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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Création d'une commission spéciale Grand Paris

Loi de finances pour 2010 (Deuxième partie - Suite)

Agriculture

Interventions des rapporteurs

Interventions des orateurs

Organisme extraparlementaire (Appel à candidatures)

Modification à l'ordre du jour

Loi de finances pour 2010 (Deuxième partie - Suite)

Agriculture (Suite)

Interventions des orateurs (Suite)

Questions et réponses

Examen des crédits

Articles additionnels avant l'article 51

Sécurité

Interventions des rapporteurs

Orateurs inscrits

Examen des crédits

Article additionnel après l'article 59 ter

Relations avec les collectivités territoriales et compte spécial Avance aux collectivités territoriales

Interventions des rapporteurs

Orateurs inscrits

Examen des crédits

Articles additionnels avant l'article 55

Article 56 bis

Articles additionnels

Administration générale et territoriale de l'État

Interventions des rapporteurs

Orateurs inscrits

Examen des crédits

Sécurité civile

Interventions des rapporteurs

Orateurs inscrits




SÉANCE

du jeudi 3 décembre 2009

41e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Secrétaires : M. François Fortassin, M. Jean-Pierre Godefroy.

La séance est ouverte à 11 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Création d'une commission spéciale Grand Paris

M. le président.  - L'ordre du jour appelle, en application de l'article 16, alinéa 2, du Règlement, la proposition de M. le président du Sénat tendant à la création d'une commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris.

Je soumets donc cette proposition au Sénat. Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Loi de finances pour 2010 (Deuxième partie - Suite)

M. le président.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », ainsi que du compte spécial « Développement agricole et rural ».

Agriculture

Interventions des rapporteurs

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Comme l'a observé le Président de la République dans son discours de Poligny, le 27 octobre, l'ensemble des filières agricoles subit une crise sans précédent par son ampleur et son caractère généralisé. La mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » n'est pas en mesure de la surmonter par elle-même : ses montants sont modestes et ne représentent qu'un peu plus de 10 % de l'ensemble des concours publics à l'agriculture.

Doté de 3 424 millions en autorisations d'engagement et de 3 448 millions en crédits de paiement, le projet de budget de la mission présente des évolutions contrastées par rapport à la loi de finances initiale pour 2009 : les autorisations d'engagement progressent de 6,1 % tandis que les crédits de paiement baissent de 0,8 %. Les crédits pour 2010 se caractérisent surtout par une dérogation à la loi de programmation des finances publiques : ils dépassent de 10,3 % le plafond défini pour 2010. Cet écart se justifie par le contexte.

C'est pour en tenir compte que l'Assemblée nationale a majoré de 228,89 millions en autorisations d'engagement et de 163,43 millions en crédits de paiement les crédits de la mission, principalement au titre du plan exceptionnel en faveur de l'agriculture annoncé par le chef de l'État.

Comme les crédits de la mission sont toujours budgétés au plus juste, ce plan exceptionnel devrait apporter un peu d'air au cours de l'exécution. Je rappelle cependant au ministre que notre commission des finances voudrait une prévision fiable plutôt que des redéploiements en cours d'exercice. II est difficile, pour les parlementaires, d'assurer un suivi rigoureux de ces mouvements en gestion. Or il est malheureusement d'usage de ré-abonder en gestion la mission, au gré des crises subies par le monde agricole, qu'elles soient climatiques, économiques ou sanitaires.

La question des aléas ne fait pas l'objet d'une prise en charge satisfaisante. Il n'est toujours pas prévu de doter en loi de finances initiale le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA). L'examen du projet de loi de modernisation agricole devrait être l'occasion d'un enrichissement des dispositifs de gestion des aléas. Ce projet de budget a cependant ouvert la voie puisqu'un amendement de l'Assemblée nationale, que notre commission approuve, élargit la DPA aux aléas économiques.

En dépit de la remise au Parlement d'un intéressant rapport sur la fiscalité agricole, les dépenses fiscales, concentrées sur le programme 154, ne sont toujours pas récapitulées au niveau de la mission. Leur coût, de l'ordre de 3 milliards, est sujet à caution selon la Cour des comptes et leur efficacité reste à démontrer, à l'image du crédit d'impôt pour le remplacement des agriculteurs en congé, dont la commission des finances souhaite limiter la prorogation à un an au lieu de trois.

Lors de votre audition devant notre commission, vous êtes revenu, monsieur le ministre, sur les crédits du programme 154 qui est le support privilégié de la politique d'intervention de votre ministère et reçoit à lui seul la moitié des crédits de paiement de la mission. Vous vous êtes montré rassurant. Nous y reviendrons à l'occasion des amendements, je ne m'y attarde donc pas. Le montant des subventions allouées aux opérateurs du programme augmente. Les fusions auxquelles appelait la RGPP ont été réalisées mais je note une augmentation marquée des subventions allouées à l'agence de services et de paiement, à FranceAgriMer et à l'Odeadom ; ne diminue que la dotation destinée aux Haras nationaux. Cela montre que la réforme des principaux opérateurs du programme doit se poursuivre afin de réaliser des économies.

S'agissant du programme 149, il convient, cette année, de surmonter les conséquences du passage de la tempête Klaus. Une grande partie des dépenses du programme est destinée à son opérateur principal, l'Office national des forêts. Notre commission a demandé à la Cour des comptes une enquête le concernant ; elle a fait apparaître une situation financière préoccupante.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très préoccupante !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - J'estime toutefois qu'elle ne doit pas conduire à abandonner la trajectoire définie par la RGPP.

Au sujet du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », la nouvelle priorité donnée à l'alimentation se traduit par la hausse de 33 % de l'action « Qualité de l'alimentation et offre alimentaire ». J'ai cru comprendre que la réduction des crédits du programme, de l'ordre de 10 %, n'était due qu'à l'extinction progressive de la dotation consacrée à l'élimination des farines animales. Je m'inquiète tout de même du montant attendu pour la lutte contre les maladies animales, et en particulier contre la fièvre catarrhale ovine. Un peu plus de 11 millions suffiront-ils pour poursuivre la vaccination, que l'État s'est engagé à prendre à nouveau en charge ? Ce serait la quatrième année où notre commission devrait regretter une telle sous-budgétisation.

L'autre facteur de réduction des crédits du programme 206 réside dans la réforme du service public de l'équarrissage, réclamée de longue date par notre commission, qui semble à la traîne. En 2010, l'État ne devrait rester payeur que du service public résiduel. Pouvez-vous éclairer le Sénat sur le calendrier de résorption de cette dette et sur les négociations en cours au sein des filières concernant l'instauration des cotisations volontaires utilisées pour financer, à l'avenir, les missions d'équarrissage ? Les crédits restent assez importants en 2010 en raison de la poursuite du paiement par l'État de la dette des éleveurs auprès des équarisseurs. Je plaide pour que cet apurement se fasse le plus rapidement possible.

J'en viens au programme 215, qui est en fait le programme support de la mission. Ses crédits sont stables, hormis pour le financement du recensement général agricole, dont le coût devrait toutefois rester faible. Le plafond d'emplois baisse de 613 équivalents temps plein travaillé en 2010, après avoir été réduit de 1 124 équivalents temps plein travaillé en 2009. La concentration des crédits de titre 2 de la mission au sein d'un unique programme ne se justifie pas ; une ventilation des dépenses de personnel entre les différents programmes serait donc souhaitable.

Septième et dernier point : la mission « Développement agricole et rural ». Les recettes du compte d'affectation spéciale la concernant, évaluées à 114,5 millions, augmentent année après année alors que les dépenses du compte leur sont toujours inférieures.

Cet écart persistant plaide pour une meilleure utilisation des crédits ou une baisse de la fraction de la taxe affectée au Cas-dar. En outre, la justification des crédits de ce compte ne permet pas de s'assurer de l'absence d'une logique d'abonnement des organisations par lesquelles ils transitent -chambres d'agriculture et instituts techniques agricoles. Il est nécessaire d'accroître la part des actions financées par des appels à projets.

Je conclurai avec la question de la PAC. Il y a un an, lors de la signature de l'accord sur le bilan de santé, les États membres ont refusé qu'elle se transforme en une simple politique de développement rural. L'accord a donc garanti le maintien des instruments de régulation des marchés et instauré davantage de flexibilité dans la mise en oeuvre des règles. Monsieur le ministre, évolue-t-on vers la renationalisation de la PAC ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Ça y ressemble.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Cette perspective m'inquiète. Avec 75 % des crédits de la PAC, la France en est de loin la première bénéficiaire. Au regard des 10 milliards d'euros versés au titre des dépenses communautaires agricoles, comment nos finances publiques pourront-elles absorber ce choc ?

Sous réserve du vote de certains amendements, la commission des finances recommande l'adoption des crédits de la mission -que je préférerais rebaptiser « Alimentation et agriculture »- et du compte spécial. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l'économie.  - Ce budget s'inscrit dans un contexte très différent de celui de l'année précédente car l'agriculture française traverse certainement sa plus grave crise depuis 30 ans. Celle-ci touche presque toutes les filières et se traduit par une chute spectaculaire du revenu agricole -moins 20 % en un an selon le Président de la République. Le projet de budget initial était déjà un budget de réponse à la crise. Doté de 3,4 milliards d'euros, il se situait au-dessus des engagements pris dans la loi de programmation des finances publiques pour 2009 à 2011. Ainsi, les crédits du programme « Forêts » augmentent de plus de 25 % afin de faire face aux conséquences de la tempête qui a balayé le sud-ouest en janvier.

Lors de son examen à l'Assemblée nationale, ce budget a reçu 200 millions de crédits supplémentaires, sans compter quelques moyens ajoutés au programme Poseidom pour le développement de l'agriculture ultramarine. Pour l'agriculture, ce sont 100 millions en autorisations d'engagement et 50 millions de crédits de paiement supplémentaires qui ont été inscrits dans le cadre du dispositif Agridiff, et 100 millions pour le fonds d'allègement des charges. S'y ajoutent des crédits de bonification de prêts de consolidation ou de trésorerie, et des allégements de charges sociales dues à la mutualité sociale agricole (MSA) qui figurent dans le collectif budgétaire 2009.

Ce budget poursuit également les objectifs traditionnels de notre politique agricole : soutien à l'installation des jeunes agriculteurs, aide aux filières, encouragement à l'agriculture extensive. Il prépare l'avenir en mettant l'accent sur l'assurance récolte. Les mesures adoptées à l'Assemblée nationale renforcent le système de la déduction pour aléas en l'étendant à l'aléa économique.

Bien sûr, tout n'est pas parfait. Si 75 % de la nouvelle contribution carbone sont redistribués aux agriculteurs, rien n'est garanti pour 2011. La fin du plan pêche conduit à une baisse significative des crédits de cette filière, ce qui préoccupe M. Revet. Il en est de même pour le plan de modernisation des bâtiments d'élevage, ce qui est surprenant en pleine crise laitière. Notre commission a déposé un amendement minorant cette réduction, un autre pour préserver le financement des associations foncières pastorales et un troisième pour prévoir un reversement de ressources des chambres départementales vers les chambres régionales d'agriculture et afin que les premières puissent augmenter le produit de la taxe qui les finance.

Le ministère de l'agriculture participera aux efforts demandés à l'ensemble des administrations en termes de modernisation et de maîtrise budgétaire, mais de manière raisonnable, d'autant qu'il faut prévoir une charge supplémentaire en 2010 avec le recensement agricole.

Je conclurai en évoquant la filière vitivinicole, dont les exportations baissent de 12 % en volume et 18 % en valeur. Des mesures de soutien énergiques s'imposent. Afin de lutter contre les aléas climatiques, il faut créer une combinaison de solutions assurantielles et d'épargne individuelle -c'est un dossier que suit le président Emorine. Pour combattre les maladies de la vigne, l'Inra doit fournir des efforts de recherche supplémentaires.

Monsieur le ministre, vous nous présentez un bon budget. Dans quelques semaines, vous défendrez une bonne loi de modernisation agricole, attendue par la profession et surtout par les jeunes, qui ouvrira des perspectives nouvelles à un monde agricole un peu déboussolé. La commission de l'économie est favorable à l'adoption de ce texte. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission de l'économie.  - Depuis l'an dernier, le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » est intégré à la mission « Agriculture » et non plus à une mission interministérielle. Avec 540 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 560 millions de crédits de paiement, il se situe à peu près au même niveau qu'en 2009.

La sécurité sanitaire est désormais un enjeu majeur des politiques agricoles et la prévention constitue un outil essentiel de gestion des risques. Le budget 2010 solde la crise de la vache folle. Le stockage des farines animales s'achèvera en 2010. L'élimination des stocks, qui coûtait 50 millions d'euros par an jusqu'en 2009, demandera encore 15 millions en 2010 et plus rien en 2011. Le transfert de la gestion de l'équarrissage aux filières et le recentrage de la mission de service public sur les animaux morts abandonnés sur la voie publique signent un retour à la normale.

La vigilance demeure indispensable face aux nouvelles maladies. La fièvre catarrhale ovine, qui touche aussi les bovins, est responsable de 530 millions d'euros de pertes en 2008. Quatre vingt dix sept mille têtes de bétail bovin et 70 000 caprins et ovins ont été abattus. La vaccination obligatoire a donné des résultats spectaculaires : 24 000 foyers d'infection en 2008 contre 73 en 2009. Elle évite les indemnisations pour l'abattage des troupeaux infectés. Elle est reconduite pour l'hiver 2009-2010 et des crédits supplémentaires sont prévus dans le projet de loi de finances rectificative. Certaines inquiétudes quant au coût des visites vétérinaires ont cependant été exprimées. Pour réussir pleinement dans cette lutte, il faut rassurer les éleveurs et, si nécessaire, prévoir des crédits suffisants dès la loi de finances initiale.

La gestion des risques passe aussi par une attention accrue à la santé des végétaux. Nous avons voté dans les lois Grenelle I et II des dispositions qui visent à réduire l'usage des pesticides. Cela signifie aussi une plus grande sensibilité aux parasites, contre lesquels il faut prévoir des solutions techniques.

Une part importante du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » est consacrée à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), dont le ministère de l'agriculture fournit 85 % de la subvention pour charges de service public. Cette dernière augmente de 5 % pour atteindre 55,5 millions. Il s'agit de saluer ce rattrapage de la sous-dotation de 2009. La fusion de l'Afssa avec l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) doit être réalisée l'année prochaine. Si elle conduit à des économies, elle ne doit pas s'effectuer au détriment des missions d'alerte et de contrôle de la sécurité sanitaire des aliments. En outre, un fonds sanitaire doté de 40 millions d'euros de crédits communautaires a été créé en application du bilan de santé de la PAC.

Il n'y a pas de crédits d'État en complément dans ce projet de budget 2010. En commission, le ministre nous a indiqué qu'un tel fonds ne serait constitué qu'en cas de crise. Nous le comprenons, mais voudrions cependant en savoir un peu plus sur les conditions de gestion de ce nouveau dispositif. La commission de l'économie est favorable à l'adoption des crédits de ce programme. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission de l'économie.  - Le modèle agricole à la française se caractérise par la notion d'exploitation familiale, par un amont représenté par le monde de la production, et par un aval constitué de la distribution et des consommateurs. Selon le ministre, l'harmonisation se fera par une véritable régulation des marchés, une baisse des coûts d'exploitation et une sécurisation plus forte. Ces propos nouveaux sont ceux que nous prônons depuis toujours. En période de crise, ces dispositions apparaissent comme l'unique voie de sortie. Parfait, mais où retrouve-t-on tout cela dans ce budget ? Faites-vous l'impasse sur 2010 pour préférer des incantations pieuses sur la loi de modernisation agricole à venir, alors qu'il y a urgence ?

Ce projet de budget s'intéresse en priorité à l'alimentation. S'il est vrai qu'il y a plus de consommateurs que d'agriculteurs et s'il n'est pas aberrant évoquer la voie agricole à travers l'alimentation, quelle relation agriculteur-consommateur via la distribution nous proposez-vous ? Rien, et c'est très décevant. Vous souhaitez augmenter la confiance des consommateurs par des moyens supplémentaires pour les appellations et les indications d'origine protégée et consacrez 15,4 millions à l'Institut national de l'origine et de la qualité. Très bien, tout comme les 3 millions pour la qualité de l'alimentation et de l'offre alimentaire.

Toutefois, rien n'est prévu pour organiser la relation entre les agriculteurs, la grande distribution et les consommateurs. Au nom du libéralisme exacerbé, il faut laisser faire, ce qui va se traduire une fois de plus par la disparition d'agriculteurs. D'autant que la fin du second pilier de la PAC estompe les objectifs spécifiques de la politique de développement rural.

La PAC, avec le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (Feoga), a pu jouer un rôle de régulateur partiel du marché mondial, mais cet équilibre explose aujourd'hui. Quelles sont les nouvelles orientations en matière de régulation ? Rien.

Quant au revenu agricole, objectif essentiel, il passe par la formation même du prix agricole. Je regrette beaucoup que ce projet de budget ne permette pas d'identifier les crédits affectés à l'Observatoire des distorsions de la concurrence et à celui des prix et des marges.

Alors que les prix baissent, se rapprochant des cours mondiaux, malgré des différences énormes de production d'un point à l'autre de la planète, cela nécessite, rapidement, des correctifs. Seule la puissance publique peut assurer le rééquilibrage entre production et consommation. Vous l'avez dit en commission, et j'ai applaudi ; malheureusement, je ne le retrouve pas dans le budget.

On parle d'éviter qu'aucun acteur de la chaîne ne capte pour lui seul la valeur ajoutée. Qu'en est-il ? La course aux prix aligne les pratiques agricoles sur des pratiques industrielles.

Le revenu agricole passe par la recherche de nouveaux équilibres entre agriculture, grande distribution, consommateurs, entre éleveurs et céréaliers. Il est question d'une agriculture qui couvre le territoire, d'une régulation pour la formation des prix. De tout cela, on ne voit rien paraître. Cela me conduit à proposer la sagesse même si, à titre personnel, j'aurais souhaité beaucoup plus. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

M. François Fortassin, rapporteur pour avis de la commission de l'économie.  - Mon intervention portera sur les mesures environnementales et le soutien à l'agriculture extensive, en particulier dans les zones de montagne.

Depuis plusieurs années, la politique agricole est marquée par un appui substantiel aux modes de production respectueux de l'environnement. La PAC impose l'éco-conditionnalité au sein même du premier pilier, celui des aides directes, désormais largement découplées. Les mesures de développement rural contenues au sein du deuxième pilier visent une agriculture durable. Les aides nationales -le soutien aux mesures agro-environnementales régionales, par exemple- intègrent de plus en plus la préoccupation environnementale, et davantage encore depuis le Grenelle.

Dans le cadre du bilan de santé de la politique agricole commune, la France a décidé, le 23 février, de réorienter 1,4 milliard sur les 7,9 perçus au titre du premier pilier, soit un prélèvement de 18 % sur les aides directes. La clef de financement de plusieurs dispositifs est modifiée, ce que traduit ce budget avec la création de nouveaux dispositifs comme l'aide à la rotation des cultures ouverte dans les départements intermédiaires, pour laquelle le cofinancement communautaire s'élève à 55 %. En sens inverse, certaines baisses de crédits traduisent une prise en charge plus importante de l'Union européenne ; c'est ainsi que l'enveloppe nationale des mesures agro-environnementales régionales baisse de 10 millions, compensés par l'enveloppe européenne.

Les éleveurs ont cependant des inquiétudes en ce qui concerne la prime herbagère agro-environnementale. Si la réduction des crédits de paiement s'explique par le passage de la prise en charge européenne de 55 à 75 %, la suppression des autorisations d'engagement signifie qu'aucun contrat ne pourra être signé en 2010. Or 45 % de la surface agricole sont couverts par des surfaces herbagères sur lesquelles l'élevage contribue au maintien de l'activité et de l'emploi dans des zones sans autre possibilité, participe à la qualité des paysages, à la biodiversité et à la qualité de l'eau. La prime à l'herbe créée dans le cadre du bilan de santé compensera-t-elle la fin de ces contrats ? Il faut répondre aux inquiétudes légitimes des éleveurs.

M. Jacques Blanc.  - Tout à fait !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis.  - Reconnaissons toutefois que des efforts sont faits pour l'agriculture de montagne dans ce budget : l'indemnité compensatoire de handicap naturel augmente de 8 %. Avec toutes ces mesures, je forme le voeu que le secteur ovin soit moins en difficulté en 2010 qu'il ne l'est depuis un quart de siècle alors que c'est l'ultime possibilité avant la friche. (Nombreuses marques d'approbation) Heureusement, un amendement de M. César propose le maintien des crédits qui lui sont affectés. Il serait d'ailleurs utile de maintenir la vente directe.

M. Gérard Le Cam.  - Très bien !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis.  - L'hydraulique agricole répond à une logique prudentielle : stocker l'eau lorsqu'elle est abondante pour l'utiliser au moment où on en a besoin, parfois même en dehors d'une logique agricole, par exemple pour le soutien aux étiages.

M. Charles Revet.  - C'est le bon sens !

M. François Fortassin, rapporteur pour avis.  - Ce stockage est de long terme et d'un coût peu élevé : 2 euros le mètre cube. Je regrette donc que le budget 2010 prolonge une fâcheuse tendance consistant à réduire les crédits de l'hydraulique agricole.

Les bâtiments d'élevage doivent faire l'objet d'une attention toute particulière. Le plan de modernisation voit ses dotations réduites cette année, ce que la commission prévoit de revoir par amendement. Je suggère d'être astucieux et d'encourager les éleveurs à installer des panneaux solaires sur le toit de leurs bâtiments. Il me semblerait judicieux de confier cette tâche aux DDEA, en lien avec les chambres d'agriculture et les syndicats d'électrification, afin d'éviter que circulent dans les campagnes des vendeurs peu scrupuleux et de mauvais conseil.

Comme M. Pastor, je donne sur ce budget un avis de sagesse, en regrettant de ne pouvoir aller plus loin. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

Interventions des orateurs

M. Gérard Le Cam.  - Le contexte global de l'agriculture française est celui d'une crise de l'ensemble des filières qui s'ajoute à la crise mondiale. C'est aussi avec la perspective de la loi de modernisation agricole et les multiples attentes qu'elle suscite qu'il faut aborder ce débat. Que peut faire le budget de ce ministère alors que la crise s'étend à tout le secteur agricole et que le revenu des exploitants devrait diminuer de 10 % en 2009, après une baisse similaire en 2008, s'interroge le rapporteur à l'Assemblée nationale, Antoine Herth, dans son rapport. La crise, dit-il, révèle en premier lieu un défaut de régulation européenne et mondiale auquel il est urgent de répondre. Elle révèle en second lieu des défaillances nationales réelles dans la répartition de la valeur au sein de nos filières agricoles. Tout est dit, même si les mots sont feutrés.

Le « défaut de régulation européenne et mondiale » renvoie à la volonté farouche de la Commission de Bruxelles et de l'OMC de déréguler l'ensemble des échanges agricoles, de les livrer aux lois du marché et de la concurrence libre et non faussée. C'est particulièrement scandaleux au regard de l'immoralité de la crise qui prend ses racines dans les modes de spéculation les plus crapuleux, meurtriers même, quand il s'agit de nourrir le monde et que plus d'un milliard d'humains souffrent de la faim.

Quant aux « défaillances nationales réelles dans la répartition de la valeur au sein de nos filières agricoles », il serait temps de s'en rendre compte et d'agir efficacement face aux prédateurs margivores que sont la grande distribution et certains segments de la transformation. La loi de modernisation de l'économie a aggravé les relations entre producteurs et distributeurs au profit de ces derniers.

Les premières constatations de l'Observatoire des marges sont éloquentes : depuis 2000, les industriels restaurent dès que possible leurs marges aux dépens des éleveurs. Et la grande distribution leur fait souvent supporter les hausses de prix du lait pour préserver ses marges. Depuis janvier 2008, le prix du litre de lait payé aux éleveurs a baissé de 15 centimes, mais seulement de 1 centime en rayon. Le prix du lait ne représente que 15 % du prix des yaourts, 34,1 % de l'emmental, 48,7 % du beurre.

Il existe donc des marges pour augmenter la rémunération des producteurs de lait et d'autres matières premières sans provoquer l'inflation des prix à la consommation. Ce matin même, on dispose d'une enquête de Que choisir ? qui illustre mes propos.

La régulation régresse au niveau national comme au niveau européen. Les crédits de FranceAgriMer sont en baisse de plus de 13 %, la dotation de l'Agridiff passe sous la barre des 4 millions d'euros et les aides à la cessation d'activité sont presque toutes abolies. Inquiétantes également, pour ne pas dire mortifères, les orientations communautaires vers une réduction drastique des crédits de la PAC et la suppression des derniers mécanismes de régulation et des quotas laitiers.

Rassurons-nous, Zorro est venu à Poligny : à quelques mois des élections régionales, il fallait bien tenter de rassurer l'électorat paysan. Mais les aides annoncées sont essentiellement des prêts remboursables pour la reconstitution des fonds de roulement et la consolidation des comptes. Les banques seront-elles enclines à prêter à des exploitants en grande difficulté ? Il y a fort à craindre que la crise conduise des milliers de producteurs à mettre la clef sous la porte et accélère la concentration des exploitations au détriment d'un aménagement harmonieux et durable de nos territoires. Ce plan est certes indispensable, mais il ajoute la dette à la dette. Comme le disait Jean-Michel Lemétayer, « jamais un plan d'aide, aussi important soit-il, ne remplacera une politique de prix ».

La crise est principalement due au déséquilibre du système économique qui encourage le pillage des producteurs et les profits indécents. La crise du lait illustre à merveille mes propos, mais le même phénomène se rencontre dans d'autres secteurs. J'ai visité mardi une exploitation laitière en Côtes-d'Armor, où le prix de revient se situe aux alentours de 310 euros par tonne tandis que les prix oscillent entre 260 et 290 euros ; les salariés touchent moins de 1 500 euros par mois pour 60 à 70 heures de travail hebdomadaire... Pour couronner le tout, les producteurs laitiers bretons risquent de devoir payer les noces d'Entremont et de Sodiaal en 2010. Qu'en est-il de ce dossier qui semble gêner le Gouvernement ?

On présente les contrats entre producteurs et transformateurs comme une panacée. Mais tiendront-ils compte du prix des produits transformés ou du prix de revient des producteurs ? Quels volumes seront garantis ?

Le projet de loi de modernisation de l'agriculture est élaboré dans le secret des cabinets ministériels sans que le Parlement en ait eu vent. Mais certains interlocuteurs privilégiés sont déjà en mesure de formuler des propositions d'amendement... (M. Gérard César le conteste) Cela manque d'élégance vis-à-vis des parlementaires ! Cette loi devra assurer aux producteurs des prix rémunérateurs, faute de quoi des pans entiers de l'agriculture française disparaîtront, aggravant notre dépendance alimentaire et affaiblissant les garanties sanitaires. Quand une activité vitale est menacée, tous les mécanismes de sauvegarde et de subsidiarité doivent être activés ! La seule agriculture durable qui vaille est celle qui nourrit les paysans et les habitants du pays.

Les objectifs environnementaux peinent à décoller, qu'il s'agisse des énergies ou de l'agriculture biologique : ne nous contentons plus d'un habillage politiquement correct ! La Bretagne paie au prix fort la prolifération des algues vertes, malgré les plans de maîtrise des pollutions d'origine agricole. La Cour administrative d'appel de Nantes vient de condamner l'État à verser une indemnité de quelques milliers d'euros aux associations concernées : décision importante au plan symbolique, mais dérisoire au plan financier. Il vous appartient à présent, monsieur le ministre, de faire la lumière sur les responsabilités de chacun.

En ce qui concerne l'économie des terres agricoles, prenons garde de ne pas entraver le développement du milieu rural et des dizaines de communes qui en font partie. (M. Charles Revet approuve) La loi sur les territoires confortera les métropoles, ces grandes consommatrices de surfaces routières et industrielles, accentuant le déséquilibre au détriment des campagnes.

J'en viens à la question des retraites. Le plan de revalorisation des petites retraites s'élève à 155 millions d'euros pour 232 000 personnes au cours du quinquennat, soit 5 euros par mois et par personne selon la Mutualité sociale agricole. Les retraites agricoles s'élèvent en moyenne à 400 euros par mois, alors que le seuil de pauvreté est de 817 euros. Les associations de retraités réclament des pensions égales à 85 % du Smic pour les carrières complètes, la parité hommes-femmes, l'extension de la retraite complémentaire obligatoire (RCO) aux conjoints et soutiens de famille, le droit à la réversion des points de RCO du chef d'exploitation décédé. Monsieur le ministre, le plafond de ressources pour l'accès aux revalorisations sera-t-il rehaussé et les pensions des conjoints collaborateurs augmentées, comme cela fut annoncé ?

Les agriculteurs s'inquiètent aussi de la hausse du forfait hospitalier, des franchises médicales et des dépassements d'honoraires, de la raréfaction des médecins généralistes et des tarifs pratiqués dans les maisons de vie pour personnes âgées.

La France doit rééquilibrer son marché pour faire vivre son agriculture. Tout le reste n'est que spéculation, destruction d'emplois, parasitisme économique et social. Persister dans la voie du libéralisme serait suicidaire : la France, premier pays agricole d'Europe, doit montrer l'exemple. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Bailly.  - Monsieur Le Cam, j'ai trouvé parfaitement déplacée votre comparaison entre le Président de la République et Zorro : M. Sarkozy a été élu au suffrage universel avec une confortable majorité et mérite le respect. (Applaudissements à droite)

M. Jean Bizet.  - C'est vrai !

M. Gérard Le Cam.  - Ce n'est pas une insulte !

M. Gérard Bailly.  - Le monde agricole traverse aujourd'hui une crise sans précédent, et nous sommes heureux de constater la hausse de 5,9 % des crédits de cette mission par rapport au plafond prévu par les perspectives budgétaires pluriannuelles. C'est dans mon département que le chef de l'État a annoncé une aide exceptionnelle de 650 millions d'euros pour les agriculteurs : ces derniers l'attendent avec impatience mais, comme j'ai pu le constater vendredi lors d'une réunion à la préfecture avec les organismes professionnels, il est difficile de dire combien d'exploitants en bénéficieront.

J'ai déjà eu l'occasion de dire, monsieur le ministre, combien j'approuve votre action. Je salue vos efforts pour convaincre nos partenaires européens de renforcer la régulation du secteur et de bousculer les dogmes de la Commission.

M. Charles Revet.  - Ce fut une démarche courageuse et appréciée.

M. Gérard Bailly.  - Vous ne m'en voudrez donc pas de relever, en tant que président du groupe d'études sur l'élevage, les quelques insuffisances de ce budget, qui s'expliquent en partie par un contexte difficile. Le plan de modernisation des bâtiments de l'élevage voit sa dotation réduite de 43 % ; pourtant, seule la modernisation des outils de production permettra aux agriculteurs de rester compétitifs tout en respectant les exigences environnementales. On assiste aujourd'hui à une surenchère sur le bien-être animal : eh bien, le bien-être des hommes et des animaux requiert des bâtiments d'élevage modernes et conformes aux normes ! Je soutiendrai donc l'amendement visant à réévaluer le budget du plan.

Après une année de hausse, les crédits d'intervention alloués aux établissements départementaux d'élevage, chargés de l'identification des animaux, diminuent de moitié. Cette baisse est malvenue à l'heure du lancement de la troisième phase de la réforme de l'identification des ovins et des caprins : les exigences de plus en plus élevées de l'État ont un coût. Il est déraisonnable d'augmenter les charges des éleveurs au moment où leurs revenus diminuent du fait de la baisse des prix. Je laisse à mes collègues le soin de parler de la prime herbagère agro-environnementale (PHAE), en me contentant de dire que je soutiens cette mesure.

Dix millions d'euros sont alloués au pastoralisme mais on ne sait quel part de cette somme servira à indemniser les pertes liées aux prédateurs. Des crédits importants ont été affectés, dans le cadre du budget de l'environnement, à la protection des loups. On risque ainsi de décourager les éleveurs, de favoriser le retour des friches et d'augmenter les risques de feux et d'avalanches.

Malgré ces quelques critiques, je soutiens globalement ce budget. Comment faire des miracles dans un contexte d'austérité ? (Applaudissements à droite)

M. Jean-Claude Merceron.  - Je consacrerai mon intervention à la pêche.

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Jean-Claude Merceron.  - La consommation humaine de poissons issus de la pêche ou de l'aquaculture s'élève aujourd'hui à 110 millions de tonnes.

Avec 16 000 emplois à temps plein, la France est un grand pays de pêche en Europe, de même que le Danemark, l'Espagne et le Royaume-Uni. Pour autant, le bilan de nos échanges commerciaux depuis 2007 se solde par un déficit de 2,5 milliards. Pas moins de 85 % des produits que les Français consomment sont d'importation. La raréfaction de la ressource halieutique serait, dit-on, la conséquence de la surpêche, mais elle est aussi le fait de la pollution et du réchauffement climatique qui fait migrer les espèces.

La profession a déjà consenti de gros efforts. En 25 ans, le nombre de navires a chuté de 54 %. Dans mon département de la Vendée, pour la quatrième année, les marins-pêcheurs sont confrontés à la fermeture de la pêche à l'anchois. L'avenir même de cette pêche est en jeu, notamment à Saint-Gilles-Croix-de-Vie où il reste seulement quatre bateaux, contre 24 il y a quatre ans.

Que faire ? Pour répondre à la constante augmentation de la demande, il nous faut réconcilier protection de la ressource et exploitation des espèces en prenant des mesures en faveur de la biodiversité tout en confortant une activité économique qui représente 16 000 marins, je le répète, et trois fois plus d'emplois à terre dans la construction, le ravitaillement et la production. L'augmentation des coûts de production, à cause de la hausse du prix de l'énergie, impose de développer un programme de recherche sur les techniques de pêche plus économes en énergie. Face à la concurrence des importations, qui ne sont pas soumises aux mêmes contraintes, la filière doit se réorganiser et promouvoir une pêche durable dans les instances européennes et internationales.

L'année 2010 sera difficile car la crise nous oblige à adopter de bonnes pratiques. Permettez-moi de faire quelques propositions. Rapprochons les professionnels qui sont les premiers observateurs, les scientifiques qui analysent et les élus qui aménagement les ports. Ensuite, définissons des objectifs stratégiques clairs à plus long terme pour une meilleure visibilité et la planification des saisons de pêche. Décentralisons la politique européenne de pêche au niveau de régions marines partagées par plusieurs États et confions-la aux conseils consultatifs régionaux. Assouplissons les quotas. Cet été, on a découvert des anchois en abondance dans des zones inhabituelles. Le moratoire ne s'imposait donc pas. De même, le moratoire sur le thon rouge en Méditerranée s'applique de manière abusive en Atlantique alors que sa présence y est abondante et qu'il se nourrit d'anchois... (M. Michel Charasse acquiesce) J'évoquerai rapidement d'autres sujets : la réforme des organisations professionnelles, la destruction des navires performants, la suppression en 2010 des contrats bleus, la création d'un label pour la pêche française, le développement de l'algue verte, les difficultés de la conchyliculture et la nécessité de développer l'aquaculture pour gagner en indépendance.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré à Brest mardi dernier que la pêche était un atout majeur de l'économie française et que notre pays devait être chef de file en Europe. Enfin, la France s'intéresse sérieusement à son économie maritime, longtemps délaissée. La pêche est au centre des débats avec le Grenelle de la mer, les assises de la mer et le Livre vert de l'Europe et le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le ministre, vous avez mon soutien vigilant et celui du groupe UC ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Odette Herviaux.  - La stabilité des crédits de cette mission n'est qu'apparente : elle s'explique par l'augmentation de 10 %, des crédits du programme « Forêt », rendue nécessaire après la tempête Klaus. Autrement dit, c'est l'arbre qui cache la forêt. En conséquence, ce budget n'est pas à la hauteur des défis que sont la baisse des produits agricoles, l'endettement, le renouvellement difficile des générations ou encore des règles environnementales de plus en plus contraignantes... Valorisons notre agriculture pour faire de ces contraintes des « aménités positives » et promouvoir l'agriculture durable en France, en Europe et dans le monde à l'OMC. Hélas, les crédits du programme « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires », censés faciliter l'adaptation des filières aux nouvelles normes, reculent de 3,5 %. Les crédits pour accompagner le Grenelle de l'environnement sont loin des ambitions initiales. Je doute que nous parvenions à doubler la surface de production biologique d'ici 2012. Le plan de performance énergétique est doté de 38 millions pour des besoins estimés à 85 millions. Les crédits alloués à la formation des agriculteurs sont insuffisants au moment où l'on veut remettre l'agronomie au premier plan.

Enfin, l'essentiel des ressources, 10 milliards, provenant des aides européennes, ce budget reflète les décisions prises dans le cadre du bilan de santé de la PAC. Le Parlement n'a pas de vision fine sur ces affectations et leurs évolutions. Monsieur le ministre, j'aimerais disposer, lors de l'étude des prochains budgets, du rappel des fléchages des financements européens. Cette exigence concerne aussi le secteur de la pêche et de l'aquaculture. Avec 1 milliard de chiffre d'affaires, 16 000 emplois directs et plus de 5 000 navires actifs, ce secteur façonne l'économie littorale et permet un aménagement équilibré de territoires structurellement fragiles. L'année 2010, M. Merceron y a insisté, sera une année de transition. D'une part, le plan pour une pêche durable et responsable arrivant à son terme, les crédits de l'action « Gestion durable des pêches et de l'aquaculture » diminuent de 36,7 % sans que la situation économique se soit améliorée. Il conviendrait de dresser un bilan précis et d'étudier les conditions de mise en oeuvre du Fonds européen pour la pêche afin de préparer sa révision à mi-parcours avant fin de cette année. D'autre part, les assises de la pêche, dont M. le ministre a présenté les premières conclusions à Brest il y a quelques jours, vont déboucher sur de nouvelles propositions. Pour autant, de nombreux problèmes n'ont pas été réglés. S'agissant de l'évaluation de la ressource halieutique, les études seront enfin menées en concertation avec les pêcheurs, mais leurs crédits baissent d'environ 20 % par rapport au budget de 2009, ce qui est difficilement compréhensible. Face aux difficultés de la conchyliculture, les pouvoirs publics doivent massivement se mobiliser. Cette filière, qui compte 3 120 entreprises de la Manche à la Méditerranée, emploie en effet 8 000 personnes à temps complet et 10 000 saisonniers. L'actuelle surmortalité exige des réponses scientifiques rapides. Monsieur le ministre, je vous adresse la même question qu'à vos prédécesseurs : quels sont vos projets pour traiter le problème récurrent de la couverture des risques dans le secteur ostréicole ? J'en viens à la pêche de grands fonds, si importante pour le littoral. Plutôt que de revenir sur le discours du Président de la République au Havre et ses conséquences, je forme le voeu que le groupe de travail chargé de réfléchir à la pêche au chalut aboutisse. Les moyens déployés pour le contrôle des pêches, 14 millions, permettront d'encadrer cette activité. Près de 50 % des 60 millions destinées au financement de mesures sociales et de modernisation de la flotte sont destinées à solder les opérations du PPDR. Les 6 millions pour le plan de sortie de flotte, auxquels s'ajoutent 14 millions au titre du PPDR, montrent la priorité donnée à la casse qui, si elle est parfois nécessaire, a des effets secondaires sur l'installation, y compris par le renchérissement du prix des bateaux. Quitte à devoir sortir des navires, favorisons la sortie des vieux bateaux et accordons une prime pour la construction de navires neufs, plus économes en énergie, plus sûrs, à condition que le patron s'engage à pratiquer une pêche responsable. Au moment où il importe de valoriser les productions françaises et les éco-labellisations, je veux également dénoncer la mise à contribution de FranceAgrimer au titre de la maîtrise des dépenses publiques avec la suppression de 70 emplois et une dotation insuffisante, y compris d'après le rapporteur.

En conclusion, ce budget, malgré quelques points positifs, n'offrant pas de perspectives assez solides dans un contexte international particulièrement concurrentiel, nous ne pourrons le voter.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Eh oui !

M. Charles Revet.  - Quel dommage !

M. Yvon Collin.  - Une nouvelle fois, l'agriculture traverse une forte crise. Après une embellie en 2006 et 2007, les revenus agricoles reculent de 10 à 20 %. La situation est particulièrement critique dans le secteur des fruits et légumes où les prix ont chuté de 34 % par rapport à 2008 si bien qu'ils ne couvrent même plus les coûts de productions.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - C'est certain !

M. Yvon Collin.  - Dans mon don département, dépôts de bilan et reports d'investissement se multiplient. Dans cette situation, toute politique d'aménagement du territoire serait vaine sans un soutien actif à l'emploi agricole.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Très bien !

M. Yvon Collin.  - Notre pays compte actuellement 350 000 actifs mais pour combien de temps encore ?

En réponse à ces difficultés, malheureusement récurrentes, le Président de la République a annoncé, en octobre, un plan de soutien de 650 millions. Le projet de loi de finances pour 2010 traduit une partie de cet effort financier qui sera poursuivi dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2009.

Pour autant, la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt, et affaires rurales » ne répond pas totalement aux attentes du monde agricole. Certes, ses crédits dépassent les plafonds prévus par la loi de programmation pluriannuelle. Mais cette augmentation des crédits s'explique aussi par l'accroissement du cofinancement national au bilan de santé de la PAC, la gestion des conséquences de la tempête Klaus ou encore le programme informatique et le recensement imposés par la RGPP. Dans ces conditions, faisons-nous suffisamment pour ces milliers d'hommes et de femmes qui sacrifient beaucoup de leur vie pour un secteur de moins en moins rentable ?

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Non !

M. Yvon Collin.  - Faisons-nous assez pour tous ces exploitants à qui l'on impose, régulièrement, de nouvelles normes sanitaires et environnementale alors que leurs revenus sont tout juste décents ?

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Ce sont les bagnards des temps modernes !

M. Yvon Collin.  - Nous pourrions proposer plus que des prêts bonifiés et des allégements de charges sociales !

Deux dispositifs mériteraient d'être renforcés afin de mieux sécuriser les exploitations. Vous connaissez mon attachement à la question de l'assurance récolte. Nous avons eu l'occasion d'en débattre l'année dernière à l'occasion d'une proposition de loi que j'avais déposée. Nous devrions mettre en place un dispositif suffisamment incitatif...

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

M. Yvon Collin.  - ... pour que davantage d'exploitants soient couverts contre les aléas climatiques, notamment les cultures fruitières dont le taux de couverture est de 11 % contre 45 % pour les grandes cultures.

M. Robert del Picchia.  - Bonne idée !

M. Michel Charasse.  - Très bien !

M. Yvon Collin.  - En attendant, je regrette que le fonds national de garantie des calamités agricoles ne soit pas doté par ce projet de loi de finances alors que le code rural prévoit l'inscription de cette subvention au budget de l'État. Mes collègues rapporteurs, toujours très vigilants, le déplorent depuis trois ans.

Le problème de la formation des prix me tient également à coeur, et je salue l'initiative de Didier Guillaume qui demande la création d'une commission d'enquête sur l'organisation de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et sur le mécanisme de formation des prix agricoles. En effet, il est temps de se pencher sur un système opaque qui conduit, depuis deux décennies, à un écart grandissant entre les prix agricoles et les prix en rayon. Ce sujet ne concerne pas le budget de l'État mais je souhaitais l'évoquer dans la perspective du projet de loi de modernisation agricole.

Les agriculteurs ont toujours su adapter leur outil de production. Quand il a fallu produire plus, ils l'ont fait. Maintenant qu'il faut produire mieux, ils le font. Ils acceptent, sans sourciller, de nouvelles exigences sanitaires et environnementales. Pour autant, les agriculteurs ne sont pas les diététiciens ou les jardiniers de la France. Ils sont avant tout des agents économiques qui veulent vivre de la vente de leurs produits. C'est pourquoi, sans nier les avancées du plan exposé à Poligny par le Président, le RDSE souhaiterait un effort à la hauteur d'un secteur aussi vital. Il ne pourra malheureusement pas voter les crédits de cette mission. (Applaudissements socialistes)

M. Jacques Blanc.  - Tout le monde le sait : l'agriculture est en crise. Les agriculteurs souffrent et sont inquiets pour leur avenir. Est-il possible de répondre à leurs attentes ?

Face à la crise laitière, il fallait certes mettre en place un fonds dédié, débloquer des crédits européens et mobiliser les finances publiques pour répondre à la situation intenable des producteurs. En outre, vous avez convaincu nos partenaires de la nécessité d'une politique européenne pour réguler le marché. Ce choix n'était pas évident car les responsables agricoles de certains pays du nord étaient plus que réticents. Bravo, monsieur le ministre, d'avoir été à l'origine du groupe des Vingt ! C'était indispensable pour venir en aide aux producteurs de lait, notamment en montagne où les coûts augmentent.

La concurrence ne doit pas empêcher le développement des politiques interprofessionnelles qui sont les seules à même de sécuriser les prix.

Il y a donc eu une réponse immédiate à des situations dramatiques mais il reste encore à offrir des perspectives d'avenir pour ceux qui doivent rembourser leurs emprunts et pour les jeunes qui souhaitent entrer dans le métier.

Le budget prévoit des aides à l'installation mais qu'en est-il de l'accompagnement par les Adasea et les chambres d'agriculture ? Celle de la Lozère est, hélas, exemplaire en ce domaine : elle ne dispose plus de crédits pour aider aux nouvelles installations. Nous avons déposé un amendement sur ce point : nous en reparlerons tout à l'heure.

J'en viens à la prime herbagère agro-environnementale (PHAE) : un certain nombre de contrats arrivent à terme. Pour l'instant, rien n'est prévu pour les exploitants qui en bénéficiaient. Il faudrait assurer un revenu de remplacement au moins jusqu'en 2013.

J'aimerais que vous nous confirmiez, monsieur le ministre, que les exploitations dont le taux de chargement est inférieur à 0,5, et qui sont souvent situées en montagne, ne seront pas privées du bénéfice du DPU à l'herbe.

Un mot sur l'avenir de la PAC : lundi prochain, une conférence se tiendra en Autriche où la Commission présentera son analyse de la politique agricole menée en montagne : nous avons besoin que vous sécurisiez son avenir. Peut être parlera-t-on un jour de politique agricole durable mais il est indispensable d'assurer l'avenir de notre espace rural, notamment en montagne. Nous devons donc encourager l'activité des agriculteurs car ils sont les meilleurs garants du développement durable ! (Applaudissements à droite)

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Jean Boyer.  - Un peu d'histoire ! (« Pas trop ! » à droite) « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France ». (Exclamations et rires sur divers bancs) Voilà les mots qu'aimait répéter Sully, l'ami et le ministre d'Henri IV. Certes, les vaches laitières ne produisaient pas 8 000 litres de lait et les rendements céréaliers n'atteignaient pas huit tonnes à l'hectare ! La fertilisation chimique n'existait pas, les herbicides non plus. II fallait nourrir la France et le monde. Ce constat était quasiment identique après la Grande guerre.

Depuis cinquante ans, les évolutions techniques, humaines et sociales se sont succédé. La mécanisation a remplacé la main-d'oeuvre. Aujourd'hui, l'agriculture doit toujours nourrir les hommes mais de grands espaces sur tous les continents sont devenus productifs et compétitifs. L'agriculture française évolue dans une jungle mondiale où la bataille est sans pitié. Nous n'avons pas le droit d'être désespérés mais nous avons le devoir de dire la vérité.

On ne peut parler d'aménagement du territoire sans évoquer l'agriculture. Aujourd'hui, de nombreux exploitants craignent de ne plus avoir de voisins. Ils souhaitent une parité humaine et sociale : la mécanisation a réduit la main-d'oeuvre, les épouses travaillent de plus en plus à l'extérieur. Les villages n'ont souvent plus d'école, le ramassage scolaire est coûteux et pas toujours pratique. Les agriculteurs risquent de se délocaliser, ce qui les poussera, à terme, à abandonner leur métier.

Lorsqu'il y a un malaise national ou européen, les problèmes ne sont pas obligatoirement de même gravité, mais il ne faut surtout pas opposer telle filière à telle autre.

M. Didier Guillaume.  - Tout à fait !

M. Jean Boyer.  - L'agriculture est un tout qui est déterminant dans la balance commerciale. La France est le premier producteur végétal et animal de l'Union. Elle est le troisième exportateur du monde en agro-alimentaire.

L'ancien agriculteur que je suis, éleveur en Haute-Loire, département voisin de celui de Jacques Blanc, souhaite enfin vous parler des zones de montagne dont les handicaps naturels aggravent la morosité : la collecte de lait est menacée dans certaines zones où la densité est trop faible, et donc génératrice de frais supplémentaires. Les restructurations sont inquiétantes car les repreneurs veulent des secteurs rentables. Peut-on espérer un retour de l'aide à la collecte en vigueur il y a une quinzaine d'années ? Le lait, c'est le salaire du paysan ! Je reviendrai tout à l'heure sur la prime herbagère (Phae). Quant à l'indemnité compensatrice de handicaps naturels...

Certes, les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent, mais il est temps d'appliquer la revalorisation de 50 % !

Avant de conclure, je voudrais exprimer une inquiétude quant à l'autonomie des chambres d'agriculture, des lieux de proximité précieux pour tout ce qui gravite autour des activités agricoles. (Applaudissements au centre et à droite)

La séance est suspendue à midi et demi.

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

La séance reprend à 14 h 35.

Organisme extraparlementaire (Appel à candidatures)

Mme la présidente.  - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil national des villes.

J'invite la commission de l'économie à présenter ses candidatures. Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.

Modification à l'ordre du jour

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Comme vous avez pu le constater hier soir, nous avons dû reporter l'examen des crédits de la mission « Plan de relance » en raison des retards accumulés.

Après discussion avec les parties intéressées, un accord s'est dessiné pour que nous procédions à cet examen demain, entre celui des crédits de la mission « Aide publique au développement » et celui des crédits de la mission « Provisions », soit vraisemblablement en début d'après-midi.

Il en est ainsi décidé.

Loi de finances pour 2010 (Deuxième partie - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010. Nous poursuivons l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales. »

Agriculture (Suite)

Interventions des orateurs (Suite)

M. Raymond Vall.  - L'examen du budget de l'agriculture intervient alors que notre agriculture traverse une crise sans précédent. Toutes les filières sont concernées. Dans nos campagnes, la détresse de beaucoup d'agriculteurs atteint son paroxysme. Le département du Gers, que vous connaissez, monsieur le ministre, marqué par le poids de ce secteur qui représente 20 % des emplois, n'échappe pas aux difficultés. Nous avons eu à affronter, à canaliser, à comprendre la colère, en particulier des jeunes agriculteurs et des producteurs de lait. Nous avons cumulé, cette année, tous les aléas, depuis la fièvre catarrhale ovine jusqu'à la maladie de l'esca, un vrai fléau pour la vigne (M. Gérard César le confirme) : il serait urgent d'appuyer l'effort de recherche pour l'éradiquer.

Les perspectives ne sont pas rassurantes. Le plan de soutien exceptionnel, annoncé par le Président de la République à Poligny, avait l'air prometteur. Mais, alors que les agriculteurs sont déjà très endettés et ont du mal à rembourser leurs échéances, on leur propose 1 milliard sous forme de prêts bonifiés. Endettez-vous pour vous désendetter... Le message est incompréhensible ! Et ce ne sont pas les 600 millions restants qui suffiront à les aider à éponger leurs pertes de 2009. Ils demandent des mesures fortes comme l'exonération complète de la taxe sur le foncier non bâti. J'espère, monsieur le ministre, qu'ils seront entendus.

On s'attendait à un budget pour 2010 qui s'attaque au caractère structurel de la crise. Or, les crédits de paiement stagnent. Cette stagnation, nous dit-on, cacherait en réalité une hausse. La programmation 2009-2012 prévoyait une diminution marquée des crédits en 2010 et en 2011 : ils augmentent de 10 % par rapport aux prévisions. De qui se moque-t-on ? Les majorations adoptées par l'Assemblée nationale sont certes positives mais correspondent à de simples mesures conjoncturelles.

Vous réduisez les crédits sur des actions qui, dans un contexte de crise et de mutation de grande ampleur, sont essentielles. Les moyens du plan de modernisation des bâtiments d'élevage reculent de 43 %. Sur le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole et du plan végétal pour l'environnement, qui doivent aider les agriculteurs à rester compétitifs et à pérenniser leurs entreprises tout en relevant le défi des exigences environnementales, ce n'était vraiment pas le moment de baisser la garde ! La dotation aux Adasea diminue de 15 % : c'est condamner l'aide à l'installation. Dans mon département, il y a eu, de 2004 à 2007, 388 départs pour 134 installations et 26 % d'exploitants vont cesser leur activité dans les cinq ans.

Quant à la revalorisation de prime herbagère agro-environnementale, désormais cofinancée en grande partie par le budget européen, beaucoup d'interrogations persistent. Le Gers pourrait être exclu de l'indemnité compensatrice de handicap naturel par la nouvelle classification de l'Union européenne.

Le chef de l'État nous a fait part de son engagement à défendre sans faille une régulation rénovée. Après nous avoir dit pendant des années que le marché réglerait tout, je m'en réjouis. Nous savons, monsieur le ministre, combien vous êtes à l'écoute et combien vous vous battez, mais la majorité des membres du groupe RDSE ne pourra pas voter ce budget.

M. Jacques Muller.  - Cette mission appelle deux observations majeures. Tout d'abord, elle montre que la page du Grenelle de l'environnement est tournée -voyez l'absence d'efforts de recherche en faveur de l'agriculture intégrée, qui réduit les intrants et les charges. Si l'Inra considère que ce concept est fondamental pour une agriculture durable, il fait figure d'épouvantail pour certains professionnels et a été tabou ici pendant les débats du Grenelle. C'est aussi la faiblesse des crédits à l'agriculture bio alors que le déficit structurel de notre balance des paiements montre la nécessité de développer l'offre.

Deuxièmement, les crédits européens échappent une fois de plus au contrôle parlementaire ; ils sont pourtant trois fois plus élevés que ceux de la mission. M. Barnier avait annoncé une réorientation de 18 % des céréaliers vers les DPU des exploitations herbagères. Je me félicite de ce premier pas mais les modalités d'application sont opaques et se traduisent par une disparition implicite de la prime à l'herbe agro-environnementale. Qu'adviendra-t-il des 10 000 contrats qui arrivent à échéance ? Sous prétexte des nouveaux DPU revalorisés, on provoque un recul de l'éco-conditionnalité par rapport aux clauses des contrats passés avec les exploitations herbagères. Les zones de montagne seront défavorisées : c'est le monde à l'envers. Oui, le Grenelle de l'environnement est bien loin...

J'attire tout particulièrement l'attention sur le devenir de la politique conduite en zone de montagne vosgienne sous l'impulsion de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt du Haut-Rhin, qui a su associer tous les acteurs dans une démarche de concertation exemplaire pour une politique de revalorisation de l'espace rural. Réouverture des paysages, installation de jeunes agriculteurs, filières courtes, bonnes pratiques, ce plan de gestion a tenu toutes ses promesses : 90 % de la zone Natura 2000 sont contractualisés et le taux de renouvellement des contrats atteint 100 %. Tout le travail accompli depuis quinze ans est aujourd'hui remis en cause car, sans des crédits équivalents à la Phae, la moitié de la surface contractualisée risque de disparaître. Ce gâchis serait emblématique au seuil de l'année européenne de la biodiversité. Au nom des élus, des agriculteurs et des défenseurs de l'environnement, je me tourne vers vous, monsieur le ministre : vous ne pouvez-pas sacrifier cette belle opération sur l'autel d'une astuce budgétaire ! (Applaudissements à gauche)

M. Gérard César.  - Je suis en service commandé car M. Laurent, retenu par les obsèques d'une conseillère municipale, voulait vous questionner sur la fiscalité des liqueurs AOC. En France, les produits issus de l'agriculture sont soumis à une fiscalité variable selon leur mode d'élaboration : le pineau, le floc, le macvin, le pommeau...

M. Charles Revet.  - Bon produit ! (M. Didier Guillaume le confirme)

M. Gérard César.  - ... sont soumis à des fiscalités différentes alors que les produits industriels ont su faire évoluer la fiscalité à leur avantage. Depuis 2003, certains de ces derniers apéritifs sont taxés comme le vin, soit 63 fois moins que le pineau. L'indexation prévue par la loi de financement de la sécurité sociale s'est en effet traduite par une hausse des accises de 1,5 % en 2009 et de 2,8 % en 2010, laquelle représente à elle seule le double des taxes sur les produits concurrents. MM. Doublet et Laurent se battent contre l'iniquité de cette fiscalité. Ils multiplient les questions, demandent des rendez-vous, mais le dernier qu'ils ont eu au ministère s'est conclu par la promesse d'une nouvelle rencontre le 16 décembre.

Si l'aide aux vins de liqueur apportée en 2004, lorsqu'il était chargé du budget, par Dominique Bussereau, président du conseil général de Charente-Maritime, montre que leur demande est légitime, il n'y a plus eu d'avancée depuis lors. Nous perdons en crédibilité, la profession s'exaspère et envisage une grève de cette taxe qui rapporte 24 millions. Daniel Laurent a bien conscience que le pineau ne pèse rien à côté des apéritifs industriels, mais il faut apporter une réponse. Que lui direz-vous, monsieur le ministre ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Didier Guillaume.  - L'ensemble de nos territoires connaît une crise sans précédent. Le cri d'alarme ne doit pas devenir lieu commun. Aucun secteur, aucune région n'est épargnée, déclarait le Président de la République à Poligny. L'agriculture se modernise, les agriculteurs nourrissent la France, entretiennent les paysages et accueillent les habitants des villes stressés : sans eux, plus de paysages, mais des friches ! Il faut leur redonner espoir. Ce budget aurait pu être le moyen de les remobiliser, ce n'est malheureusement pas le cas : il n'est pas à la hauteur des enjeux. Sur tous ces bancs, nous reconnaissons, monsieur le ministre, la sincérité de votre conviction et de votre engagement.

Mme Nathalie Goulet et M. Charles Revet.  - Tout à fait.

M. Didier Guillaume.  - Il faudrait pourtant plus de moyens pour assurer le renouvellement des générations, remédier à la baisse des revenus qui a atteint 20 % en 2008, et lutter contre la déprise foncière qui fait disparaître un département agricole tous les dix ans. Car cette crise structurelle appelle des solutions sur le long terme. Pourquoi ne vous en donnez-vous pas les moyens ? Les crédits de paiement du programme 154 ne sont pas à la hauteur pour renforcer la compétitivité des filières, tandis que ceux de l'enseignement technique agricole reculent de 1,2 %.

Le Grenelle de l'environnement avait fixé des objectifs ambitieux : réduction de moitié des produits phytosanitaires, 20 % de la surface agricole utile en bio d'ici 2020. Le monde agricole doit modifier ses pratiques, mais comment le pourrait-il sans moyens ni formation ? Il y a seulement 3 millions pour la conversion au bio ! Comment atteindre les objectifs dans de telles conditions ? Nous avons besoin d'une stratégie qui se développe sur le long terme. Ne leurrez pas les agriculteurs, améliorons l'organisation économique du secteur, réfléchissons à des mesures structurantes fortes et disons quelle agriculture nous voulons pour les années à venir. C'est ainsi que nous pourrons surmonter la plus grave crise agricole depuis des décennies.

Ce budget ne permettra pas de redynamiser le monde agricole ; les agriculteurs vont continuer à courber l'échine et à se battre, sans la certitude de pouvoir faire vivre leurs familles.

La loi de modernisation se profile. Nous sommes prêts à vous accompagner, monsieur le ministre, si elle n'est pas qu'une loi de plus. La France agricole a besoin de régulation. On parle de réorganiser les filières, mais les offices ont été abandonnés. Surtout, l'agriculture biologique peut être une des réponses à la crise, au moins dans certaines filières. Agriculture conventionnelle et agriculture biologique ne doivent pas être opposées, elles se nourrissent l'une de l'autre. Il faudra aussi répondre à cette question : comment mettre en place l'indispensable assurance récolte mutualisée dont les agriculteurs ont besoin ?

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Didier Guillaume.  - Enfin, loup et pastoralisme ne sont pas compatibles ; il faudra bien un jour faire des choix. (Applaudissements à gauche)

M. Charles Revet.  - Bien que très attaché à l'agriculture, je centrerai mon propos, en ma qualité de président du groupe d'études sénatorial sur le littoral et la mer, sur les enjeux de la mer. La France, qui possède la deuxième zone économique maritime du monde, a des responsabilités particulières pour elle-même mais aussi pour la planète, dans trois domaines à mes yeux indissociables : écologique, scientifique et économique. Le Grenelle de la mer a traité du premier de manière très approfondie mais les deux autres ne sont pas de moindre importance. La recherche française, avec notamment l'Ifremer, est une des plus performantes du monde, tandis que des milliers d'emplois pourraient être créés. Pour nourrir une population mondiale qui ne cesse de croître, les productions terrestres ont des limites ; on est loin en revanche d'avoir développé tout le potentiel des milieux marins. On me dit que les deux tiers de la production d'oeufs et de larves de l'Ifremer sont exportés ; ne pourrait-on mieux couvrir nos propres besoins alimentaires ? L'Inra a mis au point, pour les élevages, une alimentation à base de végétaux pour remplacer les farines animales. Nous ne couvrons que 20 % de nos besoins en poisson et crustacés ; est-ce acceptable ? Nous respectons les quotas de pêche en zone Europe, mais tous nos partenaires n'ont pas les mêmes scrupules.

Je crois que protection de l'environnement et développement des activités économiques ne sont pas incompatibles sur les sites qui s'y prêtent. L'aquaculture peut permettre de créer de nombreux emplois, de couvrir nos besoins alimentaires, de répondre sur le long terme aux besoins mondiaux -à condition que nous n'y mettions pas nos propres limites. Les parcs d'aquaculture sont peu développés en France, leur superficie a même régressé. Les projets de classement des espaces littoraux et fluviaux me préoccupent. Certes, le classement Natura 2000 n'interdit pas l'activité économique, mais presque tous les projets sont bloqués du fait des recours. Je suggère qu'on définisse trois types de sites : ceux dont le classement est justifié, ceux qui peuvent être réservés à l'activité économique et ceux sans destination précise qu'on pourrait réserver pour un classement ultérieur. Je propose également que, sous réserve de compensation de surfaces, les classements antérieurs puissent être revus.

Nous devons en finir avec ce funeste paradoxe d'une Nation de marins qui a oublié la mer. Notre flotte de commerce était au quatrième ou au cinquième rang mondial dans les années 1980, elle n'est plus que trentième ; nous ne couvrons que 20 % de nos besoins ; nous avons une excellente position stratégique mais ce sont les ports étrangers qui assurent l'acheminement des conteneurs qui nous sont destinés ou en partance ; Anvers est le premier port français...

Je suis conscient que tous ces dossiers ne relèvent pas de votre ministère. Je plaide pour une plus grande cohérence de notre politique maritime, ce à quoi le Président de la République nous a demandé de travailler. Pour relever ces défis, monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre soutien. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Yannick Botrel.  - Vous en avez vous-même fait le constat, monsieur le ministre, la crise agricole est la plus grave de ces trente dernières années ; nous devrions dire « les crises » au regard de la diversité des filières durement malmenées -lait, fruits et légumes, céréales- tandis que l'aviculture est en panne d'investissement. Chaque situation de crise entraîne disparitions d'exploitations et nouvelles concentrations. D'après les centres de gestion, 20 % des producteurs de lait sont au bord du gouffre... Cette situation est encore aggravée localement par l'incertitude qui plane sur l'avenir d'Entremont-alliance et par des tensions dont personne ne souhaitent qu'elles conduisent à des dérapages. L'inquiétude est d'ailleurs partagée par les salariés de l'industrie agroalimentaire, dont la restructuration entraînera la suppression de nombreux emplois. Entre 2007 et 2008, 1 200 emplois ont déjà été supprimés dans les entreprises Gastronome, Doux et Unicopa ; et Aoste a fermé son site de Saint- Etienne... Sans compter les menaces qui pèsent sur les entreprises de services liées à l'agriculture. La crise économique devient sociale.

La réorganisation de la filière lait pourrait conduire à une concentration en quatre ou cinq grands groupes de transformation et autant de bassins de production ; elle pourrait se traduire par la désertification agricole de vastes régions où la masse critique de la production ne serait plus suffisante pour maintenir la collecte. Aucun élu ne peut s'y résoudre. La concentration des activités entraînera inévitablement une plus grande pression sur les milieux naturels, avec une augmentation des rendements et un redimensionnement des exploitations, ce qui ne va guère dans le sens des dispositions du Grenelle de l'environnement -réduction des produits phytosanitaires, respect de la qualité de l'eau, développement d'une agriculture plus responsable.

Toutes les productions légumières sont aujourd'hui touchées par la crise. La profession s'est structurée et organisée, au moins dans certaines régions ; les responsables professionnels s'interrogent cependant sur les distorsions de concurrence liées à des importations venant de pays ne respectant pas la même réglementation phytosanitaire que nous ; ils souhaitent une réglementation européenne s'appliquant de façon homogène à tous les pays producteurs.

Ce budget nous paraît en trompe-l'oeil et en deçà des attentes. Les circonstances auraient justifié un engagement plus déterminé du Gouvernement. Or les crédits de l'action « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » régressent, comme ceux de l'action « Gestion équilibrée et durable des territoires » ; les crédits de long terme sont réduits de manière drastique : moins 43 % pour le plan de modernisation des bâtiments d'élevage, moins 12 % pour le PMPOA, moins 13,8 % pour les investissements stratégiques des industries agroalimentaires. Comment, dans ces conditions, aider à la sortie de crise et préparer l'avenir ?

Le plan de soutien d'urgence de 650 millions d'euros, décidé en octobre 2009, n'est pas totalement opérationnel ; on a connu meilleure réactivité... Ce budget apporte des solutions ponctuelles à des filières en grande difficulté ; mais les agriculteurs attendent aussi des solutions pérennes. La future loi de modernisation les apportera-t-elle ?

Parce que les banques sont un vecteur de l'économie, le Gouvernement est allé à l'encontre de la doctrine libérale pour soutenir ce secteur en pleine crise financière. Or nous parlons aujourd'hui d'une activité économique essentielle à la sécurité alimentaire, à l'aménagement du territoire et à l'emploi. Quel modèle d'agriculture voulons-nous promouvoir pour demain ? La réponse à cette question est urgente tant le malaise est profond. (Applaudissements à gauche)

M. Antoine Lefèvre.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Nous abordons ce budget en pleine crise agricole et alors que les revenus des agriculteurs ont baissé de 20 à 60 % selon les filières. Après la crise financière, la crise agricole ! Votre tâche est difficile, monsieur le ministre, car le budget de 2010 doit tenir compte des décisions du bilan de santé de la PAC, poursuivre les efforts en faveur d'une agriculture durable, répondre aux situations d'urgence et dégager des économies. Les professionnels de toutes les filières sont extrêmement attentifs aux réponses que nous leur proposons. En tant qu'élus, nous sentons la détresse de beaucoup d'agriculteurs et entendons leurs préoccupations.

Je m'intéresserai à l'installation des jeunes agriculteurs pour m'inquiéter de la diminution des crédits alloués aux Associations départementales pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (Adasea). En période de crise et de croissance des besoins alimentaires mondiaux, il nous faut soutenir les volontaires à l'installation. Dans mon département de l'Aisne, fortement agricole, nous avons compté une cinquantaine d'installations en 2009 contre 43 en 2008. Le nouveau parcours à l'installation, plus attractif, semble avoir eu un effet accélérateur au second semestre. Je présenterai un amendement, largement cosigné par mes collègues, qui prévoit de transférer 700 000 euros à cette action. Cette proposition est nécessaire mais raisonnable.

Monsieur le ministre, vous travaillez à un projet de loi de modernisation agricole qui prend cette année un caractère d'urgence et que nous souhaitons axé sur une certaine régulation, conformément au souhait exprimé par le Président de la République dans son discours de Poligny. Je vous remercie pour votre action inlassable afin de tenir les parlementaires informés...

M. Jean-Pierre Raffarin.  - C'est vrai !

M. Antoine Lefèvre.  - ... des progrès mais aussi des difficultés que vous rencontrez dans le cadre des sommets agricoles européens. Je souhaite la réussite de la réunion de vos homologues européens à Paris mi-décembre, dans la perspective d'une nouvelle politique agricole commune, et je salue votre volonté d'améliorer la transparence de la formation des prix agricoles. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.  - (Applaudissements à droite et au centre) Nous sommes nombreux à estimer que la crise que connaît l'agriculture française est la plus grave que ce secteur ait connu depuis 30 ans. Il en résulte un vrai désarroi, des souffrances personnelles et familiales et l'inquiétude des agriculteurs quant à la survie de leur exploitation à court et moyen termes. Face à ces difficultés, nous devons assumer nos responsabilités et demeurer vigilants, et le Gouvernement se doit d'agir.

Le rapporteur spécial et Didier Guillaume ont analysé cette crise comme structurelle. Yannick Botrel nous a rappelé qu'elle touche toutes les filières. Gérard Le Cam a évoqué plus particulièrement la crise du lait. Les producteurs de ce secteur nous ont demandé d'intervenir sur les marchés internationaux, avec la Communauté européenne, pour que les prix remontent. Ils souhaitent également que s'instaure une relation plus structurée avec les industriels, sous l'autorité de l'État. Enfin, ils appellent de leurs voeux une régulation européenne du marché du lait lorsque les quotas auront disparu.

Depuis, le prix du beurre et de la poudre s'est établi à un niveau de 30 % supérieur au prix d'intervention sur le marché. Une régulation européenne a été engagée et un groupe de haut niveau a été constitué à l'initiative du Parlement et de la Communauté européenne. Le ministre de l'agriculture espagnol et moi-même avons obtenu qu'il rende ses premières conclusions en janvier au lieu de juin 2010.

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche prévoira qu'un contrat écrit, établi sous l'autorité des pouvoirs publics, fixe les obligations respectives des producteurs et des industriels. Une commission publique de conciliation veillera à leur mise en place. Nous ferons en sorte que le prix payé au producteur soit supérieur en 2010 par rapport à 2009, mais il ne revient pas à l'État de fixer le prix du lait. (M. Jean Bizet approuve) L'État a rempli sa mission. C'est aux organisations syndicales, que le Comité national des produits laitiers (CNPL) a invitées à se réunir, de prendre le relais.

Ce budget tient compte de la crise actuelle : pour la première fois, il dépasse le seuil des 5 milliards d'euros, dont 3,4 milliards pour l'agriculture, la pêche, l'alimentation et la forêt et 1,6 milliard pour l'enseignement et la recherche. Les crédits dépassent la programmation de 10 % pour les autorisations d'engagement et, avec le plan d'urgence, de 13,3 %. Ce manque de prévisibilité que regrette M. Bourdin s'explique par les crises spécifiques, qui nécessitent des décrets d'avance, par les accords européens de novembre 2008 pour le bilan de santé de la PAC, qui ont mobilisé 234 millions de crédits de paiement, par la taxe carbone, qui représentera 43 millions en 2010 pour le ministère de l'agriculture, et par les conséquences de la tempête Klaus.

L'augmentation des crédits de paiement par rapport à 2009 est faible car la réforme du service public de l'équarrissage et l'élimination des stocks de farine animale nous ont fait économiser 41,6 millions. Monsieur le rapporteur spécial, nous faisons tout notre possible pour que la dette de l'État soit effacée d'ici 2011 -11 millions ayant été remboursés par anticipation en 2009. Lors du vote du projet de loi de finances pour 2009, un amendement déposé par Françoise Férat a permis d'augmenter de 38 millions les crédits de l'enseignement agricole. Cette mesure de compensation n'avait pas été reconduite. Luc Chatel et moi-même souhaitons fortement soutenir l'enseignement agricole. Nous traduisons cette volonté par des actes. (M. Charles Revet approuve) Soixante ETPT ont été rétablis afin d'accueillir 400 élèves. Un amendement sénatorial, à l'initiative du président du groupe UMP, a permis d'engager 50 ETPT supplémentaires, ce qui assurera 150 emplois pour la rentrée 2010. Cet effort est donc réel, chiffré, conforme à notre volonté politique.

Le Président de la République a annoncé le 27 octobre un plan destiné à aider les agriculteurs de France a passer dans les meilleures conditions cette année noire pour l'agriculture française. Un milliard de prêts bonifiés seront accordés sur cinq ans et 650 millions seront consacrés au soutien budgétaire. Toutefois, nous ne souhaitons pas ajouter de l'endettement à l'endettement. Il faut apurer certaines difficultés.

Une somme de 210 millions d'euros servira à réduire les intérêts d'emprunt et les charges sociales des agriculteurs : qu'on ne me dise pas qu'on ne fait que majorer les dettes ! Au terme d'un arbitrage délicat, il a été décidé d'exonérer certains exploitants de la taxe sur le foncier non bâti, pour un montant de 50 millions d'euros. Il n'était pas envisageable de supprimer purement et simplement cette taxe qui rapporte 850 millions d'euros.

Le dispositif Agridiff sera abondé de 100 millions d'euros, afin de répondre aux difficultés des paysans si endettés qu'ils ne peuvent bénéficier des autres mesures.

Enfin, 170 millions d'euros ont été débloqués pour prendre en charge la taxe carbone et une partie des autres taxes.

Au plan de la méthode, je ne prendrai aucune décision qui enfreigne les règles européennes : c'est un changement majeur dans la conduite de mon ministère. 

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La Commission a avalisé hier le plan français : c'est la première fois qu'elle se prononce en dix jours sur un plan de soutien à l'agriculture.

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - L'argent que nous donnons aux agriculteurs, l'un de mes successeurs n'aura pas à le leur reprendre dans quelques années parce que cette aide aura été déclarée contraire au droit communautaire ! (Applaudissements à droite)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Lorsque les règles européennes ne nous conviennent pas, je fais tout mon possible pour persuader nos partenaires d'en changer - je citerai à titre d'exemple le règlement technique de la pêche.

Cette politique porte ses fruits. J'ai exprimé la volonté que tous les exploitants qui perçoivent aujourd'hui la prime herbagère agro-environnementale continuent à toucher la même somme jusqu'en 2014. Cela pose un problème juridique et dans une moindre mesure un problème budgétaire. Les règles européennes n'autorisent pas le renouvellement des contrats : c'est la raison pour laquelle aucune somme n'y est affectée dans ce budget. J'ai fait une proposition à la Commission européenne, qui l'a repoussée tout en prenant acte de nos efforts pour trouver une solution. Elle nous a fait une contre-proposition que mes services étudient et qui me semble tout à fait acceptable : il s'agirait de remettre tous les compteurs à zéro et de reconduire tous les contrats, qu'ils arrivent à échéance en 2010 ou 2012, jusqu'en 2014. Si cet accord est ratifié et que M. le Premier ministre rende les arbitrages nécessaires, nous inscrirons 30 millions d'euros à cet effet en loi de finances rectificative. La poursuite des versements est indispensable à l'équilibre économique des exploitations et à l'aménagement des territoires en difficulté, notamment en montagne.

M. Jacques Blanc.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - N'oublions pas les mesures prises à l'automne : une enveloppe de 30 millions d'euros a été annoncée lors du sommet de l'élevage pour prendre en charge les intérêts d'emprunt. Pas moins de 98 millions d'euros serviront à financer la vaccination contre la fièvre catarrhale ovine : 30 millions provenant du budget communautaire, 60 millions inscrits en loi de finances rectificative et 8 millions de reliquat du budget de 2009. Nous avons fait le choix de faire procéder aux vaccinations par les services vétérinaires, afin d'assurer la crédibilité de l'opération et, partant, le maintien des prix à l'exportation.

M. Alain Vasselle.  - Et des tarifs des vétérinaires...

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Les exploitants seront intégralement remboursés.

Une somme de 11 millions d'euros, inscrite au budget, servira à financer les actions de surveillance biologique du virus et de l'insecte. J'organiserai au mois de janvier des états généraux du sanitaire afin de mieux associer les éleveurs à ces campagnes de vaccination.

Toutes ces mesures relèvent de logiques différentes et seront financées par des biais divers. La loi de finances rectificative pour 2009 comprendra 170 millions d'euros pour la vaccination contre la FCO, les bonifications de prêts et l'allégement des cotisations sociales, qui seront ainsi immédiatement applicables. En tout, 320 millions d'euros seront inscrits par amendement gouvernemental au PLF pour 2010 afin de financer Agridiff, la prise en charge des intérêts d'emprunts et le remboursement de la taxe carbone. L'allégement des charges pesant sur les travailleurs occasionnels, qui coûtera 170 millions d'euros, est une mesure structurelle destinée à être perpétuée d'année en année ; il figurera donc dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, mais je ferai en sorte qu'il s'applique dès le 1er janvier 2010.

Je veillerai à la bonne application du plan de soutien. J'ai bien conscience des difficultés rencontrées sur le terrain, notamment auprès des banques ; je dois m'en entretenir lundi avec Nicolas Forissier, chargé d'une médiation sur ce sujet, et je suis prêt à écouter les exigences des exploitants. Plutôt que des prêts, certains réclament un report en fin de tableau : nous verrons si nous pouvons accéder à cette demande au cas par cas, grâce aux 100 millions d'euros alloués à Agridiff.

M. Charles Revet.  - C'est vrai !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Beaucoup se plaignent des nouvelles contraintes environnementales. J'ai décidé de permettre le retournement des prairies permanentes comme des prairies temporaires, à condition que la surface en herbe reste identique. (Applaudissements à droite)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Ne soyons pas obtus : du moment que la surface en herbe reste la même, l'environnement est préservé !

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le souhaitez-vous vraiment, madame la présidente ?

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Il nous faut de vraies réponses.

M. Alain Vasselle.  - Nous prenons tant de plaisir à écouter M. le ministre !

Mme Nathalie Goulet.  - Nous voulons encore entendre de bonnes nouvelles !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le peuple le regrettera...

Au-delà des mesures conjoncturelles, la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche comportera des réformes structurelles. Je souhaite que les parlementaires de tous bords soient associées à son élaboration, y compris les sénateurs socialistes, monsieur Guillaume : ce sujet mérite que l'on dépasse les clivages politiques.

Le premier objectif de la loi sera de stabiliser le revenu agricole. Les relations entre agriculteurs, industriels et distributeurs seront régulées par la voie de la contractualisation. Je reviendrai tout à l'heure sur le mariage d'Entremont et de Sodiaal. Nous interdirons les rabais en période de crise, encadrerons la pratique des prix après vente et imposerons des contrats écrits pour la publicité hors lieu de vente. L'Observatoire des prix et des marges verra son champ de compétences étendu à toutes les filières et sera doté de pouvoirs plus contraignants.

Le deuxième objectif sera de renforcer la compétitivité de notre agriculture, tout en renforçant les garanties des exploitants. Un dispositif assuranciel, véritable révolution dans le monde agricole, permettra de compter sur un revenu minimal. (MM. Gérard César et Jean Bizet approuvent) Nous étendrons la dotation pour aléas à l'aléa économique. Nous porterons la subvention de la Commission européenne et du budget européen à 65 % pour l'assurance d'ici 2011. Et enfin, sur l'arbitrage personnel du Président de la République, nous travaillerons à la création d'une assurance universelle garantie par l'État.

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Et voilà !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Intéressant !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - C'est une révolution pour l'agriculture française...

M. Adrien Gouteyron.  - C'est effectivement très important...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très inquiétant, voulez-vous dire !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - En matière de compétitivité toujours, nous encouragerons les organisations de producteurs à se fédérer, nous renforcerons le rôle des interprofessions, nous diminuerons le coût du travail occasionnel de 11,53 à 9,26 euros pour le rapprocher de celui de nos concurrents européens.

Autre objectif du projet de loi, préserver les terres agricoles. La France, première puissance agricole européenne, ne peut continuer de perdre tous les dix ans l'équivalent d'un département en terres agricoles !

Mme Nathalie Goulet.  - Juste !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - D'autant que l'on ne peut défendre les circuits courts de distribution et vouloir limiter l'impact de l'agriculture sur l'environnement tout en repoussant les terres toujours plus loin des grandes villes.

Ces mesures structurelles n'ont de sens, messieurs Bourdin et Le Cam, que si nous défendons pied à pied la régulation des marchés agricoles en Europe et dans le monde. (M. Jean-Marc Pastor acquiesce) Après notre relatif succès sur le marché du lait, je réunirai le G22 agricole à l'Assemblée nationale la semaine prochaine pour défendre une régulation plus forte sur tous les marchés agricoles.

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Nous mettons beaucoup d'espoir dans cette rencontre !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Il en va de même de la pêche, évoquée par MM. Merceron et Revet ainsi que par Mme Herviaux. Grâce aux travaux des assises de la pêche closes hier par le Premier ministre à Brest, nous serons le premier État européen à déposer sur le bureau de la Commission des propositions de réforme de la politique européenne de la pêche partagées par les associations et les professionnels de la mer.

Cette régulation doit être mondiale. Personne ne peut ignorer que la variation des prix agricoles de 30 à 50 % cette année a empêché des centaines de milliers de paysans de produire. Personne ne peut ignorer que des pays en développement ont vendu 10 millions d'hectares de terres agricoles à la Chine, à la Corée, l'Arabie Saoudite en 2008, 30 millions en 2009. Il n'y aura pas d'indépendance alimentaire si nous n'encadrons pas ce mouvement. J'ai fait des propositions en ce sens avec mon homologue brésilien au sommet de la FAO. J'ai également invité, dans le cadre de l'OMC, le Canada, un certain nombre de pays européens et africains à s'engager dans la voie de la régulation. Je suis convaincu que nous ne sommes qu'au début de ce débat et que les idées de la France trouveront un écho de plus en plus large ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.  - Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à mes questions !

Questions et réponses

M. Alain Vasselle.  - Monsieur le ministre, les mesures conjoncturelles que vous venez de prendre ne sauraient répondre à une crise de nature structurelle, vous l'avez reconnu. Elles mettent l'accent sur les producteurs de lait, de fruits et légumes et les viticulteurs. Quid des producteurs de céréales, d'oléagineuses et de protéagineuses ? Soit, ils sont présentés comme des nantis. (M. Didier Guillaume ironise) Mais la réalité, selon le comité agricole de mon département, est qu'une exploitation agricole de polyculture et d'élevage de 300 ha va voir son revenu brut d'exploitation diminuer de 50 % par rapport à l'an dernier, sans oublier les effets de la redistribution des aides, décidée à contrecourant par M. Barnier à l'occasion du bilan de santé de la PAC, des régions céréalières vers les éleveurs de montagne. Comment compenserez-vous les surcoûts de production liés aux nouvelles contraintes environnementales ? Comment rétablir la préférence communautaire dont M. Sarkozy s'est fait le héraut ? A toutes ces réponses, les producteurs attendent des réponses concrètes !

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je n'ignore pas les difficultés de la filière céréalière. La redistribution des aides de la PAC était une mesure courageuse et juste, mais le partage est plus difficilement acceptable pour les céréaliers depuis que les cours des céréales ont baissé. Première remarque, la question de la parité entre l'euro et le dollar constitue un problème majeur, les céréaliers exportant beaucoup, sur lequel nous avons peu de marges de manoeuvre. Le cours est de 170 dollars la tonne, soit seulement 120 euros. Cela n'est pas satisfaisant. Ensuite, il faut nous battre pour davantage de régulation, je le ferai au sein du G22 agricole la semaine prochaine. Vous pouvez compter sur ma détermination.

Enfin, la question assurantielle. Les céréaliers sont plutôt bien assurés avec un taux d'assurance de 30 %, par rapport à d'autres filières qui ne le sont pas du tout. Mais cela reste insuffisant. Nous ne pourrons avancer sur ce point tant qu'il n'existera pas de dispositif de réassurance public. D'où toute l'importance de l'arbitrage rendu par le Président de la République dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche qui permettra de porter le taux d'assurance de tous à 60, sinon 80 %.

M. Alain Vasselle.  - Merci de cette réponse très claire qui concerne tous les agriculteurs, y compris les céréaliers. Nous attendons avec impatience l'application de ces mesures dans l'espoir que l'année 2010 soit meilleure que 2009 !

M. Yannick Botrel.  - Monsieur le ministre, vous avez fait état d'un redressement relatif du prix du lait payé aux producteurs. Ces derniers ne partagent pas ce sentiment et les comptes de nombreuses exploitations sont encore négatifs. Sur le dossier Entremont Sodiaal, la tension est vive dans les Côtes d'Armor et en Bretagne : les producteurs ont l'impression d'être écartés de la discussion ; leurs inquiétudes sont partagées par les responsables politiques, compte tenu de l'importance de l'entreprise pour l'économie de la Bretagne. Monsieur le ministre, pourriez-vous faire un point sur le dossier Entremont et les perspectives de rapprochement avec le groupe Sodiaal ?

M. Adrien Gouteyron.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je ne nie absolument pas que le prix du lait ne soit pas satisfaisant. Mais à chacun ses responsabilités. Celle du ministre de l'agriculture est de plaider auprès de la Commission européenne pour qu'elle intervienne sur les marchés et fasse remonter les prix. Ce fut difficile, mais nous avons obtenu qu'elle le fasse. Les prix ont commencé de remonter, il faut maintenant les fixer à un niveau équitable pour les producteurs, au moins supérieur aux prix de 2009. Cela ressort de la responsabilité des industriels et des organisations syndicales.

J'ai étudié le dossier Entremont de près en ne perdant jamais de vue l'intérêt des 6 000 producteurs et également des 4 600 salariés en Bretagne. Lorsque je me suis rendu auprès des producteurs en juillet, j'ai pris l'engagement de trouver une solution industrielle en septembre 2009. J'y ai travaillé tout le mois d'août. La seule proposition sérieuse que j'ai reçue est celle du groupe Sodiaal, l'autre étant la mise en liquidation judiciaire qui est inacceptable.

Les discussions se sont engagées : un accord d'exclusivité a été signé début octobre et renouvelé en novembre. Très récemment, le groupe Lactalis a dit qu'il pourrait déposer une offre : c'était la première fois qu'il se manifestait. Attendons la nouvelle offre afin que les parties intéressées puissent choisir entre celle de Sodiaal et celle de Lactalis. Mais je tiens à rappeler que ce dossier est parfaitement transparent et les producteurs ont voté à plusieurs reprises sur le projet de Sodiaal pour Entremont.

D'ici la fin de l'année, je souhaite une perspective industrielle claire et définitive pour la reprise du groupe Entremont : nous le devons aux producteurs et aux salariés du groupe.

M. Yannick Botrel.  - Monsieur le ministre, vous avez confirmé implicitement que l'augmentation du prix du lait ne bénéficie pas directement aux producteurs. Il y a encore du chemin à faire pour que les relations soient équitables entre producteurs et transformateurs. Les pouvoirs publics et le Gouvernement ne peuvent se dédouaner de leurs responsabilités en la matière.

Sur le dossier Entremont, vous faites état d'un certain nombre d'informations dont je prends acte. Mais les producteurs laitiers ont l'impression de ne pas être associés aux discussions en cours. Je ne sais pas à quoi correspondent les votes dont vous avez fait état, mais ils sont loin de rassurer les agriculteurs concernés.

M. Daniel Soulage.  - L'année 2009 restera une année noire pour toute l'agriculture française. Le secteur des fruits et légumes est encore aujourd'hui en crise, malgré le plan exceptionnel de soutien à l'agriculture présenté le 27 octobre par le Président de la République et malgré votre engagement et votre détermination.

Le secteur des fruits et légumes est un des piliers du développement de nos territoires mais il aura beaucoup de mal à retrouver sa place et son dynamisme. Les actions conjoncturelles, bien qu'importantes, ne suffiront pas. Il faut agir sur les structures et en particulier réorganiser la filière.

Vous avez déclaré lors de votre intervention en commission des affaires économiques que vous iriez au bout de la réforme programmée : mise en place d'appellations d'origine protégée (AOP) par produit et création d'un organisme fédérateur, la Gouvernance économique des fruits et légumes (Gefel), qui représentera cette profession.

En matière d'AOP par produit, sept sont constituées sur quinze prévues. En revanche, la représentativité des comités économiques n'ayant pas été renouvelée, les territoires ne sont pas représentés en tant que tels, si bien que les petites productions locales restent en ordre dispersé. Les discussions avec les collectivités sont plus difficiles, les financements professionnels disparaissent et, avec eux, les possibilités d'action tant en matière de centres de recherche que de promotion de produits.

Vous faites beaucoup pour cette filière, monsieur le ministre : la création d'AOP et le regroupement sont d'excellentes initiatives. Le nouvel organisme devra fédérer toute la production. Pourtant, ceux qui ont rallié le nouveau cadre ne représentent que le quart de la production regroupée dans la précédente organisation. Il faut absolument reconnaître les organisations territoriales. Votre prédécesseur a commencé en décembre 2008 en reconnaissant les organisations économiques de la Bretagne et de la Corse. Vous avez poursuivi avec l'arrêté du 10 novembre qui leur permet de se doter de moyens financiers importants grâce à la mesure « d'extension des règles ». Il faut absolument poursuivre sur tout le territoire. Seuls les Bretons et les Corses disposent de moyens financiers pour la recherche et la promotion de produits : c'est une bonne chose mais il faudrait que les autres régions fassent de même.

Avec la crise, la famille professionnelle se déchire, ce qui complique votre mission déjà délicate. Nous savons que vous êtes déterminé : nous avons confiance en vous.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je partage votre analyse : la filière des fruits et légumes vient de connaître une année extrêmement difficile. Elle connaît des problèmes à la fois conjoncturels et structurels. Il faut lui redonner de l'air, ce qui a été fait avec le plan d'urgence, mais aussi lui permettre de redevenir compétitive.

Si nous voulons gagner en compétitivité, il faut avancer dans deux directions : d'abord, l'offre doit être mieux structurée. Je me félicite que la filière ait proposé de renforcer les associations de producteurs : nous irons au bout de cette réforme car c'est la meilleure façon de bien défendre les productions. Même sur des produits de base, la filière bretonne s'en sort bien car elle est très bien organisée. Il convient, en second lieu, de réduire l'écart de compétitivité entre la France et les autres pays européens en matière de coût du travail qui représente entre 40 et 60 % du coût final du produit. Si les écarts sont trop importants, la filière ne peut pas s'en sortir. Dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, nous proposerons de réduire le coût du travail occasionnel pour toutes les filières agricoles : on passera de 11 à 9 euros de l'heure de travail. Nous nous rapprocherons ainsi de nos voisins européens comme l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne qui sont autour de 6 à 7 euros de l'heure.

Je suis ouvert à toutes les propositions qui permettront d'améliorer la compétitivité de la filière pour le coût du travail permanent, sous réserve que nous restions dans le cadre du droit du travail français et des règles européennes.

M. Daniel Soulage.  - Je souhaiterais que l'exemple breton soit suivi par le reste du pays. Il faut mettre sur pied des organisations territoriales dans chaque région.

M. Didier Guillaume.  - En 2008, la filière des fruits et légumes a subi la plus forte baisse de revenus du secteur agricole : moins 37 % !

En dehors des crises sanitaires ou climatiques, les prix payés aux producteurs sont scandaleusement bas : ils sont souvent inférieurs à leurs prix de revient. Ce n'est pas acceptable.

Vous pointez le coût du travail saisonnier comme un facteur de distorsion de concurrence avec les autres pays européens. Vous avez, à juste titre, proposé des mesures pour y remédier.

Mais la fin de cette crise ne passe pas uniquement par la réduction du coût du travail. Lors des questions d'actualité en septembre, je vous avais déjà posé une question et, lorsque vous êtes venu il y a quelques semaines avec le Président de la République dans la Drôme, vous vous êtes adressé à la filière fruits et légumes. En France, les agriculteurs ne fixent pas leurs prix : c'est la seule profession dans ce cas là. Il y beaucoup trop d'écart entre le prix payé au producteur et celui acquitté par le consommateur. En concertation avec les représentants de cette filière, j'ai donc demandé avec mon groupe politique la création d'une commission d'enquête sur l'organisation de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et le mécanisme de formation des prix.

Nous ne pouvons nous résigner à la mort de la filière fruits et légumes qui a encore beaucoup d'avenir. Les arboriculteurs ne veulent pas vivre de subventions, de subsides, mais de prix rémunérateurs, capable de faire vivre une famille.

Pensez-vous que l'enveloppe d'urgence de 15 millions, avec un taux de spécialisation réduit de 50 à 30 %, sera suffisante pour permettre aux producteurs de fruits et légumes de passer cette crise ?

Pouvez-vous donner votre avis sur la mise en place d'une assurance récolte obligatoire ?

Pouvez-vous faire un point d'étape sur le plan de lutte contre la sharka, et nous dire comment le Gouvernement compte, aux cotés des collectivités, le prolonger en 2010 ?

En tout état de cause, ne faut-il pas repenser de fond en comble la formation des prix agricoles ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Il n'y a pas de solution miracle, mais une accumulation de bonnes décisions et de bons choix politiques qui permettront d'apporter des réponses aux filières en crise.

S'agissant de la filière des fruits et légumes, il y a un problème d'organisation et de compétitivité, comme je l'ai dit à M. Soulage.

En ce qui concerne la commercialisation, des progrès restent à faire pour valoriser les produits. Dans les grandes surfaces, les fruits et légumes sont traités comme les derniers des produits : mal valorisés, mal étiquetés et les origines rarement indiquées. Nous devrons aussi nous attaquer aux marges. Sur la carotte, elles sont véritablement excessives. Nous renforcerons donc l'Observatoire des prix et des marges dans la loi de modernisation.

Nous devrons aussi remédier à un certain nombre de pratiques : en période de crise, les remises, rabais, ristournes sont inacceptables. Les efforts doivent être équitablement répartis car il n'est pas logique que seuls les producteurs trinquent. Nous proposerons donc dans la loi d'interdire ce genre de pratiques en période de crise.

Trop de contrats restent verbaux : il faut leur substituer des contrats écrits. D'ailleurs, tout le monde dans la filière des fruits et légumes y est favorable, aussi bien les producteurs que ceux qui commercialisent les produits car cela permettra de clarifier certaines pratiques. Enfin, la publicité sur les lieux de vente mérite aussi d'être encadrée.

En prenant toutes ces décisions structurelles et conjoncturelles, nous arriverons à mieux valoriser les produits de cette filière, ce qui garantira un revenu plus stable et plus juste aux producteurs.

Pour la sharka, nous apportons des réponses et maintenons le dispositif en 2010, ce qui permettra de rembourser les producteurs. Enfin, nous encourageons l'assurance récolte dans un cadre public.

M. Didier Guillaume.  - Vos réponses vont dans la bonne direction. La filière qui me tient le plus à coeur est aussi l'une des plus touchées et les jeunes ne peuvent plus s'installer. J'y insiste, l'Observatoire des prix et des marges est indispensable. Il ne doit plus être possible de vendre à perte ni de voir sur un étal des pommes vendues cinq à six fois le prix de départ. Nous y serons très attentifs dans la loi de programme.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Les épisodes climatiques extrêmes que l'on observe depuis quelques années résultent-ils du réchauffement climatique ? Ils ont en tout cas des effets dévastateurs sur les revenus d'exploitants confrontés en outre à des facteurs pathogènes émergents, à la refonte de la PAC et aux fluctuations des marchés. Grippe aviaire, effondrement des prix, tempête Klaus, beaucoup d'exploitants sont au bord de la faillite. Pourquoi les entreprises agricoles sont-elles les plus exposées et les moins protégées des entreprises ? Fonds de garantie des calamités agricoles, assurance récolte et épargne de précaution défiscalisée, ces mécanismes sont encore trop limités. L'assurance récolte reste concentrée sur les productions les moins risquées. Vous avez obtenu un cofinancement communautaire jusqu'à 65 % des primes, ce dont je me félicite, mais il aurait été plus équitable que cette assurance soit obligatoire et mutualisée. La dotation pour aléas n'a pas vraiment fonctionné et, en ces temps de crise, peu d'exploitants ont la capacité d'épargner. Nous devons améliorer ces outils et réfléchir à un système de garantie ambitieux et juste. Quelles sont vos propositions ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Vous venez d'un département que je connais bien.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Ligardes...

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Condom...

Je partage votre analyse. Jacques Blanc évoquait tout à l'heure la situation des éleveurs de Lozère : pas un seul ne bénéficie d'un dispositif assurantiel ; en cas de besoin, il faudra abonder le fonds pour calamités agricoles, prendre sur le budget, ce qui ne satisfait personne, et le ministre devra gérer l'urgence au lieu de tracer des perspectives d'avenir. La solution réside dans un dispositif assurantiel universel, dans le Gers comme en Lozère...

Mme Nathalie Goulet.  - Et l'Orne !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous avons ensuite mis sur pied un dispositif de subvention fiscale en 2011 afin d'alléger les charges des exploitants. On étend la dotation aux aléas économiques. J'ai bien conscience que cela ne concerne que les exploitants en mesure d'épargner 23 000 euros, le plafond étant de 150 000 euros, et je n'en connais pas dans le Gers.

Enfin, j'insiste sur le caractère novateur voire révolutionnaire de la réassurance publique avec laquelle nous pourrons débloquer la situation de toutes les filières et dont la création sera aussi importante que l'avait été la mise en place de la MSA. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Je vous remercie de votre réponse. Quand des exploitants voient les volumes et les prix baisser de 40 %, ils sont au bord de la faillite s'ils ne bénéficient pas d'une solidarité familiale. Il faut donc péréquer pour combler des écarts gigantesques. On ne peut rien à la nature des sols, mais on peut mutualiser l'assurance et introduire un élément pondérateur. Le temps des disettes que l'on connaissait sous Louis XV et Louis XVI est définitivement révolu.

M. Yann Gaillard.  - La forêt fait partie de vos attributions. Une fois n'est pas coutume, le programme 149 qui en traite connaît une augmentation : les autorisations d'engagement progressent de 26,8 %. Pourtant, si on déduit les sommes exceptionnelles qui ont permis de venir au secours des sinistrés des landes après la tempête Klaus, le financement des actions de fond baisse de 6 %. Notre forêt est la troisième d'Europe par sa surface, mais la première par sa qualité et en diversité. Elle mérite toute l'attention des pouvoirs publics. Dans le prolongement du Grenelle de l'environnement, des assises de la forêt et des déclarations du Président de la République, les promesses n'ont pas manqué, mais le soutien pécuniaire doit être en phase avec les objectifs que sont l'augmentation de 40 % des récoltes d'ici 2020, la biodiversité, la lutte contre le réchauffement climatique et le redressement de la balance des paiements. Pour que les forestiers puissent gravir toutes ces marches, il faut qu'ils disposent des moyens nécessaires.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous avions initialement prévu une baisse du budget de la forêt (37,4 millions en autorisations d'engagement et 23,9 millions en crédits de paiement) en raison de la fin des aides aux chablis, des efforts de productivité demandés à l'ONF et des amendements adoptés au projet de loi de finances pour 2009. Toutefois, compte tenu du caractère stratégique de la forêt, souligné par le Président de la République, et des conséquences de la tempête Klaus, des crédits ont été débloqués au collectif et j'ai veillé tout au long de l'année à ce qu'ils arrivent directement aux forestiers qui en avaient besoin. Cet effort est maintenu en 2010. S'y ajoutent des fonds européens. Nous pourrons ainsi mener les actions prévues tout en renforçant la présence physique. Je partage la politique que vous défendez d'une meilleure valorisation de la forêt qui couvre le tiers du territoire français. C'est un atout pour la France -je viens de recevoir les entreprises concernées par l'apport du bois à l'environnement- et une filière importante pour notre économie.

M. Yann Gaillard.  - Je vous remercie de cette réponse à laquelle je n'ajouterai qu'un détail. Les forestiers, les communes forestières, aimeraient bien récupérer plus qu'ils ne versent pour la taxe additionnelle des chambres d'agriculture sur les terrains boisés. Je sais bien que les chambres d'agriculture sont des puissances respectables, mais si vous pouviez nous aider...

Mme Nathalie Goulet.  - Bonne idée !

M. Jean-Claude Danglot.  - Face au développement d'une aquaculture industrielle intensive, certains pays monopolisent les quotas de pêche (90 % pour la Norvège sur le cabillaud !), ce qui met en péril la pêche artisanale.

Le manque de quotas pour la sole et le cabillaud contraint les bateaux de Dunkerque et d'Etaples de rester à quai depuis plusieurs mois, laissant les marins et leurs familles sans ressources et sans couverture sociale. Plusieurs centaines d'emplois induits sont menacés.

Le Président de la République avait annoncé que la présidence française de l'Union européenne serait l'occasion d'un dialogue fort avec la Commission et il avait souhaité un assouplissement du système des quotas. Or Bruxelles préconise aujourd'hui des quotas individuels transférables, qui n'auront d'autre conséquence qu'une concentration des flottes au détriment des entreprises les plus fragiles. Les professionnels proposent trois mesures : la mise en place d'un régime côtier, la réservation de la bande des douze miles nautiques aux navires de pêche artisanale et une gestion fondée davantage sur l'effort de pêche. Au lieu de cela, le plan du Gouvernement entend adapter la flottille aux quotas en cassant des bateaux. Ce n'est pas acceptable. Quelles actions entend-il mener, notamment auprès de la Commission, pour sauver la pêche artisanale et permettre aux professionnels de vivre de leur métier ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je me bats avec la même détermination pour les intérêts de la pêche française que pour ceux de notre agriculture. Je serai à Bruxelles dans quelques jours pour la négociation annuelle des totaux autorisés de capture, et me suis au préalable concerté avec les professionnels, les scientifiques et les ONG. Jusqu'à présent, seule la France a réfléchi à l'avenir de la politique commune de la pêche. Nous tenons au maintien des quotas et sommes opposés aux quotas individuels transférables, qui entraîneraient un transfert d'activité vers la pêche industrielle au détriment de la pêche artisanale, qui fait partie de l'identité de notre littoral. Nous refusons les quotas d'effort, qui concentreraient la pêche sur les espèces les plus valorisées. Nous plaidons pour une réforme de la gouvernance et pour le développement durable. Nous serons enfin attentifs à l'aspect social, aujourd'hui cruellement absent de la politique européenne de la pêche.

M. Jean Boyer.  - J'associerai à ma question Jean-Paul Amoudry. Le présent budget garantit l'exécution des contrats relatifs à la prime herbagère agro-environnementale (Phae) en cours, mais pas de financer de nouveaux engagements ni de renouveler les anciens. Or, ceux-ci doivent représenter de 7 000 à 10 000 contrats ; et les nouveaux installés peuvent vouloir se tourner vers ce type de soutien. Il y a là une rupture d'égalité entre les agriculteurs. Une nouvelle prime à l'herbe, octroyée sur la base du premier pilier de la PAC, prendra le relais jusqu'à la mise en oeuvre d'une mesure identique pour tous ; mais son montant devrait varier de 20 à 80 euros par hectare en fonction du taux de chargement et de la surface en herbe, le chargement minimal étant de 0,5 à 0,8 unité de gros bétail (UGB) à l'hectare.

Ces nouveaux critères vont écarter des zones typiques d'élevage dans les départements de montagne fragiles qui ont des taux de chargement très faibles, 0,43 UGB dans les Alpes du sud, la Corse, la Lozère ou la Haute-Loire. Comment le Gouvernement financera-t-il le soutien à tous les agriculteurs qui bénéficiaient de la Phae ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je comprends l'inquiétude des départements de montagne. Je veux les rassurer. Nous avons trouvé un système qui préserve les intérêts de toutes les exploitations, où qu'elles se trouvent, y compris celles dont le taux de chargement est autour de 0,5 UGB. Le versement sera maintenu pour chaque exploitant. Nous avons eu plusieurs échanges avec Bruxelles pour sécuriser juridiquement la Phae et sommes en train d'expertiser la proposition de la Commission de la remise des compteurs à zéro et de la reconduction des contrats jusqu'en 2014 ; 30 millions d'euros seront dégagés en loi de finances rectificative pour financer le nouveau dispositif.

M. Jean Boyer.  - Je salue votre remarquable connaissance des dossiers et me félicite de la sécurité que vous apportez aux agriculteurs. Il faut en effet prendre en compte les territoires les plus fragiles, qui sont à 0,5 UGB alors que la référence est à une UGB.

M. Gérard Le Cam.  - Selon une enquête récente, les produits issus de l'agriculture biologique seraient 72 % plus chers que ceux de l'agriculture conventionnelle. Les professionnels mettent en avant la faiblesse des subventions et relèvent que 60 000 exploitations concentrent en France 80 % des aides européennes. Ils insistent sur la nécessité de répercuter dans les prix les coûts techniques et sociaux des productions intensives.

Début 2009, M. Barnier a annoncé que 18 % des aides directes seraient orientées en 2010 dans quatre directions : consolidation de l'économie agricole et de l'emploi sur l'ensemble du territoire, instauration d'un nouveau mode de soutien pour l'élevage à l'herbe, accompagnement d'un mode de développement durable de l'agriculture et création d'outils de couverture des risques climatiques et sanitaires. Cela risque d'être insuffisant. Lors des discussions du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement comme les sénateurs ont dit leur volonté de promouvoir une agriculture biologique respectueuse des objectifs du développement durable et décidé d'en tripler la surface d'ici 2012 pour atteindre 6 % de la surface agricole utile. Les agriculteurs « bio » ont aujourd'hui des difficultés à lancer leur activité et à la maintenir, tandis que les consommateurs sont découragés par le niveau des prix. Que compte faire le Gouvernement pour promouvoir le développement de l'agriculture biologique ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le Gouvernement fait le maximum pour soutenir l'agriculture biologique, c'est un axe structurant de sa politique. Nous tiendrons l'objectif de triplement de la surface cultivée en « bio » d'ici 2012. Trois millions d'euros sur cinq ans viendront soutenir la structuration et la conversion des exploitations et 2 millions iront à des projets de recherche et d'innovation. La loi de modernisation, dont l'alimentation sera le fil directeur, fixera comme objectif pour 2012 la présence de 20 % de produits « bio » dans la restauration collective de l'État. D'autres objectifs en matière de consommation pourront être définis.

La formation dans les lycées agricoles se focalise de plus en plus sur le bio.

Nous avons déplafonné les aides à la conversion et dégagé une enveloppe supplémentaire de 12 millions par an sur trois ans. Le crédit d'impôt a été doublé pour atteindre 4 000 euros. Enfin, 50 millions supplémentaires ont été décidés dans le cadre du bilan de santé de la PAC. Dans un marché porteur, ce plan devrait montrer toute son efficacité dans les années à venir.

M. Gérard Le Cam.  - Merci pour ces précisions. Les élus locaux sont en effet confrontés au problème du coût pour la restauration collective. Avec le bio, de nombreux ménages parviennent à tirer un revenu correct d'une surface réduite : c'est encourageant. J'espère que nous atteindrons nos objectifs et mettrons fin à la course à l'agrandissement et à la concentration.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Les Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) achètent et revendent chaque année environ 80 000 hectares des terres, soit 22,9 % du marché, tout en conservant 18 000 hectares pour les collectivités publiques. C'est une véritable puissance économique. Les crédits qui leur sont attribués demeurent stables.

Sans contester l'action des Safer, je m'interroge sur leur représentativité, et sur le droit de préemption qui leur permet d'acheter à la place de l'acquéreur initial pour revendre à un autre, dont le projet leur paraît répondre mieux aux enjeux d'aménagement locaux. Qui est garant de ces enjeux, les Safer ou ceux qui portent un projet précis ? Qui a la légitimité pour trancher en cas de litige ? Le Gouvernement envisage-t-il de modifier la loi pour renforcer la transparence et l'équité dans la vente des terres agricoles et éviter les trop nombreux conflits d'usage ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Il n'est pas prévu de modifier le statut des Safer, qui participent à la régulation des terres agricoles, en concertation avec les autorités locales. Nous ne pouvons accepter une déprise agricole si rapide sans réagir au niveau global. L'un des objectifs de la loi de modernisation agricole sera d'évaluer notre capital agricole, avec la création d'un Observatoire national des terres agricoles.

A l'échelle du département, il faut renforcer les commissions chargées d'émettre un avis sur les transferts de terres agricoles. Je proposerai de créer des commissions départementales associant autour du préfet tous les acteurs, propriétaires mais aussi associations et élus locaux. Rendre constructible une terre agricole peut multiplier son prix par vingt, par cent ! Nous devrons y répondre dans la loi de modernisation agricole.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Merci de cette réponse claire. Je me félicite de la mise en place de ce nouvel Observatoire et de commissions qui réuniront tous les partenaires, car il y a un vrai problème de représentativité.

M. Pierre Jarlier.  - Nos agriculteurs de montagne traversent une crise sans précédent. Le projet de loi de finances a bien prévu les crédits nécessaires pour honorer les contrats Phae en cours mais pas pour le renouvellement de ceux qui arrivent à échéance en 2010. Si la réorientation d'une partie des aides du premier pilier a permis de créer un droit à paiement en soutien à la production à l'herbe, cette nouvelle aide ne doit pas se substituer à la Phae : l'État reprendrait d'une main ce que l'Europe donne de l'autre !

Dans le Cantal, sur 5 000 exploitations, 3 700 perçoivent la Phae, qui représente plus de 10 % des aides publiques aux agriculteurs cantaliens ; 2 500 sont des exploitations laitières dont les revenus ont chuté avec la crise. La perte de la Phae pourrait leur être fatale.

Monsieur le ministre, vous avez assuré les agriculteurs de votre soutien et engagé une consultation auprès de la Commission européenne pour trouver une solution mais les crédits prévus restent insuffisants pour assurer le renouvellement des conventions. Dans quel délai pourrez-vous proposer une solution garantissant le maintien de la Phae ? Cette aide restera-t-elle bien distincte des nouvelles aides européennes à la production herbagère ?

M. Jacques Blanc.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Les éleveurs de montagne pourront ériger une statue aux sénateurs qui, comme MM. Jarlier, Boyer et Blanc, ont défendu la Phae : s'ils n'avaient pas tiré la sonnette d'alarme, nous n'aurions pas recherché une solution avec la Commission européenne, ni demandé à Matignon les crédits nécessaires ! Je souhaite que nous trouvions une solution avant la fin de l'année afin de rassurer les éleveurs.

M. Jacques Blanc.  - Très bien.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le maintien d'une agriculture de la diversité est un choix politique et un axe directeur de notre action. Nous ne voulons pas d'une agriculture identique dans toute l'Europe, avec de grands ensembles industriels concentrés dans quelques grands bassins de production ; au contraire, nous défendons une agriculture compétitive, qui surmonte les difficultés d'un environnement difficile pour produire des produits de qualité qui méritent d'être valorisés : les AOC du Cantal en sont la meilleure preuve. (M. Jacques Blanc applaudit)

M. Pierre Jarlier.  - Merci de votre réponse, notamment sur le délai. Il ne doit pas y avoir d'amalgame entre la nouvelle prime à la production herbagère européenne et l'encouragement, par la Phae, à des modes d'exploitation respectueux de l'environnement.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ma question porte sur les crédits affectés à la prévention des incendies de forêt. Lors de sa création, en 1987, le Conservatoire de la forêt méditerranéenne (CFM) disposait d'un budget de 100 millions de francs, soit 22,8 millions d'euros. Il était alimenté par des ressources propres : une taxe nouvelle sur les briquets et une taxe additionnelle sur les tabacs.

Depuis, ses crédits ont fondu : 9 millions pour le prochain exercice, comme en 2009. Comme l'observait déjà la Cour des comptes en 2000, ils financent désormais essentiellement les missions de surveillance et l'investissement à la charge de l'État et seulement à la marge des actions intéressant directement les collectivités : les investissements de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) -pistes, pare-feux, coupures agricoles- et leur entretien, le préfinancement de l'exécution d'office du débroussaillement d'office.

La plupart des communes forestières ne peuvent financer le débroussaillement d'office et faire face aux obligations des plans de prévention des risques incendies de forêt.

Comment expliquez-vous le détournement des fonds du CFM ? Pensez-vous réorienter ce qu'il en reste vers le financement d'opérations menées en partenariat avec les communes, notamment celles soumises à un plan de prévention ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous garantissons, avec le CFM, que les moyens les plus efficaces sont engagés pour lutter contre les incendies de forêt. La baisse des crédits que vous avez évoquée devrait être compensée par les nouveaux moyens des Feader. Les préfets de la zone défense sud mobilisent les crédits nécessaires dans le cadre des plans de prévention des risques incendies de forêt, de concert avec les collectivités locales concernées. Nous veillerons à ce que tous les moyens disponibles soient utilisés pour prévenir les incendies de forêt dans le sud de la France.

M. Pierre-Yves Collombat.  - J'aurais souhaité être aussi satisfait de votre réponse que mes collègues, mais elle me laisse sur ma faim. L'action des préfets ne répond pas aux attentes des communes, qui supportent des charges exorbitantes. Ces crédits ne doivent pas servir à faire reluire les carrosseries des véhicules des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), mais ils doivent être investis dans la protection. S'il est difficile de récupérer des crédits déjà attribués, il est souhaitable qu'ils soient au moins employés conformément à leur destination originelle. J'y reviens chaque année : cette fois encore les murs de Jéricho ne sont pas tombés, monsieur le ministre, mais je compte sur vous.

M. Jean Bizet.  - Les filières agricoles françaises sont en difficulté. Elles ont souffert notamment de la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs, du poids des charges liées en partie aux nouvelles contingences environnementales et de certains choix de mécanisation faits par les agriculteurs, et n'ont pas échappé à la crise mondiale.

Face à la crise du lait, la Communauté européenne a été digne et maladroite à la fois. Son intervention sur les marchés -dont vous avez été le principal instigateur, monsieur le ministre, et je vous en félicite- s'est conjuguée avec des mesures gouvernementales fortes. Mais la crise a mis en lumière l'internationalisation du marché laitier, et les exportations françaises sont en baisse. Certes, la France est sortie politiquement renforcée de la mise en place de ce plan européen, mais notre filière est économiquement affaiblie.

Nous ne réalisons plus que 4 % de la production mondiale de lait : cette filière doit se restructurer pour rester présente sur le marché. Ce changement sera certainement difficile à expliquer dans nos campagnes, mais nous veillerons à ce qu'il s'effectue dans le respect des hommes et des femmes du monde rural. La France est peut-être le pays des 365 fromages, mais elle doit moderniser sa filière laitière.

Vous avez déjà en partie répondu à ma question quant à l'évolution à court terme du prix du lait. Pouvez-vous nous indiquer où en est l'élaboration du document qui régira les nouveaux rapports entre producteurs et transformateurs ? Qu'en est-il du contentieux entre l'État et la grande distribution ? A plus long terme, comment envisagez-vous la restructuration de la filière ? Pourra-t-elle s'effectuer sans trop de dommages pour les millions de salariés employés par les entreprises de transformation, qui contribuent à un excédent de 9 à 10 milliards de notre balance commerciale ? (M. Auguste Cazalet applaudit)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Monsieur Collombat, je vous transmettrai dans les meilleurs délais une réponse écrite à la dernière partie de votre question.

Monsieur Bizet, je souhaite aborder l'avenir de la filière lait avec la plus grande lucidité. Mois après mois, la France perd des parts de marché au profit de l'Allemagne. C'est inacceptable : nous devons agir pour que la production reste en France et pour que les industries laitières s'approvisionnent auprès des agriculteurs français. L'effort de compétitivité doit être accompli à l'échelle des bassins régionaux. Vous êtes bien placé pour savoir que la production de lait en Bretagne n'a rien à voir avec celle de Savoie ou du Pays basque.

Au plan national, la régulation se fera à l'aide de contrats entre les producteurs et les transformateurs fixant des volumes, des prix et une durée. Au plan européen, les instruments d'intervention seront renforcés et de nouveaux outils seront créés. Il faudra réfléchir à des volumes de production à cette échelle car la suppression des quotas ne doit pas nous empêcher d'agir pour éviter la surproduction.

M. Jean Bizet.  - Monsieur le ministre, j'apprécie la clarté de vos propos. Il ne faut pas que la contractualisation s'apparente à une intégration. L'État doit être garant, mais pas gérant. Et nous devons rassurer les agriculteurs quant au nouveau système de régulation.

Nous débattrons le 12 janvier prochain de la loi LME. L'État doit respecter son engagement de fermeté vis-à-vis de la grande distribution. Les dérives continuent : il faut instaurer de nouveaux rapports de confiance entre celle-ci et les producteurs.

M. Auguste Cazalet.  - Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'installation des jeunes serait une priorité, mais la réalité est parfois tout autre. L'aide à la cessation d'activité est un moyen d'aider les jeunes, mais les aides sont réduites à la portion congrue. L'aide à la transmission a été supprimée, ainsi que les congés de formation et les préretraites.

Vous m'objecterez que les crédits affectés à l'aide à l'installation n'ont pas diminué, mais je constate une diminution considérable des crédits des Adasea. Ces associations bénéficiaient de 28 millions en 2003. Leur dotation a diminué régulièrement depuis, pour ne plus représenter que la moitié de ce montant, soit 14 millions d'euros dans ce projet de loi de finances. Pourquoi un tel acharnement contre ces structures ? La FNSEA, l'Assemblée permanente des chambres d'agricultures, les Jeunes agriculteurs et les Adasea ont dénoncé dans un communiqué commun l'abandon de la politique d'accompagnement à l'installation, qui condamne le renouvellement des générations. Cette décision est totalement inacceptable dans les circonstances actuelles. Comme d'autres collègues, je présenterai un amendement pour défendre ces associations, dans l'espoir que vous révisiez le financement qui leur est attribué par ce projet de loi de finances.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je suis d'autant plus sensible à cette question que j'ai été le député d'un département qui connaît le problème de l'installation des jeunes agriculteurs. Le budget global de l'installation des jeunes est maintenu à 155 millions, ce qui représente un effort important de l'État. Les Adasea doivent participer, dans une mesure raisonnable, à la RGPP. Leur dotation doit évoluer non en fonction d'une déclaration forfaitaire d'ETPT, ce qui entraîne une reconduction automatique, mais selon le nombre de dossiers traités.

Cela me paraît un principe de bonne gestion.

Ensuite, le mouvement de fusion des Adasea avec les chambres d'agriculture n'est pas illogique quand les deux structures sont si proches. Avec deux ou trois personnes travaillant sur les dossiers, au lieu de cinq, le dispositif est plus opérationnel. D'après mes observations, cela ne pose pas de difficultés sur le terrain.

Enfin, les Adasea qui se sont positionnées sur le marché concurrentiel obtiennent de bons résultats, ce qui explique également la baisse des crédits. Celle-ci ne correspond donc en rien à un désengagement de l'État, mais plutôt à une rationalisation des activités de soutien à l'installation des jeunes.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le ministre, vous avez employé des mots magiques, ceux de RGPP et de rationalisation ! Les Adasea, que vous avez quelque peu caricaturées dans votre réponse, mènent un travail efficace dans nos départements auprès des jeunes, y compris ceux qui ne sont pas issus de familles d'agriculteurs, avec un taux de réussite de 95 %. En quelques années, les crédits sont passés de 28 à 14 millions, c'est indubitablement une diminution, quand bien même les autres crédits restent stables ! Pardonnez-moi mais s'il y a des économies à faire, ce n'est pas sur le dos des Adasea !

M. Dominique de Legge.  - Le service public de l'équarrissage, créé après la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine en 1996, a été réformé en 2005, après concertation avec les fédérations professionnelles. A cette occasion, a été notamment instaurée une participation financière des éleveurs. La loi de finances pour 2009, par son article 140, a opéré un changement radical en ouvrant à la concurrence la collecte des cadavres d'animaux en ferme. Pour parer au risque d'un double paiement, il faudrait introduire aux articles L. 226-3 du code rural et L. 1609 du code général des impôts le principe d'une exonération de cotisation interprofessionnelle ou de taxe d'abattage pour les éleveurs qui ont conclu un contrat d'enlèvement. Ce nouveau dispositif fragilise la pérennité et l'équilibre du financement de l'ancien service de l'équarrissage. Les sociétés privées ne pourront, en effet, proposer des contrats abordables aux éleveurs de montagne. Une solidarité entre les territoires est donc nécessaire. Monsieur le ministre, où en sont les discussions avec les filières professionnelles porcine et bovine, Inaporc et Interbec ? Quels mécanismes de solidarité comptez-vous mettre en place ? Cette question sera-t-elle réglée dans la future loi de modernisation agricole. (Applaudissements sur quelques bancs UMP)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La réforme de l'équarrissage, lancée en 2007, est un sujet complexe et délicat. Seul un système collectif et mutualiste peut répondre au double objectif de sécurité sanitaire et d'équilibre financier. Chaque filière, désormais dotée de sa structure de gestion, sera en mesure d'honorer le contrat avec les équarrisseurs entré en vigueur en juillet dernier. Après six mois, la réforme est globalement satisfaisante. Les nouveaux marchés arriveront à terme en juillet 2011. Concernant votre question, il faut bien distinguer la cotisation de l'éleveur et le nombre d'opérateurs. Il est envisageable que les éleveurs continuent de payer une cotisation unique et mutualisée à leur interprofession, comme Inaporc et Interbec, avec lesquelles nous négocions. Celles-ci doivent tirer bénéfice d'une concurrence accrue avec le renouvellement des contrats en 2011. Le système collectif mis en place par ces deux filières présente de nombreux avantages, à commencer par la baisse de 15 % du coût à la charge des éleveurs. Tout éleveur qui essaierait de se débrouiller seul devrait assumer un coût d'équarrissage beaucoup plus élevé. Cela dit, il faudra faire le point, notamment en 2011. Nous avons pris la bonne voie : celle de la mutualisation et de la sécurité sanitaire totale.

M. Dominique de Legge.  - Soit, mais il reste un décalage entre le dispositif voté en loi de finances pour 2009 et la situation actuelle. J'ai pris bonne note, monsieur le ministre, que vous en aviez parfaitement conscience. Nous suivrons avec attention ce dossier.

Mme Odette Herviaux.  - Monsieur le ministre, je me réjouis que vous vous refusiez à prendre des décisions qui ne seraient pas euro-compatibles. C'est là une différence avec vos prédécesseurs, mais la responsabilité est peut-être à rechercher dans certaines promesses inconsidérées et plusieurs d'entre nous ont fait allusion à certains discours... A ce propos, le discours de Poligny du Président de la République n'a pas rassuré le monde agricole, inquiet de la baisse de ses revenus, des incertitudes planant sur la future PAC et de l'approche « dérégulatrice » prônée par la Commission. La nomination d'un nouveau commissaire à l'agriculture, qui connaît parfaitement notre modèle agricole, nous permettra peut-être d'avancer.

Ma question concerne le secteur agro-alimentaire. Depuis deux ans, l'État se retire du soutien aux investissements des PME. C'est aux régions, dans le cadre du plan de développement rural hexagonal, d'apporter un complément au financement du Feader. Les crédits du fonds pour les investissements stratégiques des industries agroalimentaires s'élèvent seulement à 7,5 millions en autorisations d'engagement, contre 14,5 millions en 2009. Cette coupe est incompréhensible en temps de crise. Certes, l'État a continué de financer quelques projets de grandes entreprises via le Fisiaa en 2007 et 2008, mais pour des montants relativement faibles. En 2009, le Fisiaa a été rouvert aux PME mais l'État est présent dans le seul domaine de la communication -je pense aux Assises de l'agroalimentaire. Tout le reste est cofinancé par les départements. Le Gouvernement poursuivra-t-il ce désengagement ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - L'avenir de l'agriculture française se joue en Europe : les crédits de mon ministère sont de 2 milliards quand ceux provenant du budget européen et distribués à nos agriculteurs s'élèvent à 10 milliards... Si nous voulons être à la tête de la modernisation de la PAC, ce qui est ma volonté comme en témoigne l'organisation de la réunion du G22 agricole, nous devons être irréprochables en matière de respect des règles européennes. Que la commission ait validé le plan de 1,6 milliard rapidement est le résultat du bon travail en amont que nous avons conduit. La nomination d'un nouveau commissaire à l'agriculture est une bonne chose. Dacian Ciolos connaît parfaitement les enjeux de l'agriculture et les différentes visions de l'agriculture en Europe qu'il aura à coeur de concilier pour construire une véritable politique agricole commune. Nous nous sommes déjà entretenus plusieurs fois au téléphone. Il sera, pour la France, un partenaire équitable et coopératif.

L'industrie agroalimentaire est stratégique pour la France : elle a dégagé 9 milliards d'excédent commercial ! Pour renforcer sa compétitivité, j'ai rencontré, la semaine dernière, mon homologue espagnol afin de mettre au point des propositions.

Mme Odette Herviaux.  - J'insiste sur la nécessité d'aider tous les acteurs d'une même filière, les producteurs, mais aussi les industries agroalimentaires qui constituent la colonne vertébrale de l'économie de certaines régions très agricoles.

Examen des crédits

Mme la présidente.  - Amendement n°II-217, présenté par le Gouvernement.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

1 082 296883 796

1 082 296883 796

TOTAL

1 082 296

1 082 296

SOLDE

- 1 082 296

- 1 082 296

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Cet amendement technique tire les conséquences de certains transferts de compétences aux collectivités territoriales. Les crédits du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » sont ainsi diminués de 1 082 296 euros en raison de transferts prévus par les articles 82 et 104 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales : il s'agit de la rémunération des agents des services d'aménagement foncier qui ont opté pour l'intégration ou le détachement dans la fonction publique territoriale. Les dépenses afférentes sont compensées par l'attribution d'une partie du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, votée dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances.

Par coordination, le plafond des autorisations d'emplois du ministère figurant à l'article 39 du projet de loi de finances pour 2010 fera l'objet d'une réduction de 25 ETPT.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - La commission ne s'est pas prononcée sur cet amendement déposé hier soir, mais j'y suis favorable : il s'agit d'une mesure de coordination, financièrement neutre.

L'amendement n°II-217 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-124 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Gouteyron, Amoudry et Carle, Mme Bruguière et MM. Huré, Faure, Juilhard, Laménie, B. Fournier et Alduy.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

60 000 000

20 000 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

60 000 000

20 000 000

TOTAL

60 000 000

60 000 000

20 000 000

20 000 000

SOLDE

0

0

M. Jacques Blanc.  - Je salue les mesures courageuses mises en oeuvre par le précédent ministre de l'agriculture M. Barnier en faveur de la production herbagère. Mais les moyens offerts par ce budget ne sont pas à la hauteur des objectifs. Il faut continuer à soutenir les exploitants dont le contrat arrive à échéance, ainsi que les jeunes nouvellement installés.

On évoque un droit à paiement unique pour l'herbe, mais ce dispositif ne doit pas se substituer à la Phae. Le niveau du DPU reste incertain, et les exploitations dont le taux de chargement est inférieur à 0,5 UGB/ha en seront exclues.

Certes, le Gouvernement n'a pas une entière liberté de manoeuvre, puisque l'Europe finance la Phae à 75 % : il faut rendre à l'Europe ce qu'on lui doit. Mais j'invite M. le ministre à négocier avec nos partenaires pour que les agriculteurs continuent à être subventionnés et que l'instauration d'un DPU ne se solde pas par une perte nette.

Il faut avoir la volonté politique de maintenir des activités agricoles diversifiées dans les zones de montagne, car c'est une condition nécessaire de la préservation des paysages et du développement durable. Monsieur le ministre, j'espère que vous saurez rassurer les agriculteurs, en particulier ceux du Massif central, en confirmant vos promesses.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-133, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

60 000 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

60 000 000

TOTAL

60 000 000

60 000 000

SOLDE

0

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est défendu.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - La commission s'en remet à l'avis de M. le ministre qui, je suppose, ne se dédira pas.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Avis défavorable. Les amendements sont légitimes au fond, mais j'ai pris l'engagement de maintenir les aides existantes jusqu'en 2014 et d'obtenir pour ce faire l'accord de la Commission européenne. Les sommes nécessaires seront inscrites dans la loi de finances rectificative.

M. Jacques Blanc.  - Cet engagement devrait rassurer les exploitants et l'ensemble du monde agricole, d'autant plus qu'il est assorti de délais. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Vous le pouvez.

M. Jacques Blanc.  - Pour être éleveur en montagne, il faut beaucoup d'audace et de ténacité ! Ces gens méritent d'être aidés. L'amendement est retiré.

L'amendement n°II-124 rectifié est retiré.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le nôtre est maintenu.

L'amendement n°II-133 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-65, présenté par M. César, au nom de la commission de l'économie.

Modifier comme suit les crédits des programmes : 

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

11 250 000

11 250 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

11 250 000

11 250 000

TOTAL

11 250 000

11 250 000

11 250 000

11 250 000

SOLDE

0

0

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Plusieurs orateurs ont relevé la baisse des crédits destinés au plan de modernisation des bâtiments d'élevage. A l'heure où la crise du lait frappe de nombreuses exploitations, cette baisse paraît peu judicieuse. Nous proposons de la réduire de moitié, afin de permettre aux éleveurs qui croient en l'avenir de continuer à investir.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - D'après les informations dont nous disposons, les 30 millions d'euros prévus dans ce budget suffisent à satisfaire les demandes, dont le nombre a fortement baissé après des années de hausse ; cette somme est d'ailleurs à peu près conforme à la programmation pluriannuelle. S'y ajoutent les 38 millions d'euros du plan de performance énergétique pour aider les exploitants à investir. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - On observe une bosse dans les demandes de subventions au titre du plan pluriannuel de modernisation des bâtiments d'élevage : ce plan, dont l'utilité est indéniable, a coûté plus de 200 millions d'euros les deux premières années, mais depuis lors le nombre de demandes a fortement baissé. Les 30 millions d'euros inscrits au PLF suffiront à satisfaire les demandes. Les 38 millions du plan de performance énergétique permettront eux aussi de moderniser les bâtiments d'élevage. Retrait, sinon rejet.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Même avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Je me fie aux engagements de M. le ministre et retire l'amendement.

L'amendement n°II-65 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-132, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

2 500 000

2 500 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

2 500 000

2 500 000

TOTAL

2 500 000

2 500 000

2 500 000

2 500 000

SOLDE

0

0

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement va dans le même sens que les trois suivants, et j'espère qu'ils trouveront une issue favorable. Il faut maintenir les crédits des associations départementales pour l'aménagement des structures et des exploitations agricoles (Adasea), qui apportent une aide substantielle à l'installation et à la formation des jeunes agriculteurs. J'ai noté que M. le ministre avait subrepticement revu à la baisse les objectifs dans ce domaine : on n'espère plus que 6 000 installations au lieu de 7 000. Les aides à la transmission des exploitations sont également en diminution.

Il faut lutter contre la concentration des installations, tendance naturelle dans certains secteurs, mais dénoncée par toutes les organisations professionnelles qui préfèrent voir s'installer de jeunes agriculteurs indépendants. Voilà pourquoi il faut aider les Adasea.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-125 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Gouteyron, Amoudry, Faure et Huré, Mme Bruguière et MM. Juilhard, Laménie, B. Fournier, Couderc et Alduy.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

1 800 000

1 800 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

1 800 000

1 800 000

TOTAL

1 800 000

1 800 000

1 800 000

1 800 000

SOLDE

0

0

M. Jacques Blanc.  - Chacun reconnaît le rôle positif des Adasea, en particulier pour accompagner l'installation des jeunes et l'amélioration des pratiques agricoles.

Nous comprenons les contraintes budgétaires, mais il faut une dynamique entre les chambres d'agriculture et les Adasea. Certaines chambres ont les moyens financiers de faire face, mais d'autres pas, comme celle de la Lozère, car elles ont de très faibles ressources. Elles ne peuvent augmenter leurs cotisations car elles sont déjà au plafond.

Il faut donc permettre aux chambres d'agriculture d'être à même de remplir leurs missions vis-à-vis des Adasea.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

Mme la présidente. - Amendement n°II-116 rectifié ter, présenté par MM. Lefèvre, Frassa, P. André et Trillard, Mme Malovry, MM. Dulait, Bizet et Milon, Mme Henneron, MM. Doublet, Laurent, J.P. Fournier, Juilhard, Gouteyron, Pierre, Couderc et Chauveau, Mme Bruguière, MM. Bécot et Faure, Mmes Des Esgaulx et N. Goulet, M. de Montesquiou, Mme Papon, MM. Martin, Carle, Fouché et Lardeux, Mme Hummel, M. Pinton, Mmes Bout et Panis, M. Pointereau, Mme Troendle, M. Mayet, Mme Sittler, MM. Cléach, Beaumont, Laménie, Zocchetto et Détraigne, Mme Desmarescaux, MM. Deneux, Vasselle et Paul et Mlle Joissains.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

700 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

700 000

TOTAL

700 000

700 000

SOLDE

0

Mme Catherine Troendle.  - Comme l'a dit M. Lefèvre lors de la discussion générale, il convient d'abonder de 700 000 euros les crédits affectés à l'installation agricole au bénéfice des Adasea. Cet amendement a l'avantage d'être plus raisonnable que les deux précédents.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-155 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Charasse, Plancade et Tropeano.

M. Michel Charasse.  - Cet amendement poursuit exactement le même objectif que celui qui vient d'être présenté : il vise à soutenir les jeunes agriculteurs en prélevant 700 000 euros sur des dépenses administratives dont on nous dit qu'elles ne sont pas véritablement indispensables, d'autant plus que lorsqu'on informatise, il faut en tirer les conséquences au niveau des dépenses de fonctionnement. Si l'on ne gagne pas d'argent quand on recourt à l'informatique, ce n'est pas la peine d'engraisser les sociétés américaines qui fabriquent les ordinateurs !

Avec ces 700 000 euros, nous permettront à des jeunes d'entrer dans ce métier de souffrances qu'est l'agriculture. Il ne faut quand même pas les décourager ! Plus les paysans sont malheureux, plus les jeunes veulent s'installer !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Nous avons quatre amendements qui poursuivent le même but mais l'un propose d'augmenter la dotation de 2,5 millions, l'autre de 1,8 million et les deux derniers de 700 000 euros. Sur le fond, M. le ministre s'est déjà exprimé. Le nombre d'installations a plutôt tendance à diminuer. Vouloir à tout prix augmenter les crédits quand on n'est pas sûr d'en avoir besoin, ce n'est sans doute pas nécessaire, d'autant que M. le ministre a dit que s'il y avait un rebond d'installations, il abonderait les crédits.

En outre, suite à la RGPP, le rapprochement entre les Adasea et les chambres d'agriculture se confirme. Nous examinerons tout à l'heure un amendement pour augmenter les dotations versées aux chambres d'agriculture, ce qui devrait leur permettre de mieux aider les jeunes à s'installer. Avant de me prononcer, j'aimerais entendre le ministre.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je vous confirme mon avis défavorable sur ces quatre amendements. L'installation des jeunes reste un objectif essentiel : pour preuve, la dotation pour les prêts à l'installation des jeunes augmente de 4,5 millions.

Il faut également garder un point de contact dans les chambres d'agriculture pour que les jeunes qui souhaitent s'installer puissent avoir un interlocuteur qui les conseille et qui les aide à monter leur projet. Mais il serait possible de mieux s'organiser comme l'ont fait un tiers des chambres d'agriculture qui se sont déjà rapprochées ou qui ont même fusionné avec les Adasea. On économiserait ainsi l'argent public.

A partir du moment où nous gardons ce point de contact dans les chambres d'agriculture, je suis prêt à augmenter les moyens de fonctionnement des chambres d'agriculture. Mais on ne peut avoir le beurre, l'argent du beurre... et la crémière! (On s'amuse) Prendre de l'argent dans le programme 215 me poserait un réel problème. Je demande énormément aux services de mon ministère. Nous avons ainsi versé le 1er octobre 70 % des aides de la PAC. Cela ne s'est pas fait d'un claquement de doigts ! Je ne me vois pas expliquer aux agents de mon ministère qu'ils doivent travailler plus et plus rapidement tout en diminuant leurs crédits.

M. Michel Charasse.  - Mais ce n'est rien du tout, 700 000 euros !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Plutôt que sur le programme 215, je m'engage à prendre 700 000 euros sur le programme 154 pour les Adasea pour solde de tout compte.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - M. le ministre vient d'accepter de donner plus aux Adasea : je ne peux qu'être d'accord avec lui. Je suis donc défavorable aux amendements.

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Dans une vie antérieure, j'ai été président d'une chambre d'agriculture et, dans une vie encore plus antérieure, j'ai été président des jeunes agriculteurs de mon département. (Sourires)

Compte tenu des problèmes qui se posent à l'agriculture, il faut que les chambres d'agricultures et les Adasea se rapprochent pour offrir un meilleur service aux agriculteurs. M. le ministre vient de prendre un engagement. Je souhaite donc le retrait de ces amendements.

Mme Nathalie Goulet.  - Je tiens à saluer les efforts de M. le ministre en faveur de l'enseignement agricole.

Dans la contribution des jeunes agriculteurs à la loi de modernisation, il est demandé de faciliter l'installation. La proposition de M. le ministre devrait donner un signal très positif à ces jeunes qui s'engagent dans cette voie difficile.

M. Michel Charasse.  - Mes amis du groupe RDSE avaient souhaité une augmentation des aides à l'installation des jeunes agriculteurs de 700 000 euros. Le ministre vient de donner son accord pour ce montant, mais en procédant d'une autre manière. Je considère donc que cet amendement est satisfait si le ministre nous confirme bien que nous pourrons annoncer ce soir à celles et ceux qui nous ont saisis de cette question qu'il y aura bien 700 000 euros de moyens supplémentaires mis en oeuvre dans le cadre de l'exécution du budget pour 2010. (M. Bruno Le Maire, ministre, le confirme)

L'amendement n°II-155 rectifié bis est retiré.

M. Jacques Blanc.  - Je souhaitais vous sensibiliser sur cette question : vous avez répondu à notre attente. Je souhaite quand même que l'on n'oublie pas les chambres d'agriculture qui n'ont pas beaucoup de moyens.

L'amendement n°II-125 rectifié est retiré.

Mme Catherine Troendle.  - La raison l'a emporté : je vous en remercie, Monsieur le ministre.

L'amendement n°II-116 rectifié ter est retiré.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je salue le geste de M. le ministre, même s'il eût été aussi simple d'adopter l'un ou l'autre des amendements rajoutant 700 000 euros. Notre amendement avait pour objet de maintenir les crédits au niveau de l'année dernière.

Pour le principe, je le maintiens, tout en soulignant qu'un pas positif a été franchi.

L'amendement n°II-132 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-66, présenté par M. Fortassin, au nom de la commission de l'économie.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires

200 000

200 000

Forêt

Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation Dont Titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'agricultureDont Titre 2

200 000

200 000

TOTAL

200 000

200 000

200 000

200 000

SOLDE

0

0

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - M. Fortassin est à l'origine de cet amendement en faveur des associations foncières pastorales qui ont besoin, pour fonctionner, de ces 200 000 euros.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Elles jouent en effet un rôle important dans certaines régions et mettent des terres à la disposition d'éleveurs. Avis favorable.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - J'aurais préféré prendre ailleurs car je ne saurais trop insister sur les efforts demandés à mon administration mais comment résister à M. César et à son argumentation ?

L'amendement n°II-66 est adopté.

Les crédits de la mission, modifiés, sont adoptés, ainsi que le compte spécial.

Articles additionnels avant l'article 51

Mme la présidente.  - Amendement n°II-64, présenté par M. César, au nom de la commission de l'économie.

Avant l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le II de l'article 1604 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au titre de l'exercice budgétaire 2010, une part du produit de la taxe est reversée par les chambres départementales d'agriculture aux chambres régionales d'agriculture à hauteur de 4 % minimum de la recette fiscale totale régionale, déduction faite des versements au fonds national de péréquation des chambres d'agriculture. Cette part est portée à 7 % minimum à compter de l'exercice 2011 et 10 % minimum en 2012. »

II. - Les sixième à dernier alinéas de l'article L. 221-9 du code forestier sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Une part du produit de la taxe perçue sur tous les immeubles classés au cadastre en nature de bois est reversée par les chambres départementales d'agriculture aux chambres régionales d'agriculture à hauteur de 33 % de la recette fiscale, déduction faite des versements au fonds national de péréquation et d'action professionnelle des chambres d'agriculture mentionnés au deuxième alinéa du présent article et à l'article L. 141-4.

« Cette part est portée à 43 % en 2011.

« Ces crédits sont affectés à la réalisation d'un plan pluriannuel régional de développement forestier établi et mis en oeuvre par les acteurs de la production forestière et par les chambres d'agriculture. Le contenu de ce plan et les modalités de sa validation par l'autorité administrative sont fixés par décret. »

III. - Au deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, après les mots : « pour 2009 » sont insérés les mots : « et pour 2010 ».

IV. - En conséquence faire précéder cet article de l'intitulé :

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

M. Gérard César, rapporteur pour avis.  - Nous souhaitons aider les chambres d'agriculture dont les missions s'accroissent : une augmentation de la taxe de 1,5 % est extrêmement raisonnable.

M. Michel Charasse.  - Pour une fois que M. César propose d'augmenter les taxes que paient les agriculteurs...

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - L'amendement maintient le taux de la taxe mais augmente la part destinée aux chambres régionales d'agriculture. C'est conforme à ce qui a été négocié au sein de la profession comme aux voeux du Gouvernement. Avis favorable.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Avis favorable pour les raisons indiquées par les deux rapporteurs.

L'amendement n°II-64 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-134, présenté par M. Repentin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Avant l'article 51, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente au Parlement avant le 31 mars 2010 un rapport sur les conditions de mise en oeuvre sur le territoire national de la prime à la surface herbagère et sur les conséquences de sa décision de non renouvellement des contrats de prime herbagère agro-environnementale sur la situation économique des exploitations notamment celles situées en zones de montagne.

II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

M. Jean-Pierre Sueur.  - A l'occasion du bilan de santé de la PAC, le Gouvernement avait décidé d'augmenter les aides destinées à l'élevage à l'herbe et aux zones fragiles en prélevant 760 millions sur les aides découplées dont 700 millions auraient servi à revaloriser les droits à paiement unique, l'augmentation de la modulation des fonds des deux premiers piliers devant libérer 584 millions pour la prime à l'herbe agro-environnementale. Or, contrairement à ce qui avait été annoncé, le Gouvernement a décidé de remplacer les contrats Phae par une nouvelle prime à l'herbe sur laquelle nous n'avons que peu d'informations. C'est plutôt une mauvaise nouvelle parce que les zones d'élevage extensif seront défavorisées et que l'on introduirait de nouveaux critères. L'entretien des prairies risque d'en souffrir. Vous vous êtes engagés à ce que les exploitants ne perdent pas un euro mais, comme pour la taxe professionnelle, cela suscite plutôt la méfiance. La revalorisation de l'indemnité compensatrice de handicap naturel devrait permettre de maintenir l'équilibre économique de ces zones ; là encore, il y a des doutes et des inquiétudes, d'où cette demande de rapport.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - L'intention est louable mais la date du 31 mars est d'autant plus prématurée que nous venons de prendre des crédits à l'administration centrale.

M. Jean-Pierre Sueur.  - On peut sous-amender...

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial.  - Je suis prêt à inclure une enquête sur place et sur pièces dans mon prochain rapport mais je suis défavorable à l'amendement.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Avis défavorable : j'ai pris des engagements et les actes plaideront mieux qu'un rapport.

L'amendement n°II-134 n'est pas adopté.

Sécurité

Mme la présidente.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité ».

Interventions des rapporteurs

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Dotée de 16,65 milliards en autorisations d'engagement et de 16,4 milliards en crédits de paiement, la mission « Sécurité » progresse de 1,3 %. Avec 14,08 milliards, les dépenses de personnel en représentent 85,9 % : elle est d'abord une mission de personnel, ce qui induit une rigidité de son pilotage.

La mission a connu en 2009 une évolution importante avec le rattachement organique et opérationnel de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, un rattachement qui ne remet pas en cause son statut militaire et n'a d'autre but que d'améliorer l'efficacité de la politique de sécurité.

Le nombre de crimes et de délits a augmenté de 0,45 % de janvier à septembre 2009 par rapport à la même période de 2008 ; les atteintes volontaires à l'intégrité physique ont, elles, progressé de 4,08 %, davantage en zone police, 4,31 %, qu'en zone gendarmerie, 2,2 %. Ces résultats vont à l'inverse de la tendance constatée depuis 2002, mais il est encore trop tôt pour dire si la dégradation est passagère ou durable. Les données récentes de l'Observatoire national de la délinquance incitent d'ailleurs à la prudence, puisque la délinquance générale a reculé de 5,94 % en octobre, tandis que les escroqueries et les infractions financières ont chuté de 9,75 %.

Je veux souligner l'importance de la coopération internationale via le service de coopération technique internationale de la police ; le savoir-faire, l'expérience et la maîtrise technologique de nos forces de sécurité doivent être davantage valorisés. Cette coopération est positive pour notre sécurité intérieure ; elle permet aussi d'entretenir des relations avec des pays qui sont en marge des relations internationales.

Le programme « Police nationale » est doté de 9,915 milliards d'euros, en progression de 1,9 % ; les effectifs baissent en son sein de 1 390 ETPT, le plafond d'emplois étant fixé à 147 790 ETPT. Cette baisse s'inscrit dans la programmation triennale 2009-2011 qui verra à son terme la suppression de 4 000 postes de policier. Je note avec satisfaction la reprise des investissements, les crédits de paiement augmentant de 5,8 % et les autorisations d'engagement de 88,2 % -61 millions d'euros supplémentaires pour l'investissement immobilier et 88 pour la modernisation technologique. Je souhaite que ces augmentations permettent de dissiper un certain malaise au sein de la police nationale, qui s'est encore exprimé aujourd'hui par des rassemblements syndicaux.

Le programme « Gendarmerie nationale » est doté de 7,665 milliards d'euros en crédits de paiement, en progression de 0,7 %. Il connaîtra une baisse des effectifs de 1 354 ETPT, pour un plafond d'emploi de 98 155 ETPT. Au terme de la programmation triennale, 3 000 emplois auront été supprimés. Le projet de loi de finances prévoit les mesures nécessaires à un déroulement identique des carrières des officiers et sous-officiers de la gendarmerie et des fonctionnaires de police. Le plan d'adaptation des grades aux responsabilités débouchera en 2012 sur un équilibre entre les deux forces et la mise en oeuvre complète du protocole « corps et carrières ». Les opérations en Afghanistan expliquent pour une large part le surcoût de 21,7 millions d'euros constaté en 2009 pour les opérations extérieures de la gendarmerie -l'autorisation initiale était de 15 millions.

Il faut sortir des querelles sémantiques qui ont trop souvent brouillé la réflexion sur la police de proximité. La récente mise en place des unités territoriales de quartier et des compagnies de sécurisation est une façon plus moderne, moins passionnée, plus pragmatique d'aborder le sujet. Les premiers résultats sont d'ailleurs encourageants. A la différence de la police de proximité d'hier, le nouveau mode d'action ne fige pas les capacités opérationnelles des forces de police et ne les disperse pas ; or la police de proximité doit avant tout être évaluée au regard de son efficacité opérationnelle.

La rationalisation des moyens doit être poursuivie. Le rattachement de la gendarmerie n'est pas une fin en soi, mais une étape sur un chemin qui est encore long. La priorité doit être donnée à la chasse aux doublons. Est-il par exemple judicieux d'éparpiller les moyens du renseignement entre les deux forces ? Est-il rationnel de conserver les six laboratoires de police scientifique et l'institut de recherche criminelle de la gendarmerie ? S'agissant des unités d'intervention, est-il justifié de superposer le Raid et le GIGN ? Il faut rationaliser et ne pas en rester aux symboles.

Police et gendarmerie sont aujourd'hui au milieu du gué, elles n'ont pas achevé leur mutation. Il serait souhaitable en particulier de spécialiser les forces par secteurs géographiques et par compétences : à la police nationale la police judiciaire et le renseignement, par exemple ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Sûrement pas !

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial.  - ... à la gendarmerie la sécurisation des zones non urbaines et la lutte contre la délinquance routière. Au-delà des traditions et des situations établies, il importe d'imaginer une nouvelle étape de la modernisation de nos forces de sécurité et une gendarmerie encore plus efficace dans des missions repensées.

La commission des finances recommande l'adoption des crédits de la mission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.  - Les crédits de la mission « Sécurité » sont encadrés par la loi de programmation des finances publiques, par la RGPP et par le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de sécurité intérieure, dit Loppsi. Ce dernier texte a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 27 mai 2009, mais n'a pas encore été inscrit à l'ordre du jour. Pourtant, 2010 est sa deuxième année d'exécution et une partie importante des crédits d'investissement de cet exercice y est adossée. Le projet annuel de performance du budget renvoie ainsi à de nombreuses reprises à un texte que nous sommes encore loin de connaître sous sa forme définitive. M. Courtois estime très souhaitable que ce texte puisse être examiné par le Parlement le plus rapidement possible. Sinon il faudra en élaborer un autre ...

Le contexte de contrainte budgétaire impose davantage d'efficacité aux forces de l'ordre, ce qui passe nécessairement par une collaboration plus étroite. Je ne suis pas de l'avis du rapporteur spécial et m'oppose à ce qu'il y ait une seule force de police judiciaire. (Mme Nathalie Goulet et M. Jean Faure applaudissent) Il n'est pas opportun d'aller au-delà de ce que Gouvernement et Parlement ont voulu dans la loi du 3 août 2009. La coopération entre les forces passe déjà par une mutualisation de plus en plus poussée des moyens. M. Courtois dit avoir cependant constaté des incompréhensions entre policiers et gendarmes. Je sais, monsieur le ministre, que vous envisagez de regrouper les forces d'intervention, c'est déjà un grand pas. Il faudra poser clairement les limites du rapprochement, de sorte qu'aucune des deux forces ne se sente menacée dans sa spécificité.

M. Courtois insiste sur la nécessité d'une modernisation des outils technologiques dont disposent la police et la gendarmerie pour lutter contre la délinquance. Les faits de délinquance ont légèrement augmenté entre janvier et septembre 2009, mais la situation s'est améliorée depuis. Une telle stabilisation n'est pas étonnante au regard de la forte diminution constatée ces dernières années. Il faut encore développer l'utilisation des outils d'identification criminelle, aux premiers rangs desquels les fichiers nationaux d'empreintes génétiques et digitales ; ces outils sont de nature à améliorer l'efficacité de l'action et le taux d'élucidation des affaires.

Ne pourrait-on instaurer une taxe sur les assurances, qui permettrait à la police scientifique et technique, lorsqu'elle retrouve un butin, de récupérer une partie de la somme que les assurances auraient sinon dû débourser ? Ces dernières n'y sont pas hostiles.

La vidéosurveillance s'est développée de manière empirique, voire anarchique, sans que les images soient suffisamment exploitées dans les procédures. Maillage suffisant du territoire surveillé et liaison systématique avec les forces de l'ordre sont des principes de bon sens. Le rapport d'information de MM. Courtois et Gautier sur le sujet prône également une meilleure information du public, et propose que la Cnil soit chargée d'autoriser et de contrôler l'ensemble des systèmes. Le rapport d'information de M. Détraigne et Mme Escoffier sur la vie privée et les mémoires numériques reprend cette préconisation. De quelle manière sera-t-il tenu compte de ces recommandations, monsieur le ministre ?

La commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. Jean Faure, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - Après avoir perdu 1 200 emplois en 2009, la gendarmerie devrait en perdre à nouveau 1 300 en 2010, en application de la révision générale des politiques publiques. Cette évolution nous inquiète : d'accord pour la RGPP, mais attention à ne pas toucher au maillage territorial ! (M. Charles Gautier s'amuse)

Près de 430 gendarmes participent actuellement aux opérations extérieures dans les Balkans, en Afrique et en Géorgie, et 150 autres sont en cours de déploiement en Afghanistan, or la dotation prévue pour les Opex -de 15 millions- est structurellement insuffisante : pour la seule mission en Afghanistan, le surcoût prévu est de 15 millions en 2009 et 12 millions pour 2010 ! Faute de financement suffisant, ces crédits sont prélevés ailleurs, par redéploiement. Il serait souhaitable de mieux évaluer le coût prévisible de ces Opex et, en cas de dépassement, de les financer sur un fonds interministériel.

Je salue le dévouement et la compétence des 900 gendarmes déployés en Guyane, auprès desquels j'ai effectué un « stage d'immersion » en semaine. Ils font un travail colossal contre l'orpaillage clandestin, mais les moyens alloués ne sont pas à la hauteur : sur 800 sites illégaux, on en détruit une dizaine par an ! Le retrait des armées de l'opération « Harpie » -avec 350 soldats- enverrait un signal négatif.

Enfin, je suis en désaccord avec certaines conclusions de M. de Montesquiou. L'encre de la loi relative à la gendarmerie du 3 août 2009 n'est pas encore sèche qu'il remet en cause des dispositions que le Sénat avait réussi à imposer par ses amendements ! A force de dénoncer les « doublons », ne va-t-on pas finir par s'en prendre un jour à notre assemblée ? La gendarmerie nationale ne doit pas être cantonnée à sanctionner les excès de vitesse, mais doit conserver l'exercice de la police judiciaire. La démocratie a un prix ; elle ne peut se passer du maintien de deux forces de sécurité, l'une à statut civil, l'autre à statut militaire, entre lesquelles l'autorité judicaire doit être libre de choisir. (Applaudissements sur le banc des commissions)

Orateurs inscrits

M. Charles Gautier.  - Cette année encore, le budget de la sécurité n'augmente pas : la légère hausse des crédits est absorbée par l'augmentation du poste des pensions. Certes, nous traversons une période de crise, mais la prévention de la délinquance et la sécurité sont des politiques de long terme qui ne devraient pas être affectées. Comme je l'avais démontré l'an dernier, cette politique n'est manifestement plus une priorité pour le Gouvernement. Malgré les annonces du Président de la République, il n'y a pas de réelle volonté politique pour assurer la sécurité des Français.

Cette année encore, le Gouvernement se félicite de la suppression de postes de policiers alors que la délinquance augmente. Je n'ouvrirai pas l'éternel débat sur la véracité des chiffres, mais il est incompréhensible de réduire ainsi les effectifs alors que l'on confie de nouvelles missions aux forces de l'ordre. Ainsi, si nous nous félicitons qu'après avoir supprimé la police de proximité, vous la rétablissiez sous le nom d'unités territoriales de quartiers, il est curieux de le faire en réduisant les effectifs !

Les fonctionnaires de police souffrent, et descendent dans la rue, hier à Toulouse, aujourd'hui dans toute la France.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.  - Un seul syndicat...

M. Charles Gautier.  - Les policiers en ont assez de la politique du chiffre, qu'ils appellent « la bâtonite » ! Ils s'interrogent sur leur utilité sociale, déplorent la logique de production imposée depuis sept ans, qui néglige l'investigation, creuse le fossé avec la population et sape l'efficacité des services de police. En 2010, ils devront faire toujours plus, avec moins d'effectifs.

Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi), censé encadrer les moyens alloués à la sécurité intérieure pour la période 2009-2013, n'a été déposé à l'Assemblée nationale que le 27 mai 2009, et n'est toujours pas inscrit à son ordre du jour. Nous devons donc nous prononcer sur la deuxième année d'exercice d'un projet de loi qui n'a pas encore été adopté ! Absurdité qui révèle bien l'estime dans laquelle le Gouvernement tient le Parlement...

Cette année encore, le Gouvernement se repose sur les maires des communes les plus défavorisées, quotidiennement confrontés aux violences. Les maires sont les pivots des politiques de prévention de la délinquance : vous l'avez voulu. Alors, lorsqu'ils constatent que les effectifs de police sont insuffisants, ils créent une police municipale : en 2009, les forces de l'ordre ont perdu 6 000 agents ; dans le même temps, les communes se sont dotées de 6 000 agents dans la sécurité publique. Vous vous félicitez de la meilleure répartition des effectifs sur le territoire ? Ce sont les municipalités qui subissent les baisses d'effectifs qui sont obligées de pallier les carences de l'État !

Sous la pression du Gouvernement, les élus se dotent de systèmes de vidéosurveillance, présentée comme la nouvelle panacée. Le Fond interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) va encore servir à 80 % à financer les installations, mais qui financera l'entretien du matériel, et les emplois liés à cette mise en place ?

Les collectivités locales sont appelées ici encore à financer des politiques essentielles aux citoyens, pour compenser le désengagement de l'État. Le Gouvernement ne manque jamais d'annoncer qu'il entend multiplier le nombre des caméras de vidéosurveillance, et le Président de la République lui-même déclarait le 24 novembre : « Le ministre de l'intérieur a prévu que si un maire refuse l'installation de vidéosurveillance sur son territoire, le préfet puisse se substituer au maire. »

Le débat n'est plus tant du pour ou du contre, il est de savoir quelle vidéosurveillance nous voulons dans notre pays. Plusieurs études montrent en effet que ce n'est pas le nombre de caméras qui en fait l'efficacité, mais l'intelligence du système mis en place. Le rapport que nous avons rendu avec M. Courtois montre assez combien désuet est devenu le cadre juridique. Il est urgent, avant de pousser les élus à se doter de caméras, de réformer les textes pour que soient garantis tous les droits des citoyens.

Notre groupe est en complet désaccord avec vos orientations en matière de sécurité et votera contre ce budget.

Mme Éliane Assassi.  - Si la baisse de la délinquance que vous ne cessez de mettre en avant se fait longuement attendre, les effectifs de la police, en revanche, subissent de si vertigineuses réductions que les policiers de plusieurs grandes villes de notre pays, chose assez rare pour mériter d'être notée, ont manifesté aujourd'hui pour exprimer leur colère de se voir sacrifiés sur l'autel de la RGPP, et pour dire leur refus de votre politique du chiffre qui transforme le policier en « un robot qui doit placer en garde à vue et verbaliser de manière automatique », selon l'expression de M. Nicolas Comte, secrétaire général du premier syndicat de gardiens de la paix.

Ce budget supprime 1 390 équivalents temps plein travaillé (ETPT) dans la police nationale et 1 354 dans la gendarmerie. Vous déclarez cependant que, malgré la baisse des effectifs, les dépenses de personnels augmentent encore : il faut donc s'attendre à de nouvelles suppressions l'année prochaine. De fait, la baisse des effectifs s'inscrit dans un processus triennal 2009-2011, qui vise à supprimer environ 4 000 ETPT de policiers et 3 000 gendarmes. Nous sommes d'ailleurs appelés à nous prononcer sur des crédits qui vont servir à l'application de la Lopsi 2 alors même qu'elle n'a pas été examinée par les assemblées : c'est dire combien vous êtes respectueux du vote du Parlement.

Votre objectif est donc d'accroître la productivité des policiers. Mais, même le syndicat Alliance a dénoncé cette politique du chiffre qu'il juge, à juste titre, contre-productive. « Faire mieux pour moins cher ? » Vous n'y parviendrez pas en supprimant massivement les effectifs. La mutualisation des structures, des formations, la politique d'achats groupés, le regroupement des fichiers, que vous appelez de vos voeux trahissent votre volonté de réduire toujours plus les moyens offerts aux forces de l'ordre.

Le plan triennal de réduction des effectifs, auquel se conforme votre budget, supprime tous les emplois créés à la suite de la Lopsi 1 : où est la cohérence ? Comment prétendre ainsi faire baisser durablement la délinquance et améliorer la lutte contre les violences aux personnes et le phénomène de bande ?

Vous intensifiez la vidéosurveillance qui serait, selon certains, une technique d'avenir : ce budget prévoit ainsi l'installation de 1 200 caméras dans Paris pour un coût de 120 millions. Que n'écoutez-vous les critiques de ceux qui l'ont expérimentée, notamment au Royaume-Uni, et qui concluent à son inefficacité ?

Votre politique coupe le contact, essentiel, avec la population, qui passe par le développement d'une police de quartier, proche des préoccupations des populations, et non par l'organisation occasionnelle d'opérations coup de poing médiatisées, inefficaces dans la durée. Où en est, monsieur le ministre, la mise en place de la police d'agglomération parisienne et comment entendez-vous lui faire assurer ses missions nouvelles en matière de lutte contre les trafics de drogue sur le territoire ?

La police technique et scientifique est le seul secteur qui voit ses effectifs augmenter de 249 ETPT. C'est sans doute une bonne idée, mais souhaitons que la conséquence n'en soit pas un élargissement des fichiers d'identification, y compris pour la petite et moyenne délinquance : les dérives d'une méthode qui peut porter atteinte aux libertés individuelles sont connues.

Autre grande idée : le couvre-feu pour les mineurs délinquants de moins de 13 ans, alors que de nombreux tribunaux administratifs ont invalidé les arrêtés municipaux instaurant un couvre-feu pour les mineurs. Pur affichage donc : la mesure est inapplicable. Son adoption aurait pour conséquence, sur le terrain, de détourner les policiers, que vous avez déjà chargés de faire la chasse aux sans-papiers, de missions plus importantes.

En détournant la police de ses missions premières, c'est vous qui aggravez la délinquance. Votre offensive sécuritaire remet en cause les libertés sans freiner le phénomène qu'elle prétend endiguer. Les chiffres que vous avancez nous laissent tout aussi perplexes que les magistrats et les policiers. Et lorsque l'on entend dire que l'examen de la Lopsi 2 est reporté pour en « muscler la partie normative », il y a là de quoi s'inquiéter...

Bien sûr, nous n'excusons pas les délinquants. Mais il faut commencer par identifier les causes de la délinquance, pour prendre le mal à la racine. Vous en faites fi, en organisant partout un désengagement de l'État qui aggrave les inégalités et ne profite qu'aux plus riches.

Votre politique ne peut conduire qu'à l'échec. Ce budget l'illustre. Nous ne le voterons pas. (Applaudissements à gauche.)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - La mission « Sécurité, immigration, asile et intégration » est au coeur des problématiques sociales les plus actuelles, non seulement sur notre territoire, mais bien au-delà des frontières de l'Europe. Chaque pays applique sa propre conception de la sécurité à ces phénomènes, avec sa culture, ses traditions, ses appareils juridiques.

Au pays des droits de l'homme, nous voudrions voir régner une politique équilibrée, généreuse, forte des valeurs de respect de la dignité. Voeu pleinement partagé, mais dont la mise en oeuvre trouve des voies divergentes...

Je tiens, monsieur le ministre, à saluer la détermination de votre administration à se donner des structures plus cohérentes et partant, plus efficientes. La fusion entre la DST et les Renseignements généraux est effective au niveau central, même si, dans sa déclinaison départementale, chacun cherche encore ce qu'est son nouveau coeur de métier.

Le rapprochement entre la police et la gendarmerie s'est opéré sans fracas. Il est vrai que l'une et l'autre avaient pris, dès longtemps, l'habitude de coopérer sur leurs domaines communs d'intervention.

La réorganisation des structures de police à Paris et dans les départements de sa petite couronne vient conclure une réflexion depuis longtemps engagée et qui a le mérite de s'adapter aux nouvelles formes que prend la délinquance.

Comment ne pas se satisfaire, enfin, du retour de la police de proximité, rebaptisée aujourd'hui « unités territoriales de quartier », avec des policiers, en dépit de ce changement de dénomination, affectés aux mêmes missions : connaître les quartiers et établir des relations de confiance avec leur population.

Je salue les efforts de votre ministère pour donner, tant à la police qu'à la gendarmerie, des moyens techniques modernes pour assurer leur mission : développement de la vidéosurveillance, équipement des voitures de patrouille pour la lutte contre la criminalité routière, amélioration des techniques d'investigation par les nouvelles technologies, renouvellement du parc automobile. Autant d'outils qui améliorent le fonctionnement des services et donnent une meilleure image de la police.

Mais, parce qu'il faut bien en venir au « mais », monsieur le ministre, le budget consacré à la sécurité est-il bien à la hauteur de vos ambitions ? Je mesure pleinement les contorsions qui sont le lot du budget de l'État, et je sais bien qu'aucun ministre n'accepte de gaîté de coeur de voir brider ses moyens. Mais je dois relever que l'augmentation de 1,3 % des crédits de la sécurité routière est bien faible rapportée à des projets qui impliquent, au premier chef, une mobilisation des hommes : comment concilier cela avec la réduction des effectifs prévue par la RGPP ? La suppression de plus de 2 600 policiers et gendarmes est très mal ressentie au sein des services.

Les nouvelles formes de délinquance, comme la cybercriminalité, exigent elles aussi des moyens adaptés. Les policiers et les gendarmes ont créé des services d'enquête, mais il leur faut des hommes formés, aussi habiles que ceux qu'ils ont en face d'eux. Les moyens manquent.

La liste est longue des domaines où les besoins sont criants. Je suis sûre que vous la connaissez comme nous, que vous y avez inscrit des priorités et que vous saurez défendre vos ambitions.

Je m'intéresserai en dernier lieu à des comportements, des habitudes de gestion et des modes de réflexion. Ainsi des statistiques, auxquelles ont fait dire ce que l'on veut, comme on veut et quand on veut. Pour ce qui est de la délinquance, par exemple, la façon dont on saisit les données et dont on considère les notions de fait constaté ou élucidé, l'importance accordée à certaines catégories d'infractions et aux chiffres de la police ou de la gendarmerie : autant de raisons de douter de la véracité de certains résultats. Il est heureux que la collecte des statistiques et leur harmonisation aient été confiées à l'Observatoire national de la délinquance, qui échangera ses analyses avec les autres administrations de l'État, dont l'éducation nationale. Toutefois, n'y aurait-il pas intérêt à lui donner un statut véritablement indépendant ?

Quant aux fichiers -thème récurrent- on ne peut qu'être vigilant après le trop fameux fichier Edvige. Nous sommes attachés à notre sécurité, mais aussi à notre liberté. D'où les débats sur la vidéosurveillance, rebaptisée vidéoprotection. La multiplication des fichiers de police est inquiétante : 58 l'an dernier, sans doute 60 aujourd'hui. Nous les voudrions tous opérants, mais pas tous interopérables. Quelles protections juridiques employer avant toute création de fichier ? Il faudrait sortir d'un flou nuisible aux valeurs républicaines. (Marques d'approbation sur les bancs socialistes)

Le groupe RDSE est particulièrement attaché à ces valeurs, mais n'ignore pas les contraintes auxquelles vous êtes confronté, monsieur le ministre. Nous aurions tous souhaité un meilleur budget, à la hauteur de l'estime et du respect que nous portons aux personnels placés sous votre autorité. Certains d'entre nous s'abstiendront, d'autres ne voteront pas ce texte pour exprimer leur déception. (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)

M. Marc Laménie.  - J'associe à mes propos Antoine Lefèvre, dont je vous prie d'excuser l'absence. Je salue le travail des rapporteurs, ainsi que les gendarmes et les policiers qui sont chargés de la difficile mission d'assurer la sécurité des personnes et des biens. Le nombre des membres des forces de l'ordre décédés en mission ne peut nous laisser indifférents. Ainsi, dans mon département des Ardennes, deux motards de la gendarmerie ont trouvé la mort en 2007 et 2008. Avant-hier, deux gendarmes de Vouziers ont été grièvement blessés.

Cette mission est l'occasion pour nous de constater que les engagements pris par le Président de la République, alors ministre de l'intérieur, sont tenus. Nous nous approchons de cette sécurité durable que les Français ont appelée de leurs voeux lors de l'élection présidentielle. Grâce à votre détermination, monsieur le ministre, la délinquance a diminué au mois d'octobre de 6,21 % par rapport à octobre 2008. Toutefois, nous avons encore du chemin à parcourir. Avec plus de 16 milliards d'euros pour la police et la gendarmerie nationales, ce texte montre que la sécurité est toujours une priorité de l'action gouvernementale.

Tout d'abord, ce budget est équilibré. Tout en augmentant les autorisations d'engagement de 3,29 %, vous vous adaptez à un contexte budgétaire difficile. Avec la crise, l'effort de rigueur doit être partagé par tous. Ce budget a donc pour priorités la réorganisation et la mutualisation des moyens. Il témoigne de votre volonté de participer pleinement à la RGPP par la suppression de 2 632 postes cette année. Le nombre de recrutements demeure malgré tout satisfaisant avec 4 400 emplois, dont 900 cadets. L'objectif est bien de faire mieux à moindre coût, et les syndicats de la police nationale sont globalement satisfaits.

Ensuite, ce budget donne au ministère les moyens de ses ambitions. C'est un bon budget, monsieur le ministre, car il vous permet de poursuivre votre objectif : garantir la sécurité partout et pour tous. Pour cela, il s'agit de renforcer la lutte contre les violences, notamment celles commises par les bandes violentes et en milieu scolaire -grâce au projet de loi de Christian Estrosi que nous venons d'adopter. Il vise également à mieux réprimer les dégradations de biens, les cambriolages, les trafics de drogue, et à mieux prévenir l'insécurité routière.

Les évolutions envisagées dans le cadre de la Lopsi 2 sont amorcées. Les objectifs quantitatifs de la Lospi 1 ayant été remplis, ils doivent céder la place à des objectifs qualitatifs. Le groupe UMP se réjouit de la présentation prochaine de cette loi qui mettra l'accent sur la modernisation, la mutualisation et le management avec une dotation de 2,5 milliards d'euros.

Les efforts de modernisation de la sécurité intérieure sont poursuivis. Il faut en permanence améliorer les systèmes d'information et de communication pour résister aux performances croissantes des criminels, comme l'a rappelé Anne-Marie Escoffier. Le programme de développement accéléré de la vidéosurveillance apporte une pierre supplémentaire à cet édifice. Des expériences étrangères et des expériences locales en France ont démontré son efficacité pour améliorer la sécurité quotidienne. L'opinion publique y est d'autant plus prête que de nombreux progrès ont été accomplis pour protéger la vie privée. Nous soutenons la volonté du Président de la République de tripler d'ici 2012 le nombre de caméras de vidéosurveillance sur la voie publique. Instrument de prévention, la vidéoprotection intervient avant que les faits de violences ou de dégradations ne surviennent.

Nous nous félicitons également de la poursuite de la modernisation de la police technique et scientifique de masse afin d'accroître les capacités d'investigation et améliorer les taux d'élucidation. Pour cette deuxième annuité de programmation, les programmes d'investissement sont privilégiés, notamment pour la technologie, l'équipement et la logistique. Dans ce but, la police est dotée de 133 millions d'euros et la gendarmerie de 111 millions.

Enfin, ce budget renforce les coopérations entre la police et la gendarmerie. La loi du 3 août 2009 consacre le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Pour des raisons d'efficacité et de bonne utilisation de l'argent public, des synergies devaient être recherchées. Ce rapprochement s'est fait dans le respect des spécificités propres à ces deux corps et ne remet nullement en cause les missions, la répartition territoriale et le statut militaire de la gendarmerie, auxquels les sénateurs de notre groupe sont particulièrement attachés. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, le confirme)

La gendarmerie représente 34 % du personnel du ministère et la répartition entre les programmes « Police nationale », doté de 8,8 milliards, et « Gendarmerie nationale », doté de 7,6 milliards, est équilibrée. Les missions de renseignements et de police judiciaire de la gendarmerie doivent perdurer. Je rappelle également que les élus ruraux sont très attachés aux petites brigades. Le Gouvernement a respecté le cadre du budget triennal tout en confortant la place de chacun des deux corps, qui pourront poursuivre leur travail en commun afin de mieux s'adapter aux nouveaux enjeux de la délinquance.

Un effort important sera fait en faveur de la formation permanente, du déroulement des carrières et d'un recentrage des missions sur les tâches qui ne peuvent être assurées que par des agents en uniforme.

Le personnel est au coeur des préoccupations du ministère : 85 % des crédits lui sont alloués. Le déroulement des carrières, les rémunérations et l'accompagnement font l'objet d'une attention toute particulière.

Les dépenses d'équipement visent à assurer la protection des policiers et des gendarmes. Nous ne pouvons tolérer qu'ils soient agressés dans l'exercice de leurs missions ou en dehors de leur service.

Mme Éliane Assassi.  - Nul ne le souhaite !

M. Marc Laménie.  - Chaque jour, ils assurent la tranquillité publique, la sécurité de nos concitoyens et, partant, l'unité de la République.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

M. Marc Laménie.  - Les missions des agents doivent être recentrées car beaucoup d'entre eux sont aujourd'hui affectés à des tâches administratives. Fondé sur une optimisation de la gestion des ressources humaines, ce budget conduira les forces de l'ordre à se concentrer sur leur coeur de métier : la protection des citoyens.

Au vu de ces observations, le groupe UMP votera les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite)

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial.  - Le suspense prend fin !

Mme Virginie Klès.  - Je tiens tout d'abord à adresser un hommage appuyé aux femmes et aux hommes qui se dévouent tous les jours pour assurer notre sécurité. Je centrerai mon propos sur le programme consacré à la gendarmerie nationale. Je veux croire que ce budget ne reflète pas la considération que vous accordez aux gendarmes, qui serait, dans le cas contraire, bien médiocre... Je veux croire que vous êtes seulement atteint de cécité quand vous affirmez que ce budget, le premier depuis le rattachement de la gendarmerie à votre ministère, est présenté à des militaires sereins, confiants dans leur avenir, oeuvrant dans un climat apaisé de mutualisation et de rapprochement avec leurs collègues de la police, ou encore que ce budget définit clairement les missions de chacun et les moyens qui y sont affectés.

M. Paul Blanc.  - C'est vrai !

Mme Virginie Klès.  - Les gendarmes méritent mieux que ce budget en trompe-l'oeil, qui ne tient compte ni de leurs inquiétudes ni de l'évolution réelle de la délinquance. Ce budget est insincère, car fondé sur une évaluation très discutable de l'efficacité des mesures proposées, notamment de la vidéosurveillance. On cherche à faire des économies à court terme, sans jamais s'inquiéter des coûts sociaux et financiers de l'abandon progressif de la prévention. On remet à demain les investissements nécessaires au renouvellement et à l'entretien du patrimoine immobilier et du matériel lourd, mettant ainsi gravement en cause la sécurité et l'efficacité de nos gendarmes.

Certes, le contexte budgétaire est difficile et il faut se concentrer sur l'essentiel. Mais lequel de nos ministres peut définir ce qu'est le coeur de métier des gendarmes ? La gendarmerie nationale fait par tradition ce que les autres institutions ne peuvent ou ne veulent pas faire. La décharger de certaines missions est donc souhaitable, mais il est impensable de remettre en cause celles qui relèvent des fonctions régaliennes de l'État ou de l'obligation de résultats incombant à tous les militaires. Le coeur de métier des gendarmes, est-ce d'éviter par tous les moyens que des sifflets ou des quolibets ne parviennent aux oreilles du Président de la République lors de ses déplacements ou d'assurer la sécurité de tout citoyen en tout temps et en tout lieu ?

Le budget que vous nous présentez est une accumulation de chiffres.

Mme Catherine Troendle.  - C'est un budget !

Mme Virginie Klès.  - En soi, ce n'est pas anormal mais cela devient très problématique quand les chiffres ne sont pas adossés à un vrai projet politique, et même rédhibitoire quand ils traduisent l'application mécanique d'un dogme : le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Lors de la Lopsi 1, le Gouvernement avait estimé nécessaire de créer 7 000 emplois dans la gendarmerie ; mais les vents et les girouettes ont tourné : les promoteurs de la Lopsi 2 affirment que l'évolution de la délinquance autorise la suppression de 3 500 postes d'ici 2014... Ah, la Lopsi 2 ! Véritable monstre du Loch Ness dont on parle beaucoup sans jamais la voir ! Espérons qu'elle finira par montrer le bout de son nez avant 2013...

Revenons aux problèmes de fond. J'ai beaucoup de mal à comprendre l'évolution de la délinquance telle que vous la présentez. Rigueur et honnêteté sont indispensables quand on manie les statistiques. Il est surprenant d'entendre dire, à l'approche de chaque échéance électorale, que l'insécurité augmente, prôner la tolérance zéro et l'augmentation des effectifs, puis d'apprendre, en période budgétaire, que l'efficacité se conjugue avec les suppressions de postes... Quand les périodes électorales et budgétaires se superposent, le discours devient inaudible : comprenne qui pourra ce que signifie un « ralentissement d'augmentation », évalué sur un seul mois -unité de temps totalement inadaptée-, qui ne concerne ni les mêmes infractions, ni les mêmes territoires, ni les mêmes moyens, exprimé tantôt en pourcentage, tantôt en valeur absolue... Enfin, l'honnêteté voudrait que l'on rappelle qu'une corrélation statistique n'est pas synonyme d'un lien de cause à effet.

Il serait en outre intéressant de mesurer l'efficacité réelle de l'inflation législative récente. Mais il faudrait pour cela se fonder sur d'autres critères que le nombre de gardes à vue, dont nul ne sait combien sont utiles ! Comment engager un vrai débat avec les citoyens et les gendarmes en maniant un discours d'une telle mauvaise foi ? (Protestations à droite) La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, le 25 novembre, a voté contre les crédits affectés à la gendarmerie : c'est une première. Ne tiendrez-vous aucun compte de ce coup de semonce ?

Les postes supprimés, dites-vous, correspondent à des missions administratives générales qui peuvent être confiées à des agents civils du ministère de l'intérieur. Admettons. Ce ministère sera-t-il donc épargné par la RGPP ? Ces missions ne reviendront-elles pas in fine aux gendarmes, dont les effectifs auront été réduits entretemps et qui se seront vu confier de nouvelles tâches comme l'exploitation des données de la vidéosurveillance, la lutte contre les violences familiales, la gestion des centres de rétention, et j'en passe ? Mais il s'agit peut-être d'une fausse promesse... Comment expliquer que le général Roland Gilles, auditionné par les députés, ait lui-même hésité sur les secteurs touchés par des suppressions de postes ? Combien de brigades territoriales seront fermées, combien d'escadrons mobiles supprimés ? La recherche d'économies à court terme, appelée « accroissement des complémentarités et mise en commun des compétences », provoque nombre de dysfonctionnements : les gendarmes n'ont droit qu'à une séance de tir par an pour s'entraîner, quatre écoles inaugurées il y a peu en grande pompe ont été fermées. La formation et l'immobilier, qui devraient faire l'objet d'une stratégie à long terme, sont une nouvelle fois laissés pour compte : politique de gribouille ! Le budget de l'immobilier ne tient pas compte de la vétusté des locaux ; sa présentation est opaque : la fin du régime particulier lié aux cessions du ministère de la défense rend toute comparaison avec les années antérieures impossible. Les seules certitudes sont l'insuffisance des crédits et le transfert des charges aux collectivités : enfin de la constance dans votre politique !

Les experts nous indiquent que les crédits de paiement augmentent de 0,61 % ; mais les crédits affectés aux missions de sécurité hors titre II reculent de 0,88 % ; encore ce chiffre ne tient-il pas compte de l'élargissement du périmètre des crédits du titre III. Un tel budget ne nous rassure pas sur la volonté du Gouvernement de renforcer la sécurité de tous ; mon groupe votera contre. (Applaudissements à gauche)

présidence de M. Roger Romani,vice-président

M. Jacques Berthou.  - Je tiens à exprimer mon inquiétude devant l'inadéquation des besoins et des moyens de la gendarmerie. La criminalité et la délinquance ont augmenté de 0,45 % au cours des neuf premiers mois de 2009 ; le nombre d'atteintes volontaires à l'intégrité physique a progressé de 4,08 %, comme celui des vols à main armée, des violences scolaires et des violences de proximité. La plupart des indicateurs sont au rouge, dans les villes comme dans les campagnes.

Alors même que le Gouvernement exploite ces chiffres pour rejouer le thème de l'insécurité, il réduit les effectifs de la gendarmerie en appliquant mécaniquement la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Pas moins de 3 500 postes disparaîtront en trois ans ; il faut y ajouter les transformations d'emplois.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur met en danger son existence même. La tentation sera forte, dans les prochaines années, de regrouper au sein du ministère les services et les moyens dédiés à la sécurité. Aujourd'hui, les agents de la police urbaine manifestent partout en France -fait rarissime- pour dénoncer la culture du chiffre et l'obligation de résultats auxquelles ils sont soumis, comme demain les gendarmes.

Réduction des effectifs et rattachement de la gendarmerie à l'Intérieur remettront en question la présence de la gendarmerie 24 heures sur 24 dans certains territoires. Déjà, se dessinent des regroupements d'activités : certaines brigades sont spécialisées dans l'enregistrement des plaintes, d'autres la circulation routière. C'est une perte de proximité. Or les gendarmes tirent leur efficacité de leur connaissance du terrain, de leurs contacts avec les élus et les populations. Alors que les élus locaux ne cessent de réclamer des effectifs supplémentaires, des brigades seront fermées, d'autres regroupées, mettant en cause le maillage du territoire. Les maires des petites communes s'inquiètent d'une rupture d'égalité dans le service de proximité de la sécurité entre ruraux et urbains. En fait de complémentarité entre les deux forces de sécurité, si chère à M. le ministre de l'intérieur, nous assistons à une rationalisation des moyens et à la suppression de services publics. Il n'est pas besoin d'être devin pour savoir que l'Intérieur, chargé de l'organisation de la sécurité, et la Défense, chargée de la gestion des ressources humaines, se livreront à de grandes parties de cache-cache...

Enfin, la stabilité des crédits pour 2010 masque des disparités. En matière d'investissement, vous mettez l'accent sur la vidéosurveillance, rebaptisée vidéo-protection, au détriment du renouvellement des matériaux lourds qui permettent le maintien en condition opérationnelle de la gendarmerie. Monsieur le ministre, une caméra ne remplacera jamais un gendarme ! Avec moins de moyens et moins d'effectifs, comment la gendarmerie pourra-t-elle faire face à la hausse de la délinquance ? Une fois de plus, la logique comptable l'emporte sous couvert du dogme de l'efficacité ! Avec le groupe socialiste, je voterai contre les crédits de cette mission ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.  - (Applaudissements à droite) L'action de mon ministère s'inscrit dans le cadre de la RGPP, évoquée par de nombreux orateurs, mais aussi dans celui de la loi de programmation des finances publiques 2009-2011, que ce budget pour 2010 respecte fidèlement concernant les missions dont j'ai la charge, la Lopsi 2 dont je souhaite muscler la partie normative en étroite collaboration avec la commission des lois pour un examen au Sénat fin janvier ou début février.

Concernant le rattachement de la gendarmerie nationale à l'Intérieur, je sais, madame Klès, que vous suivez activement ce dossier. Mon cabinet s'intéresse de près à votre projet de construire une brigade à Châteaubourg. (Murmures à droite)

M. Jacques Gautier.  - C'est le Père Noël !

M. Paul Blanc.  - Ah ! Ce n'est pas George Frêche qui lui donnerait les crédits !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Remarquez que cela ne change rien au vote de Mme Klès ! Eh oui !, on n'est pas toujours récompensé de ses bienfaits...(Rires) Le rattachement de la gendarmerie à l'Intérieur, qui représente désormais plus du tiers des personnels de mon ministère, ne remet nullement en cause la présence territoriale de la force militaire de sécurité, soit 95 % du pays couvert. En revanche, nous recherchons des rapprochements et des mutualisations. A ce sujet, monsieur de Montesquiou, la nouvelle force d'intervention de la police nationale, que j'ai inauguré cette semaine, réunit le RAID, les groupes d'intervention de la police nationale et la brigade anti-commando de la préfecture de police, soit 500 policiers d'élite sous le commandement unique de M. Amaury de Hauteclocque, de la même façon que le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale s'est réorganisé l'an dernier pour réunir plus de 400 gendarmes d'élite sous autorité unique. Les attentats de Bombay ont montré que le terrorisme ne s'en prenait plus seulement à une seule cible mais pouvait déployer des kamikazes multipliant les lieux d'attaque. Notre pays peut désormais compter sur des unités spécialisées d'intervention qui, je le souhaite, devront développer des synergies, voire des mutualisations. J'ai demandé aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie de me faire des propositions en ce sens.

Quel est mon objectif ? Faire baisser significativement et durablement la délinquance. Le Président de la République m'a confié une mission claire : il ne doit y avoir aucune population négligée, aucun territoire oublié, aucune délinquance impunie. J'ai mobilisé les acteurs de la sécurité en leur donnant des objectifs, mais aussi en étant à leur écoute. J'ai fixé un objectif simple : faire mieux que l'an passé dans chaque département. Je note avec amusement que les orateurs qui dénoncent les statistiques sont ceux qui en fournissent le plus ! Celles de l'Observatoire national de la délinquance, qui n'est pas le Gouvernement, seraient suspectes ; mais les leurs, c'est du béton ! Nous n'avons pas modifié ces statistiques qu'il serait bon, d'ailleurs, de faire évoluer car, par exemple, l'opération que nous avons lancée contre la drogue fait augmenter le nombre de faits de délinquance. (Marques de soutien à droite) Grâce à ces statistiques qui n'ont pas changé, vous pourrez voir si nous avons ou non atteint notre objectif, ce qui correspondrait, pour la huitième année consécutive, à une baisse de la délinquance. Rendez-vous en janvier prochain !

Pour mieux lutter contre la délinquance, nous avons perfectionné notre organisation. Face à la recrudescence des cambriolages de résidences principales en hausse de 14 % en juillet et de 13 % en août, j'ai créé des cellules spécifiques anti-cambriolages dans les départements, qui commencent à donner des résultats. De même, j'ai créé la division nationale de lutte contre le hooliganisme pour répondre aux cinglés qui viennent aux stades non pour regarder le match de foot mais pour casser. Le match PSG-OM s'est ainsi déroulé dans de bonnes conditions à Marseille, sans débordements.

La tendance à la hausse que connaissait la délinquance a été cassée en septembre, puis inversée en octobre : moins 5,94 % pour la délinquance générale, moins 6,56 % pour la délinquance de proximité, moins 5,13 % pour les cambriolages par rapport à octobre 2008. Oui, je le dis sereinement, nous avons la culture du résultat et de la performance. Si nous avions la culture de l'échec absolu, vous en seriez surpris... (Sourires à droite) Pour conforter ces bons résultats, le premier chantier est d'améliorer la coordination des acteurs de la sécurité pour une plus grande efficacité opérationnelle. Dans le cadre du plan gouvernemental de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes, nous installons la vidéo-protection, en association avec les maires. Monsieur Gautier, pas moins de 81 % des Français estiment que l'installation de caméras peut améliorer la sécurité. Selon un rapport de l'Inspection générale de l'administration de juillet dernier, la délinquance chute deux fois plus vite dans les villes équipées. La vidéo-protection sera évidemment déployée dans le respect des droits et libertés individuels...

Mme Nathalie Goulet.  - Des plus riches !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Autre objectif du plan de prévention de la délinquance, la sécurité de nos enfants dans les collèges et lycées. Concrètement, 1 058 correspondants sécurité-école ont été désignés pour tous les établissements scolaires du second degré et pour certains du premier degré. Nous avons également décidé avec M. Woerth de frapper les délinquants au portefeuille en établissant une collaboration opérationnelle entre les forces de sécurité et de la direction générale des finances publiques.

Concrètement, une cinquantaine d'agents du fisc seront affectés sur 43 sites sensibles répartis sur dix-sept départements : ils seront installés au sein des directions départementales de la sécurité publique et ils se déplaceront sur le terrain : il faut en effet sanctionner lorsqu'il y a une trop grande différence entre le train de vie et le revenu. Lorsqu'un caïd se réveille à midi, ne travaille pas de la journée et roule le soir en 4x4, il est légitime de s'interroger sur ses revenus.

Je suis favorable à une collaboration opérationnelle avec les polices municipales. Cela passe par une professionnalisation de la filière que l'on obtiendra par la formation et par une meilleure coopération au quotidien. L'amélioration de la sécurité passe aussi par un renforcement des relations avec nos partenaires étrangers. L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne permet de nouvelles opportunités pour l'Europe de la sécurité. Je serais assez favorable à une sorte de pacte sur la sécurité à l'échelon européen.

Deuxième chantier : la police d'agglomération. Peut être faudra-t-il envisager une extension dans d'autres collectivités toujours en partenariat avec les élus locaux. Je pense notamment à Lyon, à Lille, à Marseille et à Nice.

Je confirme le rôle de la gendarmerie, police des territoires. Le maillage territorial assuré par les brigades mentionnées par MM. Faure et Berthou continuera à garantir l'efficacité opérationnelle de la gendarmerie. La rationalisation n'est pas du tout incompatible avec l'efficacité, au contraire !

Troisième chantier : la lutte contre les trafics de drogue. Nous avons donné des coups de pied dans la fourmilière depuis quelques semaines et nous arrêtons aujourd'hui près de 80 dealers par jour. J'ai confié au préfet Bonnetain la mission de coordonner les opérations.

Quatrième chantier : l'amélioration de la lutte contre les violences à l'encontre des personnes. La délinquance des jeunes augmente de façon préoccupante. Elle représente aujourd'hui près d'un acte de délinquance sur cinq, elle est de plus en plus violente et elle se féminise. Le nombre de filles mises en cause pour atteinte aux personnes a augmenté de 40 % entre 1996 et 2008. J'ai donc avancé l'idée d'un couvre-feu ciblé pour les mineurs délinquants de moins de 13 ans. Nos concitoyens y sont d'ailleurs favorables à 68 %. Je préciserai les modalités d'application dans le cadre de la Lopsi 2.

Nous devrons poursuivre la lutte contre l'insécurité routière. De grands progrès ont été accomplis : moins 44 % entre 2002 et 2008. Septembre n'a pas été bon mais octobre a été meilleur. J'attends les chiffres pour novembre.

Il faut enfin préparer l'avenir en modernisant les moyens des services de la police. Je suis très attaché au développement de la police technique et scientifique : 500 véhicules supplémentaires seront équipés du système Lapi, lecteur automatisé des plaques d'immatriculation, extraordinairement performant. Je vous encourage, dans le cadre de vos mandats, à participer à une opération avec les services qui en sont équipés.

Enfin, nous devons nous protéger contre les menaces extrémistes ou terroristes : l'ultragauche est de plus en plus violente. Nous l'avons observé lors de guérillas urbaines à Strasbourg au moment du sommet de l'Otan. Il y a également eu les événements de Poitiers. Hier, une alerte à la bombe a eu lieu à l'Assemblée nationale.

Il faut également être vigilant à l'encontre des mouvements racistes, antisémites et xénophobes qui menacent la cohésion de notre société. C'est pour cela que j'ai dissous un groupement de fait dénommé « Jeunesse Kémi Séba », résurgence de la « Tribu Ka ».

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Avec Bernard Kouchner, nous avons missionné Patrick Lozes, président du Conseil représentatif des associations noires (Cran), pour mener une réflexion sur le sujet.

Je disposerai donc de moyens suffisants pour mener à bien cette politique.

Je remercie M. de Montesquiou d'avoir souligné la rupture avec la tendance à la hausse enregistrée ces derniers mois. La police scientifique compte 800 experts de haut niveau qui travaillent au sein des laboratoires de police et de gendarmerie. La Cour des comptes n'est pas convaincue par le regroupement des structures car elle n'est pas persuadée que cela soit synonyme d'efficacité et d'économies. Peut être même est-ce une source d'émulation. Mon ambition est d'amener la police scientifique et technique au meilleur niveau : j'ai demandé aux deux directeurs généraux de me faire des propositions pour développer les synergies et améliorer les mutualisations.

Oui, monsieur Hyest, je souhaite que la Lopsi 2 soit examinée le plus rapidement possible, dès les premières semaines de 2010. Nous l'avons retravaillée, j'ai voulu la muscler et même la « body-builder », même si le mot n'est pas très beau.

En ce qui concerne le rapprochement de la police et de la gendarmerie, il ne s'agit ni de fusion, ni de statu quo. Notre démarche est pragmatique et j'espère une amélioration dans tous les domaines. Vous évoquez l'idée d'associer les compagnies d'assurance au financement : nous y travaillerons avec la fédération française des assurances. Je ne suis pas sûr de leur enthousiasme. J'aborde cette question sans tabous, mais la réflexion n'est pas encore aboutie.

Merci, monsieur Faure, pour votre soutien. Le dispositif territorial continuera à être adapté pour garantir l'efficacité de la gendarmerie départementale. Il peut y avoir quelques modifications territoriales entre police et gendarmerie, mais j'ai demandé à ce que tout ajustement soit fait en concertation avec les élus concernés.

Il y a 525 gendarmes en opérations extérieures, notamment en Afghanistan, dans les Balkans et en Afrique. Nous avons prévu 15 millions pour financer les Opex. Cette dotation ne sera pas suffisante puisque l'engagement des gendarmes en Afghanistan, mission difficile, génère un important surcoût, mais celui-ci sera compensé.

M. Gautier a dénoncé l'évolution de l'insécurité : c'est se tromper de gouvernement et de régime ! (On rit à droite) Lorsqu'il y a eu dégradation, ce fut sous le gouvernement Jospin lors de la législature 1997-2002 : l'insécurité a augmenté alors de 15 %. Nous, nous l'avons fait baisser de 14 %. (M. Charles Gautier s'exclame tandis qu'on applaudit à droite) M. Gautier me dit que l'on attend toujours la Lopsi 2 : j'espère que son attente sera de courte durée et qu'il la votera.

Concernant la police municipale, il reste très réservé. Mais les 25 000 policiers municipaux de notre pays jouent un rôle très important. Les 3 500 polices municipales sont très utiles, surtout lorsque leur action est coordonnée avec la police nationale : 800 conventions ont déjà été signées.

Sur la vidéo-protection, les références idéologiques ont évolué et je m'en réjouis.

Lorsque je parle de références idéologiques, je me tourne immédiatement vers Mme Assassi : je reconnais son enthousiasme, même s'il est mobilisé pour critiquer toutes les actions du Gouvernement. Cela me ramène à quelques années en arrière lorsque nous avions des échanges très directs quand j'étais ministre de l'immigration.

Le ministre de l'intérieur ne peut se dispenser de la RGPP : la mutualisation des moyens et une meilleure organisation permettront d'améliorer l'efficacité des services.

Le plan drogue en vigueur à Paris depuis octobre 2007 a été étendu il y a deux mois à la petite couronne, dans le cadre de la police d'agglomération.

Merci, madame Escoffier, d'avoir souligné que l'action des forces de sécurité intérieure s'inscrit dans un cadre républicain. La police de la République respecte naturellement les droits de l'homme. Merci d'avoir insisté sur l'effort technologique majeur effectué par mon ministère dans le cadre d'un budget contraint. Les ressources de l'État ont diminué de 20 % et la mission « Sécurité » bénéficie de moyens stabilisés.

J'ai pris note de votre proposition de loi sur les bases de données : le président Warsmann à l'Assemblée nationale a fait adopter un nouvel encadrement juridique auquel j'ai donné mon accord car il respecte les exigences opérationnelles. En tant que ministre de l'intérieur, j'en suis garant. Dès lors qu'on ne les remet pas en cause, je suis favorable à un encadrement protecteur.

Merci, monsieur Laménie, pour votre soutien. Merci d'avoir souligné la qualité du dialogue social au sein du ministère. C'est à l'appel d'un seul syndicat que certains policiers ont fait aujourd'hui part de leurs préoccupations. Nous entrons dans une période d'élections syndicales qui se dérouleront en janvier, ce qui est propice à certains mouvements...J'ai reçu, hier encore, les syndicats avec lesquels je suis en contact permanent.

Je remercierai moins Mme Klès qui a parlé de cécité, de budget en trompe-l'oeil et de surdité. Merci pour tous ces aimables qualificatifs.

J'ai personnellement veillé à l'inscription d'un effort sur l'immobilier pour la gendarmerie ; 140 millions en autorisations d'engagement ont été prévus ; cela permettra la livraison de 2 300 logements neufs. Pour le reste, il y a eu beaucoup de polémique. Les évolutions des brigades se font au cas par cas, il n'y a pas de plan de fermeture ! Pour les escadrons, il y a des hypothèses mais pas de décisions. Les principes sont simples : pas de suppression dans les sites touchés par une restructuration ; préservation des unités ayant bénéficié d'une évolution immobilière récente et respect absolu des besoins opérationnels.

Les écoles de Montargis, Libourne, Le Mans et Châtellerault ont fermé en 2009, l'adaptation et suffisante et il n'y aura pas d'autres fermetures. Ne cherchez donc pas à faire peur.

J'ai répondu au passage à M. Berthou. Il me suffit de rappeler qu'il y a des réformes à mener, des objectifs à atteindre, des résultats à obtenir et nous les obtiendrons. (Applaudissements au centre et à droite ; Mme Anne-Marie Escoffier applaudit aussi)

Examen des crédits

Les crédits de la mission sont adoptés.

Article additionnel après l'article 59 ter

M. le président.  - Amendement n°II-193, présenté par M. Faure.

I. - Après l'article 59 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A la fin de l'article 119 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, l'année : « 2009 » est remplacée par l'année : « 2010 ».

II. - En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :

Sécurité

M. Jean Faure.  - Des collègues ont fait part de leur inquiétude quant aux difficultés de logement des gendarmes et ils ont raison. Cet amendement permettra de mettre sur le marché 53 projets en prorogeant d'une année la possibilité pour les collectivités territoriales de contracter des baux emphytéotiques.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial.  - Cet amendement permettra le lissage du financement et le maintien en état de gendarmeries, dont les bâtiments sont parfois très dégradés. Avis très favorable à cette disposition qu'il conviendra peut-être de reprendre l'an prochain.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Avis favorable : on sécurise ainsi des opérations. Je salue l'engagement des collectivités locales.

M. Charles Gautier.  - Si j'ai bonne mémoire, c'est la troisième fois qu'on prolonge cette disposition. Va-t-on s'abonner ou trouver une formule pour s'en sortir ?

M. Jean Faure.  - On termine 53 projets !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Cela peut être utilement inscrit dans la Lopsi.

L'amendement n°II-193 est adopté et devient un article additionnel.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Si cela ne décale pas la reprise, je voudrais interroger le ministre : les fonctionnaires du fisc installés dans les directions départementales auront la qualité d'OPJ ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Ce n'est pas le cas. Ils seront déployés dans les départements et physiquement présents dans la direction départementale. La semaine dernière, quand j'ai accompagné le Président de la République à Bobigny, nous avons vu à l'hôtel de police les places qu'ils occuperont.

La séance est suspendue à 20 h 5.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance reprend à 22 heures.

Relations avec les collectivités territoriales et compte spécial Avance aux collectivités territoriales

M. le président.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », les articles rattachés 55, 56, 56 bis, 57, 58 et 58 bis, ainsi que le compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ».

Interventions des rapporteurs

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances.  - La mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales » traduisent budgétairement certaines grandes orientations débattues en première partie.

Le premier des axes majeurs est évidemment la suppression de la taxe professionnelle, qui va nous occuper une partie du week-end. Le rapporteur général et la commission des finances ont beaucoup travaillé pour rassurer les élus. Je pense que le dispositif adopté hier en commission y contribuera, mais je n'en dirai pas plus maintenant.

Le débat suscité par cette réforme a fait passer au second plan un autre axe majeur du projet de budget : l'évolution des concours de l'État aux collectivités pour 2010, dont le rythme de progression sera indexé sur l'inflation prévisionnelle, soit une hausse de 1,2 % pour atteindre 97,5 milliards d'euros à périmètre constant.

Au sein de cette enveloppe, la dotation globale de fonctionnement progresse deux fois moins vite, en tenant compte des nouveaux effets du recensement et des nouvelles intercommunalités. Par suite, la dotation de garantie des communes baissera de 2 % et les variables d'ajustement de 6,8 % après les modifications apportées par l'Assemblée nationale. La DGF stagnera ou baissera pour de nombreuses collectivités.

Le fonds de compensation de la TVA (FCTVA) progressera de 375 millions d'euros, soit 6,4 %, pour atteindre 6,3 milliards. Le dispositif ayant inquiété les élus, nous avons adopté deux amendements, dont le premier fait bénéficier les collectivités du versement anticipé dès l'engagement des dépenses, le second reconduisant le dispositif pour 2010.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente que 2,5 milliards d'euros, une part très limitée de l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales. Pour l'analyser, je m'en tiendrai aux dotations créés dans la loi de finances pour 2009 : la dotation forfaitaire « titres sécurisés » ; la dotation de développement urbain ; l'aide exceptionnelle aux communes concernées par les restructurations de la défense.

Les crédits des « titres sécurisés » atteignent 18,9 millions d'euros. En progression de 197,5 %, ils correspondent à l'indemnisation de 3 750 stations, dont chacune percevra 5 030 euros, un montant insuffisant par rapport aux dépenses réelles des collectivités. Le rapport de la mission de contrôle diligenté par Mme André est instructif sur ce point.

La dotation de développement urbain est reconduite en euros courants, soit 50 millions d'euros. Nous en prenons acte, mais il faudra perfectionner les procédures pour éviter les retards constatés en 2009.

Enfin, le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées, doté de 5 millions la première année, voit son montant doubler en 2010.

Je voudrais ajouter un mot sur l'évaluation de la performance, les deux programmes de la mission étant dépourvus de toute mesure de celle-ci. On peut apprécier le plus justement la qualité des services rendus par la direction générale des collectivités locales en examinant les délais réels de parution des textes réglementaires relevant ses responsabilités ou le respect des dates de communication des dotations. Pour ces deux critères, je tiens à rendre hommage au travail de la direction générale.

Les crédits inscrits au titre de la mission « Avances aux collectivités territoriales » appellent deux observations.

La première, pour s'étonner que le Gouvernement n'ait rien envisagé pour solder la situation de la Nouvelle-Calédonie, qui doit 289,7 millions au titre d'une avance consentie depuis 1990.

La seconde observation tient aux avances sur les recettes fiscales des collectivités territoriales, en baisse de 26 milliards d'euros parce que la compensation liée à la réforme de la taxe professionnelle sera financée par prélèvement sur recettes du budget général.

J'en viens aux articles rattachés.

L'article 55 propose de diminuer le complément de garantie des communes, ramené de 3,5 % à 2 % par l'Assemblée nationale. La commission des finances approuve le compromis trouvé par les députés, qui ont dégagé des marges de manoeuvre pour la péréquation grâce à un panier d'autres recettes. Ainsi, les variables d'ajustement régressent de 6,8 % contre 3,6 % dans la version initiale du texte. En outre, les dotations d'équipement sont gelées, le fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales touchées par des catastrophes naturelles ne bénéficiant que d'une augmentation réduite.

L'article 56 organise la répartition de la dotation de solidarité urbaine (DSU). Votre commission approuve le texte adopté par l'Assemblée nationale, qui étoffe cette dotation de 70 millions d'euros. Comme en 2009, l'augmentation sera concentrée sur les collectivités dont les besoins sont les plus nets, sans pénaliser les autres. J'ajoute que l'ouverture de la liste des prioritaires aux 250 premières communes évitera tout effet de seuil pour les plus fragiles. Cette augmentation de la DSU devrait conduire à augmenter aussi de 6 % la dotation de solidarité rurale, si le comité des finances locales reste fidèle à sa doctrine liant l'évolution de ces deux dotations de solidarité. C'est un point positif pour les communes rurales.

L'Assemblée nationale a introduit l'article 56 bis, qui intègre les logements sociaux appartenant une société d'économie mixte nationale dans le périmètre pris en compte pour l'attribution de la DSU. La commission des finances a supprimé cet article en attendant que des informations complémentaires lui permettent de vous proposer une rédaction plus précise.

Enfin, la commission approuve en l'état l'article 58 bis, qui attribue la dotation « coeur de parc naturel national » aux surfaces maritimes classées en coeur de parc national.

Sous réserve de ces observations, votre commission des finances propose d'adopter les crédits de la mission et du compte de concours financier. (M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, applaudit)

Mme Catherine Troendle, en remplacement de M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - La mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte de concours financiers « Avances aux collectivités » ne retracent que très imparfaitement les relations entre l'État et les collectivités territoriales. En effet, les 2,5 milliards d'euros inscrits dans la mission représentent moins de 3 % de l'effort financier de l'État en faveur des collectivités, alors que le compte d'avance aux collectivités ne fait pas stricto sensu partie des concours financiers de l'État, puisque les 65 milliards d'euros dont il est doté matérialisent la fonction de fermier général assurée par l'État auprès des collectivités. Ces deux lignes budgétaires sont donc peu significatives des choix de gestion opérée par État. Plutôt que d'analyser exhaustivement ces crédits, je profiterai donc de l'occasion pour exprimer les préoccupations et souhaits de la commission des lois.

Votre commission s'inquiète du ralentissement des dépenses d'investissement, qui ont reculé de 3,2 % en 2008 et devraient diminuer encore cette année sous l'effet cumulé de la crise économique et du cycle électoral. Cette tendance baissière doit être combattue, car les collectivités réalisent les deux tiers de l'investissement public civil et jouent un rôle crucial pour le développement du pays.

Le projet de loi de finances pour 2010 ne soutient pas assez l'investissement local. Les ambitieuses conventions FCTVA lancées début 2009, ont rencontré un indéniable succès, puisque plus de 20 000 collectivités se sont engagées à investir davantage en 2009 qu'elles ne l'avaient fait de 2004 à 2007, pour 55 milliards d'euros environ. Notre assemblée a amélioré le dispositif en intégrant les restes à réaliser dans les dépenses réelles d'équipement des collectivités signataires. Elle a en outre reconduit le versement anticipé du FCTVA en 2010, offrant ainsi une seconde chance aux collectivités n'ayant pas encore souscrit de convention.

Malgré cette avancée considérable, votre commission des lois s'inquiète de certaines dispositions susceptibles de freiner l'investissement des collectivités territoriales.

Et d'abord l'inclusion du FCTVA dans l'enveloppe normée, alors qu'il s'agit là d'un remboursement, non d'une dotation. On ne peut donc l'encadrer. D'ailleurs, le projet de loi de finances ne limite pas la croissance du FCTVA, dont l'augmentation pèse néanmoins sur les autres concours sous enveloppe : la progression de l'investissement contracte mécaniquement les crédits des dotations de fonctionnement.

La commission des lois a émis des doutes sur l'efficacité de ce mécanisme dans le contexte actuel : comment demander aux collectivités territoriales de réduire leurs dépenses et, dans le même temps, d'investir pour pallier l'absence de l'initiative privée ? Ces mêmes collectivités s'inquiètent du montant et des caractéristiques de leurs ressources futures ; elles risquent d'être plus prudentes et de repousser leurs programmes d'investissement. C'est dire que l'attitude de l'État a un impact direct sur leurs décisions.

M. Saugey rappelle qu'une grande partie de leurs dépenses résulte des normes obligatoires qui leur sont imposées ; le surcoût pour 2009 sera de 500 millions d'euros. La commission consultative d'évaluation des normes, créée en 2008 et présidée par notre collègue Alain Lambert, a parfaitement fait son travail ; elle a réussi à diffuser la culture de l'évaluation financière et a eu un effet régulateur sur l'activité des administrations centrales. La commission appelle le Gouvernement à développer ce type d'initiatives pour fluidifier les relations entre l'État et les collectivités territoriales. La décentralisation est parvenue à maturité, les élus doivent être partie prenante à l'élaboration des normes. Ils doivent être consultés, écoutés et entendus : c'est à cette seule condition que leurs responsabilités prendront leur pleine légitimité. (Applaudissements à droite)

Orateurs inscrits

M. Pierre-Yves Collombat.  - Il est des choses proprement irréalisables pour l'homme s'il ne les fait pas dans les règles, disait Bertold Brecht : ce sont les choses absurdes. Nous sommes au coeur du sujet avec l'examen nocturne d'une mission absurdement dénommée « Relations avec les collectivités locales ». Rituellement, notre rapporteur comme les intervenants rappellent qu'elle ne donne qu'une idée très partielle des sommes en jeu. Rituellement, ils relèvent l'absence totale de lisibilité des relations financières entre l'État et les collectivités locales. Et c'est de pire en pire. « On assiste ainsi à une marginalisation des crédits budgétaires, et donc de la mission, au profit des prélèvements sur recettes, des avances et des transferts de fiscalité. » Ainsi s'exprime M. Saugey. Il a raison : 2,541 milliards d'euros sur 88,864, soit moins de 3 % des soi-disant concours de l'État aux collectivités territoriales, contre 4,3 % en 2009.

Dans ce brouillard, les contreparties d'impôts payés par les collectivités locales, les compensations de captations d'impôts locaux -comme l'essentiel de la DGF-, les compensations de suppressions d'impôts -comme la taxe professionnelle- et la compensation de charges transférées prennent des allures de concours, autrement dit d'aides de l'État aux collectivités territoriales. Ce mode de présentation est si commode qu'on ne voit pas le Gouvernement renoncer à une technique de camouflage aussi efficace... Et cette année, avec la suppression de la taxe professionnelle et l'invention d'une -ça ne s'invente pas- « compensation-relais de la réforme de la taxe professionnelle », tous les records sont battus : les concours de l'État augmentent de 31,558 milliards d'euros, soit de près de 58 % ; 44,1 % de ce qui restait aux collectivités de ressources fiscales remplacés par une perfusion ! Vive l'autonomie locale !

Le rapporteur général note que 2010 sera pour les collectivités une année blanche ; pour les recettes, évidemment, car pour les dépenses, particulièrement celles à caractère social, il en ira autrement. Sauf que pour être équitable, la compensation devrait être calculée sur les bases et les taux 2010, ou au minimum sur les bases 2010 et les taux 2009. Après l'effort du Sénat, on en est aux bases 2010 et aux taux 2008 majorés au plus de 0,6 %, avec l'assurance d'une recette plancher au moins égale au produit 2009. C'est dire qu'en 2010, les collectivités sont privées même du pouvoir de modifier le taux de ce qui leur reste d'impôt économique local, la cotisation locale d'activité (CLA).

Et ce n'est pas qu'un mauvais moment à passer... La compensation-relais disparaîtra en 2011... pour être remplacée par des dotations qui disent leur nom et des dotations déguisées en impôts. Comment appeler autrement des contributions dont l'État définit l'assiette et le taux ? Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi de finances, l'autonomie financière des communes passera en 2011 de 62,5 % à 61,7 %, celle des départements de 66,4 % à 62,9 % et celle des régions de 54,3 % à 49,7 %. Tandis qu'avec l'augmentation des faux impôts s'effondre l'autonomie fiscale. La seule marge de manoeuvre précaire pour les régions, c'est un bricolage de la Tipp ; pour les départements, le foncier bâti. Et tout ça pour financer une promesse faite au patronat par le candidat Sarkozy, qui sera sans effet notable sur la compétitivité de nos entreprises.

M. Paul Blanc.  - A voir !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je ne me lasserai jamais de le répéter : l'impôt économique territorial n'a qu'une influence marginale sur celle-ci. Comme le dit un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, « les analyses économiques tendent à montrer que la localisation d'un investissement dépend principalement de critères économiques, géographiques et humains ». En 2008, seules 95 500 entreprises ont été exportatrices, soit 3,2 % des entreprises payant la taxe professionnelle, pour un montant de 410 milliards d'euros -presque 100 fois plus que la baisse dont bénéficiera la totalité des entreprises ! Réduire la contribution de toutes les entreprises pour, au mieux, améliorer à la marge la compétitivité de 3,2 % d'entre elles, voila l'exploit !

Le comble, c'est que, selon l'étude d'impact elle-même, les secteurs qui bénéficieront le plus de la baisse de l'impôt seront non l'industrie mais la construction, l'agriculture, et les services aux particuliers -qui ne sont pas particulièrement exposés à la concurrence internationale ! Étrangler les collectivités qui réalisent les trois quarts de l'investissement public et remplacer un système complexe par une usine à gaz pour un cadeau à 4,5 milliards sans effet sur la compétitivité de nos entreprises, c'est absurde ; aussi absurde que de prétendre redresser les finances publiques -un impératif, paraît-il- en multipliant les cadeaux fiscaux...

Ce qui est absurde, disait Brecht, doit impérativement être fait dans les règles. D'où le luxe de chiffres, de normes et de taux dans la présentation de la mission, cette chambre de bonne d'un immeuble « finances locales » en état de péril imminent. Pour donner un air de cohérence à ce qui n'en a pas, on alterne faux motifs de satisfaction et vrais motifs d'inquiétude.

Face : le FCTVA n'est pas plafonné et augmentera de 6,4 % ; pile : c'est au prix d'une limitation à 0,6 % de la progression de la DGF, qui devient la variable d'ajustement du dispositif. Le pacte de stabilité n'est plus tout à fait stable. Face : la péréquation progresse, 70 millions d'euros de plus pour la DSU, 50 pour la DSR ; pile : on rogne le complément de garantie de la dotation forfaitaire des communes, qui ne garantit plus rien. Face : les dotations d'investissement, FCTVA inclus, augmentent de 5,4 % ; pile : hors FCTVA, qui n'est pas une aide mais le remboursement partiel d'une taxe payée par les collectivités...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Ce n'est pas ce que disait M. Jospin...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Et alors ? L'argument est bien pauvre... Hors FCTVA donc, l'augmentation n'est plus que de 12 millions d'euros.

C'est à se demander si le Gouvernement mesure bien le rôle économique des collectivités locales. Que se passera-t-il lorsqu'elles ne pourront plus investir ? Là est l'enjeu du remplacement de la taxe professionnelle par un ensemble d'impôts économiques rapportant 4,5 milliards de moins et, CLA mise à part, transformés en quasi-dotations. Échanger un impôt stupide contre un système fiscal catastrophe, il paraît que c'est ce qu'on appelle une réforme... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Paul Blanc.  - Alors on ne fait rien !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Si c'est pour faire pire...

Mme Anne-Marie Escoffier.  - L'examen de cette mission intervenant quelques semaines avant la suppression de la taxe professionnelle, il me paraît difficile de ne pas aborder le sujet. La progression des concours de l'État aux collectivités locales est fixée en 2010 à 1,2 % et celui de la DGF à 0,6 % ; et les quatre programmes respectent globalement les engagements pris par l'État.

Même si je reconnais qu'il est légitime d'aller vers la réduction des dépenses publiques, c'est un service minimum qu'on nous propose avec une augmentation de la DGF égale à la moitié de l'inflation prévisionnelle. Les autorisations d'engagement seront probablement inférieures, l'an prochain, à leur niveau de 2009, ce qui est regrettable. Je veux bien, à titre personnel, donner quitus au Gouvernement de ce budget.

Comment faire autrement, quand il s'agit de programmes déjà lancés ?

Mais que restera-t-il de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » dès lors que la taxe professionnelle est supprimée sans être remplacée par quelque chose de précis ? Peut-être en saurons-nous plus samedi prochain... Les collectivités percevront 15,5 milliards :11,4 milliard sur la valeur ajoutée des entreprises soumises au barème, la différence étant compensée par l'État. Soit. Mais qui garantira la pérennité de ce système ? Commencer une réforme des collectivités territoriales en supprimant leur principale recette, c'est mettre la charrue avant les boeufs ; c'est, comme dit M. Chevènement, ajouter « du fouillis au fouillis ».

Comment se prononcer sur un budget qui ne pourra peut-être pas être appliqué ? Nous nageons dans l'incertitude. L'abstention de mon groupe sur ce budget me paraît être la sagesse.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Cette loi de finance étrangle encore un peu plus les finances locales. La compensation des charges transférées par la décentralisation est très insuffisante : les concours aux collectivités territoriales n'augmentent que de 0,70 %, soit la moitié de l'inflation prévisible. Environ 300 millions font défaut. Ce manque à gagner s'ajoute aux effets mêmes de la décentralisation qui n'a pas prévu d'instrument de stabilisation pour tenir compte des évolutions économiques et démographiques.

La suppression de la taxe professionnelle, qui représente 22,6 milliards de ressources nettes en 2008, aura des conséquences désastreuses pour les collectivités. Le nouvel impôt leur procurera 12,7 milliards, l'État s'étant engagé à compenser les 9,9 milliards manquants -mais pour 2010 seulement ! Les collectivités seront inéluctablement conduites à reporter la charge sur les ménages. Aujourd'hui, 48 % de leurs ressources viennent des ménages, 52 % des entreprises ; après la réforme, la proportion sera de 75 % et 25 % ! Cette réforme coupera le lien entre les entreprises et les territoires, entre les communes et l'activité économique. Les équipements publics et les services publics seront restreints : double peine pour nos concitoyens !

Enfin, les dispositifs de péréquation prévus ne sont pas satisfaisants. La réforme de la DSU est gelée, la DDU limitée à sa valeur de 2009. Vous réduisez drastiquement les ressources des collectivités, tout en dénigrant l'échelon local. A vous entendre, les élus seraient trop nombreux, les collectivités formeraient un millefeuille coûteux et incompréhensible. Celles-ci réalisent pourtant 73 % de l'investissement public, malgré des transferts de compétences qui ne sont pas toujours compensés, et ne contribuent au déficit public qu'à hauteur de 10 % ! Quant aux financements croisés, ils ne représentent que 5 % des dépenses.

La grande majorité des élus sont bénévoles. Le Gouvernement veut couper court à une démocratie locale qui ne lui est plus favorable. Votre réforme est une attaque si frontale qu'aucune association représentative n'y est favorable ; même les élus de la majorité sont troublés ! Pour atteindre son objectif de recentralisation et de réduction des services publics locaux, le Gouvernement avance masqué, en découpant la réforme en cinq projets de loi et en étranglant financièrement les collectivités : ce n'est qu'après avoir réduit leurs ressources que nous débattrons de leurs compétences. L'inverse eût été plus logique. Nous ne voterons pas ces crédits. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je n'aborderai qu'un seul thème : la péréquation. On se souvient du choeur de Faust, qui chante « Marchons, marchons ! », en restant sur place... C'est un paradoxe : la France est l'un des pays où la part des dotations de l'État est la plus élevée dans le financement des collectivités -et risque de s'accroître avec la réforme de la taxe professionnelle.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Vous y avez aussi contribué !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je n'en disconviens pas.

A l'heure où chacun parle d'autonomie financière, voire d'autonomie fiscale, pourquoi autant de dotations ? (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, se pose la question) Une réponse : la péréquation. L'État peut assurer une meilleure répartition en fonction des situations, car chacun sait qu'il n'y a pas de relation entre les charges et les ressources des collectivités. C'est une question de simple justice et d'efficacité.

Difficile toutefois de faire de la péréquation avec une enveloppe globale qui régresse si chacun prétend toucher autant que l'année précédente : il faut avoir le courage d'établir des priorités, et tout le monde ne peut être prioritaire !

La DGF augmente de 0,6 %, soit la moitié de l'inflation. Le poids de la part forfaitaire de la DGF est tel que l'inertie l'emporte sur la péréquation. Le rapport de M. Jarlier souligne que le poids relatif de la dotation de péréquation est « extrêmement modéré » au sein de la DGF des communes : la DSR représente 3,2 % du montant de la DGF, la DSU, 5 %... Je maintiens que la péréquation réelle, au sein de la DGF, ne dépasse pas 10 %, d'autant que ces deux dotations ne sont pas aussi péréquatrices qu'on pourrait le souhaiter. Ne vaudrait-il pas mieux concentrer les crédits de la DSR sur quelques projets de développement et d'aménagement dynamiques, plutôt que de continuer le saupoudrage actuel ?

La DSU n'est pas assez sélective : 75 % des communes de plus de 10 000 habitants la touchent. Un excellent amendement adopté par nos collègues de l'Assemblée nationale l'abonde de 70 millions et la cible sur les communes les plus défavorisées, soit la première moitié de la liste. Elle augmentera ainsi de 1,2 %, c'est-à-dire de l'inflation, c'est-à-dire qu'elle n'augmentera pas. Je sais qu'il a fallu batailler, que le Gouvernement rechignait, mais cela ne m'empêchera pas de dire qu'il faut faire plus.

Vous me répondrez, monsieur le ministre, que la DDU a été créée pour cela. On aurait pu faire plus simple... Cette dotation, dont vous vantez les 50 millions à répartir en 2009 sur 100 communes, n'a été dotée, si j'en crois le rapport de M. Jarlier, que de 26 millions en crédits de paiement, dont une large part ne pourra être consommée...

A ne jamais réformer dans le sens de la péréquation -et le rapport de M. Saugey parle même d'une baisse de l'effet péréquateur des dotations de l'État- on va à la catastrophe. Écoutons Claude Dilain, le maire de Clichy-sous-Bois, qui nous dit qu'il persistera jusqu'au découragement, mais qu'il se sent tenu d'alerter sur la bombe à retardement que nous sommes en train de produire. « Je sonne à toutes les portes, on me répond qu'il n'y a pas d'outil adapté. » Faut-il attendre l'explosion ? Ces paroles nous rappellent à l'impérieuse urgence de la péréquation. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - L'examen de cette mission est toujours particulier : il ne retrace qu'une petite partie de l'effort financier de l'État en faveur des collectivités locales, majoritairement inscrit en première partie de la loi de finances, ainsi que l'a souligné M. Jarlier : 2,6 milliards à peine, alors que l'enveloppe normée s'élève à 57 milliards et que l'effort financier global, avec la compensation des transferts, atteint 97,5 milliards. L'effort de l'État est donc substantiel et constant.

Ce projet de loi de finances intervient dans un contexte particulier, celui de la réforme de la taxe professionnelle, qu'il était urgent de réformer, pour que nos entreprises renouent avec la compétitivité et pour sauver l'investissement productif. On a récemment vu l'effet des délocalisations dans les pays de la Loire, M. Ayrault ne me contredira pas. La réforme était urgente pour mettre un terme aux fermetures des établissements industriels, synonymes, au plan financier, d'amenuisement des bases. Le Gouvernement s'est engagé à assurer une compensation intégrale pour chaque collectivité, par une ressource fiscale -ce qui n'a pas toujours été le cas, je pense à la suppression de la part sur les salaires, en 2000-, une compensation, enfin, conforme au principe d'autonomie fiscale des collectivités territoriales, introduit dans notre Constitution en 2003...

Après l'Assemblée nationale, vous vous êtes employés à améliorer le dispositif et je sais que vous aurez à coeur, dans quelques jours, d'assurer la meilleure affectation possible des ressources. Le Parlement devait se saisir pleinement de ce travail et je fais confiance à votre rapporteur général et à vos débats pour assurer le meilleur équilibre.

Je sais que toutes les difficultés ne sont pas levées et qu'il faudra procéder à des ajustements dans les prochains mois. C'est la raison d'être de la clause de revoyure, proposée par votre rapporteur général, M. Marini.

Reste que les collectivités locales sont assurées de disposer de ressources fiscales dynamiques pour exercer leurs compétences et mener à bien leurs grands projets, sans que soit rompu le lien entre activité économique et territoires.

Ce bel objectif est en passe de se réaliser grâce à l'immense travail collectif qui a vu Gouvernement et Parlement joindre leurs efforts.

Ce grand chantier ne doit pas occulter notre effort global en faveur des finances locales et de la péréquation.

L'enveloppe normée, M. Jarlier, Mme Troendle, progresse de 1,2 %. En son sein, les crédits du Fonds de compensation de la TVA augmentent de 6,4 %. Restent 300 millions supplémentaires, soit une augmentation de la DGF de 0,6 %, la moitié de l'inflation. Si les dépenses du Fonds de compensation de la TVA devaient augmenter l'an prochain, nous ne reviendrons pas sur les autres variables. Sortir le Fonds de compensation de la TVA de l'enveloppe ? Le ministre du budget a dit qu'il pouvait se rallier à cette proposition : il faudra alors s'accorder, en 2012, sur l'indexation de l'enveloppe ainsi redessinée.

Vous vous inquiétez, madame Troendle, de l'effort financier de l'État en faveur de l'investissement local. Certes, il n'y a aura pas indexation en 2010, comme en 2009. C'est que l'Assemblée nationale a choisi d'abonder la DGF.

L'État a entendu les craintes des élus. L'effort du plan de relance a été de 3,8 milliards en 2009 en remboursement anticipé du Fonds de compensation de la TVA, hors enveloppe. Il en est de même pour le Fonds de compensation de la TVA versé aux collectivités qui vont s'engager en 2010, à la suite de l'amendement que vous avez adopté en première partie. Cela représente un effort supplémentaire estimé à 1 milliard.

J'en viens à la péréquation. L'effort de progression des masses financières a été plus contraint cette année, parce que les collectivités territoriales ont été associées à la maîtrise des dépenses publiques.

L'article 55 reconduit la mesure d'écrêtement du complément de garantie de 2 % initiée l'an dernier. Cette mesure se combine avec l'abondement de 131 millions d'euros de la DGF des communes, voté à l'Assemblée nationale, de manière à afficher une augmentation de la péréquation communale sans abaisser trop fortement le complément de garantie des communes.

En 2010, le Comité des finances locales disposera ainsi des marges d'indexation nécessaires pour faire progresser les dotations de péréquation.

Le Gouvernement avait choisi de reporter la réforme de fond de la DSU à l'an prochain, pour la mener en cohérence avec la révision du zonage prioritaire de la politique de la ville. Il avait donc proposé à l'article 56 de reconduire les attributions individuelles, en les indexant selon les choix du Comité des finances locales. Mais les députés ont amendé ce texte afin de poursuivre les principes de répartition adoptés en 2009, sans attendre la réforme du zonage prioritaire de la politique de la ville, et de cibler l'augmentation de la DSU sur les 250 premières communes du classement de la DSU.

Je suis prêt à me rallier à cette proposition, à la condition que l'augmentation ne se fasse pas au détriment de la DSR, dont je souhaite qu'elle augmente également de 6 % l'an prochain.

Le Gouvernement reconduit, enfin, la dotation de développement urbain, créée l'an dernier, qui bénéficiera d'une nouvelle tranche de 50 millions. Si sa mise en place a été un peu longue, c'est qu'il a fallu attendre la publication du décret d'application, après consultations, pour répartir la dotation entre les 100 communes éligibles.

Les crédits n'ont donc été disponibles qu'en juin, mais les préfets avaient très tôt pris contact avec les communes éligibles pour déterminer quels projets seraient retenus en 2009. Cette année, je souhaite que la totalité des autorisations d'engagement soit mobilisée et les crédits débloqués dès que les communes auront été déclarées éligibles.

Le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées sera abondé de 10 millions d'euros, qui s'ajouteront aux 5 millions versés en 2009. Là encore, les crédits ont été débloqués très tard, pour la simple raison que le redéploiement territorial des armées n'a pas entraîné en 2009 de pertes significatives de population ou de recettes fiscales pour les collectivités concernées. Seuls cinq contrats de redynamisation des sites de la défense ont été signés depuis cet été. Mais je travaille sur ce dossier en lien étroit avec M. Mercier ; nous avons adressé récemment une circulaire commune aux préfets.

Je terminerai par quelques remarques sur la compensation financière des transferts de compétences. Vous avez adopté en première partie les articles 17 et 18, désormais traditionnels, qui attribuent une fraction de TIPP aux départements et aux régions en compensation des transferts de compétences. Au total, la fiscalité transférée pour compenser les charges de l'acte II de la décentralisation s'élève à 2,78 milliards d'euros pour les départements et à 3,18 milliards pour les régions. Le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion a été reconduit et doté de 500 millions d'euros. Nous procéderons dans le cadre de la loi de finances rectificative à divers ajustements au profit des régions.

Mme Nathalie Goulet.  - A quelques mois des élections !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Je présenterai aussi un amendement modifiant le montant de la dotation générale de décentralisation des départements et des régions : grâce au travail de la Commission consultative d'évaluation des charges présidée par M. Thierry Carcenac, nous avons pu affiner l'évaluation du coût des transferts. Je n'ai garde d'oublier la Commission consultative d'évaluation des normes présidée par M. Alain Lambert, à qui j'indique que l'État a entrepris de réorganiser ses administrations au niveau local : le conseil des ministres a examiné hier un projet de décret relatif aux directions départementales interministérielles, qui vise à regrouper les administrations départementales autour de deux ou trois pôles.

Enfin, le Gouvernement a tenu compte du contexte particulier lié à la généralisation du RSA pour les départements : il a décidé de ne pas appliquer l'ajustement de la compensation prévu sur la base des données d'exécution de l'année 2008, ce qui conduit à accorder aux départements un versement exceptionnel de 45 millions d'euros en 2010. Toutes ces mesures témoignent des efforts consentis par le Gouvernement pour compenser justement les charges liées à la décentralisation. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

Examen des crédits

Les crédits de la mission sont adoptés, ainsi que les crédits du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ».

Articles additionnels avant l'article 55

M. le président.  - Amendement n°II-112, présenté par M. Faure.

Avant l'article 55, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 2333-52 du code général des collectivités territoriales est abrogé.

II. - La perte de recettes pour les collectivités territoriales résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État résultant du paragraphe précédent est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

M. Jean Faure.  - La loi d'aménagement de la montagne de 1985 a autorisé les communes à instaurer une taxe de 3 % sur le chiffre d'affaires des remontées mécaniques ; les départements peuvent de leur côté créer une surtaxe de 2 % pour financer des actions de solidarité entre les communes de montagne. Ces ressources sont exclusivement affectées à certaines dépenses : formation du personnel des stations, équipements pour pratiquer d'autres activités que le ski, etc.

Certaines grandes communes soumettaient déjà les remontées mécaniques à la « taxe Ravanel », dont le taux était de 5 %. Pour préserver ce droit acquis, il fut décidé que les départements devraient rembourser à ces grandes communes le produit de leur surtaxe. Or depuis 25 ans les équipements ont beaucoup évolué : les grandes stations tirent un bénéfice considérable de ce dispositif. Les départements, en revanche, sont privés d'une manne qui pourrait servir à la redistribution entre les communes, au maintien de petits commerces, etc. Cet amendement a pour objet de corriger cette injustice, afin que toutes les communes participent à la solidarité locale.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - La commission n'a pas eu le temps d'examiner cet amendement. Elle aurait besoin de connaître les communes et les montants concernés. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - La DGF ne peut compenser la suppression d'une dotation versée par les départements aux communes ni la perte de revenus fiscaux de certaines communes, car elle est répartie entre toutes les communes selon les mêmes critères, qui doivent rester stables d'une année à l'autre. Retrait, sinon rejet.

M. Jean Faure.  - J'ai prévu un gage pour que mon amendement soit recevable, mais rien n'oblige l'État à supporter ce gage : les grandes stations ont déjà amplement bénéficié de cette taxe, qui constitue un privilège indécent. La répartition du produit de la taxe par les départements corrigerait au contraire les inégalités.

Si M. le ministre lève le gage, les grandes stations, dont le budget dépasse parfois celui des chefs-lieux, toucheront un peu moins d'argent ; mais le département disposera de fonds supplémentaires pour des actions de solidarité et de redistribution. J'invite donc M. le ministre à revoir sa position et à lever le gage.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - En effet, à supposer que le gage soit levé, l'amendement n'affectera pas le montant de la DGF. Si j'ai bien compris, il s'agit d'ôter à certaines communes une partie du produit de la taxe pour la rendre aux départements, qui pourront ainsi renforcer la péréquation en faveur des petites communes. (M. Jean Boyer le confirme.) La commission considère cet amendement avec une certaine faveur.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Je ne lève pas le gage : le Gouvernement a besoin de temps pour approfondir la question et savoir quelles communes sont concernées. Je promets de revenir sur la question lors de la prochaine discussion budgétaire.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Nous devons examiner les 17 et 18 décembre le collectif budgétaire pour 2009. Peut-être le Gouvernement pourrait-il prendre l'engagement d'étudier la question d'ici là, et M. Faure retirer son amendement pour le redéposer alors.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - J'en prends l'engagement.

M. Jean Faure.  - Fort de l'engagement du président de la commission et du ministre, je reviendrai à la charge au moment du collectif.

L'amendement n°II-112 est retiré.

L'article 55 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-178, présenté par M. Collomb et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 55, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au septième alinéa de l'article L. 5211-30 du code général des collectivités territoriales, les mots : « selon un taux fixé par le comité des finances locales dans la limite du taux d'évolution de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 » sont remplacés par les mots : « selon un taux égal à celui retenu par le comité des finances locales pour les communautés d'agglomération dans les limites prévues au premier alinéa du II de l'article L. 5211-29 ».

II. - Au neuvième alinéa du II de l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales, les mots : « selon un taux fixé par le comité des finances locales au plus égal au taux d'évolution de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 » sont remplacés par les mots : « selon un taux égal à celui retenu par le comité des finances locales pour les communautés d'agglomération dans les limites prévues au premier alinéa du II de l'article L. 5211-29 ».

Amendement n°II-179, présenté par M. Collomb et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 55, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au septième alinéa de l'article L. 5211-30 du code général des collectivités territoriales, les mots : « selon un taux fixé par le comité des finances locales dans la limite du taux d'évolution de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 » sont remplacés par les mots : « selon un taux fixé par le comité des finances locales au minimum égal à zéro et au maximum égal au taux d'évolution de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 ».

II. - Au neuvième alinéa du II de l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales, les mots : «  selon un taux fixé par le comité des finances locales au plus égal au taux d'évolution de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 » sont remplacés par les mots : « selon un taux fixé par le comité des finances locales au minimum égal à zéro et au maximum égal au taux d'évolution de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 ».

M. Pierre-Yves Collombat.  - La dotation d'intercommunalité des communautés urbaines et des syndicats d'agglomération nouvelle est, depuis 2009, indexée sur la dotation forfaitaire des communes, laquelle diminue. Pour éviter de pénaliser ces intercommunalités, l'amendement n°II-178 tend à prévoir une progression de leurs dotations au moins égale à l'inflation prévisionnelle ; le n°II-179, de repli, instaure un mécanisme garantissant que leurs dotations ne diminuent pas, quelle que soit la dotation forfaitaire des communes. J'espère avoir porté la parole de M. Collomb sans la trahir...

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - L'amendement n°II-178 va à l'encontre de notre objectif d'une péréquation renforcée. L'enveloppe étant fermée, son adoption rendrait impossible l'effort de 70 millions supplémentaires voté à l'Assemblée nationale en faveur de la DSU, qui pourrait également profiter à la DSR. Le raisonnement est le même pour le n°II-179 : nous ne pouvons garantir un taux d'indexation minimal à zéro pour les intercommunalités alors que les tensions seront fortes sur la DGF et que nous ne serons peut-être pas capables d'assurer une évolution positive de la dotation des communes. Communes et intercommunalités doivent être traitées sur un pied d'égalité. Avis défavorable.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Rejet de l'amendement n°II-178 pour les raisons évoquées par M. Jarlier. En revanche, sagesse sur le n°II-179. On ne peut écarter la possibilité d'une évolution négative de la dotation forfaitaire des communes et, donc, des dotations de ces intercommunalités, ce qui n'est pas l'objectif recherché.

M. Pierre-Yves Collombat.  - M. le rapporteur spécial me crucifie... Je ne défends pas particulièrement les communautés urbaines ! Nous y reviendrons lors du débat sur la taxe professionnelle. Je retire l'amendement n°II-178 au profit du n°II-179, plus raisonnable, sur lequel un compromis peut être trouvé.

L'amendement n°II-178 est retiré.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Garantir la stabilité des dotations des intercommunalités aurait des effets négatifs sur la dotation des communes. Attention !

L'amendement n°II-179 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-180, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 55, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2010, un rapport relatif aux modalités de prises en compte, pour la répartition de la dotation globale de fonctionnement, des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires dès la date d'achèvement du centre, au nombre de place effectivement construites, sans attendre l'arrivée effective des prisonniers.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Pour éviter que la population carcérale ne soit prise en compte dans le calcul de la DGF qu'avec un décalage de quatre ans, nous proposons de prendre en compte le nombre de places construites dans le centre pénitencier.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Cette question, qui se pose lorsqu'un centre pénitencier est construit, a été évoquée par M. du Luart, rapporteur spécial de la mission « Justice ». La commission n'a pu expertiser l'amendement et suggère, à l'instar de M. du Luart, de faire d'abord le point. L'avis est plutôt favorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Bien !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Défavorable. Tout l'enjeu est de ne pas comptabiliser des habitants fictifs dans le calcul de la DGF...

Mme Nathalie Goulet.  - Ah !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Les centres pénitenciers étant considérés comme des communautés de la même façon que les maisons de retraite, ils sont comptabilisés à part. Sinon, cela reviendrait à anticiper la population carcérale...

M. le président.  - Le problème est plutôt l'inverse. Ils sont souvent trop nombreux...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - En matière de justice, nous avons la chance d'avoir un rapporteur spécial dont les rapports font autorité. Peut-être faut-il envisager une démarche commune de M. du Luart et du Gouvernement plutôt que de prévoir, une fois de plus, un rapport dans la loi. Si tel est le cas, je ne doute pas de la diligence de M. du Luart. Le rapport pourrait être rendu avant le 30 juin.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Vous avez l'engagement du Gouvernement.

M. le président.  - Merci, monsieur Arthuis, de porter mes idées !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Soit, évitons de multiplier les rapports. J'aurai tout de même appris une chose intéressante ce soir : la population carcérale est fictive !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - C'est que les détenus utilisent peu la voirie !

L'amendement n°II-180 est retiré.

L'article 56 est adopté.

Article 56 bis

I.  -  À la première phrase du sixième alinéa de l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales, les mots : « locales et aux filiales de la Société centrale immobilière » sont remplacés par les mots : « de construction et de gestion de logements sociaux et aux filiales immobilières ».

II.  -  Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2011.

M. le président.  - Amendement n°II-153, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances.

Rédiger ainsi cet article :

Le sixième alinéa de l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase, les mots : « la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations » sont remplacés par les mots : « la société ICADE » ;

2° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Sont aussi retenus comme des logements sociaux pour l'application du présent article les logements de la Société Nationale Immobilière ou de ses filiales qui appartenaient au 1er janvier 2006 à la société ICADE et qui sont financés dans les conditions fixées par le dernier alinéa de l'article L. 2335-3, le dernier alinéa de l'article L. 5214-23-2, le dernier alinéa de l'article L. 5215-35 et le dernier alinéa de l'article L. 5216-8-1 du présent code. »

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Le logement social constitue l'un des critères de répartition de la DSU et du Fonds de solidarité de la région des communes d'Ile-de-France. Or il connaît depuis quelques années de profondes évolutions, notamment avec la réorganisation des activités de la Caisse des dépôts et consignations ; phénomène qui devrait s'accroître au cours des prochains mois avec la cession par Icade, filiale de la CDC, de son pôle logement. Pour ne pas pénaliser les communes qui accueillent ces logements, l'Assemblée nationale et le Sénat ont autorisé, à l'article 16 bis, les collectivités territoriales à continuer à bénéficier de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties. Par coordination, cet amendement vise à ce que lesdites collectivités puissent bénéficier de la compensation de l'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - L'avis est favorable. Sans ces dispositions, certaines communes auraient été pénalisées, non en raison de la perte du caractère social du logement, mais uniquement du changement de statut juridique de leur propriétaire.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - En se recentrant sur des activités de promotion immobilière et de location de locaux industriels et commerciaux, Icade a pu accéder au statut fiscal privilégié de société d'investissement immobilière cotée, pour le plus grand bonheur de la Caisse des dépôts et consignations. Le produit de la vente des 35 000 logements dont il est question a permis à la Caisse des dépôts d'apporter plusieurs milliards au capital du Fonds d'investissement stratégique (FSI). De récents débats ont d'ailleurs démontré que les interventions de ce fonds étaient pour le moins critiquables puisqu'elles servent souvent à financer des plans sociaux.

Que les logements qui appartenaient à Icade demeurent considérés comme des logements sociaux préserve les intérêts et les ressources des villes les plus frappées par les opérations de transfert de patrimoine. Nous voterons donc cet article.

L'amendement n°II-153 est adopté et l'article est ainsi rédigé.

L'article 57 est adopté, ainsi que l'article 58.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°II-12 rectifié, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances.

Après l'article 58, insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

Le premier alinéa de l'article L. 4332-8 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Bénéficient d'une dotation de péréquation les régions d'outre-mer et les régions métropolitaines dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur d'au moins 15 % au potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des régions ou dont le potentiel fiscal par kilomètre carré est inférieur au potentiel fiscal par kilomètre carré de l'ensemble des régions dans une proportion définie par décret sur avis du comité des finances locales. »

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Dans un contexte budgétaire tendu, la péréquation prend une importance particulière. Même si les dotations de péréquation ont augmenté de 45 % entre 2004 et 2009, il n'en demeure pas moins que la part des volumes financiers consacrés à la péréquation ne permet pas toujours de réduire les écarts de richesse entre les différentes collectivités. Le rapport des professeurs Gilbert et Guengant de 2006, est très éclairant sur le sujet.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Et très contestable !

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Il montre en effet que sur la période 2000-2006, les régions ont vu les inégalités de pouvoir d'achat s'atténuer, ce qui n'a été le cas ni pour les communes ni pour les départements. Encore faut-il que les régions les plus fragiles puissent bénéficier de cette péréquation : c'est tout l'objet de cet amendement.

Les critères d'éligibilité des régions à cette dotation de péréquation ne prennent pas en compte la spécificité des territoires régionaux et pénalise les régions dont la démographie augmente le moins. Ce mode de calcul conduit peu à peu à des incohérences qui se manifestent par le risque d'exclusion de certaines régions fragiles, ce qui est déjà le cas pour l'Auvergne. Le débat a déjà eu lieu lors de la discussion budgétaire de l'année dernière. Un groupe de travail avait été constitué au sein du Comité des finances locales mais il n'avait pu aboutir, faute de consensus. L'exercice est en effet difficile car la répartition s'entend à enveloppe fermée. Plus on est nombreux autour de la table, moins les parts de gâteau sont généreuses... Cette situation m'a amené à conduire une mission de contrôle au nom de la commission des finances sur l'efficacité de la péréquation régionale. C'est sur la base des conclusions de ce rapport que la commission vous propose de faire un pas vers une péréquation plus juste, en modifiant les critères de l'éligibilité de la dotation de péréquation des régions sans affecter ceux de la répartition. Actuellement, les critères d'éligibilité sont fondés uniquement sur la comparaison des potentiels fiscaux par habitant alors que, paradoxalement, ceux de la répartition entre régions prennent en compte les spécificités du territoire régional comme le potentiel fiscal superficiaire. La notion de territoire est donc absente dans les critères de sélection des régions. En outre, une région peut être exclue de la dotation de péréquation du fait d'une évolution démographique plus faible que celle des autres régions. Une croissance moins rapide induit en effet une augmentation du potentiel fiscal par habitant plus importante que la moyenne de référence qui sert de base au seuil d'éligibilité de la dotation. Une région peut ainsi se trouver exclue du dispositif de péréquation alors même qu'elle aura à supporter des charges fixes par habitant plus fortes. C'est le régime de la double peine !

Nous proposons donc de rapprocher les critères d'éligibilité de ceux de la répartition en intégrant un nouvel élément fondé sur le potentiel fiscal superficiaire des régions. Au potentiel fiscal moyen par habitant, on ajouterait un critère ouvrant l'éligibilité aux régions dont le potentiel fiscal par kilomètre carré est inférieur au potentiel fiscal par kilomètre carré de l'ensemble des régions. La commission a estimé qu'il revenait au Comité des finances locales et au Gouvernement de déterminer le curseur de ce critère en fonction des simulations qu'ils seront à même de réaliser. Il leur reviendra alors de déterminer la bonne mesure permettant de retenir un nombre raisonnable de régions en limitant les effets à la marge sur les dotations des régions déjà éligibles. Il convient de prendre en compte la diversité des territoires pour aller vers une péréquation plus juste.

M. le président.  - Amendement n°II-195 rectifié, présenté par Mmes Alquier et M. André.

Après l'article 58, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 4332-8 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'année 2010, il est alloué à la région Auvergne le montant résultant de la totalité de l'évolution de la part "péréquation" de la dotation globale de fonctionnement. »

Mme Michèle André.  - Il s'agit, non pas de bouleverser le dispositif de péréquation régionale, comme le propose notre rapporteur spécial, mais d'attribuer l'évolution de la DGF en 2010 à la région Auvergne.

Nous parlons du problème de la péréquation régionale depuis que la région Auvergne est sortie du dispositif en 2008. Quand on connaît les spécificités de cette région, il n'est en effet pas compréhensible qu'elle soit exclue du bénéfice de la péréquation régionale. L'absence de prise en compte de la superficie régionale dans les critères d'éligibilité est à l'origine de cette inégalité.

Les présidents des régions de France sont parvenus à un accord unanime que je propose de reprendre dans cet amendement : à deux reprises, lors de leur assemblée générale le 13 mai et le 16 septembre, ils ont adopté le principe d'attribuer à la région Auvergne l'évolution de la dotation de péréquation en 2010. Cette solution permet de répondre à l'injustice actuelle tout en ne faisant pas perdre de recettes aux autres régions. Elle ne peut naturellement être que temporaire : nous devrons l'année prochaine réformer les mécanismes de péréquation au profit des collectivités locales. N'obérant pas l'avenir, ce dispositif nous éviterait de faire imploser la péréquation régionale, ce qui mettrait en péril les budgets de nos collectivités.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Sur le fond, un Auvergnat ne peut pas être insensible à cet amendement. (Sourires) Mais le dispositif proposé est à l'évidence inconstitutionnel. Il est donc impossible d'y être favorable. Nous souhaitons néanmoins entendre l'avis du Gouvernement.

M. le président.  - Un troisième Auvergnat va s'exprimer.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.  - En 2009 douze régions ont bénéficié d'une attribution au titre de la péréquation régionale en raison du potentiel fiscal par habitant. L'amendement de M. Jarlier a pour objectif de compléter ce critère d'éligibilité en y ajoutant un critère de potentiel fiscal superficiaire, ce qui élargirait l'éligibilité à de nouvelles régions, notamment à l'Auvergne.

Nous avons étudié avec beaucoup d'attention la proposition de la commission des finances qui présente beaucoup d'avantages mais quelques inconvénients. Ce mécanisme risque en effet de perturber tout le dispositif de péréquation régionale : il permettrait en effet à l'Auvergne de bénéficier de la dotation, mais il ferait perdre 9,3 millions à la Corse, 6,9 millions au Limousin, 4,9 millions à la région Poitou-Charentes et 8,2 millions à Midi-Pyrénées.

Mme Nathalie Goulet.  - Et pour la Basse-Normandie ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - En outre, votre amendement renvoie à un décret, après avis du Comité des finances locales. Il est juridiquement curieux de prévoir une mesure d'ordre règlementaire alors que l'article 72 de la Constitution précise que la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. Tous les critères de dotations doivent être déterminés par la loi.

Enfin, il aurait fallu que le Comité des finances locales se soit prononcé sur le dispositif que vous proposez. L'objectif de cet amendement est parfaitement louable, mais il est difficilement applicable à cause de ses incidences sur les autres collectivités. C'est pourquoi j'en demande le retrait.

L'amendement de Mme André poursuit le même objectif avec un dispositif bien différent. Je ne suis cependant pas loin de partager l'avis de M. le rapporteur, car il est sans doute contraire au principe d'égalité et présente un risque constitutionnel. Mais comme il s'agit d'un amendement de l'Association des régions de France, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute assemblée.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Je remercie M. le ministre de l'intérieur de nous dire que l'Association des régions de France a rédigé cet amendement, mais le Sénat n'est pas le notaire de l'ARF ! Il nous appartient donc de l'apprécier sereinement. Or, comment peut-on écrire dans une loi qu'une seule région récupérera l'intégralité de la progression d'une dotation de péréquation ?

M. Gérard Collomb.  - C'est l'Auvergne !

M. Éric Doligé.  - On peut en proposer d'autres....

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Je ne pourrai pas voter l'amendement n°II-195, même inspiré par l'ARF. Celui de la commission des finances donne une marge d'appréciation et d'ici la commission mixte paritaire nous aurons grâce à vous la possibilité de l'expertiser et de nous mettre à l'abri des inconvénients que vous redoutez.

Mme Michèle André.  - Il ne s'agit pas d'un amendement de l'ARF. Parlementaire du Puy-de-Dôme, je porte la problématique de la région dont je suis issue, donnez m'en acte. L'ARF nous a fait connaître qu'elle n'y voyait aucun inconvénient et le ministre a fait allusion à la lettre qu'elle a adressée à Gilles Carrez et au Comité des finances locales.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Ce qui n'est pas interdit par la loi est possible et, si les régions en sont d'accord, c'est possible par voie conventionnelle.

M. Philippe Dominati.  - Le débat est intéressant mais localisé. Je suis surtout gêné par les simulations : à quelques mois des régionales, il est déplaisant qu'on ne sache pas ce qu'il en sera pour les régions. La prochaine fois, je proposerai quelque chose pour le 4e arrondissement... Retrouvons la sérénité : il y a un mécanisme à revoir ? Pas dans ces conditions, pas à cette heure, pas si près des échéances de mars.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mon explication portera seulement sur l'amendement de M. Jarlier. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec les chiffres qu'il a énoncés pour la péréquation -tout dépend de ce qu'on appelle ainsi... Nous ne pouvons souscrire à son amendement. Il faut en effet se méfier de l'accumulation des critères. Il y en a eu une soixantaine à une certaine époque pour la DGF. C'est illisible...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Et ça a des effets pervers !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... et l'on multiplie ensuite les amendements sur tel ou tel d'ente eux. Il convient de faire très attention aux mécanismes que l'on met en place. M. Hortefeux a dit que l'ARF n'avait pas été consultée. Plus important, le comité des finances locales ne l'a pas été, même s'il a travaillé sur ce sujet difficile. Il est difficilement acceptable de dire en l'espèce qu'un décret définira la péréquation qui bénéficiera à quatorze régions et pas aux huit autres. Que les critères relèvent de la loi est une exigence absolue.

Mme Catherine Troendle.  - Tout à fait.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Le législateur ne peut déléguer ses compétences : il doit fixer les proportions. L'amendement ne semble pas conforme aux règles constitutionnelles actuelles.

M. Éric Doligé.  - Puisque l'on doit travailler samedi, j'ai ressorti quelques archives, dont un amendement de M. Marini prévoyant qu'avant le 1er juin 2010, le Gouvernement transmettra à l'Assemblée nationale et au Sénat un rapport détaillé sur le dispositif de péréquation... Puisqu'on va demander un rapport extrêmement précis, il serait peut-être dommageable de traiter les cas particuliers ici. Le Gouvernement nous a déjà apporté quelques éléments de simulation. Patientons six mois pour régler le problème auvergnat.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - J'ai bien entendu les questions constitutionnelles. L'amendement est issu d'un rapport résultant de six mois de travail. Oui, il y a une vraie difficulté sur le critère d'attribution et demain d'autres régions seront touchées si leur population augmente plus lentement que la moyenne. Il faut trouver une solution et l'on peut le faire d'ici le collectif. Je veux bien retirer l'amendement mais il y va de 11 millions.

L'amendement n°II-12 rectifié est retiré.

Mme Michèle André.  - Donnons-nous six mois de réflexion.

L'amendement n°II-195-rectifié est retiré.

L'article 58 bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-182, présenté par M. Patient et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 58 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2010, un rapport relatif aux modalités de prises en compte, pour la répartition de la dotation de base de la dotation globale de fonctionnement, de la population réelle des départements d'outre mer. Le rapport précise les possibilités de prise en compte des populations habitants dans des logements illégaux et des personnes en situations irrégulières.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Me voici spécialiste de l'outre-mer et défendant des amendements au risque de déplaire à MM. Sueur et Doligé. (Sourires) Il s'agit en effet de tenir compte des particularités territoriales de l'outre-mer et de prendre en compte le fait que beaucoup de personnes ont un logement plus ou moins légal.

M. le président.  - Amendement n°II-183 rectifié, présenté par M. Patient et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 58 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2010, un rapport précisant les possibilités de prise en compte, pour la répartition de la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement des collectivités territoriales de Guyane, du revenu moyen par habitant, des dépenses scolaires ainsi que des particularités géographiques de ces collectivités.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cet amendement est spécifique à la Guyane, le département qui a le plus faible PIB par habitant et dont 58 % de la population est concentré sur 6 % du territoire, le reste étant dispersé et difficilement accessible, sinon par voie fluviale.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - L'amendement n°II-182 reprend une préconisation de la mission commune d'information présidée par M. Doligé. A titre personnel, je suis favorable à cet amendement que la commission n'a pas examiné, non plus que l'amendement n°II-183 rectifié. Personnellement, je considère qu'il vaut mieux s'en tenir aux préconisations précises de la mission commune d'information et aux amendements n°sII-112 et II-185 que de rentrer dans un débat de détail.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - Avis défavorable à ces deux amendements. Comme l'a rappelé le comité des finances locales en 2004, la DGF n'a pas vocation à répondre à des politiques locales ou à couvrir des charges particulières. Il faut que la répartition repose sur des critères simples, fiables et significatifs.

Ces principes ont guidé le comité des finances locales sur la réforme des dotations, son rapport de mai 2004 insistant sur la lisibilité de la dotation forfaitaire, outre la simplicité et l'équité des dotations de péréquation. Or, ni la population séjournant de façon irrégulière sur le territoire, ni les occupants de logements illégaux ne peuvent par nature être connus de façon fiable.

En outre, modifier les critères de répartition de DGF pourrait avoir un important effet de transfert entre collectivités, notamment entre communes ultramarines par suite des crédits spécifiques attribués.

M. Éric Doligé.  - Ayant participé récemment à la rédaction de deux rapports, l'un consacré à la sécheresse, l'autre à l'outre-mer, je constate qu'au fil des budgets, on égrène nos propositions, parfaitement justifiées mais qui forment un tout.

Sur place, on comprend l'ampleur des spécificités. Le président de notre assemblée a souhaité qu'un comité de suivi examine les suites données au rapport sur l'outre-mer. Plutôt que de dissocier des propositions ayant une cohérence d'ensemble, je préfère qu'on leur donne une traduction globale.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Ces deux amendements abordent l'évidente inadaptation des critères de répartition des dotations aux spécificités ultramarines.

M. Pierre-Yves Collombat.  - A quoi bon multiplier rapports et préconisations, sans rien faire ensuite ?

La DGF n'est peut-être pas le meilleur véhicule, encore faut-il en proposer un autre. Il ne suffit pas de reprendre l'argument classique sur la « complexité » de la DGF pour justifier que l'on publie un rapport sans en tirer de conséquences.

M. Doligé a raison de vouloir faire progresser les choses.

L'amendement n°II-182 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-183 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°II-184, présenté par M. Patient et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 58 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans la dernière phrase du 2° de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, le mot : « triple » est remplacé par le mot : « quadruple ».

II. - Ce même 2° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le solde est attribué à l'établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre. »

III. - Les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de l'augmentation de la part de la dotation forfaire de la dotation globale de fonctionnement proportionnelle à la superficie, sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

IV. - Les conséquences financières résultant pour l'État du III ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Pierre-Yves Collombat.  - La dotation superficiaire, intégrée dans la DGF, s'applique en Guyane à des communes incomparablement plus étendues qu'en métropole, puisque leur surface atteint couramment 50 kilomètres carrés contre une quinzaine dans l'Hexagone. Certaines s'étendent sur plus d'un million d'hectares ! Pour éviter de leur verser une dotation superficielle gigantesque, celle-ci est plafonnée au triple de leur dotation de base.

Nous proposons de relever ce plafond.

M. le président.  - Amendement n°II-185, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 58 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 1er octobre 2010, un rapport présentant le bilan du plafonnement de la part de la dotation globale de fonctionnement proportionnelle à la superficie, applicable aux communes de Guyane ainsi que les propositions d'adaptation de ce dispositif dans un sens plus favorable aux communes disposant de faibles ressources.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Cet amendement de repli demande un rapport sur la dotation superficiaire, qui fonctionne à peu près en métropole mais très mal en Guyane.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Après l'intervention de M. Doligé, la commission est défavorable.

Les amendement n°sII-184 et II-185, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

Administration générale et territoriale de l'État

M. le président.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Interventions des rapporteurs

Mme Michèle André, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Principalement caractérisée encore une fois l'année prochaine par la révision générale des politiques publiques (RGPP), la mission « Administration générale et territoriale de l'État », bénéficiera en 2010 de crédits quasiment stables par rapport à 2009, avec 2,6 milliards d'euros en crédits de paiement.

Le contrôle de légalité sera regroupé niveau des préfectures, les sous-préfectures s'orientant vers le conseil aux collectivités territoriales. Cette réforme se traduit par une réduction significative des effectifs de la mission, qui perdra 736 équivalents temps pleins travaillés, répartis entre les titres d'identité, le système d'immatriculation des véhicules, le contrôle de légalité et les fonctions supports. Votre rapporteur spécial craint que de telles réductions ne finissent par détériorer la qualité du service public, notamment dans le cadre du conseil et du contrôle de légalité.

Le budget du programme « Administration territoriale » diminue de 2,2 %, pour se limiter à 1,79 milliard d'euros. Amputé de 759 emplois, son plafond est fixé à 29 039 équivalents temps plein travaillés. Le ministre de l'intérieur a répété son attachement au réseau des sous-préfectures. Cette affirmation est particulièrement importante au Sénat, « maison des collectivités territoriales », mais comment un sous-préfet pourra-t-il assurer un conseil de qualité s'il ne lui reste qu'un cadre A et un cadre B ?

Avec une enveloppe de 212,5 millions d'euros, le budget de l'Agence nationale des titres sécurisés sera réduit de 19,1 %, car certains projets sont arrivés à maturité, notamment le système d'immatriculation des véhicules et le programme des titres électroniques sécurisés. Un audit vient d'être engagé sur le coût des stations d'enregistrement de passeports biométriques à la charge des communes. Ses conclusions, qui devraient être connues en janvier, pourront servir de base à la révision de la dotation versée aux communes équipées pour couvrir les dépenses liées à la délivrance de titres aux demandeurs extérieurs à leur territoire. La prochaine carte nationale d'identité fournira une autre occasion de redimensionner cette dotation et de repenser la prise et la transmission dématérialisée des photos.

En phase avec le cycle électoral, le programme « Vie politique, cultuelle et associative » voit ses crédits de paiement atteindre 269,5 millions d'euros après une augmentation de 13,3 %.

Le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » enregistre des crédits de paiement en hausse de 2,2 %, mais les frais de contentieux fragilisent l'ensemble, car leur rythme avait augmenté de 5 % au 1er septembre pour atteindre 72,2 millions d'euros. On peut donc s'interroger sur le respect de l'autorisation budgétaire accordée pour le présent exercice, soit 87,4 millions, dont 80,2 pour les frais de contentieux. Il est également légitime de craindre une sous-évaluation pour 2010.

Sous ces réserves, la commission des finances propose d'adopter les crédits. (Applaudissements sur tous les bancs sauf ceux du groupe CRC-SPG)

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Après l'exposé exhaustif de Mme André, je me limiterai à quatre observations.

La première exprimera notre inquiétude à propos de la lutte contre les dérives sectaires. Les responsables de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) sont dans une situation de solitude extrêmement difficile. Ils devraient théoriquement bénéficier de l'appui offert par des groupes spécifiques au niveau des préfectures, mais ces groupes n'existent pas toujours et la Miviludes n'est pas systématiquement associée à leurs travaux, au point de n'avoir participé cette année qu'à une douzaine de réunions au niveau des préfectures. Depuis que les Renseignements généraux ont été supprimés, la Miviludes ne reçoit plus d'informations en provenance de l'Intérieur.

La deuxième observation porte sur l'accueil des administrés, en particulier des étrangers, dans les préfectures et sous-préfectures. On constate ici que les étrangers sont reçus ici dans un recoin de coursive, dans des conditions véritablement misérables, là après une longue file d'attente formée avant 8 heures, certaines personnes ayant passé la nuit sur place. C'est inhumain et indigne de la République ! Pourquoi ne pas utiliser les techniques modernes d'information ? Certaines démarches pourraient être effectuées via internet.

Ce pourrait être le cas des rendez-vous. Ce serait dans l'intérêt des populations comme dans celui des agents.

Troisième observation : un contentieux subsiste quant à l'indemnisation des communes qui délivrent les passeports biométriques. Le dispositif ne tient compte que des personnes qui n'habitent pas la commune et la durée retenue n'est pas calculée comme il convient : elle ne commence que lorsque l'accueil de l'usager est fait et que les explications sont données ; les scanners ne fonctionnent pas et il faut corriger l'imprimé manuellement ; la période de remise des documents n'est pas comptabilisée. Un travail complémentaire est nécessaire.

Quatrième observation : j'ai bien noté le souhait du ministère de redéployer sa présence sur le territoire. Je veux parler notamment du remplacement des sous-préfets par des conseillers d'administration. Nous avons vu un de ces conseillers envoyé habiter à l'hôtel face à la sous-préfecture, alors que le logement de fonction est là, occupé l'été par les mouches et l'hiver par les fourmis... Il faut avoir une autre vision des économies de l'État. Quelle est votre doctrine, monsieur le ministre ? Allez-vous poursuivre dans la voie actuelle ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Orateurs inscrits

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Cette mission, qui regroupe 2,6 milliards d'euros en crédits de paiement, est conforme aux orientations de la RGPP et à l'objectif d'augmentation de la productivité. Elle se traduit par la réduction de la présence de l'État et sa concentration au niveau de la région, ce qui n'est pas innocent au regard de la future réforme des collectivités territoriales. Au total, 800 emplois sont supprimés, les trois quarts des départs en retraite ne sont pas remplacés. Le seul objectif est de réduire la masse salariale ; il est à craindre que le processus se poursuive l'an prochain, puisque vous faites remarquer que la masse salariale augmente encore de 1,7 %...

La création de l'Agence nationale des titres sécurisés et de ses 128 postes s'est accompagnée de la suppression de 681 postes dans les préfectures, alors que l'Agence doit faire face à la réforme du passeport biométrique et à l'immatriculation à vie des véhicules. La nouvelle organisation des préfectures centralise le contrôle de légalité, mais celui-ci sera sélectif et privilégiera les actes les plus importants, conformément à la loi du 12 mai 2009 qui permet de restreindre par voie d'ordonnance le champ des actes soumis à l'obligation de transmission aux préfets. On peut donc craindre une rupture d'égalité. Les sous-préfectures vont voir leur rôle recentré sur le conseil aux collectivités territoriales, afin « d'optimiser l'efficacité des services présents aux niveaux régional et départemental ». Mais nous ne sommes pas dupes. Lorsque les préfets de région modifient le périmètre de 41 arrondissements dans dix-sept départements, lorsque vous envisagez le jumelage de deux sous-préfectures voisines ou que vous transformez une sous-préfecture en Maison de l'État, le risque est bien là de voir disparaître de nombreuses sous-préfectures et donc la présence de l'État sur le territoire. Les personnels s'inquiètent de cette politique et ne savent pas ce que seront leurs futures missions. J'ai pu, dans ma permanence, mesurer leur désarroi. Nous souhaitons que vous vous engagiez à maintenir les 250 sous-préfectures et à prendre en compte les demandes du personnel.

Les conseillers d'administration, qui remplaceront, dites-vous, les sous-préfets dans des « territoires relativement peu peuplés et où les enjeux socio-économiques sont moindres que dans les départements urbains », ne seront pas astreints à une obligation de permanence ; que devient la continuité de l'État ? Ils n'auront pas l'autorité du corps préfectoral, ce qui peut poser problème dans leurs rapports avec les élus locaux. Il est d'ailleurs étrange que l'un des objectifs de la création de ces conseillers soit d'offrir aux attachés principaux du ministère « des perspectives élargies de promotion professionnelle et d'accès à des postes de responsabilité supérieure »... Une gratification, donc. Qu'y gagneront les citoyens et les élus locaux ?

Il serait enfin opportun de suivre les recommandations du rapporteur de la commission des lois en matière de lutte contre les dérives sectaires, d'autant que les observations faites l'an dernier n'ont pas été entendues.

La modification de l'architecture de la présence de l'État anticipe à l'évidence la réforme des collectivités territoriales. La régionalisation de l'administration déconcentrée va l'éloigner des Français et défigurer le maillage territorial. Notre groupe votera contre ce budget. (Applaudissements à gauche)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Cette mission a la rigueur et la logique de la RGPP. Je n'évoquerai que le programme 307, qui concentre 66,7 % de ses crédits de paiement. La baisse des dotations, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, suscite la déception, en ce qu'elle met à mal le principe de proximité que chacun défend au Gouvernement comme dans cet hémicycle. La priorité doit aller au qualitatif plus qu'au quantitatif. Notre architecture de préfectures et sous-préfectures avait sans doute vieilli, mais le regroupement des services de l'État, sous l'impulsion de la Lolf, en administrations de mission et de gestion auprès des préfets de région, signe la fin de la proximité. Cela ne peut que conforter les craintes de nos concitoyens d'un désengagement de l'État et de la disparition des services publics.

La réforme à venir des collectivités territoriales confirme cet état de fait. Les effectifs des préfectures vont être réduits de 759 postes ; les dysfonctionnements récents dans les services des cartes grises ont révélé le mal-être des agents. Les fonctionnaires s'inquiètent légitimement du devenir de leurs missions et même de leurs services. Les sous-préfectures sont fragilisées. L'annonce d'une première liste de conseillers d'administration a jeté le trouble. Si je comprends les nécessités d'une rationalisation, je reste persuadée que l'État doit rester pour les collectivités territoriales comme pour les citoyens un relais de proximité. Les dispositifs de « maisons des services publics » ou de « relais des services publics » existent dans nombre de pays d'Europe et au Canada ; ils allient de façon pertinente proximité et mutualisation. Je sais que plusieurs services de l'État réfléchissent à ces formules. Qu'en pensez-vous ?

La grande majorité des membres du RDSE ne pourra voter ce budget fragilisé par son amaigrissement. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme Nathalie Goulet applaudit aussi)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je ne diverge des excellents propos de nos rapporteurs que sur les conclusions : il nous a été fourni des arguments substantiels pour voter contre ce budget. Les fonctionnaires des préfectures et sous-préfectures travaillent avec conviction, compétence et un sens aigu du service public : il n'est pas possible de continuer à ne pas remplacer trois départs sur trois ! On arrive aux limites.

Je vous invite à vous rendre dans certains services des étrangers, constater les conditions de travail et d'accueil ! Le rapport de Mme André souligne l'insuffisance des crédits par rapport à la masse des contentieux ; il faut trouver une solution. M. Anziani a mis l'accent sur le mauvais état des locaux d'accueil, indignes de notre République. Là aussi, il faut des moyens.

Franchement, annoncer à nombre de villes moyennes que leur sous-préfecture va devenir une « maison de l'État » et leur sous-préfet être remplacé par un conseiller d'administration territorial, c'est leur donner le sentiment d'être déconsidérées, et pour des économies de bout de chandelle ! Laissons-leur ce service public, avec sa force et sa notoriété.

En application des principes de la fameuse RGPP, les préfectures n'auront plus que deux ou trois directions, consacrées l'une aux « populations », l'autre aux « territoires », mais dont le titre très long et très abstrait se résume à des initiales incompréhensibles. Adieu Jeunesse et sports, Équipement, Anciens combattants ! Autant ne plus avoir qu'une seule direction ! Attention à ne pas céder à ces constructions abstraites, et pensons à la bonne compréhension des services publics par les usagers, c'est-à-dire par nos concitoyens.

Nous ne pourrons malheureusement pas adopter ce budget. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Merci à tous les intervenants. Cette mission regroupe trois champs d'intervention complémentaires : le programme « Administration territoriale » retrace les moyens mis à la disposition des préfectures et des sous-préfectures ; le programme « Vie politique, cultuelle et associative », ceux liés à l'organisation des élections et au financement de la vie politique ; le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » est le programme soutien de l'administration centrale du ministère.

Deux responsabilités fondamentales du ministère de l'intérieur s'exercent : d'une part, la permanence et la continuité de l'État sur l'ensemble du territoire ; de l'autre, la mise en oeuvre locale, sous l'autorité des préfets, de l'ensemble des politiques publiques. Je suis convaincu que chacune est convenablement prise en compte dans ce projet de budget

Les préfectures et les sous-préfectures vont poursuivre leur modernisation, pour s'adapter aux besoins de nos concitoyens. Les réformes emblématiques ne manquent pas : le nouveau système d'immatriculation des véhicules ; le passeport biométrique -le Gouvernement tient ses engagements et une mission de l'inspection générale de l'administration, en liaison avec l'AMF, se prononcera en janvier sur l'indemnisation des communes ; la concentration du contrôle de légalité, qui s'exercera progressivement en préfecture. Cette évolution s'effectue sans remettre en cause le rôle de conseil du sous-préfet, qui demeure l'interlocuteur privilégié des élus locaux ; enfin, au 1er juillet 2010, les décisions de naturalisation seront prises à titre principal par les préfectures, ce qui supprimera les doublons avec le niveau central.

J'ai conscience que certaines de ces réformes se sont traduites, dans les premiers temps, par certains désagréments pour les usagers ou les élus. Ces difficultés sont en passe d'être résolues et ne doivent pas conduire à occulter les progrès de procédures plus fiables, plus rapides et moins coûteuses, grâce à la dématérialisation et à l'automatisation. Les réductions d'effectifs sont donc adossées à des réformes structurelles, pour lesquelles 2010 sera l'année de la montée en puissance.

Près de 800 emplois vont être supprimés, soit 2,3 % des effectifs. Cela permet, dans le même temps, une stabilité remarquable des crédits de la mission, alors que le poste élections augmente de 32 millions en raison de l'organisation des élections régionales.

Des mesures nouvelles sont prévues pour accompagner les réformes. Ainsi, 13,5 millions supplémentaires sont consacrés à la politique indemnitaire, en lien avec la fusion des corps administratifs du ministère. Il s'agit de rattraper la moyenne interministérielle et de mieux prendre en compte la manière de servir dans la rémunération. Sur ce dernier point, le ministère envisage de mettre en oeuvre la prime de fonctions et de résultats dès 2010

C'est l'ensemble de l'État local qui se réorganise, avec l'objectif d'optimiser l'efficacité des services aux niveaux régional et départemental.

La réforme territoriale de l'État se traduira, au 1er janvier 2010, par un resserrement du nombre de directions de l'État, avec un maximum de huit directions régionales et deux à trois directions départementales interministérielles. Les conditions sont réunies pour une cohérence et une unité de la parole et de l'action de l'État local. Il ne s'agit pas de « moins d'État » local mais de « plus », voire de « mieux d'État ».

Le maillage territorial des 240 préfectures d'arrondissement mérite d'être conservé, en particulier dans les zones où la sous-préfecture constitue la seule présence de l'État. Cela ne signifie pas l'immobilisme et les missions des sous-préfets et des sous-préfectures doivent continuer à évoluer : la sous-préfecture deviendra progressivement une administration de mission, tournée vers le développement local ; le sous-préfet se concentrera sur l'ingénierie territoriale et donnera la priorité à la demande de conseil des élus.

Le niveau départemental, dont le caractère interministériel est très affirmé, doit conserver des effectifs en rapport avec les missions qui restent de sa compétence. Nous veillerons à garantir des souplesses de gestion en matière de ressources humaines, de budget ou encore d'immobilier, afin que la réforme produise tous les effets attendus, notamment en matière de mutualisations.

Ce projet de budget reflète la modernisation à l'oeuvre dans les préfectures et les sous-préfectures, avec la conviction que la permanence et la continuité de l'État trouvent leur sens profond dans une adaptation permanente aux attentes des Français et de leurs élus. Il contribue au renforcement, autour du préfet de région et du préfet de département, d'un État territorial fort et resserré.

Le ministère de l'Intérieur a consacré, en 2009, 47,5 millions à l'aménagement des préfectures -restructuration de l'accueil des étrangers, réaménagement des préfectures de Nanterre et Nancy, mises aux normes... Il s'est agi, en somme, d'améliorer les conditions d'accueil des usagers. Cet effort s'accroîtra de 4,5 % au cours des deux prochains exercices.

Les sous-préfectures, qui assurent, particularité bien française, un réel maillage territorial, sont, au 3 décembre 2009, toutes pourvues : c'est une première, depuis bien longtemps. On a vu des années où restaient vacants jusqu'à 30 postes. Il n'y a eu aucune suppression depuis deux ans. On en a même rouvert un certain nombre, comme le sait M. Anziani...La fermeture de celle de Blaye a fait l'objet d'un réexamen, à la demande de parlementaires.

Trois conseillers d'administration exercent actuellement les fonctions de sous-préfet : ce sont trois cas sur 240 arrondissements. C'est une voie de promotion pour des fonctionnaires compétents, appelés à devenir sous-préfets à part entière. Les candidats sont nombreux.

Le ministère, monsieur Anziani, exerce toute sa vigilance sur les dérives sectaires. L'information est réciproque et les résultats sont là. Les documents des renseignements sont transmis au président de la Miviludes. Je rappelle enfin l'existence d'un référent sectes au sein des directions départementales de la sécurité publique.

Le contentieux, monsieur Sueur, n'est pas sous-évalué : les crédits nécessaires sont prévus au collectif. L'État fait face à ses engagements tout en s'efforçant de réduire la facture.

Le service public, monsieur Sueur, madame Escoffier, est aussi service au public, qui doit pouvoir être accueilli à un même guichet pour des démarches concernant diverses administrations. Il ne s'agit pas d'imposer un modèle unique, mais de trouver des solutions innovantes pour prendre en compte les attentes des usagers. Les assises des territoires ruraux apporteront, espérons-le, des réponses. La création d'un ministère de plein exercice de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, voulue par le Président de la République, doit donner, enfin, une nouvelle impulsion. (Applaudissements à droite)

Examen des crédits

M. le président.  - Amendement n°II-48, présenté par MM. P. Dominati et Milon.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Administration territorialeDont Titre 2

Vie politique, cultuelle et associativeDont Titre 2

2.407.932

2.280.000

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieurDont Titre 2

TOTAL

2.407.932

2.280.000

SOLDE

- 2.407.932

- 2.280.000

M. Philippe Dominati.  - Les partis politiques et les syndicats sont essentiels à la vie de la Nation. Cependant, face à l'ampleur du déficit, et alors que notre PIB régresse, c'est en tous lieux que nous devrions nous soucier d'être économes des deniers publics. Alors que l'on demande à tous des efforts, il n'est pas normal que certains soient épargnés. C'est dans cet esprit que j'ai déposé une série d'amendements, visant à répartir l'effort sur tous. Celui-ci reprend une proposition soutenue l'an passé par un grand nombre de parlementaires. Mme Alliot-Marie, sur ce sujet de l'aide aux partis, nous avait promis une concertation avec les forces politiques, pour ne pas déséquilibrer les plus faibles. Quand aura-t-elle lieu, monsieur le ministre ?

Cet amendement prévoit une réduction de 3 % de la dotation publique aux partis politiques, soit un taux équivalent à la contraction du PIB. Cela paraît raisonnable.

Mme Michèle André, rapporteur spécial.  - Il est vrai que l'an dernier, Mme Alliot-Marie s'était engagée à ouvrir une concertation. L'article 8 de la loi de 1988 dispose que le montant de ces crédits prévus en loi de finances peut faire l'objet d'une proposition conjointe de l'Assemblée nationale et du Sénat. Voilà qui aurait dû soulever une réflexion du ministère. A-t-elle eu lieu, monsieur le ministre ? Alors que l'on parle beaucoup de la nécessaire exemplarité des partis politiques, pas tout à fait exemplaire en matière de parité puisque 5,4 millions n'ont pas été distribués au titre de cette fraction, je suivrais volontiers M. Dominati sur cet amendement. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - On ne peut pas vouloir la transparence dans le financement des partis tout en leur supprimant les moyens qui la garantissent. L'aide publique de l'État, créée dès 1988, doit permettre leur expression politique, conformément à l'article 4 de la Constitution.

Malgré l'inflation, le montant inscrit en loi de finances, resté de 40 millions pour chaque fraction, n'a pas varié depuis quinze ans : n'est-ce pas là une contribution substantielle à l'effort budgétaire ?

Quant à la concertation, elle sera ouverte, M. Hortefeux en est d'accord, au début de l'année.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - La démocratie n'a pas de prix. Il faut mettre les partis à l'abri de contributions qui mettraient en péril leur indépendance. Reste que dans le contexte financier que nous traversons, il peut être bon de donner un signal. A titre personnel, je voterai cet amendement.

M. Robert del Picchia.  - La démarche est sympathique, mais je suis ennuyé. Nous aurons bientôt onze députés représentant les Français de l'étranger. C'est à leur élection que les crédits ainsi rognés pourraient manquer. Les Français de l'étranger ne comprendraient pas que je n'intervienne pas. Je ne pourrai voter cet amendement.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État.  - On pourrait aussi envisager une élection à un tour... (Sourires)

M. Philippe Dominati.  - Cet amendement est de démonstration : le train de vie de l'État doit être revu. Je suis heureux d'apprendre que la concertation aura lieu. Je regrette que l'amendement que j'avais proposé en première partie, et qui renvoyait la responsabilité de l'économie à chaque élu, ait été repoussé...

Si notre amendement avait été retenu, j'aurais pu attendre le résultat de cette concertation. Ce ne fut pas le cas : je maintiens donc celui-ci.

L'amendement n°II-48 n'est pas adopté.

Les crédits de la mission sont adoptés.

Sécurité civile

M. le président.  - Nous allons examiner la mission « Sécurité civile ».

Interventions des rapporteurs

M. Claude Haut, rapporteur spécial de la commission des finances.  - En 2010, la mission « Sécurité civile » sera dotée de 420 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 427 millions en crédits de paiement, en hausse modérée de 1,8 % par rapport à 2009. Le Livre blanc a arrêté quatre grandes orientations : renforcer les capacités de lutte face aux menaces de type nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif ; rénover le système d'alerte et d'information des populations ; mettre en place un dispositif d'alerte pour faire face aux risques de tsunami, grâce au centre national d'alerte pour la zone de l'Atlantique du nord-est et en Méditerranée ; renforcer l'échelon zonal dans la gestion interministérielle des crises. Dans le cadre de la RGPP, la direction de la sécurité civile a dû optimiser ses moyens aériens en rationalisant la maintenance des avions par la passation de nouveaux marchés. Elle doit aussi mutualiser les fonctions support des flottes d'hélicoptères.

Comment les politiques nationales s'articulent-elles avec l'action des collectivités territoriales ? Le budget prévisionnel des services départementaux d'incendie et de secours pour 2009 représente plus de dix fois celui de la mission. Faut-il rappeler que les collectivités, et notamment les départements, financent plus de 95 % des dépenses de fonctionnement des Sdis ? Quant au fonds d'aide à l'investissement (FAI), ses crédits ont été divisés par trois depuis 2006, ce qui est fort regrettable. L'argument selon lequel les crédits ne sont pas intégralement consommés n'est pas recevable : les Sdis réclament des aides à l'investissement. Comme en 2009, une partie du fonds servira à la mise en place d'Antares, ce réseau de communication partagé entre les différents services concourant aux missions de sécurité : Sdis, police, Samu. Ce programme doit être généralisé à l'ensemble du territoire.

Enfin la restructuration de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers se poursuivra et son installation à Aix-les-Milles sera achevée l'an prochain.

La majorité de la commission des finances a proposé l'adoption sans modification des crédits de la mission. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Permettez-moi avant tout de rendre hommage au personnel de la sécurité civile, aux sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, aux secouristes, qui s'engagent au quotidien, au péril de leur vie, à sauver celle des autres : neuf sapeurs-pompiers ont perdu la vie en 2009.

Les crédits inscrits à la mission sont en hausse de 1,8 %, mais ne reflètent qu'imparfaitement l'effort financier consacré en France à la protection des populations puisque d'autres ministères y participent et que les collectivités territoriales y jouent un rôle majeur. Les budgets des Sdis devraient à présent se stabiliser, voire diminuer, dans la mesure où le ministre de l'intérieur a annoncé une « trêve des normes »... Le budget du FAI accuse une diminution continue depuis 2007. Cela s'explique par des difficultés de consommation, liées au fait que le Gouvernement n'a pas défini les projets prioritaires. Un décret était attendu mais n'a toujours pas été publié : pourquoi ?

J'en viens à deux problèmes toujours pas résolus : je me permets donc d'insister. On peut s'interroger sur la pertinence de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés dans la fonction publique territoriale pour les métiers soumis à des conditions d'aptitudes physiques particulières, comme celui de sapeur-pompier. Je voudrais exprimer mon incompréhension face à la réponse du ministère de l'intérieur aux demandes réitérées des Sdis : ces services offrent peu de postes permettant d'atteindre le taux légal de 6 % et doivent par conséquent verser une contribution annuelle au fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, qui grève lourdement leur budget. La plupart des sapeurs-pompiers reclassés pourront désormais être considérés comme travailleurs handicapés, mais cela n'apporte qu'une solution partielle au problème. Pourquoi les Sdis ne pourraient-ils pas, comme les entreprises privées, bénéficier d'un régime modérateur spécifique, à savoir un coefficient de minoration ? Dès 2008, le ministre de la fonction publique devait faire le bilan des réflexions à ce sujet. Qu'en est-il ?

Un autre thème me tient à coeur : celui de la culture de la sécurité civile. La loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a imposé une obligation claire de formation scolaire à la prévention des risques et aux missions des services de secours, afin de « faire du citoyen le premier acteur des secours ». Il faut diffuser la culture de la sécurité civile en sensibilisant la population aux risques et en apprenant à tous la conduite à tenir en cas de crise. Pourquoi ce qui est possible aux États-Unis, en Allemagne et au Canada, où des enseignements de sensibilisation sont dispensés dès l'école maternelle, n'est-il pas possible en France ? Cela pourrait favoriser le volontariat et le recrutement de jeunes sapeurs-pompiers. Il est vrai que ce sujet concerne plusieurs ministères.

Monsieur le ministre, permettez-moi d'exprimer un voeu : la création d'un secrétariat d'État dévolu à cette mission serait une juste reconnaissance de l'importance de la sécurité civile qui, au-delà de son implication sécuritaire, a un effet sur la citoyenneté. Mais cette dernière remarque dépasse sans doute ma mission de rapporteur, qui me conduit à vous indiquer que la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

Orateurs inscrits

Mme Anne-Marie Escoffier.  - La sécurité civile implique un partenariat entre divers services de l'État, les collectivités territoriales et les entreprises, ce qui rend peu lisible la présentation budgétaire : les crédits de cette mission sont très inférieurs à la réalité des dépenses.

Cet effort financier est nécessaire pour des personnes et des services dont la vocation unique est le secours aux personnes et aux biens et qui font don de leur temps, de leurs compétences, voire de leur vie pour remplir cette mission. L'altruisme poussé jusqu'à l'extrême mérite notre hommage.

Je ne reviendrai pas sur l'enveloppe budgétaire des différents programmes, mais je dois relever les difficultés auxquelles les conseils généraux feront face en raison de la modicité du fonds d'aide à l'investissement. (M. Claude Haut, rapporteur spécial, approuve) Certes, ce fonds est destiné à financer prioritairement les équipements lourds ou structurants : outils de coordination entre les services, plates-formes communes d'appels d'urgence, système Antares.

Or, avec la baisse de 4,7 % des crédits du fonds et les contraintes techniques imposées par l'État, les Sdis sont tenus de se tourner vers les collectivités.

Permettez-moi, pour finir, d'aborder deux problèmes : l'un structurel, l'autre opérationnel. L'État s'est organisé autour de la région, du département et de l'arrondissement. Or les Sdis dépassent ces périmètres dans l'exercice de leurs missions pour adopter le périmètre zonal, comme les militaires. Comment faire travailler de manière complémentaire des personnels de ressort géographique très différent ? Se posent des problèmes de responsabilité, de prise en charge des indemnités de déplacement, de commandement.

Ensuite, la gestion de crise est devenue une thématique récurrente, comme en témoignent la mise en place de centres opérationnels de gestion, les campagnes de sensibilisation de la population aux risques, notamment les risques NRBCE, la création d'un centre d'alerte au tsunami et même, l'ouverture d'un centre opérationnel interministériel place Beauvau qui se substitue, me semble-t-il, à celui tout récent d'Asnières.

Monsieur le ministre, nous savons votre intérêt pour la sécurité civile et votre attachement à ses personnels. Le RDSE, confiant dans votre volonté d'accompagner la modernisation des Sdis, votera les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite)

Mme Éliane Assassi.  - Quelque 427 millions pour la sécurité civile, cela est bien faible au regard des missions régaliennes qui lui sont confiées. La sécurité civile, assumée pour l'essentiel par des collectivités asphyxiées, illustre parfaitement le désengagement de l'État. Monsieur le ministre, vous ne manquez pas d'audace en mettant en avant la maîtrise des dépenses de cette mission tout en pointant du doigt les erreurs de gestion des collectivités, des collectivités qui n'ont même pas leur mot à dire puisque la décision revient à l'État. Autrement dit, vous n'appliquez même pas le principe « qui paie commande » !

M. Éric Doligé.  - Oh ! Les vilains !

Mme Éliane Assassi.  - Depuis l'achèvement de la départementalisation de ces services en 2001, leurs budgets ont augmenté de 50 % mais le nombre d'interventions de 10 % seulement, soit. Mais ce problème résulte de la loi du 3 mai 1996 et de la loi du 13 août 2004 et, surtout, du désengagement de l'État. A preuve, le programme « Coordination des moyens de secours » voit ses autorisations d'engagement diminuer de 21 %. Le fonds d'aide à l'investissement des Sdis n'est plus crédité que de 22,35 millions au prétexte fallacieux d'une situation budgétaire difficile et de la sous-consommation chronique des crédits quand il faudrait lancer un véritable programme d'investissement en matière d'équipements et de matériels. La sécurité civile ne doit pas pâtir de votre croisade contre la baisse des dépenses publiques ! Regroupement des casernes et gel des salaires, voilà l'effet de la RGPP sur les Sdis, après le traitement réservé aux casernes militaires, aux hôpitaux et aux tribunaux, sans oublier la future réforme territoriale.

J'en termine par le malaise des pompiers. Les volontaires représentent 79,5 % de l'effectif total des sapeurs-pompiers et assurent 60 % des interventions. Leur situation est de plus en plus précaire. Quand une vacation horaire est rétribuée entre 7 et 10 euros, comment s'étonner de la baisse du nombre de volontaires ? La réduction des dépenses publiques ne doit pas se faire aux dépens des pompiers qui assument des missions périlleuses et, surtout, de la sécurité de nos concitoyens. Nous voterons contre !

M. Éric Doligé.  - Depuis la récente départementalisation des Sdis, le statut et la situation des pompiers professionnels et volontaires ont été améliorés, les équipements et matériels ont été renouvelés. Une fois de plus, nous constatons que la compétence, une fois transférée, apporte une amélioration du service, à la satisfaction des citoyens. Cette réussite s'explique par plusieurs facteurs : l'État, pour des raisons budgétaires, devient plus exigeant lorsqu'il a transféré la compétence ; les collectivités, plus proches, sont plus réactives ; les normes fleurissent plus vite quand l'État a le pouvoir de contrôler leur application tandis qu'il est moins pressé quand il doit se les appliquer ; les Sdis ont fait un effort considérable pour ne pas mettre en difficulté leurs financeurs. Contrairement à une idée reçue, le nombre de volontaires n'a pas baissé, seule la durée d'engagement a diminué pour se stabiliser à environ neuf ans.

Mme Catherine Troendle, rapporteur pour avis.  - Juste !

M. Éric Doligé.  - Le ministre Hortefeux a détaillé, lors du congrès de la Fédération, un nouveau dispositif qui leur est très favorable pour un coût de 30 millions par an à la charge des conseils généraux. Le travail de la commission « Ambition Volontariat », menée par Luc Ferry, propose souplesse et reconnaissance. Les professionnels n'ont pas été oubliés avec de nombreuses améliorations statutaires, une augmentation considérable des effectifs, entre autres, en raison de l'application des 35 heures. Au final, beaucoup plus de moyens et beaucoup moins d'interventions. Monsieur le ministre, je souhaite que vous fassiez une analyse objective de cette situation.

Les secours à personne, partagé entre différents acteurs : les pompiers, le Samu et les ambulanciers, ne cessent d'augmenter en particulier en zone rurale où la permanence des soins n'est plus assurée. Théoriquement, la mission des Sdis devrait se limiter aux opérations de secours stricto sensu, mais aucun texte ne définit ce qui est une opération de secours. Il faut impérativement clarifier cette situation. Nombre d'interventions, parce qu'elles ne relèvent pas de l'urgence, pourraient être considérées comme n'entrant pas dans les missions des Sdis et faire l'objet de facturations. Lors du Congrès de la Fédération en 2007, le Président de la République a donné de grandes orientations afin de régler les conflits nombreux entre Sdis et Samu, mais ceux-ci sont encore nombreux, sans compter que le non-respect des conventions avec les ARH ou leur absence pénalise les Sdis. Je vous remercie de régulariser cette situation rapidement avec le ministre de la santé. Autre sujet, la mise en place de deux référentiels, un pour les ambulanciers et le Samu, l'autre pour les Sdis, me paraît un progrès. Le premier génère parfois des inquiétudes chez les pompiers qui le considèrent contraire au leur sur de nombreux points. Pour autant, ce référentiel est complémentaire et non concurrent, il permet de limiter des sorties non justifiées. Au niveau des coûts, on compare les 105 euros remboursés, en théorie, par l'ARH aux Sdis pour chaque transport par carence aux 346 euros versés aux transporteurs sanitaires privés. Je n'ai pas le temps de développer ce point, mais je vous confirme que l'appel aux ambulanciers n'est pas plus coûteux que l'appel aux Sdis.

A présent, quelques exemples des mesures prises par les Sdis pour maîtriser leurs budgets. Pour le personnel : gel des recrutements, rationalisation des vacations, redéploiement des personnels. Pour les frais généraux, mutualisation avec « C.G. E-learning » pour la formation, limitation des consommations, réduction des véhicules de service. Mme Alliot-Marie, alors ministre de l'intérieur, dans un courrier du 4 juin 2009, avait affirmé vouloir réduire les coûts de formation, abroger les notes d'information techniques et mener le dispositif Antares à son terme : confirmez-vous ces engagements pris en contrepartie de l'effort des collectivités dans le cadre de la revalorisation des vacations des volontaires ?

Monsieur le Ministre, je termine sur une réflexion personnelle sur le service civique.

Mme Nathalie Goulet.  - C'est une idée du RDSE !

M. Éric Doligé.  - Après la suppression du service national, rétablissons un service civique pour que les jeunes puissent s'investir dans des causes nobles, parfaire leur instruction, leur formation, leur sens civique. Nous savons que nous aurons à connaître des catastrophes de plus en plus nombreuses. Ce sera l'occasion pour les jeunes d'exercer leurs muscles et leur générosité ! Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à explorer sérieusement cette piste ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Avant de présenter les grandes lignes de ce budget, qu'il me soit permis de rendre hommage aux femmes et aux hommes sapeurs-pompiers volontaires et au personnel civil et militaire, et tout particulièrement aux treize sapeurs pompiers et aux deux pilotes d'hélicoptères qui ont disparu dans l'exercice de leurs fonctions au cours des douze derniers mois.

Je souhaite aussi rappeler la mobilisation remarquable de tous les personnels de la sécurité civile tout au long de l'année 2009. La France assure sa responsabilité de grande puissance dans l'aide qu'elle apporte aux États touchés par des catastrophes : il ne faut pas oublier les déplacements de nos sapeurs-pompiers au Sri-Lanka, à Sumatra, à Gaza, en Moldavie, en Italie et au Bénin, ainsi que sur les grands incendies de forêt en Grèce, au Portugal et en Italie.

Le ministre de l'intérieur a affirmé son rôle de chef de file en matière de protection civile au niveau européen. De même, la France participe activement aux actions de protection civile dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée.

S'agissant de la mission « Sécurité Civile », le budget soumis à votre approbation présente deux orientations majeures : l'adaptation des moyens nationaux aux nouvelles menaces nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosive et aux défis technologiques.

Deuxième orientation : une politique visant à assurer la meilleure coordination possible le plus en amont possible et entre tous les acteurs de la société civile.

Du point de vue des préconisations du Livre blanc, le projet de budget pour 2010 sera, en quelque sorte, la deuxième annuité de la Loppsi. Il comporte trois avancées significatives : un important programme pluriannuel d'équipement des services opérationnels de la Direction de la sécurité civile (DSC) en moyens de lutte contre le terrorisme doté de 4,2 millions pour la période 2009-2011. Ce programme, engagé en 2009, sera poursuivi en 2010 avec l'acquisition de matériels spécialisés pour le service du déminage et les formations militaires de la sécurité civile, l'achat de sept nouvelles chaînes de décontamination

La DSC s'est également préparée pour adapter ses moyens aux défis technologiques. La modernisation du centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (Cogic) sera poursuivie.

Le centre interministériel de crise à Beauvau, dont le principe a été arrêté en 2009, sera prêt en début d'année prochaine.

La mise en place de nouveaux systèmes d'alerte et d'information des populations nous permettra de disposer d'un système efficace et performant. Il sera mis en place progressivement sur le territoire national à partir de 2011 et fera de la France l'un des pays européens les plus en pointe en terme de capacité de réaction face aux risques majeurs et aux catastrophes naturelles. Parallèlement, la Direction de la sécurité civile met en place le Centre régional d'alerte aux tsunamis pour l'Atlantique nord-est et la Méditerranée (Cratanem), dont la création a été décidée afin que ce littoral, fortement peuplé, puisse bénéficier d'un système d'alerte précoce. Il devrait être opérationnel courant 2011. Ce centre sera, dans un second temps, connecté au système national d'alerte des populations rénové.

Le troisième chantier majeur concerne la poursuite du programme Antares, dont l'objectif est la mutualisation et l'interopérabilité des communications entre l'ensemble des acteurs du secours. L'année 2010 sera celle de la généralisation sur l'ensemble du territoire du réseau Antares et celle également de la migration de la Brigade des sapeurs-pompiers sur ce réseau. Comme s'y est engagé le Gouvernement, monsieur Doligé, rien ne se décidera sans concertation préalable avec les élus locaux. Vous avez exprimé, madame Escoffier, votre inquiétude à propos des dommages causés à l'infrastructure par la tempête Klaus. Comme l'ensemble des réseaux de communication et de fourniture d'électricité, l'infrastructure nationale partagée des transmissions (INPT) a été impactée par la tempête. Aucun relais n'a été mis hors service : seule une partie des artères louées à France Télécom a été endommagée, provoquant des dysfonctionnements et des interruptions de service. Dans le mois qui a suivi, la Direction de la sécurité civile a procédé à un retour d'expérience sur les conséquences de la tempête qui a conduit à la mise en place d'un plan d'action visant à la sécurisation du réseau INPT.

Au-delà du renforcement de ces moyens, l'État doit aussi veiller à la meilleure coordination, le plus en amont possible et entre tous les acteurs de la société civile. La loi de 2004 reste notre référence commune. A ceux qui opposeraient la compétence étatique à la libre administration locale, je rappelle que la loi de 2004 a fixé un principe simple, celui de la subsidiarité. Le niveau local est l'échelon le plus pertinent pour organiser, mettre en oeuvre et adapter le secours à la diversité de nos territoires. De plus, l'État, sous l'autorité des préfets, est le mieux à même d'agréger les forces locales pour faire émerger la solidarité nationale lorsqu'une catastrophe frappe nos concitoyens et nécessite la mise en oeuvre de moyens qu'aucun département ne pourrait, à lui seul, déployer. C'est dans cette logique que se place le ministère de l'intérieur au travers de la gestion du fonds d'aide à l'investissement (FAI) des Sdis. Les modalités d'attribution ont été réformées pour recentrer l'aide sur les investissements structurants ou mutualisés entre plusieurs Sdis, comme ceux destinés à la modernisation des transmissions. II a été mis fin au saupoudrage des aides. Il sera nécessaire de procéder à une révision plus formelle des textes. Depuis sa création en 2003, le FAI a été doté en loi de finances de 316 millions, soit un montant annuel de l'ordre de 45 millions correspondant à son étiage historique. A ce jour, 87 % des crédits ont été consommés et l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement est encore de l'ordre de 28 millions. Pour 2010, c'est un montant de 35,3 millions qui a été retenu, dont 13 millions de crédits pour le programme Antares. Ce niveau de crédits paraît suffisant, au vu des difficultés de consommation, qui persistent encore aujourd'hui.

La situation financière des Sdis est une préoccupation de la Direction de la sécurité civile. La départementalisation mise en oeuvre durant la décennie écoulée a amélioré de façon très substantielle les secours distribués à la population. Le retour d'expérience de la tempête Klaus comparé à celui de la tempête de 1999, est à cet égard révélateur. Ce progrès très important est en grande partie à mettre au crédit des élus locaux qui ont accepté de consentir les moyens budgétaires à la mise à niveau qui a accompagné le passage de l'échelon communal à la compétence départementale. L'État se doit d'accompagner les décideurs locaux en leur fournissant des outils d'analyse de l'efficacité obtenue grâce aux moyens matériels et humains mis en oeuvre. La Direction de la sécurité civile est à votre disposition pour mettre en oeuvre la seconde étape d'analyse, que vous appelez de vos voeux. S'agissant des normes, l'abrogation des notes d'information technique (NIT) a d'ores et déjà été réalisée lors de la conférence nationale des services d'incendie et de secours, la nouvelle approche souhaitée par le Gouvernement a été confirmée.

Concernant les actions de mise en cohérence, il convient de souligner l'importance que revêt le volontariat dans notre modèle français de sécurité civile. Il représente aujourd'hui 200 000 hommes et femmes, soit 80 % des effectifs des sapeurs-pompiers et 60 % des interventions réalisées chaque année. Nous souhaitons inscrire notre action en faveur du volontariat dans la durée, et nous n'entendons pas reporter à plus tard ce qui peut être fait aujourd'hui. C'est tout le sens du décret pour les sapeurs-pompiers volontaires publié le mercredi 14 octobre. Je voudrais à cet égard remercier, au nom du Gouvernement, les élus et notamment ceux de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, sans qui ce texte n'aurait pas pu voir le jour.

Les engagements pris par le ministre de l'intérieur ont été tenus : le décret du 13 octobre 2009, les travaux de la commission ambition volontariat mais également l'arrêté de revalorisation des vacations témoignent du plein engagement de l'État, aux côtés des élus locaux, pour faire du volontariat la grande cause de la sécurité civile. La reconnaissance du volontariat constituera la suite de notre action. Concrètement, il s'agit d'inciter de nouveaux volontaires à rejoindre les rangs, mais également de pérenniser l'engagement de ceux qui l'ont déjà fait. Le rapport remis par Luc Ferry sera une base de réflexion déjà bien aboutie.

Le référentiel Samu-Sdis, voulu par le Président de la République, a structuré les services publics d'urgence. S'agissant plus particulièrement de la prise en charge des transports de personnes effectués par les Sdis à la demande des Samu, en cas de défaillance des services ambulanciers privés, le code général des collectivités locales prévoit explicitement que ces dépenses sont remboursées aux Sdis par les établissements hospitaliers, sièges des Samu. L'article 48 de la loi du 21 juillet 2009 prévoit la prise en compte de ces interventions dans l'état des prévisions de recettes et de dépenses des établissements publics de santé.

Les préfets rendront compte au ministère de l'intérieur dès la fin de cette année, de la mise en oeuvre de ces éléments de structuration qui visent chaque année, au travers d'une articulation modernisée des services publics, à apporter à plus de 2,5 millions de nos concitoyens, des secours d'urgence de proximité et de qualité.

Le management des officiers de sapeurs-pompiers doit être modernisé. Il a également été décidé en étroite concertation avec les élus locaux de moderniser la gestion des emplois supérieurs de direction. A propos du statut des élèves officiers, et pour répondre à Mme le rapporteur, c'est dans le cadre du projet relatif à la gestion des emplois supérieurs des Sdis que s'inscriront les réponses à cette question. Le ministre de l'intérieur a annoncé la mise en chantier de ce projet dès le début de l'année prochaine.

J'en viens aux deux sujets évoqués par Mme le rapporteur pour avis.

La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées place l'emploi au coeur des enjeux de solidarité nationale. Les employeurs publics se doivent donc d'être exemplaires. Vous soulignez, toutefois les difficultés rencontrées par les Sdis pour respecter les conditions d'emploi des travailleurs handicapés. A la demande du ministre de l'intérieur, le ministre du budget vient d'autoriser les Sdis à comptabiliser, au titre de leurs obligations d'emploi de travailleurs handicapés, l'ensemble des sapeurs-pompiers professionnels bénéficiant d'une affectation non opérationnelle, même s'ils n'ont pas été reclassés sur la base de la loi du 26 janvier 1984 ou du dispositif de projet de fin de carrière.

S'agissant de la sensibilisation de la population à la culture de la sécurité civile, les actions menées en 2009 témoignent de la volonté du ministre de l'intérieur de mobiliser l'ensemble des acteurs pour concourir à l'apprentissage des jeunes générations à la prévention des risques. Elles se sont traduites par l'introduction dans les programmes scolaires de l'année 2009-2010 de modules de formation aux gestes de premiers secours, par la création d'une unité d'enseignement dans le dispositif national de formation des citoyens acteurs de sécurité civile et par la publication de nombreux supports pédagogiques.

Les crédits attestent de la volonté de l'État de répondre encore plus présent face à tous les risques, de veiller à une configuration optimale de tous les intervenants dans la chaîne de sécurité civile. L'objectif est complexe, mais c'est celui que nous nous sommes fixés avec M. Hortefeux. (Applaudissements à droite et au centre)

Les crédits de la mission sont adoptés.

Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 4 décembre 2009, à 10 h 45.

La séance est levée à 1 h 45.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du vendredi 4 décembre 2009

Séance publique

A 10 HEURES 45,

A 14 HEURES 30 ET LE SOIR

- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale (n°100, 2009-2010)

Examen des missions :

Aide publique au développement

Compte spécial : accords monétaires internationaux

Compte spécial : prêts à des états étrangers

MM. Michel Charasse et Edmond Hervé, rapporteurs spéciaux (rapport n°101, annexe n°4)

MM. Christian Cambon et André Vantomme, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (avis n°102, tome III)

M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (avis n°104, tome II) 

Plan de relance de l'économie

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial (rapport n°101, annexe n°19)

M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (avis n°105, tome V)

Provisions

M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial (rapport n°101, annexe n°22)

Engagements financiers de l'État

Compte spécial : participations financières de l'État

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial (rapport n°101, annexe n°12)

M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (avis n°105, tome IX)

Sport, jeunesse et vie associative (+ articles 60, 60 bis et 60 ter)

M. Michel Sergent, rapporteur spécial (rapport n°101, annexe n°31)

MM. Pierre Martin et Jean-Jacques Lozach, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (avis n°104, tome VIII)

Solidarité, insertion et égalité des chances (+ articles 59 quater, 59 quinquies, 59 sexies et 59 septies)

MM. Auguste Cazalet et Albéric de Montgolfier, rapporteurs spéciaux (rapport n°101, annexe n°30)

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n°103, tome VI)

Ville et logement

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial (rapport n°101, annexe n°33)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n°103, tome VIII)

MM. Pierre André et Thierry Repentin, rapporteurs pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (avis n°105, tome VIII)