III. LA MISE EN CONFORMITÉ DU STATUT DES AGENTS ARTISTIQUES AVEC LES DISPOSITIONS DES ARTICLES 43 ET 49 DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

A. L'INCOMPATIBILITÉ DU STATUT DES AGENTS ARTISTIQUES AVEC LES DISPOSITIONS DES ARTICLES 43 ET 49 DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

L'article 2 du projet de loi vise à habiliter le gouvernement à mettre fin à la situation d'incompatibilité entre les dispositions du code du travail qui régissent la profession d'agent artistique et les articles 43 et 49 du traité instituant la Communauté européenne qui interdisent respectivement les restrictions à la liberté d'établissement et à la libre prestation de services.

On soulignera que la situation d'incompatibilité visée par le 1 ° de l'article 2 du projet de loi apparaît sans équivoque, et, à ce titre, aurait pu être corrigée depuis longtemps.

1. Une incompatibilité sans équivoque

Le code du travail conditionne l'exercice de la profession d'agent artistique à la délivrance d'une licence par le ministre du travail. La réglementation de cette profession, qui déroge aux principes du monopole public et de la gratuité du placement gratuit, répond au souci de protéger les intérêts des artistes contre des pratiques abusives.

Les conditions de délivrance de cette licence précisées à l'article L. 762-3 du code du travail concernent la moralité de l'agent artistique, exigence qui n'est pas autrement précisée, les modalités d'exercice de son activité et l'intérêt de celle-ci au regard des besoins de placement des artistes du spectacle.

S'agissant des agents artistiques étrangers qui souhaitent exercer le placement d'artistes du spectacle en France, l'article L. 762-9 du code du travail leur fait obligation de " passer par l'intermédiaire d'un agent artistique français " , sauf conventions de réciprocité entre la France et leur pays d'origine.

Ce régime est à l'évidence contraire aux principes de liberté d'établissement et de liberté de prestations de services posés par le traité instituant la Communauté européenne.

* Le principe de la liberté d'établissement implique le libre accès au sein de la Communauté européenne des personnes physiques ressortissant d'un Etat membre et des sociétés constituées conformément à la législation d'un Etat membre aux activités non salariées sur le territoire d'un autre Etat membre.

Il suppose l'assimilation des ressortissants des autres Etats membres aux nationaux et l'interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité, ce qui signifie que le ressortissant communautaire ou l'entreprise est assimilé purement et simplement aux nationaux : ils bénéficient donc du droit de s'installer sur le territoire d'un autre Etat membre pour y exercer une activité indépendante dans les mêmes conditions que les nationaux. En contrepartie, ils sont soumis à toutes les dispositions législatives ou réglementaires effectivement appliquées par le pays d'établissement à ses propres nationaux.

S'agissant d'une profession dont l'exercice est soumis à autorisation, à l'image de l'activité d'agent artistique, le principe de libre établissement impose que les ressortissants des Etats membres puissent obtenir la licence dans les mêmes conditions que les nationaux, et donc qu'aucune des conditions de délivrance de la licence ne constitue une discrimination en raison de la nationalité.

L'article L. 762-9 du code du travail est donc manifestement contraire au traité, dans la mesure où il établit une discrimination au détriment des ressortissants communautaires, discrimination qui leur interdit en réalité de s'établir sur le territoire national et donc d'exercer leur activité dans les mêmes conditions qu'un professionnel français puisqu'il n'envisage pas même la possibilité qu'ils puissent obtenir une licence.

* La prestation de services vise, à la différence de l'établissement, l'exercice à titre occasionnel d'une activité professionnelle. Comme pour l'établissement, le principe de la libre prestation de services suppose, d'une part, l'interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité, et, d'autre part, que le prestataire établi dans un Etat membre puisse exercer son activité dans les autres Etats membres dans les mêmes conditions que les nationaux.

A cet égard, l'incompatibilité entre le traité et le statut des agents artistiques ne fait également pas de doute compte tenu du caractère discriminatoire de l'article L. 762-9 du code du travail.

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