II. UN BUDGET CLAIREMENT PRIORITAIRE

En 2005, les moyens de la recherche seront dotés d'un milliard d'euros supplémentaire , conformément aux engagements du Gouvernement. Cette progression des moyens, la plus importante depuis vingt ans, devrait permettre de mener une politique de recherche ambitieuse, en cohérence avec les objectifs en matière de croissance et d'innovation fixés au Sommet de Lisbonne et dans le processus de Barcelone (3 % du produit intérieur brut (PIB) consacrés à la recherche, dont 2 % pour la recherche industrielle). Rappelons que ce taux s'élève à l'heure actuelle à 2,3 % pour la France. La recherche française représente, selon les secteurs d'activité, entre 2 et 10 % de l'effort mondial de recherche.

Cette augmentation intervient après deux années difficiles ; elle devrait donc permettre de combler les difficultés qui en ont résulté et, au-delà, donner une nouvelle impulsion à la recherche française. Votre commission souligne cependant que cet effort devra être poursuivi et s'inscrire dans la durée si notre pays veut atteindre cet objectif de 3 % du PIB.

Or, il ne faut pas se cacher que l'Europe aura des difficultés à atteindre cet objectif. Le rapport sévère que l'ancien Premier ministre néerlandais, M. Wim Kok, vient de publier, qui dresse un panorama général très mitigé et conclut à l'incapacité de l'Union européenne à tenir le rythme de la « stratégie de Lisbonne », qui vise à faire d'elle la zone la plus compétitive au monde d'ici six ans.

C'est la raison pour laquelle la mobilisation amorcée pour un grand emprunt destiné à relancer l'économie européenne grâce à l'innovation est, aux yeux de votre rapporteur, la seule solution qui donnerait un choc politique salutaire, analogue à ce que les Etats-Unis ont su réaliser lorsque la montée industrielle japonaise a risqué de leur faire perdre leur position dans le monde des technologies de pointe. L'appel lancé par votre rapporteur et par M. François Jacob, prix Nobel, est annexé au présent rapport. Ajoutons ici qu'une série de colloques internationaux sur le thème montrent un vif intérêt pour cette initiative.

A. UNE HAUSSE DES CRÉDITS ET LA PRÉSERVATION DE L'EMPLOI SCIENTIFIQUE

Ce milliard d'euros supplémentaire est réparti selon trois parts quasi équivalentes entre :

- l'augmentation du projet de budget civil de recherche et développement (BCRD), qui progresse de 4 % en crédits de paiement par rapport à 2004, pour s'élever à 9,285 milliards d'euros. La quasi-totalité de cette hausse (97 %) est destinée à renforcer les moyens financiers et humains des établissements publics scientifiques et technologiques (EPST), des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) et de la recherche universitaire (qui augmenteront, en moyenne, à un rythme deux fois supérieur à celui du BCRD) ;

- une dotation de 350 millions d'euros sur fonds extrabudgétaires (prélevés sur le compte d'affectation spéciale relatif aux recettes de privatisation) en faveur d'une Agence nationale pour la recherche nouvellement créée ;

- et le renforcement des mesures de soutien à l'innovation.

1. Une hausse de 4,7 % du budget du ministère de la recherche

Au sein du BCRD, le projet de budget du ministère de la recherche pour 2005 s'élève à 6,535 milliards d'euros, soit une hausse de 4,7 % par rapport à 2004. Le montant des autorisations de programme est de 2 449,33 millions d'euros, en hausse de près de 5 %.

a) Les dotations des établissements publics de recherche

Les subventions aux EPST progressent en moyenne de 7,5 % en crédits de paiement , et les neuf établissements en bénéficieront. A l'exception du Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC), la subvention reçue par chacun des établissements atteindra son plus haut niveau depuis quinze ans. Cette progression traduit également l'effort en direction des thématiques prioritaires. Elle est ainsi de 7,9 % pour les moyens du CNRS, de 9,1 % pour l'INRIA, de 7,4 % pour l'INSERM et de 7,3 % pour l'INRA.

La mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances imposera le passage à une gestion des crédits en autorisations d'engagement et crédits de paiement. Or, à l'heure actuelle, de nombreux établissements de recherche connaissent un retard des crédits de paiement disponibles par rapport aux autorisations de programme ouvertes. Le projet de loi de finances pour 2005 propose d'ajuster le niveau des crédits de paiement sur celui des autorisations de programme, ce qui revient à anticiper le passage aux dotations globalisées.

Le Gouvernement entend ainsi résorber le décalage existant depuis plusieurs exercices entre les crédits de paiement des EPST et leurs moyens d'engagement afin de rétablir une situation financière saine dans les EPST.

Les dotations des EPIC progressent, quant à elles, en moyenne de 7,9 % (+ 27,9 millions d'euros) et cette hausse bénéficiera à l'ensemble des établissements.

8,7 millions d'euros supplémentaires (+ 10 %) sont consacrés au soutien de base aux laboratoires. Ils seront affectés prioritairement à l'accompagnement des nouvelles interventions dévolues à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) dans le cadre du « plan climat », à la poursuite du plan de renouvellement de la flotte océanographique de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) et à la mise en service de la station polaire franco-italienne « Concordia » pour l'Institut polaire Paul-Emile Victor (IPEV) .

BCRD - PLF 2005
BUDGET DE LA RECHERCHE ET DES NOUVELLES TECHNOLOGIES

 

(en millions d'euros)

Chapitres et actions

AP

CP

 

LFI 2004

PLF 2005

%

LFI 2004

PLF 2005

_ %

INRA

96.913

103.817

7.1 %

549.119

589.063

7.3 %

CEMAGREF

6.610

6.699

1.3 %

42.666

44.595

4.5 %

INRETS

7.333

7.744

5.6 %

35.334

37.813

7.0 %

LCPC

7.912

5.971

-24.5 %

39.371

41.857

6.3 %

INRIA

37.579

45.803

21.9 %

111.942

122.133

9.1 %

CNRS

457.179

464.038

1.5 %

2.118.961

2.285.509

7.9 %

INSERM

125.011

132.200

5.8 %

442.274

475.198

7.4 %

INED

4.102

4.429

8.0 %

14.569

15.247

4.7 %

IRD

31.315

31.803

1.6 %

163.738

168.953

3.2 %

EPST

773.954

802.504

3.7 %

3.517.973

3.780.367

7.5 %

IFREMER

70.156

75.156

7.1 %

146.406

158.277

8.1 %

CIRAD

24.460

25.843

5.7 %

115.368

119.347

3.4 %

ADEME

19.669

20.445

3.9 %

19.903

28.423

42.8 %

BRGM

14.992

15.479

3.2 %

52.124

54.018

3.6 %

IPEV

6.496

7.106

9.4 %

17.317

18.923

9.3 %

CNES

1.083.031

1.061.457

-2.0 %

1.223.000

1.201.426

-1.8 %

CEA

22.168

38.912

75.5 %

458.858

475.602

3.6 %

EPIC

1.240.972

1.244.398

0.3 %

2.032.976

2.056.016

1.1 %

Centres de recherche en mathématiques

-

1.831

NS

Institut Pasteur de Paris

52.985

55.985

5.7 %

Institut Pasteur du réseau international

7.993

7.993

0.0 %

Institut Pasteur de Lille

6.412

6.412

0.0 %

Institut Curie

5.945

5.945

0.0 %

Centre d'étude du polymorphisme humain (CEPH)

-

1.700

NS

Autres centres anticancéreux

0.305

0.305

0.0 %

Autres institutions de recherche

0.305

0.305

0.0 %

ANRS

36.740

38.740

5.4 %

Institutions de recherche dans les SDV et les mathématiques

0.000

0.000

 

110.684

119.215

7.7 %

TOTAL I : Organismes de recherche

2.014.926

2.046.902

1.6 %

5.661.633

5.955.599

5.2 %

Comité national d'évaluation de la recherche (CNER)

0.688

0.000

NS

Moyens de fonctionnement des services

8.683

0.000

NS

Actions d'incitation, d'information et de communication (43-01)

32.382

0.000

NS

Formation à et par la recherche (43-80)

304.816

0.000

NS

Information et culture scientifique & technique (56-06)

1.220

0.000

NS

1.220

0.000

NS

Chap. 59-01 (LOLF) : Orientation et pilotage de la recherche

-

367.314

NS

-

550.911

NS

Soutien à la recherche et à la technologie (66-04)

181.450

0.000

NS

104.213

0.000

NS

Fonds national de la science (66-05)

136.749

35.118

-74.3 %

127.956

28.418

-77.8 %

Information scientifique et technique (66-06)

0.000

0.000

0.0 %

0.000

0.000

0.0 %

TOTAL II : Interventions

319.419

402.432

26.0 %

579.958

579.329

-0.1 %

b) Le soutien à l'emploi scientifique

Les emplois budgétaires inscrits aux budgets des neuf EPST s'établiront, en 2005, à 44 643, répartis en 17 467 chercheurs et 27 176 ingénieurs, techniciens (IT) et administratifs.

Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit de consolider le rétablissement des 550 emplois budgétaires de chercheurs et d'IT dans les EPST, supprimés par la loi de finances pour 2004 (200 chercheurs ; 350 IT) -afin d'être remplacés par des emplois contractuels- puis rétablis par la loi de finances rectificative pour 2004.

Il prévoit en outre le remplacement de tous les départs, en retraite ou autres. Tous les emplois statutaires sont donc maintenus.

Dans le contexte d'accroissement des départs à la retraite, cette décision constitue un signal fort aux jeunes qui souhaitent s'engager dans la carrière de chercheur ; cela signifie un accroissement à moyen terme du volume des recrutements et donc des débouchés dans la recherche publique pour les étudiants. Les départs (chercheurs et ITA) dans les années qui viennent sont, en effet, estimés à 2000 par an en moyenne.

Les établissements ayant néanmoins procédé au recrutement de 235 emplois contractuels en 2004 (sur les 550 initialement prévus), le projet de loi de finances les maintient.

Il propose, en outre, la création de 200 postes d'accueil de haut niveau . Leur niveau de rémunération (60 000 euros bruts par an, d'après les précisions apportées par le ministre délégué à la recherche au cours de son audition devant votre commission le mercredi 4 novembre dernier) devrait permettre aux établissements de se positionner de façon attractive vis-à-vis des meilleurs chercheurs étrangers et de proposer à des chercheurs français expatriés de revenir travailler en France dans de bonnes conditions.

Associé à l'emploi statutaire, ce type de recrutement répond à un souci de gestion plus souple des personnels des établissements, notamment en matière d'adaptation de l'emploi scientifique aux besoins et d'amélioration de la réactivité des laboratoires aux projets de recherche. Cette mesure s'inscrit dans l'objectif de rendre la recherche française plus opérationnelle et plus compétitive.

Il est, par ailleurs, prévu de doubler le nombre de jeunes chercheurs bénéficiant des « Package » mis en place par les organismes à leur intention (ATIP au CNRS, Avenir à l'Inserm, jeunes équipes à l'INRA...).

Il n'empêche que l'ensemble des établissements devraient s'attacher à favoriser davantage le retour des jeunes chercheurs temporairement expatriés. Les mentalités ont sans doute encore à évoluer dans ce domaine.

Enfin, votre rapporteur estime très positive la récente décision du Gouvernement d'attribuer des « chaires d'excellence » à des chercheurs venant de l'étranger. Sont ainsi créées cinq chaires dites de niveau 2 qui reçoivent un financement, hors salaire du chercheur, de 500 000 euros sur trois ans, dont 300 000 euros dès la première année. Le lauréat dispose de trois allocataires de recherche et de trois postes d'accueil de post-doctorants. Sur le même modèle, dix chaires de niveau 1 sont dotées d'un financement de 250 000 euros sur trois ans, dont 150 000 euros la première année ; elles sont assorties d'un allocataire de recherche et d'un poste d'accueil.

c) Une simplification des procédures administratives

Votre commission se réjouit que le Gouvernement ait repris certaines des propositions que le groupe de réflexion du Sénat sur l'avenir de la recherche en France, commun aux trois commissions compétentes dans ce domaine -affaires culturelles, affaires économiques et finances- lui a remises 6 ( * ) .

Parmi celles-ci, figurent des mesures tendant à libérer les organismes publics de recherche d'une tutelle excessive, notamment en substituant un contrôle financier a posteriori au contrôle a priori actuel et, plus généralement, en simplifiant les procédures administratives. Celles-ci, excessivement nombreuses et parfois tatillonnes, mobilisent inutilement trop de temps et de moyens au détriment des activités de recherche.

Ainsi, le ministre délégué à la recherche a indiqué à votre commission qu'il avait soumis au Premier ministre une série de propositions visant à simplifier la vie quotidienne dans les laboratoires, qui devraient être décidées d'ici à la fin de l'année. Certaines ont déjà fait l'objet d'un arbitrage positif, dont la suppression de ce contrôle financier a priori dans trois EPST, avec l'objectif d'un élargissement à tous les autres organismes en 2006.

Les laboratoires n'auront par exemple plus besoin de requérir le visa du contrôleur financier pour le recrutement de personnel non permanent. Cela leur permettra d'être plus réactif et de limiter les contrôles administratifs inutiles.

2. La recherche universitaire

a) Une hausse des crédits

Le BCRD pour 2005 consacre la recherche dans les universités comme une priorité. Les crédits à ce titre augmentent de 56 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui représente une progression de 11,2 % .

Afin d'accompagner les recrutements, la recherche universitaire bénéficiera d'une augmentation de 23 millions d'euros de ses moyens de fonctionnement. 409 millions d'euros seront notamment consacrés au fonctionnement et à l'équipement des laboratoires de recherche.

b) Des créations d'emplois

Des mesures significatives sont prévues pour renforcer les moyens en personnel dans les établissements d'enseignement supérieur : 1 000 créations d'emplois permettront aux établissements de recruter 245 professeurs, 455 maîtres de conférences (dont 150 seront recrutés au 1 er septembre 2005) et 150 personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de services (IATOS).

Seront, en outre, recrutés 150 attachés temporaires d'enseignement et de recherche (ATER).

c) Des mesures en faveur des jeunes chercheurs

Les moyens consacrés à la formation « à et par » la recherche progressent de 6,4 %.

L'accueil de chercheurs post-doctorants dans les laboratoires de recherche sera maintenu à son niveau de 2004 (600 contrats) et il bénéficiera de 4,16 millions d'euros supplémentaires afin de financer l'extension en année pleine des 200 nouveaux recrutements de 2004, qui s'ajoutaient aux 400 réalisés dès 2003.

Il en est de même pour l'accueil d'allocataires de recherche , dont le nombre atteindra 4 000 à la rentrée d'octobre 2005, soit environ 25 % des doctorants inscrits en première année. L'effort de revalorisation du dispositif, entamé en 2002, a été amplifié en 2004, ce qui portera le nombre total d'allocataires à environ 11 800.

La revalorisation de 4 % des allocations de recherche, prévue au 1 er octobre, a pris effet dès le 1 er mai, portant le montant mensuel brut de l'allocation à 1 305,86 euros. Elle aura ainsi été augmentée de plus de 15 % depuis 2002, après 10 ans de stabilité. Ceux qui bénéficient d'un monitorat (service d'enseignement équivalant à un tiers de service d'un maître de conférences) disposent d'un complément de revenu, ce qui porte leur rémunération à 1 640 euros bruts mensuels.

Dans son récent avis sur le BCRD pour 2005, le Conseil Supérieur de la Recherche et de la Technologie (CSRT) a souhaité que l'ensemble des étudiants inscrits en formation doctorale puissent accéder à un monitorat et que le montant de l'allocation de recherche soit revalorisé de manière régulière en tenant compte de l'évolution du pouvoir d'achat. Votre rapporteur demandera au ministre de préciser les intentions du Gouvernement sur ces propositions, qu'il soutient également.

Par ailleurs, le ministère chargé de la recherche poursuit ses efforts en matière de formation « à et par » la recherche, puisque l'accueil de post-doctorants et d'allocataires de recherche sera maintenu au niveau de 2004 (600 contrats post-doctoraux, 4 000 allocataires de recherche à la rentrée universitaire d'octobre 2005) et que le dispositif des conventions industrielles de formation par la recherche ( CIFRE ) bénéficiera de 40 conventions supplémentaires, afin d'en porter le nombre à 1 200 en 2005.

Enfin, afin de lutter contre la fuite des cerveaux, 5 000 euros seront attribués, dans le cadre du programme « Initiative Post-doc », aux 100 meilleurs post-doctorants français en poste à l'étranger et candidats au retour dans le système national de recherche et d'enseignement supérieur.

Le projet de loi de finances prévoit également d'amplifier la politique de résorption des libéralités (il s'agit de bourses sans couverture sociale au delà de la sécurité sociale étudiante), en y consacrant 2 millions d'euros supplémentaires en 2005.

* 6 Voir en annexe les propositions du groupe de réflexion du Sénat sur l'avenir de la recherche en France.

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