N° 34

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 octobre 2004

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale (urgence déclarée),

Par M. Dominique BRAYE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Émorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Hérisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Christian Gaudin, Jean Pépin, Bruno Sido, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean Besson, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Yves Coquelle, Roland Courteau, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, MM. Marcel Deneux, Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, André Ferrand, Alain Fouché, François Gerbaud, Alain Gérard, Charles Ginésy, Georges Ginoux, Adrien Giraud, Mme Adeline Gousseau, MM. Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, M. Michel Houel, Mmes Sandrine Hurel, Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Paul Natali, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Sénat : 445 (2003-2004), 32 , 33 et 37 (2004-2005)

Action sociale et solidarité nationale.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Présenté en conseil des ministres le 30 juin dernier, le plan de cohésion sociale s'appuie sur trois piliers : le premier concerne l'emploi , le deuxième le logement et le troisième l'égalité des chances . Sur le fondement de ce programme d'action, un projet de loi de programmation pour la cohésion sociale a été déposé sur le bureau de votre Haute assemblée afin d'en traduire juridiquement les orientations. C'est, bien évidemment, le titre II du projet de loi, consacré au logement et à l'urbanisme, qui a retenu toute l'attention de votre commission et qui l'a conduit à se saisir pour avis de ces dispositions.

En effet, le logement, ferment de l'intégration sociale, constitue le ciment de la cohésion de notre société. Placé, de fait, au coeur de la vie quotidienne des Français, il constitue l'un des principaux postes de dépenses des ménages, qu'ils soient locataires ou accédants à la propriété.

Les dispositions du titre II du projet de loi visent à apporter une réponse à la crise de l'offre de logements, en particulier sociaux, et du foncier. Facteur aggravant, cette double crise se conjugue à une forte hausse de la demande de logements, liés à des évolutions sociales et démographiques, ce qui se traduit par un allongement des délais pour l'accès au logement et par un renchérissement du prix des loyers et des logements à la vente, qui pèse sur le budget des ménages.

Autre caractéristique de ce secteur, la politique de l'habitat s'inscrit désormais dans un cadre législatif et réglementaire bouleversé, qui a donné un rôle croissant aux collectivités territoriales, avec le vote de trois lois importantes au cours des quatre dernières années.

C'est pourquoi le présent rapport examinera successivement les principales caractéristiques de l'offre et de la demande de logements, en particulier sociaux, le paysage législatif du secteur de l'habitat et de l'urbanisme, les dispositions du projet de loi et les principales propositions de modification que votre commission pour avis vous propose d'y apporter.

I. UNE AGGRAVATION DE LA CRISE DU LOGEMENT

Notre pays est, de l'avis unanime des acteurs concernés par la politique du logement (élus locaux, responsables d'organismes d'habitations à loyer modéré, associations) confronté depuis plusieurs années à une véritable pénurie de logements qui touche aussi bien le segment social de l'offre que le secteur locatif privé . Celle-ci occasionne des phénomènes de file d'attente pour l'accès au logement , qui se traduisent, pour le parc social, par une véritable explosion du nombre de demandeurs de logements sociaux, notamment dans les grandes agglomérations et, pour le secteur privé, par une envolée des loyers. Cette augmentation du prix des loyers touche de plein fouet les ménages les plus modestes, plus particulièrement ceux qui sont logés dans le parc locatif privé, pour lesquels le taux d'effort brut (montant du loyer rapporté au revenu global) est passé de 31,7 % en 1988 à 50,8 % en 2002 1 ( * ) .

S'agissant d'une crise de l'offre dont les origines sont liées au ralentissement de la construction de logements sur une longue période, votre rapporteur pour avis juge utile de rappeler les grandes évolutions de la demande de logements, ses évolutions prévisibles et celles de la production locative sociale, ainsi que les différentes solutions mises en oeuvre par les pouvoirs publics au cours des quatre dernières années pour enrayer la pénurie locative.

A. UNE DEMANDE SOCIALE ACCRUE

1. L'accroissement constaté

De 1978 à 1992, le nombre de ménages qui se déclarent inscrits sur des fichiers d'organismes d'HLM n'a cessé de croître (passant de 745.000 en 1978 à 915.000 en 1992). Pour autant, ces chiffres ne reflétaient pas l'ensemble de la demande car l'enquête ne rendait pas compte des demandes de décohabitation, ni de celles des personnes logées en foyer, en caravane, hébergées gratuitement ou sans domicile fixe.

Lors de la dernière enquête logement effectuée début 2002, ce nombre de demandeurs s'est notablement accru puisqu'à cette date , plus d'un million de ménages avaient déposé ou renouvelé dans l'année une demande de logements HLM . Sur ce total, 28 % des demandeurs habitaient l'agglomération parisienne, 36 % des grandes agglomérations de province, 28,5 % des petites agglomérations et 7,5 % des communes rurales. Sur 100 demandes, 55 avaient été déposées par un ménage avec enfants, 25 par une personne seule et 20 par un couple sans enfant.

Un tiers des demandes avait plus d'un an, celles-ci provenant surtout de l'agglomération parisienne (40 %). Un ménage demandeur sur six (soit 170.000 ménages) avait déjà refusé un logement qu'on lui proposait en raison, dans la moitié des cas, du quartier dans lequel il se situait. Les refus étaient un peu plus rares dans l'agglomération parisienne (12 % contre 18 % en province). Il convient enfin de noter que la moitié des demandeurs inscrits habite déjà un logement HLM.

Le cas spécifique de l'Île-de-France

Selon l'estimation réalisée dans le cadre du schéma directeur de l'Île-de-France au début des années 1990, les besoins en matière de nouveaux logements par an s'établissaient à 53.000 dans cette région. Cette évaluation a été révisée car la prise en compte des dernières évolutions démographiques et du taux de disparition des logements établissent désormais ce besoin à 45.000 logements par an. Toutefois, ce chiffre ne prend pas en compte les besoins suscités par les évolutions économiques ainsi que les projets de démolition qui impliquent d'augmenter d'autant l'offre nouvelle. Dans cette perspective, un modèle d'évaluation des besoins est en cours d'élaboration afin de déterminer les besoins en logements définis à un niveau infra-régional. Les résultats de cette évaluation serviront notamment de bases aux négociations relatives aux programmes locaux de l'habitat et aux futures conventions de délégation.

De manière générale, le niveau « nécessaire » de construction pour satisfaire la demande est largement supérieur aux rythmes de construction actuels . Les insuffisances de ces dernières années ont pu être comblées par la diminution récente du stock de logements vacants et de résidences secondaires. L'enquête logement 2001 a ainsi fait ressortir une baisse du taux de logements vacants significative de plus de 1,5 point, ce qui représente 75.000 logements. La vacance en Île-de-France a néanmoins atteint une limite basse. Il en ressort, au final, que l'insuffisance de construction par rapport à un niveau « naturel » de construction s'est traduite par une diminution comprise entre 50.000 et 100.000 logements du stock de logements, qu'il conviendra de combler à moyen terme.

En outre, dans le secteur locatif social on enregistre une nette amplification des tensions locatives en région Île-de-France avec environ 315.000 demandes de logement social déposées en 2002. Corrélativement à cette hausse, les indicateurs de fluidité du parc social se rigidifient avec une baisse des taux de vacance (2,1 % sur 2002 contre 2,3 % sur 2001) et de mobilité (8,2 % sur 2002 contre 8,5 % sur 2001).

* 1 Pour les ménages à bas revenus, c'est à dire ceux dont le niveau de vie est inférieur à la demi-médiane des niveaux de vie.

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