E. MAYOTTE : UN RAPPROCHEMENT PLUS MARQUÉ VERS LE DROIT COMMUN DE LA RÉPUBLIQUE

Principales mesures budgétaires prévues pour 2004

- Dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires (3,6 millions d'euros) ;

- Convention de développement de Mayotte (2,1 millions d'euros) ;

- Lutte contre l'immigration clandestine : (création d'un bureau d'études et financement d'un radar (2 millions d'euros) pour assurer la surveillance du lagon.

1. Une profonde évolution du statut personnel

L'article premier de la loi du 24 décembre 1976 qui a érigé Mayotte en collectivité territoriale à statut particulier avait prévu une consultation de la population sur la transformation de Mayotte en département ou sur l'adoption d'un statut différent, dans un délai de 3 ans. Cette consultation n'a jamais pu être organisée et Mayotte n'a disposé pendant 25 ans, jusqu'au 13 juillet 2001, que d'un statut provisoire.

La loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte a pour objet de rapprocher Mayotte du droit commun des collectivités de la République.

La fin de l'année 2002 a constitué une étape très importante dans l'application de cette loi :

- alignement du droit applicable à la collectivité départementale de Mayotte, pour la partie réglementaire, sur le droit commun par les dispositions inscrites dans le code général des collectivités territoriales (décret n° 2002-1504 du 24 décembre 2002) ;

- alignement du droit applicable aux communes mahoraises sur le droit commun des communes et, formellement, leur intégration dans le code général des collectivités territoriales (ordonnance n° 2002-1450 du 12 décembre 2002) ;

- extension et adaptation de dispositions du droit civil et modification de l'organisation judiciaire (ordonnance n° 2002-1476 du 19 décembre 2002) ;

- organisation de la procédure de renonciation au statut civil de droit local (décret n° 2002-1168 du 11 septembre 2002) ;

- modernisation et développement du service public de Mayotte (ordonnance n° 2002-1541 du 12 décembre 2002).

Il convient d'observer que la levée progressive de la spécialité législative à Mayotte s'est traduite par plusieurs textes qui ne sont pas spécifiques à cette collectivité. Ainsi la loi de programme n° 2003-660 du 21 juillet 2003 pour l'outre-mer prévoit notamment la ratification d'ordonnances prises en application de l'article 67 de la loi du 11 juillet 2001.

La loi de programme permettra également l'actualisation et l'adaptation du droit applicable à Mayotte par de nouvelles ordonnances. Elle comprend en outre certaines dispositions propres à Mayotte destinées à rapprocher le droit local du droit commun français.

En effet, si la loi du 11 juillet 2001 avait précisé les règles de conciliation du statut civil de droit local avec celui de droit commun et les modalités de la renonciation, certains aspects du statut personnel n'étaient toujours pas compatibles avec les principes républicains. Pratiqués par une minorité, ils faisaient l'objet d'une remise en cause par la société mahoraise elle-même : un amendement parlementaire du député de l'île, soutenu par la ministre de l'outre-mer, a proposé d'y mettre fin, progressivement et sans porter atteinte aux situations en cours.

La réforme adoptée dans la loi de programme pour l'outre-mer se décline ainsi :

- borner le champ d'application du statut personnel de droit local à l'état et à la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et aux libéralités, à l'exclusion de tout autre secteur de la vie sociale. Il convient de rappeler en outre que ce statut personnel ne peut limiter les droits des citoyens ;

- interdire la polygamie pour les personnes qui accèderont à l'âge requis pour se marier (18 ans pour les hommes et 15 ans pour les femmes) à compter du 1 er janvier 2005 ;

- prohiber la répudiation unilatérale : pour les personnes accédant à l'âge requis pour se marier au 1 er janvier 2005, le mariage ne pourra être dissous que par le divorce ou par la séparation judiciairement prononcée ;

- interdire les discriminations entre enfants devant l'héritage , fondées sur le sexe ou sur le caractère légitime ou naturel de la naissance, pour les enfants nés après la promulgation de la loi de programme, lorsqu'elles sont contraires à l'ordre public.

Cette profonde mutation du statut civil de droit local permet de faire évoluer le statut personnel dans le respect des principes de la République, sans remettre en cause l'existence même du statut.

Le mouvement de réforme n'est cependant pas achevé puisqu'il convient de compléter au niveau réglementaire les importantes dispositions législatives adoptées par la loi de programme.

2. La priorité donnée à la lutte contre l'immigration clandestine

Les faits constatés ont augmenté de 12,5 % entre 2001 et 2002 (8,38 % pour la gendarmerie, 17 % pour la police). Malgré la forte progression enregistrée au cours des six dernières années (253 %), le taux de délinquance (53,4 %) reste en deçà du taux moyen des collectivités ultramarines et de la métropole.

L'augmentation récente de la délinquance s'explique d'abord par la forte hausse de la délinquance de voie publique (+ 133 % sur les cinq dernières années) qui regroupe les infractions les plus durement ressenties par la population (vols à main armée, vols avec violence, cambriolages, vols de véhicules, destructions et dégradations). Cette forme de délinquance semble heureusement marquer le pas en 2002 : diminution de 18 % du cambriolage, réduction des coups et blessures volontaires. Néanmoins, si les vols de deux roues baissent (- 33 %), ceux de voitures augmentent fortement en zone gendarmerie (281 en 2002 contre 251 en 2001).

Le taux d'élucidation général sans tenir compte des étrangers en situation irrégulière dépasse 40 % (26 % en métropole) mais il reste singulièrement faible en matière de délinquance de voie publique -en zone police- (102 faits résolus sur 1.197 faits constatés).

En second lieu, les étrangers en situation irrégulière représentent près de la moitié de la délinquance enregistrée.

L'immigration irrégulière apparaît aujourd'hui comme le principal sujet de préoccupation pour la collectivité.

Sans doute la comparaison entre 2001 et 2002 fait-elle apparaître une hausse de 54 % du nombre de reconduites à la frontière, fruit de l'effort engagé dans ce domaine par l'ensemble des services régaliens (2.649 reconduits en 2002 contre 1.719 en 2001).

Toutefois, sur une population de 160.265 habitants (recensement de 2002 publié au journal officiel du 9 janvier 2003), le nombre des étrangers en situation régulière s'élève à 10.000 et celui des clandestins est estimé à environ 20.000 -soit plus de 12 % de la population.

Une forte pression migratoire s'exerce depuis les îles de la République fédérale islamique des Comores -plus particulièrement l'île d'Anjouan- mais aussi via les Comores, depuis Madagascar.

Alors que l'île connaît une forte croissance démographique (5,8 % par an), le contrôle de l'immigration représente un enjeu majeur pour le développement économique de l'île, la préservation des équilibres sociaux et la sauvegarde de l'ordre public. Il convient, à cet égard, de relever pour la troisième année consécutive l'augmentation du nombre des étrangers parmi les délinquants (+ 39,4 % en 2000, + 52 % en 2001, + 65,4 % en 2002).

L'importance du phénomène de l'immigration clandestine à Mayotte a nécessité une adaptation spécifique du dispositif de lutte et de prévention mis en oeuvre par les différents services de l'Etat.

Dès novembre 2000, un plan global de prévention et de lutte contre l'immigration clandestine dit « plan Lagon » a été élaboré.

Toutefois, les premières mesures opérationnelles n'ayant pas atteint leur pleine efficacité, le préfet de Mayotte a établi à la fin du premier semestre 2002 de nouvelles propositions. Le nouveau Plan Lagon prend désormais en considération les spécificités des modes d'action des passeurs. Aussi, ont été adoptées des mesures à caractère opérationnel et logistique, notamment :

- l'organisation de la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte sur mer et sur terre revient pour l'essentiel à la police aux frontières (PAF) ;

- l'accroissement de manière substantielle des moyens humains et matériels de la PAF en affectant dès 2003 une trentaine de fonctionnaires supplémentaires afin de servir les embarcations déployées et de créer une unité spécialisée dans le traitement judiciaire de ce type d'infraction ;

- la dotation de la PAF de deux vedettes adaptées aux spécificités de la poursuite des boutres et à l'interception des migrants clandestins ;

- la modernisation des capacités de détection actuelles en implantant sur la partie nord-ouest de la Grande Terre un radar susceptible de détecter et de surveiller la zone maritime entre Anjouan et Mayotte ;

- la modernisation en cours des moyens maritimes des douanes et de la gendarmerie ;

- la programmation, en 2003, de l'aménagement d'une zone d'attente d'une capacité de 10 personnes dans l'enceinte de l'aéroport de Pamandzi.

Ces mesures ont déjà porté leurs fruits puisque plusieurs poursuites pénales ont pu être diligentées à la suite d'opérations menées sur la base du Plan Lagon.

3. La restructuration en cours de l'établissement pénitentiaire

La maison d'arrêt de Majicavo connaît un taux de surpeuplement très préoccupant : d'une capacité théorique de 65 places, elle accueillait 164 détenus au 1 er juillet 2003, soit un taux d'occupation de 252 % .

Un schéma directeur de restructuration , élaboré par l'établissement, prévoit deux phases opérationnelles.

- la première phase, d'un montant de 2,13 millions d'euros, porte sur la construction d'un quartier de mineurs de 26 places, d'un bâtiment administratif et d'un belvédère de surveillance. L'Etat s'est engagé à financer cette première phase dans le cadre du 12 ème contrat de plan 2000-2004, à hauteur de 2,13 millions d'euros ;

- la 2 ème phase, estimée à 4,57 millions d'euros, envisage l'extension de la capacité de l'établissement pour affecter les bâtiments d'hébergement en fonction des régimes de détention et lutter contre la surpopulation chronique que connaît cet établissement.

Ainsi, selon les estimations établies par la direction de l'équipement de la collectivité départementale de Mayotte, le coût des travaux de restructuration et d'extension de la maison d'arrêt de Majicavo s'élève à près de 6,70 millions d'euros.

Les effectifs des personnels pénitentiaires en fonction à Mayotte s'élèvent au 1 er janvier 2002 à un total de 57 agents.

Les 47 agents de surveillance sont des agents titulaires de la collectivité départementale de Mayotte. Les 10 autres agents dont le directeur et l'adjoint du directeur ont un statut de contractuel.

- L'activité et les moyens des juridictions

Mayotte compte un tribunal de première instance et un tribunal supérieur d'appel situés à Mamoudzou. A l'instar des autres juridictions d'outre-mer, celles de Mayotte ont bénéficié d'une progression de leurs dotations depuis 1998.

Dotations initiales

Ressort de
Cour d'appel

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Mamoudzou

248.173

284.534

323.954

394.691

411.926

427.300

L'extension du Palais de Justice de Mayotte, pour tenir compte notamment des réformes d'organisation et de structure liées au nouveau statut de l'île, a fait l'objet en 2003, d'études de faisabilité.

Les juridictions de l'ordre judiciaire comptaient en 2002, 12 magistrats et 8 fonctionnaires.

En revanche, la juridiction administrative de Mayotte ne dispose pas de magistrats affectés. Les audiences sont tenues par des magistrats de Saint-Denis de la Réunion détachés à cet effet.

Le contentieux civil porté devant le tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou s'est stabilisé après la forte augmentation observée en 1998 (122 affaires nouvelles en 2001, 121 en 2000) tandis que le contentieux pénal tend à s'accroître (28 arrêts d'assises en 2001 contre 14 en 2000).

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