SYSTÈMES D'ATTESTATION DES CONTRÔLES D'IDENTITÉ

Cette note a été réalisée à la demande de M. Richard YUNG, sénateur .

ESPAGNE

Deux villes d'Espagne ont, au cours de ces dernières années, participé à un projet tendant à limiter les discriminations en matière de contrôle d'identité.

1. Nature du projet

L'Open society Institute, organisation non gouvernementale fondée par George Soros qui a son siège à New York, a, lancé un projet intitulé Strategies for effective Police stop an Search (STEPSS), avec le soutien du Programme européen de coopération policière et judiciaire en matière pénale AGIS, qui permet à la Commission de Bruxelles d'accorder des subventions en la matière. Ce projet tendait à démontrer que l'on peut mettre un terme à des contrôles de police disproportionnés concernant les membres des minorités sans conséquences néfastes sur l'activité de la police.

En Espagne, deux expérimentations ont été menées à Fuenlabrada (ville de 209 000 habitants dont 15,9 % d'étrangers, dans les environs de Madrid) et Girona (96 461 habitants dont 20,7 % d'étrangers, en Catalogne).

Le projet, qui a débuté en janvier 2007 et duré 22 mois, tendait précisément à :

- identifier et diminuer la disproportion du nombre des contrôles d'identité relatifs aux minorités ethniques et aux immigrants par rapport à ceux concernant des nationaux ;

- augmenter l'efficacité de la police dans ces contrôles et améliorer leur gestion et leur supervision ;

- améliorer les relations entre la police et les communautés auxquelles appartiennent les personnes contrôlées, discuter des statistiques de contrôle et passer en revue les questions de sécurité et priorités opérationnelles ;

- et créer des modèles de bonnes pratiques à partager avec d'autres forces de police.

Tous les éléments cités ci-après concernant ces expériences sont issus du rapport présenté par l'Open society Institute intitulé Adressing Ethnic Profiling by Police , publié en 2009. Ils résultent de la participation, sur la base du volontariat, des deux communes d'Espagne précitées.

Ce document présente les moyens utilisés pour limiter le « profilage ethnique » ( ethnic profiling ), c'est-à-dire la référence à la race, l'ethnie, la religion ou l'origine nationale dans les décisions tendant à faire respecter la loi, en général, et dans les contrôles d'identité, en particulier. Il n'indique pas si l'expérience a été poursuivie.

2. Chiffres clés

Au début de l'expérimentation, on observait dans les deux cas que les membres des minorités ethniques allogènes faisaient l'objet de contrôles d'identité beaucoup plus fréquents que les Espagnols de souche. Ainsi la police municipale de Girona procédait à de tels contrôles concernant des Marocains 6,7 fois et des Roumains 10 fois plus fréquemment que ceux dont étaient l'objet les autochtones. La situation était analogue à Fuenlabrada puisque le taux d'arrestation des Marocains était 9,6 fois plus élevé que celui des Espagnols.

Au terme de l'expérimentation, le taux d'arrestation des Marocains a été réduit de 9,6 à 3,4 fois plus que celui des Espagnols à Fuenlabrada, pour ne prendre que cet exemple. En outre du fait de l'abandon de la pratique des contrôles non ciblés, le pourcentage des contrôles d'identité « utiles » a triplé.

À Girona, la situation était légèrement différente. En effet, si la proportion des contrôles est restée stable en ce qui concerne la police municipale, elle a augmenté s'agissant de ceux réalisés par les forces de police régionale. L'étude fait l'hypothèse que cette hausse pourrait provenir de ce que les officiers de police ont regretté que le projet mette en doute leur professionnalisme, à moins que les données collectées n'aient pas été utilisées par les autorités chargées de gérer les forces de police.

Cependant l'étude estime que, dans la même ville, il était erroné de penser que les immigrants détenaient davantage d'armes ou de biens illégaux que les Espagnols, quoi qu'en ait pensé la police. En conséquence, il était inutile de les soumettre à des contrôles plus fréquents.

Dans les deux cas, les principaux motifs d'insatisfaction occasionnés par un contrôle de police à ceux qui en faisaient l'objet, étaient d'une part de ne pas connaître le motif de celui-ci, et, d'autre part, l'attitude de l'officier de police pendant le contrôle.

3. Modalités de mise en oeuvre

Pour mener à bien l'expérimentation, on a créé des instruments statistiques de suivi des contrôles d'identité, notamment un formulaire incluant des données concernant l'origine ethnique de la personne. Ce formulaire -dont un exemplaire devait être remis aux personnes concernées par le contrôle- a permis de discuter les conclusions tirées de son exploitation avec les représentants des communautés intéressées.

Les résultats obtenus à Fuenlabrada tiennent à ce que les autorités de la police municipale ont utilisé les statistiques collectées pour un contrôle plus fin de l'action des officiers de police et pour une réaffectation des moyens généraux permettant d'effectuer un contrôle.

Ont notamment diminué les contrôles :

- effectués de façon intensive dans certaines zones ;

- à caractère préventif ;

- ou ceux motivés par une attitude suspecte.

Selon l'étude, cette diminution tient à ce que les officiers de police ont mis en oeuvre les contrôles avec plus de discernement lorsqu'ils étaient tenus d'en justifier l'objet.

Le formulaire utilisé pour la surveillance statistique des contrôles avait pour objet de :

- détecter toute disproportion dans le nombre des contrôles effectués au détriment des minorités ;

- tenir une courbe des conditions dans lesquelles ces contrôles sont utilisés par les officiers de police (raisons, soupçons, localisation, issue) ;

- fournir un outil pour améliorer le suivi des activités de police ;

- et se doter d'un outil afin de permettre aux communautés locales de suivre l'évolution de contrôles de police.

Le formulaire contenait :

- les données personnelles concernant l'intéressé : nom, âge, numéro de sécurité sociale, adresse ;

- le groupe ethnique et / ou la nationalité ;

- le nom de l'officier chargé du contrôle ;

- l'heure, la date et l'endroit où il se déroulait ;

- les fondements légaux sur lesquels il reposait ;

- un espace libre pour inscrire les motifs de soupçon ;

- l'issue de la procédure (absence de suite, contravention, arrestation, avertissement...) ;

- un espace destiné à la description de situations particulières (contrôle de plusieurs personnes, incidents éventuels, description des vêtements, autres information utiles à fins de renseignement...) ;

- et enfin des informations à l'attention de la personne contrôlée lui indiquant les modalités de réclamation dans le cas où elle n'était pas satisfaite du traitement qui lui était réservé.

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