Motion référendaire

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la motion de M. Jean-Pierre Bel, Mme Nicole Borvo-Cohen-Seat, M. Yvon Collin et plusieurs de nos collègues tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales.

La parole est à M. Jean-Pierre Bel. (Vifs applaudissements à gauche)

Discussion générale

Voix sur les bancs socialistes.  - Il y a un monde fou à droite !

M. Daniel Raoul.  - Passons au vote !

M. le président.  - C'est un scrutin public de droit...

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Devant un hémicycle déséquilibré, je vais relancer un débat qui se déroule dans un contexte ni anodin ni habituel. D'abord la crise financière, cette folie, est source d'incertitudes sur l'avenir telles qu'elles devraient appeler chacun d'entre nous, et particulièrement ceux qui sont amenés à prendre des décisions, à agir avec prudence. Ensuite, chacun sent bien aujourd'hui les inquiétudes qui se manifestent : inquiétudes exprimées par les élus de l'opposition, bien sûr, dont c'est, vous en conviendrez, la mission que de relayer les préoccupations du terrain, c'est le moins que l'on puisse attendre d'une démocratie ; mais inquiétudes aussi des élus de la majorité -même s'ils sont peu nombreux ce matin-, et non des moindres, face à des projets du Président qu'ils ont choisi, exécutés par le Gouvernement qu'ils défendent, que ce soit sur la taxe professionnelle, sur le rouleau compresseur lancé contre nos collectivités territoriales, sur la nécessité du recours à l'emprunt ou sur les exonérations fiscales dont bénéficient les sportifs de haut niveau ; inquiétudes, enfin et surtout, de nos concitoyens qui ont vu peu à peu disparaître leurs univers -les repères auxquels on s'accroche parce qu'ils facilitent le vivre ensemble- et qui s'angoissent de voir disparaître, jour après jour, ici une gendarmerie, là une perception ou un tribunal et, bien sûr, la présence territoriale postale. Oui, la présence postale s'effiloche de jour en jour avec des méthodes que chacun connaît : amplitudes horaires diminuant brutalement, agents non remplacés, déclassement des bureaux transformés en agences postales communales puis en points contact, hébergés ici dans une épicerie, là dans un commerce multiservices. Dans mon département de l'Ariège, on est passé en cinq ans de 90 bureaux de poste de plein exercice à 13 ou 14 aujourd'hui !

L'inquiétude de nos concitoyens est d'autant plus forte que La Poste a toujours été un élément de l'identité de notre pays et de ses territoires et qu'elle a fortement alimenté le lien social. Bref, il nous faut répondre à cette question : y a-t-il là un enjeu majeur pour le modèle républicain que nous sommes censés, les uns et les autres, soutenir et représenter ? Sommes-nous résignés...

Nombreuses voix à gauche.  - Non ! Non !

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion  - ...prêts à tout accepter sous prétexte que nous sommes confrontés à des évolutions qui nous dépassent, que les forces du marché doivent nous conduire, inéluctablement, sans même imaginer d'autres solutions, à nous débarrasser d'un statut d'établissement public pour aller vers une société anonyme, première étape, c'est une évidence, vers la privatisation, aboutissement logique d'un tel processus ?

Si vous considérez qu'il s'agit d'un élément consubstantiel de notre modèle social, alors oui, la question de la consultation du peuple français se pose. Parce que sur le fond, il y aurait d'autres raisons de s'inquiéter de cette évolution, en regardant par exemple ce qui se passe chez nos voisins qui ont choisi cette option. Tout montre, tout, que ce soit en Suède, en Grande-Bretagne ou ailleurs, que lorsqu'on met le doigt dans l'engrenage, le service public postal se détériore, ce qui justifie, à terme, la privatisation de la société anonyme.

M. René-Pierre Signé.  - La poste appartient aux usagers !

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Tous ici, nous avons en mémoire le plaidoyer de ceux qui, pour justifier la fin du monopole d'EDF ou la privatisation de GDF, nous assuraient que cela allait permettre de baisser les prix de l'énergie.

M. Guy Fischer.  - Ils nous ont menti !

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Et vous voudriez nous faire croire qu'une société anonyme, demain largement privatisée, continuerait à desservir les zones les moins accessibles, les territoires ruraux profonds, les territoires enclavés où s'acharnent à vivre des centaines de milliers de nos compatriotes ?

M. René-Pierre Signé.  - Ils s'abonnent au journal pour voir le facteur !

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Pour tous ceux qui font du service de La Poste une ardente obligation, à cause de son rôle essentiel pour l'équité entre les territoires et entre les citoyens, seul le recours au referendum peut valider un changement de cap. Les dispositions constitutionnelles adoptées en juillet 2008 et dont l'effectivité dépend de l'adoption d'une disposition de nature organique ont fait l'objet d'une initiative gouvernementale. Toutes sauf une, l'extension du referendum prévu par l'article 11 de la Constitution, qui reste la dernière disposition dont le Gouvernement s'est jusqu'à présent complètement désintéressé. (Exclamations à gauche)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Comme par hasard...

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Faut-il rappeler les propos de notre ex-collègue, ex-secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, Roger Karoutchi, ici même devant le Sénat le 12 février dernier ?

M. Daniel Raoul.  - Il a disparu !

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Je le cite : « Quant au projet de loi organique sur le référendum, nous y travaillons. Bien sûr, tous les textes prévus par la révision constitutionnelle seront présentés progressivement au Parlement au cours de l'année 2009. Je prends l'engagement de communiquer à la Haute assemblée, dans les semaines à venir, le programme et le calendrier précis en la matière, de manière que chacun sache dans quels délais l'ensemble des textes pourra être adopté ».

Mme Nicole Bricq.  - Il a été dégagé !

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Jamais nous n'avons eu un début de commencement de mise en oeuvre de cet engagement gouvernemental, jamais aucun calendrier ne nous a été communiqué ! S'agit-il d'un marché de dupes sur ce qui était censé renforcer le droit des citoyens ? Alors, faute de promesse tenue, nous sommes conduits à utiliser les outils à notre disposition, le texte constitutionnel de 1995 prévoyant que peuvent être soumises à référendum « les réformes relatives à la politique économique et sociale de la Nation et aux services publics qui y concourent ». Ce débat d'aujourd'hui, qui est au coeur des grands choix politiques qui s'offrent à nous, doit avoir lieu au grand jour et être tranché, en dernier recours, par le peuple souverain.

Parce que nous n'ignorons pas les difficultés, parce que nous sommes soucieux de contribuer au débat d'une façon utile à la nation, nous vous avons écouté, monsieur le ministre. Parlant de La Poste, vous avez déclaré : « Je vais la rendre imprivatisable », tout en reconnaissant introduire là un néologisme. (M. le ministre en convient, cependant que M. Signé juge la promesse impossible à tenir) Ces paroles m'ont rappelé celles prononcées en avril 2004 par M. Sarkozy, alors ministre de l'économie et des finances.

M. Nicolas About.  - C'est une bonne chose.

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - « Qu'est-ce qui nous garantit que la loi ne permettra pas de privatiser EDF-GDF plus tard ? Eh bien, la parole de l'État (éclats de rire à gauche) : il n'y aura pas de privatisation, parce que EDF et GDF sont un service public. »

M. Guy Fischer.  - Il y a mis son ami Proglio !

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Le 29 avril 2004, M. Sarkozy persiste en écrivant aux syndicats : « Ces sociétés resteront publiques et ne seront en aucun cas privatisées comptent tenu de leur caractère déterminant pour les intérêts de la France et pour la sécurité de nos approvisionnements. Leur capital restera majoritairement public. » Aujourd'hui, vous employez les mêmes mots.

M. René-Pierre Signé.  - Une habitude !

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Pourquoi vos paroles auraient-elles plus de poids que celles prononcées il y a quatre ans par le Président de la République lorsqu'il affirmait : « C'est clair, c'est simple, c'est net, il n'y aura pas de privatisation de GDF » ? (Vifs applaudissements à gauche)

J'ajoute que M. Guaino, conseiller spécial du chef de l'État... (Huées à gauche)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie.  - Il n'est pas élu !

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie.  - Sa parole est libre ; nous votons. Ce n'est pas Saint-Pierre.

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - ...a déclaré hier à ce propos : « ce qu'une loi fait, une autre peut le défaire ».

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - C'est évident.

M. Bertrand Auban.  - Il est honnête, lui !

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Il ne faut pas mentir aux Français : ériger une activité en service public national sans que la Constitution ne l'ait exigé n'empêche pas de transférer au secteur privé l'entreprise qui en a la charge.

Après vous avoir écouté, il m'apparaît clairement que vous entendez suivre le chemin en restant sourd aux avertissements légitimes envoyés de toutes parts. Vous choisissez une société moins solidaire, où l'écart entre les uns et les autres progressera sans cesse, où les dirigeants de sociétés anonymes entreront enfin dans l'univers des salaires mirifiques, des stock-options et des parachutes dorés.

Vous répétez inlassablement que jamais l'État n'ouvrira le capital, mais on prévoit déjà qu'une personne publique extérieure interviendra comme porteur de parts avant transmission à d'autres. Les élus locaux connaissent bien la Caisse des dépôts, qui joue ce rôle de porteur temporaire des projets sans demeurer perpétuellement au capital des entreprises financées. Ceux qui, dans vos rangs, voulaient limiter à 51 % la participation de l'État, anticipaient déjà la prochaine étape.

Le vrai problème est que l'État ne veut plus soutenir ce service public fondamental, alors qu'il ne rechigne pas à jouer ce rôle pour des banques privées, à une tout autre échelle ! Vous leur avez apporté sans contrepartie des dizaines de milliards d'euros...

M. Guy Fischer.  - Par siphonage du Livret A !

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - ...mais vous refusez de recapitaliser un exploitant public assurant des missions de service public.

J'ajoute que la Banque postale a échappé à la crise financière. Sa présence conforte donc le secteur public.

Sa transformation en société anonyme ouvre la voie à la privatisation de La Poste et fragilise ainsi le symbole même du service public. Ce choix important pour notre pays met en cause le neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, qui dispose : « Tout bien, toute entreprise dont l'exploitation a ou acquiert les qualités d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité. » Un tel choix doit être effectué par les Français.

Depuis que le Président de la République s'est prononcé, une mobilisation a eu lieu car nos concitoyens sont viscéralement attachés à ce service public. Nul ne peut le contester au vu de l'énorme succès remporté par la votation citoyenne mise en place par des bénévoles dans tous les départements : parmi les 2,3 millions de votants qui se sont prononcés, l'écrasante majorité a souhaité maintenir le statut actuel. Vous pouvez sourire devant ce résultat ou même le mépriser, mais le fait est là : un message très clair a été envoyé au gouvernement de M. Sarkozy contre la mise en cause systématique des services publics.

Il est indispensable que la volonté de nos concitoyens se concrétise par voie référendaire car ils ne comprendraient pas d'être exclus d'une décision aussi fortement liée à leur vie quotidienne.

Si vous allez à la rencontre de nos concitoyens, nous participerons au débat en disant que nous repoussons la privatisation, sans demander le statu quo. Nous voulons une poste démocratique, donnant la parole aux citoyens et aux usagers, une poste forte engagée au service du développement de notre pays dans le cadre d'un pôle financier public au plus près des territoires, une poste moderne prenant toute sa place dans l'ère numérique. Nous portons cette ambition avec fierté, satisfaits de voir toute la gauche rassemblée, les syndicats et de très nombreux élus mobilisés. Nous sommes fiers de mener ce combat au service des citoyens et des territoires que nous représentons.

Parce que nous pouvons tous partager ces valeurs, je vous invite à demander l'organisation d'un référendum sur l'avenir du service public postal ! (Applaudissements enthousiastes et prolongés à gauche, où Mmes et MM les sénateurs se lèvent et scandent longuement « Référendum ! » ; l'orateur, en regagnant sa place, est félicité par ses amis)

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie. (Applaudissements au centre et à droite, huées à gauche)  - Merci pour l'animation, mais elle ne changera rien à notre détermination. (Exclamations à gauche) Ainsi va la démocratie, sereinement.

M. Nicolas About.  - Sic transit gloria mundi.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Nous devons donc discuter une motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre à référendum le projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales.

Je commencerai par quelques rappels sur cet instrument de procédure, d'usage assez rare puisqu'on ne trouve que trois précédents, les deux premiers concernant l'organisation des pouvoirs en Algérie, puis en Nouvelle-Calédonie, et le dernier, en 2003, portant sur l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen. Jamais une telle motion n'a débouché sur un référendum d'initiative parlementaire. Enfin, c'est la première fois qu'en est saisie une commission autre que celle des lois.

Avant d'examiner la motion sur le fond, je voudrais formuler quelques remarques sur sa recevabilité. Formellement, elle est présentée en application de l'article 11 de la Constitution, dans la rédaction en vigueur depuis 1995, qui autorise le Président de la République à soumettre au référendum, notamment « sur proposition conjointe des deux assemblées » tout projet de loi comportant « des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent. » Indubitablement, la motion s'inscrit dans ce cadre. Elle est donc parfaitement recevable. (Exclamations satisfaites à gauche)

M. René-Pierre Signé.  - Premier point !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Venons-en au fond. Est-il nécessaire ou opportun de soumettre ce projet de loi à référendum ? Mettant fin sans tarder à un suspens insoutenable, je réponds ne pas le penser.

M. René-Pierre Signé.  - Vous avez tort !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Et ce pour deux raisons.

M. René-Pierre Signé.  - La crainte du résultat !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Ce texte s'inscrit dans la continuité des travaux menés par notre assemblée dans le secteur postal. Jamais l'article 11 n'a été utilisé sur les projets de loi en discussion : cela n'a pas été le cas lors de l'examen de la loi du 2 juin 1990, qui amorçait une rupture peut-être plus importante, et pas davantage pour celle du 20 mai 2005, dont j'avais été le rapporteur et qui créait la Banque postale ainsi que la nouvelle autorité de régulation. Le projet dont nous discutons a donc une histoire : ce n'est qu'une étape supplémentaire dans un processus engagé au niveau européen avec les trois grandes directives de 1997, 2002 et 2008. Il n'y a pas lieu de consulter le peuple sur un texte qui vient en compléter d'autres tout aussi importants et que personne n'avait jugé nécessaire de soumettre à référendum.

La deuxième raison tient au contenu même du projet. Contrairement à ce qu'avancent les auteurs de la motion, il n'a pas d'incidence directe sur la vie du pays et ne remet pas en cause la cohésion sociale. Sa principale disposition, la plus contestée aussi, celle qui permet la transformation de La Poste en une société anonyme, n'a pas d'impact sur ses missions. Comme nous nous escrimons à le rappeler, ses quatre missions de service public sont confortées et leur financement, qui était incertain, sera garanti. La Poste restera à capitaux entièrement publics, la présence postale sera maintenue et le personnel ne sera nullement affecté. On ne peut donc soutenir que le texte bouleverse l'offre postale et qu'il doit être soumis à référendum.

Pour ces deux raisons, la commission est défavorable à la motion, même si elle salue l'initiative de ses auteurs de réactiver un outil de procédure trop inusité. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

M. René-Pierre Signé.  - Vous allez le regretter !

M. Guy Fischer.  - C'est le service minimum.

M. Michel Teston.  - Pourquoi demander de soumettre le changement de statut de La Poste à référendum ? Parce que nous avons la conviction qu'il n'apporte aucune garantie que le capital de La Poste restera à 100 % public ! Nous le faisons en tant qu'interprètes des 2 300 000 Français qui se sont exprimés le 3 octobre. Selon le Gouvernement, La Poste doit rapidement changer de statut pour faire face aux défis de demain et satisfaire, urgemment, aux exigences européennes, mais il n'aboutira pas à une privatisation.

Elle manque de fonds propres ? Mais qui en est responsable, sinon l'État qui n'assume pas ses obligations en ne l'accompagnant pas financièrement pour les 17 000 points contact et pour le port de la presse, alors que l'Union européenne n'interdit pas des aides pour ces missions de service public ?

Il y aurait urgence à changer de statut pour se conformer à la directive. C'est inexact : la directive n'impose pas le statut de société anonyme et l'ouverture totale du marché postal est pour le 1er janvier 2011. Où est l'urgence ?

Le texte vise à donner à La Poste les moyens de se défendre et à la rendre imprivatisable (M. le ministre délégué le confirme du chef) mais nous savons tous, y compris M. Guaino, que ce n'est pas le cas. Le parallélisme des formes veut que ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - C'est la démocratie !

M. Michel Teston.  - Inscrire la formule service public national n'empêchera pas que, dans quelques années, un autre projet de loi ramène la part de l'État à moins de 50 %.

Voix sur les bancs socialistes.  - On connaît déjà la date !

M. Michel Teston.  - Le Gouvernement a une année devant lui pour faire voter la loi organique qui permettra la mise en oeuvre de l'article 11 modifié et la consultation du peuple par référendum.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.  - D'ici là elle sera morte. Est-ce ce que vous voulez ?

M. Michel Teston.  - Vous ne voulez pas le faire, ce sont donc les groupes d'opposition qui demandent l'organisation de ce référendum. Tel est l'objet de la motion que vient de présenter M. Bel. (Applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin.  - Sous l'impulsion non de son chef mais du Président de la République, le Gouvernement a installé, il y a un an, la commission Ailleret, dont le rapport a été remis sur commande en décembre dernier. En juillet, le projet a été déposé sur le bureau de notre Assemblée et, pour débattre sereinement, vous n'avez rien trouvé de mieux que de demander la procédure accélérée. Nous voici donc en plein débat sur l'avenir de La Poste, du service public à la française, le plus emblématique peut-être, et qui sera probablement le dernier. Je l'ai dit en conférence de presse et je le répète à cette tribune, La Poste est la vache sacrée du service public, il ne faut surtout pas y toucher.

Depuis la signature de l'Acte unique en 1986, et plus encore depuis l'adoption par différentes majorités de plusieurs directives, la réglementation européenne nous a contraints à l'ouverture. Nous ne devons pas pour autant remettre en cause la notion de service public. C'est toute la difficulté et toute l'ambiguïté.

L'échéance se rapproche pour La Poste. Faut-il pour autant cautionner le projet sans l'amender en profondeur et doit-on accepter de brader le patrimoine de la collectivité ? La Poste appartient à tous les Français. Pourquoi les priver de s'exprimer sur le service public de proximité auquel ils sont attachés ? C'est l'objet de la motion référendaires déposée hier par les sénateurs de l'opposition, toutes familles politiques confondues.

Sur le fond, groupe constructif et non d'obstruction, le RDSE a déposé une quarantaine d'amendements pour infléchir la logique libérale du texte et défendre la notion de service public. Sur la forme, la majorité de ses membres défend l'idée que tous les citoyens doivent pouvoir se prononcer sur l'ouverture du capital et l'avenir de ce service public, qui doit demeurer accessible partout et par tous malgré les fractures sociales et territoriales qui ne cessent de s'aggraver. Le 3 octobre, une soixantaine d'organisations, dont le PRG, ont appelé à une votation citoyenne. Malgré son caractère informel, elle a mobilisé plus de 2 millions de votants, et cela a du sens. Ne pouvez-vous l'admettre, monsieur le ministre ? Cette votation a posé la question de l'avenir de La Poste et suscité des débats. A l'évidence, c'est déjà un succès, une victoire ! Le message est clair, les Français ne veulent pas entendre parler d'une privatisation de La Poste.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Nous non plus !

M. Yvon Collin.  - Le message est bien passé au sein du Gouvernement et les ministres vont répétant qu'il n'y aura pas de privatisation.

Voix à gauche.  - Ils font l'inverse !

M. Yvon Collin.  - Votre insistance devient suspecte car, comme l'a dit l'un des vôtres, les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent. Surtout, il y a des précédents : EDF ne serait jamais privatisée, assurait un ministre de l'économie devenu Président de la République.

Le message que nous adressons ce matin aux Français est que rien ne s'oppose à l'organisation d'un référendum et que votre refus obstiné jette un trouble supplémentaire. Quant à l'impossibilité législative, le Gouvernement a raison de dire que le projet de loi organique n'a toujours pas été déposé... par le Gouvernement. Et on comprend pourquoi : il veut laisser passer le texte sur La Poste car il ne faudrait surtout pas que l'article 11 issu de la révision de la Constitution puisse s'y appliquer.

Il ne faudrait surtout pas que l'article 11 issu de la révision de 2008 puisse s'appliquer et qu'un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, obtiennent la tenue d'un référendum sur l'avenir de ce « joyau de notre République ». Toutefois, la solution existe : il est possible d'organiser un référendum sur la base de l'article 11 de la Constitution dans la version en vigueur, celle issue de la révision constitutionnelle de 1995 voulue par le Président Chirac.

Selon cet article 11, le Président de la République peut soumettre à référendum tout projet de loi portant sur une réforme relative aux services publics, sur proposition du Gouvernement ou sur proposition conjointe des deux assemblées parlementaires. Force est de constater que le Gouvernement tarde à le proposer au Président de la République. Cela lui demanderait un certain courage... C'est donc à nous, parlementaires, à prendre nos responsabilités sur la base de notre Règlement et à proposer une motion qui, si elle était adoptée, serait soumise à l'appréciation de nos collègues députés pour que la proposition d'un référendum soit juridiquement formulée. Le Président de la République devrait alors nous expliquer pourquoi il s'y refuse. Pour en arriver là, il faudrait que la majorité fasse preuve de courage. Nous faisons ce que nous avons à faire, nous prenons nos responsabilités et demandons à la majorité sénatoriale de faire de même. Une nouvelle fois, nous la mettons à l'épreuve. Ce n'est pas fini ! Les semaines qui viennent seront l'occasion de nouvelles batailles qui pourraient bien fissurer la majorité parlementaire.

Une motion vous est soumise. Elle n'est pas partisane. C'est un choix politique, qu'il vous faudra assumer devant vos électeurs. Voter pour la motion signifiera seulement que vous souhaitez proposer au Président de la République de soumettre au référendum ce projet de loi. Il s'agit donc de s'en remettre au peuple. Car, au regard des enjeux colossaux de ce texte, c'est aux Français de décider. Si certains estiment à nouveau que « la terre ne ment pas », nous pensons, nous, que le peuple ne ment pas : c'est pourquoi nous lui faisons confiance. (Applaudissements prolongés à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - (Applaudissements à gauche) La discussion de ce matin a du sens : elle porte sur l'état de la démocratie dans notre pays et sur l'état de nos institutions sur la place du peuple dans le débat politique. En 2007, Nicolas Sarkozy disait aux Français : « Je vous associerai aux choix des réformes. (...) Je crois que l'on prend les meilleures décisions si l'on prend le temps d'écouter ceux qui sont concernés sur le terrain et que les réformes sont mieux appliquées si chacun a pu, au préalable, les comprendre et les accepter, 10 % du corps électoral pourraient demander au Parlement de se prononcer sur un texte de loi ».

M. Christian Estrosi, ministre.  - Vous en aviez rêvé, Sarkozy l'a fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est vrai que le Président de la République a vite montré comment il respectait le choix des Français, en passant outre le non au référendum sur le Traité constitutionnel européen, puis en refusant un référendum sur la révision constitutionnelle, forme pourtant naturelle en la matière. Pourtant, les démocrates ont pu croire qu'avec le timide référendum d'initiative parlementaire et populaire, on commençait à tenir une promesse. Si timide soit cette réforme, l'irruption du peuple doit encore vous faire peur puisque le projet de loi organique nécessaire à l'application de cette disposition n'a pas encore été déposé par le Gouvernement. Quand l'opposition a déposé un projet dans ce sens à l'Assemblée nationale, la majorité, montrant le cas qu'elle faisait de la Constitution qu'elle a votée, a refusé d'en débattre ! Donc, le peuple est un empêcheur de tourner en rond.

Le Parlement aussi, à ce qu'il semble. Comment expliquer autrement le recours immodéré à la procédure accélérée, sur des textes dont l'urgence n'est pas démontrable mais qui structurent notre organisation sociale : loi pénitentiaire, loi Hôpital, réforme de la formation professionnelle, Hadopi. Comment expliquer, si ce n'est par le mépris du Parlement, qu'il nous soit proposé de supprimer la taxe professionnelle avant que soient pérennisées les ressources des collectivités, ou qu'on modifie les scrutins départementaux et régionaux avant qu'ait été discutée la réforme territoriale, indispensable préalable.

Ne pas vouloir écouter vous empêche-t-il d'entendre ? Il ne le semble pas, à voir la manière dont vous avez dénigré la votation citoyenne. Je vous explique de quoi il s'agit, puisque certains ont l'air de l'ignorer. Le comité national pour la défense du secteur public de La Poste a invité de façon militante -évidemment, puisqu'il ne s'agit pas d'un référendum institutionnel- les citoyens à se prononcer sur la réforme du Gouvernement. Les citoyens venaient de leur propre chef, ils pouvaient dire oui ou non. Ils ont été 2,5 millions à se déplacer pour dire massivement non. Un sondage -on sait combien le Président de la République en est friand- a corroboré cette votation : 65 % de nos concitoyens sont contre votre réforme. Que n'a-t-on entendu ! Monsieur le ministre, vous avez fait dans la nuance en disant que vous émettiez de sérieux doutes sur la « crédibilité et la légitimité d'une votation citoyenne pilotée par la gauche », votation citoyenne qui vous rappelait « les grandes heures de l'Union soviétique ». Crédible comparaison ! Vous avez trouvé ici un porte-parole zélé en la personne du sénateur centriste Maurey, qui qualifie de « scandaleuse mascarade » les conditions dans lesquelles s'est déroulée cette pseudo-votation. Quel mépris pour nos concitoyens, quel mépris pour vos électeurs ! (Applaudissements à gauche)

M. Hervé Maurey.  - Je respecte le référendum et méprise cette mascarade.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pourquoi ne pas interdire aux citoyens de signer des pétitions ? (Applaudissements à gauche) Les maires qui ont participé à l'organisation de la votation -en dehors des mairies et des heures de service- sont traduits devant le tribunal administratif ! (Exclamations à droite)

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vos cris sont signe d'un grand malaise. Comment expliquer autrement que vous dépensiez tant d'énergie à prétendre que La Poste sera « imprivatisable » ?

Vous avez du mal à convaincre parce que nos concitoyens ont fait l'expérience des promesses non tenues. En 2004, Nicolas Sarkozy assurait la main sur le coeur...

M. Christian Estrosi, ministre.  - Preuve qu'il en a un, lui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - ...qu'EDF-GDF ne serait jamais privatisée. Ce fut fait deux ans plus tard pour GDF. M. Fillon, alors en charge de La Poste, déclarait le 21 mars 1996 : « Le gouvernement français est opposé à toute libéralisation du secteur postal ».

M. Guy Fischer.  - Encore un mensonge !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - « Nous considérons en effet que, contrairement à ce qui se passe pour les secteurs des télécommunications, aucune raison technologique ne justifie aujourd'hui la déréglementation du secteur postal. La Poste est une entreprise de main-d'oeuvre qui n'aurait rien à gagner à l'ouverture à la concurrence. »

M. Guy Fischer.  - Voilà la vérité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Imprévoyant, M. Fillon enfonçait le clou : « Outil économique, La Poste est donc également un facteur important de cohésion sociale. Elle appartient au premier cercle des services publics. » Est-ce qu'il ignorait la voie ouverte par les directives européennes alors en cours d'élaboration ?

Dans un très intéressant rapport d'octobre 1997, le président Larcher repoussait toute privatisation au nom de la constitutionnalité du caractère public de La Poste. Dont acte ! M. Larcher ajoutait ce commentaire : « Est-ce à dire que, tout comme pour France Télécom, une sociétisation présenterait un intérêt pour les postiers, pour La Poste et pour la Nation ? Il ne le semble pas ». Vérité hier et plus d'aujourd'hui ?

Trop de fois le peuple a été trompé par les mêmes manoeuvres : on change les statuts puis on privatise avec des conséquences désastreuses pour les salariés et les usagers. Croyez-vous qu'ils ne sont pas capables de comprendre ce qui se passe à France Télécom depuis des années ?

M. Alain Fouché.  - La faute à qui ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nos concitoyens ont le sentiment que plus aucun secteur n'est à l'abri : la santé, les transports, les services publics locaux, et même l'éducation nationale sont menacés par la libéralisation. (Applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer.  - Voilà la vérité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La libéralisation, c'est la concurrence, la privatisation, l'abandon du service public ! Ces choix sont les vôtres, ceux du Président de la République. Vous voulez débarrasser la société des entraves que constituent pour les marchés financiers le pacte social issu de la Résistance et les conquêtes sociales. Vous avez l'habitude de dire que vos projets tirent leur légitimité de l'élection présidentielle de 2007. Mais ne s'est-il rien passé depuis 2007 ? N'avez-vous pas entendu parler d'une crise financière sans précédent depuis 1929, fruit amer de la financiarisation de l'économie, des politiques ultralibérales conduites depuis des années. Le Président de la République se proclame héraut du modèle social et parle de refonder le capitalisme. Il y a loin des paroles aux actes : qui paie le prix le plus fort de cette crise ? Ceux qui ont mis l'économie mondiale au bord du gouffre ? Non, ce sont les Français !

Si la France a moins sombré que d'autres, c'est grâce à ce qu'il reste du pacte social de 1945. (Applaudissements à gauche)

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Après l'échec du libéralisme débridé que vous avez tant vanté...

M. Alain Fouché.  - Le socialisme a été un tel succès !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - ...ne faudrait-il pas consulter nos concitoyens sur la privatisation d'un service public national ? D'autant que ce changement de statut ne figurait pas dans le programme du candidat Sarkozy, qui déclarait croire « résolument dans le service public » et vouloir « assurer sa présence dans les quartiers difficiles, en milieu rural, et outre-mer ».

Pensez-vous améliorer le service public en confiant aux guichets de la RATP la distribution des lettres recommandées ? En faisant de l'épicier, du buraliste, du boulanger ou du boucher un postier ?

M. Alain Fouché.  - Absolument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pensez-vous assurer une présence harmonieuse du service public postal sur le territoire en transférant aux collectivités locales la responsabilité d'agences postales communales ?

M. Nicolas About.  - Bien sûr !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - « Nous ne procéderons à aucune fermeture de service public en milieu rural sans garantir un service public de qualité supérieure, à l'image des points poste qui sont ouverts plus longtemps », dit le contrat de législature de l'UMP. Comme si le service était de meilleure qualité parce que la boulangerie est ouverte plus tard qu'un bureau de poste !

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Bien sûr ! (M. Nicolas About renchérit)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La votation citoyenne prouve que nos concitoyens veulent débattre de ce changement de statut, qui n'avait pas été annoncé. Le référendum permettra un large débat public. Vous pourrez développer vos arguments... Vous ne rechignez manifestement pas au débat public puisque vous organisez, avant les régionales, un « grand débat » sur l'identité nationale ! Selon un sondage, 60 % de nos concitoyens considèrent d'ailleurs que les services publics sont un élément très important pour l'identité de la France, au même titre que la République, le drapeau et la laïcité : raison de plus pour les consulter par référendum !

Permettons au Président de la République de tenir enfin son engagement d'associer les Français à ses réformes. Depuis 1995, l'article 11 de la Constitution permet le recours au référendum pour toute réforme relative à la politique économique ou sociale de la Nation et au service public qui y concourt. Nul doute que vous aurez le courage de voter notre demande de référendum pour permettre à nos concitoyens de s'exprimer. (Applaudissements nourris et « Bravos ! » à gauche)

M. Guy Fischer.  - C'est bien envoyé !

M. Nicolas About.  - (Applaudissements à droite et au centre) Vous avez déposé une motion référendaire sur le projet de loi. C'est un acte solennel prévu par la Constitution. Je n'ai pas de grief particulier contre l'utilisation de cet outil.

M. Guy Fischer.  - Heureusement !

M. Nicolas About.  - Certains, sans doute mal intentionnés, pourraient y voir un outil d'obstruction parlementaire visant à faire traîner les débats en longueur. (On fait mine de s'offusquer à gauche) Déjà, nous perdons une demi-journée...

M. Didier Guillaume.  - Et les scrutins publics hier soir ? A qui la faute ?

M. Nicolas About.  - Je ne ferai pas de tels procès d'intention. (Rires à gauche) J'ose espérer que le dépôt de la motion référendaire correspond au voeu démocratique sincère que le projet de loi puisse être adopté par le biais d'une procédure de démocratie populaire directe.

Je ne doute pas de son opportunité politique : la motion référendaire permet de rassembler les signataires autour d'une contestation identifiable, contre la « privatisation » de La Poste. Elle est certainement populaire auprès d'une partie de l'électorat et des syndicats, dont les capacités de mobilisation à l'occasion d'une lutte « anti-privatisation » ne sont plus à démontrer.

Vous avez été nombreux à souligner le succès de la votation populaire qui aurait mobilisé, le 3 octobre dernier, 2,5 millions de personnes contre la privatisation de La Poste. Si l'on reposait aujourd'hui la même question : « êtes-vous pour ou contre la privatisation de La Poste ? », la majorité des votants répondrait assurément « non »... et moi aussi d'ailleurs.

Tout cela, je l'entends bien. C'est une des raisons pour lesquelles le groupe de l'Union centriste s'oppose à la motion référendaire. Le recours au référendum doit rester une procédure exceptionnelle. Notre tradition républicaine est fondée sur la démocratie représentative. A nous d'avoir le « courage », comme dit Mme Borvo, de proposer, de discuter, d'amender et de voter la loi, plutôt que d'en transférer la responsabilité à d'autres. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'offusque) Il nous faut prendre nos responsabilités, même si le débat n'est pas la hauteur de ce que nos électeurs pourraient attendre...

M. René-Pierre Signé.  - Affrontez-les !

M. Nicolas About.  - Le référendum doit rester exceptionnel. On ne peut exiger des citoyens qu'ils appréhendent tous les aspects juridiques et économiques d'un texte complexe. (Rires sarcastiques à gauche) On sait combien la complexité du Traité constitutionnel européen avait rebuté les électeurs, au profit d'arguments électoralistes, de slogans faciles.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est faux !

M. Nicolas About.  - On peut douter de l'honnêteté intellectuelle de propos qui réduisent le changement de statut de La Poste et la libéralisation du marché du courrier de moins de 50 grammes à un débat sur une hypothétique « privatisation » -que la rédaction de la loi ne permet pas ! Si une loi future venait à en disposer autrement, il serait toujours temps d'étudier objectivement la question. Or, en vous targuant du résultat de la votation populaire sur la « privatisation » de La Poste pour appuyer votre opposition au texte, vous vous rendez coupables de la confusion entre les deux. II suffit de lire l'article premier : « Le capital est détenu par l'État ou par d'autres personnes morales appartenant au secteur public, à l'exception de la part du capital pouvant être détenu au titre de l'actionnariat des personnels ». Certes, une loi future pourrait y revenir, comme n'importe quelle loi peut revenir sur n'importe quel sujet : c'est sa grandeur ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mais, vu comme vous avez déjà commencé à biaiser le débat, au sein de notre assemblée comme à l'extérieur, à quoi bon un référendum ? La question mobiliserait sans doute plus que le quinquennat mais la qualité de l'expression citoyenne serait altérée par la confusion que vous entretenez entre le présent texte et une privatisation.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Très bien.

M. Nicolas About.  - Elle en ressortirait biaisée. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) Votre velléité de démocratie populaire n'est pas crédible et ne constitue qu'une triste échappatoire à des débats que, par ailleurs, vous vous plaisez à obstruer. Le groupe de l'Union centriste ne rentre pas dans ce jeu-là. Au contraire, faisons honneur à notre démocratie représentative et menons le débat sereinement au sein de cet hémicycle.

Certains ont déploré que nous n'ayons que cinq jours pour nous prononcer sur le texte. Optimisons ce temps et améliorons le texte sur la base de discussions constructives. J'espère vous entendre sur la garantie du caractère public des capitaux, la qualité du service universel, le maintien de la présence postale sur nos territoires, le rôle et les pouvoirs de l'autorité de régulation, les mesures sociales... Bref, nous vous attendons sur les enjeux de fond, et non sur une hypothétique « privatisation ». Vous risquez, sinon, de passer à coté du texte et de donner un bien triste exemple de notre démocratie. (Applaudissements nourris et « Bravos !  » à droite et au centre)

M. Bruno Retailleau.  - Nous partageons tous un attachement au service public postal, que M. Bel a qualifié de consubstantiel au pacte républicain. C'est en effet un élément de notre identité nationale, dont il incarne les valeurs d'égalité et d'universalisme.

Cette motion référendaire s'appuie sur l'idée que le projet de loi marquerait un changement de cap. Il n'en est rien. La radicalité de la rupture n'est pas dans la loi mais dans la réalité : demain, des opérateurs puissants, mieux préparés, affronteront La Poste sur son terrain !

M. Nicolas About.  - Bien sûr !

M. Bruno Retailleau.  - La révolution numérique bouleverse toutes les situations acquises, en France comme ailleurs. C'est pure cécité que de refuser à La Poste les moyens de s'y adapter.

M. Nicolas About.  - C'est vouloir sa mort !

M. Bruno Retailleau.  - La vraie rupture législative, c'est 1990, quand La Poste est sortie de sa gangue d'administration des PTT, est entrée dans la vie d'une entreprise, a recruté des salariés de statut privé, s'est mise à prendre en compte la rentabilité -rentabilité qui a été décuplée en quelques années ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau.  - En 1990, M. Sarkozy n'était pas Président de la République !

Il n'y a pas de changement de cap. La Poste sortira renforcée grâce aux 2,7 milliards d'euros qui lui permettront de se déployer en France et en Europe. Ce n'est pas son statut qui lui est consubstantiel, ce sont ses missions de service public. Nous allons enrichir ce texte par de nouvelles garanties quant à la présence territoriale : les points de contact passeront de 14 500 à 17 000. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe) Nous allons également lui garantir le financement à l'euro prêt de la compensation.

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Vous croyez ?

M. Alain Fouché.  - Oui.

M. Bruno Retailleau.  - Dans quelques heures, je défendrai un amendement qui me permettra de vous répondre point par point. Vous n'aurez pas affaire à un ingrat !

Cette motion référendaire s'appuie sur un abus de langage qui vise à nous faire croire qu'il s'agit d'une loi de privatisation. C'est faux. (M. Pierre Hérisson, rapporteur, approuve) Le modèle français n'est pas le modèle suisse. La motion n'a donc aucun objet. C'est aux parlementaires...

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - A condition qu'ils soient présents !

M. Bruno Retailleau.  - ...de prendre leurs responsabilités. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Gérard Longuet.  - (Applaudissements à droite) Ce débat me réjouit. En tant que président du groupe UMP, je remercie mes collègues socialistes de susciter une telle mobilisation dans nos rangs. Nous donnons ainsi une bonne image de l'activité sénatoriale sur un sujet qui le mérite. (Exclamations et rires à gauche)

M. Didier Guillaume.  - Vos collègues ne sont pas tous d'accord !

M. Gérard Longuet.  - Je regrette néanmoins que vous mobilisiez autant de sénateurs pour, in fine, les empêcher de s'exprimer (applaudissements à droite), pour les priver de la tâche qui est la leur, comme l'ont justement relevé MM. Retailleau et About. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce n'est guère convaincant !

M. Gérard Longuet.  - Monsieur Bel, vous mobilisez Louis XI -après tout, les Capétiens ont fait la France- mais La Poste était alors au service d'un État qui ne respectait aucune liberté. Si c'est là votre seul exemple, cela m'inquiète ! (Protestations à gauche, applaudissements à droite)

Plutôt que de l'histoire de notre pays, parlons de l'avenir de La Poste. Si cette motion était adoptée, la première victime en serait le Sénat qui compte, à gauche comme à droite, des sénateurs qui connaissent bien le sujet. Leur expérience et leur crédibilité doivent être mobilisées au service de cette grande entreprise. J'ai connu le président Larcher lorsque j'étais secrétaire d'État des postes et télécommunications, c'était son premier dossier. Les titres des rapports qu'il a consacrés à ce sujet sont éloquents : « Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique », en 1996...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il ne prévoyait pas un changement de statut !

M. Gérard Longuet.  - ...« Sauver La Poste : est-il trop tard pour décider ? », en 1999 ; « La Poste : le temps de la dernière chance », en juin 2003. Le Sénat s'est toujours mobilisé pour La Poste car la présence postale est une chance pour nos territoires, leurs habitants et leurs entreprises. Pierre Hérisson est l'exemple même du sénateur impliqué sur ce sujet. (Applaudissements à droite) Michel Teston a été précédé dans ses responsabilités par d'autres sénateurs du groupe socialiste ayant en commun un véritable intérêt pour l'action postale et qui ont accepté des évolutions qui suscitaient la crainte mais toujours pertinentes car proposées par des professionnels de La Poste.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Comme aujourd'hui.

M. Gérard Longuet.  - La Poste a évolué depuis 1986. En 1997, un gouvernement qui n'était pas de notre bord a accepté la directive postale.

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Très mal négociée par nos prédécesseurs.

M. Gérard Longuet.  - Comment pouvait-il en être autrement ? Si La Poste fonctionne, c'est parce que des clients franchissent chaque jour ses portes pour y trouver des services de qualité qui n'ont cessé d'évoluer depuis vingt cinq ans.

Pourquoi nous priver de ces 26 articles sur lesquels 629 amendements ont été déposés ? Un tiers, voire la moitié des sénateurs assistent à ce débat. Nous offrons à ceux qui nous ont mandatés l'image d'une assemblée attentive.

Lors de la séance du 16 juin 2008, au cours de laquelle nous examinions les dispositions qui inspirent cette démarche référendaire, notre éminent collègue Robert Badinter a déclaré : « Autant je suis favorable au développement et à la pratique du référendum, y compris d'initiative populaire, à l'échelon municipal, départemental ou régional, autant je combattrai toujours le référendum d'initiative populaire national [qui] est l'instrument préféré des démagogues les plus extrêmes, de ceux qui, en toutes occasions, utilisent les passions pour énerver la démocratie... ». (Protestations à gauche ; applaudissements à droite) Puis il citait Jean Giraudoux : « L'imagination est la première forme du talent juridique. Ici, elle a simplement pris le tour que Clemenceau se plaisait à dénoncer sarcastiquement : vous savez ce que c'est qu'un chameau ? C'est un cheval dessiné par une commission parlementaire ».

Voix à gauche.  - Citez plutôt Henri Guaino !

M. Didier Guillaume.  - C'est beau !

M. Gérard Longuet.  - Le référendum peut être l'occasion d'un grand rendez-vous...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Absolument !

M. Gérard Longuet.  - Et le Général de Gaulle a su l'utiliser pour sortir la France du naufrage de la décolonisation, le Président Pompidou pour la construction européenne, comme d'autres présidents après eux...

Le Parlement est le lieu naturel du débat pour construire l'avenir postal. (Applaudissements à droite) Pourquoi les socialistes, qui n'ont pas naturellement la culture du référendum, s'y rallient-ils aujourd'hui ? Pourquoi n'y ont-ils pas eu recours en 1982, pour nationaliser, ni entre 1997 et 2002, pour dénationaliser ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'était sous Chirac !

M. Gérard Longuet.  - Ils ont une mémoire sélective, et leur amnésie m'inquiète. (Applaudissements à droite ; exclamations sur les bancs socialistes)

L'origine de ce référendum n'est pas à chercher dans cet hémicycle, ni dans la gauche gouvernementale. On la trouvera dans un règlement de comptes entre la gauche et l'extrême gauche. Aux dernières élections européennes, le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) a frôlé les 5 %.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les gens apprécieront vos arguments !

M. Gérard Longuet.  - Et comme pour gagner, la gauche doit se rassembler au second tour... La Poste est en réalité prise en otage par l'extrême gauche et la gauche gouvernementale. (M. Pierre Hérisson, rapporteur, approuve ; applaudissements à droite)

M. Guy Fischer.  - Et la majorité par l'extrême droite !

M. Gérard Longuet.  - Le Comité national de votation populaire est animé par des gens aussi responsables que Gérard Schivardi, qui demande, sous la cosignature de parlementaires socialistes, l'abrogation des directives européennes de décembre 1997. Comme si cela avait le moindre sens ! SUD-PTT et le NPA se livrent à une surenchère avec le parti socialiste, qui est dépassé par la gauche... (Protestations à gauche ; applaudissements à droite) Il est vrai qu'approchent les élections régionales de 2010 et les cantonales de 2011, et plus tard les législatives...

Je ne résiste pas au plaisir de citer Olivier Besancenot...

M. Jean Bizet.  - Le facteur !

M. Gérard Longuet.  - En septembre, à Saint-Denis, il s'est déclaré pour un « accord national sur une plate-forme » qui « tranche avec les déclinaisons locales des politiques d'adaptation au capitalisme menées par des majorités d'union de la gauche sortante ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Occupez-vous de l'extrême droite !

M. Gérard Longuet.  - Le parti socialiste veut faire le plein de voix.

M. Gérard Le Cam.  - Et vous, de celles du Front national !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est le niveau zéro de la politique !

M. Gérard Longuet.  - C'est cette surenchère qui pousse la gauche à infliger un mauvais coup à l'entreprise postale.

Lorsque j'ai succédé à Louis Mexandeau, avenue de Ségur, il m'a laissé un rapport lucide qui explorait toutes les pistes pour améliorer le service et assurer la pérennité de La Poste. Je l'ai mis en oeuvre et cela a donné la célèbre campagne « Bougez avec La Poste ». Les socialistes d'alors acceptaient de prendre leurs responsabilités. Aujourd'hui, ils préfèrent compromettre l'avenir de l'entreprise.

Pour l'État, il est vrai, La Poste a toujours été une variable d'ajustement. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a infligé M. Fabius à France Télécom ; et M. Jospin n'a jamais donné les moyens à l'opérateur postal français d'investir comme TNT Post ou Deutsche Post, après l'adoption de la directive de 1997. M. Bailly s'efforce aujourd'hui, avec courage, de combler le retard et c'est à sa demande que nous avons examiné la transformation en société anonyme et l'apport en capital. Cette opération est un hommage aux 320 000 hommes et femmes qui font le succès de l'entreprise. Il faut refuser la motion afin de libérer la gauche responsable de la surenchère trotskyste, celle de SUD et celle d'une extrême-gauche parfaitement irresponsable. (Applaudissements à droite ; M. Guy Fischer se gausse)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ces propos sont scandaleux !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - J'avais perdu de vue M. Longuet mais je le retrouve au Sénat tel qu'en lui-même, avec tous les excès que je lui connaissais dans le passé. (« Chassez le naturel... » à gauche) Hier soir, nous avons vu se télescoper nos convictions, nos options politiques, mais aussi nos conceptions, bien différentes, du fonctionnement de la démocratie représentative. Motion après motion, amendement après amendement, nos propositions ont essuyé un refus systématique, mécanique, au seul motif qu'elles émanaient de la gauche. Cette posture a fini par trouver ses limites lorsque, contrainte de recourir au scrutin public pour chaque vote, la majorité, minoritaire dans l'hémicycle, nous a presque demandé de nous excuser d'être présents en nombre et a tenté de démontrer qu'adossée à son électorat, elle était toujours majoritaire dans l'hémicycle. (« Exactement ! » sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Avec son mode de scrutin inique !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Aujourd'hui, M. Longuet persiste et signe, ajoutant de la confusion à la confusion. La démocratie représentative est décrédibilisée et vous en portez, chers collègues de la droite, l'entière responsabilité. Vous rabaissez votre rôle de parlementaires et feignez d'ignorer la valeur de la votation citoyenne, qui a illustré l'intérêt de la démocratie directe. Un Président de la République omniprésent, sinon omnipotent...

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - En tout cas pas impotent !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - ...prétend entretenir une relation singulière et permanente avec le peuple français. Que n'a-t-il saisi cette occasion pour mettre en application sa conception ! Notre demande vise à sauvegarder un patrimoine qui appartient à l'ensemble des Français et l'organisation d'un référendum paraît encore plus nécessaire depuis hier soir ; il est dans l'intérêt de la démocratie et de l'intérêt général. (Applaudissements à gauche)

M. Martial Bourquin.  - J'ai apprécié dans sa forme l'intervention de M. About mais sur le fond, notre collègue est... à bout d'arguments. (Sourires)

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Facile.

M. Nicolas About.  - Peut-être à bout de souffle, mais pas à bout de convictions !

M. Martial Bourquin.  - Ce projet de loi met en place le dispositif qui autorisera ensuite la privatisation. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Voilà la vérité, ne cherchons pas ailleurs. Mais vous aurez beaucoup de mal, dans les mois et les années qui viennent, à expliquer sur le terrain ce que vous faites. (M. Didier Guillaume approuve) Dans les territoires ruraux et urbains, la fracture s'installe : les DDE, les DDA sont supprimées, un départ de fonctionnaire sur deux n'est pas remplacé, les bureaux de poste sont transformés en agences, bientôt en points contact... La fracture territoriale est là et vous l'aggravez encore par le traitement libéral que vous infligez à La Poste.

M. Guy Fischer.  - Ultralibéral !

M. Martial Bourquin.  - Oui. Et c'est un contresens économique car la crise financière est passée par là et l'ultralibéralisme a montré ses déficiences. C'est également un contresens sociologique car le vieillissement de la population rend plus nécessaires que jamais les services de proximité.

M. Guy Fischer.  - Plus que nécessaires : essentiels.

M. Martial Bourquin.  - En dépit du Grenelle de l'environnement, on va encore éloigner les services publics de la population. Vous brocardez les 2,3 millions de personnes qui se sont exprimées...

M. Nicolas About.  - Pas les participants, mais les organisateurs !

M. Martial Bourquin.  - ...et vous refusez un référendum sur la fracture sociale et territoriale.

M. René-Pierre Signé.  - Il y a deux France.

M. Martial Bourquin.  - Nous n'approuvons pas la politique que vous menez en ce qui concerne les services publics. La démocratie nous offre le moyen de nous départager sur cette question, par un référendum. Organisez-le ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) A ceux qui se sont moqués...

M. Jean Bizet.  - On va rire.

M. Nicolas About.  - A l'attaque !

M. Jean Desessard.  - ...de la votation, nous offrons l'occasion de rectifier le tir par un vrai référendum organisé dans les conditions républicaines. La votation du 3 octobre a révélé un vrai désir de débat sur les enjeux fondamentaux, un vrai désir de discussion politique.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Un désir d'avenir ? (Sourires)

M. Jean Desessard.  - Nos concitoyens s'intéressent à ces sujets et participeront au référendum. Je suis partisan d'un service public postal de proximité, à la campagne comme dans les banlieues, et jusque dans les territoires les plus éloignés et marginalisés ; un service public qui réponde aux attentes de la population et ne se laisse pas aspirer par la recherche du profit à tout prix ; un service public respectueux de l'environnement -en quoi une distribution du courrier par quatre entreprises concurrentes, faisant parcourir les mêmes circuits à quatre chauffeurs, réduira-t-elle la pollution automobile ?

Je suis partisan d'un service public rénové, comptant dans ses conseils d'administration des élus, des représentants des salariés et des associations ; un service public qui donne l'exemple en versant des salaires décents et en assurant des conditions de travail valorisantes, en ne recourant pas à la sous-traitance ni aux statuts précaires, loin de la logique de la souffrance au travail. On peut s'adapter aux échanges mondiaux par des partenariats plutôt que par la concurrence et le dumping social ! A nous de construire un grand service public postal européen. La politique de M. Sarkozy, c'est la libéralisation à tout va, le démantèlement des services publics, la rentabilité maximum pour quelques-uns et la précarité pour tous les autres. Je défends, quant à moi, une société régulée, où l'homme est au centre des préoccupations, comme usager et non comme client, comme salarié garant du service public et non comme automate de la taylorisation des services, comme citoyen qui participe à la construction de son environnement économique et social. Je soutiens cette motion et souhaite que le Président de la République soumette à référendum ce projet de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Didier Guillaume.  - Bravo, monsieur le président, pour la soirée d'hier soir : personne ne se doutait que l'OM allait faire un tel résultat !

M. le président.  - Je préférerais qu'on débarrasse Marseille de ses ordures ménagères !

M. Didier Guillaume.  - Peut-être ce matin serez-vous surpris du résultat, et peut-être nos collègues comprendront-ils combien cette motion est importante.

Ce débat est essentiel pour notre démocratie, pour le service public. (Marques d'ironie à droite) Je donne acte à tous les sénateurs de leur volonté de défendre le service public et de maintenir La Poste dans le service public.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission, et M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Ah ! Tout de même !

M. Didier Guillaume.  - Cette motion référendaire en est l'unique moyen et le statut d'Épic la seule garantie. Si La Poste devient une société anonyme, une autre loi sera adoptée pour ouvrir son capital et la sortir du service public.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Pas par nous !

M. Didier Guillaume.  - Je donne acte à M. Longuet de ce que tous les gouvernements, qu'ils soient de gauche ou de droite, n'ont pas accordé à La Poste les moyens nécessaires. Mais ce gouvernement a fait un cadeau de 2,4 milliards aux restaurateurs dont ils n'ont rien fait ; il peut consacrer 2,7 milliards à La Poste qui saura, elle, les utiliser...

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - La baisse de la TVA sur la restauration, c'était une promesse de tous les candidats !

M. Didier Guillaume.  - ...pour se développer.

M. Gérard Longuet.  - Non !

M. Didier Guillaume.  - Je suis d'accord avec M. Retailleau : cette loi n'est pas une loi de privatisation. Arrêtons les caricatures ! Nous ne l'avons jamais prétendu. En revanche, elle est la porte ouverte à une loi de privatisation.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt ?

M. Didier Guillaume.  - N'ayez pas peur du peuple, le peuple a toujours raison ! (Exclamations ironiques à droite) Avec le référendum, il pourra s'exprimer ! Quand M. Maurey qualifie la votation citoyenne d'escroquerie, il se moque du peuple, il se moque des 2,4 millions de Français qui se sont déplacés pour dire « non ». Ce n'est pas de l'escroquerie...

M. Hervé Maurey.  - Si !

M. Didier Guillaume.  - ...c'est de la mobilisation citoyenne. Peut-être la craignez-vous, mais c'est une force. M. Longuet affirme que la gauche, parce qu'elle est dépassée par l'extrême gauche, instrumentalise ce débat pour masquer ses divisions. (Marques d'approbation à droite) Mais la droite n'est-elle pas dépassée par la droite ? Le Gouvernement n'est-il pas dépassé par des sénateurs enracinés dans leur territoire, qui disent que la réforme de la taxe professionnelle ne va pas ?

M. Nicolas About.  - Ils ne disent pas ça mais le contraire ! Et le Sénat est dans son rôle !

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Et M. Raffarin ?

M. Nicolas About.  - M. Raffarin légitime le Sénat !

M. Didier Guillaume.  - Le Gouvernement n'est-il pas dépassé par les députés qui disent que le grand emprunt ne va pas ? Que M. Fillon recadre sa majorité montre bien que vous n'avez pas de leçons à nous donner en matière de divisions !

Enfin, lundi dernier, en commission, un certain amendement n°566 a été retiré à la demande du Gouvernement et du président de la commission. Celui-ci, déposé par un membre de la majorité, visait à ce que l'État puisse décider par la suite de procéder à toute opération sur le capital de La Poste selon les règles du droit commun.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Eh oui ! (M. Daniel Raoul renchérit)

M. Didier Guillaume.  - Certains défendent donc la privatisation de La Poste par idéologie. Eh bien, nous, par idéologie, nous défendrons toujours le service public postal ! Et le meilleur moyen de le faire, c'est de voter cette motion. Le peuple a toujours raison !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Le peuple a inventé la guillotine ! (Sourires)

M. Didier Guillaume.  - Chers collègues de la majorité, vous qui êtes des défenseurs du service public et du maintien de La Poste dans le service public, votez cette motion référendaire ! Nous serons alors sûrs de faire de La Poste une grande entreprise publique et concurrentielle ! (Applaudissements à gauche)

M. Claude Bérit-Débat.  - Depuis lundi dernier, tous les orateurs, quels que soient leur couleur politique, ont fait l'éloge du service public postal, ce service de proximité, garant du lien social, représenté par l'oiseau bleu calligraphié sur des camionnettes jaunes. Ce service est indispensable au maillage de notre territoire, nous en sommes tous d'accord. En revanche, nous divergeons sur la question du statut. Pour la droite, le passage du statut d'Épic à celui de société anonyme est l'alpha et l'oméga de la modernité, la réponse à la concurrence et aux directives européennes. Pour nous, et M. Teston l'a bien montré, le statut d'Épic est la seule voie de modernisation de La Poste. Il suffirait que l'État injecte de l'argent non seulement pour soutenir la distribution de la presse mais aussi pour améliorer la présence postale sur le terrain. Ensuite, concernant l'expression citoyenne -tout de même !-, on ne peut pas rayer d'un trait, comme vous le faites, les 2,5 millions de Français qui ont voté contre le changement de statut et, donc, la perspective d'une privatisation. Certains n'ont pas eu de mots assez durs pour brocarder cette opération, assimilée à une manipulation dans laquelle M. Longuet voit même un artifice de la gauche gouvernementale pour régler ses comptes avec l'extrême gauche.

M. Gérard Longuet.  - Eh oui !

M. Claude Bérit-Débat.  - On ne peut pas nier ainsi la démocratie participative (M. Guy Fischer approuve) ni le pouvoir des citoyens d'intervenir dans les débats politiques. Avec cette motion référendaire, aujourd'hui présentée par tous les groupes de gauche, nous souhaitons justement leur donner la parole.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Pour cela, il y a les élections !

M. Guy Fischer.  - Rendez-vous les 7 et 14 mars !

M. Claude Bérit-Débat.  - Je vous invite, si vous êtes cohérents avec vos propos sur la défense du service public, à soutenir la motion référendaire ! (Applaudissements à gauche)

M. Marc Daunis.  - M. Bel rappelait tout à l'heure que le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 dispose : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les qualités d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité ». Depuis le début de nos échanges, nous nous retrouvons sur un même constat : La Poste fait partie intégrante de nos territoires et contribue à corriger certaines inégalités. Avec plus ou moins de lyrisme, les orateurs ont rappelé qu'elle est le symbole du service public de proximité, le garant des valeurs d'égalité, d'adaptabilité et de continuité, notamment territoriale. Elle est notre patrimoine commun. En revanche, votre texte nous sépare parce qu'il transforme La Poste en société anonyme, ouvrant la voie à une future privatisation. M. le ministre et M. le rapporteur ont beau dire que ce texte est le moyen de rendre La Poste « imprivatisable », notre position semble partagée par les élus locaux, qui sont au diapason de leurs concitoyens. C'est le sens de la mobilisation populaire du 3 octobre dernier : 2,5 millions de Français se sont déplacés pour dire « non ». Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous prétendez avoir tenu compte des inquiétudes de nos compatriotes et des élus locaux en gravant dans le marbre législatif le caractère public du service postal. Hélas, le Conseil constitutionnel a déjà conclu à la vacuité juridique d'une telle posture.

M. Roland Courteau.  - Très bien ! Il fallait le rappeler !

M. Marc Daunis.  - Et dans ce climat d'incrédulité, vous en arrivez même, monsieur le ministre, à user de néologismes tels que « l'imprivatisabilité ». (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe)

M. Christian Estrosi, ministre.  - Ce n'est pas moi qui ai employé ce mot, mais vous !

M. Marc Daunis.  - Nous vous proposons de faire plus simple : utilisez l'article 11 de la Constitution ! Organisez un référendum ! Consultez nos compatriotes ! Une votation citoyenne a été organisée avec succès. (On ironise au banc de la commission) Vous ne pouvez pas la balayer d'un revers de main méprisant en criant à la tartufferie et à la manipulation. Ce serait un peu court et manquerait singulièrement de lucidité. De nombreux concitoyens ont compris que les bouleversements parfois silencieux d'un monde en proie à la globalisation nécessitaient de redonner du pouvoir à l'intervention publique. Ce message devrait réjouir tous les républicains. La République est une idée moderne. Ce débat doit être l'occasion de rassembler notre peuple, non de le diviser. Monsieur le ministre, vous vous êtes déclaré prêt, en commission, à accepter toute proposition qui permettrait de sceller définitivement le caractère public du service postal. Donnez-vous les moyens de cet engagement en évitant que d'autres que vous ne succombent demain à la tentation de la privatisation. Nous n'y céderons pas !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Nous non plus !

M. Marc Daunis.  - Que le peuple souverain apporte une légitimité supplémentaire ! N'hésitez pas : les représentants de la Nation n'ont pas peur du peuple et celui-ci ne comprendrait pas d'être exclu d'un processus de décision qui concerne autant sa vie quotidienne et son avenir. Demandez-lui son accord pour sauvegarder les services publics ! Demandez-lui son accord pour interdire la privatisation du service public postal ! Et si vous le faites, permettez-moi un pronostic : le résultat dépassera toutes vos espérances... (Applaudissements à gauche)

M. David Assouline.  - M. Longuet nous a dit tout le mal qu'il pensait d'un référendum. S'il est vrai qu'on peut être tenté de l'utiliser sur des sujets démagogiques ou passionnels comme la peine de mort, il est tout à fait légitime d'y avoir recours pour que nos concitoyens se prononcent sur des questions concrètes et précises qui concernent leur vie quotidienne. En l'occurrence, ce serait l'occasion d'un débat démocratique où vous expliqueriez pourquoi ce changement de statut n'est pas une privatisation et où, nous, nous expliquerions comment il y conduirait inéluctablement. Il y a là matière à référendum parce que cette question concerne tous nos concitoyens, qu'ils habitent au fond d'un village ou dans un ghetto urbain où La Poste demeure souvent le seul lien avec le service public. Elle concerne tous les âges, les jeunes comme les personnes âgées, surtout les personnes âgées...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vos électeurs...

M. David Assouline.  - Vous êtes paradoxal, monsieur Longuet. Vous opposez le référendum au débat parlementaire en mettant en avant 600 amendements que, par ailleurs, vous n'avez cessé de fustiger.

M. Gérard Longuet.  - Six cents de trop !

M. David Assouline.  - Des amendements qui ne sont l'objet d'aucun débat, auxquels on se contente d'opposer un avis défavorable et qu'on repousse mécaniquement ! D'un côté, vous éteignez un débat parlementaire que nous, nous animons et, de l'autre, vous refusez le référendum. Ce faisant, vous contredites tout ce qui avait été dit pour vendre la réforme constitutionnelle, laquelle devait être, avec ce référendum d'initiative populaire très encadré, une avancée démocratique. Or, vous n'avez même pas fait voter la loi organique qui aurait permis qu'on en usât...

Et quel culot de nous accuser d'être pris en otage par l'extrême gauche -sur une question pourtant concrète et précise- alors que, sur des questions idéologiques et passionnelles, vous ne cessez de draguer l'électorat du Front National (protestations à droite), alors que vous créez un ministère de l'identité nationale et que, à la veille de chaque élection, vous votez une nouvelle loi sur l'immigration ou la sécurité ! Vous chassez sur des terres qui sont bien peu républicaines...

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. David Assouline.  - Nous, nous voulons une discussion devant le peuple français non pas sur la privatisation en général mais sur le fait que seul l'Épic peut, ou non, garantir la présence postale territoriale. Car la pente naturelle d'une société anonyme sera la privatisation rampante. (Marques d'impatience à droite)

Bref, je ne vois pas pourquoi vous avez un problème avec l'Épic....

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.  - (Applaudissements à droite) Monsieur Assouline, nous n'avons aucun problème avec l'Épic. Le seul problème, c'est que nous n'avons plus une minute à perdre pour donner à La Poste -à laquelle je veux croire que nous sommes tous attachés- sa chance pour le 1er janvier 2011. Et cela, l'Épic ne le permet pas. En effet, avec ce statut, comment investir, comme La Poste le réclame elle-même, elle qui a déjà fait un effort considérable mais qui a 6 milliards de dettes ? Comment lui permettre d'affronter la baisse de son activité traditionnelle ?

Dans ce débat, je ne parlerai plus de privatisation : le problème est réglé et je réutilise à dessein le néologisme d'« imprivatisable » parce que toutes les dispositions sont prises pour que La Poste le soit. J'aurais à la rigueur compris un référendum portant sur l'avenir de La Poste. Mais pas sur son statut public.

On n'est ministre qu'un temps, je l'ai été, je ne l'ai plus été, je le suis à nouveau, je ne le serai plus. Mais j'ai un enracinement local. On nous dit « Vous allez voir la réaction de vos électeurs dans vos villages ! ». Mais tous ceux qui ont un enracinement local ont la confiance de leurs électeurs, qui savent ce qu'est leur fidélité au service public.

Mme Michelle Demessine.  - Langue de bois !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Je sais ce qu'est un postier, ce qu'est un bureau de poste au fin fond de l'Amazonie, à la frontière du Surinam ou du Brésil, aux îles Marquises ou à Wallis-et-Futuna. Je sais qu'à 26 000 kilomètres de Paris, il attend qu'on lui donne les moyens d'affronter la compétitivité de demain.

Je regrette que la gauche se concentre sur la privatisation : le débat, je l'ai dit, est évacué ! (Protestations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Il est plus que jamais d'actualité !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Pourquoi s'obstiner à parler de privatisation sinon pour faire obstruction, pour empêcher d'en arriver plus vite au vrai sujet : la modernisation de La Poste. Cette motion, c'est une manoeuvre d'obstruction de plus. (Applaudissements à droite, protestations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Non ! Pour prolonger la votation citoyenne !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Cette motion, c'est le seul contre-projet de ceux qui n'en ont pas d'autre à proposer.

C'est l'habitude de la gauche depuis quelque temps : faute de projet ou d'idées, elle propose un référendum. (Protestations à gauche) La Poste mérite mieux que cette fuite en avant. N'ayant plus de repères, la gauche tente de rattraper l'extrême gauche, oubliant qu'un facteur à vélo ira toujours plus vite qu'un parti socialiste en panne ! (Applaudissements à droite et protestations à gauche, où l'on juge, sur les bancs socialistes, le propos indigne d'un ministre)

M. Daniel Raoul.  - Vous révélez votre vraie nature !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Vous avez prétendu que le Gouvernement ne souhaitait pas de référendum d'initiative populaire. Je vais donc vous fournir quelques précisions.

M. Daniel Raoul.  - Ça nous changera !

M. Christian Estrosi, ministre.  - C'est l'honneur du Gouvernement et de sa majorité...

M. Daniel Raoul.  - Où est-elle ?

M. Christian Estrosi, ministre.  - ...d'avoir introduit en juillet le référendum d'initiative populaire dans la Constitution. Depuis, nous avons travaillé les aspects techniques, sans traîner ! (Rires sur les bancs socialistes)

M. Roland Courteau.  - Vous jouez la montre !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Un projet de loi organique vous sera donc soumis avant la fin de l'année.

M. David Assouline.  - A temps pour éviter son application à La Poste !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Je rappelle les règles de ce référendum d'initiative parlementaire et populaire : il faut qu'un cinquième des parlementaires aient rédigé une proposition de loi (on considère à gauche que c'est fait) et que celle-ci recueille la signature d'un dixième du corps électoral, soit de 4,5 millions de Français.

M. Martial Bourquin.  - On a les deux !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Ce référendum d'initiative parlementaire et populaire peut être utilisé dans deux hypothèses. Ou il s'agit de proposer un texte lorsque le Gouvernement n'en a rien fait. Tel n'est pas le cas aujourd'hui.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - D'où le recours à l'article 11 de la Constitution.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Ou on demande l'abrogation, un an après sa promulgation, d'un texte qui ne satisferait pas le corps électoral. Si, dans un an, un cinquième des parlementaires considèrent que le projet de loi dont nous discutons n'a pas atteint ses objectifs, ils pourront rédiger une proposition de loi que 4,5 millions d'électeurs signeront en constatant que les 2,7 milliards d'euros injectés dans ce service public n'ont pas donné les résultats attendus. Mais soyez démocrates et laissez-nous légiférer en attendant.

Lors du débat de révision constitutionnelle, M. Montebourg jugeait insatisfaisant qu'une proposition de loi se bornât à abroger un texte promulgué, sans contenir de contre-proposition. Je réponds : « Chiche ! »

Nous voulons aider La Poste à devenir une grande entreprise de logistique utilisant le TGV et l'avion, concurrentielle dans les communications électroniques. Nous voulons une Banque postale encore plus performante au service des plus démunis. Passons donc aux vrais sujets au lieu de perdre du temps avec des diversions sur le faux thème de la privatisation ! Le Gouvernement vous appelle à repousser la motion référendaire. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Vote sur la motion

M. François Fortassin.  - Nous assistons à un spectacle surréaliste : la majorité juge le projet de loi excellent...

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Bien sûr !

M. François Fortassin.  - ...mais elle est arc-boutée contre le référendum. Si elle était persuadée de défendre un texte excellent, elle accepterait notre proposition puisque la sagesse de l'électorat lui permettrait de gagner un référendum initié par l'opposition. Quelle victoire politique extraordinaire ! (Applaudissements et rires à gauche) A l'évidence, la majorité craint le résultat. Elle pourrait pourtant lancer une campagne sur le thème : « Pour sauver La Poste, utilisez ses services ».

Ce projet de loi comporte une lacune fondamentale. Les salariés de La Poste font bien leur travail mais ils attendent l'usager alors qu'affronter la concurrence suppose une formation que vous ne pouvez leur proposer. Je ne doute pas de votre sincérité intellectuelle mais la privatisation est inéluctable. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Sans partager leur opinion, j'ai apprécié le caractère charpenté des interventions du rapporteur, de M. Retailleau, et même du représentant du groupe UMP. Mais l'attaque conduite par M. le ministre contre l'opposition et plus de 2 millions de nos concitoyens qui se sont déplacés était plutôt invertébrée... Nous voterons la motion. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Après avoir entendu M. le ministre et l'orateur de la majorité, je reste sur une incompréhension.

Vous dites que nous perdons notre temps...

M. Henri de Raincourt, ministre.  - C'est vrai.

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - ...et que l'opposition fait de l'obstruction.

M. Henri de Raincourt, ministre.  - C'est vrai.

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Je n'ai pas ce sentiment. La démocratie impose qu'on respecte tous ceux qui s'expriment.

Nous désapprouvons ce que vous proposez pour un sujet qui touche tous les Français et qui est au coeur de nos préoccupations sur le terrain. Croyez-vous que le service public ne mérite pas un vrai débat ? Estimez-vous que nous discutons depuis hier de sujets futiles ? Le président du Sénat a déclaré hier que discuter la motion référendaire permettrait de purger un certain nombre de problèmes, mais M. Longuet et M. le ministre disent aujourd'hui perdre leur temps avec d'affreux opposants bloqués dans l'immobilisme. Venant d'un pays cathare...

M. Roland Courteau.  - Moi aussi !

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - ...je vous entends parler du dépôt de la motion référendaire comme d'une hérésie. La directive européenne prendra effet le 1er janvier 2011. Nous avons le temps de consulter les Français. Il n'y a rien d'infâmant à mêler démocratie parlementaire et démocratie participative.

Je demande donc plus de considération pour le travail des parlementaires. Si vous défendez vraiment le service public, entourez-vous de toutes les précautions et consultez les Français par référendum. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-France Beaufils.  - Quelles réponses avez-vous donc apportées à nos interrogations ? Sur le statut, nous rappelons qu'un Épic peut fort bien être financé par l'État et que si La Poste a vraiment besoin de capitaux, rien ne vous empêche de mettre en place les outils nécessaires. Mais vous ne cessez de ressasser les mêmes arguments sans aucun élément tangible. On peut travailler sur les aspects juridiques. Nous disons qu'il faut un référendum, vous répondez que l'on n'est pas prêt à mettre en place la consultation prévue par la révision de la Constitution mais vous n'avez pris aucune disposition en ce sens -vous aviez pourtant su très rapidement faire en sorte que le Président de la République, lui, bénéficie de la révision... D'ici le 1er janvier 2011, nous avons le temps de consulter les Français sur votre projet.

Nous voulons, nous, que La Poste demeure un service public mais qu'elle offre des services encore meilleurs ; vous voulez, vous, changer son statut et votre refus de répondre à nos questions est une raison supplémentaire de voter la motion. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Le ministre a raillé la gauche : un facteur à vélo serait toujours plus rapide qu'un PS arrêté... Eh bien, aux yeux du Vert que je suis, la situation est plus grave car les extrêmes se développent en raison de la précarité et de l'exaspération. Voulez-vous un débat d'idées ? Regardez d'abord la souffrance de ceux qui travaillent et de ceux qui ne trouvent même pas d'emploi. Les gens sont mécontents parce qu'on ne s'occupe pas de leur avis. Le meilleur moyen de lutter contre les extrêmes, c'est de les consulter sur l'avenir du service public.

On n'a jamais dit que le projet privatisait mais qu'il déterminait un changement de nature. Ce n'est pas pour les missions de service public que l'on a besoin d'argent mais pour investir à l'étranger, pour que La Poste devienne une entreprise conquérante au niveau européen. Cela veut dire qu'elle aura un management différent, des objectifs différents et que, dans quelques années, une logique de rentabilité l'aura éloignée de La Poste dont la voiture jaune et l'oiseau bleu sont les symboles. Vous gardez le logo mais vous transformez La Poste ! (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - S'ils suivaient nos débats, nos concitoyens seraient très en colère. Contre votre manière de défendre La Poste et les postiers, bien sûr, mais aussi contre votre mépris pour eux. Ils ne seraient pas capables de comprendre -il n'y a que la droite qui le peut, la gauche, même, est trop bête. Et la votation citoyenne ne serait qu'une vaste manipulation : vous seuls savez de quoi vous parlez !

Étrange cacophonie, le ministre s'évertue à nous faire croire que La Poste sera imprivatisable et M. Guaino, dont on ne sait s'il s'exprime au nom du Président de la République ou pour lui, nous explique que rien n'est définitif, que ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Les citoyens sont opposés à la privatisation et votre mépris à leur égard est scandaleux.

Dans certaines communes, ce sont des maires UMP qui ont organisé des votations citoyennes. Que ne les poursuit-on eux aussi ? (M. Guy Fischer s'exclame) Soyez plus modestes. Le peuple est capable de comprendre car il est instruit par l'expérience : il sait que le changement de statut prélude à la privatisation. Vous ne voulez pas le consulter car vous vous méfiez du référendum d'initiative populaire. Mais ici, nous demandons au Président de la République d'utiliser l'article 11 actuel sur votre propre texte. Il est possible d'avoir ce grand débat. Vous expliquerez alors aux citoyens pourquoi votre projet est bon et nous lui présenterons nos raisons. Il suffit, pour cela, d'adopter la motion. Nous la voterons des deux mains. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Une seule suffit...

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.  - Si je prends la parole, c'est que depuis que le débat s'est engagé, j'ai entendu dire que le Gouvernement manifesterait une lenteur à mettre en oeuvre la réforme constitutionnelle. (« Oui ! » à gauche) M. Estrosi a déjà fort bien répondu mais je rappelle ce que j'ai déjà dit trois fois à l'Assemblée nationale, à savoir que je ne comprends pas pourquoi l'opposition nous harcèle pour une réforme qu'elle a combattue et absolument refusée. (Applaudissements à droite) Depuis la révision constitutionnelle, onze textes ont été déposés sur le bureau des Assemblées...

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - Pas celui-ci !

M. Henri de Raincourt, ministre.  - ...et huit ont été adoptés.

Mme Bariza Khiari.  - Mais pas le plus important !

M. Henri de Raincourt, ministre.  - J'ai déjà dit que le texte sur le référendum sera déposé d'ici la fin de l'année. Nous sommes le 4...

M. Martial Bourquin.  - Après La Poste...

M. Henri de Raincourt, ministre.  - Je vous invite donc à utiliser des arguments objectifs : inutile d'alléguer un ralentissement de la procédure. Je ne reprendrai pas ici tous les problèmes techniques, juridiques et constitutionnels qu'implique la mise en oeuvre de la procédure référendaire. Nous les traitons avec sérieux et méthode. A vous d'être plus modestes dans vos reproches à propos d'une réforme que vous aviez combattue. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

M. Jean-Pierre Bel, premier auteur de la motion.  - M. de Raincourt n'a pas à se sentir harcelé. Nous sommes chargés de contrôler les actes du Gouvernement et M. Karoutchi, son prédécesseur, s'était engagé, le 12 février dernier, à nous communiquer un calendrier précis de ces lois organiques « dans les prochaines semaines ». Cela n'a pas été fait pour le référendum.

M. le président.  - Je vous rappelle que l'adoption de la motion référendaire aurait pour effet de suspendre l'examen du projet de loi sur La Poste.

La motion référendaire est mise aux voix par scrutin public de droit en application de l'article 59 du Règlement.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 153
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à midi vingt.

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.