C. DES QUESTIONS EN SUSPENS

L'objet de ce projet de loi est modeste mais il n'est pas négligeable. Des questions restent néanmoins en suspens.

1. Des questions juridiques : la coexistence de deux procédures ?

L'objet du projet de loi est d'organiser une nouvelle procédure. Votre rapporteur, au regard des informations dont il dispose, s'interroge sur la coexistence de cette nouvelle procédure avec l'ancienne.

Il n'est en effet pas certain que les anciennes voies de recherche disparaissent. Et le maintien d'une voie alternative ne serait pas sans problème.

Au regard de l'ancienne procédure, il n'est pas sûr que le projet de loi soit plus favorable aux demandeurs. En effet, la jurisprudence, extrêmement libérale de la CADA, aboutissait deux fois sur trois à communiquer l'identité, notamment à chaque fois que la demande de secret n'était pas expresse. Une sorte de bénéfice du doute existait en quelque sorte, profitable aux personnes en quête de leurs origines.

La nouvelle procédure est plus tranchée : la communication n'a lieu qu'en cas de consentement de la mère. Il n'y a plus de bénéfice du doute.

Nul ne peut savoir si la dissipation du doute sera en moyenne aussi favorable aux demandeurs. C'est un premier point.

Le second point est que la compétence de la CADA, qui est générale, semble continuer à s'appliquer. En conséquence, rien n'interdit à un demandeur, qui aurait essuyé un refus, de demander communication du dossier à la CADA, qui, en raison de la décentralisation des dossiers, pourrait, dans l'ignorance, accueillir favorablement la demande.

Le problème n'est pas insurmontable : il suffit que la CADA renvoie systématiquement les demandes sur le Conseil.

2. Des questions procédurales : un projet à préciser

Un certain nombre de dispositions demeurent floues ou imparfaitement rédigées.

Votre rapporteur attire l'attention notamment sur deux points :

La composition du Conseil reste à parfaire. Si l'absence de représentant de la chancellerie reste une énigme pour votre rapporteur, la rédaction telle qu'issue de l'Assemblée nationale lui semble trop restrictive.

En effet, un amendement est venu préciser que les personnalités qualifiées appelées à siéger au Conseil seront de compétences professionnelles « médicales ou paramédicales » . L'esprit d'un tel amendement était justifié. Une présence médicale est nécessaire au sein de la commission mais elle ne doit pas avoir pour conséquence d'exclure les travailleurs sociaux. L'accompagnement social est souvent réalisé, dans les structures hospitalières d'accueil, par des assistantes sociales. Il serait regrettable d'exclure l'expérience de ces dernières a priori .

Le projet de loi prévoit en outre que les relations entre les départements et le Conseil seront assurées par deux agents au moins, qui auront entre autres tâches à « organiser la mise en oeuvre de l'accompagnement psychologique et social dont peut bénéficier la femme » et à « s'assurer de la mise en place d'un accompagnement psychologique de l'enfant » . Le texte prévoit en leur faveur une formation initiale et continue, assurée par le Conseil national, et définie par décret.

Votre rapporteur s'interroge sur la professionnalisation de ces personnes et sur leur rôle précis. L'imprécision du texte reflète en réalité les carences du projet en matière d'accompagnement psychologique, dans des situations ou bien souvent la mère repart parfois rapidement et où l'enfant, nourrisson, est confié à l'adoption ; ce n'est que bien plus tard qu'elle ressentira les besoins d'une assistance d'ordre psychologique.

En outre, les auditions auxquelles a procédé votre rapporteur ont attiré son attention sur un autre point.

Les recherches dites « personnelles » -parce qu'elles se déroulent hors des cadres institutionnels- semblent se traduire le plus souvent par un travail patient d'approche qui a pour objet de préserver au maximum, par discrétion, la vie privée de la mère. Cette méthode est d'ailleurs un gage de succès.

Les contacts officiels pris par le Conseil avec la mère de naissance présenteront-ils toutes les garanties de discrétion, de « tact » et de patience ?

Il n'est pas impossible que, dans le cas où elles seraient contactées de manière trop abrupte et administrative, certaines mères opposent une fin de non-recevoir à la demande de leurs enfants, dictée davantage par l'impréparation de leur décision que par la volonté profonde de conserver ce secret.

Contre son esprit, la loi aboutirait à un effet pervers : nuire au rapprochement sincère des volontés.

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