II. LA GARANTIE ET L'ÉLARGISSEMENT DES RECETTES DE L'ASSURANCE MALADIE

A. UN PRÉALABLE INDISPENSABLE : LA GARANTIE DES RESSOURCES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE PAR LE BIAIS D'UNE CLARIFICATION DES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE L'ETAT ET LA SÉCURITÉ SOCIALE

1. Les mesures visant à garantir les ressources de la sécurité sociale

a) Le régime actuel des prises en charge de cotisations de sécurité sociale par l'Etat

Les exonérations de cotisations sociales, compensées par l'Etat en vertu de loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, visent trois grandes catégories de dispositifs :

- les compensations en faveur de la baisse du temps de travail et sur les bas salaires : ces compensations de cotisations reviennent à la charge de l'Etat depuis 2004, en raison de la suppression du FOREC. Il s'agit principalement de l'allègement unique Fillon qui remplace progressivement sur la période 2003-2005 l'allègement sur les bas salaires et l'allègement Aubry II ;

- les dispositifs ciblés sur certaines catégories de salariés : il s'agit de la formation en alternance qui regroupe l'apprentissage et les contrats de qualification jeunes et adultes ainsi que des dispositifs d'insertion des publics en difficulté (contrat initiative emploi, insertion par l'économique, contrat de retour à l'emploi). Cette catégorie d'exonérations représentait les deux tiers des cotisations compensées par l'Etat en 2003 mais sa part est tombée à 6 % en 2004 à la suite de l'extension considérable du champ des exonérations à la charge de l'Etat ;

- les compensations spécifiques en faveur de certaines zones géographiques : les exonérations destinées aux départements d'outre-mer, représentent plus de la moitié de cette catégorie. En effet, depuis le 1 er janvier 2001, les exonérations sectorielles dans les DOM ont été remplacées par les exonérations définies dans le cadre de la loi d'orientation pour l'outre-mer. La plupart des autres catégories et notamment les exonérations au titre des zones franches urbaines et celles au titre de la zone franche de Corse ont diminué en 2003.

La suppression du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 29 ( * ) a entraîné un accroissement considérable des exonérations compensées par l'Etat à partir de 2004 .

Evolution des exonérations de cotisations sociales se situant dans le périmètre du FOREC pour 2004

(en milliers d'euros)

 

2003

2004

évolution

2004 / 2003

Ristourne bas salaires 1,3 SMIC (jusqu'au 1 er juillet 2003)

2 138 000

0

-100%

Allègement "Aubry I"

2 073 000

890 000

-57,07%

Allègement "Aubry II" (jusqu'au 1 er juillet 2003)

4 190 000

0

-100%

ARTT "de Robien"

530 000

408 000

-23,02%

Allègement unique "Fillon" (à compter du 1 er juillet 2003)

6 969 000

15 792 000

+ 126,60%

ALLEGEMENTS GENERAUX : exonérations se situant dans le périmètre 2003 du FOREC

15 900 000

17 090 000

+ 7,48%

Source : réponse au questionnaire budgétaire de la commission des finances du Sénat relatif au projet de loi de finances pour 2004 du ministère du travail

En outre, les exonérations en faveur de zones géographiques spécifiques augmentent de façon assez soutenue en 2004. En effet, de nouvelles zones franches urbaines ont été créées en 2003. D'autre part, les plafonds d'exonération sur les salaires sur les salaires donnant droit à prise en charge des cotisations dans les DOM ont été augmentés. Les autres exonérations sont affectées principalement par la fin des entrées dans le dispositif contrat initiative emploi, qui est appelé progressivement à disparaître. De nouveaux dispositifs sont en revanche mis en place, comme l'exonération en faveur des jeunes entreprises innovantes et l'exonération des cotisations patronales au titre de l'activité des bénéficiaires du revenu minimum d'activité (RMA) en faveur de l'emploi des populations précarisées.

Coût des nouvelles mesures d'exonération en 2004

 

coût/surcoût annuel

compensation

DOM : amplification des exonérations

Surcoût chiffré à 37 M€ en année pleine (rapport n° 299 du Sénat du 15 mai 2003)

compensée

ZFU : réactivation des 44 premières ZFU

Surcoût chiffré à 16 M€ en 2004, 30 M€ à termes (Ministère délégué à la ville et à la rénovation urbaine)

compensée

ZFU : création de 41 nouvelles ZFU

Surcoût chiffré à 28 M€ en 2004, 105 M€ à termes (Ministère délégué à la ville et à la rénovation urbaine)

compensée

Revenu Minimum d'Activité (RMA) dans le secteur non marchand

20 M€ en 2004 (PLF 2004)

compensée

Exonération en faveur des jeunes entreprises innovantes

Coût prévisionnel 2004 de 34 M€ (prévision ACOSS, champ régime général)

compensée

Contrats de professionnalisation

non chiffré

compensée

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2004)

b) Les modifications des règles de compensation proposées par le présent projet de loi

L'article 39 du présent projet de loi, symboliquement placé en exergue de son titre III, intitulé « Dispositions relatives au financement de l'assurance maladie », prévoit, tout d'abord, de renommer le chapitre I er bis du titre III du livre I er du code de la sécurité sociale en remplaçant son intitulé actuel « Prise en charge par l'Etat de certaines cotisations de la sécurité sociale » par un nouvel intitulé : « Mesures visant à garantir les ressources de la sécurité sociale ».

Le II de cet article modifie ensuite l'article unique, L. 131-7, du chapitre I er bis précité.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, introduit par la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dispose que « toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application. Cette compensation s'effectue sans préjudice des compensations à la date d'entrée en vigueur de ladite loi ».

Coût annuel des dispositifs d'exonération non compensées

(en millions d'euros)

 

Cotisations exonérées 2002

Cotisations exonérées 2003

Cotisations exonérées 2004 (*)

Mesures emploi à domicile

841

966

1 070

CES/CEC

787

757

730

Temps partiel

331

257

213

Embauche premier salarié

197

55

3

Associations intermédiaires

61

63

63

Autres

10

10

10

Total

2 227

2 108

2 089

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 2004)

Le II de l'article 39 du présent projet de loi étend le champ des pertes de cotisations ouvrant droit à compensation intégrale et inclut dans le dispositif les pertes de recettes liées aux contributions sociales affectées à la sécurité sociale et, de façon générale, tout transfert de charge opéré par l'Etat au détriment de la sécurité sociale.

Le 1° du II de cet article vise, d'une part, à supprimer la mention « totale ou partielle » associée à l'expression « toute mesure d'exonération (...) de cotisations de sécurité sociale », d'autre part, à préciser que le principe de compensation intégrale s'applique désormais à toute mesure d'exonération « ou de réduction » de cotisations de sécurité sociale.

Le 2° du II de cet article vise ensuite à compléter l'article L. 131-7 précité du code de la sécurité sociale par quatre alinéas précisant que la règle de compensation intégrale aux régimes par le budget de l'Etat de toute mesure d'exonération ou de réduction de cotisations de la sécurité sociale, pendant toute la durée de son application, s'applique également :

- à toute mesure de réduction ou d'exonération de contribution affectée à la sécurité sociale, instituée à compter de la publication de la présente loi relative à l'assurance maladie : ces mesures sont susceptibles de concerner en particulier la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ;

- à toute mesure de réduction ou d'abattement de l'assiette de ces cotisations et contributions, instituée à compter de la publication de la présente loi relative à l'assurance maladie.

Enfin, le 2° du II de cet article précise également qu'à compter de la date de publication de la présente loi relative à l'assurance maladie, tout transfert de charge opéré entre l'Etat et la sécurité sociale donne lieu à compensation intégrale entre les régimes de la sécurité sociale et le budget de l'Etat.

2. Le transfert d'une fraction supplémentaire du droit de consommation sur les tabacs de l'Etat vers la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)

Le III de l'article 39 du présent projet de loi prévoit que, « dans des conditions prévues par la loi de finances, une fraction supplémentaire, à hauteur de 1 milliard d'euros, du droit de consommation prévu à l'article 575 du code général des impôts est perçue au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés ».

Il s'agit donc de prévoir, pour l'avenir, le transfert au profit de la CNAMTS, d'une fraction supplémentaire du droit de consommation sur les tabacs de 1 milliard d'euros.

Outre la faible portée juridique de cette disposition, qui renvoie en effet à « la loi de finances », sans précision d'échéance, pour fixer les conditions de ce transfert, il convient de noter que le recours à la fixation d'un montant -un milliard d'euros-, en lieu et place de la modulation de la fixation du taux de répartition du droit de consommation sur les tabacs affecté à la CNAMTS, n'est pas satisfaisante .

Votre rapporteur pour avis vous proposera donc un amendement de nature à préciser la rédaction du III de l'article 39 du présent projet de loi.

Affectation des prélèvements sur les tabacs entre 2001 et 2004

 

2001

2002

2003

2004

Droit de consommation

(art 575 CGI)

FOREC (97 %)

CNAMTS (2,61 %)

FCAATA (0,39 %)

FOREC (90,77 %)

CNAMTS (8,84 %)

FOREC (84,45 %)

CNAMTS (15,20 %)

CNAMTS (21,42 %)

FCAATA (0,31 %)

BAPSA (52,06 %)

Fonds de financement des prestations sociales agricoles (0,3 %)

Budget de l'Etat (25,91 %)

Taxe sur les tabacs fabriqués (art 1609 unvicies)

BAPSA (100 %)

Taxe abrogée

Source : commission des comptes de la sécurité sociale (juin 2004)

* 29 Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003.

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