B. LES CONDITIONS DE LA MISE EN CONFORMITÉ DU STATUT DES AGENTS ARTISTIQUES AVEC LES RÈGLES COMMUNAUTAIRES

1. Le dispositif proposé par l'article 10 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social

L'article 10 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social proposait une nouvelle rédaction de l'article L. 762-9 du code du travail prévoyant que les agents artistiques ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen peuvent exercer leur activité en France dès lors qu'ils obtiennent une licence dans les conditions prévues à l'article L. 762-3 ou qu'ils produisent une licence délivrée dans l'un de ces Etats dans des conditions comparables.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, ce dispositif devrait être repris dans l'ordonnance prise en application de l'habilitation prévue par le présent projet de loi.

Mais ses termes ne vont pas sans soulever des interrogations sur sa conformité avec les principes affirmés par les articles 43 et 49 du traité.

2. Les interrogations de votre commission sur la pertinence du dispositif proposé

La rédaction proposée pour l'article L. 762-9 procède d'une confusion entre le régime applicable à l'établissement et celui régissant la prestation de services. En effet, les conditions mises à l'exercice de la profession d'agent artistique ne peuvent être les mêmes selon que le ressortissant communautaire souhaite s'établir en France ou seulement y exercer à titre occasionnel.

Pour l'exercice à titre permanent, il semble légitime d'imposer au ressortissant communautaire qui souhaite s'établir en France la même réglementation qu'aux nationaux, en exigeant qu'il soit titulaire d'une licence.

S'agissant de la libre prestation de service, la jurisprudence communautaire a admis qu'en l'absence d'harmonisation des législations, l'accès à certaines activités puisse être soumis, en raison de leur nature particulière, à un régime d'autorisation, activités parmi lesquelles figure la profession d'agent artistique. En effet, l'arrêt van Wesemael précédemment cité précise que " compte tenu de la nature particulière de certaines prestations de services, telles que le placement d'artistes du spectacle, on ne saurait considérer comme incompatibles avec le traité des exigences spécifiques imposées aux prestataires, qui seraient motivées par l'application de règles professionnelles, justifiées par l'intérêt général ou par la nécessité d'assurer la protection de l'artiste, incombant à toute personne établie sur le territoire dudit Etat, dans la mesure où le prestataire ne serait pas soumis à des prescriptions similaires dans l'Etat membre où il est établi ".

Cependant, si elle a admis la possibilité de prévoir dans certaines conditions des restrictions à la libre prestation de services, la jurisprudence européenne a précisé que ces dernières ne pouvaient avoir pour effet de soumettre l'accomplissement d'une prestation de services à l'observation de toutes les conditions requises pour un établissement, sous peine de priver de tout effet utile les dispositions destinées à assurer la libre prestation de services.

Or c'est bien à ce résultat qu'aboutit la nouvelle rédaction de l'article L. 762-9 du code du travail proposé par l'article 10 du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social.

En effet, dans le cas où le ressortissant communautaire est établi dans un Etat où l'exercice de la profession d'agent artistique n'est pas soumis à un régime équivalent à celui existant en France, ce dispositif implique que celui-ci devra être titulaire d'une licence.

Or les textes réglementaires, en l'espèce l'article R. 762-7 du code du travail, précisent que les demandes de licence doivent notamment préciser le lieu choisi en France comme siège de l'agence, ce qui revient à contraindre l'agent artistique ressortissant communautaire à s'établir sur le territoire national.

Saisie du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine social, la Commission européenne avait soulevé cette objection à l'égard du dispositif de mise en conformité de l'article L. 762-9 du code du travail. A cette objection, le gouvernement avait répondu en annonçant une modification des textes réglementaires dans le sens souhaité par la Commission.

Il serait sans doute préférable de prévoir deux régimes distincts, l'un applicable indistinctement aux nationaux et aux ressortissants communautaires pour l'établissement, l'autre visant spécifiquement le cas de l'exercice à titre occasionnel de la profession d'agent artistique par un ressortissant communautaire.

On relèvera que pour certaines professions réglementées qui, à l'image des agents artistiques, n'ont pas fait l'objet de mesures d'harmonisation, les textes les régissant prévoient un régime applicable sans discrimination aux nationaux et aux communautaires pour l'établissement et un régime spécifique pour l'exercice à titre occasionnel. C'est le cas notamment pour l'activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (chapitre II de la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques) ou pour celle d'agent sportif (article 7 de la loi n° 2000-627 du 6 juillet 2000 modifiant la loi n° 84-610 au 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives).

*

* *

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page