline.  - Nous avons l'ambition de revaloriser le Parlement dans la société. Or nos concitoyens constatent que beaucoup de lois sont votées, mais que les choses ne bougent pas, parce que ces lois s'empilent sans que les décrets d'application soient publiés. Au moment où l'on cherche à revaloriser le Parlement, l'inscription dans la Constitution de l'obligation de publier ces décrets dans un délai de six mois serait peut-être la mesure la plus perceptible. Elle aurait aussi des conséquences bénéfiques sur le travail parlementaire, car si les décrets d'application étaient rapidement publiés, on y réfléchirait à deux fois avant de faire une nouvelle loi sur un même sujet deux ans après la précédente !

L'amendement 44 rectifié ter n'est pas adopté.

M. Bernard Frimat.  - Monsieur le président, il est 2 heures passées, nous avons examiné ce soir soixante amendements, il en reste 243, nous avons encore deux jours pour achever leur examen devant nous. Étant donné les conditions dans lesquelles nous avons travaillé et la fatigue générale, je souhaite que nous nous interrompions, afin que chacun puisse vaquer demain à ses occupations.

M. Michel Charasse.  - Surtout avec ces courants d'air !

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Notre esprit d'ouverture nous conduit à applaudir à la proposition de M. Frimat !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur   Je suis à la disposition du Sénat, prêt à siéger indéfiniment s'il le juge nécessaire.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement fait confiance au Sénat pour que la discussion se poursuivre à un rythme soutenu lors des prochaine séances ; il n'a donc pas d'objection à ce que la séance soit levée.

Prochaine séance, lundi 23 juin à 15 heures.

La séance est levée à 2 h 5.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du lundi 23 juin 2008

Séance publique

À 15 HEURES ET LE SOIR,

Suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 365, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation des institutions de la Ve République.

Rapport (n° 387, 2007-2008) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Avis (n° 388, 2007-2008) de M. Josselin de Rohan, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

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DÉPÔT

La Présidence a reçu de M. Georges Mouly une proposition de loi visant à préciser l'établissement d'une servitude en dérogation à l'exigence d'une distance d'éloignement entre bâtiments agricoles et habitations ou immeubles occupés par des tiers.

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ERRATA

Dans le compte rendu du jeudi 19 juin 2008 :

- page 43, colonne de droite, quatorzième ligne avant la fin, bien lire « ce sera donc l'amendement n°48 rectifié bis » ;

- page 44, colonne de gauche, à la vingt-quatrième ligne, bien lire « l'amendement n°48 rectifié bis  est mis aux voix par scrutin public ».