CHAPITRE III -

AIDER LE SECTEUR DU TOURISME À
S'ADAPTER AUX ÉVOLUTIONS DE SON TEMPS

La place et le rôle du tourisme dans l'économie nationale ne sauraient être maintenus, voire renforcés, sans que les pouvoirs publics n'accordent à ce secteur un soutien sans faille . Celui-ci est au demeurant d'autant plus nécessaire que la concurrence internationale se durcit , rendant plus volatile la demande touristique, et que la conjoncture se retourne , ce qui pourrait conduire les consommateurs étrangers et nationaux à réduire le poste « vacances » de leurs budgets, lequel est une variable d'ajustement plus malléable que d'autres catégories de dépenses.

En cette période troublée et incertaine, les attentes de l'industrie touristique sont naturellement nombreuses et le recensement de toutes les mesures susceptibles d'être initiées ou accompagnées par l'Etat prendrait rapidement la forme d'une liste « à la Prévert ». Qu'il s'agisse de la poursuite de la réhabilitation de l'immobilier de tourisme , du développement de la politique des filières , du soutien à certains secteurs , chaque ligne aurait au demeurant sa légitimité et son intérêt.

Dans ce contexte, qui est aussi celui d'un changement politique ouvrant de nouvelles perspectives , il a semblé opportun à votre rapporteur, d'une part, de signaler tout particulièrement deux directions qui lui paraissent indispensables pour conforter la santé économique du secteur et l'emploi , en particulier dans l' hôtellerie-restauration , activité transversale dont les performances conditionnent celles de toutes les autres branches du tourisme, et, d'autre part, de présenter, à l'orée de cette législature, les réformes législatives que M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme, envisage de soumettre au Parlement dans les prochaines années.

I. FAVORISER L'EMPLOI POUR RENFORCER LA QUALITÉ DU SERVICE

Les deux priorités à mettre en oeuvre (réduction du taux de TVA dans la restauration traditionnelle et assouplissement de certaines règles pour favoriser l'emploi) ont déjà été exposées par votre rapporteur dans son avis budgétaire de l'an dernier, tant il est vrai qu'elles concernent des problèmes lancinants que la précédente majorité ne semblait pas particulièrement disposée à prendre en compte et qu'elles conditionnent toutes deux la préservation de l'emploi dans le secteur .

Or, au-delà de l'intérêt manifeste que constituent pour l'ensemble de la société française le maintien d'un important taux d'activité et la lutte continue contre le chômage, la question de l'emploi présente dans le secteur du tourisme une signification toute particulière . En effet, les facteurs de sélectivité et de différenciation qui participent du jeu de la concurrence dans cette activité tournent de plus en plus autour de la problématique de la qualité du service . C'était évidemment déjà vrai au plan national, depuis toujours, mais ça l'est aujourd'hui devenu au plan européen avec l' instauration de l'euro : en supprimant les effets de change, en permettant aux consommateurs de réaliser facilement des comparaisons tarifaires, et en contraignant de la sorte les professionnels à pratiquer la vérité des prix, la monnaie unique européenne aura pour effet de rapprocher les prix des prestations à mesure que le marché intérieur va s'intégrer .

Dans ces conditions, le facteur discriminant deviendra la qualité du service qui, dans cette activité qu'est le tourisme, est étroitement conditionnée par le nombre des personnels et le niveau de leur formation . Quelle que soit la gamme de produits ou de prestations proposée, le consommateur, devenu plus exigeant et ayant perdu sa « myopie de change », distinguera à l'aune de ce critère les bons professionnels, à qui il renouvellera ultérieurement sa confiance, des autres. La fidélisation d'une clientèle par un prestataire, mais aussi plus largement, au niveau d'une région voire d'un pays, passera dorénavant par la qualité du service. Ce facteur, devenu déterminant pour les politiques du tourisme , notamment en matière de promotion internationale , doit donc faire l'objet d'une attention soutenue de la part des pouvoirs publics, comme le réclament au demeurant les professionnels depuis de nombreuses années.

C'est d'ailleurs ce qu'a bien compris le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, qui a immédiatement pris à bras le corps les difficultés que connaissent depuis quelques années les employeurs pour tenter de les résoudre, soit immédiatement, soit dès que cela sera juridiquement possible.

A. RÉDUIRE LE TAUX DE LA TVA DANS LA RESTAURATION

L' impact économique qu'aurait la diminution de 19,6 % à 5,5 % du taux de la TVA dans l'ensemble de la restauration, à l'instar du taux dont bénéficie la restauration rapide, n'est plus à démontrer . La réduction de ce taux pour les travaux dans les logements privés , mise en oeuvre depuis le 1 er janvier 2000 en application d'une directive européenne de 1999 autorisant les pays qui le souhaitent à appliquer, à titre expérimental, des taux réduits dans certains services à forte intensité de main-d'oeuvre pendant la période 2000-2002, aurait ainsi été à l'origine de la création nette de 55 000 emplois nouveaux en dix-huit mois dans le secteur du bâtiment , grâce au transfert de 750 millions d'euros de l'économie souterraine vers l'économie formelle. C'est d'ailleurs pourquoi la Commission européenne a, le 25 septembre dernier, autorisé la prolongation d'une année de cette expérimentation .

S'agissant de la restauration , une enquête publiée en septembre 2001 évaluait à près de 160 000 le nombre d'emplois qu'une baisse de la TVA permettrait de créer en dix-huit mois dans le secteur . En outre, les marges des entreprises s'amélioreraient , les investissements pourraient reprendre , les salaires augmenteraient et l'Etat et la sécurité sociale eux-mêmes y trouveraient leur compte .

Telles sont les raisons pour lesquelles le Président Jacques Chirac avait, lors de la campagne électorale, pris l'engagement très ferme de répondre favorablement à la demande pressante des restaurateurs. Il s'est toutefois avéré que la réglementation européenne en vigueur n'a pas permis d'appliquer aussi rapidement qu'espéré cette mesure .

L'état du droit communautaire

Les règles communautaires en matière de TVA obéissent à des procédures très strictes. Elles sont adoptées, sur proposition de la Commission, par le Conseil des ministres , à l'unanimité des Etats membres. La première législation communautaire concernant les taux de TVA remonte ainsi à 1977 (directive CEE/77/388), ces règles générales ayant été complétées ou modifiées depuis par d'autres directives (notamment en 1992 et 2001).

La sixième directive de 1977 autorise les Etats membres à appliquer un ou deux taux réduits qui ne peuvent être inférieurs à 5 % ni s'appliquer à d'autres biens que ceux visés par l' annexe H à cette directive, au nombre de dix-sept : produits alimentaires, distribution d'eau, livres, journaux et périodiques, etc. Si la vente de menus à emporter, dans le cadre de la restauration rapide, est considérée comme une vente de produits alimentaires et peut donc bénéficier du taux réduit, il n'en est pas de même de la restauration traditionnelle , qui ne figure pas dans la liste de l'annexe H . En 1992, un accord dérogatoire a en outre autorisé sept pays (Autriche, Espagne, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Portugal) qui, au 1 er janvier 1991, appliquaient d'ores et déjà un taux réduit de TVA à la restauration, à le maintenir de manière transitoire, mais cependant durable.

Le 22 octobre 1999, le Conseil a adopté une nouvelle directive autorisant les pays qui le souhaitent à appliquer, à titre expérimental et temporaire , des taux réduits à trois grandes catégories de services à forte intensité de main-d'oeuvre , à choisir dans une liste fixée par une annexe K : petits services de réparation, services de soins à domicile, coiffure, lavage de vitres et rénovation et réparation de logements privés. La restauration traditionnelle ne figure pas dans l'annexe K .

Il convient de relever que la proposition initiale de la Commission était conçue de manière à laisser aux Etats membres, dans le choix des secteurs visés, un maximum de flexibilité dès lors que ces secteurs répondaient aux conditions prévues, et que c'est le Conseil des ministres qui a préféré une liste courte et précise, plusieurs pays refusant d'y inclure la restauration traditionnelle .

Dans les circonstances actuelles, la France ne peut donc pas, sauf à rompre ses engagements européens, décider de manière unilatérale de diminuer le taux de TVA dans la restauration à 5,5 %.

En revanche, depuis six mois, le Gouvernement, en particulier le Premier ministre lui-même, qui a fait de cet engagement un dossier personnel, n'a pas ménagé ses efforts pour convaincre la Commission et les partenaires européens de la France de la nécessité de procéder à une adaptation du droit communautaire sur ce point .

Pendant longtemps, la Commission européenne s'en est tenue à prévoir qu'une évaluation globale des effets économiques , sur l'emploi et sur la concurrence, du dispositif temporaire institué en 1999, serait entreprise au premier semestre 2003 sur la base de rapports présentés par les Etats membres avant le 1 er octobre 2002, afin de proposer, si nécessaire, les mesures adéquates permettant de décider définitivement du taux de TVA applicable aux services à forte intensité de main-d'oeuvre. Pour votre rapporteur pour avis, cette « concession » était bien le moins puisqu'il s'agissait d'une expérience qui rendait à l'évidence nécessaire une évaluation . La Commission a ensuite laissé entendre de manière plus ouverte, durant l'été 2002, qu'à l'issue de cette évaluation, la problématique pourrait être ouverte non seulement aux secteurs visés par l'annexe K, mais aussi à des secteurs nouveaux si les Etats membres en faisaient la demande .

Enfin, le 21 octobre dernier, M. Romano Prodi, le Président de la Commission européenne, s'est montré encore plus compréhensif lors d'une visite à Paris en assurant au Premier ministre que l'exécutif européen ferait une proposition au début de l'année 2003 , sur la base des dossiers présentés par les Etats membres. C'est la première fois que la Commission fait des déclarations aussi précises, qui permettent d'espérer que la mesure attendue pourra être mise en oeuvre à compter du 1 er janvier 2004 .

Certes, votre commission des affaires économiques ne méconnaît pas que la procédure européenne en matière fiscale est terriblement lourde et que la satisfaction de la demande française sera soumise à la nécessité de recueillir l'assentiment unanime de nos partenaires sur ce que proposera la Commission. Reste qu'elle ne peut manquer de se réjouir que les efforts diplomatiques déployés sans relâche depuis six mois par le Gouvernement, dont l'activité et le sens de la persuasion tranchent heureusement avec ceux du passé, commencent à porter leurs fruits, pour le plus grand bénéfice du secteur de la restauration et, plus largement, de la branche du tourisme tout entière .

B. DESSERRER LES CONTRAINTES PESANT SUR LES ENTREPRENEURS

En attendant la mise en oeuvre de cette disposition éminemment favorable pour l'emploi dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, d'autres mesures peuvent contribuer à diminuer les charges des entrepreneurs de l'industrie du tourisme et à favoriser l'emploi dans le secteur .

Plusieurs engagements avaient été pris à cet égard par le Président de la République et les candidats de la majorité présidentielle aux élections législatives, qui commencent à entrer en application . S'il ne revient pas à votre rapporteur pour avis de les recenser tous ni de s'y attarder, car la plupart relèvent de la politique et sociale générale du Gouvernement , il convient toutefois d'en citer les principaux et les plus immédiats , qui vont redonner confiance et espoirs aux entrepreneurs et aux salariés de ce pays en restaurant un environnement plus propice aux développement de leurs activités .

C'est ainsi que, au plan fiscal et dans le cadre du présent projet de loi de finances pour 2003, la branche du tourisme va directement bénéficier de la suppression des droits de licence des débits de boissons (pour 23 millions d'euros), qui sera compensée non pas directement aux communes concernées mais par l'intermédiaire d'un abondement des dotations de solidarité urbaine et rurale (DSU et DSR). En outre, et comme les autres secteurs professionnels, le tourisme sera intéressé par la suppression définitive de la part salariale dans l'assiette de la taxe professionnelle (à hauteur de 1,83 milliard d'euros), ainsi que par les allégements de charges sociales sur les bas salaires (jusqu'à 1,7 SMIC, pour 800 millions d'euros) induits par les deux projets de loi défendus, l'été dernier et en ce moment même, par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

A cet égard, ces deux textes vont également permettre aux chefs d'entreprises artisanales et de PME, particulièrement nombreux dans le secteur du tourisme, de recruter et de voir levées certaines contraintes de gestion absurdes et inadaptées qui pesaient sur leur activité . La loi n° 2002-1095 du 29 août 2002 portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise permettra sans doute l' embauche de jeunes , certes peu qualifiés, mais dont on peut penser qu'ils bénéficieront de l'expérience de leur employeur pour progressivement acquérir « sur le tas » la formation qui leur est nécessaire.

Quant à la future loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi , actuellement en cours d'examen par le Parlement, elle mettra notamment fin au caractère uniforme et obligatoire du processus de réduction du temps de travail imposé « aux forceps », notamment dans le secteur de l'hôtellerie-restauration où il générait d'importantes difficultés compte tenu des spécificités de cette activité. Pour y avoir consacré un long développement dans son avis budgétaire de l'an passé, votre rapporteur pour avis ne fera que rappeler qu'il était illusoire et extrêmement pénalisant de vouloir contraindre les PME et artisans de secteurs où le temps de travail est actuellement supérieur à 42, voire à 45 heures hebdomadaires, à parvenir aux 35 heures dans les délais fixés par les « lois Aubry » . C'est d'ailleurs ce qu'avait finalement reconnu le gouvernement précédent en reculant de deux ans la date initialement prévue. C'est aussi ce dont témoignaient les refus successifs, à deux reprises, en juillet 2001 puis en octobre suivant, opposés par l'ensemble de l'interprofession et trois confédérations de salariés à l'extension de l'accord de réduction du temps de travail signé le 15 juin précédent, qui illustraient bien le caractère insupportable des contraintes qu'il imposait, par un « parisianisme » excessif, à l'ensemble des entreprises de l'hôtellerie et de la restauration de province.

Enfin, et même si ces mesures contribuant à desserrer les carcans qui entravent quotidiennement les activités des artisans et des petits et moyens entrepreneurs sont encore pour le moment à l'état d'ébauche, il convient de citer les projets du gouvernement pour 2003 en matière de simplifications administratives , de création et de transmission des entreprises , et de développement de la petite entreprise . Le Premier ministre a rappelé le 24 octobre dernier, au congrès de l'Union professionnelle artisanale, l'intérêt tout particulier qu'il portait à ces trois textes, qui concerneront naturellement au premier chef les professionnels du tourisme.

C. ATTIRER LES JEUNES VERS LES EMPLOIS DU TOURISME

Tout en se félicitant de ces dispositions, qui vont à l'évidence dans le bon sens, votre rapporteur pour avis estime indispensable que les pouvoirs publics aident spécifiquement les employeurs du tourisme à attirer les jeunes vers leur spécialité .

Le secteur est en effet confronté à d'importants problèmes de recrutement , qui concernent en particulier la branche hôtellerie-restauration 7( * ) , et de formation , problème au demeurant lié au précédent. Ces difficultés devraient en outre s' aggraver dans un futur relativement proche puisque, d'une part, le nombre des patrons et salariés du secteur du tourisme qui vont partir à la retraite sera supérieur à celui des jeunes arrivant sur ce segment du marché du travail et, d'autre part, les partants seront en général qualifiés alors que les nouveaux venus seront peu ou mal formés .

Deux raisons majeures expliquent la désaffection des jeunes pour certains emplois du tourisme : des revenus moins élevés et des conditions de travail plus rudes qu'ailleurs. Dès lors, ils répugnent à s'engager dans les voies de formation professionnelle menant à ces métiers, et les chefs d'entreprises ne sont plus en mesure de recruter le personnel qualifié dont ils ont besoin.

Pour rendre les emplois du tourisme plus attractifs , il faut en premier lieu les payer davantage sans toutefois altérer plus encore qu'elles ne le sont déjà les marges des entreprises . La réduction du taux de TVA à 5,5 % dans l'hôtellerie-restauration devrait, on l'a vu, y contribuer, de même que la réduction des charges sociales sur les bas salaires. Toutefois, c'est vers un élargissement de la diminution des charges qu'il faut continuer d'avancer (au moins jusqu'à 2,2 SMIC, comme le prévoit le programme de la majorité), pour que les améliorations de salaires directs qu'elle permettrait de générer concernent également les emplois les plus qualifiés du secteur du tourisme, dont il a cruellement besoin.

Il convient en deuxième lieu d' améliorer les conditions de travail , en particulier celles des salariés. A cet égard, la reprise de négociations sur la réduction du temps de travail, sur des bases plus raisonnables et dans le contexte plus responsable de primauté de l'accord sur la loi créé par le projet de loi Fillon, pourrait être de nature à réduire les tensions pesant sur la durée du travail . Il n'est en effet pas tenable sur le long terme que celle-ci soit, parfois largement, supérieure à 40 heures par semaine dans certaines branches d'activité (telle l'hôtellerie-restauration), quand les 35 heures sont devenues la norme chez les salariés (même si les nouvelles règles concernant les heures supplémentaires augmentent en définitive de quelques heures le niveau moyen de la durée du travail).

Au-delà de cette problématique transversale qui concerne l'ensemble des PME et des artisans, le secteur du tourisme est en outre confronté au problème particulier des saisonniers , catégorie de salariés qui lui est spécifique et dont votre rapporteur pour avis a longuement abordé les difficultés dans ses deux précédents avis budgétaires. Il ne reviendra par conséquent pas sur celles-ci, ni sur les mesures mises en oeuvre depuis deux ans pour commencer à y apporter des réponses, sauf pour rappeler que la très grande difficulté de trouver pour les saisonniers des logements à des prix abordables interdit aux professionnels, notamment les hôteliers et les restaurateurs, de renforcer leurs équipes avec du personnel qualifié pendant la haute saison touristique .

Si ce phénomène perdure, les standards d'accueil et de service qui font la réputation touristique de la France ne pourront être maintenus, et notre tourisme perdra des parts de marché . Aussi votre rapporteur pour avis souhaite-t-il que le comité interministériel de pilotage des actions des services de l'Etat en matière de travail saisonnier, que l'inspection générale du tourisme, à qui revient la responsabilité de tirer le bilan de la mise en oeuvre du plan gouvernemental de quinze mesures arrêté en février 2000 et d'impulser et soutenir les initiatives locales, et que la chargée de mission « logement des saisonniers » au secrétariat d'Etat au tourisme, coordonnent leurs actions de manière à faire progresser la situation en la matière dans les meilleurs délais.

En regard de ces efforts à approfondir pour accroître l'attractivité des emplois, il convient de renforcer la qualification en favorisant la formation tant initiale que continue des professionnels et de leurs salariés . Le secteur du tourisme a en effet besoin d' entrepreneurs et de personnels qualifiés . A cet égard, le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise ne peut à lui seul constituer une réponse satisfaisante aux difficultés de recrutement : il s'agit davantage d'une mesure complémentaire et participant d'une politique globale de lutte contre le chômage que d'une solution propre à répondre aux préoccupations des chefs d'entreprises touristiques.

Sur le plan de la formation initiale , il est littéralement consternant de constater le nombre important d'offres d'emplois de niveau V de qualification (CAP) non-satisfaites dans le secteur touristique , alors que tant de jeunes sortent du système scolaire sans formation. Votre rapporteur pour avis estime à cet égard que les pouvoirs publics devraient favoriser davantage les formations en alternance , qui sont particulièrement bien adaptées aux métiers du tourisme . Certes, l'hôtellerie-restauration reste le premier signataire de contrats d'apprentissage , et offre aussi de nombreux contrats de qualification , ouverts aux jeunes ou aux adultes sans qualification ou ayant une qualification inadaptée. Toutefois, le nombre des candidats est notoirement insuffisant pour répondre aux besoins, comme en témoignent notamment les places ouvertes dans les centres de formation d'apprentis et qui ne sont pas pourvues.

Aussi votre rapporteur pour avis se félicite-t-il de la prochaine nomination d'un parlementaire en mission, chargé de réaliser un état des lieux et de préparer des propositions afin de valoriser les professions du tourisme et d'attirer de jeunes recrues.

Quant au taux d'accès à la formation continue , il est également faible dans le domaine du tourisme, de l'ordre de 20 % contre 33 % en moyenne nationale. La majorité des entreprises du secteur étant des PME, beaucoup de salariés éprouvent des difficultés à se libérer et à se déplacer pour suivre un cycle de formation continue. Les patrons indépendants eux-mêmes sont confrontés à ces difficultés, alors que le renforcement de leurs compétences constitue une condition essentielle pour leur permettre de rester compétitifs dans une activité de plus en plus concurrentielle . Face aux mutations liées à l'évolution des attentes de la clientèle, à la croissance et à la mondialisation du tourisme, à l'irruption de nouvelles technologies, les chefs d'entreprises comme les salariés ressentent un besoin profond d'évoluer.

II. PRÉPARER LES MODIFICATIONS LÉGISLATIVES À VENIR

Au-delà de ces mesures de nature à favoriser l'activité du tourisme, en cours de mise en oeuvre ou que votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux, mais qui, pour beaucoup, ne relèvent pas de la responsabilité du secrétaire d'Etat au tourisme, celui-ci a fixé les lignes directrices de son action législative pour les prochaines années dans le but de moderniser plusieurs pans du secteur touristique .

A. ÉLABORER LE CODE DU TOURISME

Le Code du tourisme devrait être un outil permettant de mieux identifier le secteur du tourisme au plan juridique et institutionnel, de renforçer les relations réunissant l'ensemble des secteurs concernés par les politiques touristiques, ce qui soulignera le caractère transversal de l'activité , et de mettre à disposition de chacun un instrument clair et maniable de conduite des actions correspondantes.

Le principe de l'élaboration d'un tel code a été retenu lors d'une réunion interministérielle du 26 septembre 2000. Son pilotage a été confié à l'inspection générale du tourisme, chargée d'organiser ses travaux autour de quatre livres portant respectivement sur l' organisation générale du tourisme , les activités et professions du tourisme , les équipements et aménagements du tourisme , et enfin l' accès aux vacances et la fiscalité du tourisme .

Conformément aux dispositions de la circulaire du Premier ministre du 30 mai 1996 relative à la codification des textes législatifs et réglementaires, un groupe de travail a été constitué pour associer à l'élaboration du projet les différentes administrations concernées ainsi que des personnalités qualifiées. Enrichissant et précisant les documents préparatoires, ce groupe de travail a élaboré, en mai et juin 2001, un plan détaillé qui a fait l'objet d'un premier examen par la Commission supérieure de codification lors de sa séance du 2 octobre 2001.

Ce projet de codification n'ayant pas significativement avancé depuis, le secrétaire d'Etat a souhaité le relancer afin qu'il soit mené à terme et sans tarder, ce dont se félicite votre rapporteur pour avis, qui souligne toutefois qu'il conviendra de veiller à ce que le Code du tourisme intègre le cadre institutionnel rénové résultant de la nouvelle étape en matière de décentralisation initiée par le Président de la République et que le Premier ministre proposera prochainement au Parlement.

B. FAVORISER LA DÉCENTRALISATION

C'est qu'en effet, la vaste entreprise décentralisatrice qui sera menée l'an prochain concernera également le tourisme. A cette occasion, l'Etat devrait se recentrer sur ses missions essentielles , c'est-à-dire la promotion mondiale, l'établissement de références de qualité et l'information technique des acteurs locaux.

Dans cette perspective, la loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992 relative à la répartition des compétences dans le domaine du tourisme sera naturellement appelée à être modifiée pour tenir compte de ce nouvel équilibre. A cet égard, l' accroissement des compétences des collectivités territoriales en matière touristique pourrait s'apparenter à ce qu'a d'ores et déjà prévu pour la collectivité territoriale de Corse la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse. L'article 18 de cette loi a ainsi renforcé les attributions confiées en 1991 à l'Assemblée de Corse en matière de promotion et de développement touristique , tandis que son article 19 lui permettra d'exercer concrètement cette compétence en lui conférant la charge du classement des stations et de l'ensemble des organismes de tourisme .

C. RÉFORMER LE RÉGIME DES STATIONS CLASSÉES

S'agissant précisément des stations classées, et en complémentarité avec les travaux menés tant sur la codification que sur la décentralisation, le secrétaire d'Etat au tourisme se propose d'aboutir sur le dossier de la réforme d'ensemble du régime des stations classées , laissé en suspens depuis plusieurs années. En effet, après avoir bénéficié à environ un millier de communes françaises , le processus d'attribution du classement est aujourd'hui extrêmement ralenti . Une dizaine de communes à peine se sont vues attribuer ce label depuis 1995, alors même que nombre d'entre elles ont accompli ces dernières années d'importants efforts, en matière d'équipement ou de services, qui leur permettraient d'y prétendre. L'une des raisons du « gel » progressif du dispositif tient sans aucun doute au caractère centralisé de la procédure .

Or, le classement est important pour les communes concernées qui, si elles ne perçoivent pas de concours particulier à ce titre , bénéficient toutefois d' avantages spécifiques , et notamment financiers . Outre la perception de la taxe de séjour , qui leur était initialement réservée, les stations classées peuvent ainsi :

- percevoir une taxe additionnelle aux droits d'enregistrement dès lors qu'elles comptent moins de 5 000 habitants (article 1584 du code général des impôts) ;

- bénéficier du taux réduit des droits de mutation si elles possèdent plus de 2 500 lits (article 44-II de la loi du 4 février 1995 modifiée d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire) ;

- ouvrir des casinos si elles sont classées stations balnéaires, thermales ou climatiques (loi du 15 juin 1907 réglementant les jeux dans les casinos) ;

- majorer les rémunérations des cadres municipaux , au titre du surclassement démographique, s'il s'agit de petites communes ;

- majorer les indemnités du maire et des adjoints (article L. 2123-22 du code général des collectivités locales).

Une réforme de grande ampleur paraît donc désormais nécessaire. D'ailleurs, le Conseil national du tourisme (section des politiques territoriales touristiques) a été chargé en 2001 d'étudier la détermination des critères de classement afin d'en proposer la révision .

Rappel des critères d'éligibilité au classement des stations

Les dispositions législatives relatives aux stations classées sont codifiées aux articles L. 2231-1 à L. 2231-8 du code général des collectivités territoriales (CGCL) et, pour la partie réglementaire, à ses articles R. 2231-1 à R. 2231-63. Les principaux textes ainsi codifiés concernant les stations classées sont les lois des 24 septembre 1919 et 3 avril 1942 ainsi que le décret du 14 novembre 1968.

A l'exception des stations de sports d'hiver, cette réglementation ne comporte pas de véritables critères de classement, la sélection s'effectuant essentiellement à partir de critères jurisprudentiels, qu'il s'agisse de l'examen des demandes par les différents conseils et commissions consultatifs prévus par les textes ou de l'examen du projet de décret par le Conseil d'Etat.

Comme l'a rappelé la circulaire du 20 juin 1991 destinée aux préfets de département et relative aux stations classées et communes touristiques, ces critères jurisprudentiels impliquent, pour qu'une commune soit classée dans les catégories de stations qui relèvent de la compétence du secrétariat d'Etat au tourisme, que soient réunies les conditions suivantes : une situation sanitaire irréprochable, un plan d'occupation des sols approuvé, soixante-quinze chambres au moins en hôtellerie classée et un office de tourisme classé par l'autorité administrative.

Les conditions demandées pour le classement permettent de conférer à ce régime un rôle incitateur, conduisant les communes candidates à se doter des infrastructures d'accueil suffisantes et de qualité, afin de se constituer en station et de se promouvoir comme produit attractif. En ce qui concerne les petites communes, le regroupement dans le cadre de l'intercommunalité doit être la voie à privilégier afin d'atteindre le seuil indispensable à la constitution d'une station considérée comme pôle de développement touristique.

Réponse à la question écrite de M. Georges Mouly
JO Sénat (Q) du 15 mars 2001, p. 951.

Dès lors, votre rapporteur estime qu'en même temps qu'il serait procédé à la définition d'un cadre modernisé, rigoureux et cohérent des critères d'éligibilité , la procédure d'attribution du label devrait être simplifiée , clarifiée et rendue plus rapide et proche du terrain . Le régime des stations classées pourrait ainsi faire l'objet d'un transfert de compétences en faveur des collectivités territoriales dans le cadre du projet de loi de décentralisation.

D. REFONDRE LE DISPOSITIF DE LA TAXE DE SÉJOUR

Outre ce chantier législatif des stations classées, le secrétaire d'Etat au tourisme souhaite également, en associant les élus des stations et communes touristiques et les professionnels du tourisme, procéder à une refonte d'ensemble du dispositif de la taxe de séjour , au-delà des améliorations qui y ont été apportées par la loi de finances pour 2002 .

Le dispositif de la taxe de séjour

La taxe de séjour a été instituée par la loi du 13 avril 1910 et généralisée à l'ensemble des stations classées par la loi du 24 septembre 1919. Etendu ensuite aux communes de montagne et littorales, son champ d'application a été généralisé, par la loi du 5 janvier 1988, aux communes désireuses de développer leur promotion touristique, et, par la loi du 2 février 1995, aux communes et groupements de communes qui réalisent des actions de protection et de gestion de leurs espaces naturels. Les dispositions relatives à la taxe de séjour sont aujourd'hui codifiées aux articles L. 2333-26 à L. 2333-46 et R. 2333-43 à R. 2333-69 du CGCL.

La taxe de séjour, acquittée par les touristes , permet de financer une partie des dépenses publiques nécessaires à la compétitivité touristique des stations et villes touristiques en évitant de faire supporter à la seule population permanente, par le biais des impôts locaux (taxe d'habitation notamment), les moyens financiers que le développement du tourisme exige des municipalités. Son produit est d'ailleurs obligatoirement affecté au financement des dépenses dont l'objet principal est le développement touristique de la commune , et dont le montant particulièrement élevé est imputable à la fréquentation touristique. Il s'agit certes des dépenses afférentes à l'accueil et à l'information des touristes (office de tourisme) ou à la promotion des ressources touristiques de la commune, mais aussi de celles nécessaires à l' aménagement et à l'embellissement des lieux de promenade , à l' agrandissement d'une station d'épuration , à la construction de parcs de stationnement supplémentaires , etc.

La taxe de séjour est prélevée dans tous les modes d'hébergement , au profit des communes . Elle est encadrée par un tarif minimal (0,15 euro en 2002) et un tarif maximal (1,07 euro) par nuitée et par personne. Il faut ajouter qu'en application de l'article 106 de la loi du 26 mars 1927, les départements peuvent instituer une taxe additionnelle de 10 % à la taxe de séjour, dont l' affectation est identique à la taxe communale .

La taxe peut être perçue à la nuitée , ce qui est son mode traditionnel de perception (1 614 communes en 2000), ou , depuis 1989, de façon forfaitaire (304 communes en 2000). Si cette seconde méthode présente l'avantage de faciliter la perception de la taxe et de simplifier la comptabilité de l'hébergeur, une estimation excessive de la fréquentation peut cependant indûment grever les charges d'exploitation de ce dernier, en particulier en cas d'institution d'un acompte, correspondant à 50 % du produit prévisible de la taxe, que le conseil municipal est autorisé à demander aux logeurs de verser à une date déterminée.

En cas de perception à la nuitée, la taxe doit obligatoirement figurer sur la facture remise au touriste, alors qu'en cas de perception forfaitaire, son montant, calculé annuellement à partir d'une estimation de la fréquentation de l'établissement assujetti, ne doit pas apparaître sur la facture. Cependant, afin d'éviter que la taxe forfaitaire ne soit nécessairement une charge directe pour le prestataire de service, son coût peut être répercuté sur le prix de vente de la prestation d'hébergement, l'hébergeur pouvant faire alors figurer sur la facture la mention « taxe de séjour forfaitaire comprise » .

La perception et la fixation des tarifs de la taxe relèvent de l'initiative des collectivités locales (au moins quatre communes et un département y ont ainsi renoncé en 2000, ce qui a interrompu pour la première fois la croissance annuelle des communes y ayant recours), dans le cadre de barèmes établis par mode d'hébergement et par niveau de confort fixés par la réglementation.

Source : Direction du tourisme

En 2000, la taxe de séjour a été perçue par 1 918 communes et son produit total a été de 106,84 millions d'euros , dont 73,95 millions d'euros pour la taxe perçue à la nuitée et 32,89 millions d'euros pour la taxe forfaitaire. Onze départements ont par ailleurs perçu la taxe additionnelle, pour un produit total de 2,13 millions d'euros . Ce système existe non seulement en France, mais aussi en Allemagne (0,31 à 1,07 euro), en Autriche (0,46 à 1,52 euro), en Belgique (0,46 euro), en Grèce (1,52 euro), aux Pays-Bas (0,23 à 0,38 euro) ou encore en Suisse (0,15 à 1,52 euro).

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2002 , le dispositif a été modifié sur plusieurs points importants (les tarifs , les exemptions et les modalités de perception des taxes simples et forfaitaires) pour en améliorer le rendement et le fonctionnement.

Les articles 101 à 106 de la loi de finances pour 2002

L'article 101 a fixé de nouvelles valeurs minimale (0,2 euro) et maximale (1,5 euro) à la taxe.

L'article 102 en a exempté les enfants de moins de 13 ans.

Les articles 103 et 104 ont simplifié les modalités de versement en laissant aux collectivités territoriales le soin de les déterminer par délibération.

L'article 105 a prévu l'exemption de la taxe de séjour forfaitaire pour les établissements exploités depuis moins de deux ans.

L'article 106 a institué un dispositif de dégrèvement en cas de pollution grave ou d'une situation de catastrophe naturelle.

Il convient de relever que le Conseil constitutionnel a par ailleurs déclaré non conformes à la Constitution, car ne pouvant relever de la loi de finances, trois autres articles du projet de loi de finances pour 2002 relatifs aux taxes de séjour, et qui concernaient :

- la présentation, par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, d'un rapport sur la perception des taxes et sur l'utilisation de leur produit ;

- l'annonce, dans le cadre dudit rapport, des éventuelles augmentations de tarifs qui pourraient intervenir lors du prochain exercice budgétaire ;

- une définition plus précise des conditions d'utilisation du produit des taxes.

Enfin, on notera que l'article 107 supprime en outre la taxe sur les entreprises spécialement intéressées à la prospérité des stations, taxe qui, à l'exception de la taxe sur les remontées mécaniques, n'avait pas fait l'objet de mesures d'application depuis sa création.

Le nouveau régime , tel que modifié par la loi de finances pour 2002, entrera en vigueur à compter du 1 er janvier 2003 . Le décret d'application de l'article 101 a été examiné par le Comité des finances locales lors de sa séance du 9 juillet 2002 et devrait être publié d'ici la fin de l'année, après avoir été examiné par le Conseil d'Etat dans le cadre de sa codification. Par ailleurs, une circulaire ministérielle devrait reprendre, sous forme de recommandations adressées aux collectivités locales concernées , les dispositions annulées par le Conseil constitutionnel.

Si ces améliorations , qui résultent notamment des conclusions d'une mission conjointe menée en 2001 par les inspections générales du tourisme et de l'administration (ministère de l'intérieur), ainsi que des propositions de notre collègue député Michel Bouvard 8( * ) , étaient attendues , elles ne paraissent cependant toujours pas suffisantes pour donner au régime de la taxe de séjour les caractères de modernité nécessaires pour assurer sa totale efficacité .

Depuis plusieurs années, de nombreuses initiatives ont d'ailleurs été prises par les collectivités locales pour tenter d' améliorer le rendement de la taxe de séjour et de lier le dispositif à une politique dynamique d'accueil et de fidélisation des stations . Témoignant d'une volonté d'améliorer l'acceptation de cette taxe locale par les assujettis (logeurs et clients), notamment en l'accompagnant de facilités offertes aux touristes (informations sur les stations, visites gratuites de monuments, accès à des activités de loisirs, etc.), ces initiatives demeureront néanmoins limitées dans leurs effets tant qu'une modernisation plus profonde de la taxe de séjour n'aura pas été assurée .

C'est pourquoi votre rapporteur se félicite que le secrétaire d'Etat ait manifesté l'ambition d'aller au-delà de la réforme adoptée l'an dernier par le Parlement et décidé de poursuivre plus avant la réflexion entreprise depuis deux ans afin d'être prochainement en mesure de soumettre aux parlementaire un dispositif profondément rénové .

E. ADAPTER LES CONDITIONS D'EXERCICE DES ACTIVITÉS RELATIVES À L'ORGANISATION ET À LA VENTE DE VOYAGES ET DE SÉJOURS

Le dernier axe législatif du secrétariat d'Etat concerne la réforme de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992 fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages et de séjours .

Cette loi, qui a transposé en droit national les dispositions de la directive n° 90/314/CE du Conseil du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, avait pour objectif de protéger les consommateurs tout en favorisant le développement des différents modes de commercialisation , en particulier le tourisme d'accueil. En effet, si ce texte a conforté le rôle des agences de voyage titulaires d'une licence , il a également ouvert l'organisation et la vente de voyages et de séjours à d'autres opérateurs : les associations , qui peuvent être agréées pour fournir des prestations à leurs adhérents, les organismes locaux de tourisme , tels les offices de tourisme, qui peuvent être autorisés à commercialiser des produits touristiques, et enfin des professionnels , comme les hôteliers ou les autocaristes, qui peuvent être habilités à proposer des prestations touristiques à titre complémentaire ou accessoire de leur activité principale.

La multiplication des acteurs intervenant dans ce secteur s'est accompagnée de politiques de partenariat afin que les règles nouvelles soient respectées dans un esprit de consensus et de saine émulation, mais aussi que la commercialisation des voyages et séjours, désormais juridiquement accessible à un grand nombre d'opérateurs, débouche sur une meilleure mise en marché de l'offre dans l'intérêt des consommateurs . A cet égard, le premier bilan de cette loi, huit ans après sa mise en oeuvre (son décret d'application datant de décembre 1994), s'avère positif : près de 7 000 acteurs touristiques sont aujourd'hui titulaires d'une des quatre autorisations préfectorales (licence, agrément, autorisation et habilitation) et ce secteur est très dynamique , tant au plan quantitatif (plusieurs centaines d'entreprises nouvelles se sont créées chaque année jusqu'en 2001, le mouvement s'étant alors retourné en raison de la crise du secteur consécutive au 11 septembre) qu'au plan qualitatif (les produits se diversifient et sont très innovants, et le développement du commerce en ligne y est particulièrement intense).

Reste qu' une nouvelle étape est sans doute aujourd'hui nécessaire , d'autant que les incertitudes nées de la conjoncture politique et économique internationale pèsent particulièrement sur ce secteur, comme en témoignent ses résultats depuis septembre 2001.

D'une part, en effet, les professionnels demandent une simplification et une clarification du dispositif afin de garantir une meilleure application des règles de la concurrence et de renforcer la protection des consommateurs .

Ainsi les associations et les organismes sans but lucratif, qui prennent une place de plus en plus importante dans l'activité du secteur, souhaiteraient pouvoir proposer et vendre des prestations à d'autres clients que leurs seuls membres adhérents . Les plus importantes de ces associations interviennent en tout état de cause sous un régime de fiscalité , fixé par une instruction fiscale de 1999, qui, tout en préservant la spécificité du secteur associatif, est désormais identique à celui des sociétés commerciales . La satisfaction de cette demande passerait dès lors nécessairement par une adaptation de la loi de 1992, et en particulier de son article 8, pour autoriser les associations à faire de la publicité lorsqu'elles exercent dans le secteur concurrentiel.

En ce qui concerne le régime des autorisations administratives , les professionnels dénoncent d'une part un manque de moyens au niveau préfectoral, qui ralentit les procédures de délivrance , ainsi que, d'autre part, la complexité née de la superposition des dispositifs dérogatoires au régime de droit commun que constitue la licence. Ils réclament ainsi une simplification, qui présenterait en outre l'avantage d'assurer un meilleur équilibre concurrentiel entre les différentes formes de voyage . A cet égard, l'accord des représentants des agences de voyage à l'extension des capacités publicitaires des grandes associations serait en tout état de cause subordonné à la résolution favorable de cette problématique.

Enfin, les professionnels font part de difficultés quant à la mise en oeuvre du régime de responsabilité de plein droit de l'agent de voyage ou de l'opérateur touristique, et à l'application de la garantie financière . En conclusion d'une étude menée en 2000 sur l'adéquation de ce dispositif, la direction du tourisme estime certes que l'équilibre financier est globalement satisfaisant : le nombre de sinistres est de l'ordre de 1,5 % et la garantie financière s'avère suffisante dans les trois-quarts d'entre eux . Elle reconnaît toutefois qu'un approfondissement de l'étude serait nécessaire pour établir une comparaison avec le niveau de protection des consommateurs qu'offrent les autres systèmes applicables dans l'Union européenne.

A cet égard, il convient de rappeler que le Parlement européen, dans un rapport de décembre 2001, a recommandé aux Etats membres d'assurer la plus grande clarté en matière de responsabilité de l'organisateur ou du distributeur, et de définir très précisément le dédommagement dont doit bénéficier le consommateur en cas d'annulation du contrat.

D'autre part, et en tout état de cause, les prévisibles évolutions de la réglementation européenne rendront prochainement nécessaire un toilettage de la loi de 1992 .

En effet, l'ensemble des directives européennes ayant trait à la protection des consommateurs a récemment fait l'objet d'un Livre vert de la Commission européenne 9( * ) . Cette communication a ouvert une vaste consultation des partenaires européens et de leurs organisations professionnelles et associations, qui doit porter à la fois sur les objectifs d'une politique spécifique des consommateurs de l'Union européenne et sur les outils juridiques à mettre en oeuvre pour y parvenir . Afin d'offrir aux consommateurs une protection maximale tout en limitant les coûts des entreprises, le champ de réflexion du Livre vert couvre l'ensemble des pratiques commerciales en général, y compris par conséquent l'organisation et la vente des voyages, vacances et circuits à forfait . Dans ce cadre sont ainsi posées des questions relatives à la nature des barrières commerciales auxquelles consommateurs et commerçants sont confrontés, à la définition de ce que sont les pratiques commerciales loyales (qui devraient répondre à un test général de loyauté ), au contenu et au mode de communication des informations destinées aux consommateurs, etc. L'examen des conclusions de cette démarche de consultation et des mesures législatives et réglementaires qui seront proposées à son issue au Parlement européen et au Conseil est ainsi inscrit à l'ordre du jour des travaux de la Commission européenne en 2003.

En outre, en matière de politique concurrentielle, le secteur des ventes de voyages demeure soumis à des distorsions de concurrence au plan européen résultant soit du contenu même de la directive du 13 juin 1990, soit de divergences d'interprétation quant à celui-ci. C'est en particulier le cas au plan fiscal , le régime particulier de TVA des agents de voyages calculée sur la marge n'étant pas appliqué de façon uniforme par les Etats membres, notamment parce que l'article 28 de la directive autorise explicitement ces derniers à en exonérer les prestations de services des agents de voyages. Une nouvelle proposition de directive est donc à l'étude au niveau du Conseil « Marché intérieur » pour préciser le champ d'application du régime particulier et abroger les possibilités de dérogation existantes .

Ainsi, le dispositif actuel fixant les conditions d'exercice des activités relatives à l'organisation et à la vente de voyages et de séjours mérite d'être simplifié afin, tout en maintenant un haut niveau de protection des consommateurs, de favoriser le développement de ce secteur d'activité qui est constitué de nombreuses PME et soumis à un environnement fortement concurrentiel au plan international.

C'est pourquoi votre rapporteur pour avis se félicite que le secrétaire d'Etat au tourisme ait indiqué qu'une réflexion serait engagée en association avec les professionnels concernés dans le but de soumettre, d'ici quelques mois, un projet de loi au Parlement.

*

* *

La commission des affaires économiques a examiné ce rapport le mercredi 30 octobre 2002 et, après avoir entendu M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, et M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme, a donné un avis favorable, sur proposition de son rapporteur pour avis, à l'adoption des crédits consacrés au tourisme inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003 lors de sa réunion du 27 novembre 2002.

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