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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décès d'un ancien sénateur

Échec d'une CMP

Dépôt d'un rapport

Hommage à une délégation malienne

Repos dominical

Discussion générale

Question préalable

Rappel au Règlement

Renvoi en commission

Rappels au Règlement

Abrogation du conseiller territorial

Discussion générale

Conférence des présidents

Abrogation du conseiller territorial (Suite)

Discussion générale (Suite)

Exception d'irrecevabilité

Question préalable

Renvoi en commission

Article unique




SÉANCE

du mercredi 16 novembre 2011

21e séance de la session ordinaire 2011-2012

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

Secrétaire : Mme Michelle Demessine.

La séance est ouverte à 14 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Décès d'un ancien sénateur

Mme la présidente.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Paul Guillaumot, qui fut sénateur de l'Yonne de 1959 à 1986.

Échec d'une CMP

Mme la présidente.  - La CMP chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Dépôt d'un rapport

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. Michel Diefenbacher, président de la commission d'évaluation des investissements photovoltaïques en outre-mer, le rapport de cette commission, établi en application de la loi de finances pour 2011.

Il a été transmis à la commission de l'économie ainsi qu'à la commission des finances. Il est disponible au bureau de la distribution

Hommage à une délégation malienne

(Mmes et MM. les sénateurs se lèvent)

Mme la présidente.  - Il m'est particulièrement agréable de saluer la présence, dans notre tribune d'honneur, d'une délégation du Haut Conseil des collectivités du Mali, conduite par M. Oumarou Ag Mohamed Ibrahim Haïdara, président du Haut Conseil.

Le Mali soumettra à référendum en avril prochain un projet de révision constitutionnelle tendant notamment à transformer le Haut Conseil en Sénat de plein exercice. Cette délégation, qui a déjà rencontré notre collègue Claude Jeannerot et qui s'entretiendra avec M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, vient étudier des aspects pratiques et concrets de l'organisation du Sénat et de ses travaux.

Nous formons tous le voeu que cette visite lui soit profitable et nous souhaitons à tous ses membres la bienvenue au Sénat. (Mmes et MM. les sénateurs applaudissent)

Repos dominical

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical.

Discussion générale

Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi.  - En 2009, le Sénat a adopté à seulement trois voix de majorité la proposition de loi du député M. Mallié affirmant le principe du repos dominical, pour y déroger dans nombre de communes. Ces deux objectifs sont antinomiques : pour satisfaire le second, qui profite directement aux employeurs, il faut réduire les droits des salariés. C'est pourquoi la gauche et une partie des sénateurs de la majorité avaient voté contre.

Je remercie la commission d'avoir enrichi la proposition de loi et préservé ses caractéristiques.

Comme l'écrit bien l'historien Robert Beck, dans son Histoire du dimanche : de 1700 à nos jours, « à partir de la loi de 1906, le congé du dimanche n'a plus rien de religieux. Une loi pour la sanctification du dimanche avait effectivement été promulguée en 1814, mais elle était tombée en désuétude. » On ne peut donc pas voir dans le repos dominical un héritage d'une époque où la France était la fille aînée de l'église, il s'agissait, un an après la séparation des Églises et de l'État, d'accorder un même jour chômé à tous les travailleurs, gage d'une société qui avance au même rythme pour tout le monde. C'était reconnaître que le fait de disposer d'un jour commun de repos est profitable pour la société dans son ensemble : il est bon que l'on puisse avoir des activités hors du domaine marchand, un temps pour soi, pour ses proches, pour l'altérité.

Notre proposition de loi revient sur les excès de la loi Mallié, sans prétendre interdire tout travail le dimanche ; il est évidemment indispensable dans certains services publics, les hôpitaux, les transports, ainsi que dans certains secteurs industriels -où l'extinction des machines est impossible. Le besoin d'ouvrir des magasins de meubles ou d'équipements sportifs est moins évident.

M. Lefebvre s'en est pris à notre proposition de loi en rapportant le refus d'un boucher des Abbesses. Nul ne conteste à ce commerce alimentaire le droit d'ouvrir le dimanche matin.

Dans sa circonscription, le ministre ferait mieux de s'en prendre aux supermarchés qui restent ouverts en toute illégalité jusqu'au dimanche soir. Et M. Sarkozy vantait une « République irréprochable » ! Les touristes ? Les Chinois, les Américains, les Proche-Orientaux décident-ils de venir ou non en France en fonction de l'ouverture du boucher des Abbesses le dimanche après-midi ?

Les salariés travaillant le dimanche ne sont pas tous traités à égalité, selon qu'ils travaillent dans un périmètre d'usage de consommation exceptionnel (Puce) ou ailleurs. Or, tous méritent une contrepartie financière. L'Organisation internationale du travail l'a recommandé dans son rapport de 2011. À Plan-de-Campagne, vaste zone commerciale proche de Marseille, la majoration du travail dominical est de 25 %, soit le taux applicable aux heures supplémentaires, inférieur aux engagements du Gouvernement ; et les salariés n'ont guère de choix, vu le lien de subordination.

Le volontariat est un mythe. La direction du magasin Ed-Dia d'Albertville tirait au sort les prétendus volontaires pour travailler le dimanche ! Ce, pour cinq euros ! Il a fallu 104 dimanches de grève pour que les employés obtiennent le droit de ne pas travailler le dimanche. Cette lutte trouve un reflet dans notre proposition de loi. L'accord entre salarié et employeur doit être écrit et le contrat de travail ne saurait prévoir de travail dominical systématique.

Un sondage fait apparaître que 67 % des Français -des actifs, en fait- seraient favorables au travail dominical. Mais ils ne sont que 17 % à être disposés à travailler tous les dimanches et 50 % à le faire occasionnellement. Certes, 67 % des Français trouvent agréable que les magasins soient ouverts le dimanche, mais ils sont 85 % à refuser de travailler ce jour-là. Le renoncement au repos dominical est souvent un choix contraint pour des salariés sous-payés. Que faire quand, comme nombre de femmes dans la grande distribution, on gagne 160 euros par semaine ?

Nous proposons d'interdire toute dérogation nouvelle pour les Puce et de figer leurs périmètres. Tel centre commercial a été déclaré Puce après avoir été ouvert illégalement durant des mois, au prétexte que des habitudes de consommation s'étaient instaurées. Les Puce d'opportunité doivent être sanctionnés.

L'Organisation internationale du travail (OIT) a rappelé que l'amendement de la convention sur le repos hebdomadaire n'autorise que des dérogations limitées. Le rapport précise que l'impact des dérogations sur la vie familiale et sociale n'est pas suffisamment pris en compte.

La proposition de loi va dans le bon sens : pas de remise en cause des Puce existants, mais limitation des dérogations pour l'avenir et meilleure protection des droits des salariés. Loin d'être politique, ce texte est équilibré. Les partenaires sociaux et les salariés l'attendent. (Applaudissements à gauche)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, rapporteure de la commission des affaires sociales.  - Depuis 1906, la loi garantit le repos dominical, pour préserver la santé et la vie de famille des travailleurs. Les missions de service public et certaines activités industrielles ont toujours exigé le travail du dimanche mais la loi Mallié a rompu l'équilibre entre les intérêts des entreprises, de la consommation et la protection des travailleurs.

Les dérogations de 2009 vont au-delà des besoins et s'accompagnent d'une inégalité choquante. L'OIT s'en est émue et nous invite à renforcer les garanties offertes aux travailleurs. Ceux qui travaillent le dimanche doivent recevoir une meilleure contrepartie. J'ai appelé les organisations professionnelles à me faire connaître leur position. Cinq m'ont répondu, trois organisations de salariés -la CGT, la CFDT et la CFTC- et deux patronales -la CGPME et l'UPA. Les syndicats de salariés soutiennent globalement ce texte ; les employeurs sont nuancés, entre défense du petit commerce et souci que les contreparties accordées aux salariés ne mettent pas en danger leur équilibre financier.

Cette proposition de loi tend à limiter les dérogations en ciblant les établissements de détente et loisirs en zone touristique, uniquement pendant la saison touristique. La commission a récrit la disposition sur les Puce, pour lever toute ambiguïté : pas de nouveau Puce après la promulgation ! Sur la suggestion de M. Kerdraon, le cas des commerces alimentaires de détail a été pris en compte. Pour éviter que des grandes enseignes, qui vendent aussi des produits non alimentaires, n'ouvrent aussi le dimanche et ne leur fassent concurrence, nous avons réservé la disposition aux magasins de moins de 500 m², sauf dans les zones touristiques.

Quant aux contreparties, nous réaffirmons le principe du volontariat et de l'accord écrit. Nous exigeons un accord de branche ou interprofessionnel, sur les contreparties, repos compensateur et primes. Si le repos dominical est supprimé un dimanche précédant une fête légale, le repos compensateur doit être accordé au salarié le jour de cette fête légale. Nous reviendrons là-dessus car une organisation syndicale a attiré notre attention sur certains effets négatifs de cette disposition.

La question du repos dominical est politique, nous confronterons nos idées sur l'organisation sociale. La pratique religieuse a reculé, mais Mme Pasquet a souligné que la loi de 1906 n'était pas liée à la religion. Le dimanche est simplement le seul jour de repos commun à tous dans les familles.

Je vous engage à adopter cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.  - Depuis un mois et demi, je travaille avec une nouvelle majorité sénatoriale : les rapports sont toujours cordiaux, mais vos textes sont d'une dureté sans pareille envers les Français. (Applaudissements à droite) Jusqu'alors ce n'étaient que des discours...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Des « éléments de langage » !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Les masques tombent. Lundi soir, 9 millions de salariés ont compris que si vous étiez au gouvernement, ils perdraient leurs avantages fiscaux et sociaux liés aux heures supplémentaires (Applaudissements à droite ; exclamations indignées à gauche) et verraient leur pouvoir d'achat amputé. Ils ne volent le travail de personne.

Mme Éliane Assassi.  - PSA !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Si cette proposition de loi voyait le jour, 250 000 emplois seraient menacés, dans les zones touristiques. Voilà la réalité ! (Mêmes mouvements) Vos idées confinent au dogmatisme. Votre texte est un recul et une menace pour l'emploi et les salariés. (Applaudissements sur la plupart des bancs UMP) Les Français savent lire. Ils voient bien que votre texte est inutile, car la loi de 2009 garantit le repos dominical. Il est dangereux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pour qui ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Seraient pénalisés ceux qui augmentent leur revenu en travaillant le dimanche, parce qu'ils le veulent.

Il aurait fallu aller plus loin encore que la loi de 2009, car certains magasins ne peuvent ouvrir, certains salariés ne peuvent travailler, parce qu'ils sont situés dix mètres au-delà du périmètre communal.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - N'importe quoi !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Votre texte referme toutes les possibilités. Heureusement, votre main a tremblé : vous n'avez pas eu le courage politique de supprimer les Puce. Votre vision économique est dépassée... (Applaudissements sur les bancs UMP ; exclamations sur les bancs CRC)

Mais plus on est proche du terrain, plus on est pragmatique : même certains élus de gauche approuvent la loi Mallié. Vous cédez à une démagogie que je pensais révolue.

Le repos dominical est garanti. Mais dans certaines entreprises, 80 % des salariés sont favorables au travail du dimanche...

Mme Annie David, rapporteure.  - Pourquoi ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Vous les brimez. Je connais la réalité à Plan-de-Campagne ou ailleurs. Les consommateurs, les touristes, sont prêts à dépenser aussi le dimanche. Quelque 6,5 millions de Français travaillent le dimanche, que vous le vouliez ou non. Nous avons donc voulu autoriser le travail dominical, lorsque c'est nécessaire, pas de la même manière en Picardie et à Marseille.

Vous voulez tout casser, tout fermer. La législation était devenue incompréhensible, et obsolète. Les magasins ouvraient dans l'illégalité, parce que tout le monde en avait besoin. Je songe aux opticiens, qui ne peuvent ouvrir, contrairement aux vendeurs de lunettes de soleil.

Mme Éliane Assassi.  - Les Chinois viennent à Paris acheter leurs lunettes de vue ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - La distinction, dans les zones touristiques, entre les établissements qui pouvaient ouvrir et les autres, a été supprimée. Nous avons aussi clarifié la situation juridique dans les zones commerciales. Et les accords de secteur ont fixé un encadrement et des garanties. Faciliter le développement des entreprises, favoriser la consommation et protéger les salariés, nous y sommes parvenus, au prix d'un long travail de concertation. Avez-vous mené une concertation ?

Mme Éliane Assassi.  - Mme David l'a dit !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Avez-vous discuté avec les travailleurs, dont vous réduisez le pouvoir d'achat ? On se croirait revenu à l'époque de Mme Aubry avec les 35 heures imposées en force, sans discussion ni concertation ! (Vives exclamations sur les bancs socialistes ; applaudissements sur la plupart des bancs UMP)

Les abords de la cathédrale de Chartres et les promenades de front de mer à Nice ou à Cannes, qui osera dire que ce ne sont pas des zones touristiques ? Douze nouveaux Puce ont été délimités à da demande de maires socialistes, deux à la demande de maires communistes ! (On se réjouit à droite)

Des contreparties ont été accordées aux salariés.

Mme Annie David, rapporteure.  - Non !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Qu'allez-vous dire au maire communiste de Gennevilliers ? Je sais que Roland Muzeau est parti pour l'Assemblée nationale... Que direz-vous au maire socialiste de Roubaix, votre collègue ? Au maire de Fleury-Mérogis ? Aux entrepreneurs, aux commerçants ? Nous voulons donner du travail, vous l'interdisez par idéologie. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Vous causez du tort aux salariés : dix-sept mauvaises manières leur ont été portées avec autant de taxes nouvelles dans le PLFSS. Et le texte adopté par la commission illustre votre embarras car vous maintenez les Puce existants. Vous n'êtes pas sûrs qu'aucun de vos amis n'en demandera pas un nouveau demain ! C'est un retour en arrière, au détriment des salariés et de la compétitivité.

Lorsqu'une entreprise se porte mal, les salariés ne peuvent se porter bien. Mais ce texte montre ce que serait une politique de gauche : une simple réaction à ce que nous avons fait : du réalisme, de la souplesse, des garanties. La loi du 10 août 2009 est un point d'équilibre. Le rejet de ce texte serait une garantie pour un quart de millions de salariés ! (Applaudissements sur les bancs UMP ; exclamations à gauche)

M. Ronan Kerdraon.  - Après ce discours de campagne électorale, revenons à la réalité du texte.

Depuis plus d'un siècle, le dimanche est devenu le temps du lien social, consacré à la famille, à des pratiques sportives, culturelles, cultuelles ; 84 % de nos concitoyens y sont attachés. Le Conseil économique et social avait rendu en 2007 un rapport refusant de supprimer le principe du repos dominical. Les grandes fédérations de commerçants sont également attachées à ce repos.

Certaines dérogations sont inévitables, nous le savons bien. Ce texte met fin à l'hypocrisie qui prévaut depuis 2009. Les salariés sont volontaires malgré eux, sous la contrainte de mutation ou de licenciement. Je souscris à l'article 2, qui exige un accord écrit.

L'avancée est nette aussi sur les contreparties. Les directions des grandes enseignes y réfléchiront à deux fois avant d'ouvrir leurs portes le dimanche. Les supermarchés ne sont pas des commerces de détail alimentaires.

Les élus sont impuissants face aux effets négatifs de l'ouverture dominicale. À chiffre d'affaires égal, les grandes surfaces emploient trois fois moins de personnes. D'où le critère de la superficie commerciale introduit par la commission.

Le groupe socialiste votera un texte bénéfique pour les salariés ! (Applaudissements à gauche)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Lorsque nous avons discuté la proposition de loi Mallié, MM. Fortassin et Mézard avaient dénoncé l'illusion présentant le travail dominical comme une solution à la crise, que nous pressentions dure et longue. Ils ont douté du volontariat et dénoncé l'insuffisance des contreparties.

La loi de 2009 a ses forces et ses faiblesses. Elle s'est adaptée à l'évolution des moeurs : le repos dominical fait place au repos hebdomadaire. Certaines familles profitent de leur temps libre pour faire leurs achats ensemble le dimanche ou simplement vont flâner dans des grandes surfaces. Nombre de salariés n'ont pas d'autre solution, faute de temps en semaine. Nul ne se plaint d'acheter son journal chez son marchand de journaux le dimanche matin. Les enseignes de bricolage, de jardinage et d'ameublement sont aussi des commerces traditionnellement ouverts le dimanche.

Il ne s'agit pas de compromettre la compétitivité de nos entreprises, mais de protéger les salariés. Or, sur ce plan, la loi de 2009 a fait un premier pas d'équilibre... mais plutôt d'équilibrisme.

La présente proposition de loi modifie le dispositif, en s'inspirant du rapport de l'OIT, qui a mis la France en garde, notamment contre l'absence de volontariat dans les Puce. On ne peut que se satisfaire de voir le volontariat garanti, ce qui restaure l'égalité entre salariés. Tout aussi importante est l'exigence d'un accord collectif préalable.

Enfin, le salarié refusant de travailler le dimanche sera protégé !

J'adhère à ces garanties, mais je mets en garde contre une éventuelle rigidité du dispositif.

Les employeurs n'auront-ils pas intérêt à privilégier la compensation dans le temps ? Comment distinguer les activités limitées dans le temps ? Comment ne pas être attentif aux intérêts des petits commerces, qui font la force des zones rurales et des zones urbaines ?

Le groupe RDSE se partagera entre vote négatif, abstention et vote positif. (Applaudissements sur les bancs RDSE)

Mme Isabelle Debré.  - Je suis stupéfaite en voyant les bancs de gauche si clairsemés : celle-ci ne semble pas intéressée par ses propres propositions. Les Français jugeront !

La loi de 2009 a été adoptée après des débats approfondis, pour garantir l'effectivité du repos dominical, tout en adaptant le dispositif de 1906.

Parlementaires et partenaires sociaux avaient discuté pendant des mois de ce texte, validé par le Conseil constitutionnel à l'exception des dispositions applicables à Paris.

Nous sommes tous attachés au repos dominical...

M. Jean-Louis Carrère.  - Certains plus que d'autres !

Mme Isabelle Debré.  - ...assorti autrefois de nombres dérogations. Aujourd'hui, plus de 6 millions de Français travaillent le dimanche. Ne le refusez pas par dogmatisme.

En 2009, l'opposition...

M. Jean-Louis Carrère.  - ...devenue majorité !

Mme Isabelle Debré.  - ...a présenté ce texte pour ce qu'il n'était pas, une généralisation du travail du dimanche, comme si nous voulions mettre la France entière au travail le dimanche.

Mme Annie David, rapporteure.  - Non ! 250 000 personnes.

Mme Isabelle Debré.  - Les faits nous ont donné raison. Le comité de suivi, dont Mme David fait partie, le reconnaît.

Avant la loi de 2009, la situation était incompréhensible dans les communes touristiques. Le Conseil constitutionnel a déclaré la loi conforme au Préambule de la Constitution de 1946, garantissant le droit à la vie de famille et au repos. De même, il a validé les différences de traitement entre Puce et zones et communes touristiques.

Depuis 2009, seules huit communes ont été classées d'intérêt touristique, deux autres ont été classées zones touristiques d'influence exceptionnelle.

Comment pouvez-vous nier la réalité de la négociation collective, à laquelle la loi de 2009 a renvoyé pour les contreparties dans les zones touristiques ? Plusieurs accords comportent des majorations salariales. Toutes les grandes entreprises ont pris leurs responsabilités. Nous n'avons pas créé de zone de non-droit !

J'en viens aux Puce. Certaines zones commerciales ouvrent le dimanche depuis des décennies sur le fondement d'arrêts préfectoraux, qui ont été annulés par les tribunaux. Faut-il rappeler les manifestations des salariés de Plan-de-Campagne, qui voulaient travailler le dimanche ?

Dans les grandes agglomérations, les habitants, en raison de leurs temps de transports quotidiens, ne peuvent faire ce que l'on appelle les achats réfléchis que le week-end.

M. Jean-Louis Carrère.  - Pas s'ils travaillent le dimanche !

Mme Isabelle Debré.  - Les achats en famille, qui ne sont pas faits le dimanche, ne sont pas reportés en semaine. Il y a un manque à gagner pour le commerce.

Le Conseil économique et social a étudié l'évolution des styles de vie. Dans une société de liberté, les salariés voulant travailler plus doivent pouvoir le faire.

M. Jean-Louis Carrère.  - Sans gagner plus !

Mme Isabelle Debré.  - Près de la frontière belge, à Lille, il faut prendre en compte le travail dominical en Belgique.

Les préfets n'autorisent les Puce que si des contreparties sont garanties aux salariés par un accord collectif ou un référendum d'entreprise assurant au moins un repos compensateur et une rémunération double. Le volontariat est consacré, et le salarié peut revenir sur son choix.

Le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur pouvait adapter le principe du repos dominical ; il a rappelé que la loi n'aurait aucune incidence sur les procédures juridictionnelles en cours.

La version initiale de l'article 5 tendait à supprimer les Puce existants, mais vous y avez renoncé pour ne pas créer d'insécurité juridique ni faire perdre leur emploi aux salariés. Renonçant à votre dogmatisme initial vous voulez empêcher la création de nouveaux Puce.

Seulement 32 Puce ont été créés, dont douze à la demande de maires socialistes et deux appartenant au parti des auteurs de la proposition de loi.

Mme Annie David, rapporteure.  - « Communistes » : vous pouvez le dire. Cela ne vous écorchera pas la gorge !

Mme Isabelle Debré.  - Ainsi le maire de Gennevilliers, membre éminent du parti communiste. (On se réjouit à droite) Pourtant, les contreparties sont importantes.

Mme Annie David, rapporteure.  - C'est ce que je conteste.

Mme Isabelle Debré.  - Même répétée cent fois, une erreur ne devient pas réalité.

Mme Annie David, rapporteure.  - Je suis d'accord.

Mme Isabelle Debré.  - Le groupe UMP votera contre cette proposition de loi rétrograde. (Applaudissements prolongés au centre et à droite)

M. Hervé Maurey.  - Deux ans après la loi Mallié, nous débattons d'un texte illustrant la volonté de défaire ce que nous avons fait.

J'ai voté sans état d'âme la loi du 10 août 2009. J'avais alors proposé de clarifier la situation des zones touristiques : la France est la première destination touristique au monde ; pourquoi peut-on faire ses achats à Rome ou Londres, mais pas à Paris ? À l'époque, je m'étais étonné de la différence de régime applicable aux lunettes de vue et aux lunettes de soleil.

La loi de 2009 n'a pas été le grand soir du travail dominical ; seuls 32 Puce ont été créés, dont plus d'un tiers à la demande d'élus de gauche.

Mais je regrette que les contreparties n'aient pas été harmonisées. Le Gouvernement s'était engagé en 2009 à joindre un bilan des contreparties dans le rapport de la commission nationale de la négociation collective. Nous ne l'avons pas eu ; je réitère donc ma demande.

Cependant, la double rémunération proposée aujourd'hui compromettrait la survie de nombreuses PME et élimine le dialogue social.

Le plus important, c'est le volontariat. C'était le groupe Nouveau Centre qui, à l'Assemblée nationale, avait en 2009 exigé un accord écrit. Vous estimiez à l'époque la chose impossible à appliquer et vous voulez désormais étendre le dispositif...

J'ai interrogé le Gouvernement, par question écrite du 18 novembre 2010, sur la signature des salariés qui n'évite pas forcément les pressions, mais je n'ai pas reçu de réponse.

Mais je ne voterai certes pas la proposition de loi, qui méconnaît les réalités économiques actuelles, encore plus prégnantes qu'il y a deux ans.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Très juste.

M. Hervé Maurey.  - Outre son caractère dogmatique, le discours communiste est incohérent, puisqu'il renonce à supprimer les Puce existants... pour ne pas compromettre l'emploi.

Pourquoi ne proposez-vous plus le référendum demandé il y a deux ans ? Et pourquoi ce qui méritait hier un débat national ne justifie plus aujourd'hui qu'une demi-niche parlementaire ? Vous vous souciez moins des salariés que d'affichage politicien !

Mme Annie David, rapporteure.  - Propos méprisable !

M. Hervé Maurey.  - Le groupe UCR le déplore. Il ne votera pas cette proposition de loi. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Laurence Cohen.  - Pour la première fois depuis le basculement du Sénat, le groupe CRC peut défendre des textes qui garantissent des fondamentaux de justice sociale. Vous opposez à notre dogmatisme votre pragmatisme : nous partons de la réalité, pour l'améliorer ; et nous sommes la nouvelle majorité.

La loi Mallié, que le groupe CRC-SPG avait combattue pour préserver la vie familiale, a remis en cause une conquête sociale. En 2009, le Cese avait estimé que les dérogations au repos dominical ne devaient pas être multipliées.

Or, les Puce ont donné lieu à des abus, avec des ouvertures tardives de nombreuses supérettes, parfois hors des zones touristiques. Je pense aux quatre salariés de Créteil licenciés pour « insubordination ».

Mme Annie David, rapporteure.  - C'est la réalité !

Mme Laurence Cohen.  - Et je salue la magnifique lutte victorieuse qu'ont menée les salariées d'ED, à Albertville, pendant deux ans. Travailler le dimanche n'est pas un choix... mais trop souvent le seul moyen de gagner quelques euros supplémentaires. D'ailleurs, tous ne perçoivent pas de majoration.

Où est le choix face à une menace de licenciement ?

M. Pierre Hérisson.  - Ce n'est pas vrai.

Mme Annie David, rapporteure.  - Si, c'est la réalité !

Mme Laurence Cohen.  - La politique libérale a développé la précarité et les horaires atypiques dans une France des bas salaires, car seuls quelques-uns s'enrichissent. La plupart des employés sont des femmes, qui subissent une double peine.

Souvent le travail des femmes constitue un laboratoire pour la mise au point de mesures qui sont ensuite généralisées.

Ce texte ne tend pas à empêcher tout travail le dimanche, et nous savons bien que les modes de vie ont évolué mais faire ses courses le dimanche, est-ce un progrès social ?

Deux points sont fondamentaux dans la proposition de loi d'aujourd'hui : le volontariat réel et la double rémunération, accompagnée d'un repos compensateur. Le travail est un droit, le repos dominical aussi !

Les élus communistes sont fiers de cette proposition de loi. Et je précise que sur le terrain ils respectent la loi et font respecter les règles du travail dominical, contrairement à certains élus UMP. (Vives protestations sur les bancs UMP, auxquelles répondent des applaudissements nourris sur les bancs socialistes et CRC)

M. Ronan Dantec.  - Les élus d'Europe Écologie Les Verts voteront avec détermination cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Acquis de haute lutte il y a plus d'un siècle, le repos dominical a été mis en cause. « Travailler plus pour gagner plus » est un slogan obsolète, mais nombre de salariés s'en souviennent comme d'une tromperie politique.

Autre scandale de notre société : le nettoyage des locaux des salariés au travail garanti à l'aube ou tard le soir par des salariés encore plus précaires. Ainsi va notre société !

Le Cese a recommandé de ne pas généraliser l'ouverture des commerces.

En 1906, il y a eu une grève générale pour réclamer la journée de huit heures, avant que le Sénat ne vote sous la pression de la rue la loi sur le repos hebdomadaire, en particulier pour les employés de commerce à Paris.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je n'étais pas née !

Mme Annie David, rapporteure.  - L'Histoire commence-t-elle avec vous ?

M. Ronan Dantec.  - Le secrétaire des coiffeurs de la CGT évoquait le repos hebdomadaire comme la principale conquête après dix-huit mois de grève pour la journée de huit heures.

Les propriétaires de grands magasins l'ont combattue, invoquant la nécessité pour les travailleurs de faire leurs courses le dimanche : évidemment, avec une journée de travail de dix heures !

Finalement, les salariés n'ont obtenu la journée de huit heures qu'en 1919, la semaine de 40 heures en 1936. Il y a toujours eu un lien entre travail du dimanche et réduction du temps de travail. C'est pourquoi le Gouvernement Fillon s'attaque au repos dominical, parce que la droite veut s'attaquer aux 35 heures et à la durée hebdomadaire du travail.

Les écologistes soutiendront ce texte, pour défendre les acquis sociaux. (Applaudissements à gauche)

Mme Chantal Jouanno.  - (Applaudissements) Parlons-nous de la même loi de 2009 ? Nulle part je n'y lis une remise en cause de la loi de 1906.

Dites plutôt que vous voulez détricoter tout ce que le Gouvernement a fait ! En Allemagne, la décision a été transférée aux Länder ; en Suède, le dimanche est un jour travaillé comme les autres. Nous n'irons pas jusque-là.

Le Conseil constitutionnel a reconnu que la loi de 2009 opérait une adaptation nécessaire.

Le préfet de Paris a proposé des ouvertures dominicales boulevard Haussmann par exemple. L'ouverture le dimanche des Galeries Lafayette créerait 2 000 emplois, notamment pour les étudiants.

Mme Annie David, rapporteure.  - Quelle ambition pour nos étudiants !

Mme Chantal Jouanno.  - La France, dans sa situation, peut-elle se passer des achats touristiques le dimanche ? Nous parlons de la société telle qu'elle est ; vous de celle que vous voudriez.

Vous suspectez systématiquement les entreprises et vous voulez toujours en passer par la loi ; nous, nous voulons en passer par les négociations et le référendum des salariés ! (Applaudissements à droite)

Mme Patricia Schillinger.  - Je remercie nos collègues CRC pour leur initiative, car le travail dominical menace la sphère familiale, spirituelle et associative. Il n'est pas la solution pour relancer la consommation et ne crée aucun emploi dans les grandes surfaces, qui menacent les commerces de proximité.

Le volontariat est un leurre.

La loi Mallié a provoqué des distorsions de concurrence, elle repose sur le principe « travailler plus pour gagner autant ». (Vives protestations à droite)

Pas d'emplois supplémentaires, plus de précarité ! à quoi s'ajoute la discrimination entre salariés, selon le lieu de leur travail.

Les salariés qui travaillent le dimanche ne bénéficient toujours pas du doublement du salaire horaire et du repos compensateur.

En avril, l'OIT a infligé un carton rouge à la France au sujet du travail dominical, en particulier à cause de l'extension des dérogations

Plusieurs magasins Franprix sont assignés devant la justice pour ouverture abusive.

En septembre, ED a été condamné à indemniser des salariés abusivement licenciés.

Le texte d'aujourd'hui est essentiel pour assurer la réalité du volontariat, ainsi que les contreparties.

En Alsace, le droit local impose le respect du repos dominical. (Applaudissements à gauche)

M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales.  - Monsieur le ministre, vous avez fait fort !

Au lieu d'un petit coup de maillet, vous avez asséné un grand coup de massue : à vous entendre, nous aurons bientôt supprimé plus d'emplois qu'il n'en existe, alors que nous ne sommes pas au pouvoir.

Vous nous incitez à aller sur le terrain, mais nous en sommes issus, tout comme vous. Nous connaissons le marché du travail.

M. Pierre Hérisson.  - Nous aussi.

M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales.  - Je ne le conteste pas : nous sommes des élus de terrain.

Vous avez cité le travail des hospitaliers. Mais savez-vous comment les personnes concernées -essentiellement des femmes vivent cette situation ?

Parce qu'elles travaillent le dimanche, faut-il que tous en fassent autant ?

Il faut bien sûr mieux rémunérer le travail du dimanche.

Mais on n'achète pas tout ! Ce ne sont pas les seules rémunérations qu'il faut prendre en compte. Il existe une dysharmonie forte dans les rapports entre salariés et employeurs. Et on accepte beaucoup pour mettre un peu de beurre dans les épinards...

Nous essayons d'améliorer la loi de 2009, vous caricaturez les propositions de loi du groupe communiste. Mais nous sommes toujours à l'avant-garde de la défense des travailleurs et des salariés ! Vous aurez l'occasion, lors de la prochaine campagne électorale, d'expliquer ce que vous voulez faire pour eux, comme nous l'avons fait auprès des élus locaux lors de la campagne sénatoriale. C'est ainsi que nous sommes devenus majoritaires au Sénat ! C'est ainsi que nous aurons la majorité en mai ! (Applaudissements à gauche ; exclamations à droite)

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Vous parlez de lien social. Mais le « lien social » le plus fort, c'est un travail, un revenu, un pouvoir d'achat garantis, une protection que vous cassez ! (Protestations à gauche) Les Français savent que leur emploi est peut-être menacé par la crise, mais voir qu'il l'est par une proposition de loi communiste, c'est intolérable !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce sont vos propos qui sont scandaleux !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Nous ne pouvons pas vous laisser faire ! C'est nous qui avons inscrit le volontariat dans la loi. Et vous dites « non » par principe, sans voir que votre texte va pénaliser les salariés ! Matin, midi et soir, vous faites de l'antisarkozysme, voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Ce texte n'a rien d'utile pour les salariés. C'est la loi Mallié qui leur est utile, comme elle l'est aux entreprises et au développement économique.

Je précise à Mme Escoffier que le bricolage est exclu.

Mme Annie David, rapporteure.  - Non, plus depuis la loi Mallié ! Pas dans les Puce et les zones touristiques !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Lorsque l'on veut légiférer, au moins faut-il savoir de quoi on parle. Votre texte est un recul, vous-mêmes l'avez compris. Votre embarras est patent. Un écran de fumée a été déployé en 2009 par l'opposition de l'époque, Mme Debré l'a montré. Et la confusion demeure sur les communes touristiques : parce que vous n'avez pas les idées claires, vous en avez derrière la tête. (Protestations à gauche ; applaudissements sur les bancs UMP) pour vous, le défaut majeur de la loi de 2009, c'est d'avoir été votée par la majorité UMP et les centristes.

M. Maurey demande un bilan de la négociation collective. Il a été établi, je vous le transmettrai. Il montre que les enseignes comme Décathlon, Boulanger ou Kiabi cumulent volontariat et augmentation significative, voire doublement des salaires.

Madame Cohen, nous n'avons pas la même conception de la justice sociale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - En effet ! Vous, c'est l'injustice sociale !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - L'accès à l'emploi et la protection sont des mots que vous utilisez volontiers, mais pour les mettre en application, c'est une autre histoire ! Si la justice a pu condamner ED, c'est grâce à la loi de 2009. Au nom de quelle règle, du reste, dirait-on quel service est socialement utile et quel autre ne l'est pas ? Allez-vous interdire aux gens d'acheter leur pain le dimanche comme ils le font jusqu'à présent ? Vous êtes profondément conservateurs ! (Protestations à gauche ; applaudissements à droite)

Mme Annie David, rapporteure.  - Laissez-moi vous répondre, je ne puis vous laisser dire de telles contrevérités !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Quant aux 35 heures, les ouvriers et employés en sont les principales victimes, qui ont vu leur salaire bloqué pendant de longues années ! (Applaudissements à droite)

Mme Annie David, rapporteure.  - Mensonges !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Que sont devenus avec les 35 heures le pouvoir d'achat, la valeur travail ? (Exclamations à gauche) C'est la réalité ! Vous n'avez pas entendu les messages de 2002 et de 2007 ! Vous n'avez jamais rien fait pour les ouvriers et les employés ! (Vives protestations à gauche ; applaudissements à droite)

Mme Annie David, rapporteure.  - Vous êtes au Parlement, pas dans un meeting UMP !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Mme Jouanno a fait une suggestion : demander leur avis aux salariés ; chiche ! Combien de maires socialistes ou communistes ont demandé des Puce ? (Huées à gauche)

Mme la présidente.  - Monsieur le ministre, Mme la rapporteure souhaiterait vous interrompre. (Vives protestations à droite)

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Je n'ai jamais interrompu un orateur ; je termine...

Un échec économique et social, madame Schillinger ? C'est la proposition de loi qui en signerait un ! Une même règle pour tous ne vaut pas -sinon la négociation collective ne servirait à rien. Vous employez la même méthode que pour les 35 heures...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Boniments !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Un travail habituel ou occasionnel sacrifie-t-il la vie de famille ? Quelque 6,5 millions de personnes travaillent le dimanche. Bien des personnes souhaitent travailler le dimanche, par exemple quand l'autre parent a la garde des enfants ce jour-là. La loi doit leur permettre de choisir. (Applaudissements à droite) Et toujours cette vieille lune du partage du travail...

La majorité sénatoriale est ici à l'avant-garde du programme de la gauche. (Exclamations à gauche) Mais quand on entre dans le concret, les choses sont plus difficiles que pendant les débats de la primaire ! Êtes-vous à ce point irréalistes ou cyniques ? Un quart de million de Français sont menacés dans leur emploi ! Nos compatriotes ne veulent pas du formidable recul social que vous voulez leur imposer ! (Applaudissements à droite ; vives protestations à gauche)

Mme Annie David, rapporteure.  - Je m'étonne que les sénateurs UMP ne se lèvent pas pour applaudir davantage (les intéressés se lèvent et applaudissent), car on se croirait à un meeting UMP de campagne présidentielle. (Applaudissements à gauche)

Je pensais que nous discutions une proposition de loi dans le cadre de la niche parlementaire.

Mme Catherine Troendle.  - C'est ce que nous faisons !

Mme Annie David, rapporteure.  - Je ne comprends pas la longueur des propos du ministre -plus d'une heure au total depuis le début... (Vives protestations sur les bancs UMP)

Chers collègues, vous êtes décidément furieux d'avoir perdu la majorité dans notre assemblée ! (Applaudissements à gauche) Votre agitation tend juste à empêcher le débat. Je n'entrerai pas dans votre jeu et répondrai à vos arguments, si aisément démontables, amendement par amendement.

La France a 65 millions d'habitants. Pourquoi 250 000 Français ne pourraient accéder au repos dont nous bénéficions ? Le pouvoir d'achat diminue, si vous achetez un canapé le dimanche, vous ne retournerez pas en acheter un second en semaine. Vos arguments sont ridicules ! (Exclamations à droite) Avec les Puce et la loi Mallié, vous voulez promouvoir la consommation le dimanche, pour généraliser ensuite le travail dominical quand les habitudes seront prises. (Exclamations sur les bancs UMP)

La discussion générale est close.

(Sur les bancs de droite, on scande « Rappel au Règlement »)

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°2, présentée par Mme Procaccia et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical (n° 90, 2011-2012)

Mme Catherine Procaccia.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Nous avons demandé des rappels au Règlement.

Mme la présidente.  - C'est moi qui préside !

Mme Catherine Procaccia.  - Avant de défendre la motion, je veux faire un rappel au Règlement, pour que nous puissions ensuite débattre plus sereinement.

Interrompre le ministre n'est pas dans nos usages, vous pouviez attendre, madame David, qu'il ait fini. Et vous faites tant de bruit pendant qu'il parle que vous empêchez vos collègues de l'entendre. (Protestations à gauche)

Mme Annie David, rapporteure.  - Étiez-vous silencieux pendant que je parlais ?

Mme Catherine Procaccia.  - Le législateur a pris acte en 2009 des évolutions sociales et économiques. Vous remettez aujourd'hui le droit au libre choix de travailler le dimanche et contestez même les décisions du Conseil constitutionnel, qui a validé la loi de 2009. On fait le dimanche des achats importants, et souvent en famille, que l'on n'a pas le temps de faire en semaine. Une loi vieille de plus d'un siècle peut avoir besoin d'être rafraichie ! La vraie question n'est pas celle du repos dominical, mais celle de la liberté : liberté du commerce, du consommateur, du salarié.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - La liberté du poulailler !

Mme Catherine Procaccia.  - À Moscou, tout est ouvert sept jours sur sept et souvent 24 heures sur 24 !

Mme Annie David, rapporteure.  - La Russie de Poutine serait donc communiste ?

Mme Catherine Procaccia.  - Laissez le choix aux gens ! (Applaudissements à droite)

L'article 2 relatif aux garanties récrit les dispositions du code du travail, qui institue déjà la majoration salariale et le repos compensateur. Tout comme les autres garanties introduites dans votre proposition de loi, l'obligation d'un accord écrit des salariés n'apporte rien au droit actuel.

Le volontariat est la base du travail dominical, le salarié étant prioritaire pour un poste ne comportant pas de travail dominical. La loi a été mise en oeuvre dans le cadre d'accords de branche ou d'entreprise -les partenaires sociaux et le Cese ont été écoutés.

Le travail dominical n'a nullement été généralisé ; son extension est limitée et encadrée ; les droits individuels des salariés n'ont jamais été sacrifiés. Il serait grave de revenir dessus pour les communes touristiques ou thermales. Les zones concernées sont définies par référence au code du travail.

Le Conseil constitutionnel a estimé que les dérogations introduites prenaient en compte l'évolution des modes de vie, sans méconnaître le Préambule de 1946. Il a validé les Puce et reconnu la précision de la rédaction, qui évite toute équivoque au détriment des salariés. Quant à l'extension à tous les commerces dans les communes et zones touristiques, il a jugé que le législateur avait fait usage de son pouvoir d'appréciation ; si le maire le demande, le préfet peut autoriser tous les commerces à ouvrir le dimanche, selon des critères économiques précis et avec des contreparties. Le Cese a mis l'accent sur les nouveaux comportements de consommation dans les grandes agglomérations.

Le « protocole Larcher » de 2009 organise une concertation avec les partenaires sociaux avant toute proposition de loi à caractère social. Mme David s'en est exonérée...

Mme Annie David, rapporteure.  - Lisez le rapport !

Mme Catherine Procaccia.  - ...parce que l'adoption de cette proposition de loi aurait des effets désastreux pour notre pays, parce que le Conseil constitutionnel a estimé que la loi de 2009 ne portait aucune atteinte au principe d'égalité ni aux droits des salariés, parce que la consultation des partenaires sociaux a été négligée, je demande au Sénat d'adopter cette motion. (Applaudissements à droite)

Mme Annie David, rapporteure.  - Nous revenons sur une loi récente ? La loi Fourcade n'est-elle pas revenue en 2011 sur la loi HPST de 2009 ? Et je ne parle pas des collectifs...

Notre proposition de loi prend en considération les problèmes liés à l'application de la loi Mallié, qui n'est pas un texte d'équilibre -à preuve, la division au sein de la majorité UMP à l'époque, sur ce texte adopté à quelques voix de majorité.

M. Alain Gournac.  - Il a été voté !

Mme Annie David, rapporteure.  - L'ensemble des organisations de salariés sont contre, la CGPME et l'UPA sont très réservées : où est le point d'équilibre, sinon dans notre texte ?

Avec la loi Mallié, les magasins de bricolage peuvent ouvrir comme les autres dans les zones touristiques, sans volontariat ni majoration salariale ni repos compensateur. Elle organise une discrimination entre salariés des zones touristiques et ceux des Puce. Quant au volontariat, il se heurte en pratique au lien de subordination entre salariés et employeurs.

Madame Jouanno, je déplorerais que des étudiants travaillent le dimanche, alors que leurs amis plus aisés n'y sont pas contraints... (Applaudissements à gauche ; exclamations sur les bancs UMP)

La droite était unanime contre les emplois-jeunes, mais quel maire de droite n'y a pas eu recours ? Cessez de nous jeter à la figure les Puce demandés par des élus de gauche !

Le rapport du comité de suivi est disponible (l'oratrice le brandit) je vous conseille à tous de le consulter ; on y lit que le nombre d'emplois concernés est largement surestimé...

Madame Procaccia, il n'est pas correct de dire que je n'ai pas consulté les organisations syndicales : lisez mon rapport ! Dès lors que les organisations ne souhaitent pas de nouvelles négociations, dois-je les imposer ? M. Mallié, lui, n'avait lancé aucune concertation ; il s'était seulement rendu à Plan-de-Campagne, dans sa circonscription ! (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Personne ne peut être ici le porte-parole des organisations syndicales, mais si la CGT et la CFTC sont sans surprise contre le travail du dimanche, ce que vous dites de la réponse de la CGPME ne correspond pas à la réalité. Page 61 de votre rapport, on peut lire qu'elle ne souhaite aucune modification et demande au contraire que les conditions du travail dominical restent négociées au sein de chaque entreprise...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Tiens, tiens !

Mme Annie David, rapporteure.  - Vous n'avez pas tout lu !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Aller sur le terrain évite de commettre des erreurs... À Plan-de-Campagne, j'ai vu des responsables syndicaux qui tiennent un autre discours que vous. Votre texte marquerait un formidable retour en arrière. Dans une entreprise du Val-d'Oise, où je me suis rendu avec une élue ancienne secrétaire d'État de M. Jospin, on dit la même chose ; cette entreprise a été sauvée par la loi Mallié. Si tous ces commerces se développent, c'est bien qu'on en a besoin.

Votre contribution au rapport du comité de suivi, madame David, montre qu'en réalité vous voulez revenir à l'interdiction pure et simple du travail dominical.

Mme Annie David, rapporteure.  - Oui !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Et quand vous dites qu'il y a plus de femmes que d'hommes au travail le dimanche, c'est faux.

On ne légifère pas avec des slogans. Je suis favorable à la motion n°2.

Mme Muguette Dini.  - Les termes de la proposition de loi me posent problème. Quoi qu'on pense, le repos dominical est associé à la messe du dimanche. (« Non ! » à gauche) Et on y va de moins en moins...

M. Alain Gournac.  - Sauf les communistes.

Mme Annie David, rapporteure.  - La liberté de culte ne nous gêne pas !

Mme Muguette Dini.  - Le repos hebdomadaire est une notion plus adaptée à notre temps. Le travail du dimanche peut être intéressant pour l'organisation de la vie familiale, pour les parents divorcés dont le conjoint garde les enfants. Et il y a d'autres exemples.

À vous entendre, il y aurait les pauvres salariés et les méchants clients qui consomment le dimanche. Mais ce sont les mêmes ! Enfin, promenades en famille, loisirs culturels, jeux éducatifs : vous décrivez un dimanche idyllique, alors que tant d'enfants passent cette journée devant un écran, car les parents fatigués ou démunis ne peuvent assumer leur rôle.

Vous voulez tout réglementer ! Laissez les gens respirer ! (Applaudissements à droite) La loi de 2009 est une bonne loi. Je voterai la motion. (Applaudissements à droite)

M. Ronan Kerdraon.  - Quel changement depuis septembre ! Vous ne cessez de caricaturer nos initiatives (rires sur les bancs UMP), avec la suffisance de qui a certitudes et rancoeur. Vous assénez des chiffres extravagants pour affoler l'opinion !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Ce n'est pas nécessaire !

M. Ronan Kerdraon.  - Il y a des petits relents d'avant 1981... (Marques d'approbation sur les bancs socialistes) Vous avez caricaturé avec démagogie notre PLFSS, vous accumulez les contrevérités. Vous vous transformez en Fouquier-Tinville : plus l'échéance approche, plus vous avez peur. Derrière chaque salarié un fraudeur, que dis-je, un voleur ! Sachez que votre attitude méprisante ne fait que renforcer notre volonté de proposer une alternative à votre politique de régression sociale.

Nous rejetons la motion. (Applaudissements à gauche)

Mme Christiane Kammermann.  - La question a été abordée il y a tout juste deux ans...

Mme Annie David, rapporteure.  - La loi HPST aussi.

Mme Christiane Kammermann.  - Une nouvelle proposition de loi est présentée avec son lot de réactions et son flot de passions. Il n'y a eu pourtant encore aucun bilan ! À entendre certains syndicats, il faudrait tout remettre à plat des critères et des compensations pour déroger au repos dominical, qui doit, lui, rester un repère social pour vivre décemment en société.

En 2011, les modes de vie ne sont pas ceux de 1906, non plus que le travail ou la vie de famille -bien que je déplore l'augmentation des divorces. Nombre de Français souhaitent faire leurs courses le dimanche ; certains étudiants peuvent acquérir dans ces emplois un début d'autonomie financière et une première expérience professionnelle. Que certains invoquent la structure familiale me réjouit, mais certains Français préfèrent travailler le dimanche.

Dommage que cette proposition de loi tende à faire prévaloir une vision de la société, au lieu de laisser la liberté aux Français.

Mme Annie David, rapporteure.  - Ils ne l'ont pas.

Mme Christiane Kammermann.  - Travailler ou non le dimanche relèverait de la lutte des classes contre l'horrible capitalisme, certains patrons terrorisant leurs salariés. (Rires à gauche) Hors de France, le travail dominical ne contredit pas les valeurs sociales, familiales ou religieuses. La loi de 2009 tendait à régulariser certaines pratiques en protégeant les salariés ; sans compromettre le principe même du temps dominical. Gardons-nous de la caricature !

La loi de 2009 devait régulariser certaines pratiques qui avaient pris une longueur d'avance sur la légalité. Le législateur doit aussi tenir compte des modifications des rythmes et habitudes de vie. Après avoir travaillé même le dimanche, les deux assemblées parlementaires ont voté la loi Mallié.

Je voterai la question préalable contre cette proposition de loi purement politicienne. Nous ferions mieux de travailler tous ensemble sur d'autres sujets urgents. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre.  - (On s'exclame « Encore ! » sur les bancs CRC)

Monsieur Kerdraon, il est possible de s'exprimer sans s'injurier. « Arrogance », « suffisance », « mépris », dites-vous. De quel côté sont l'arrogance et la suffisance quand un candidat socialiste se prévaut comme le prochain président de la République ?

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Hors sujet !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Les Français n'aiment pas qu'on leur dise « Circulez, il n'y a rien à voir. Les élections sont faites ! ». (Vives protestations à gauche) Vous avez parlé de 1981. Que n'avez vous pas promis alors ! Mais cela n'a pas duré deux ans. La réalité d'aujourd'hui, c'est que cela ne durerait pas huit jours. Vos propositions sont un véritable danger pour les Français !

Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi.  - Je savais que le travail dominical passionnait, mais je ne pensais pas qu'il susciterait la haine. (Exclamations sur les bancs UMP)

M. le ministre a tenté de discréditer notre proposition de loi en citant une rédaction initiale. Il est étrange que vous méconnaissiez le travail parlementaire : le rôle de la commission est bien, en l'affaire, de perfectionner la rédaction initiale.

Vous tentez de faire croire que nous irions contre les salariés.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - C'est le cas.

Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi.  - Dites-nous alors combien d'emplois ont été créés par la loi Mallié. Combien parmi eux de précaires ?

Vous avez dit que les contreparties étaient importantes, mais le surcoût de rémunération, chez Dia à Albertville par exemple, est de cinq euros.

Mme Éliane Assassi.  - À peine de quoi payer le sandwich.

Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi.  - C'est cela votre « contrepartie importante » ? À Plan de campagne, la majoration est limitée à 25 %.

M. Bruno Gilles.  - C'est faux !

Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi.  - Regardez l'accord qui a été signé !

M. Bruno Gilles.  - Je l'ai là, regardez ! (Le geste est joint à la parole, un document est brandi avec insistance)

Mme Isabelle Pasquet, auteure de la proposition de loi.  - Ce qui compte pour vous, ce n'est pas l'égalité des salariés, c'est l'égalité des commerçants.

Nous réduisons le pouvoir d'achat ? L'argument est audacieux, venant de ceux qui portent sans cesse atteinte au pouvoir d'achat via les franchises médicales, les taxes sur les mutuelles, les nouvelles journées de carence, la hausse de la TVA.

Si nous proposions la suppression des Puce existants, vous nous accuseriez de dogmatisme. Voulez-vous que les jeunes de notre pays subissent le travail précaire ?

Nous voterons contre la motion.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - À Albertville, il y a un accord. La majoration atteint 30 %, mais le travail est habituellement limité à une demi-journée.

Mme Annie David, rapporteure.  - Êtes-vous allé à Albertville ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - J'ai rencontré l'inspecteur du travail.

Mme Annie David, rapporteure.  - Pas les salariés ! Vous avez refusé de les voir !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Avec votre loi, les salariés perdront 35 euros, pas 5.

Le rapport de M. Méhaignerie évalue entre 9 000 à 10 000 le nombre de salariés concernés par les Puce créés, dont 1 000 à Plan-de-Campagne qui, sans la loi Mallié, aurait disparu ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François Fortassin.  - Que de turbulences ! Certains découvrent les délices de l'opposition, d'autres les contraintes de la majorité. Pourrai-je rétablir la sérénité ? (Sourires)

Notre groupe votera presque à l'unanimité contre la motion : le travail de la commission a été fait, le débat doit se poursuivre, serein.

Défendre la liberté de travailler le dimanche, c'est défendre le renard libre dans le poulailler libre. (Applaudissements à gauche)

Monsieur Gilles, je peux brandir des documents compromettants ! (Rires) Certains salariés du dimanche ne sont pas mieux payés qu'en semaine. (Applaudissements à gauche) Gardons un peu de mesure, nous sommes tous responsables ; l'État ne réussit pas à imposer les gardes dans certains déserts médicaux, mais il protège sans problème les vendeurs de casseroles. (Applaudissements à gauche)

Ne mettons pas tout dans l'idéologie, il y a des arguments valables des deux côtés. Pour ma part, je suis toujours du côté des travailleurs, qui sont trop souvent maltraités.

À la demande de la commission, la motion n°2 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 343
Majorité absolue des suffrages exprimés 172
Pour l'adoption 166
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements à gauche)

M. François Trucy.  - J'espère que M. Guérini a bien voté !

La séance, suspendue à 17 h 55, reprend à 18 heures.

Rappel au Règlement

Mme Isabelle Debré.  - Je ne sais pourquoi, madame la présidente, vous m'avez refusé tout à l'heure la parole pour un rappel au Règlement, qui est pourtant de droit.

Mme la présidente.  - C'est simplement que je ne vous avais pas entendue.

Mme Isabelle Debré.  - Mon rappel au Règlement est fondé sur l'article 40 : je voulais m'élever contre le manque de respect envers le ministre.

Jamais il n'y a eu pareille ambiance au Sénat en 2009. Il avait alors fallu deux jours de débat, animé certes mais dans le respect des personnes. Malgré les 80 explications de vote faites par des orateurs de gauche, la majorité de l'époque ne s'est jamais comportée comme fait la majorité actuelle. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Renvoi en commission

Mme la présidente.  - Motion n°1, présentée par Mme Debré et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical (n° 90, 2011-2012).

Mme Isabelle Debré.  - Le renvoi en commission s'impose en raison de la précipitation dans laquelle ce texte est présenté. Le protocole Larcher exige une concertation préalable avec les partenaires sociaux, avant discussion parlementaire de tout texte social. L'auteur de la proposition de loi doit les contacter, au moins par écrit, mais l'inscription à notre ordre du jour a précédé l'arrivée du courrier aux partenaires sociaux ! J'ai la preuve de ce que j'affirme.

Je déplore que le président du Sénat cautionne une telle méthode, au prétexte que nous sommes « dans une forme de transition ». Transition vers quoi ? Vers moins de concertation et de démocratie ? Mme la rapporteure a certes envoyé les courriers mais ne s'inquiète pas de ne pas avoir reçu toutes les réponses ; elle n'a pas eu le temps d'auditionner les partenaires sociaux. C'est pour le moins inattendu. Mais enfin, si la commission a manqué de temps, il faut reporter à plus tard le débat en séance publique.

M. Rémy Pointereau.  - Un dimanche ! (Sourires sur les bancs UMP)

Mme Isabelle Debré.  - Mme David a jugé que devait suffire la très large concertation réalisée en 2009. Il est vrai que j'avais procédé à de nombreuses auditions, mais la question est désormais de tirer une leçon de ce qui se passe sur le terrain. A-t-on généralisé le travail dominical ? J'ajoute que nous comptons beaucoup de nouveaux sénateurs, qui souhaitent disposer de tous les éléments pour se prononcer.

Le travail de la commission ne se limite pas à celui de son rapporteur. Le rapport est adopté par la commission. Mais il fallait avancer au plus vite, dans la perspective de la présidentielle. Moyennant quoi le texte initial est parsemé d'erreurs et d'invraisemblances.

Mme Annie David, rapporteure.  - Seuls ceux qui ne font rien ne se trompent jamais.

Mme Isabelle Debré.  - Ceux qui vont trop vite se trompent beaucoup ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

En se référant au code du tourisme et non au code du travail, c'est 3 500 communes qui étaient concernées, au lieu de 575 ! La version initiale tendait à supprimer tous les Puce existants. Heureusement, Mme David a proposé d'y renoncer pour ne pas compromettre l'emploi des salariés travaillant le dimanche.

Incontestablement, la loi du 10 août 2009 a posé un socle de garanties qui a conforté la situation des salariés concernés. Lorsqu'elle a été discutée, l'opposition a obtenu la création d'un comité de suivi, avec trois parlementaires de la majorité et trois de l'opposition. Ce comité devait dresser un bilan de la mise en oeuvre de la loi. Pourquoi vous empresser de légiférer, avant même la publication de ce rapport ? Parce que vous repoussez en bloc le travail du dimanche.

Grâce au président Méhaignerie, le rapport du comité nous a été distribué ce matin. Je vous en présenterai les principaux éléments. Aucune multiplication des classements en commune touristique n'a été enregistrée, avec 22 demandes, dont trois refusées pour des communes de Seine-et-Marne proche du parc Disney -preuve que l'examen des dossiers est rigoureux. En pratique, plusieurs accords d'entreprise sur le travail dominical ont harmonisé les contreparties, quels que soient le lieu de travail et le régime dérogatoire.

Seulement 31 Puce ont été créés, le premier à Plan-de-Campagne. (On marque, à gauche, que l'on ne s'en étonne guère) Tout l'éventail politique est représenté par les communes demanderesses. Les arrêtés de classement montrent que les préfets vérifient l'ensemble des critères définis par la loi : l'usage de consommation dominicale, l'importance de la clientèle du dimanche, la situation et les moyens d'accès des zones commerciales, la délimitation du périmètre. En majorité, les accords collectifs comportent le doublement de la rémunération.

S'agissant des décisions unilatérales de l'employeur, 399 demandes de dérogations ont été recensées au 1er juin 2011. L'employeur est tenu d'octroyer un salaire double et un repos compensateur équivalent à la durée du travail dominical.

Les salariés ne souhaitant plus travailler le dimanche pourront le faire, sous réserve d'un préavis. Ainsi en va-t-il dans les accords conclus par les sociétés Kiabi Europe et Décathlon. L'accord de la société Cultura prévoit que, dans les établissements ouvrant tous les dimanches, le document permettant au salarié de faire savoir s'il est volontaire devra comporter un paragraphe précisant la possibilité de modifier le choix opéré ainsi que la démarche à suivre.

Mme Annie David, rapporteure.  - Votre temps est dépassé.

Mme Isabelle Debré.  - Il est toujours possible d'améliorer localement les droits des salariés ! On peut faire confiance aux partenaires sociaux pour assurer la réalité du volontariat. Le rapport du comité de suivi est éloquent : l'application de la loi est équitable. (Applaudissements à droite)

Mme Annie David, rapporteure.  - Mme Debré a montré qu'en améliorant la proposition de loi, notre commission a bien travaillé. Le renvoi est donc inutile. (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre.  - La suppression des Puce porterait aussi sur douze communes socialistes et deux communes communistes. Il a fallu la correction exprimée par la commission pour l'éviter.

Mme Annie David, rapporteure.  - Elle a donc bien travaillé.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Sans la suppression de la référence au code du tourisme, presque toute la France aurait été concernée par le travail dominical.

Pour les salariés de Plan-de-Campagne, il y a une vraie différence, entre la perte de l'emploi, avec vous, et son maintien, grâce à la loi Mallié.

Le comité de suivi félicite le Gouvernement pour la rapidité avec laquelle il a publié les textes d'application. Le premier Puce a été créé dès novembre 2009.

Mme Annie David, rapporteure.  - Pour Plan-de-Campagne, bien sûr !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Vous préféreriez la mise au chômage de ses 1 000 salariés ? Remarquez que je ne parle pas des consommateurs mais des salariés, qui empochent ainsi un salaire complémentaire.

Le comité constate qu'il n'y a pas eu explosion de la demande : seulement huit nouvelles communes ont fait valoir leur intérêt touristique. La lecture des arrêtés de classement montre que l'instruction des demandes a été rigoureuse. Le comité appelle les partenaires sociaux à négocier de bonne grâce et il constate la réalité de la protection dont bénéficient les salariés.

C'est un comité parlementaire qui dit cela, pas le Gouvernement !

Si recul il y a, il sera imputable à votre texte. C'est pourquoi je soutiens le renvoi en commission.

À la demande de la commission, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 342
Majorité absolue des suffrages exprimés 172
Pour l'adoption 165
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements à gauche)

Rappels au Règlement

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je veux faire un rappel au Règlement.

M. Philippe Dallier.  - Sur quel fondement ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'article 36. Je regrette la hargne de nos collègues de droite, qui ont multiplié les attaques ad hominem, l'agitation et l'agressivité, comme si nous étions dans un meeting de l'UMP. Tout cela pour défendre une politique de chômage, de bas salaires et d'emplois précaires !

M. Michel Delebarre.  - Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La procédure a été respectée, le délai de deux semaines pour la consultation des partenaires comme les autres.

Intéressez-vous plutôt au fond !

M. Hervé Maurey.  - Rappel au Règlement sur le même fondement. Que va devenir le texte sur les ouvrages d'art ? Il y a un problème d'organisation du travail depuis le changement de majorité... (Applaudissements sur les bancs UMP ; protestations à gauche)

Après quatre heures de débat sur la proposition de loi relative au travail du dimanche au lieu des deux prévues, nous n'avons pas encore commencé la discussion des articles.

Quelle mauvaise gestion du travail depuis septembre ! Souvenez-vous des péripéties autour de la proposition de loi Sueur. Je suis préoccupé par ces méthodes. Si c'est cela la nouvelle gouvernance !

Le travail en commission a été bâclé.

Mme Annie David, rapporteure.  - Non : elle a perfectionné le texte !

M. Hervé Maurey.  - Une partie de mon groupe était prête à adopter le texte sur les ouvrages d'art, en dépit du travail déjà bâclé en commission. Aujourd'hui le temps est écoulé... Quand allons-nous y revenir ?

Mme la présidente.  - Je vous propose de renvoyer à la Conférence des présidents qui va se réunir à 19 heures le soin de trouver une solution.

M. Philippe Dallier.  - Rappel au Règlement sur l'utilisation des rappels au Règlement. Madame Borvo Cohen-Seat, vous êtes très forte pour exposer votre point de vue à l'occasion de prétendus rappels au Règlement. Épargnez-nous le et nous gagnerons du temps.

M. François Rebsamen.  - Il est paradoxal d'accepter l'ordre du jour en Conférence des présidents, pour le contester en séance publique.

Nous sommes ici pour échanger et pour débattre. Lorsque nous étions dans l'opposition, nos propositions de loi n'attiraient personne sur vos bancs ; seul un scrutin public final compensait cette désertion de l'hémicycle.

Faisons vivre la démocratie, dans le respect. Nous avons entendu le ministre défendre longuement ses arguments, les auteurs de la proposition aussi : quoi de plus normal ?

Pendant l'examen du PLFSS l'an dernier, le changement de Gouvernement a complètement désorganisé notre travail...

Mme Annie David, rapporteure.  - Je demande à M. Maurey de modérer ses propos. Je n'accepte pas qu'il prétende que nous avons bâclé notre travail. Nous avons examiné chaque amendement. Les membres de l'UMP n'ont pas voulu y prendre part. C'est leur choix. Avoir amélioré le texte initial est à l'honneur de notre commission. Retirez vos propos ! Le travail a été mené correctement. Il est inadmissible de prétendre le contraire.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Souffrez que nous pensions différemment !

Mme Isabelle Debré.  - Non, le travail n'a pas été accompli correctement. Aucune audition n'a eu lieu.

Mme Annie David, rapporteure.  - Pour la loi Mallié non plus !

Vos propos sont mensongers et méprisants pour les collègues de la commission.

Mme Isabelle Debré.  - Le travail en commission n'a pas été fait correctement : aucune audition, pour un problème de société aussi important. Comme on nous avait annoncé que l'avis serait défavorable à nos amendements de suppression, nous ne voyions donc pas l'intérêt de débattre.

J'ai été une rapporteure heureuse de la loi de 2009, discutée devant un hémicycle presque comble, dans le respect et sans invectives comme aujourd'hui... (Applaudissements à droite)

M. Xavier Bertrand, ministre.  - M. Rebsamen l'a dit : on a pris le temps aujourd'hui, comme sur le PLFSS, dont l'examen s'est achevé à 3 heures du matin.

Je ne dirais rien de l'organisation du travail en commission mais il a permis que la facture ne soit encore plus salée pour les salariés : 250 000 au lieu de 260 000 seront concernés.

Mme la présidente Borvo a parlé de hargne, d'agressivité, mais si ce texte est adopté en l'état, vous devrez affronter la colère des salariés.

Vous avez voté dans le PLFSS la suppression des exonérations de charges sur les heures supplémentaires : 9 millions de salariés sont visés.

Dans les zones touristiques, chaque salarié concerné verra son revenu amputé d'au moins 250 euros par votre texte, qui opère un scandaleux recul.

C'est pourquoi j'espère qu'il ne sera pas adopté. (Applaudissements à droite)

M. François Rebsamen.  - Rappel au Règlement, puisque le ministre m'a cité !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Ce n'est pas un fait personnel...

M. François Rebsamen.  - Deux conceptions différentes s'affrontent ici... et cela n'ira pas en s'arrangeant dans les mois à venir.

Pour nous, l'article premier de la loi Tepa est une erreur économique, majeure en ce temps de crise, car il empêche de lutter contre le chômage.

Nous allons continuer à déposer des propositions de loi pour aller vers la justice fiscale et sociale. Nous le ferons respectueusement mais fermement. Mais peut-être devons-nous mieux maîtriser nos interventions, dans leur durée.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - La justice sociale et la justice fiscale sont mises à mal par la nouvelle majorité sénatoriale ! Monsieur Rebsamen, vous êtes pragmatique, dit-on, dans votre ville, pourquoi ne l'êtes-vous pas ici ? On ne recrutera jamais une personne pour quelques heures de travail supplémentaire. Le travail n'est pas un gâteau qui se partage comme le pensaient les tenants des 35 heures qui ont failli tuer l'économie française.

Ce ne sont pas des millionnaires qui font des heures supplémentaires, mais des ouvriers et des employés qui ne prennent le travail de personne, alors que les 35 heures leur ont déjà interdit de gagner plus.

Votre esprit de revanche est déplaisant. Vous n'êtes cependant pas encore aux affaires, car les Français commencent à ouvrir les yeux ! (Applaudissements à droite)

M. Didier Guillaume.  - Merci, madame la présidente de la commission. On peut, au Sénat, déposer des textes et en débattre.

Mme Isabelle Debré.  - Dans le respect !

M. Didier Guillaume.  - Il n'est pas le monopole d'un camp !

Nous n'avons pas d'esprit de revanche. Si une nouvelle majorité arrive aux affaires, ce ne sera pas pour détricoter vos lois, mais pour retisser du lien social et remettre de la justice. (Protestations à droite) Nous n'avons pas fait les mêmes choix politiques. Avec cette proposition de loi, nous pensons à tous les salariés obligés de travailler le dimanche sans gagner plus.

Nous ne voulons pas interdire le travail du dimanche, mais empêcher qu'il ne devienne la règle.

Nous devrons saisir la Conférence des présidents de la façon dont se déroulent les débats dans les espaces réservés, car ils décrédibilisent la Haute assemblée -et ce n'est pas l'ombre depuis septembre, contre la lumière avant ! Ne nous faites pas des procès d'intention. Nous avons des responsabilités partagées, chacun est libre de présenter des propositions de loi ! (Applaudissements à gauche)

Abrogation du conseiller territorial

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial.

Discussion générale

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteure de la proposition de loi.  - Cette proposition de loi a été inscrite dans les temps et examinée en toute sérénité par la commission des lois.

M. Michel Delebarre.  - Exact !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteure de la proposition de loi.  - Je me réjouis que cette proposition de loi ait réuni toute la gauche sénatoriale. Le débat sur la réforme de 2010 a été fort durant la campagne sénatoriale, car l'intercommunalité forcée et le conseiller territorial ont pesé lourd dans le basculement du Sénat. C'est que l'existence des communes et départements était menacée ; les élus humiliés ont réagi... Le nouveau mandat du conseiller territorial devait être la « clé de voûte » de la réforme. Quid de notre tradition d'autonomie communale et de décentralisation ? Un projet de loi a modifié les calendriers électoraux pour permettre d'appliquer la réforme en 2014... avant même que le Parlement n'ait discuté la création de ce nouveau mandat.

La mission Belot n'a débouché sur aucun accord. Les critiques de cette réforme sont vives. Ainsi, 52 % des maires considèrent la création du conseiller territorial comme une mauvaise chose.

Les lois de 1982 et 1983 accroissaient la liberté des collectivités territoriales. Celle de 2010 instaure des tutelles ! Les Français sont attachés à la proximité. Or, le nombre des élus diminue et ils seront plus éloignés de la population.

Le mode de scrutin était renvoyé à un autre texte. Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours marquera la fin de la parité, alors que le scrutin proportionnel dans les régions avait permis de l'installer. Vous avez programmé la fin de la parité, pourtant objectif constitutionnel depuis 1999.

Le projet de loi initial renvoyait à une ordonnance la répartition des conseillers par département. En créant un bloc d'élus siégeant au conseil général, mais rattachés à la région, vous méconnaissez la spécificité des départements. Région et départements ; intercommunalité et communes : dans chaque groupe, l'une des deux collectivités est vouée à disparaître...

Avec votre réforme, l'effectif de certaines assemblées deviendrait pléthorique, exigeant des travaux d'aménagement au coût l'emportant sur les économies attendues. Il n'y a pas d'étude d'impact véritable. Seul un tour de passe-passe a permis au texte d'aboutir en CMP et d'être promulgué.

Les élus locaux ont récusé votre réforme, faite pour les grands groupes qui feront leurs choux gras des missions que les collectivités ne pourront plus assumer. En abrogeant le conseiller territorial, la majorité sénatoriale permettra à notre assemblée de jouer son rôle constitutionnel, légiférant dans l'intérêt des collectivités et de leurs habitants. (Applaudissements à gauche)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois.  - Le temps est venu de ramener un peu de calme et de sérénité dans le paysage local, après ce que je qualifie de « paquet territorial » associant la réforme de la taxe professionnelle, les nouveaux schémas territoriaux et la création du conseiller territorial.

Que cache tout cela ? Quel est cet être hybride, qui précède... la suppression des départements ? Il faut au moins un débat clair ! Vos arrière-pensées suscitent bien des angoisses et des inquiétudes.

Nous avons des désaccords, mais aussi une différence de méthode : nous préférons la concertation au passage en force du Gouvernement. Les élus de l'ancienne majorité sénatoriale ont même vu les députés et le Gouvernement escamoter une partie de leurs propositions.

Nous voulons une remise à plat. La proposition de loi Sueur laisse à chacun le soin de s'engager dans l'intercommunalité en toute connaissance de cause. Nous supprimons aujourd'hui le conseiller territorial et demain, à l'occasion des états généraux des élus locaux, nous voulons préparer une réforme qui s'appuie sur une réflexion globale, une mobilisation de tous les élus locaux pour construire l'avenir au lieu de demeurer dans l'attente.

Préservons notre système politique de cet OGM qu'est le conseiller territorial. L'enfant ne pouvait survivre vu les conditions de sa conception...

Les arguments avancés en faveur du conseiller territorial étaient tous d'ordre économique, mais ils ne résistent pas à l'examen ! Le Gouvernement avait promis d'abords 70 millions d'euros d'économies, ramenés à 45 -plutôt une quinzaine en réalité, puisque vous avez dû augmenter le nombre d'élus sous la pression du Conseil constitutionnel. Résultat : l'aménagement des hémicycles atteindrait 600 millions d'euros.

M. Bruno Sido.  - Au moins !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Certaines assemblées accueilleront plus de 300 élus !

En créant un conseiller territorial, à la jointure de la région et du département, vous prétendiez résoudre des problèmes de compétences. Si ces problèmes existent, réglons-les. En tout cas le conseiller territorial ne le fera pas ! On nous accuse de mettre à bas la réforme de la décennie et on nous oppose l'exigence démocratique : est-il plus démocratique de voter une fois au lieu de deux ? Sur quel bilan et quel programme ? Que deviendra la proximité ? Les maires des petites communes ont bien compris les conséquences de la création du conseiller territorial avec l'extension de la circonscription.

Parité ? La proportionnelle dans les conseils régionaux l'a fait progresser. Le seul moyen de la faire avancer encore, c'est de modifier les règles applicables aux partis politiques, mais je n'aurai pas la cruauté de rappeler les pénalités financières infligées à certains, plutôt à droite...

Le conseiller territorial n'est pas la bonne solution : après deux censures du Conseil constitutionnel et trois lectures dans chaque assemblée, il n'a toujours pas convaincu. Il est temps de mettre fin à cette situation ubuesque.

« Je suis oiseau, voyez mes ailes, je suis souris, vivent les rats », selon la formule attribuée à une chauve-souris par La Fontaine. Aujourd'hui, mieux vaut se débarrasser de cet étrange animal hybride.

Je proposerai un amendement rédactionnel. J'espère que le Gouvernement par respect pour le Sénat, inscrira le texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale... (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - En raison de la Conférence des présidents, et pour permettre au président de la commission des lois d'entendre la réponse du ministre, je vais suspendre la séance.

La séance est suspendue à 19 h 25.

*

*          *

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

Conférence des présidents

M. le président.  - Voici les conclusions de la Conférence des présidents.

DU JEUDI 17 NOVEMBRE 2011 AU MARDI 6 DÉCEMBRE 2011 :

Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2012.

En outre,

MARDI 22 NOVEMBRE 2011

À 9 heures 30 :

Questions orales.

MERCREDI 23 NOVEMBRE 2011

Le soir :

Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

JEUDI 24 NOVEMBRE 2011

À 15 heures :

Questions d'actualité au Gouvernement.

MERCREDI 30 NOVEMBRE 2011

À 14 heures 30 :

1°) Désignation des 36 membres de la commission sénatoriale de contrôle de l'application des lois.

2°) Désignation :

- des 18 sénateurs membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ;

- des 36 membres de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ; de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ; et de la délégation sénatoriale à la prospective ;

- et des 21 membres de la délégation à l'outre-mer désignés à la représentation proportionnelle, les 21 sénateurs d'outre-mer étant membres de droit.

JEUDI 1ER DÉCEMBRE 2011

À 15 heures :

Questions d'actualité au Gouvernement.

MERCREDI 7 DÉCEMBRE 2011

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe RDSE :

1°) Proposition de loi visant à étendre l'obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité, présentée par Mme Françoise Laborde et les membres du groupe RDSE.

2°) Proposition de loi visant à punir d'une peine d'amende tout premier usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants, présentée par M. Gilbert Barbier et plusieurs de ses collègues.

À 18 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

3°) Débat préalable au Conseil européen du 9 décembre 2011.

JEUDI 8 DÉCEMBRE 2011

De 9 heures à 13 heures :

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

1°) Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif.

De 15 heures à 19 heures :

Ordre du jour réservé au groupe SOC-EELVr :

2°) Proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non-ressortissants de l'Union européenne résidant en France.

À 19 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

3°) Suite de la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non-ressortissants de l'Union européenne résidant en France.

VENDREDI 9 DÉCEMBRE 2011

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

Proposition de loi garantissant le droit au repos dominical, présentée par Mme Annie David et plusieurs de ses collègues.

Semaines réservées par priorité au Gouvernement.

MARDI 13 DÉCEMBRE 2011

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales.

À 14 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.

3°) Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

4°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2011.

De 17 heures à 17 heures 45 :

5°) Questions cribles thématiques sur la compétitivité.

À 18 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

6°) Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.

MERCREDI 14 DÉCEMBRE 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

JEUDI 15 DÉCEMBRE 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30 :

1°) Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

À 15 heures et le soir :

2°) Questions d'actualité au Gouvernement.

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

3°) Suite de l'ordre du jour du matin.

ÉVENTUELLEMENT, VENDREDI 16 DÉCEMBRE 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

LUNDI 19 DÉCEMBRE 2011

À 15 heures et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée.

2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi organique relatif à la limite d'âge des magistrats judiciaires.

Ordre du jour fixé par le Sénat :

3°) Sous réserve de son dépôt, proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat.

MARDI 20 DÉCEMBRE 2011

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales.

À 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République socialiste du Vietnam relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure.

3°) Projet de loi autorisant l'approbation du protocole additionnel à l'accord relatif aux rapports intellectuels et artistiques du 19 décembre 1938 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République hellénique.

4°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la ratification de l'accord monétaire entre la République française et l'Union européenne relatif au maintien de l'euro à Saint-Barthélemy, à la suite de son changement de statut au regard de l'Union européenne.

5°) Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2012.

6°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs.

MERCREDI 21 DÉCEMBRE 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

1°) Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

2°) Suite du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs.

JEUDI 22 DÉCEMBRE 2011

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite de l'ordre du jour de la veille.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Abrogation du conseiller territorial (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen de la proposition de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial.

Discussion générale (Suite)

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.  - (Applaudissements à droite) Les semaines se suivent et se ressemblent. Je suis toujours à la disposition du Parlement, toujours heureux de m'exprimer à cette tribune, mais je m'interroge sur l'utilité de ce texte. Une nouvelle fois, la majorité territoriale a voulu revenir sur la réforme territoriale.

Je viens toujours ici avec bonheur...

M. Michel Delebarre.  - Merci !

M. Philippe Richert, ministre.  - Enseignant de formation, j'ai le goût de la pédagogie, de l'effort, de la répétition. Mais tout de même... Après l'intercommunalité, la majorité réitère avec le conseiller territorial. J'aimerais vous convaincre une ultime fois qu'il est une réponse adaptée aux défis que doivent relever nos territoires.

Une remarque tout d'abord. Le rapporteur supprime des dispositions importantes du code électoral, dont les effets secondaires sont indésirables : il abroge les sanctions pour non-respect de la parité lors des élections territoriales. Il abroge aussi la disposition d'avril 2011, par laquelle une candidature n'est recevable qu'à condition qu'un mandataire ait été préalablement désigné : c'est pourtant le bon sens ! Il sera aussi moins facile au suppléant d'accéder au mandat, ce qui nuit à la parité. (Mme Bernadette Bourzai et M. Jean-Jacques Mirassou s'esclaffent)

L'amendement abroge enfin la disposition qui permettait à un conseiller général nommé défenseur des droits de se faire remplacer par son suppléant. Tout cela montre pour le moins de la précipitation...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Que n'avez-vous amendé le texte !

M. Philippe Richert, ministre.  - Sur l'intercommunalité, nous avons siégé douze heures.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'était passionnant !

M. Philippe Richert, ministre.  - Je suis naturellement totalement disponible, mais j'aimerais que l'ordre du jour fût plus lisible. Je vois dans tout cela la volonté de revenir sur des débats clos il y a moins d'un an : est-ce opportun ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Non, surtout à l'heure actuelle !

M. Philippe Richert, ministre.  - Le calendrier interdit toute solution simple. Nous aurions pu, nous aurions dû nous entendre sur la proposition de loi Sueur, d'autant qu'elle faisait écho au texte proposé par M. Pélissard ; mais elle a été dénaturée.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - M. Pélissard a dit que nos textes étaient convergents !

M. Philippe Richert, ministre.  - La marque de fabrique de la Haute assemblée a toujours été d'aborder les sujets importants dans un esprit de responsabilité. Certes, la majorité sénatoriale a le droit de s'opposer au Gouvernement...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le devoir !

M. Philippe Richert, ministre.  - Sa légitimité n'est pas contestable.

M. Ronan Kerdraon.  - Cela va mieux en le disant !

M. Philippe Richert, ministre.  - Mais elle préfère les positions de principe et refuse le débat. Plus les semaines passent et plus les hommes de bonne volonté ont du mal à se rejoindre pour faire avancer la décentralisation, qui est devenue un bien commun, qui n'est plus ni de droite, ni de gauche (on en doute sur les bancs socialistes) et qui mérite mieux que ces postures.

Le Gouvernement reste malgré tout dans une attitude constructive. Il est prêt à discuter de la mise en oeuvre de la réforme, mais l'ouverture n'est pas le renoncement. Devant les maires de Haute-Savoie, le président de la République a dit sa ferme volonté d'appliquer la réforme territoriale, tout en étant ouvert au dialogue sur ses modalités.

L'instauration du conseiller territorial apportera plus de lisibilité démocratique et rapprochera les élus des électeurs, dans des cantons rééquilibrés. La représentation des territoires qui composent chaque département et chaque région est préservée.

On dit qu'un élu à la fois départemental et régional serait hybride. J'ai donc été un être hybride (« Oui ! » à gauche) et il y en a encore à gauche ! (« Oui ! » à droite) Je les salue !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Nous avons des noms !

M. Philippe Richert, ministre.  - Le conseiller territorial pourra sans difficulté travailler à la fois pour la région et le département. Les responsables d'associations, maires, chefs d'entreprise, particuliers auront un interlocuteur unique.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Et le cumul des mandats ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Que de temps gagné ! Que de simplifications !

M. Jean-Luc Fichet.  - Mais non !

M. Philippe Richert, ministre. - Même les maires ont parfois du mal à savoir qui fait quoi, du département ou de la région. Rationaliser le millefeuille, telle est l'utilité de cette réforme soutenue par les Français. (On le conteste vivement à gauche)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - C'est beau comme du Sully Prudhomme !

M. Philippe Richert, ministre.  - Les interventions des départements et régions deviendront plus complémentaires et non concurrentes. Le conseiller territorial ne pourra se contredire d'une enceinte à l'autre. (Mouvements divers à gauche) Le contestez-vous ? Je n'imagine pas que cela ait pu arriver...

Les compétences des niveaux de collectivités seront clarifiées tandis que les capacités d'initiative locale sont préservées. Le rapport Peretti va dans ce sens envisageant de nouveaux schémas d'organisation entre collectivités, laissant place aux spécificités locales et l'expérimentation. Je suis prêt à y travailler. Une remise à plat sera sans doute nécessaire pour parachever notre architecture territoriale.

Le conseiller territorial est à cet égard indispensable, moteur de la dynamique de convergence et de cohérence ; le supprimer serait revenir en arrière alors que nous avons plus que jamais besoin d'innover pour optimiser la dépense publique.

En ces temps de crise, qui exigent des efforts de la part de tous, nous ne pouvons fléchir dans notre volonté de réforme. Président de la République et Gouvernement se battent pour sauver notre modèle social. Les collectivités ne peuvent s'exempter de l'effort de rationalisation des dépenses publiques. La création du conseiller territorial permettra des gains de productivité : je pense à l'entretien des collèges et lycées, de la restauration scolaire. (M. Yves Daudigny le conteste)

J'ajoute que des élections territoriales regroupées feront économiser 111 millions d'euros à chaque scrutin. (On s'indigne de l'argument à gauche)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Le plus simple serait de supprimer les élections ! 

M. Philippe Richert, ministre.  - J'aurais d'ailleurs pu invoquer l'article 40. (Marques d'amusement sur les bancs UMP)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Supprimez le droit de vote !

M. Philippe Richert, ministre.  - Les élections ont un coût.

On parle ici et là du coût de construction de nouveaux hémicycles des régions, mais les estimations sont infondées. Pour preuve les exemples de l'Alsace ou du Limousin. En Alsace, notre démarche est spécifique : les conseils généraux et régional seront réunis en une collectivité unique. Cette réforme a été votée par le conseil régional à l'unanimité.

Voix à droite.  - Les socialistes sont mieux, là-bas !

M. Philippe Richert, ministre.  - Au conseil général à Colmar ou au conseil régional à Strasbourg, nos hémicycles offrent suffisamment d'espace pour réunir la nouvelle assemblée, sans dépenses supplémentaires. Et l'on parle d'1 milliard !

Vous ai-je convaincu de la légitimité du conseiller territorial ? (Marques répétées de dénégation à gauche) Je vais m'y efforcer.

Le Parlement s'est souverainement prononcé à deux reprises, en 2010 et 2011. Le Conseil constitutionnel a clairement validé la création du conseiller territorial et le tableau de répartition par département et par région. Pour ma part, j'ai le plus grand respect pour ses décisions. Le Conseil a écarté tous les arguments des opposants au conseiller territorial dans sa décision du 9 novembre 2010. La création de ce dernier n'entraîne pas la tutelle d'une collectivité sur une autre ; le seuil de quinze conseillers territoriaux a été validé, qui sauvegarde la représentation des territoires ruraux, et le Conseil n'a rectifié le tableau qu'à la marge ; le conseiller territorial ne porte pas atteinte à la parité. (Exclamations à gauche) Les conseillers territoriaux pourront être remplacés par leur suppléant pour quelque cause que ce soit, contrairement aux conseillers généraux. Combinée à l'article L. 210-1 du code électoral, cette dernière disposition permet à davantage de femmes d'accéder à un mandat.

Mme Natacha Bouchart.  - Quel progrès !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Les femmes : des suppléantes !

M. Philippe Richert, ministre.  - Mais le rapporteur a supprimé une disposition importante qui favorisait la parité, fondement d'une démocratie locale modernisée.

Le Conseil constitutionnel a jugé en outre, dans sa décision du 21 juillet 2011, que l'égalité devant le suffrage devait s'apprécier au sein de la région et non au plan national, et que le conseiller territorial ne portait pas atteinte au corps électoral des sénateurs.

Restent les points qui font l'objet du projet de loi 61. Le Gouvernement est ouvert à la discussion. Nous avons jusqu'à mars 2013 pour parachever cette réforme.

Le Gouvernement ne peut être favorable à un texte qui met à mal la modernisation des collectivités territoriales ; il entend tenir le cap. La majorité est dans le symbole plus que dans l'action. C'est une occasion ratée de faire vivre une oeuvre commune, celle de la République décentralisée. (Vifs applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous en avez raté tant !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Votre enthousiasme et votre fougue, monsieur le ministre, étaient-ils à ce point nécessaire si le conseiller territorial a les vertus que vous dites ? Ce n'est pas par négligence que nous avons voulu abroger les dispositions que vous avez citées, mais par choix : le relèvement du seuil des inscrits pour se maintenir au second tour ne faisait pas l'unanimité et ne garantissait pas le pluralisme ; les sanctions pour non-respect de la parité ne s'appliqueront qu'aux conseillers territoriaux, il fallait les supprimer. Quant à la parité... Tout votre raisonnement repose sur l'hypothèse que les suppléants ne sauraient être que des femmes ! (Applaudissements à gauche) Le rapport de Mme André au nom de la commission des finances relève que l'UMP, formation qui ne vous est pas totalement étrangère, devra reverser à l'État, pour non-respect de la parité, 4 millions d'euros -500 000 euros pour le parti socialiste, 67 000 euros pour le parti communiste ; les chiffres parlent d'eux-mêmes ! (Vifs applaudissements à gauche).

M. Philippe Richert, ministre.  - Il me faudra reprendre la parole tout à l'heure pour répondre.

M. Jacques Mézard.  - Si le rendez-vous fut manqué, c'est que vous posâtes un lapin aux collectivités locales... Il est logique que le message des grands électeurs ait une traduction législative au Sénat, maison des collectivités. Il est logique que notre Haute assemblée débatte, en priorité, de la manière de ramener la sérénité dans nos territoires, en supprimant cette créature hybride qu'est le conseiller territorial. Il est logique que le Sénat proteste des mauvaises manières qui lui ont été faites, pour parvenir à arracher un vote dans des conditions qui ne méritent pas de rester dans les annales parlementaires. Vous avez provoqué l'opposition sénatoriale et l'avez rendue majoritaire...

Le travail de la mission Belot-Gourault-Krattinger a été déconsidéré. Sur le mode de scrutin et l'amendement About, sirop indispensable pour amadouer les Centristes et faire avaler la pilule qui a suivi du scrutin uninominal à deux tours, vous vous êtes dédits... On attend toujours le débat public sur le projet de loi n°61... Et j'en passe ; tout cela mérite de trépasser.

Simplifier l'architecture et le fonctionnement des collectivités locales, voilà qui devrait nous rassembler. Mais le conseiller territorial n'est qu'un instrument électoral, de nature à modifier l'équilibre politique actuel, en particulier dans les régions. (Exclamations sur les bancs UMP) Du rapport Balladur à la loi de 2010, il y a un abîme ! Là-dessus se greffent la suppression de la taxe professionnelle et la perte d'autonomie fiscale des régions : la cible était bien identifiée...

Le 20 octobre 2009 à Saint-Dizier, le président de la République disait qu'il n'était pas l'homme des rapports enterrés, qu'une place devait être réservée aux petits partis dans les conseils généraux et régionaux en attribuant une partie des sièges à la proportionnelle, que la parité serait respectée... Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent ! Résultat ? Des assemblées régionales pléthoriques et ingérables -au moment où vous réduisez le nombre de conseillers communautaires ! Vous institutionnalisez le cumul des mandats ! Avec des contraintes de déplacement considérables -entre le nord de l'Allier et le sud de la Haute-Loire par exemple. (Exclamations, sur les bancs UMP, couvrant un instant la voix de l'orateur)

Puis-je continuer ? Je n'oublie pas la parité foulée aux pieds.

Votre prédécesseur, monsieur le ministre, a dit que le chevauchement des compétences coûte 20 milliards d'euros.

M. Philippe Richert, ministre.  - Non ! C'est René Dosière qui le dit !

M. Jacques Mézard.  - J'ai ici le compte rendu des débats. Le Gouvernement ne simplifiera rien. Le conseiller territorial sera partout et nulle part.

Voix à droite.  - Est-ce votre proposition de loi ?

M. Jacques Mézard.  - Je l'ai cosignée et nous la voterons, car nos collectivités méritent mieux : elles le savent et elles l'ont dit ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Patrick Courtois.  - (Applaudissements à droite) La réforme territoriale était indispensable. C'est la première étape d'une nouvelle organisation institutionnelle. Le président de la République l'a voulue, le Parlement en a longuement débattu, et nous-mêmes pendant plus de 120 heures.

Outre le rapport Balladur, il y eut les rapports Mauroy, Pébereau, Lambert, Attali, Belot...Tous ont souligné la fragmentation de notre paysage institutionnel et l'enchevêtrement des compétences. Voilà le fondement de notre réforme courageuse, que vous voulez détricoter. Je m'étonne d'ailleurs de ce saucissonnage : vous rejetez le texte en bloc, mais proposez la suppression du conseiller territorial après avoir refondu l'intercommunalité. Avez-vous compris la cohérence de la réforme ?

Près de trente ans après les premières lois de décentralisation, nous avons voulu ouvrir une nouvelle ère. Le temps de la centralisation et de l'uniformité est révolu. En 1946, les collectivités territoriales furent reconnues dans la Constitution. L'Histoire retiendra que c'est le président Mitterrand, en 1982, qui a engagé la décentralisation, mais c'est la droite et le centre qui, en 1995, en ont tiré les conséquences pour l'aménagement du territoire, qui en 2003 ont inscrit dans la Constitution le principe de la République décentralisée, puis ceux de subsidiarité et d'autonomie financière (Applaudissements à droite)

M. Alain Bertrand.  - C'est la faillite de l'autonomie !

M. Jean-Patrick Courtois.  - La décentralisation a libéré les énergies, créé une démocratie de proximité. C'est en réformant nos structures territoriales que nous renforcerons la démocratie locale. On a entendu des idées fantaisistes : supprimer les départements, regrouper les régions, fusionner les communes... Il n'en a jamais été question !

Notre réforme refonde la démocratie locale autour de deux pôles : les régions et départements d'un côté, les communes et intercommunalités de l'autre. Le département, biséculaire, a vu ses compétences s'accroître et reste un soutien indispensable aux communes rurales ; quant à la région, c'est la plus jeune des collectivités : elle a vocation à conduire des politiques structurantes.

Fallait-il choisir entre les deux niveaux de collectivités ?

M. Bruno Sido.  - Non !

M. Jean-Patrick Courtois.  - Le Parlement a fait un choix simple et ambitieux : le conseiller territorial siégera à la fois dans les assemblées régionales et départementales. Souvenons-nous de la Grèce, où les mêmes personnes traitaient de toutes les questions locales sur l'agora !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - C'est beau comme l'antique !

M. Jean-Patrick Courtois.  - Le conseiller territorial engage le chantier de la simplification. Il est porteur d'une double mission, régionale et départementale. Il favorisera la complémentarité au lieu de la redondance. Il sera l'interlocuteur unique !

Créer le conseiller territorial, c'était faire le pari de l'intelligence des territoires. La région y trouvera un surcroît de légitimité, alors qu'elle souffre aujourd'hui d'un manque de lisibilité, donc de légitimité. Qui connaît son conseiller régional aujourd'hui ?

M. Bruno Sido.  - C'est bien vrai ! (On renchérit sur les bancs UMP)

M. Jean-Patrick Courtois.  - Que propose Terra Nova ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce club de réflexion n'engage pas le Parti socialiste !

M. Jean-Patrick Courtois.  - Votre seul credo, c'est de ne rien changer et Terra Nova propose de revenir au scrutin de liste, avec conseillers régionaux et généraux, bref de ne rien changer.

Sous prétexte de parité, le Parti socialiste veut maintenir ses apparatchiks. (On le confirme et applaudit sur les bancs UMP) quand nous voulons rendre les conseillers territoriaux audibles, visibles et en prise avec les problèmes des Français.

Pour le scrutin départemental, Terra Nova propose des solutions irréalistes ou qui favorisent outrageusement le Parti socialiste. Elles privilégieraient aussi les intercommunalités au détriment des communes. Mais si l'intercommunalité doit apporter de meilleurs services publics, la commune demeure au centre de notre organisation. Terra Nova, ou plutôt le Parti socialiste...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela n'a rien à voir !

M. Alain Bertrand.  - Qu'est-ce que Terra Nova ?

M. Jean-Patrick Courtois.  - ...prône un système qui permet toutes sortes de combinazione sur le dos des électeurs.

Le pire service que nous pourrions rendre à la décentralisation serait de revenir en arrière, car des institutions trop complexes découragent les bonnes volontés.

Revenir sur cette réforme au nom d'intérêts particuliers serait regrettable. La création du conseiller territorial doit être maintenue, sa suppression serait une farce digne d'un grand prestidigitateur ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe UMP se lèvent et applaudissent)

M. Philippe Adnot.  - Je vais voter ce texte parce que l'honneur d'un parlementaire est de voter en son âme et conscience. (On s'étonne à droite ; on applaudit à gauche) Mes amendements ont parfois été soutenus à gauche !

Les élus locaux ont changé la majorité au Sénat - mais c'est déjà oublié, dirait-on ! N'y a-t-il aucun rapport avec l'adoption de la réforme de 2010 à trois voix près ? Réforme douteuse, inutile, cause de divisions. (Applaudissements à gauche)

Les forces du mal sont toujours à l'heure, car on ne nous a pas dit la vérité. M. Gilles Carrez, la semaine dernière, a dit qu'en fusionnant département et région on économiserait 2,5 milliards. Y aura-t-il demain moins de routes à entretenir, d'équipements à construire ? Il y aura des états-majors, des frais de fonctionnement : vous verrez les dépenses induites ! Le Gouvernement doit remettre en cause une politique dont le bilan est dramatique : 500 milliards de plus d'endettement en quatre ans. Il n'y a rien de pire que de persévérer dans l'erreur par pur entêtement.

(Applaudissements à gauche)

M. Christian Favier.  - La création du conseiller territorial a été obtenue en 2010 au moyen d'un amendement de dernière minute, quasiment en catimini. Chacun de nous a perçu la contestation sur le terrain. Ce conseiller territorial cumulard, comment l'accepteraient-ils ?

C'est un recul démocratique et une remise en cause de la décentralisation. Les collectivités seront gérées par un nombre insuffisant d'élus.

M. Bruno Sido.  - Dans le Val-de-Marne ?

M. Christian Favier.  - Oui, 14 conseillers généraux disparaissent... Avant la disparition des départements, qui se seront mués en guichets administratifs de l'action sociale.

On sait le rôle des conseillers généraux sur le terrain. C'est une réalité et une richesse démocratique. Président d'un conseil général de département très urbanisé, je connais leur action, dans leurs permanences et les institutions, les conseils d'administration où ils siègent. La réduction de 50 % de leur nombre les transforme. Ils seront en permanence en session ! Ils représenteront à la région leur département, l'article 5 de la loi 2010 le dit bien. Ils ne pourront plus animer la démocratie locale et perdront le contact avec la vie territoriale, deviendront des gestionnaires. La proximité coûte cher disait Philippe Séguin : le Gouvernement s'en prend donc à elle... Le rôle des conseillers généraux est multiforme.

M. Jean Bizet.  - Terminez !

M. Christian Favier.  - Nous nous félicitons qu'une majorité de sénateurs se retrouvent dans notre proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Delebarre.  - Je ne reviendrai pas sur la gestation de la loi de 2010 et l'intervention du Conseil constitutionnel, qui n'a pas contribué à faciliter l'arrivée de cet élu mort-né. (On s'impatiente, à droite) J'essaierai de tenir dans mes huit minutes ; c'est vous qui allez me supplier de continuer ! (Rires)

La loi de 2010 maltraite les collectivités territoriales et marque un recul de la décentralisation. Le conseiller territorial ne respecte pas l'égalité devant le suffrage : un conseiller territorial représentera 8 000 électeurs en Limousin ou Lorraine, 29 000 dans le Nord-Pas-de-Calais, 37 800 en Île-de-France. Pourquoi faudrait-il apprécier la représentation au niveau régional ? Des considérations électoralistes ont présidé au découpage...

Cet être hybride ne manquera pas de souffrir de schizophrénie, lui qui devra passer en un seul jour du conseil régional au conseil général et réciproquement. (Exclamations à droite)

M. Michel Delebarre.  - Tempérez votre enthousiasme, je n'ai pas encore fini ! (Sourires)

Un seul élu pour divers niveaux de collectivités, c'est un recul démocratique.

Nous aurions pourtant besoin de nous rapprocher de la population pour mieux comprendre ses attentes !

Le conseiller territorial ne clarifie rien quant aux compétences respectives : il exprimerait une sorte de solidarité fonctionnelle entre région et département ? Les deux ont des vocations différentes, comme le soulignait le rapport de Mme Gourault et M. Krattinger !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est pourquoi on les garde.

M. Michel Delebarre.  - Le département est voué à la solidarité sociale et territoriale, la région à la stratégie. Si un couple existe, c'est plutôt entre le département et le bloc communal.

Proximité, prise en compte des besoins locaux valent mieux que démagogie. Le recul de la parité, l'affaiblissement de l'un des niveaux de collectivité -variable selon les territoires- nous ont également incités à soutenir cette proposition de loi, avant les états généraux annoncés par le président Bel.

C'est, mes chers collègues de droite, votre dernière chance de prendre en marche le train de la nouvelle décentralisation ! (Sourires et applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le conseiller territorial est devenu tristement célèbre. Sur ce sujet, il y a un avant et un après 25 septembre, date de basculement à gauche du Sénat, lié au rejet de la politique menée par le Gouvernement à l'égard des collectivités locales. Et ce n'est pas faute, pour vous, d'avoir été alertés par les élus locaux qui sont aussi les grands électeurs. Ce conseiller territorial est une atteinte à la libre administration des collectivités ; le mode de scrutin retenu ne peut qu'affaiblir la représentation féminine. Étant partout, cet élu ne serait nulle part. C'en serait fini de la proximité.

Le vote du 25 septembre fut une sanction à l'égard du Gouvernement. La nouvelle majorité considère aussi qu'elle a reçu un mandat pour rétablir un lien de confiance entre Parlement et collectivités territoriales. Cette détermination nous anime alors que nous entendons jeter les bases d'une nouvelle décentralisation. Les états généraux voulus par le président Bel en marqueront le début.

Pour l'heure, l'objectif est simple : mettre un frein au formidable recul démocratique de la loi de 2010. Faisons disparaître du paysage politique un élu qui n'aurait jamais dû y apparaître. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Bernadette Bourzai.  - Ce que le ministre a dit de la parité est consternant et je remercie le rapporteur de sa réponse.

Les réticences ont été nombreuses lors de la création de cet élu hors sol, personnage à deux têtes, qui marque une mise sous tutelle d'une collectivité par une autre. Mme Michèle André, pour la mission des droits des femmes et l'Observatoire de la parité, a souligné le danger d'un recul de la représentation des femmes. Avec le scrutin uninominal majoritaire, les femmes sont pénalisées. Voyez les conseils généraux : 12,3 % de femmes parmi les élus. Dans les conseils régionaux, le taux est de 48 % !

Où est l'égal accès aux fonctions électives inscrit à l'article premier de la Constitution ? La parité progressait dans la vie publique locale, comment accepter de revenir en arrière ?

« Ne vous inquiétez pas », disait votre prédécesseur, monsieur le ministre, « avec le scrutin communautaire, vous aurez les moyens de vous faire une place ». Nous devrons donc refaire nos classes ! En 1978, quand j'ai commencé en politique, en Corrèze, M. Jacques Chirac disait : « la femme corrézienne est dure à la tâche. Elle se tient debout derrière les hommes, elle les sert et elle se tait. » (M. Philippe Bas applaudit) Eh bien, nous ne nous tairons plus ! (Vifs applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial (n°88, 2011-2012).

La parole est à M. Hyest. (Encouragements sur les bancs UMP)

M. Michel Delebarre  - Courage ! (Sourires à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest.  - L'entreprise de démolition se poursuit, après une proposition de loi Sueur qui proposait initialement une modification mineure, sur laquelle un consensus aurait été possible, sur la base de la proposition de loi Pélissard. Vous avez préféré porter atteinte à la carte des EPCI et à l'intercommunalité. Heureusement, la loi continue de s'appliquer...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Les élus locaux sont heureux !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - C'est la béatitude !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Il y a certes eu des craintes des élus locaux mais ça a été instrumentalisé. La désinformation a eu son effet.

M. Michel Delebarre.  - Quelle perversité !

M. Jean-Jacques Hyest.  - C'est aujourd'hui le tour du conseiller territorial. Dans mon conseil général, nombre de mes collègues de gauche siègent aussi à la région et fustigent le cumul des mandats... (Exclamations approbatrices à droite)

Mais ce qui m'amuse le plus, c'est l'argument sur les hémicycles.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Quel rapport avec l'inconstitutionnalité ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - Vous avez construit des palais des collectivités locales. (On renchérit à droite)

MM. Bruno Sido et Rémy Pointereau.  - Guérini !

M. Jean-Jacques Hyest.  - J'étais favorable à une structure composée des couples communes-intercommunalité et départements-interdépartementalité.

M. Gérard Larcher.  - On s'en souvient.

M. Pierre Hérisson.  - À l'Assemblée nationale, déjà !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Les régions n'ont pas trouvé leur place. Elles n'ont pas de travail.

M. Michel Delebarre.  - Allons !

M. Raymond Vall.  - Vous les avez tuées !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Certains défendent la région parce qu'ils en président une. Le département est conforme à la tradition française -souvenez-vous de ce que disait là-dessus un ancien président de la République !

Vous connaissez le sort qu'a fait le Conseil constitutionnel à votre saisine sur la loi du 16 décembre. Il n'estime pas la réforme contraire à l'article 72 de la Constitution. Certains n'ont peut-être encore pas eu la décision ? (Il faut la lire ! à droite) Il a clairement dit que le conseiller territorial ne constitue pas de tutelle de la région sur les départements. Ce grief doit donc être écarté.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - En quoi la présente proposition de loi est-elle contraire à la Constitution ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je n'insisterai pas pour ne pas lasser... (Rires à droite, où l'on encourage l'orateur) Au risque de passer pour légaliste, j'avoue que j'ai toujours été choqué que certains contestent des décisions du Conseil constitutionnel. Je respecte toutes les décisions du Conseil, même lorsqu'elles ne nous conviennent pas... La question prioritaire de constitutionnalité que nous avons créée donne un pouvoir accru aux électeurs, comme la saisine par les parlementaires instaurée sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing.

M. Michel Delebarre.  - Et si l'on en venait au sujet ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - Certains ont affirmé que la réforme territoriale avait décidé du résultat des élections sénatoriales. Ce n'est pas le seul facteur.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - En quoi la présente proposition de loi est-elle contraire à la Constitution ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - Cessez de faire le perroquet ! (Rires)

Les élus régionaux, on ne les connaît pas. Je veux répondre à M. Delebarre, qui juge scandaleuse...

M. Michel Delebarre.  - Ce n'est pas dans mon vocabulaire.

M. Jean-Jacques Hyest.  - C'est l'idée.

M. Delebarre, donc, dénonce la diminution du nombre d'élus. Savez-vous que l'écart de représentation des conseillers généraux va, d'un département à l'autre, de 1 à 63 ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Plus d'un an et demi pour savoir pourquoi le texte est inconstitutionnel...

M. Jean-Jacques Hyest.  - La clause de compétence générale, comme tous les étudiants en droit le savent, n'existe pas. Certains roitelets feraient bien de le méditer.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Plus que 40 secondes pour savoir en quoi la présente proposition de loi serait contraire à la Constitution...

M. Jean-Jacques Hyest.  - Dans le texte initial de Mme Borvo, les départements se retrouvaient sans élus. J'ai bien envie de demander à la commission des finances si l'article 40 ne s'applique pas... (Brouhaha à gauche ; vifs applaudissements à droite)

M. Didier Guillaume.  - Je félicite les auteurs de cette proposition de loi, qui nous réunit si nombreux à cette heure tardive, dans une atmosphère si chaleureuse !

Oui, les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent à tous. Mais l'interprétation des auteurs de la motion est inadéquate : rien n'empêche de revenir sur une réforme validée par le Conseil constitutionnel ! Il n'appartient pas à celui-ci d'apprécier l'opportunité d'une telle décision, politique.

En outre, l'article 39 de la Constitution défend l'initiative parlementaire. La révision de 2008 devait revaloriser le rôle du Parlement : qu'il en soit ainsi !

Nous nous accordons tous sur l'intérêt que présentent les collectivités. Mais nos visions sont diamétralement opposées. La majorité sénatoriale a adopté la proposition de loi de M. Sueur, que je félicite, sur l'intercommunalité. Le présent texte est soutenu par l'ensemble des forces progressistes du Sénat. (Rires moqueurs à droite)

La création du conseiller territorial s'appuie sur un argument fallacieux : les économies qui seront réalisées, parce que les indemnités des élus représentent seulement 0,4 % du budget des collectivités ! Et le Premier ministre mentionne les « dépenses exorbitantes » des collectivités...

Le ministre nous a expliqué que la crise nous oblige, et a évoqué le coût des élections. Faible argument, vraiment, en faveur de ce conseiller territorial, qui amènera de la confusion.

Il faut clarifier les compétences, non fusionner les mandats. Millefeuille, dit M. le ministre ? Mais s'il est possible de fusionner les collectivités alsaciennes, il n'en va pas de même ailleurs.

Le conseiller territorial n'est pas adapté aux zones rurales.

Oui, il sera nécessaire de redécouper les cantons pour restaurer un équilibre démographique. Mais le conseiller général est l'élu auquel s'adressent maires, associations, acteurs économiques. Éloigner les élus des citoyens, c'est porter un coup à la démocratie locale. S'il y a bien un rendez-vous manqué, c'est celui du Gouvernement avec les élus du peuple.

Il est peu probable que cette proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Mais ce texte sera un engagement pour l'avenir : la gauche prépare l'acte III de la décentralisation.

Notre argumentation se fonde sur la Constitution, qui s'impose à tous les républicains.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - La commission est naturellement défavorable à la motion.

M. Philippe Richert, ministre.  - J'ai dit quelles conclusions il fallait tirer des décisions du Conseil constitutionnel. L'exposé de M. Hyest était brillant. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Aucun argument !

M. Philippe Richert, ministre.  - On reproche au conseiller territorial d'avoir à exercer des responsabilités régionales et départementales.

Regardons chez nos voisins. Le budget de l'ensemble des régions de France, c'est 28 milliards d'euros ; le budget d'un seul land, celui de Bade-Wurtemberg, est de 35 milliards.

Pourquoi refuser de confier des responsabilités aux collectivités, et de les réorganiser ? S'occuper à la fois du social, des collèges et des routes, des lycées et des réseaux ferroviaires de l'autre, est-ce aberrant ?

M.Michel Delbarre.  - La Bavière ne s'occupe pas à la fois de ce qui est départemental et régional !

M. Philippe Richert, ministre.  - La Bavière, c'est aussi 35 milliards de budget. Notre déficit est de 70 milliards, l'excédent de l'Allemagne de 150 milliards : regardons comment on fait ailleurs, apprenons de nos voisins ! (Applaudissements à droite)

M. François-Noël Buffet.  - Le groupe UMP fait siennes les observations de M. Hyest. Cette proposition de loi est contraire aux principes constitutionnels.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Absurde ! Vous n'avez pas un seul argument !

M. François-Noël Buffet.  - Le Conseil constitutionnel a rejeté la saisine des parlementaires de gauche sur la réforme territoriale.

De quel conservatisme fait preuve la majorité ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'indigne) On veut préserver ses acquis. Défendre les élus, c'est très bien, mais les citoyens ? Vouloir des collectivités plus efficaces est légitime. Nos concitoyens nous disent qu'ils en ont assez de l'inefficacité, du gaspillage.

M. Yves Rome.  - Scandaleux !

M. François-Noël Buffet.  - M. Rebsamen avoue lui-même qu'il s'agit surtout de roder des arguments pour M. Hollande...

Enfin, je n'ai pas entendu parler d'économies, de rationalisation. À l'occasion du PLFSS, vous avez créé dix-sept taxes ! (On le conteste à gauche)

Nous sommes nombreux ce soir, mais peut-être pas assez. C'est pourquoi, en vertu de l'article 55 du Règlement, nous demandons la vérification du quorum.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Certains arguments ont un lointain rapport avec le sujet... Faire vérifier le quorum, c'est faire perdre une heure !

Quant à l'irrecevabilité, je n'ai pas entendu un seul argument montrant l'inconstitutionnalité du texte. Je m'étonne du soutien du Gouvernement aux auteurs d'une motion qui avancent un seul argument : le Conseil constitutionnel a jugé que la création du conseiller territorial n'était pas contraire à la Constitution.

Ils en déduisent, par un vrai paralogisme, que la suppression du conseiller territorial est anticonstitutionnelle. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - En application de l'article 51, alinéa 2 bis, du Règlement, pour vérifier que la demande de quorum satisfait les conditions requises, il va être procédé à un appel nominal.

Il est procédé à l'appel nominal.

M. le président.  - Les conditions sont réunies. L'instruction générale du Bureau du 7 octobre 2009 me donne la possibilité de vérifier moi-même que le quorum est atteint, avec l'assistance de deux secrétaires du Sénat.

Il est procédé à la vérification.

M. le président.  - Le quorum n'est pas réuni.

En conséquence, je suspends la séance pour une heure.

La séance est suspendue à 23 h 55.

*

*          *

La séance reprend à minuit cinquante-cinq.

M. Didier Guillaume.  - Au nom de la majorité sénatoriale, je vous demande, monsieur le président, de consulter le Sénat pour changer notre ordre du jour de demain, afin d'avoir un peu plus de temps pour débattre cette nuit, pour ne reprendre demain qu'en début d'après-midi.

M. Bruno Sido.  - Suspension de séance, il faut en parler !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Favorable à la demande de M. Guillaume, car la discussion de ce soir est passionnante.

M. Philippe Richert, ministre.  - Le Gouvernement est à la disposition du Parlement. Sagesse.

M. François-Noël Buffet.  - Une fois de plus, nous constatons la difficulté actuelle à organiser les débats.

M. Éric Doligé.  - Ça change tout le temps.

M. François-Noël Buffet.  - Les durées des débats sont mal appréciées. On oublie les engagements pris en Conférence des présidents, on en vient à reporter le début du débat budgétaire ! Je demande une suspension de séance pour que notre groupe arrête sa position.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Ce n'est pas de droit !

M. le président.  - Je suspends la séance pour quelques minutes.

La séance, suspendue à 1 heure, reprend à 1 h 10.

M. le président.  - J'ai été saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur la poursuite de nos travaux jusqu'à leur terme.

M. François-Noël Buffet.  - Je demande la parole !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Le scrutin est ouvert.

M. le président.  - Pas encore.

M. François-Noël Buffet.  - Selon la Constitution, l'examen du projet de loi de finances et celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale sont prioritaires. Le report du début du débat budgétaire est-il possible ? En tout cas, la demande formulée devrait être votée à main levée.

M. le président.  - Le Sénat est maître de ses horaires et il n'y a pas modification à l'ordre du jour.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Seul le Bureau pourrait se prononcer !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'assemblée est souveraine.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - On affiche la volonté de décider collégialement au sein du Bureau et au premier problème, on tranche autrement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Bureau se réunit en dehors de séances, mais quand elle est en séance l'assemblée est souveraine.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Pas en scrutin public, au moins.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Il est de droit.

M. le président.  - Le Sénat a toute légitimité pour se prononcer.

M. François Zocchetto.  - La confusion s'installe dans l'organisation de nos travaux. (Protestations sur les bancs CRC)

Elle est liée à notre incapacité à prévoir la durée d'examen des propositions de loi socialistes. Cela nous donne l'impression de ne plus maîtriser les horaires ni, en conséquence, l'ordre du jour.

Un certain nombre d'entre nous sortons de la plus laborieuse Conférence des présidents... Nous avons prévu d'allonger les temps d'examen des propositions de loi -il y a un précédent, la proposition de loi Sueur nous a occupés trois fois plus longtemps que prévu. On voit bien dans quelle situation nous sommes engagés, avec des effets d'annonces électoraux plus que des discussions sur le fond.

Si toutes les propositions de loi de gauche donnent lieu à de telles dérives, nous ne pourrons plus travailler ! (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Troendle.  - Nous avons, dans le passé, lorsque l'examen durait trop, renvoyé des textes à plus tard ; nous les reprenions sereinement, à un autre moment, qui pouvait être plusieurs semaines ou plusieurs mois après.

M. Gérard Miquel.  - Nous pouvons sans conséquence démarrer un peu plus tard l'examen de la première partie du projet de loi de finances, car nous avons à étudier beaucoup moins d'amendements sur la première partie que les années passées.

M. Hugues Portelli.  - Selon l'article 47, le Sénat doit statuer sur la loi de finances dans les quinze jours. Faute de quoi le Gouvernement peut nous en dessaisir.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Pourquoi un scrutin public ? Il faut que ce soit à main levée.

M. le président.  - Le scrutin public demandé par le groupe socialiste est de droit.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 347
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 175
Contre 172

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Troendle.  - Vous êtes minoritaires ! J'espère que vous l'avez compris.

M. le président.  - Nous votons sur la motion n°1.

À la demande du groupe socialiste, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 345
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l'adoption 167
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Francis Delattre.  - Le vote est personnel. Je pense que ces scrutins auxquels participent les absents sont anticonstitutionnels.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La majorité n'a jamais voulu changer le système.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Rien dans le Règlement n'autorise un scrutin public. Nous ne sommes pas en matière législative. Nous aurions dû voter à main levée. Ce vote est entaché d'illégalité. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Notre système de vote a été deux fois validé par le Conseil constitutionnel.

Le Règlement mentionne un scrutin public de droit sans préciser la matière couverte.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°2, présentée par M. Gélard et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative à l'abrogation du conseiller territorial (n°88, 2011-2012).

M. Patrice Gélard.  - Nous voilà dans le fond même de la démocratie parlementaire : après l'irrecevabilité, la question préalable, ensuite viendra le renvoi en commission. La première se conçoit plutôt dans le domaine constitutionnel mais la commission et notre Règlement prévoient qu'elle peut s'étendre à d'autres domaines. Certains États ont mis en place des commissions visant à étudier la conventionalité, la constitutionnalité, la compatibilité avec les autres lois et règlements.

Le renvoi en commission est en quelque sorte un droit à une seconde lecture, utilisé face à un texte incomplet. Le renvoi en commission permet d'améliorer la rédaction.

Quant à la question préalable, il en existe deux sortes, l'une positive et l'autre négative. La question préalable négative consiste à refuser un texte -à l'enterrer, puisque le vote conduit à l'abandon du texte. Mais il y a aussi la question préalable positive, quand on ne veut pas voter conforme, mais qu'on souhaite simplifier le débat.

Nous employons les moyens dont nos collègues de gauche nous ont appris le maniement.

Je me demande si la majorité sénatoriale ne réalise pas un rêve qui passerait, pour faire écho à la célèbre chanson, qui cache quelque chose d'autre. Pourquoi avons-nous déposé une question préalable négative ? Parce que nous sommes l'opposition et tenons à en tenir le rôle, totalement. C'est votre jurisprudence. Mais la majorité sénatoriale ne s'est-elle pas trompée de logistique et de stratégie ? Car le Sénat ne décide pas seul et c'est le Gouvernement, ou la majorité de l'Assemblée nationale, qui décidera l'inscription à l'ordre du jour des travaux des députés. Vous faites un coup. Mais c'est le conseiller territorial qui demeurera juridiquement valable. Ne vous êtes-vous pas lancés dans une expédition dans un marécage ?

Je voterai la question préalable parce qu'elle est un de nos droits d'opposants. Et parce que le texte d'aujourd'hui ne règle pas grand-chose et n'est sans doute pas constitutionnel. Comment s'engager dans ce vide juridique ? Vous n'avez rien à nous proposer !

M. Edmond Hervé.  - Zéro, monsieur le doyen !

M. Patrice Gélard.  - Et la proposition de loi est-elle conforme à l'article 40 de la Constitution ? J'en doute. (Applaudissements à droite)

M. Yves Rome.  - Aux doutes existentiels de M. Gélard, je répondrai qu'il est urgent de supprimer cet élu hybride, hors sol, dont le vote était bien douloureux dans vos rangs. Certains d'entre vous, ici présents, pensent comme nous !

Les Français ne s'y sont pas trompés et par leurs grands électeurs, vous ont infligé un camouflet électoral, dont vous ne parvenez à vous remettre. Vos raisons de voter la question préalable n'en sont pas. Il faut voter contre. (Applaudissements à gauche)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Le Gouvernement pense que la loi de 2010 mérite d'être appliquée. Avis favorable.

L'article 48 de la Constitution fixe une priorité à la discussion budgétaire. Je comprends que vous jugiez vos propositions de loi importantes, mais l'examen du projet de loi de finances (PLF) est indispensable.

Je suis à disposition du Sénat, ai-je dit, mais d'heure en heure, le retard s'accumule. Comme sur la proposition de loi Sueur.

Je ne pourrai ouvrir tout à l'heure le congrès de l'AMF. Le Sénat et le Parlement sont prioritaires, mais je voulais vous indiquer à quel engagement je devais renoncer...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Votre discours s'adresse à votre majorité, responsable de ce retard.

M. Philippe Richert, ministre.  - Le débat devait durer quatre heures !

M. Éric Doligé.  - Rappel au Règlement sur le fondement de l'article 40. Depuis dix ans, j'ai appris les règles établies au Sénat, que les présidents Poncelet puis Larcher appliquaient. (On s'indigne sur les bancs CRC) On respectait les temps prévus pour le débat des propositions de loi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il n'y avait pas de proposition de loi.

M. Éric Doligé.  - Je ne sais ce qui s'est passé en octobre ni pourquoi on ne peut plus travailler correctement. Le Bureau a annoncé que l'opposition disposerait d'un temps équivalent pour l'examen de ses propositions de loi. Mais quand parviendrez-vous à nous restituer une telle durée ? En juin prochain, sans doute ? Cela n'est pas acceptable. Nous travaillions dans le passé dans une plus grande sérénité.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Vous avez la mémoire courte.

M. Éric Doligé.  - Quels engagements ont été pris au Bureau ? Nos propositions de loi ont-elles une chance d'être traitées équitablement ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Si nous avions un accord sur les temps d'examen, dans le passé, c'est que chacun respectait le débat et acceptait de discuter sérieusement, jusqu'au vote. La Conférence des présidents a prévu un temps d'examen des propositions de loi de l'opposition.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Rappel au Règlement. L'improvisation de notre travail me surprend et me navre.

Avec quelle légèreté balayez-vous le débat budgétaire, enserré dans un cadre constitutionnel strict !

Certains appellent la VIe République de leurs voeux : mais c'est plutôt, ce soir, le retour à la IVe !

Nous nous concentrons en outre sur un texte qui n'a aucun avenir.

Le temps de l'initiative parlementaire mange et grignote les textes d'origine gouvernementale.

J'en appelle aux Centristes et à mes collègues de l'UMP : dressons-nous !, pour qu'ensemble nous protégions la Ve République et la primauté de l'action gouvernementale. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Catherine Troendle.  - Le doyen Gélard a été clair. Comme le ministre, nous nous interrogeons sur l'utilité de ce texte. Vous recherchez surtout une tribune politicienne à l'approche du congrès des maires. Il y a peu, l'intercommunalité, aujourd'hui, le conseiller territorial. Votre méthode ne correspond pas à ce qu'attendent les Français des responsables politiques. Il faut attendre que la réforme entre en application pour y revenir si nécessaire.

La marque de fabrique du Sénat, c'était le débat équilibré et respectueux, le sérieux, sans confusion des rôles. Je commence à douter des intentions de la nouvelle majorité.

Le conseiller territorial, réponse adaptée aux difficultés des territoires, est un élu légitime de notre République et nous ne pouvons accepter une proposition de loi qui vise essentiellement à mettre à mal la loi de 2010.

Je comprends et partage vos préoccupations sur les compétences. Mais que proposez-vous ? Vos idées sont peut-être inavouables au grand public ?

Nous voterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

M. Alain Bertrand.  - Si les citoyens nous voyaient... Ils préféreraient qu'on leur dise comment vous avez augmenté si fortement le chômage, les déficits.

À vous entendre, vous avez une vision, vous vous préoccupez de l'avenir du pays ; et nous, nullement ! Vous avez fait passer les déficits à 150 milliards d'euros, le chômage à 1,2 million de personnes, vous avez fait une réforme territoriale pour priver les électeurs du droit de choisir que des départements et des régions ne soient pas dirigés par l'UMP mais vous vous présentez comme des parangons de vertu. Tellement vertueux que vous n'osez le dire, la loi de 2010 était démagogique, prise au prétexte d'économies.

Aucune réforme ambitieuse, aucune clarification des compétences, l'assèchement des ressources des départements et régions, rien sur la fiscalité locale. En Lozère, à ma grande satisfaction, j'ai vu défiler des sommités de la politique française, notamment le président de la République ! Il y eut aussi l'ancien président du Sénat, le sénateur-maire de Marseille et beaucoup d'autres personnalités politiques. Et tous ont expliqué aux grands électeurs qu'ils avaient voté cette réforme, mais un peu forcés par le président de la République ! (Applaudissements à gauche)

Si nous votions en conscience, votre réforme territoriale et le conseiller territorial ne récolteraient pas la majorité...

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 347
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 169
Contre 178

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest.  - M. Bertrand parle d'éthique, nous accuse de dissimuler nos convictions, c'est indigne !

Nous avons inscrit dans la Constitution le partage du temps d'initiative. Or jamais sous l'ancienne majorité du Sénat il n'y a eu de tels coups de force. J'ai beaucoup travaillé avec M. Frimat pour trouver des solutions consensuelles. Tout cela est bien fini. Que devient la priorité des lois de finances ? Où va-t-on ? Il faudra que le bureau et la conférence des présidents se prononcent. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP).

Renvoi en commission

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Savary et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Hervé Maurey.  - Le 9 novembre 2010, le Sénat adoptait la réforme territoriale après 200 heures de séance publique. Le conseiller territorial en est le pivot, il simplifiera les compétences. J'avais voté pour, car il rapproche les territoires et assure la cohérence des politiques publiques menées aux deux niveaux. Un conseiller général ignore ce que font les régions, un conseiller régional, l'action du département, d'où contradictions et redondances.

Pourquoi vouloir supprimer si vite le conseiller territorial, alors qu'il entrera en fonction en 2014 ?

M. Jean-Luc Fichet.  - Pourquoi l'avoir créé si vite ?

M. Hervé Maurey.  - Attendez les états généraux ! Pourquoi cette impatience à supprimer ? Le président du Sénat prétend, avec les états généraux, constituer le creuset d'une réflexion sur les territoires, dans un dialogue serein et respectueux de chacun !

Comment prétendre au dialogue quand on décide avant, dans la précipitation ?

La question du conseiller territorial, celle des compétences, le cumul des mandats, le statut de l'élu, la parité sont liés. Je considère que la suppression du conseiller territorial ne saurait être opérée isolément. Il faut renvoyer le texte en commission pour un examen de toutes les questions liées.

J'ai approuvé le président de la République quand, lors des voeux aux parlementaires en 2009, il a dit qu'à s'occuper de tout, l'élu local risquait de ne s'occuper de rien.

Le conseiller territorial siégera dans plusieurs instances, et j'ai demandé au ministre M. Mercier de préciser son statut car ce sera un élu à plein temps, qui ne pourra avoir d'autre activité professionnelle. Le cumul des mandats doit faire l'objet d'une réflexion : comment la présidence d'un EPCI peut échapper à la règle ? Une disposition votée au Sénat, avait été supprimée à l'Assemblée nationale.

Il y a aussi le problème du mode de scrutin. Après censure du Conseil constitutionnel, je déplore que dans certaines régions, les assemblées soient demain pléthoriques. Comment améliorer la représentation ? Comment soutenir la parité, en évitant un recul ?

La suppression du conseiller territorial ne saurait être déconnectée de ces questions complexes. Hélas, ce que souhaite la majorité sénatoriale n'est pas de légiférer mais de faire des coups politiques, dans la campagne électorale où vous êtes déjà engagés.

Notre Haute assemblée a toujours privilégié le travail de fond et vous ternissez son image. Le groupe de l'UCR ne se reconnaît pas dans votre démarche.

Il n'y a pas d'urgence, prenons plus de temps et renvoyons la proposition de loi en commission au lieu de chercher à faire un coup politique. (Applaudissements sur les bancs de l'UCR et de l'UMP)

M. Michel Berson.  - En dépit des interventions convaincantes de la majorité sénatoriale, vous voulez renvoyer le texte en commission. L'abrogation du conseiller territorial ouvrira pourtant de nouvelles opportunités de réflexion sur le nécessaire acte III de la décentralisation, après l'acte I de la recentralisation imposé par le Gouvernement.

L'initiative lancée par le président Bel gêne beaucoup l'opposition sénatoriale, nous le constatons et rejetons sans hésiter sa motion ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Je rejoins M. Maurey, notamment sur le statut du conseiller territorial, le contentieux, etc. Le projet de loi n°61 reviendra... J'ai été favorable à la question préalable, il n'y a donc plus rien à débattre selon le Gouvernement. Par conséquent, sagesse.

À la demande de la commission, la motion n°4 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 170
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Rappel au Règlement : je suis inquiète, l'affaiblissement de notre Haute assemblée me préoccupe. J'ai été députée et suis venue au Sénat en estimant qu'il était meilleur législateur. Par exemple sur la taxe professionnelle, le texte du Gouvernement était inacceptable, et c'est nous qui l'avons remis d'aplomb.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Rien à voir avec un rappel au Règlement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Le Sénat a marqué des points, en améliorant tous les projets de loi du Gouvernement. Nous devons tenir cette ligne, cette qualité de législation. Les lobbies le savent, qui viennent ici d'abord pour défendre leur secteur. Et vous allez nous abaisser au rang d'une chambre secondaire ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Hugues Portelli.  - Rappel au Règlement ! On a évoqué la compatibilité du texte avec l'article 40 de la Constitution. Restaurer le système antérieur augmentera de 145 millions d'euros la charge publique, puisqu'elle a été diminuée d'autant en 2010. L'article 40 n'est-il pas applicable ?

M. Gérard Miquel, au nom de la commission des finances.  - Après vérification, l'article 40 ne s'applique pas.

M. Charles Guené.  - En vous prononçant au nom de la commission, vous faites usage de l'article 45, mais je crains que le texte, s'il est adopté, ne soit entaché d'illégalité. S'agissant d'une proposition de loi, c'est le bureau qui est compétent pour apprécier la situation.

M. le président.  - La proposition de loi a été déposée devant le Bureau, qui l'a jugée recevable. C'est donc la commission des finances qui est compétente.

M. Éric Doligé.  - Qui représente la commission des finances ce soir ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Un de ses vice-présidents !

M. Éric Doligé.  - Depuis quelques jours, on s'organise de curieuse façon. Les membres de la commission des finances devraient se réunir pour en débattre. Qu'en pense le président de la commission des lois ?

M. Charles Guené.  - Monsieur le président, si vous maintenez votre position, vous appliquez l'article 45, qui concerne la recevabilité des amendements, non celle des propositions de loi.

M. le président.  - Depuis 1958, cette tradition s'applique !

M. Jean-Marc Todeschini.  - La Conférence des présidents de tout à l'heure ne s'est pas mal passée ; le président Bel écoute tout le monde. Le ministre des relations avec le Parlement a dressé la liste des propositions de loi qui se heurteraient à l'article 40. Il n'a pas mentionné cette proposition de loi.

M. François-Noël Buffet.  - Le problème de fonctionnement dure depuis des semaines. Vous respectez le Règlement uniquement quand cela vous arrange... Plus personne ne s'y retrouve. (Approbation à droite)

Évitons les interprétations de circonstance.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Cela fait vingt ans que j'ai l'honneur de siéger à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Ce qui se passe ce soir est banal. J'ai vécu bien des nuits de ce genre, marquées par des stratégies plus ou moins heureuses. Dès lors qu'il y a des niches, il est facile, nous ne l'avons pas fait, de retarder le débat jusqu'à la limite du temps imparti. Tout en criant au manque d'organisation !

Sur l'article 40, c'est un vice-président de la commission des finances qui énonce, depuis cinquante-trois ans, le verdict.

La Haute assemblée est maîtresse de son temps. Nous parlerons de la loi de finances aujourd'hui ; il n'y a rien de dramatique dans le déroulement de la présente séance et si vous voulez que cela dure encore...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - ...nous sommes à votre disposition et apprécierons la qualité esthétique de la dramaturgie. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest.  - Quand le ministre a invoqué l'article 40 sur une proposition de loi il y a quelques jours, la commission des finances s'est réunie immédiatement.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Ce n'est pas la même chose !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Et depuis cinquante-trois ans, un vice-président de la commission des finances est présent.

M. le président.  - La commission s'est réunie après réception d'un courrier du ministre.

Article unique

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le conseiller territorial est la pierre angulaire de la réforme de 2010, critiqué sur tous les bancs. Il n'y a pas d'autre solution que d'abroger les dispositions de 2010, avant un nouvel élan de la décentralisation.

Mme Catherine Troendle.  - Le conseiller territorial bouleverse la physionomie du monde territorial. Je remercie le Gouvernement et M. Courtois, rapporteur à l'époque, car nous avons pu, en 2010, débattre et nous forger une opinion personnelle. Notre architecture territoriale n'était plus lisible, le niveau régional souffrait d'un manque de légitimité. La réforme était nécessaire car région et départements se marchaient sur les pieds, se faisaient concurrence dans les financements.

Nous avons fait le pari de l'intelligence territoriale, de la simplification de la gouvernance, de la modernisation des collectivités. Les conseillers territoriaux auront des responsabilités plus larges que les anciens conseillers généraux et régionaux.

Nous ne pouvons laisser dire que notre but était de réduire le nombre des élus locaux. Non, ceci est seulement une conséquence de la réforme et d'une meilleure organisation territoriale.

M. Dominique de Legge.  - Je déplore les caricatures auxquelles vous vous êtes livrés -elles cachent toujours de mauvaises intentions. Terra Nova explique que le problème en France, c'est le nombre de communes -et qu'il faut confier les compétences aux EPCI. Il est dit aussi que le conseiller territorial est cantonnalisé, ce qui est dangereux parce qu'il s'occupera d'intérêts locaux, comme les conseillers généraux. Quelle injure !

Dans le Finistère, le conseil général réalise la liaison routière Quimper-Brest tandis que le conseil régional, au titre de sa compétence ferroviaire, réhabilite la ligne Brest-Quimper.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ils gagneraient à se parler !

M. Dominique de Legge.  - Le problème ne se poserait pas si c'était la même personne.

Le département d'Ille-et-Vilaine ne souhaite pas s'associer à la campagne de publicité touristique menée par les trois autres départements bretons. Où est la cohérence de tout cela ?

Le Sénat ne sortira pas grandi de ce débat. Attaquons le débat budgétaire au lieu de perdre du temps sur un texte sans avenir.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Comment ne pas s'inscrire en faux contre l'exposé des motifs de la proposition de loi ? Non, le conseiller territorial n'est pas une régression, mais une innovation majeure.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Tous les grands électeurs le disent !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Nous maintenons les communes comme cellules de base de la démocratie locale. Notre réforme est pragmatique, elle renoue avec l'ambition des lois Defferre. La décentralisation est devenue patrimoine commun et personne n'envisage de revenir en arrière ; mais il faut réformer pour renforcer encore les libertés locales.

Arrêtons d'opposer l'État et les collectivités.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Absolument !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Cette opposition est dépassée...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ah oui !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ces futurs super conseillers auront plus de pouvoirs, ils seront plus actifs. Les maires connaissent leurs conseillers généraux, pas leurs conseillers régionaux.

Le Conseil constitutionnel a validé le conseiller territorial !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Mais oui ! D'accord ! Ne vous énervez pas !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Le conseiller territorial interviendra dans un territoire homogénéisé. (Applaudissements à droite)

M. Philippe Bas.  - Sur les articles 45 et 24 de notre Règlement, je voudrais alerter notre Haute assemblée, quant aux risques constitutionnels encourus du fait de la procédure suivie pour apprécier l'irrecevabilité financière.

Les principes d'interprétation des textes clairs sont clairs : l'article 45 traite de la recevabilité des amendements ; et la tradition ne saurait s'imposer ! On ne peut modifier le Règlement que par un vote. En l'affaire, la seule procédure applicable pour la recevabilité est celle de l'article 24.

Le risque d'inconstitutionnalité est grave. Il serait prudent de ne pas le courir...

M. Philippe Dominati.  - Pour compléter le propos de ma collègue, je voudrais savoir de quelle délégation dispose M. Miquel, certes vice-président, mais d'autres sont présents. Le premier qui parle l'emporte-t-il ? Il y a un problème de procédure.

Mme Catherine Deroche.  - Je ne voterai pas la proposition de loi. Il n'est guère respectueux des uns et des autres de présenter un conseiller général qui aurait les pieds dans la glaise tandis que le conseiller régional aurait la tête dans les étoiles.

On nous fait de faux procès ! Il n'a jamais été question de supprimer les départements. Le fait de siéger à Paris empêche-t-il les parlementaires de travailler sur le terrain ? Non, bien sûr ! On peut avoir le souci de la proximité et de la prospective !

Le Parlement a fait un choix clair, il veut éviter les redondances, il crée un interlocuteur unique. Régions et départements ont tout à y gagner.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - La loi de 2010 a su adapter notre organisation territoriale en respectant son originalité. L'enjeu était de faire fonctionner région et départements sur le mode de la complémentarité, nous n'avons jamais souhaité la mort des régions ou des départements.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Prétendre que cette grande réforme est celle des ronds-points et des salles des fêtes, c'est mépriser le travail réalisé au plan local.

Il est vrai que le mode d'élection du conseiller territorial pose un problème pour la parité mais regardez ce qui se passe dans les départements : dans l'Hérault, nous avons 49 conseillers généraux... dont deux femmes. Après le dernier renouvellement, rien n'a changé ! Commençons donc par regarder chacun chez nous...

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Et, dans les régions, vous voulez renoncer à la parité ?

M. Antoine Lefèvre.  - Le futur collège unique d'élus donnera plus de cohérence aux politiques locales. Les élus régionaux semblent éloignés de la population et la participation aux élections s'en ressent. Le conseiller territorial sera un lien privilégié entre les deux assemblées et il aura plus de poids sur son territoire cantonal. Penser qu'il n'aura pas de vision au-delà de sa circonscription est injurieuse. Dans l'Aisne, les conseillers généraux sont unanimes à soutenir la mise à deux fois deux voies de la N2, pas les conseillers régionaux de Picardie, parce qu?ils ne sont pas territorialisés

Un élu génétiquement modifié, un ovni ? M. Charles Watelle, socialiste, était à la fois conseiller général et conseiller régional. Personne ne songeait à le traiter d'ovni. En conscience, je suis contre la proposition de loi.

M. René Beaumont.  - Le conseiller territorial est une réponse aux défis territoriaux. Les rapports entre collectivités s'exercent dans le respect de l'autonomie de chaque niveau, ce dont tous les pays voisins ne peuvent se targuer. La loi de 2010 a constitué une étape importante, avec l'achèvement de la carte de l'intercommunalité, avec le renouvellement des relations entre les régions et les départements.

Vous nous avez rarement habitués, à gauche, à un tel conservatisme. Vous vous accrochez à un statu quo inefficace et coûteux. Pourtant, vous avez milité pour la décentralisation -et vous vous méfiez aujourd'hui des collectivités. Celles-ci méritent mieux, pourtant, que ces postures politiciennes. Que de temps perdu pour la démocratie locale.

M. Philippe Dallier.  - Si certains doutaient encore, ils savent aujourd'hui où siègent les réformateurs et où les conservateurs.

Ce Gouvernement a eu le courage de présenter une réforme, elle ne vous convient pas, mais tout ce que vous proposez, c'est un retour en arrière.

Nos concitoyens ne comprennent rien à notre organisation territoriale. Ils ne savent pas qui sont les conseillers régionaux, ni les délégués communautaires ; la seule chose certaine pour eux, c'est l'augmentation des impôts.

Il est impératif de rationaliser. Mais vous ne voulez pas bouger. En 1971, avec la loi Marcellin, la fusion des communes était optionnelle : rien ne s'est passé. Dans les grandes lois de décentralisation, on a créé des collectivités. La loi Chevènement sur l'intercommunalité a fonctionné parce qu'on a donné des incitations financières.

En 2010, j'ai voté pour le conseiller territorial, et de bon coeur !

Je suis admiratif de ce qui se passe en Alsace, où droite et gauche recherchent ensemble une gouvernance d'avenir. En Île-de-France, avec le Grand Paris, nous avons été incapables de le faire ; tous nos problèmes viennent de ce que l'on ne veut pas partager ce que l'on a. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Pour répondre aux arguments de M. Gorce, je précise que le Gouvernement n'avait pas en 2010 pour principal but de faire des économies. Quant à l'argument relatif aux exécutifs, ceux-ci sont constitués par les élus !

La proximité n'est pas remise en cause ; la légitimité des élus leur vient de leur lien avec leur territoire. Les conseillers régionaux ne sont connus ni des maires, ni de la population. Une meilleure cohérence s'impose entre les deux niveaux de collectivité.

Dans l'accord conclu entre les Verts et les socialistes, on parle à nouveau, après 2002, de la proportionnelle comme mode de scrutin.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - La moitié des sénateurs est élue à la proportionnelle.

M. Jean-Claude Lenoir.  - « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage » écrivait La Fontaine dans Le lion et le rat, une autre fable que celle que le rapporteur cite souvent...

M. André Reichardt.  - L'abrogation du conseiller territorial serait une erreur gravissime. Le nouvel élu développera une mission globale, dans la proximité. Copiez donc ma région, l'Alsace est engagée dans une démarche novatrice ! N'ayez pas peur du conseiller territorial !

Que serait le Bas-Rhin ou le Haut-Rhin face à la Haute-Bavière, le Bade-Wurtemberg ou le Piémont ? Je soutiendrai l'amendement de suppression de l'article unique scélérat.

M. Christophe-André Frassa.  - Cette réforme valorise le rôle de proximité des élus locaux. Nous demandons depuis longtemps une complémentarité entre région et départements. Nous avons dû attendre, mais nous y sommes !

La réforme ne porte atteinte ni à la région, ni aux départements, ni, par conséquent, à la libre administration des collectivités.

Le conseiller territorial sera l'interlocuteur unique et puissant des pouvoirs publics, il connaîtra toutes les compétences régionales et départementales et évitera les redondances. Faisons le pari de l'intelligence.

Rassemblons-nous contre cette proposition de loi. Je voterai l'amendement de suppression de l'article unique.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je comprends les doutes qui s'étaient exprimés de bonne foi. Dans certains départements, il y a un conseiller général pour 1 000 habitants...

Les premières lois de décentralisation ont bien distingué les compétences de chaque niveau de collectivité puis celles des départements ont été accrues.

Quelques penseurs parisiens, qui n'ont jamais franchi le périphérique, ont trouvé qu'il y avait trop de collectivités. Certains veulent supprimer les petites communes, à droite ou à gauche ; nous avons donc proposé l'intercommunalité.

Certains veulent supprimer les départements, mais on ne connaît pas les conseillers régionaux et le conseil général demeure, depuis la Révolution française, une institution de référence. Quand la région était encore un établissement public...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Le préfet faisait le budget !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Non ! Plus à partir de 1982 ! Et c'est à cette époque qu'on a mis en place, sur le terrain, les grandes coopérations. Et depuis, plus rien !

Le conseiller territorial est avant tout un conseiller général : il permettra de réaliser des économies, au service des citoyens. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

Mme Colette Giudicelli.  - À cette heure je me contenterai de citer d'autres vers de La Fontaine, tirés du Conseil tenu par les rats : « Ne faut-il que délibérer, La Cour en conseillers foisonne, Est-il besoin d'exécuter, L'on ne retrouve plus personne ». Nous préférons la réforme à la démagogie. Je voterai donc contre la proposition de loi. (Applaudissements à droite)

M. François Grosdidier.  - La RGPP n'est pas une partie de plaisir, mais sans elle nous ressemblerions aujourd'hui à la Grèce. Or, pendant que l'État réalisait douloureusement des économies, les régions ont augmenté considérablement les impôts, les collectivités ont dépensé, dépensé. Dans le couple intercommunalité-communes les mêmes élus agissent sur des terrains différents. Dans le couple région-départements, les élus se font concurrence. Le conseiller territorial n'aura plus ce problème.

Je me réjouissais de rejoindre une Haute assemblée où le pragmatisme l'emportait, croyais-je, sur l'idéologie. Hélas ! Quelle déception !

Quant à la parité, elle n'est pas remise en cause, grâce au suppléant. Dès 2014, des milliers de femmes seront élues.

À l'heure de la tempête économique mondiale, cette proposition dictée par votre sectarisme est décalée !

M. Philippe Bas.  - Je suis déconcerté : jusqu'à ces dernières semaines, le Sénat légiférait. Il délégifère. Une nouvelle approche...

Nous voyons, nous, qu'il s'agit d'un texte d'attente. De quoi ? Des états généraux de la démocratie locale. Ils n'existent pas. Ce n'est qu'une initiative personnelle du président Bel. Financée sur quel budget ?

Donc nous avons un texte d'attente -de rien du tout. Curieuse catégorie de lois que des lois d'attente ! Il n'y a aucune urgence : l'élection des conseillers territoriaux n'est prévue qu'en 2014. On n'a donc pas besoin d'un tel texte singulier et improvisé.

L'idée qu'il pourrait y avoir retour au régime antérieur m'inquiète. Dans la Manche, un conseiller général représente 2 900 habitants, un autre 23 000. Cela vous convient ? Quant aux conseillers régionaux, ils sont en apesanteur. Ils n'ont bien souvent d'autres compétences que militantes, pas suffisantes pour bien gérer.

Si l'on va vers autre chose que le conseiller territorial, vers quoi ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Alain Bertrand.  - À vous entendre, il n'y aurait dans nos régions que des analphabètes acharnés à faire le malheur des citoyens ? Nous faire passer pour des cancres, c'est le petit bout de la lorgnette !

Dans mon département il n'y a pas beaucoup de manifestations culturelles, sportives, sociales, sans qu'on aille voir le conseiller régional.

Sans doute estimez-vous que les régions tenues par la gauche seraient trop éloignées de la population...

L'un des intervenants a dénoncé la hausse des impôts locaux. Mais l'État transfère massivement des charges aux régions, qui n'en peuvent plus. Il sera aisé d'aller siéger à la région ? Pour moi, c'est huit heures aller-retour ! Le vrai élu de proximité, c'est vrai, c'est le conseiller général, il est le capitaine de l'équipe des maires ruraux. Je souhaite une réforme constitutionnelle pour qu'on tienne compte du nombre d'habitants mais aussi du territoire -et je me fais beaucoup de souci pour l'hyper ruralité.

Vous n'avez rien à proposer, nous disent nos collègues de droite. Mais eux ne savent pas vraiment ce que recouvre leur réforme, qui n'est pas achevée !

Ma communauté de communes a beaucoup perdu avec la suppression de la taxe professionnelle.

Vous prenez beaucoup de liberté avec la vérité : consultez donc tous les élus pour engager une véritable réforme. (Applaudissements à gauche)

M. Francis Delattre.  - Je suis en quelque sorte déjà un conseiller territorial pour avoir été conseiller général et conseiller régional en Île-de-France. À l'époque nous avons fait beaucoup progresser la coordination entre collectivités. Il faut savoir travailler avec la technostructure sur les grands projets et ce n'est pas toujours simple.

Cessez de mener un combat d'arrière-garde. Sur bien des sujets nous pourrions tomber d'accord. Il y a un vrai problème de financement durable pour les régions ; des ressources pérennes permettent d'emprunter et d'investir. Nous avions souhaité les doter d'une part de la TIPP.

Le conseiller territorial apportera de la légitimité et de la représentativité. Ne discutons pas de détails ; abordons les vrais sujets.

M. Pierre Bordier.  - Nous avions laissé les élus locaux dessiner la carte intercommunale depuis l'origine : certains périmètres sont fantaisistes, les critères de rapprochement n'ont pas toujours été pertinents.

Le Gouvernement n'entend pas faiblir dans sa volonté de réforme. Je fais ce soir le constat d'une gauche dogmatique. Il y a peu, j'étais en Hongrie avec des élus locaux hongrois.

On impose les suppressions d'écoles, les regroupements de communes. La médecine appliquée chez nous est extrêmement douce à côté.

M. Philippe Dominati.  - Une proposition de loi à article unique, la méthode est simple pour détruire, la reconstruction viendra après. Brutalité nette, simple, absence de concertation : il en va de même pour tous les textes présentés à fins politiciennes.

Le conseiller territorial serait un élu hybride ? L'élu hybride a été créé par Gaston Defferre et il existe aussi à Paris, où les élus siègent dans deux assemblées superposées. Ce n'est pas une nouveauté !

Le président de la République a eu le mérite de s'atteler à une réforme que personne n'avait eu le courage d'engager. Vous nous annoncez l'acte III de la décentralisation, mais au-delà du titre, il n'y a rien !

À trois reprises, les plus conservateurs ont réussi à bloquer toute réforme des collectivités territoriales. J'espère que le conseiller territorial verra le jour, comme le Grand Paris, pour faire renaître la perspective et l'ambition.

M. Jacques Gautier.  - La réforme de 2010 était indispensable, première étape avant l'échéance de 2014. À cette réforme, engagée en 2009, chacun a pu apporter sa contribution. Aujourd'hui, vous ne voulez que supprimer. Tout en adaptant notre système aux réalités actuelles, nous préservons le modèle original français. C'est en ne faisant rien qu'on l'affaiblit. Un peu de raison, un peu de civisme ! Je soutiendrai l'amendement de suppression.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Buffet et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. François-Noël Buffet.  - La réforme de 2010 s'applique et simplifie le millefeuille administratif. Elle donne une légitimité renforcée à un élu qui représente un territoire et une population. Je salue l'initiative de la région Alsace et des départements, qui exploitent ce texte pour faire progresser la décentralisation.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur.  - Défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Favorable.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Nos collègues de la majorité de gauche ont pris le Sénat en otage : vous avez doublé le temps d'examen du texte. Je conteste les conditions de vote sur la prolongation de la séance, d'appréciation sur l'application de l'article 40, -car M. Guené avait été désigné comme le vice-président en charge de représenter la commission des finances.

Nous avons assisté à une déplorable novation aujourd'hui.

Quant au fond, la gauche ne veut qu'une chose : conserver le conservatisme.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Quelle belle formule.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Selon l'exposé des motifs de Mme Borvo Cohen-Seat, il faudrait craindre une reprise en mains centralisatrice. La décentralisation a toujours été l'alibi de la gauche pour augmenter les impôts locaux. Vous refusez la réforme qui permet de réaliser de vraies économies. Vous n'avez pas à être fiers de ce que vous avez fait ce soir.

M. Philippe Dallier.  - Il est bientôt 5 heures et les membres de la commission des finances se réunissent à 9 heures. Est-il envisageable de décaler l'heure de cette réunion ?

L'amendement n°3 est mis aux voix par scrutin public à la demande du groupe socialiste.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages exprimés 159
Pour l'adoption 137
Contre 180

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Philippe Dominati.  - Rappel au Règlement.

M. Philippe Dominati.  - Je propose aux membres de la commission des finances de venir à 11 heures, je réponds à M. Dallier le premier, donc je décide, c'est bien le sens de l'innovation de cette nuit, n'est-ce pas ?

M. le président.  - Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ce débat fut riche.

M. Philippe Dallier.  - Nous avons beaucoup appris.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nous aussi.

On nous a dit que le scrutin uninominal était la proximité, le scrutin proportionnel l'éloignement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Le chrono ne fonctionne pas ! M. le président de la commission parle aussi longtemps qu'il veut. Ce sont encore vos arrangements entre petits copains ?

M. le président.  - Je vous en prie ! Un peu d'objectivité ! La règle est depuis toujours que le président de la commission a la parole quand il veut pour le temps qu'il veut.

Mme Virginie Klès.  - Ce qui ne déplaisait pas à la droite quand elle avait la majorité !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - L'opposition entre les deux modes de scrutin n'a rien à voir avec le sujet, voyez nos modes d'élection au Sénat : nous sommes égaux en légitimité.

Représentativité et population dans les cantons : on peut réviser les périmètres des cantons sans créer le conseiller territorial !

Les pieds dans la glaise, la tête dans les étoiles : belle formule ! Nous avons besoin de régions fortes, dotées de moyens, à l'heure européenne, capables d'investir dans l'université, la recherche... Que l'élu régional soit l'élu d'un canton : c'est ringard ! Ce qui est progressiste, c'est d'avoir une vision progressiste de la région, non d'avoir une base cantonale !

J'appelle de mes voeux le souffle de régions nouvelles !

M. Philippe Richert, ministre.  - Il est dommage de désorganiser le travail de tout le monde et je suis désolé de ne pas pouvoir honorer mon emploi du temps et me rendre à la réunion de l'ARF. Je pense comme vous que les régions ont un rôle important à jouer -mais variable, selon les régions, plus ou moins identifiées, plus ou moins peuplées.

L'élaboration des schémas en application de la loi de 2010 se passe bien. Pourquoi ce réflexe, pourquoi démolir ce qui a été fait ? Ne peut-on imaginer de travailler ensemble ? Le maire de Fribourg est écologiste, son conseil municipal est de droite : de tels exemples sont nombreux en Allemagne. Dans une assemblée, la minorité a toute sa place, nous tendons à l'oublier.

Il sera compliqué, je le crains, d'adopter la proposition de loi à l'Assemblée nationale. Autant dire que votre proposition de loi n'est que d'affichage politicien, une posture. (Applaudissements sur les bancs UMP)

À la demande du groupe socialiste, l'article unique de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 320
Nombre de suffrages exprimés 317
Majorité absolue des suffrages exprimés 159
Pour l'adoption 180
Contre 137

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à gauche)

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 17 novembre 2011, à 14 h 30.

La séance est levée à 5 h 15.

Jean-Luc Dealberto,

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 17 novembre 2011

Séance publique

À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir

Sous réserve de sa transmission, projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances pour 2012, (n° 106, 2011-2012).

Rapport (n° 107, 2011-2012) de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances.

Discussion générale.