BELGIQUE



Actuellement, seules quelques dispositions, comme l'insaisissabilité de certains biens et revenus, ou la demande de facilités de paiement prévue par la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, permettent de sauvegarder les droits des personnes surendettées.

Il n'existe donc aucun dispositif complet de traitement du surendettement . Le gouvernement a cependant préparé un projet de loi relatif au règlement collectif de dettes et à la possibilité de vente de gré à gré des biens immeubles saisis , déposé à la Chambre des représentants le 10 juin 1997 et actuellement en cours d'examen.

Ce projet, qui s'inspire de propositions de lois adoptées par la Chambre des représentants en avril 1995, tend à permettre à une personne surendettée qui n'a pas réussi à élaborer un plan amiable de règlement de ses dettes avec ses créanciers d'obtenir un plan judiciaire d'une durée de trois à sept ans. Dans certaines circonstances et sous réserve du respect de conditions très strictes, la remise de dettes pourrait être décidée par le juge à la fin du plan.

Seules les dispositions du projet de loi sont analysées dans le texte qui suit.

1) Les personnes concernées

Toute personne physique n'ayant pas ou plus la qualité de commerçant, qui " n'est pas en état de manière durable ou structurelle, de payer ses dettes exigibles ou encore à échoir " peut demander à bénéficier du règlement collectif de ses dettes.

Cette définition inclut non seulement les particuliers, mais aussi les agriculteurs et les professions libérales.

Pour bénéficier de cette procédure, le débiteur ne doit pas avoir manifestement organisé son insolvabilité.

Le débiteur qui a introduit précédemment une procédure d'octroi de délai de grâce ou de facilités de paiement -prévues par la législation actuelle- pourra demander le bénéfice du règlement collectif de dettes. Cette procédure sera suspendue dans l'attente de la décision du juge, et radiée de plein droit dès l'admissibilité au règlement collectif de dettes.

Par ailleurs, une personne dont le plan de règlement amiable ou judiciaire a été auparavant révoqué en raison d'actes frauduleux ne peut introduire une requête visant à obtenir un règlement collectif de dettes pendant une période de cinq ans à dater du jugement de révocation.

Les dettes peuvent être privées ou professionnelles -dès lors que le débiteur n'est pas commerçant- et de nature diverse : crédits à la consommation et hypothécaire, loyers, factures d'eau, de gaz, d'électricité, pensions alimentaires, parfois même dettes fiscales ou sociales.

2) L'ouverture de la procédure

Seul le débiteur peut demander le bénéfice de la procédure de règlement collectif des dettes.

Il adresse au juge une requête indiquant notamment les raisons de l'impossibilité dans laquelle il se trouve de rembourser ses dettes. Un état détaillé et estimatif des éléments actifs et passifs de son patrimoine doit être joint à ce document.

Le juge dispose d'un délai de huit jours, à compter du dépôt de la requête, pour statuer sur l'admissibilité de la demande et, en cas d'accord, désigner un médiateur qui est chargé de préparer et de négocier un plan de règlement amiable.

Le débiteur peut proposer le nom d'un médiateur de dettes, qui est généralement celui qui l'a aidé à introduire sa requête. Les honoraires du médiateur sont à la charge du débiteur.

La décision d'admissibilité est notifiée, dans les trois jours du prononcé de la décision, au requérant, aux créanciers, au médiateur de dettes, aux débiteurs du requérant, aux repreneurs ou cessionnaires des créances du requérant, ainsi que, à la demande du médiateur, à tout tiers débiteur.

Elle entraîne :

- pour le débiteur, l'indisponibilité totale de son patrimoine, l'arrêt du cours des intérêts, la suspension des mesures d'exécution et de saisie et l'interdiction d'aggraver son endettement, et ce, jusqu'au rejet, au terme, ou à la révocation du règlement collectif de dettes ;

- pour tous les créanciers, de façon irrévocable, l'application du principe d'égalité, sauf application des causes légitimes de préférence.

Le médiateur doit être informé de la situation financière réelle du débiteur. A cet effet, il peut s'adresser au juge " pour qu'il soit fait injonction au débiteur ou à un tiers de lui fournir tous renseignements utiles sur des opérations accomplies par le débiteur et sur la composition et la localisation du patrimoine de celui-ci ". Dans ce cas, les tiers ne peuvent se prévaloir du secret professionnel ou du devoir de réserve.

Le médiateur peut également consulter la Banque centrale de données de la Banque nationale de Belgique, qui doit enregistrer les défauts de paiement et les avis de règlement collectif de dettes.

3) Le déroulement de la procédure

Le plan de règlement, amiable ou judiciaire, " a pour objet de rétablir la situation financière du débiteur, en lui permettant notamment de payer ses dettes et en lui garantissant simultanément, ainsi qu'à sa famille, qu'ils pourront mener une vie conforme à la dignité humaine ".

Les sommes qui ne peuvent jamais être saisies sont limitativement énumérées à l'article 1410 du code judiciaire. Elles comprennent notamment : les prestations familiales, les pensions et rentes d'orphelins, les allocations au profit des handicapés, les sommes payées au titre des prestations de santé, des pensions alimentaires...

La quotité insaisissable des rémunérations visées à l'article 1409 du code judiciaire a été fixée, à partir du 1 er janvier 1997, de la façon suivante :

- les sommes inférieures à 31.500 BEF (francs belges) (2( * )) ne peuvent pas être cédées ;

- entre 31.500 BEF et 33.800 BEF, 1/5 e seulement peut être saisi ;

- entre 33.800 BEF et 40.800 BEF, 2/5 e ;

- au-delà de 40.800 BEF, les saisies peuvent s'effectuer sans limite.

La liste des biens qui ne peuvent être saisis figure à l'article 1408 du code judiciaire. Ils comprennent notamment les meubles et objets indispensables au débiteur et à sa famille, à titre privé ou professionnel.

a) Le règlement amiable

Les créanciers, à qui le greffier du tribunal a notifié l'admissibilité du débiteur au règlement collectif des dettes, adressent au médiateur leur déclaration de créances dans le mois de la notification.

Un projet de plan de règlement amiable, établi par le médiateur, est adressé à toutes les parties intéressées qui doivent l'approuver dans le délai d'un mois suivant l'envoi du projet.

Ce plan contient notamment le montant de la masse à répartir et les sommes attribuées aux déclarants. En dehors de ces mentions obligatoires, les parties sont totalement libres de déterminer le contenu du plan amiable, la loi ne prévoyant rien à ce sujet.

En cas d'accord, ce plan est transmis au juge pour homologation, ce qui lui donne une valeur contraignante. Ce jugement n'est susceptible d'aucun recours des parties.

A défaut d'accord du débiteur et des créanciers dans le délai de quatre mois de la notification de désignation du médiateur, ce dernier constate cet échec dans un procès-verbal qu'il transmet au juge en vue d'un éventuel plan de règlement judiciaire.

b) Le règlement judiciaire

Le médiateur de dettes dépose au greffe le dossier de la procédure du règlement amiable auquel il joint ses observations.

Les parties et le médiateur de dettes sont entendus par le juge qui statue au plus tard dans les quinze jours suivant la clôture des débats.

Ne peuvent figurer dans ce plan des mesures non prévues par la loi. Le plan, dont la durée est comprise entre trois et sept ans , peut, tout en respectant l'égalité des créanciers et sous réserve des causes légitimes de préférence, comprendre certaines mesures énumérées limitativement :

"1° le report ou le rééchelonnement du paiement des dettes en principal, intérêts et frais ;

" 2° la réduction des taux d'intérêt au taux d'intérêt légal ;

" 3° la suspension, pour la durée du plan de règlement judiciaire, de l'effet des sûretés réelles, sans que cette mesure ne puisse en compromettre l'assiette, de même que la suspension de l'effet des cessions de créance ;

"4° la remise de dettes totale ou partielle des intérêts moratoires, indemnités et frais. "


Par ailleurs, " le délai de remboursement des contrats de crédit peut être allongé au-delà de la durée du plan fixé par le juge, sans pour autant, dans ce cas, pouvoir être allongé de plus de la moitié de la durée restant à courir ".

Toutefois, le juge ne peut accorder de remise pour les dettes alimentaires, les dettes fiscales, les indemnités dues pour la réparation d'un préjudice corporel et les dettes d'un failli subsistant après la clôture de la faillite.

Le juge impose également au débiteur des mesures d'accompagnement, telles que surveillance du budget du ménage, vente de certains biens, déménagement dans un logement moins onéreux...

4) Les effets

A l'expiration du plan de règlement amiable ou judiciaire, le débiteur reste tenu de rembourser le solde des dettes non apurées, à moins d'avoir fait la demande, lors de l'établissement du plan de règlement judiciaire, et obtenu du juge une remise de dettes en principal .

Toutefois, lorsque le débiteur n'a pas respecté certaines obligations, cette remise de dettes peut être révoquée par le juge pendant un délai de cinq ans suivant la fin du plan de règlement, à la demande du médiateur de dettes ou d'un créancier intéressé.

a) Les motifs de révocation

Le débiteur :

" soit a remis des documents inexacts en vue d'obtenir ou de conserver le bénéfice de la procédure de règlement collectif de dettes ;

" 2° soit ne respecte pas ses obligations ;

" 3° soit a fautivement augmenté son passif ou diminué son actif ;

" 4° soit a organisé son insolvabilité ;

" 5° soit a fait sciemment de fausses déclarations
".

La révocation est notifiée aux créanciers par pli judiciaire ; ils recouvrent alors le droit d'exercer individuellement leur action sur les biens du débiteur pour la récupération de la partie non acquittée de leur créance.

b) Les obligations du débiteur

Le débiteur doit informer sans délai le médiateur de tout changement intervenu dans sa situation patrimoniale.

Si le débiteur respecte pendant toute sa durée -sept ans maximum- le plan de règlement établi par le juge, et s'il n'a pas enfreint les obligations qui lui sont faites, il pourra bénéficier d'une remise de dettes en principal, à condition :

- que tous ses biens saisissables aient été vendus, à l'initiative du médiateur de dettes, conformément aux règles des exécutions forcées, la répartition s'effectuant dans le respect de l'égalité des créanciers " sans préjudice des causes légitimes de préférence " (3( * )) .

- et qu'après cette réalisation, le solde restant dû par le débiteur ait fait l'objet d'un plan de règlement dans le respect de l'égalité des créanciers.

Le débiteur, s'il est propriétaire, peut transmettre au juge une offre d'achat de gré à gré de son immeuble dans les huit jours de la signification de l'exploit de saisie et lui soumettre un acte de vente établi par un notaire. Dans ce cas, et " lorsque l'intérêt des parties le requiert, le juge peut ordonner la vente de gré à gré ".

Préalablement, les créanciers hypothécaires ou privilégiés doivent en être informés.

L'ordonnance rendue par le juge doit indiquer les raisons pour lesquelles la vente de gré à gré sert les intérêts des créanciers et du débiteur, éventuellement un prix minimum, et un délai de réalisation.

En cas de refus d'autorisation de vente de gré à gré, un notaire est nommé pour procéder à l'adjudication des biens.

* *

*

La détermination d'une durée maximale pour l'exécution d'un plan de règlement collectif des dettes évite au débiteur d'effectuer des remboursements " à vie ". Toutefois, les conditions de la remise de dettes sont considérées comme particulièrement strictes.

Par ailleurs, le projet de loi n'apporte aucune solution aux débiteurs dont la situation est telle que l'élaboration d'un plan de règlement est impossible (personnes ne disposant pas d'un patrimoine ou dont les revenus sont totalement insaisissables).

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