Ce document a été réalisé à la demande de
M. Jean-Pierre Sueur, sénateur,

Président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Il constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

MARIAGE DES PERSONNES DE MÊME SEXE ET HOMOPARENTALITÉ

NOTE DE SYNTHÈSE

Le choix des dix États retenus pour cette étude a été guidé par le souci de considérer les principaux pays ayant légiféré sur le sujet au cours des dernières années. Neuf de ces pays sont situés en Europe (Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni [Angleterre] et Suède) et un en Amérique du Nord, le Canada (Québec).

Elle est relative :

- au mariage des personnes de même sexe ;

- et à l'alternative légale au mariage, équivalent du pacte civil de solidarité (PACS), quelle que soit sa dénomination dans chacun de ces États.

Elle examine les dispositions qui régissent :

- l'accueil d'un enfant : adoption, recours à la procréation médicalement assistée ou à la gestation pour autrui ;

- et l'exercice de l'autorité parentale.

Elle n'évoque ni le régime de l'adoption internationale ni les questions de droit international privé relatives à la situation, au regard de l'état civil, des enfants nés à la suite d'une procréation médicalement assistée ou d'une gestation pour autrui pratiquée à l'étranger.

En France, le mariage des personnes de même sexe n'est pas possible. L'article 144 du code civil disposant que « l'homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus [...] », la chambre civile de la Cour de cassation a jugé que « selon la loi française, le mariage est l'union d'un homme et d'une femme » 1 ( * ) .

Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel français a, quant à lui, jugé :

- que la liberté du mariage ne restreint pas la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution pour fixer les conditions du mariage ;

- et que le droit de mener une vie familiale normale, qui résulte du préambule de la Constitution de 1946, n'implique pas celui de se marier pour les couples de même sexe 2 ( * ) .

En conséquence les personnes de même sexe peuvent :

- conclure un PACS dans les conditions prévues par le titre XIII du livre I er du code civil ;

- ou vivre en concubinage dans les conditions fixées par l'article 515-8 du même code.

En ce qui concerne l'accueil d'un enfant :

- les dispositions du code civil réservent l'adoption aux couples mariés, ce qui exclut ipso facto les couples de même sexe ;

- l'assistance médicale à la procréation est réservée au couple composé d'un homme et d'une femme ;

- la jurisprudence permet la délégation de l'autorité parentale au sein d'un couple de personnes de même sexe 3 ( * ) ;

- l'article 16-7 du même code prévoit enfin la nullité de toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui.

1. Reconnaissance juridique du couple formé de deux personnes de même sexe

Les pays où existe une impossibilité constitutionnelle à reconnaître le mariage des personnes de même sexe se distinguent de ceux dans lesquels le législateur ne se heurte pas à cet obstacle.

• Impossibilité constitutionnelle faisant obstacle au mariage de personnes de même sexe

La Cour constitutionnelle italienne a jugé que le mariage de deux personnes de même sexe était contraire à la constitution. La Cour de Karlsruhe a déclaré que le mariage était l'union de deux personnes de sexe différent.

Le Tribunal constitutionnel espagnol, quant à lui, a rejeté en novembre 2012 le recours formé contre la loi instituant le mariage des personnes de même sexe.

• Mariage ou partenariat des personnes de même sexe

La législation des dix États considérés se divise en deux catégories distinctes.

Dans les sept premiers ont été reconnus à la fois le mariage des personnes de même sexe et une alternative à celui-ci, quelle que soit son appellation (Belgique, Espagne [au niveau des autonomies], Pays-Bas, Portugal, Québec, Danemark et Suède, étant observé que dans ces deux derniers pays la loi sur le « partenariat enregistré » a été abrogée par la loi sur le mariage des personnes de même sexe, en conséquence ne subsistent plus que les partenariats conclus antérieurement). On notera que la conversion d'un partenariat en mariage est possible au Danemark et aux Pays-Bas.

Aucun de ces sept États, à savoir les Pays-Bas (2001), la Belgique (2003), l'Espagne et le Québec (2005), la Suède (2009), le Portugal (2010) et le Danemark (2012), n'est revenu sur cette modification depuis lors.

Dans les trois autres États ce type de mariage n'existe pas : soit parce que l'on reconnaît seulement une forme de « partenariat » réservé aux couples de même sexe (Allemagne et Angleterre), soit parce que n'existent ni mariage ni alternative au mariage (Italie où les tribunaux civils sont cependant fondés en vertu de la jurisprudence récente de la Cour de cassation à accorder un traitement homogène aux couples non mariés de même sexe et aux couples mariés de sexe différent).

2. Adoption

En matière d'adoption, on distingue, parmi les sept États étudiés qui reconnaissent la validité du mariage des personnes de même sexe :

- six pays qui ont ouvert l'adoption à tous les couples mariés (Belgique, Danemark, Espagne et Québec ainsi que, sous certaines conditions, Pays-Bas et Suède).

- et le Portugal qui refuse toute forme d'adoption aux conjoints de même sexe.

3. Présomption ou acceptation de la filiation et reconnaissance
de l'enfant né pendant le mariage

Sur les sept États qui ont autorisé le mariage des personnes de même sexe, deux reconnaissent - pour les seuls couples composés de deux femmes - le droit d'établir un lien de filiation avec l'enfant né pendant l'union, soit en acceptant la filiation (Espagne), soit en bénéficiant d'une présomption de parentalité (Québec).

Quant à l'Angleterre, qui n'a pas institué ce type de mariage, elle a également créé pour les « partenariats » de femmes une forme de présomption de parentalité.

4. Procréation médicalement assistée (PMA)

Parmi les sept États étudiés qui reconnaissent le mariage des personnes de même sexe, la PMA est :

- possible pour les femmes au Danemark, en Espagne, aux Pays-Bas, au Québec ainsi qu'en Belgique et en Suède où elle est réservée aux couples de femmes mariées ou partenaires ;

- interdite à ces couples au Portugal.

Elle est par ailleurs permise aux partenaires de même sexe (PMA assortie d'une gestation pour autrui pour les couples masculins) en Angleterre où leur mariage n'est pas autorisé.

5. Gestation pour autrui (GPA)

La gestation pour autrui, qu'il s'agisse ou non de couples de même sexe :

- est possible en Angleterre et aux Pays-Bas, lorsqu'elle est à titre gratuit, ainsi qu'en Belgique ;

- n'est interdite que si elle est pratiquée à titre onéreux en Angleterre et aux Pays-Bas, où elle est même sanctionnée pénalement ;

- est interdite au Danemark, en Espagne, au Portugal, au Québec et en Suède.

MARIAGE DES PERSONNES DE MÊME SEXE ET HOMOPARENTALITÉ

TABLEAUX COMPARATIFS

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MARIAGE DES PERSONNES DE MÊME SEXE ET HOMOPARENTALITÉ


* 1 Cass. Civ. arrêt n° 511 du 13 mars 2007.

* 2 Décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011.

* 3 Elle refuse en revanche l'adoption par une femme de l'enfant de sa partenaire de PACS, en tant que cette adoption entraîne le transfert de l'autorité parentale à l'adoptante seule et prive la mère biologique qui entend continuer à élever l'enfant de ses propres droits sur celui-ci, v. Cass. Civ. 1 re , 20 février 2007.

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