Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



CMP (Nominations)

Loi de finances rectificative pour 2012 (Suite)

Discussion des articles de la première partie (Suite)

Article premier (Suite)

Avis sur une nomination

Loi de finances rectificative pour 2012 (Suite)

Discussion des articles de la première partie (Suite)

Articles additionnels

Article premier bis

Articles additionnels

Article 2

Conférence des présidents

Loi de finances rectificative pour 2012 (Suite)

Discussion des articles de la première partie (Suite)

Article 2 (Suite)

Article 3




SÉANCE

du mercredi 25 juillet 2012

10e séance de la session extraordinaire 2011-2012

présidence de M. Charles Guené,vice-président

Secrétaires : M. Jean Desessard, M. Hubert Falco.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

CMP (Nominations)

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au harcèlement sexuel. En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance d'hier, mardi 24 juillet, prennent effet.

Loi de finances rectificative pour 2012 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012. Nous reprenons aux amendements de l'article premier.

Discussion des articles de la première partie (Suite)

Article premier (Suite)

M. le président.  - Amendement n°100, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Jean-Noël Cardoux.  - En l'absence du président Jean-Claude Gaudin, je vais tenter de défendre cet amendement. Il n'y a aucun flottement terminologique : les termes TVA sociale et TVA anti-délocalisation se complètent. La TVA est sociale, puisqu'elle se serait substituée aux 5 milliards de charges pesant sur les entreprises pour financer la branche famille de la sécurité sociale, et puisqu'elle épargne les biens de consommation courante. Elle est anti-délocalisation, puisqu'elle aurait protégé la France des importations en provenance de pays à faible coût de main-d'oeuvre. Cette suppression est d'autant plus surprenante que la Cour des comptes avait soutenu cette mesure, ainsi que nombre de parlementaires socialistes aujourd'hui ministres, ainsi que la fondation Terra Nova.

La hausse de la CSG ? Le président de la République l'a évoquée mais Mme Delaunay veut la faire servir à financer la dépendance. La CSG est un impôt rétrograde et injuste, qui frappe tous les revenus. En outre, la rehausser serait reprendre d'une main ce qu'on a donné de l'autre avec l'augmentation du Smic. Enfin, ce serait un mauvais signal à l'égard de nos partenaires européens. En Allemagne, la TVA a eu un impact inflationniste de courte durée. Chez nous, l'impact sur les prix aurait été de 0,4 à 0,5 %, pas plus. Le Danemark a basculé tout le financement social sur la TVA.

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Jean-Noël Cardoux.  - On manque une formidable occasion de réfléchir à la différenciation des taux de la TVA, économiquement efficace et socialement juste.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Avis défavorable. La droite nous accuse de vouloir une revanche idéologique...

M. François Marc, rapporteur général.  - Plusieurs options s'offrent à nous : le projet de loi de finances rectificative de la droite nous conduisait à un déficit de 84 milliards et celui-ci le ramène à 81 milliards. Nous assainissons donc les finances publiques par d'autres moyens.

La TVA sociale aurait un effet inflationniste, pèserait sur le pouvoir d'achat et n'améliorerait pas la compétitivité de nos entreprises.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.  - Un membre du Gouvernement avait dit, lorsqu'il était dans l'opposition, être favorable à la TVA sociale. Il s'agissait de M. Valls. D'autres y étaient opposés : M. Sarkozy quand il était ministre des finances y voyait un mauvais coup porté à la croissance... En 2007, M. Besson et Mme Lagarde s'étaient eux aussi prononcés contre la TVA sociale. Il y en eu d'autres : M. Baroin, en tant que ministre de l'économie. Sur le plan politique, il y a donc eu un débat qui ne fut pas manichéen.

La hausse de la TVA devait produire une recette de 13 milliards, en réalité de 11 milliards, mais ne rapportait pas un euro à l'Etat puisqu'en application de la loi Veil elle servait à financer la protection sociale par compensation.

Sur le plan économique, vous prétendez que les importations paieraient la protection sociale.

M. Philippe Dallier.  - Une partie !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Mais Alain Madelin, l'un d'entre vous, aimait à dire que prétendre que la TVA pèsera sur les importations, c'est comme dire que les vaches paient une taxe sur le lait ! Ce sont les acheteurs qui paient.

On peut à la rigueur concevoir la TVA sociale comme une mini-dévaluation compétitive. Nous savons d'expérience, en France, que pour réussir, une dévaluation suppose des mesures complémentaires, à savoir le gel des salaires et des pensions.

À défaut, la TVA sociale n'aurait aucun effet sur la compétitivité. Ayez donc l'honnêteté intellectuelle de proposer un gel des salaires et des pensions ! (Exclamations à droite)

M. Jean-Yves Leconte.  - La TVA est la taxe la plus rentable qui soit. Mais ce serait une absurdité sociale et économique de l'augmenter, parce que cette augmentation toucherait le pouvoir d'achat des plus modestes.

L'UMP a dit son attachement au pouvoir d'achat lors de la discussion générale, mais veut la TVA sociale : allez comprendre !

L'UMP semble méconnaître la réalité des entreprises : elles doivent améliorer leurs marges pour bénéficier de bonnes notes des agences de notation. Enfin, confronté à un déficit commercial abyssal, le gouvernement Fillon a choisi la facilité d'augmenter. Cette forme de dévaluation ne peut avoir qu'un effet temporaire qui se paye plus tard. Surtout, en Allemagne, les secteurs qui exportent ont un coût du travail largement supérieur à celui de la France, comme la filière automobile.

Enfin, la TVA sociale remettrait en cause la protection sociale de notre pays : dans la droite ligne du bouclier fiscal, les plus défavorisés seraient les premiers à payer. Cette proposition porte l'ADN d'un quinquennat qui a coûté 800 milliards à la France. Et nous avons entendu hier ses partisans nous donner sans vergogne des leçons d'efficacité. Nous voulons une autre politique. C'est pourquoi il faut rejeter cet amendement. (Exclamations à droite)

Nous voulons une autre politique, qui ne soit pas financée uniquement par la dette, comme le veut l'UMP.

M. Dominique de Legge.  - Beaucoup a été dit sur la TVA sociale. La question est celle du financement de notre protection sociale. Supprimer la TVA sociale est dilatoire. Les entreprises n'ont pas vocation à financer la branche famille. À l'origine, certains employeurs ont voulu tenir compte des charges familiales en attribuant un sursalaire. Après 1945, les choses ont radicalement changé. Est-il incongru de financer la branche famille, c'est-à-dire le renouvellement des générations, par un impôt sur la consommation d'aujourd'hui ? Je vous reproche de partager au fond notre analyse mais de vouloir absolument défaire ce que nous avons fait. C'est pourquoi je voterai cet amendement. (Applaudissements à droite)

M. Philippe Dominati.  - Étant cosignataire de cet amendement en tant que membre de l'UMP, je veux expliquer pourquoi je ne le voterai pas. Mon principal souci, c'est le rétablissement des finances publiques. Il faut moins d'État, moins de prélèvements obligatoires, des économies sur les dépenses publiques.

Sous la pression de la crise internationale, le Gouvernement et le président de la République Nicolas Sarkozy ont évolué et ont voulu cette TVA sociale. Or la TVA touche aux trois quarts des produits français. En rehaussant la TVA, l'Allemagne n'avait d'ailleurs fait que rattraper le taux français. J'étais gêné que la mesure votée par la précédente majorité nous fasse diverger. En outre, en tant que chef d'entreprise, je sais que les entreprises auraient eu tendance à profiter de ce faible gain pour retrouver des marges ou investir. Il appartient au Gouvernement de trouver des recettes s'il ne veut pas baiser les dépenses. Dois-je me féliciter que Mme Lagarde ait convaincu M. Cahuzac ?

M. Jean Arthuis.  - Je voterai contre cet amendement car une augmentation de 1,6 % est insuffisante. Il faut une majoration de 5 %, pour ne pas faire les choses à moitié. Les hommes politiques ne savent pas toujours s'affranchir des tabous.

M. le ministre a été brillant, mais il ne fait pas exception. Je me souviens d'un débat sur la TVA sociale, qui s'est tenu en 2007 entre les deux tours des législatives, et qui a donné lieu à une cacophonie et bien des polémiques. Nous étions hors de toute pédagogie.

Qui paie ? Les entreprises et les ménages, prétend-on. Mais y a-t-il un seul impôt payé par les entreprises qui ne soit pas acquitté, in fine, par les citoyens ?

Ce discours était parfait lorsque l'économie était étanche, mais elle est désormais mondialisée. Le groupe PSA est au banc des accusés, alors qu'il a essayé de produire en France plutôt qu'à l'étranger comme ses proches concurrents. Soyons sérieux ! Un impôt sur les salaires, c'est un droit de douane dont sont exonérés les importateurs.

Je ne me résous pas à cette fatalité : l'impôt de consommation doit financer notre protection sociale. Je sais que les organisations syndicales s'interrogent : serait-il encore légitime qu'elles gèrent les organismes sociaux ? Rassurons-les. Que mes collègues UMP me pardonnent, mais avec 1,6 % le compte n'y est pas.

M. Alain Néri.  - Je remercie l'opposition de persévérer dans sa volonté d'instaurer une TVA antisociale, qui lui a fait perdre 50 sièges en 2007 et le 14 mars 2012, l'opposition a expliqué qu'il fallait une TVA sociale... en octobre. Vous nous avez rendu service, merci ! Vous dites que la moitié des Français ne paient pas d'impôt. Mais si, ils paient des impôts locaux et des impôts indirects !

M. Henri de Raincourt.  - Et la CSG ?

M. Alain Néri.  - Nous sommes pour l'impôt républicain tel que défini en 1791.

C'était la même chose avec Caillaux qui a créé l'impôt progressif sur le revenu.

Une des causes de la Révolution française, c'était l'indécence des impôts indirects : taille, gabelle, dîme. La TVA n'est pas progressive : elle est injuste ! Que l'on gagne 1 000 ou 5 000 euros, on paie autant, c'est-à-dire, selon un calcul fort simple, que celui qui gagne le moins paye cinq fois plus ! Comme nous sommes pour la paix sociale, nous ne pouvons défendre cette TVA antisociale. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Gournac.  - Je veux bien que la droite ne comprenne rien à l'entreprise, mais M. Montebourg y comprend encore moins, lui qui a attaqué PSA de façon indécente !

Notre pays se situe au premier rang des pays de l'OCDE pour les prélèvements sociaux sur les entreprises. Au Danemark, les entreprises ne payent rien ! La TVA sociale allait donc dans le bon sens : elle n'aurait pas eu d'effet inflationniste et aurait encouragé l'emploi. La baisse de la TVA aurait été indolore, contrairement à une hausse de la CSG. Monsieur Néri, ceux qui gagnent 1 000 et 5 000 euros ne consomment pas de la même manière !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Au moins c'est clair !

Mme Isabelle Pasquet.  - Cet article revient sur la TVA sociale, mesure emblématique du quinquennat passé. Quelle alternative ? Il faut imposer la production et la valeur ajoutée, une augmentation de la CSG ne nous conviendrait pas.

Les taux des cotisations patronales n'ont pas été réexaminés depuis longtemps. Il serait temps. L'amélioration du financement social est plus que souhaitable. Nous ne voterons donc pas cet amendement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je voterai bien sûr cet amendement. Je veux dire à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales et à M. le ministre qu'une politique économique ne se juge pas dans l'absolu, cela s'apprend en première année de sciences économiques ! (Exclamations sur les bancs socialistes) La conjoncture doit être prise en compte. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs) Vous devriez être plus prudents : si vous ne comprenez pas l'importance de la conjoncture, cela se retournera vite contre vous ! (Applaudissements à droite)

M. Philippe Bas.  - Le Gouvernement est-il trop lent ou trop rapide ? Le projet d'un gouvernement doit se mettre rapidement en oeuvre : ce collectif ne prévoit rien pour l'avenir, il se borne à détruire. Nous abordons l'amorce d'une réforme profonde de notre protection sociale. À gauche comme à droite on veut que le financement de la protection sociale pèse moins sur les salaires. Or, moins il y a de salaires et d'emplois, plus il est facile d'échapper à l'impôt. C'est pourquoi les cotisations sociales ont été déplacées du temps de MM. Balladur et Juppé. En 1998, avec les 35 heures, les allègements devaient compenser le renchérissement du coût du travail. Depuis vingt ans, on a tenté d'élargir l'assiette de la protection sociale.

Je déplore que le nouveau gouvernement ne se donne pas le temps de la réflexion pour maintenir cette réforme qui annonçait un basculement. Le choix de la TVA n'est pas injuste : les 10 % des Français dont les revenus sont les plus élevés payent beaucoup plus de TVA que les 10 % de Français les plus modestes.

C'est beaucoup plus juste qu'une augmentation de la CSG.

S'il est vrai que les hauts revenus épargnent plus, les impôts qui pèsent sur l'épargne augmentent beaucoup dans ce collectif.

Puisque vous ne voulez pas augmenter la TVA, mais comme vous allez présenter un tour de vis pour 2013, je crains que l'absence de réactivité du Gouvernement et sa lenteur ne portent préjudice à notre pays. (Applaudissements à droite)

M. Philippe Dallier.  - Il en va de la TVA sociale comme du ciel : il y en a qui y croient et ceux qui n'y croient pas. Les choses sont complexes : les plus libéraux d'entre nous n'y sont pas favorables.

Ce sujet a été discuté par notre commission des finances pendant longtemps et beaucoup de commissaires y croient : en 2007, beaucoup considéraient que le sujet n'était pas mûr. La France souffre d'un problème de compétitivité.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - La faute à qui ?

M. Philippe Dallier.  - Nous verrons de quoi vous êtes capables. Sur quoi faire porter le financement de la protection sociale ? Les salaires ? C'est la plus mauvaise solution. Je vous invite à la prudence. Le 14 juillet le président de la République a commencé à reconnaître qu'il y avait un problème de compétitivité. M. Arthuis appelle une mesure choc et je le suivrai mais on aurait pu commencer par appliquer la mesure initiale et en tirer le bilan dans six mois ou un an.

Vous choisissez de ne rien faire, sauf quelques mesures sur les véhicules électriques ; mais PSA n'en produit que 2 000  par an ! Or cette entreprise a choisi de produire en France, contrairement à Renault.

Soyez prudents, parce qu'à l'automne vous n'aurez pas d'autre solution qu'une baisse des charges sur les salaires. Vous serez contraints d'en passer par là ; et nous aurons perdu quelques mois. (Applaudissements à droite)

Mme Chantal Jouanno.  - Je ne sais si nous avançons rapidement ou pas, mais nous allons en marche arrière. La TVA sociale vise d'abord à résoudre un problème économique. Vous prétendez que nous n'avons pas de problèmes de compétitivité-coût. Lisez donc le rapport de la Cour des comptes de mars 2011 ! Quant à la compétitivité hors coût, pourquoi n'avoir voté ni le Grand emprunt, ni le CIR ?

Il existe aussi un problème de financement de la protection sociale. Pourquoi la surconsommation n'y contribuerait-elle pas ? Je ne parle pas de la consommation de base, évidemment. Mais M. Placé rappelait hier que la consommation est responsable de la moitié des émissions de gaz à effets de serre et de nombreux problèmes sanitaires.

La réalité économique vous rattrapera, et il vous faudra faire un salto arrière. À nos âges, c'est très douloureux... (Applaudissements à droite)

M. Francis Delattre.  - M. Cahuzac manque de mémoire. Qu'il se souvienne que le gouvernement Jospin a créé un fonds spécial pour le financement de la sécurité sociale, qui devait abonder la Cades et auquel il était prévu d'affecter le produit des privatisations ; en réalité, il n'y a été affecté qu'à hauteur de 10 %.

Jusqu'en 2000, l'économie française a été au moins aussi compétitive que l'Allemagne, sinon plus. La situation s'est inversée le jour où les 35 heures ont été appliquées. Dommage que ayons été incapables de les abroger.

Aujourd'hui, vous voulez en finir avec une des seules mesures que nous ayons pour contrer les délocalisations -une simple expérimentation. Pourquoi ne pas l'essayer ?

Les économies émergentes... nous submergent de leurs produits. Vu leur système fiscale et social, ne faut-il pas nous en protéger ? Seule l'Europe en a la capacité.

« Redressement dans la justice », « redressement productif », « effort juste » dites-vous. Mais que peuvent conclure les entreprises de notre débat ? Mme Bricq annonçait un effort égal entre dépenses et recettes. En fait, ce seront 70 % d'impôts supplémentaires. Et nous aurons et la CSG et la TVA ! (Applaudissements à droite)

M. André Reichardt.  - J'ai été un des rares privilégiés à assister hier à l'audition de M. Montebourg, ministre du redressement productif.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Contre-productif !

M. André Reichardt.  - Pour accroître notre compétitivité, il a dit qu'il n'était plus tabou de réfléchir au coût du travail. Une mission en ce sens a été confiée à M. Gallois. Pourquoi anticiper ? Pourquoi détricoter une mesure expérimentale voulue par le précédent gouvernement qui ne devrait entrer en vigueur qu'au 1er octobre ? Vous n'avez aucune solution de rechange ! M. Montebourg parle d'innovation et rend hommage au Grand emprunt qu'il n'a pas voté ; il nous a même parlé d'un grand emprunt tous les ans... (M. Philippe Marini, président de la commission des finances, s'exclame) sans dire comment le financer.

La TVA fera baisser le pouvoir d'achat ? L'argument est fallacieux dès lors que vous supprimez l'exonération des heures supplémentaires, taxez davantage l'intéressement et la participation, les donations et successions ; sans compter que la taxe sur les stocks pétroliers touchera les consommateurs. D'ailleurs, l'inflation est faible actuellement. En Allemagne, la hausse de la TVA a eu peu d'effet sur le niveau des prix. J'ajoute que seul le taux normal serait concerné, épargnant 60 % de la consommation des Français. Et les minima sociaux sont indexés sur l'inflation. De plus, les agents économiques pourraient anticiper certains achats. Et le prix des produits étrangers seraient augmentés, non celui des produits français.

Je voterai donc l'amendement. (Applaudissements à droite ; M. Philippe Marini, président de la commission des finances applaudit aussi)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - La suppression de la TVA antisociale est conforme au vote des Français ; je m'honore de soutenir un Gouvernement qui tient les engagements pris lors de la campagne électorale. Qui peut croire que l'on rendra notre industrie compétitive en se contentant de réduire le coût du travail ? Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a montré qu'il fallait jouer sur plusieurs tableaux. M. Rocard a créé la CSG afin que le financement de la sécurité sociale ne repose pas seulement sur le travail, mais aussi sur le capital. On pourrait aussi prendre pour assiette la valeur ajoutée.

Il faut aussi avoir une réflexion stratégique. La France est le pays qui distribue le plus de dividendes. Les PME supportent bien plus de charges que les grandes entreprises. La compétitivité industrielle, c'est aussi l'investissement ; au pays de Colbert, l'intervention capitalistique de la puissance publique s'est perdue alors qu'en Allemagne les Länder jouent toujours leur rôle.

Mais revenons aux fondamentaux : la TVA est un impôt injuste ! (On le nie à droite). J'entends les arguments de Mme Jouanno ; mais si l'on fonde le financement de la sécurité sociale sur la consommation, lorsque celle-ci diminuera notre protection sociale ne sera plus financée !

Quant à la CSG... (exclamations à droite) nous voulons la rapprocher de l'impôt sur le revenu pour restaurer la progressivité de l'impôt. On ne peut envisager la question du financement de la protection sociale sans parler compétitivité ni réforme fiscale. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Caffet.  - Je vais essayer de convaincre l'opposition... (On ironise à droite) Il faudra que nous ayons un débat sur la compétitivité de la France. Dans l'industrie, il n'existe pas d'écart de compétitivité-coût avec nos principaux concurrents comme l'Allemagne. Dans l'automobile, les coûts salariaux horaires sont même supérieurs de 30 % outre-Rhin ! (Mme Fabienne Keller le conteste) Voyez pourtant ce que sont nos balances commerciales respectives dans ce secteur...

En revanche, il est vrai que les coûts salariaux ont augmenté plus vite qu'en Allemagne ces dix dernières années ; mais dans toute l'Europe des 27, il y a eu convergence vers le haut. Je considère cela comme un progrès. Madame Jouanno, ne faites pas dire à la Cour des comptes ce qu'elle n'a pas dit ; elle dit seulement que si les coûts salariaux français continuaient à augmenter plus vite que ceux de l'Allemagne, nous aurions un problème de compétitivité-prix. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

M. le ministre du budget l'a bien montré, la TVA sociale ne résout aucun problème structurel : la baisse de charges aboutirait à réduire de 2 % en moyenne les coûts salariaux, donc, compte tenu du poids des salaires dans la production, de 0,4 % à 0,8 % le prix hors taxes.

L'Allemagne a une tout autre politique : baisse du temps de travail, chômage partiel, formation, dialogue social. C'est à cela que nous nous sommes attelés avec la conférence sociale ! Et nous continuerons. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Claude Domeizel.  - Si j'ai voté et appelé à voter François Hollande, c'est notamment pour que la TVA sociale fût supprimée. Le respect du vote des Français pourrait être une raison suffisante pour ne pas adopter l'amendement de suppression. (Exclamations à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Nous les représentons aussi !

M. Claude Domeizel.  - Au commencement, la sécurité sociale était fondée sur la gestion paritaire et la séparation d'avec le budget de la Nation. Voilà pourquoi ont été instaurées, par votre majorité d'ailleurs, les lois de financement de la sécurité sociale, non pas des « lois de finances de la sécurité sociale ». Seules les pensions de retraite des fonctionnaires d'État sont financées par l'impôt. Je souhaite qu'un jour, ils aient un régime propre. Je voterai contre l'amendement. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

M. Yves Daudigny rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis.  - Je ne reviens pas sur les arguments présentés hier. Madame Des Esgaulx, vous avez raison de dire qu'une politique économique s'apprécie en fonction du contexte. Or la TVA sociale serait aujourd'hui une absurdité : la consommation des ménages pèse à 60 % dans la croissance ! Nous sommes aussi capables, à gauche, de mener une analyse économique ! La hausse de la TVA ne va pas non plus dans le sens de la justice fiscale. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - La cause est entendue : ce petit enfant fragile, cette petite TVA dont l'accouchement a été si tardif n'est pas encore née que vous allez la tuer.

M. Dominati mis à part, l'UCR et l'UMP sont unanimes à défendre le principe d'une expérimentation. Jusqu'en mars, nos divergences étaient pourtant grandes. C'est une des leçons de l'alternance : nous avons réalisé l'importance d'une réflexion stratégique sur les prélèvements obligatoires et le financement de la protection sociale.

La sécurité sociale n'est-elle pas en train de changer de nature ? Elle était contributive et le demeure, mais à 70 % seulement.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Vous êtes donc pour la CSG !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - La symétrie est de plus en plus grande entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale -je me réjouis que le monopole des lois financières ait été entériné. Nos engagements européens nous incitent à les consolider. M. Arthuis et d'autres réfléchissent depuis longtemps à une évolution du financement de la sécurité sociale. C'est bien légitime. La plupart de nos voisins votent dans la même loi dépenses sociales et dépenses budgétaires.

La cohésion sociale est en jeu. Ouvrons un débat stratégique, constructif, transparent, même s'il sera forcément un peu passionné. Quelles sont vos intentions, monsieur le ministre ? La CSG est si pratique : base large, taux encore modéré... Les présidents des conseils généraux appelaient, il y a peu, à résorber leurs déséquilibres grâce à « un peu de TVA ». La prise en charge de la dépendance, selon Mme Delaunay, doit aussi être financée par « un peu de CSG ». Vous-même, monsieur le ministre, avez évoqué en substitut de la TVA sociale « un peu de TVA ». Parmi les engagements présidentiels figure en outre une fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG. Cela tient-il toujours ? Je ne considère pas cette option comme diabolique, mais il faut qu'elle s'inscrive dans une démarche stratégique et comparative.

À la rentrée, quand nous en viendrons enfin aux choses sérieuses, dans un contexte sans doute aussi difficile. Il nous faudra entrer dans le vrai débat, au lieu de ce petit zakouski qui fait plaisir aux uns et permet aux autres de faire une sorte de deuil. La page va être vite tournée. Il est de notre responsabilité de demander des clarifications au Gouvernement ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Excellent !

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°100 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 139
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Amendement n°144 rectifié bis, présenté par M. Arthuis et les membres du groupe de l'UCR.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 241-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 9° Une compensation à due concurrence du produit de la taxe sur la valeur ajoutée nette correspondant aux montants de cette taxe enregistrés au titre de l'année par les comptables publics, déduction faite des remboursements et restitutions effectués pour la même période par les comptables assignataires, et affectée au compte de concours financier « Financement des organismes de sécurité sociale ».

2° L'article L. 241-6 est ainsi modifié :

a) Au 1°, les mots : « ces cotisations sont intégralement à la charge de l'employeur » sont supprimés ;

b) Au 9°, le taux : « 6,70 % » est remplacé par le taux : « 12 % ».

II.  -  Au troisième alinéa du 1 de l'article 1er du décret n° 67-804 du 20 septembre 1967 portant fixation des taux des cotisations d'assurances sociales dues au titre de l'emploi des salaries placés sous le régime général pour une partie des risques, le taux : « 12,80 % » est remplacé par le taux : « 9,80 % ».

III.  -  Sans préjudice des dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, la compensation à la Caisse nationale des allocations familiales et à la Caisse nationale d'assurance maladie de la réduction des cotisations patronales prévue au 2° du I, et de la diminution des taux visés au II du présent article, s'effectue au moyen des ressources mentionnées aux 9° des articles L. 241-2 et L. 241-6 du même code.

IV.  -  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de la suppression des charges patronales familiales et d'une fraction des charges patronales d'assurance maladie, prévues au I, sont compensées à due concurrence par les dispositions du V et du VI du présent article.

V.  -  Il est ouvert un compte de concours financiers intitulé : « Financement des organismes de sécurité sociale ».

Ce compte retrace, respectivement en dépenses et en recettes, les versements à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et les remboursements des avances sur le montant des impositions affectées par l'État aux régimes de sécurité sociale.

Le compte de concours financiers intitulé « Financement des organismes de sécurité sociale » est abondé par l'affectation d'une fraction de 5,4 % du produit de la taxe sur la valeur ajoutée.

VI.  -  Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° À l'article 278, le taux : « 21,20 % » est remplacé par le taux : « 25 % » ;

2° Au premier alinéa de l'article 278 bis, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;

3° À l'article 278 ter, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;

4° À l'article 278 quater, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;

5° Au premier alinéa et au II de l'article 278 sexies, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;

6° Au premier alinéa de l'article 278 septies, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;

7° Au premier alinéa et à la seconde phrase du b du 1° du A de l'article 278-0 bis, le taux : « 5,5 % » est remplacé par le taux : « 7 % ».

VII.  -  Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2013. Le Gouvernement remet au Parlement, annuellement, et au plus tard le 15 octobre, un rapport établissant l'évaluation du dispositif de TVA-sociale et ses effets sur la compétitivité de l'économie française.

M. Jean Arthuis.  - Je n'ai jamais dit que la compétitivité dépendait exclusivement des charges patronales pesant sur les salaires : oui, il faut de l'investissement, de l'innovation, de la recherche, du soutien aux PME. Mais il faut une stratégie fiscale. Dites-moi donc quel était le niveau des prélèvements obligatoires en 1789 ! À la Libération, il a été décidé que le financement de la sécurité sociale serait assis sur les salaires. Mais nous sommes aujourd'hui dans une économie mondialisée : les produits étrangers sont exonérés de toute participation au financement de notre protection sociale, à l'inverse des produits fabriqués en France. Où est la justice ?

Sortons des schémas traditionnels. Chaque année nous transférons des impôts vers la protection sociale. Les syndicats s'inquiètent pour le caractère paritaire de la gestion de celle-ci, mais ils représentent surtout la sphère publique...

Les salaires ne représenteraient qu'une petite fraction des coûts de production ? Mais le prix des prestations et composants achetés en amont intègre bien des coûts salariaux !

Il faut basculer 50 milliards. Ce qui est vendu aujourd'hui 100 euros hors taxes -119,6 euros TTC avec une TVA à 19,6 %- le serait demain à 95 euros -118,75 TTC avec une TVA à 25 %. Soit à un prix inférieur. Il n'y aura pas d'inflation. Les entreprises qui importent sont celles qui font le plus de marges, elles ne répercuteront pas intégralement la hausse de la TVA sur leurs prix.

Quant à la CSG, gardez-la CSG pour financer la dépendance...

L'allègement des charges patronales réduira aussi la charge des employeurs des trois fonctions publiques. (Applaudissements sur les bancs de l'UCR et UMP)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Nous ne pouvons évidemment pas être favorables à cette mesure.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Un bébé plus joufflu !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Elle aurait un impact très inflationniste. Ce fut le cas en Allemagne comme l'a montré la Bundesbank. Plus d'inflation, c'est aussi plus d'injustice.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Avis défavorable. Nous ne sommes pas d'accord sur l'effet d'une hausse de la TVA sur les prix. Votre rapporteur général a mentionné l'étude de la Bundesbank, je reprends ses propos à mon compte.

Le prix des produits importés augmenterait.

M. Vincent Delahaye.  - Tant mieux !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Comment imaginer, alors qu'ils pèsent pour un tiers dans la consommation, que leur renchérissement n'aurait pas de conséquence sur l'inflation ? Quant aux entreprises françaises, soit elles augmentent leurs prix à due concurrence -auquel cas le consommateur paiera à leur place-, soit non, et alors elles continueront à payer la protection sociale. (M. Jean Arthuis le conteste)

Si les consommateurs paient, c'est une atteinte au pouvoir d'achat -sauf si les salaires augmentent d'autant, auquel cas la hausse de compétitivité serait nulle. Puisque vous ne proposez pas de geler les salaires, cet amendement doit être rejeté. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Néri.  - M. Arthuis a dit que nous n'étions plus en 1789 ; nous nous en étions aperçu. Il fait, d'autre part, volontiers référence au Conseil national de la Résistance or il me semble avoir soutenu un gouvernement qui a institutionnalisé le déremboursement des médicaments et favorisé le développement d'une médecine à deux vitesses... (Exclamations à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Hors sujet !

M. Alain Néri.  - Il semble reprocher aux 8,5 millions de Français qui vivent en dessous du seuil de pauvreté de ne pas consommer davantage et donc de ne pas participer au financement de leur protection sociale. Je ne prends pas le président Arthuis pour un naïf : il sait bien que la hausse de la TVA sera répercutée sur les prix !

Il faut parler du reste à vivre de nos concitoyens. Nos enfants vont moins bien vivre que nous, ce n'est pas acceptable. Quel avenir pour eux ? Chômeurs, travailleurs pauvres ? (Exclamations à droite) Le président Arthuis ne peut l'accepter, il va donc retirer son amendement. (M. Yann Gaillard rit)

Avec nos emplois d'avenir, nous leur redonnons l'espoir, à ces jeunes. (Exclamations et rires à droite) Le changement, c'est maintenant ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Gournac.  - C'est le père Noël !

M. Vincent Delahaye.  - Je me réjouis de ce débat mais je regrette l'absence de mesures en faveur de la compétitivité de nos entreprises. Il est urgent d'agir. Je suis favorable à l'amendement de M. Arthuis. M. le ministre nous a dit des choses très intéressantes. Je suis prêt à entendre que le coût du travail n'est pas le seul élément entrant en compte pour la compétitivité, mais c'en est un quand même, qu'il faut réduire. Comment parler de progrès social sans création d'emplois.

MM. Sarkozy et Baroin ont changé d'avis sur le sujet ? Preuve de leur intelligence. Depuis quelques temps, la TVA sociale fait des émules. Ce débat fera évoluer la position des uns et des autres. Le gel des pensions et des salaires ? Chiche, monsieur le ministre ! Je voterai cet amendement. (Applaudissements au centre)

M. Jean Arthuis.  - Cette réforme structurelle lourde ne pourra avoir lieu qu'en dépassant nos clivages politiques. Nous sommes là devant un débat fondamental, pour lequel cet hémicycle est le lieu privilégié.

Mme Lienemann évoque les importants dividendes que distribuent certaines entreprises. Regardez les choses de près, vous verrez que les entreprises qui distribuent beaucoup de dividendes sont celles qui font leurs bénéfices hors du territoire national.

Oui, monsieur Néri, nous voulons espoir et confiance pour nos enfants. Nous n'avons pas tiré les conséquences de la mondialisation, qui est arrivée sans que nous nous soyons préparés. Reconnaissons-le ! Ajoutez à cela que le développement du consumérisme a pris à la gorge les producteurs, et vous comprendrez comment on organise méthodiquement la délocalisation. Qu'allez-vous dire aux salariés de Peugeot et de ses sous-traitants qui vont perdre leur travail ?

J'aime entendre M. le ministre car, à chaque fois, je vois la lumière. (On ironise à droite) Ce n'est pas le cas cette fois. Pourquoi dire que les prix ne vont pas baisser si les charges sociales diminuent ? Je ne comprends pas bien, car la concurrence jouera, comme elle a joué en 1995, quand le taux de la TVA a été relevé de deux points pour réduire le déficit public.

La pire des injustices, c'est le chômage. Un gel des salaires et des pensions ? Vous allez être amenés à le faire. N'hésitez donc pas à mettre en oeuvre la TVA sociale ! (Applaudissements au centre et sur quelques bancs de la droite)

M. Jean-Pierre Caffet.  - Personne ne sait si une augmentation de la TVA aurait un effet inflationniste. L'argumentation de M. Cahuzac me paraît juste, et je ne crois pas à une augmentation de cinq points de la TVA sans inflation. Le taux de marge des entreprises est historiquement bas. Elles seront tentées d'utiliser une diminution de leurs charges pour accroître leurs marges.

Toute augmentation de la TVA est payée par certains agents économiques. Ne confondons pas la perte de pouvoir d'achat des ménages qui résulterait d'une hausse des prix, et le produit que vous voulez prélever de toute façon sur les consommateurs. Les 10,8 milliards seraient pompés dans les poches des consommateurs, pour 1,6 % d'augmentation. Imaginez le montant avec cinq points d'augmentation !

Un point de TVA, c'est 0,9 point de croissance en moins, disait le ministre Sarkozy en 2004. Avec cinq points, l'impact sur la croissance serait massif. À l'heure actuelle, c'est le plus sûr moyen de faire entrer la France en récession.

L'assiette de la TVA est plus étroite que celle de la CSG : elle ne comprend ni les revenus du capital, ni ceux du patrimoine. Ce n'est pas anodin. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Adnot.  - La gauche commence à comprendre que la politique sociale ne peut plus être assurée par les seuls salaires... La droite a fait trois erreurs : proposer cette réforme à trois mois des élections, annoncer que seules les cotisations patronales baisseraient, choisir un taux beaucoup trop faible. M. Arthuis a donc raison.

L'erreur de la gauche est de ne pas comprendre que l'enjeu porte aussi sur les importations.

Je voterai donc cet amendement. (Applaudissements sur certains bancs de la droite)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Nous sommes là dans une discussion sur les finances sociales. J'espère que nous la reprendrons à l'automne avec le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Depuis plus de deux heures, l'opposition nous fait la leçon sur la bonne manière de gérer les finances publiques. En dix ans, la baisse du coût du travail n'a cessé d'être à l'ordre du jour de la droite au pouvoir, et pourtant les délocalisations se sont poursuivies. Tandis que la richesse produite en France augmentait de 700 milliards, le nombre de pauvres s'accroissait, pour atteindre 8 millions de Français, dont 2 millions d'enfants. Voilà le résultat de votre politique, avec 500 000 emplois supprimés.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Il ne faut pas exagérer !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.  - Comment parler de baisse du coût du travail quand on voit les conditions de vie des Français et surtout des Françaises ! Il est temps de prendre des mesures qui aillent à l'encontre des vôtres. Je ne voterai pas cet amendement. (Applaudissements sur les bancs CRC)

L'amendement n°96 n'est pas défendu.

À la demande des groupes socialiste et de l'UCR, l'amendement n°144 rectifié bis est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 221
Majorité absolue des suffrages exprimés 111
Pour l'adoption 45
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l'adoption 177
Contre 169

Le Sénat a adopté.

Avis sur une nomination

M. le président.  - En application de la loi organique du 23 juillet 2010 et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, et conformément aux termes de l'article L.621-2 du code monétaire et financier, la commission des finances, lors de sa réunion du mercredi 25 juillet 2012, a émis un vote favorable à de la désignation de M. Gérard Rameix, aux fonctions de président de l'Autorité des marchés financiers.

Loi de finances rectificative pour 2012 (Suite)

Discussion des articles de la première partie (Suite)

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section ainsi rédigée :

« Section XXIII

« Contribution exceptionnelle sur le chiffre d'affaires réalisé par les établissements de santé privés à but lucratif

« Art. 235 ter ZG.  -  I  -  Il est institué à la charge des établissements de santé privés à but lucratif, mentionnés à l'article L. 5123-1 du code de la santé publique, une contribution exceptionnelle sur le chiffre d'affaires qu'ils ont réalisé en 2011 et 2012.

« Cette contribution est due dès lors que le chiffre d'affaires atteint 500 000 euros et est égal à 2 % de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.

« II.  -  La contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.

« III.  -  Le bénéfice de cette contribution est affecté aux centres de santé présentant d'importantes difficultés financières, inscrits sur une liste nationale établie par les représentants des agences régionales de santé. »

Mme Isabelle Pasquet.  - Les centres de santé des Bouches-du-Rhône, gérés par le Grand conseil de la mutualité, font l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire dont l'aboutissement signifierait un drame sanitaire doublé d'un drame social. Je regrette que Mme Touraine n'ait pas débloqué des fonds, alors qu'elle l'a fait pour des cliniques commerciales.

Cet amendement instaure une contribution fiscale exceptionnelle à la charge des cliniques commerciales, portant sur leur chiffre d'affaires, qui a augmenté de 3,5 %. Le bénéfice de cette taxe irait vers les centres de santé qui présentent des difficultés financières importantes.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Les cliniques commerciales sont incontournables, et certaines sont en grande difficulté. Il est difficile de mesurer l'effet qu'aurait une telle disposition... Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Je comprends l'objet de votre amendement : le Gouvernement est préoccupé par la situation financière des centres de santé. Je parlerai à Mme Touraine du cas que vous mentionnez.

L'avis du Gouvernement est pourtant défavorable car les cliniques privées, que vous qualifiez de « commerciales », ont besoin d'un équilibre financier. La hausse des prélèvements obligatoires se monte déjà à 7,2 milliards dans le projet de loi de finances, il n'est pas opportun d'en rajouter.

M. Christian Bourquin.  - C'est le chirurgien qui parle !

Mme Isabelle Pasquet.  - J'entends vos arguments. Mais les profits de la Générale de santé, le premier groupe français, sont passés de 24 à 59,4 millions d'euros, grâce à quoi elle a versé d'énormes dividendes à ses actionnaires. Certaines cliniques sont peut-être en difficulté, mais pas toutes, loin de là !

Je maintiens cet amendement car les centres mutualistes vont être en cessation de paiement très prochainement.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe CRC.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  L'article 278-0 bis du code général des impôts est complété par un F ainsi rédigé :

« F.  -  Les opérations d'achat réalisés par les centres de santé mentionnés à l'article L. 1110-4 du code de la santé publique ainsi que par leurs organismes gestionnaires pour leur compte. »

II.  -  La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par l'augmentation de la taxe sur les transactions financières visée à l'article 235 ter ZD du code général des impôts.

Mme Isabelle Pasquet.  - Les centres de santé sont des structures pertinentes et utiles, que les Français sont de plus en plus nombreux à apprécier.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Avis défavorable. Cet amendement est contraire à la directive sur la TVA, qui interdit d'appliquer un taux réduit à une catégorie d'acteurs : ce ne peut-être qu'à une catégorie d'opérations.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Même avis. Cet argument est frustrant mais il s'impose.

L'amendement n°3 est retiré.

L'amendement n°83 n'est pas défendu.

Article premier bis

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Dilain.

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... - Le deuxième alinéa du 8° du III de l'article 13 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Dans ces cas, la livraison à soi-même au taux de 5,5 % peut s'appliquer aux travaux facturés au taux de 7 % en application de l'article 279-0 bis du code général des impôts, sous réserve que ces travaux remplissent les conditions précitées. »

... - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Il s'agit en fait de réparer une omission afin de maintenir le taux de 5,5 % au titre de l'ensemble des travaux réalisés sur des logements sociaux dès lors que ceux-ci ont été agréés par l'État en 2011 sur la base d'un plan de financement intégrant une TVA à 5,5 %. Le nombre d'opérations concernées est limité puisqu'il s'agit uniquement des opérations agréées avant le 1er janvier 2012 et pour lesquelles les travaux n'avaient pas encore débuté en décembre 2011.

M. le président.  - Sous-amendement n°233 à l'amendement n°19 rectifié de Mme Lienemann, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3 de l'amendement n° 19 rect.

Remplacer les mots :

Dans ces cas

par les mots :

Dans ces deux derniers cas

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Le Gouvernement est favorable à cet amendement, dès lors qu'est adopté ce sous-amendement qui en précise bien la portée. Le gage est levé.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Voilà un ministre généreux : 15 millions de dépenses supplémentaires !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Avis favorable. La mesure vient d'être chiffrée, son périmètre précisé, ce qui n'avait pas été le cas à l'Assemblée nationale.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Rendons à son auteur la paternité de cet amendement que je n'avais pu accepter à l'Assemblée nationale faute d'en avoir mesuré l'effet : c'est M. Daniel Goldberg qui avait attiré l'attention du Gouvernement sur le problème.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - M. Goldberg avait repris cet amendement de Mme Lienemann ! (Rires et applaudissements sur de nombreux bancs)

Le sous-amendement n°233 est adopté.

L'amendement n°19 rectifié bis, sous-amendé, est adopté.

L'article premier bis, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 16 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est abrogé.

Mme Marie-France Beaufils.  - Le barème de l'impôt sur le revenu a été gelé en 2011 afin d'augmenter le rendement de l'impôt, sans toucher aux tranches. C'était le moyen qu'avait trouvé la majorité d'alors de faire contribuer le plus de Français possible.

Outre qu'on alourdissait ainsi l'impôt sur le revenu de tous ceux qui l'acquittent, on en augmentait le nombre, ce qui a des conséquences importantes car beaucoup d'avantages sociaux sont liés au fait de n'être pas imposable sur le revenu. Ce gel du barème touche ceux qui n'ont rien à cacher : la fraude fiscale est principalement le fait de contribuables qui échappent au barème.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Le sujet est important. Certains de nos concitoyens non imposables le deviennent et d'autres sautent de tranche, du fait du gel. Le Gouvernement est conscient de la situation et vous proposera sans doute un dispositif dans le projet de loi de finances pour 2013. Retrait ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Vous venez de souligner à juste titre les « effets de bord ». Mais nous ne pouvons accepter votre amendement à ce moment de l'année, quand les opérations de recouvrement sont en cours ; Imaginez la complication !

Le Gouvernement proposera une réforme de l'impôt sur le revenu en loi de finances initiale. Retrait ou rejet.

Mme Marie-France Beaufils.  - J'entends cet engagement. L'ancienne majorité nous laisse bien des scories... (Exclamations à droite) Si vous ne votez pas notre amendement sur la taxe d'habitation, vous, qui avez voté ce gel, et qui êtes souvent des élus locaux, en serez tenus pour responsables !

J'accepte de retirer l'amendement. Le suivant aurait compensé le manque à gagner du fait de la réforme de l'ISF que vous avez votée.

L'amendement n°62 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°77, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa du 1 du I de l'article 197, le taux : « 41 % » est remplacé par le taux : « 45 % » ;

2° Au premier alinéa du 1 du I de l'article 117 quater et au quatrième alinéa du 1 de l'article 187, le taux : « 21 % » est remplacé par le taux : « 28 % » ;

3° Au premier alinéa du 1°, au 1° bis, au premier alinéa du 6°, au 7°, aux premier et second alinéas du 8° et au premier alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A, au premier alinéa du I de l'article 125 C, le taux : « 24 % » est remplacé par le taux : « 28 % » ;

4° Au 2 de l'article 200 A, le taux : « 19 % » est remplacé par le taux : « 28 % » ;

5° À la première phrase du premier alinéa du 6 de l'article 200 A du même code, le taux : « 41 % » est remplacé par le taux : « 45 % ».

6° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article 200 B, le taux : « 19 % » est remplacé par le taux : « 25 % ».

Mme Marie-France Beaufils.  - Il faut anticiper sur la prochaine réforme fiscale, adresser un signal au monde du travail, de la création, à la jeunesse, en rééquilibrant l'impôt sur le revenu. Il existe 8 millions de pauvres en France. L'amélioration de leur pouvoir d'achat est indispensable au dynamisme économique. Le gel des salaires serait catastrophique. Pour compenser la suppression du gel du barème de l'impôt sur le revenu, qui touchait salariés, retraités, artisans et commerçants, nous proposons de faire contribuer les plus aisés.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Même avis que sur l'amendement précédent : ce chantier s'ouvrira lors du prochain projet de loi de finances.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Merci de vos propos, madame la sénatrice. C'est parce qu'il ne doit pas y avoir de gel des salaires ni des pensions que le Gouvernement est hostile à la TVA sociale, je l'ai dit.

S'agissant de l'impôt sur le revenu, nous proposerons une réforme globale qui fiscalisera de la même manière les revenus du travail et du capital. Retrait ou rejet.

Mme Marie-France Beaufils.  - Les plus modestes souffriront du gel du barème. Un signe doit leur être adressé : l'impôt doit être rendu plus progressif.

L'amendement n°77 n'est pas adopté.

Article 2

Mme Fabienne Keller.  - Après la suppression de la TVA compétitivité, voici une deuxième promesse de campagne : la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires. Selon François Hollande, les efforts devaient être supportés par les plus privilégiés. Mais cet article amputera les revenus de 9 millions de Français, qui gagnent 1 500 euros, de 450 euros par an, en moyenne. Les cadres ne sont pas concernés. J'ai évoqué hier les cas de Catherine et de Thierry. En voici un autre, qui concerne le secteur routier. Un chauffeur perdra 720 euros par an.

Mme Annie David.  - Il travaille combien d'heures ?

Mme Fabienne Keller.  - À la suite du la loi de finances pour 2013, et de la réforme de l'impôt sur le revenu, le total s'élèvera à 1 000 euros : soit un mois de salaire ! Les salariés ne savaient pas qu'ils étaient des privilégiés !

Le Gouvernement prétend vouloir soutenir l'emploi. Nous revenons 30 ans en arrière (« Oh ! » sur les bancs socialistes), au partage du travail envisagé en 1981. Or les entreprises doivent être en mesure de faire face à une surcharge temporaire de travail, grâce aux heures supplémentaires : la main-d'oeuvre n'est pas interchangeable ! Le principe du « juste à temps » s'impose.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Fabienne Keller.  - Les entreprises ont besoin de flexibilité. Votre mesure est perdant-perdant : pour les salariés, et pour le pouvoir d'embaucher des entreprises.

Mme Annie David.  - Quel est le sens du travail et son lien avec la protection sociale ? Celle-ci a été fondée sur la solidarité. Les députés de l'UMP m'ont rappelé cette phrase de Xavier Bertrand : « Ce n'est pas parce qu'un mensonge est répété 100 fois qu'il devient une vérité ». Vous prétendez défendre les salariés, après avoir créé les franchises médicales, fiscalisé les indemnités d'accidents du travail, augmenté le forfait hospitalier...

Que dire de la TVA ? Onze milliards pris dans les poches des Français !

Or 8,1 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté. Entre 2011 et 2012, les prélèvements obligatoires sur les ménages ont augmenté de 6,7 %. Dans le même temps, les riches s'enrichissent encore.

Cet article soumet de nouveau les heures supplémentaires aux cotisations sociales, conformément au pacte social. Il n'empêchera pas la flexibilité. Cette mesure a été impuissante à enrayer les délocalisations, et selon M. Jean-Pierre Gorges, député UMP, aurait supprimé 100 000 emplois ! (Exclamations à droite)

La proposition de loi Warsmann autorise même à moduler le temps de travail sans payer davantage les heures supplémentaires !

Ces exonérations fragilisent enfin la protection sociale. Le groupe CRC votera cet article. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Albéric de Montgolfier.  - M. Jean-Pierre Gorges ne l'entendait pas ainsi. La fin de l'exonération frappera les salariés modestes et les entreprises. Le rapport de la Direction générale des finances publiques le confirme. Le projet de loi de finances rectificative prévoyait initialement une entrée en vigueur le 1er septembre. Il a ensuite été question du 1er août. Qu'en est-il ?

La trente-quatrième promesse de M. Hollande consistait à maintenir intégralement les exonérations pour les PME. Or seule l'exonération sociale est maintenue !

Cette mesure découragera aussi l'embauche du fait du seuil de vingt salariés: je connais des exemples précis. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Joël Bourdin.  - Selon le Gouvernement, en rendant moins attractives les heures supplémentaires, on favoriserait la création d'emplois, et la mesure serait ainsi neutre pour l'ensemble des salariés. Mais il s'agit d'économie, non de physique ! Les variables réagissent ! Les travailleurs, si les heures supplémentaires sont moins bien payées, demanderont moins à en faire et les employeurs en offriront moins. On risque de voir diminuer le nombre d'heures travaillées, avec un effet récessif. Il y aura aussi moins de revenus distribués, donc moins de consommation. Attention ! Vous parlez beaucoup de croissance, mais vous jouez contre elle ! L'UMP ne votera pas cet article.

M. Richard Yung.  - Pour paraphraser Voltaire, je dirai qu'un Huron écoutant ce débat serait perplexe. Nous ne proposons pas de supprimer les heures supplémentaires, mais l'exonération dont elles bénéficient ! Aidez donc le huron à comprendre !

M. Philippe Marini, président de la commission.  - On va le faire !

M. Richard Yung.  - Vous allez sans doute me suivre : l'article 2 vient après l'article premier.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Intéressante observation !

M. Richard Yung.  - Les deux sont cohérents : nous avons une stratégie budgétaire. Foin de l'idéologie. (Exclamations à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Sur ce terrain, vous nous battez !

M. Richard Yung.  - Vous pensiez, en défiscalisant les heures supplémentaires, créer du travail. En réalité, le nombre d'heures supplémentaires est resté constant !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Il aurait peut-être diminué !

M. Richard Yung.  - Il vaut mieux faire en sorte qu'au lieu d'heures supplémentaires, il y ait des emplois. L'article premier, c'est 8 milliards d'économies, soit 400 euros par foyer. L'article 2, c'est 5 milliards d'euros, soit 400 euros par personne concernée. Au plan du pouvoir d'achat, l'opération est équilibrée.

M. Christian Cambon.  - Vous irez leur dire !

M. Richard Yung.  - D'ailleurs, ceux qui sont les mieux payés ont les heures supplémentaires les mieux rémunérées. (On le conteste à droite) Ainsi en est-il des professeurs qui ont pu doubler leur salaire.

M. Roger Karoutchi.  - Ce sont des privilégiés !

M. Richard Yung.  - Cette mesure nous aurait coûté 100 000 emplois.

M. Francis Delattre.  - Pas du tout !

M. Richard Yung.  - Pour les PME, l'exonération s'appliquera toujours aux cotisations patronales, pas aux cotisations salariales, car il n'est pas possible de rompre l'égalité entre salariés. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Les salariés de Gironde et d'ailleurs constateront une perte de pouvoir d'achat, qui nuira à la consommation. Sont concernés 700 millions d'heures supplémentaires, soit environ 500 euros par an : il ne s'agit pas de riches. Votre mesure affectera aussi les entreprises. Elle réduira l'offre de travail.

Qu'est qu'une petite entreprise ? Le seuil de vingt salariés est bien trop bas : il faudrait le porter à 50 salariés.

Tous les secteurs ne s'équivalent pas. Dans le tourisme, les heures supplémentaires permettent seules de répondre à la demande. Il en va de même du bâtiment, des transports...

Ce sont les branches à bas salaires qui recourent le plus aux heures supplémentaires. Vivons-nous dans le même monde ? (Vives exclamations à gauche) N'avez-vous jamais reçu dans vos permanences des gens qui voulaient travailler un peu plus pour payer leur maison, financer les études de leurs enfants ? (Exclamations à gauche)

M. David Assouline.  - Les Français ont voté !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Vous dites que les heures supplémentaires détruisent les emplois. Cela ne tient pas, notamment dans la fonction publique !

L'effort que vous proposez est injuste ! (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Leleux.  - La majorité socialiste porte un mauvais coup aux 9 millions de salariés qui font des heures supplémentaires. (On le conteste à gauche) Plus de dix ans après les malthusiennes 35 heures, le Gouvernement croit encore que le travail se partage.

Cet article aura de lourdes conséquences pour les enseignants. En 2010-2011, 56 % d'entre eux ont fait des heures supplémentaires ! Le Gouvernement tente d'opposer les uns aux autres, en laissant entendre que seuls les plus privilégiés en ont bénéficié. Mais il existe des heures supplémentaires permanentes dans l'éducation nationale, soit 326 euros pour un certifié qui fait deux heures supplémentaires, qui perdra donc 160 euros du fait des impôts supplémentaires qu'il acquittera. D'autres possibilités d'heures supplémentaires existent. Il ne s'agit pas seulement des « colles » des professeurs de classes préparatoires ! Vous oubliez toutes les mesures prises en 2007, 2008, 2010 pour améliorer l'encadrement éducatif, organiser des stages de mise à niveau etc...

M. Alain Néri.  - Nous créons des postes, vous en supprimez !

M. Jean-Pierre Leleux.  - En en supprimant, nous avons commencé à revaloriser le métier d'enseignant. (On s'indigne à gauche)

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous plaisantez ! Vous avez cassé le système éducatif !

M. Jean-Pierre Leleux.  - Votre mesure fera plaisir aux enseignants !

M. François Patriat.  - La droite nous accuse de règlement de compte idéologique. La loi Tepa n'était-elle pas imprégnée d'idéologie, et totalement contracyclique en temps de crise ? La défiscalisation est contre-productive pour l'emploi, et a coûté 5 milliards par an pendant cinq ans, financés par la dette. Elle a créé un effet d'aubaine, et freiné l'embauche : selon l'OFCE, elle a coûté 40 000 emplois. Relisez le rapport de M. Gorges !

Cette mesure n'a pas augmenté le pouvoir d'achat des salariés, qui n'a augmenté que de 0,1 % entre 2007 et 2010 et qui a reculé ensuite.

La fin des exonérations rapportera 3 milliards d'euros l'an prochain, et préservera ou créera 18 000 emplois. Au total, elle réduira le déficit de 5,2 milliards.

L'UMP prétend défendre le pouvoir d'achat mais voulait augmenter la TVA !

Cet article est économiquement efficace et socialement juste.

M. Francis Delattre.  - Votre rigueur serait plus « juste » que la nôtre ? Comment comprenez-vous donc la justice sociale ? Est-il juste d'augmenter les charges de 9 millions de salariés ? C'est une insulte pour ces travailleurs (exclamations à gauche), pour la plupart modestes.

Le rapport que vous avez invoqué ne dit pas ce que vous prétendez et je constate que ce sont surtout les salariés qui paieront les nouveaux prélèvements créés par le projet de loi de finances rectificative !

Notre objectif était de créer de la flexibilité. Les carnets de commandes se remplissent et se vident. Le partage du travail, cela n'existe pas !

Un mot de l'épargne salariale. Vous sanctionnez les 10 millions de salariés qui en bénéficient ! Or les PME ont besoin de financements stables : l'épargne salariale permet d'y répondre.

Le chômage structurel est l'effet de la pression fiscale, d'une politique budgétaire erratique, d'un euro trop fort... Détricoter nos mesures, c'est créer plus de chômage ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Caroline Cayeux.  - Cet article est bien une injustice sociale et une faute économique. Cette mesure est idéologique alors qu'il s'agissait de venir en aide aux entreprises. Vous mettez à mal la compétitivité des entreprises et la justice sociale, que vous ne cessez de brandir ! Je suis régulièrement interpellée par des transporteurs, des ouvriers, de fonctionnaires municipaux, qui ne sont pas des privilégiés. Vous portez atteinte au pouvoir d'achat des plus modestes qui font régulièrement des heures supplémentaires. Ils sont inquiets pour leur avenir, alors qu'ils vont perdre en moyenne 600 euros pas an. C'est une faute sociale et économique. La hausse symbolique du Smic ne va pas compenser cette ponction.

C'est la double peine pour les entreprises et les salariés ! Les secteurs du BTP et de l'hôtellerie-restauration vont perdre entre 3 et 7 % de leur pouvoir d'achat après impôt : ce n'est pas rien. Vous tournez le dos à la France qui travaille. (Exclamations à gauche)

Je citerai une autre chanson : « Antisocial, tu perds ton sang froid ! (Applaudissements à droite)

M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Cette discussion vient après le vote de l'article premier, qui a rendu plus 10,6 milliards de pouvoir d'achat aux Français. (Rires à droite) Cet article pèse 4 milliards : en définitive, 6 milliards seront rendus aux Français en 2012.

L'enjeu n'est pas la suppression des heures supplémentaires, nous savons tous qu'elles sont indispensables aux entreprises ; elles sont rémunérées 25 % ou 50 % de plus que les heures travaillées « normales ». La question est de savoir s'il faut maintenir leur avantage fiscal et social.

Notre ambition est d'instaurer un nouveau système fiscal qui soit plus juste.

M. Francis Delattre.  - Vous commencez mal !

M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Un salarié qui gagne 1 200 euros et 300 euros d'heures supplémentaires ne contribue pas à la même hauteur à la solidarité nationale que celui qui gagne 1 500 euros de salaires sans heures supplémentaires. Est-ce juste ? Non ! (On renchérit sur les bancs socialistes)

Selon l'Inspection des finances, qui relève des pratiques d'optimisation des entreprises associées à la déclaration d'heures supplémentaires fictives, l'efficacité des mesures du paquet fiscal de 2007 a été faible. Le gain moyen des heures supplémentaires est de 42 euros par mois, le gain médian, de 22 euros. L'absence de plafonnement produit des avantages disproportionnés.

J'ajoute que nous avons voulu maintenir l'avantage pour les PME, celles qui subissent les contraintes les plus fortes, éprouvent le plus de difficulté à se financer et paient proportionnellement davantage d'impôts que les grandes entreprises.

Une mesure qui rend du pouvoir d'achat à tous les Français, une autre qui met fin à la destruction d'emplois : voilà qui est opportun et intelligent.

M. Philippe Adnot.  - Je n'ai pas voté la suppression de la TVA sociale mais je voterai l'article 2 si vous adoptez mon amendement qui propose une application moins brutale de la mesure. Pourquoi ? La réforme de 2007 encourageait les inégalités de traitement : comment justifier que certains salariés ne soient pas imposés sur la totalité de leurs revenus ? (Applaudissements sur les bancs socialistes) Cette réforme voulait revenir sur les 35 heures : il aurait fallu avoir le courage de les supprimer. Troisième vice de forme : elle a été financée par endettement : vous ne paierez pas mais vos enfants devront payer !

Les entreprises voulaient plus de souplesse mais pas des allégements de charges. Je voterai cet article si l'on décale la mesure d'un trimestre pour donner aux entreprises le temps de s'adapter.

M. Jean-Pierre Caffet.  - À l'origine, l'objectif était de favoriser l'emploi, de donner de la flexibilité aux entreprises et de doper la croissance... J'ai retrouvé la déclaration de Mme Lagarde qui disait à l'époque qu'il fallait augmenter la durée du travail pour relancer l'économie. Aucun des objectifs n'a été atteint. Un certain nombre d'études ont été réalisées, des rapports ont été rendus qui ont tous démontré que l'emploi n'avait pas augmenté et que des emplois avaient été détruits. (On le conteste à droite). Bref, vous avez emprunté pendant cinq ans pour détruire des emplois.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Caricature !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Subventionner des heures supplémentaires quand on est en période de faible croissance et de chômage massif est une aberration. La vérité est que les 35 heures vous gênaient ; le paradoxe est qu'avec la loi Tepa vous les avez généralisées en les étendant aux PME de moins de vingt salariés...

Vous vous êtes pris deux fois les pieds dans le tapis. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Il y a la macroéconomie et la microéconomie, les doctrines qui nous inspirent et les gens que l'on rencontre.

Dans le bâtiment, on me dit qu'il y a 1,5 million de salariés qui, en 2011, ont fait 130 millions d'heures supplémentaires, soit 85 en moyenne par salarié. La plupart seront touchés et l'impact sera d'autant plus important que 85 % des entreprises ont recours à des heures supplémentaires structurelles. Certes, il peut y avoir un effet de substitution, mais les entreprises du secteur connaissent des aléas dans leurs plans de charge, voire une saisonnalité, qui leur rendent les heures supplémentaires indispensables.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Sont-elles supprimées ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Non, mais les exonérations de charges sociales le sont.

Dans le transport routier, on me dit qu'il y a 400 000 salariés. Le temps de service hebdomadaire est compris entre 42,35 et 47,4 heures. La suppression des exonérations sur les heures supplémentaires aura un impact très net sur le pouvoir d'achat des conducteurs. L'effet sera réel et brutal.

Dans la conjoncture actuelle, c'est un coup de massue pour les salariés et les entreprises, surtout les PME. La méthode du rabot me semble bien préférable. C'est un instrument bien pratique, monsieur le ministre... Il faut donc supprimer l'article 2.

M. Christian Cambon.  - J'ai entendu le plaidoyer vibrant de M. Néri en faveur des salariés pauvres. Je veux parler en cet instant des agents des collectivités. Maire d'une ville moyenne dans le Val-de-Marne, j'embauche des assistantes maternelles dont le salaire net est de 1 150 euros. J'ai aussi des difficultés à remplacer des policiers municipaux ou des auxiliaires de puériculture, si bien que j'ai eu recours à des heures supplémentaires. Vous allez porter un coup terrible à ces agents de catégorie C, qui ont déjà le plus grand mal à se loger en région parisienne.

Vous irez expliquer cette mesure à tous nos agents ! (Applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - Nous ne sommes pas dans la démagogie. (Rires et exclamations à droite) Les principales préoccupations de nos concitoyens sont l'emploi et le chômage. Il n'y a pas de doute : en période de croissance, il ne faut pas de mesures qui détruisent des emplois. Avec la vôtre, 100 000 emplois ont été détruits. (On le conteste vivement à droite)

Il faut prendre conscience que cet article s'inscrit dans un ensemble, avec la suppression de la TVA sociale, qui bénéficiera à l'ensemble des ménages, l'augmentation du Smic et celle de l'allocation de rentrée scolaire, l'encadrement des loyers. (Exclamations à droite) C'est nous qui défendons le pouvoir d'achat !

Vous savez bien que j'ai raison mais vous espérez que les Français ne comprendront pas. Vous les croyez moins intelligents qu'ils ne sont : François Hollande a assumé devant eux ces mesures au cours de sa campagne. Ils savent que c'est la gauche qui défend leur pouvoir d'achat et que vous les avez matraqués pendant cinq ans avec 25 taxes supplémentaires.

La séance est suspendue à 19 heures.

*

*          *

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

Conférence des présidents

M. le président.  - Je vais vous donner lecture des conclusions de la Conférence des présidents.

JEUDI 26 JUILLET 2012

À 9 h 30, à 14 h 30, le soir et, éventuellement, la nuit :

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012.

ÉVENTUELLEMENT, VENDREDI 27 JUILLET 2012

À 9 h 30 et à 14 h 30 :

- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

MARDI 31 JUILLET 2012

À 14 h 30 :

1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au harcèlement sexuel.

À partir de 18 heures :

2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012.

M. Henri de Raincourt.  - Sait-on quand la session d'automne commencera ?

M. le président.  - Je n'ai aucune indication précise et définitive, mais je ne doute pas que nous le saurons très bientôt. (Sourires)

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

La Conférence des présidents a aussi procédé à la répartition par tirage au sort des espaces réservés aux groupes politiques pour la session 2012-2013, ainsi qu'à la répartition des semaines de séance pour la session 2012-2013. Elle a enfin eu un échange de vues sur l'ordre du jour de la semaine sénatoriale de contrôle du mois d'octobre.

Loi de finances rectificative pour 2012 (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012. Dans l'examen des articles, nous en sommes parvenus aux amendements à l'article 2.

Discussion des articles de la première partie (Suite)

Article 2 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°101, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. François Trucy.  - Après un après-midi de discussion, on a l'impression que tout a été dit. Mais le sujet est important. Je ne répéterai donc pas ce qui a été dit. (« Si ! » à droite)

M. Marini a alerté sur les conséquences de l'article sur le BTP et le transport routier. Celui-ci est l'un des premiers employeurs. Il subira en 2013 la taxe poids lourds et la concurrence internationale apportée par la libéralisation du cabotage. Les contraintes nationales sont aussi plus contraignantes, réduisant de 30 % la productivité. La fin de la défiscalisation ferait perdre 500 à 1 200 euros par an aux conducteurs, 5 000 euros aux entreprises. C'est dire les risques que fait courir cet article.

M. le président.  - Amendement identique n°126 rectifié, présenté par MM. Marseille, Dubois, J. Boyer, Maurey et Tandonnet, Mme Morin-Desailly et MM. Roche, Détraigne et Capo-Canellas.

M. Hervé Marseille.  - Il est bon que nous puissions débattre de ce sujet, ayant été empêchés de le faire à l'occasion du discours de politique générale. Les PME ont besoin des heures supplémentaires. Le rapport Gorges montre que les bénéficiaires sont au nombre de 9 millions, pour un gain moyen de 500 euros, un gain médian de 350 euros.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Que ceux qui n'ont pas été instruits par le débat se reportent aux rapports. De nombreuses études montrent les effets contre-productifs et anti-redistributifs de cette mesure. Je vous renvoie aux travaux du Conseil des prélèvements obligatoires et au rapport Guillaume qui pointent l'effet ambigu sur l'emploi, le fort effet d'aubaine, l'effet anti-redistributif puisque les ménages les plus riches bénéficient d'un avantage nettement plus important en raison de la progressivité de l'impôt sur le revenu, enfin, le gain en PIB inférieur au coût de la mesure. Je n'ignore pas les arguments sentimentaux sur tel ou tel cas, mais il faut être rationnel.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Même avis. Est-il légitime que la puissance publique participe à la constitution du revenu primaire ? Une économie administrée ne créera jamais autant de richesses qu'on en espère. Je connais moi aussi des cas particuliers qui perdront à la disposition que nous proposons, mais nous voulons une autre politique fiscale et sociale.

Une politique se juge aux résultats qu'elle est censée atteindre. La vôtre n'a pas accru ni l'emploi, ni le pouvoir d'achat -l'augmentation par unité de consommation étant le meilleur critère, comme le disait à juste titre le ministre des finances Sarkozy- et elle fut financée par l'emprunt à hauteur de 4,5 à 5 milliards par an.

M. Alain Néri.  - Notre débat m'a attristé. Les Français les plus modestes souffrent de la crise. Plutôt que de les opposer, rassemblons-les ! L'effort doit être équitablement réparti. Or certains s'acharnent à dresser les Français les uns contre les autres : ceux qui ont un travail et les autres, appelés « assistés » ; ceux qui bénéficient des heures supplémentaires et les autres. Neuf millions touchent 40 euros supplémentaires par mois. Nous, nous avons augmenté le Smic de 20 euros par mois, c'est trop peu mais, en cinq ans, cela représenterait 100 euros !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Le smicard n'est pas fiscalisé.

M. Alain Néri.  - La fin de l'exonération créera des emplois. Il était extraordinaire de décourager la création d'emplois, puisque les heures supplémentaires coûtaient moins cher à l'employeur que les heures « normales », en plus de supprimer des postes de fonctionnaires !

Si votre mesure avait été efficace, vous n'auriez pas été les champions du monde de l'augmentation du chômage. (Exclamations à droite) La TVA sociale, c'était la machine à tondre les oeufs. L'exonération des heures supplémentaires, c'était la machine à tuer les emplois ! Beaucoup de Français attendent du travail.

M. Philippe Dallier.  - La fin de l'exonération des heures supplémentaires était dans le programme de François Hollande, dites-vous. Mais les agents de ma commune, comme beaucoup d'autres, n'ont pas compris qu'ils étaient concernés ! Fin septembre, ils verront que leur salaire a diminué.

M. Claude Domeizel.  - N'importe quoi !

M. Philippe Dallier.  - Pas du tout ! ça ne touche pas des riches ! Ils tomberont de haut, car cette mesure est devenue un acquis social. (M. Alain Néri s'exclame) Politiquement, cela vous coûtera cher.

Il y a deux manières de comprendre le slogan « Travailler plus pour gagner plus ». La loi Fillon a voulu aider ceux qui voulaient travailler plus. En outre, le travail génère le travail. Mais la crise est passée par là. Cent mille emplois détruits ? Personne n'en sait rien. Les entreprises ont besoin de flexibilité. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Rémy Pointereau.  - La gauche détricote et fait les poches des Français. Les impôts, c'est maintenant ! Fin de l'exonération des heures supplémentaires, abaissement du seuil des droits de succession... Pour les transporteurs, cet article sera une catastrophe. Pour l'agriculture aussi : près de 2 000 euros d'heures supplémentaires pour certains salariés agricoles !

Les heures supplémentaires créent de la richesse. Elles encouragent le commerce local. L'exonération réduisait le coût du travail. Les entreprises ont aussi besoin de flexibilité. Votre mesure est un non-sens économique et un très mauvais signal pour les classes moyennes. Vous reproduisez l'erreur des 35 heures : le travail ne se partage pas ! Vous vous attaquez au pouvoir d'achat. C'est plus qu'une erreur, c'est une faute politique dont vous porterez la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Catherine Procaccia.  - Le travail n'est pas un gâteau qui se partage. Vous ne semblez pas connaître les entreprises. (Protestations à gauche) On n'embauche pas, on ne forme pas des personnes pour quelques heures par mois ! Votre article ne peut favoriser que l'emploi intérimaire, le plus précaire.

Vous culpabilisez les bénéficiaires en affirmant qu'ils prennent l'emploi des chômeurs. C'est inacceptable. Vous semblez ignorer que ce ne sont pas les cadres qui bénéficient des heures supplémentaires, puisqu'ils sont soumis au forfait jours. Quant aux fonctionnaires, nous rirons bien en septembre, lorsque les enseignants vous diront qu'ils ne se considéraient pas comme des privilégiés. Avec les 35 heures, les hôpitaux ne fonctionnent qu'avec les heures supplémentaires, vous le savez bien.

Vous parlez sans cesse de concertation, de dialogue social, et vous imposez par la loi la remise en cause d'acquis sociaux ! C'est mal parti. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Alain Milon.  - Au risque de décevoir notre rapporteur général, nos arguments risquent d'être sentimentaux... L'hôpital est dans une situation grave. Une action à court terme est annoncée et les établissements pourraient émettre des billets de trésorerie. Vous ne mesurez pas le surcoût pour ceux qui subiront la fin de l'exonération des heures supplémentaires. Médecins et infirmières font beaucoup d'heures supplémentaires : un infirmier gagne 20 000 euros par an et fait 600 heures supplémentaires. La fin de l'exonération amputera considérablement ses revenus. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Christophe-André Frassa.  - L'exonération des heures supplémentaires permet aux entreprises de s'adapter aux commandes. La gauche se dit favorable à la compétitivité et à la croissance. Mais elle tue les entreprises.

François Hollande voulait faire des PME une priorité. Et la gauche s'apprête à augmenter de 30 milliards d'euros les impôts sur les entreprises ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Dominique de Legge.  - « Redressement dans la justice », dites-vous. Mais les 9 millions de bénéficiaires d'heures supplémentaires ne font pas partie des plus riches. Fiscaliser les heures supplémentaires, c'est bien réduire leur pouvoir d'achat ! Dans ma commune, un transporteur m'a dit gagner 1 900 euros par mois. Avec cette mesure, il perdra 1 000 euros par an ! Est-ce juste ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Supprimons les impôts !

M. Dominique de Legge.  - Cette mesure représente la moitié des recettes supplémentaires que vous escomptez : 3,6 milliards. Or elle frappe d'abord les classes moyennes et les moins favorisées.

En même temps, vous revenez à la retraite à 60 ans. C'est le retour aux vieilles lunes de 1981 ; on a vu ce qu'il est advenu dix-huit mois plus tard !

M. Daudigny a dit que l'article 2 suivait l'article premier. Jusque là, je le suis. Mais à l'article premier, il s'est élevé contre une hausse de la TVA qui diminuerait le pouvoir d'achat. Ici, il défend un prélèvement supplémentaire ! Aucune logique. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Marie-France Beaufils.  - Détricoter, dites-vous ? Cela vous va bien, à vous qui aviez décidé avec le Medef de déconstruire l'héritage de la Libération. (Exclamations à droite) Ce qui est en jeu, c'est la solidarité.

Tout le monde reconnaît au fond que les salaires sont trop faibles. Ce qu'il faudrait, c'est améliorer ces derniers !

M. Christian Cambon.  - C'est le Gosplan !

Mme Marie-France Beaufils.  - Vous avez parlé des enseignants. Si des heures supplémentaires ont été créées dans l'éducation nationale, c'est parce que les enseignants manquaient, à la suite de la RGPP notamment. Ce n'était pas un choix.

M. Christian Cambon.  - Demandez-leur !

Mme Marie-France Beaufils.  - Dans ma commune, plutôt que de recourir aux heures supplémentaires, j'ai préféré embaucher. Vous avez fait le choix politique de faire travailler plus vos agents en touchant l'aide indirecte de l'État. Ce n'est pas le nôtre ! (Applaudissements à gauche)

Dans les transports, c'est votre politique à l'échelle européenne qui provoque la crise. La libéralisation du cabotage crée une concurrence déloyale pour nos travailleurs et le transport ferroviaire se casse la figure. Nous voulons un autre avenir économique pour notre pays, les électeurs aussi ! (Applaudissements à gauche)

Mme Corinne Bouchoux.  - Nous ne portons pas les mêmes regards sur la situation... Au nom de la biodiversité du Sénat, je rappellerai que la défiscalisation coûte cher, qu'elle est inefficace selon le Conseil des prélèvements obligatoires et qu'elle a surtout conduit à déclarer plus systématiquement les heures supplémentaires.

Votre vision est ultra-productiviste et ultra-consumériste. Il faut poser autrement la question du travail. Les préjugés sont nombreux sur le temps de travail en Allemagne : regardez de plus près ce qui s'y est passé ces cinq dernières années, ce n'est pas ce que vous dites.

Ce débat pourrait être plus courtois, conforme à l'esprit du Sénat. Vos arguments sont surréalistes, si l'on songe aux sans-emploi.

Nous soutenons donc le Gouvernement, même si c'est pour des raisons un peu différentes des siennes. (Applaudissements sur les bancs écologistes et socialistes)

M. Christophe Béchu.  - Mme Bouchoux assume un positionnement idéologique, l'apologie de la décroissance. Chacun cite l'Allemagne. Sa TVA anti-délocalisation explique peut-être en partie sa réussite ! Il y a quelques semaines, vous avez augmenté le Smic de 20 euros. C'était peu, mais déjà significatif, disiez-vous. Et à présent, vous dites que 40 euros de moins par mois, cela ne représente rien !

Assumez donc vos choix politique. Vous avez le droit de ne pas aimer le travail...

M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Caricature !

M. Christophe Béchu.  - ..... d'être malthusiens. Mais ne nous faites pas le coup de la justice ou du redressement économique ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Martial Bourquin.  - Des heures supplémentaires, il y en a toujours eu et il y en aura encore. Le problème, c'est qu'elles soient défiscalisées alors qu'il y a 5 millions de demandeurs d'emplois. Pensons à l'intérêt général ! Votre politique a produit 450 000 chômeurs de plus.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Mais non !

M. Martial Bourquin.  - En cas de surchauffe, il faut des heures supplémentaires. En cas de plein emploi et de difficulté à répondre à la demande, peut-être faudrait-il les défiscaliser. Mais croyez-vous que celui-là même qui fait des heures supplémentaires ne pense pas à son collège licencié ?

Mme Catherine Procaccia.  - Culpabilisation !

M. Martial Bourquin.  - Il faut tout faire pour endiguer le chômage.

Aurait-on caché cette mesure ? Non. Le président de la République l'a annoncée. Vous vous accrochez à un symbole du sarkozysme, mais ne pensez-vous pas que vous êtes à l'origine de la situation que traverse notre pays ?

M. Henri de Raincourt.  - L'Allemagne n'a pas les 35 heures !

M. Martial Bourquin.  - Vous n'avez pas eu de politique industrielle. Le Gouvernement essaie d'en mettre une en place. Il a besoin de moyens. La suppression des exonérations lui en donnera, au service de tous les Français. C'est une question éthique, car on ne dresse pas les Français les uns contre les autres. C'est une question économique aussi .Les heures supplémentaires, c'est quand il y a beaucoup de production ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Fabienne Keller.  - Je relève une imprécision de raisonnement dans ce débat. Les exonérations de charges ne servent à rien car l'emploi n'a pas augmenté, d'après vous. Mais en cinq ans, la situation économique a changé : quelle aurait été la situation en l'absence de soutien au pouvoir d'achat ? Depuis 2008, la croissance s'est ralentie considérablement.

Le nombre d'heures supplémentaires n'a pas augmenté, ce qui signifie que les chefs d'entreprises n'ont pas exagéré. De plus les heures supplémentaires augmentent quand l'activité augmente. La stagnation des heures supplémentaires démontre les difficultés rencontrées par les entreprises.

Dans les transports, il y a 40 % de charges salariales. À Strasbourg, nous sommes exposés directement à la concurrence allemande dont les coûts sont moins élevés, et à celle de tous les cabotages étrangers. En Pologne, un chauffeur est payé 800 euros. En France, cette mesure mettra nos salariés en difficulté. Nos entreprises ont conclu des accords professionnels. De septembre à décembre, des conducteurs vont perdre du pouvoir d'achat. Les chefs d'entreprises qui, pour conserver leurs bons éléments, accorderont des augmentations perdront des parts de marché. (Mme Marie-France Beaufils s'exclame) Le monde marche comme cela, madame Beaufils, c'est ce qu'on appelle le commerce. Nous ne vivons pas dans une cocotte-minute ! Nous voulons soutenir les chefs d'entreprises car ce sont eux qui créent les emplois, pas nous.

Vos mesures mettent en difficulté les entreprises et l'emploi. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Cet article ne permettra pas d'assainir nos finances publiques. Ce collectif aura de graves conséquences sur les catégories modestes. Dans vos propres rangs, les choses ne vont pas de soi : le doute s'est installé. (Rires sur les bancs socialistes) Vous avez d'ailleurs demandé des scrutins publics. (Exclamations sur les mêmes bancs). Les absents ont compris votre erreur ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - (« Ah ! » sur divers bancs) Je reviens au budget. Je conteste l'article 2, mais je comprends que le ministre du budget s'efforce de retrouver quelques milliards. Il est utile de rappeler l'incidence de cette mesure : un milliard en 2012, 3,6 en 2013, 4,4 en 2014. (On le confirme à gauche) Attendez la suite !

La brutalité de cette mesure me choque : elle s'attaque à toutes les branches de l'économie, dont la situation n'est pas la même. Il aurait été compréhensible que le Gouvernement appelle les branches à regarder la situation et à prendre des engagements négociés. J'ai cité le transport routier. Pour les longues distances, il faut raisonner en heures supplémentaires plutôt qu'en recrutement. Nous n'avons pas parlé d'une masse budgétaire résiduelle : 23 milliards, soit le total des allégements généraux de charges sociales.

La Cour des comptes a présenté un rapport sous la présidence de M. Séguin. Les allégements généraux ont été réduits d'un milliard. Peut-être le seuil de 1,6 Smic pourrait-il être abaissé pour trouver un milliard d'euros ? Eût-il été impossible de moduler selon les branches l'exonération des heures supplémentaires pour trouver 3,5 ou 4 milliards ? Ce que je critique, c'est le caractère aveugle, brutal de cette mesure. Certes, chacun veut défendre sa thèse, mais nous avons donné des exemples concrets qui méritent qu'on y réfléchisse. Vous avez balayé d'un revers de main nos arguments. C'est pourquoi il est préférable de supprimer l'article 2. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Raffarin.  - (« Ah ! » à droite) Ce débat républicain est légitime : la majorité veut tenir ses promesses. La force de la démocratie, c'est d'organiser des alternances non violentes. Il faut s'en réjouir. Mais l'arrogance est toujours là aux lendemains d'une victoire.

Je pense qu'il y a entre nous deux clivages. Le premier : nous n'avons pas la même conscience de la crise. Vous semblez croire que vous disposez de temps, comme si le monde était calme. Mais la situation est grave, les pays émergents ralentissent : ils vont chercher la croissance sur d'autres marchés. Vous prenez le temps d'observer, de créer des commissions. On verra qui a raison.

Le deuxième clivage, c'est celui du travail : vous semblez croire que le Gouvernement crée l'emploi. Mais non, c'est le travail qui le crée ! Vous faites une erreur d'analyse : si le chômage a augmenté, c'est dû à la crise. Vous estimez que c'est de notre faute : les heures supplémentaires, ce n'est pas du travail que l'on prend aux autres. M. Gallois, qui a dirigé Airbus et EADS, dit qu'un choc de compétitivité est nécessaire et cela passe par des heures supplémentaires. L'augmentation du chômage ne signe pas l'échec du quinquennat précédent. Il faut mobiliser les entreprises et permettre de travailler plus. Vous, vous croyez que le travail se partage. Nous ne le croyons pas. C'est un vrai désaccord. Vous devez tenir vos promesses mais nous serons au rendez-vous de la vérité. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - M. Wauquiez nous a fourni les chiffres suivants : 50 % des bénéficiaires d'heures supplémentaires touchent 1,2 à 1,4 Smic ; 230 000 enseignants perdront à cause de vous 300 euros de rémunération. Ils apprécieront.

L'expression « justice fiscale » a été galvaudée ; vous croyez cette mesure populaire : elle ne l'est pas.

Dans ma région, le chômage est important et nous faisons appel à des travailleurs péruviens pour ramasser les fruits.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous ne les payez pas.

Mme Marie-Thérèse Bruguière.  - Mais si ! Pour les raisons que j'ai dites, je voterai cet amendement. (Applaudissements à droite)

M. Thierry Foucaud.  - La loi Tepa, c'était pour le patronat, pour les riches. Le clivage dont parlait Jean-Pierre Raffarin, c'est qu'une partie de cet hémicycle soutient le grand capital. (Vives exclamations à droite)

M. Pierre Hérisson.  - C'est du Zola !

M. Thierry Foucaud.  - Quand Renault a mis ses salariés au chômage partiel, qu'avez-vous dit ? Rien ! Même chose pour Arcelor Mittal, Caterpillar, etc.... (Exclamations sur les mêmes bancs) Vous avez ôté leurs moyens aux collectivités. La crise n'est pas nouvelle, monsieur Raffarin. Le dernier budget en équilibre date de 1973, du temps de Giscard d'Estaing. (Même mouvement) On disait à l'époque que les 300 000 chômeurs étaient dus à la crise du pétrole. Aujourd'hui on est à 5 millions de chômeurs.

Après avoir sali les salariés (marques d'indignation à droite), vous leur avez tapé dessus en fiscalisant les accidentés du travail.

Mme Annie David.  - Eh oui !

M. Thierry Foucaud.  - Et aujourd'hui, vous pleurez ! (Exclamations à droite)

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Si les communistes étaient au Gouvernement, nous serions rassurés !

M. Thierry Foucaud.  - Le problème n'est pas là.

Nous dirons ce que nous voulons. La gauche, ce n'est pas la droite. Vous n'avez fait qu'aggraver le chômage, la situation des pauvres gens. (Applaudissements à gauche)

À la demande du groupe socialiste, les amendements identiques nos101 et 126 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l'adoption 169
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié quater, présenté par Mmes Lamure et Procaccia, MM. Milon et Cardoux, Mmes Cayeux, Bruguière, Deroche et Des Esgaulx, MM. Pierre, Mayet, Buffet, P. Leroy et Savary et Mme Hummel.

I.  -  Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Alinéa 5

Remplacer le nombre :

vingt

par le nombre :

cinquante

III.  -  Alinéas 23 à 27

Supprimer ces alinéas.

IV.  -  Alinéas 35 à 37

Supprimer ces alinéas.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Il convient de prendre en compte les effectifs des entreprises. Pour nous, les petites entreprises sont celles de moins de 50 salariés qui utilisent plus de 60 % du total des heures supplémentaires.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Ce serait raisonnable.

M. le président.  - Amendement n°98 rectifié, présenté par Mme Dini, MM. Roche et Vanlerenberghe et Mme Férat.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Cet amendement propose de maintenir la réduction de cotisations salariales de sécurité sociale sur les heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés.

La simple suppression de l'exonération des cotisations salariales va coûter 60 euros par mois aux professeurs.

Pour un salarié dans l'hôtellerie, son salaire diminuera de 10 % s'il travaille 35 heures.

Les heures supplémentaires destructrices d'emploi ? J'en doute. Selon une étude de la Dares, les entreprises qui ont préféré augmenter les heures supplémentaires plutôt que de recruter ne représentent que 13 % du secteur concurrentiel, tandis que celles qui ont fait le choix contraire en représentent 25 %. La situation est donc plus contrastée que vous ne le pensez.

M. le président.  - Amendement n°99 rectifié, présenté par Mme Dini, MM. Roche et Vanlerenberghe et Mme Férat.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

A. Le début de la première phrase du premier alinéa du I de l'article L. 241-17 est ainsi rédigé : « I.  - Dans les entreprises employant moins de vingt salariés, toute heure... (le reste sans changement) » ;

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Les heures supplémentaires dépendent de l'organisation du travail dans les entreprises, surtout dans les TPE qui ne sont pas passées aux 35 heures.

Il faut donc que ces salariés bénéficient de l'exonération des charges salariales.

J'avais déposé un amendement, refusé par la commission des finances, pour favoriser l'emploi d'un jeune ou d'un chômeur. Autoriser plus de souplesse serait sage.

M. le président.  - Amendement n°181, présenté par MM. Adnot et Bernard-Reymond.

I. Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

à compter du 1er octobre 2012

II. Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

à compter du 1er octobre 2012

III. Alinéa 24

Compléter cet alinéa par les mots :

à compter du 1er octobre 2012

M. Philippe Adnot.  - Même si je comprends la volonté du Gouvernement de mener cette réforme, je propose que la mesure s'applique à compter du 1er octobre, à l'échéance du trimestre.

M. le président.  - Amendement n°102, présenté par M. de Montgolfier et les membres du groupe UMP.

Alinéa 5

Remplacer le nombre :

vingt

par le nombre :

deux cent cinquante

M. Albéric de Montgolfier.  - Les PME sont fragiles et le Gouvernement le reconnaît. Il faut faire passer le seuil de 20 à 250 salariés, pour éviter l'effet de seuil.

M. le président.  - Amendement n°127 rectifié, présenté par MM. Marseille, Dubois, J. Boyer, Maurey, Détraigne et Tandonnet, Mme Morin-Desailly et M. Zocchetto.

Alinéa 5

Remplacer le nombre :

vingt

par le nombre :

soixante-dix

M. Hervé Marseille.  - Le dispositif doit être souple. L'Assemblée nationale a voulu éviter la rétroactivité. Nous proposons d'appliquer la mesure à partir de 70 salariés.

Les amendements suivants vont dans le même sens.

M. le président.  - Amendement n°135 rectifié, présenté par MM. Marseille, J. Boyer, Dubois, Maurey et Détraigne, Mme Morin-Desailly et MM. Zocchetto, Roche et Tandonnet.

Alinéa 5

Remplacer le nombre :

vingt

par le nombre :

soixante

M. Hervé Marseille.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°132 rectifié, présenté par MM. Marseille, Zocchetto, Maurey, Dubois, J. Boyer, Détraigne et Tandonnet, Mme Morin-Desailly et M. Roche.

Alinéa 5

Remplacer le nombre :

vingt

par le nombre :

cinquante

M. Hervé Marseille.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°134, présenté par M. Marseille.

Alinéa 5

Remplacer le nombre :

vingt

par le nombre :

quarante

M. Hervé Marseille.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°133 rectifié, présenté par MM. Marseille, Maurey, Zocchetto, Tandonnet et Roche, Mme Morin-Desailly et MM. J. Boyer et Détraigne.

Alinéa 5

Remplacer le nombre :

vingt

par le nombre :

trente

M. Hervé Marseille.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances.

I.  -  Alinéa 7

Remplacer le mot :

Aux 

par le mot :

Au titre des

II.  -  Alinéa 8

Remplacer le mot :

aux 

par le mot :

au titre des

III.  -  Alinéas 9 et 10

Remplacer le mot :

Aux 

par le mot :

Au titre des

IV.  -  Alinéa 12

Remplacer les mots :

annuel en jours

par les mots :

en jours sur l'année

V.  -  Alinéa 36

Après le mot :

complémentaires 

supprimer les mots :

de travail

VI.  -  Alinéa 37

Supprimer les mots :

de travail

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Amendement rédactionnel.

M. Raffarin nous disait tout à l'heure que la situation était grave. C'est vrai. Et la majorité ne perd pas son temps. Le déficit considérable provient pour moitié de raisons structurelles. Pour honorer la loi Tepa, la France est obligée d'emprunter 5 milliards par an. Est-ce juste ?

Toutes les études démontrent les inconvénients des heures supplémentaires. L'analyse est sans ambigüité : le dispositif ne marche pas. Tous ces amendements doivent donc être rejetés. Les amendements n°s14, 87 et 99 visent à maintenir l'exonération sur les cotisations salariales : avis défavorable. Il en coûterait 2,7 milliards si ces amendements étaient votés. L'amendement n°181 légitime dans son intention aurait un coût élevé. L'Assemblé nationale a trouvé une solution satisfaisante.

Enfin, les amendements n°s102, 127, 135, 132, 134 et 133 étendent à de nouvelles entreprises, selon des seuils différents, le maintien des exonérations. Avis défavorable. En 2011, 44 % des heures supplémentaires étaient effectuées dans les entreprises de moins de vingt salariés. Elles ne seront pas touchées.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Le Gouvernement est défavorable à tous les amendements en dehors de l'amendement n°29 rectifié du rapporteur général.

Le rétablissement des exonérations fiscales et sociales n'est pas envisageable. La modification des seuils ne changerait rien, par principe, à l'effet de seuil : retrait.

Quant à la date d'entrée en vigueur, ce serait tentant. Il faut savoir résister à la tentation. Les députés ont abouti à un dispositif équilibré : avis défavorable à l'amendement n°181.

M. Christophe Béchu.  - Avec de nouveaux seuils, l'effet de seuil demeure, preuve qu'il aurait été préférable de supprimer l'article.

J'ai été intéressé par l'argumentation de notre rapporteur général : la justice, c'est de ne pas faire reposer la charge de nos dépenses sur les générations futures. Il faut alors supprimer la loi Tepa, mais aussi les 35 heures qui coûtent 20 milliards...

M. Daniel Raoul.  - Il y avait longtemps !

M. Christophe Béchu.  - ... et le plan en faveur de l'industrie automobile annoncé aujourd'hui: 7 000 euros pour des foyers qui ne comptent pas parmi les plus modestes ! Un peu de cohérence, monsieur le ministre. Nous reparlerons de votre conception de la justice. (Applaudissements à droite)

M. Philippe Adnot.  - Je regrette que vous ne donniez pas satisfaction aux entreprises qui auront du mal à appliquer votre mesure en plein trimestre. Si vous voulez donner un bon signal, il faut montrer que vous comprenez les problèmes des entreprises.

L'amendement n°14 rectifié quater n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s98 rectifié, 99 rectifié, 181, 102, 127 rectifié, 135 rectifié, 132 rectifié, 134 et 133 rectifié.

L'amendement n°29 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié ter, présenté par Mme Cayeux, MM. Lefèvre, Fleming, P. Dominati, Béchu, Cardoux, César, Cambon, Gournac et Courtois, Mmes Des Esgaulx et Farreyrol, MM. J.P. Fournier et P. André, Mmes Deroche et Bruguière, M. B. Fournier, Mme Sittler et MM. Leleux, Revet, Savary, Mayet, Reichardt, P. Leroy, Houpert et Couderc.

Après l'alinéa 20

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° La section 4 du chapitre 1er du titre 4 du livre 2 du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 241-19 ainsi rédigé :

« Art. L. 241-19.  -  Par dérogation aux dispositions de l'article L. 241-18, dans les entreprises relevant d'un secteur d'activité où, en application d'une convention ou d'un accord collectif de branche étendu, la durée hebdomadaire de travail est supérieure à la durée légale et ouvrent droit au paiement d'heures supplémentaires mensualisées, quel que soit l'effectif, toute heure supplémentaire effectuée par les salariés ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d'un montant fixé par décret. »

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je propose d'exclure les entreprises dont la durée du travail, fixée par une convention ou un accord collectif national de branche étendu, serait supérieure à la durée légale de travail. Tel est le cas de la restauration.

L'amendement n°178 rectifié bis n'est pas défendu.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - L'article 2 exonère les entreprises de moins de vingt salariés. Avis défavorable.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Pourquoi ne pas tenir compte des spécificités de l'hôtellerie-restauration ? Votre réponse, monsieur le ministre, fut lapidaire. Je voterai l'amendement excellent de Mme Des Esgaulx.

L'amendement n°12 rectifié ter n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales.

Alinéa 34

I - Après les mots :

Pour l'année 2012,

insérer les mots :

après affectation préalable de la fraction mentionnée au A du III du présent article,

II - Après le mot :

affectée

supprimer les mots :

, après déduction de la fraction mentionnée au A du III du présent article,

M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Cet amendement concerne la compensation par l'État des exonérations de cotisations sociales maintenues pour les entreprises de moins de vingt salariés. Le Gouvernement s'engage à présenter un nouveau dispositif à l'automne. En 2010 et 2011, le produit des impôts affectés fut inférieur au manque à gagner pour la sécurité sociale ; l'article 2 prévoit l'apurement de la dette de 341 millions d'euros de l'État. Mais la rédaction de l'alinéa correspondant est ambiguë. Il faut le clarifier.

L'amendement n°22, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. Vincent Delahaye.  - L'an passé, les sénateurs centristes ont conduit un travail sur le bilan de la défiscalisation des heures supplémentaires. Celle-ci avait pour triple objectif de contourner les 35 heures, d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés et de dynamiser l'activité économique. Les entreprises ont ainsi pu ajuster leur masse salariale et répondre à leurs commandes dans une conjoncture désastreuse. Les heures supplémentaires concernent 528 000 entreprises et 9 millions de salariés.

Pour la gauche, les heures supplémentaires sont substituables à l'emploi. Il ne s'agit plus aujourd'hui d'arbitrer entre droit au loisir et droit au travail, mais de protéger nos entreprises et leurs salariés. On n'embauche pas pour les mêmes raisons que l'on attribue des heures supplémentaires. Ou alors, interdisez celles-ci ! En réalité, vous cherchez le rendement ; vous aurez la colère sociale. Croyez-vous qu'il suffira de dire que c'était une mesure décidée par Nicolas Sarkozy ? Sans rien pour stimuler la compétitivité, ni réduire la dépense publique... Nous ne saurions cautionner cette erreur de diagnostic.

L'article 2, modifié, est adopté.

Article 3

M. Albéric de Montgolfier.  - La réforme de l'ISF du printemps 2011 était indispensable, d'abord parce que les revenus du patrimoine diminuent. Quand l'ISF a été créé, le rendement des placements dépassait l'inflation. Ensuite, parce que le nombre des contribuables de l'ISF a doublé en dix ans à cause de la flambée de l'immobilier, en particulier en Ile-de-France. L'ISF est ainsi devenu insupportable pour certains ménages.

L'article pose trois problèmes juridiques. Les foyers dont le patrimoine est compris entre 800 000 et 1,3 million d'euros n'ont pas fait de déclaration mais subiront la rétroactivité de la loi fiscale ; la contribution exceptionnelle ne le sera pas ; enfin, il n'y a aucun plafonnement ni bouclier en fonction du revenu. Certains devront ainsi payer plus qu'ils ne gagnent, par exemple une veuve avec de faibles revenus propriétaire d'un grand appartement à Paris. Le dispositif est confiscatoire : le Conseil constitutionnel s'y penchera.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Cet article instaure une surtaxe exceptionnelle. Quelles sont donc les intentions du Gouvernement en matière d'imposition de la fortune ? Veut-il rétablir l'ISF tel qu'avant l'aménagement raisonnable de 2011 ? Contribuables et investisseurs ont le droit de savoir. Votre mesure est-elle un moyen astucieux d'éviter la question du plafonnement ?

M. Charles Guené.  - Avec la contribution exceptionnelle, le contribuable paiera le même impôt que si la réforme de l'ISF de 2011 n'avait pas eu lieu. Il fallait contourner le risque d'inconstitutionnalité. Malgré l'argumentation un peu spécieuse du ministre, nous savons que le Gouvernement reviendra dès l'automne à l'ancien barème. Mais a-t-il l'intention de revenir au seuil d'assujettissement de 800 000 euros ! La réforme de 2011 était une mesure de justice fiscale au vu de la flambée de l'immobilier.

En l'absence de plafonnement, des milliers de contribuables devront payer plus que leurs revenus. Cela met en lumière les excès de l'idéologie de la lutte des classes et de la stigmatisation de nos compatriotes les plus fortunés.

Nous voterons cet amendement de suppression avec conviction.

M. Vincent Delahaye.  - Le Gouvernement veut tenir sa promesse de faire payer les riches ; c'est la seule mesure de ce projet de loi de finances rectificative conforme à cet objectif. D'après le tableau distribué par le rapporteur général, cette contribution, qui rapportera 2,3 milliards, sera annulée en 2013...

En réalité, ce ne sont pas les riches que vous faites payer ! La contribution exceptionnelle durera-t-elle ? Jusqu'au retour à l'équilibre, ce qui peut prendre des années ? Combien rapportera-t-elle en définitive, 2,3 ou 4,6 milliards ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Bonne question !

M. Alain Bertrand.  - On s'inquiète de savoir si quelques milliardaires risquent de payer un peu trop... alors qu'il y a 4 millions de chômeurs et 10 millions de pauvres dans notre pays ! Il aurait fallu parler de la progressivité de l'impôt ! Entre 30 000 et 200 000 euros par an, elle s'effondre ! (M. Albéric de Montgolfier le conteste) Sachez que je suis inspecteur des impôts à la retraite !

Le président de la République a pris des engagements. Comment lui permettre de financer ses politiques de manière juste ? Les plus démunis ne bénéficient pas de niches fiscales. Pourquoi ne pas ramener leur plafond à 2 000 euros ? Cela rapporterait 30 milliards. (Mme Annie David approuve). La droite a oublié les chômeurs, accru la dette de 600 milliards, sacrifié la production par manque de vision stratégique. Restaurons le principe républicain de l'égalité devant l'impôt ! (Vifs applaudissements à gauche)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Monsieur Delahaye, la contribution rapportera 2,3 milliards en 2012, rien en 2013. Elle n'est pas supposée être reconduite.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Supposée !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Nous voulons préserver les recettes recherchées par le Gouvernement.

M. Thierry Foucaud.  - Les paroles, c'est bien, les actes, c'est mieux. Seul le groupe CRC a voté l'amendement n°77 présenté par Mme Beaufils, monsieur Bertrand, qui traitait de la progressivité ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s'exclame)

L'amendement identiques nos103 et 139 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°78 rectifié, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 885 U du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 885 U. - I. -  L'impôt est calculé sur l'ensemble de la valeur nette taxable du patrimoine selon le tarif suivant :

«

Valeur nette imposable du patrimoine

Tarif applicable %

N'excédant pas 800 000 €

0

Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 310 000 €

0,55

Supérieure à 1 310 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 €

0,75

Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 4 040 000 €

1

Supérieure à 4 040 000 € et inférieure ou égale à 7 710 000 €

1,3

Supérieure à 7 710 000 € et inférieure ou égale à 16 790 000 €

1,65

Supérieure à 16 790 000 €

1,80

« II. - Le tarif ci-dessus est évalué et fixé par la loi de finances. »

M. Thierry Foucaud.  - Ce collectif rompt avec la pratique fiscale des dix dernières années. La réforme de l'ISF de 2011 avait conduit à restituer environ 2 milliards d'euros aux redevables -réforme, M. le ministre a raison, qui s'est accompagnée du maintien du bouclier en 2012- soit 13 000 euros de remise pour chaque million au-delà du plancher de la dernière tranche ! Allons au plus simple et rétablissons dès à présent le barème d'avant la réforme de 2011.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par MM. Adnot, Bernard-Reymond, Poncelet, Türk, Retailleau, Bizet, J.L. Dupont et P. Dominati et Mme Des Esgaulx.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...  -  Le redevable de la contribution mentionnée au I peut imputer sur celle-ci, dans les mêmes limites et selon les mêmes modalités que celles applicables à l'impôt de solidarité sur la fortune, les versements effectués au titre des souscriptions au capital ou augmentation de capital de petites ou moyennes entreprises européennes, en vertu des I à VI de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, à condition que ces versements n'aient pas déjà été imputés sur l'impôt de solidarité sur la fortune.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Les PME ont besoin de financements et en trouvent difficilement. Il faut appliquer à la contribution exceptionnelle l'article 885 OV bis du code général des impôts.

M. le président.  - Amendement n°66, présenté par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, à l'exclusion de l'application des articles 885 I bis à quater du code général des impôts

M. Thierry Foucaud.  - L'ISF est assorti de nombreuses niches. L'exemption des biens professionnels coûte sans doute plusieurs milliards. Le dispositif ISF-PME et le dispositif Dutreil coûtent respectivement 700 et 120 millions d'euros. Ils n'empêchent pas les entreprises qui en bénéficient de licencier ni de délocaliser.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Par l'amendement n°78 rectifié, M. Foucaud souhaite revenir à l'ancien ISF. Retrait : il y a là un risque d'inconstitutionnalité et le produit serait inférieur à celui de la contribution exceptionnelle.

Avis défavorable à l'amendement n°11 rectifié bis, qui propose le doublement du dispositif ISF-PME. L'état des finances publiques l'interdit.

Retrait de l'amendement n°66 : là encore, remettre en cause des exonérations sur un impôt déjà acquitté se heurterait à un risque d'inconstitutionnalité. Nous en rediscuterons dans le cadre de l'examen du budget pour 2013, (M. Albéric de Montgolfier s'étonne) au cours duquel vous pourrez redéposer ces amendements. Le Gouvernement envisage en effet une réforme de l'ISF.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Soit l'amendement n°78 rectifié est satisfait, soit vous estimez qu'il faut faire davantage et vous nous feriez courir un risque d'inconstitutionnalité. Retrait, sinon rejet.

L'amendement n°11 rectifié bis est également satisfait : l'ISF acquitté prend en compte ces dérogations. Doit-on les doubler ?

S'agissant de l'amendement n°66, je vous renvoie au prochain débat budgétaire. La réforme de l'ISF reste à élaborer.

J'en profite pour dire que j'ai bien pris connaissance du rapport sénatorial sur la fraude fiscale auquel je sais que M. Foucaud et son groupe ont beaucoup contribué ; il sera très utile en vue de la réforme de l'administration du ministère. Je veillerai à ce qu'elle dispose des moyens nécessaires à la lutte contre l'évasion fiscale.

M. Thierry Foucaud.  - L'article 3 aussi pose un problème de constitutionnalité.

M. Albéric de Montgolfier.  - Nous sommes d'accord !

M. Thierry Foucaud.  - Je ne fais avec l'amendement n°78 rectifié que reprendre ce que la gauche et le Sénat ont voté en loi de finances initiale et lors du collectif de juin 2011... Pourquoi ce que nous avons fait hier ne serait-il plus possible aujourd'hui ? Nous maintenons l'amendement, qui est pour nous emblématique. Je comprends en revanche que l'on renvoie la discussion de l'amendement n°66 au prochain budget, et le retire.

L'amendement n°66 est retiré.

L'amendement n°78 rectifié n'est pas adopté non plus que l'amendement n°11 rectifié bis.

L'article 3 est adopté.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Je demande la réserve de l'article 5 jusqu'à la fin de la première partie.

La réserve, acceptée par la commission, est ordonnée.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 26 juillet 2012, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Les droits fondamentaux du contribuable sont en jeu, d?autant que le président de la République a décidé d'une tranche à 75 % -que vous avez, paraît-il, découverte de manière fortuite au cours de la campagne...

En outre, l'article ne prévoit pas de reporter la décote créée en 2011 pour les patrimoines compris entre 1,3 et 2,4 millions d'euros. En conséquence, la contribution exceptionnelle est forte pour les patrimoines proches de 1,3 million, décroissante jusqu'à 1,4 million d'euros puis progressive jusqu'à 1,650 million, passant de 1 250 euros pour un patrimoine de 1,3 million à 605 euros pour un patrimoine de 1,350 million, à 20 euros pour un patrimoine de 1,4 million et ne revenant à 1 230 euros que pour un patrimoine de 1,650 million. La décote corrigerait cet effet pervers. N'y a-t-il pas là un problème de constitutionnalité, une atteinte à l'égalité des contribuables ?

L'amendement n°87 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°103, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - L'article 3 ne prévoit aucun plafonnement en lien avec les revenus, ce qui rendra l'impôt confiscatoire pour certains contribuables. Nous proposons de le supprimer.

M. le président.  - Amendement identique n°139 rectifié, présenté par MM. Arthuis, Zocchetto, Maurey, Marseille, Capo-Canellas, Dubois et Roche.

M. François Zocchetto.  - Il est défendu.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Avis défavorable. La suppression de cet article serait contraire au principe de redressement des comptes publics dans la justice. Il n'y a pas de risque constitutionnel puisque la contribution ne s'appliquera que cette année : le Conseil d'État l'a dit.

C'est bien parce que le déficit est de 84 milliards qu'il faut trouver des solutions -tandis que le précédent gouvernement avait cru bon de réduire le produit de l'ISF de moitié. Le redressement est urgent et l'article 3 nécessaire, qui a la force de l'exemplarité.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Que fera-t-on en 2013 ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Avis défavorable. Monsieur Marini, cet article s'inscrit dans un contexte mais ne trace pas de perspectives. Le contexte, c'est la réforme de l'an dernier qui a divisé le produit de l'ISF par deux. Et la compensation prévue n'a pas été mise en oeuvre en 2012 : quand je suis arrivé au ministère, aucune instruction n'avait été signée par mes prédécesseurs. Ce n'est pas aux plus fortunés mais aux classes moyennes que vous avez fait appel, en faisant plus que doubler le droit de partage. Les divorcés ou ceux qui sortent d'une indivision ne sont pas tous des riches !

Ce n'était pas le moment de baisser les recettes. Quelques semaines plus tard, il a fallu geler le barème de l'impôt sur le revenu, augmenter la CSG et le taux réduit de la TVA.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Tous impôts que vous conservez.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Le bouclier fiscal fut supprimé en même temps... pour 2013. Cette année, la restitution moyenne a beaucoup augmenté, au bénéfice d'un nombre de contribuables encore plus réduit qu'auparavant : 95 % des 730 millions restitués ont été répartis entre un nombre plus faible de bénéficiaires. Nous annulons le double avantage dont ils ont bénéficié.

Cela dit, le dispositif ne préfigure en rien ce que pourrait être un ISF rénové.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Il ne sera pas plus léger que l'ancien !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - Le sentiment de justice fiscale, ces dernières années, a trop déserté le coeur et l'esprit de nos concitoyens.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Et la décote ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué.  - M. Marini a raison : la taxation exceptionnelle a comme inconvénient apparent une forme de dégressivité entre deux seuils. Mais la cotisation d'ISF s'impute sur la contribution exceptionnelle. L'ensemble est bien progressif.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 26 juillet 2012

Séance publique

À 9 HEURES 30, 14 HEURES 30 LE SOIR ET, ÉVENTUELLEMENT, LA NUIT

- Suite du projet de loi de finances rectificative (n°687, 2011-2012).

Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (n°689, 2011-2012).

Avis de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°691, 2011-2012).

Avis de Mme Françoise Cartron, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°690, 2011-2012).