TITRE VIII
AUTRES DISPOSITIONS

Article 45
(art. 5-1, 6 et 9 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990)
Encadrement des règles de détention
du capital des sociétés d'exercice libéral -
Coordinations avec le nouveau régime des valeurs mobilières

Le présent article a pour objet, d'une part, de permettre un encadrement plus strict des règles de détention du capital des sociétés d'exercice libéral dans un souci de protection de l'indépendance de certaines professions libérales réglementées et, d'autre part, de prendre en compte les modifications apportées par l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 aux catégories de valeurs mobilières susceptibles d'être émises par les sociétés commerciales.

1. Le droit en vigueur

Depuis toujours, l'exercice à titre individuel constitue le mode d'exercice traditionnel des professions libérales réglementées. Cette évolution n'a pas pour autant constitué un frein au développement de l'exercice en groupe qui - dans un contexte international de plus en plus concurrentiel - prend une importance croissante depuis la première moitié du XXème siècle 69 ( * ) .

? Définition des sociétés d'exercice libéral

Parallèlement aux sociétés de moyens 70 ( * ) qui se limitent à la mise en commun des charges matérielles, des regroupements pour l'exercice en commun d'une même profession se sont développés par empilements successifs.

Outre l'association reconnue en 1954 et la société civile professionnelle (SCP) instituée en 1966 71 ( * ) , les membres des professions libérales réglementées peuvent, depuis la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 72 ( * ) , recourir à quatre formes de sociétés de type commercial. Ces structures qui sont des sociétés de capitaux dénommées sociétés d'exercice libéral (SEL) sont les suivantes :

- la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) 73 ( * ) inspirée de la société à responsabilité limitée (SARL) ;

- la société d'exercice libéral à forme anonyme (SELAFA) qui reprend, sous des modalités particulières, les caractéristiques de la société anonyme ;

- la société d'exercice libéral en commandite par actions (SELCA) qui découle de la société par actions ;

- la société d'exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) 74 ( * ) créée par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques à l'initiative du Sénat, et plus particulièrement de M. Jean-Jacques Hyest, alors rapporteur du texte au nom de votre commission 75 ( * ) . L'institution d'une quatrième forme de société commerciale s'explique par le souci de laisser aux associés une grande liberté de choix quant à l'organisation des liens de partenariat au sein de la structure.

Le développement de l'exercice sous forme de société, en particulier de SEL, est aujourd'hui avancé. Selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès du Conseil national des barreaux, on a pu observer, entre 1997 et 2004, une progression de 144 % du nombre de SEL d'avocats, en particulier de SELARL dont le nombre s'est accru de 175 % 76 ( * ) . De même, le nombre de SELAS d'avocats, encore inexistantes en 2003, augmente fortement (+ 73,5%) 77 ( * ) . Le graphique ci-après indique la répartition des sociétés d'avocats au 1 er janvier 2004. On observe que 30 % des regroupements sont des SEL.

Répartition des structures d'exercice en groupe
au sein de la profession d'avocat

Source : données du ministère de la justice.

Le nombre de SELARL créées par les professions libérales de santé s'est également considérablement accru entre 1998 et 2003.

Source : données du ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation

? Les règles qui régissent l'actionnariat majoritaire des SEL : un équilibre entre le souci de préserver l'indépendance des professionnels et la nécessaire diversification de l'origine des capitaux pour mieux faire face à la concurrence internationale

La création des SEL par la loi du 31 décembre 1990 est le fruit d'un compromis entre deux impératifs contradictoires : favoriser les apports de capitaux extérieurs d'origine diversifiée pour assurer le développement des cabinets libéraux et garantir leur compétitivité, tout en veillant à préserver l'indépendance inhérente à la déontologie des professionnels concernés.

Certains aspects du régime applicable aux SEL reposent sur des principes dérogatoires au droit commun des sociétés commerciales défini par la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 78 ( * ) désormais codifiée au livre II du code de commerce. Il en va notamment ainsi des modalités de détention du capital.

L'actionnariat majoritaire des SEL obéit à des règles particulières destinées à protéger les professions libérales réglementées. Cette disposition vise à mettre les professionnels à l'abri d'une logique purement capitalistique, voire spéculative, susceptible de porter atteinte à leur indépendance et à leurs règles déontologiques. Il importe selon cette même logique que les ordres professionnels soient en mesure de contrôler et de retracer l'origine du capital de leurs membres .

L'article 5 de la loi du 31 décembre 1990 réserve le contrôle de la société aux seuls professionnels, qui sont nécessairement des personnes physiques, en exercice au sein de celle-ci. En application de ce principe ces personnes doivent détenir :

- la majorité du capital ;

- la majorité des droits de vote.

Les conditions de détention de la fraction minoritaire du capital, c'est-à-dire au maximum 49 %, ouverte à quelques personnes limitativement énumérées 79 ( * ) , sont également strictement encadrées, dans les conditions prévues au même article 5, ainsi qu'à l'article 6.

Dans un souci de modernisation des professions libérales réglementées, l'article 32 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes à caractère économique et financier (MURCEF) , a assoupli le régime de la détention majoritaire du capital des SEL , au risque d'en accroître la complexité.

Elle a introduit dans la loi du 31 décembre 1990 un article 5-1 pour ouvrir à des personnes extérieures à la SEL la détention majoritaire de son capital jusqu'alors très fermée.

Cette dérogation a été introduite par le Sénat, sur la proposition de notre collègue M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, qui avait fait valoir que les règles énoncées par la loi de 1990 ne permettaient pas « un développement aisé, notamment par apports financiers extérieurs, des cabinets d'avocats français, à la différence des cabinets anglo-saxons qui disposent bien souvent d'une puissance financière, commerciale, logistique bien supérieure » 80 ( * ) .

L'actionnariat majoritaire des SEL a donc été élargi, pour toutes les professions réglementées 81 ( * ) , à deux catégories de personnes :

- les personnes physiques ou les personnes morales telles qu'une SEL ou une SCP exerçant la profession constituant l'objet social 82 ( * ) . Cette disposition est déjà utilisée par certains professionnels libéraux ;

- les sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL) 83 ( * ) . Ce type de société ne peut aujourd'hui être constitué que par cinq professions juridiques et judiciaires 84 ( * ) , à savoir, les avocats et certains officiers publics et ministériels 85 ( * ) . En outre, une profession technique - les conseils en propriété industrielle - peut également créer des SPFPL 86 ( * ) .

? Les professions pouvant recourir à la forme des SEL

Le recours à la forme des SEL est ouvert aux professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé . La loi du 31 décembre 1990 prévoit que ses dispositions peuvent faire l'objet d'adaptations aux spécificités de chaque profession intéressée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

21 décrets ont permis aux professions mentionnées dans le tableau ci-après de constituer des SEL. Chacun de ces textes a fait usage de la liberté laissée par le législateur de prévoir des règles adaptées aux caractéristiques de la profession qu'il concerne. Ainsi, par exemple, les décrets relatifs aux sociétés d'exercice libéral de médecins, pharmaciens et directeurs de laboratoires d'analyses de biologie médicale ont fait usage de la liberté laissée par la loi du 31 décembre 1990 de limiter le nombre des SEL dans lesquelles une même personne physique ou morale peut prendre des participations minoritaires en interdisant la détention de participations dans plus de deux de ces sociétés 87 ( * ) . Il s'agit d'éviter les participations croisées de nature à rendre difficile l'identification de l'origine des capitaux.

Professions de santé

Professions juridiques

Professions techniques

Médecin

décret n° 94-680 du 3 août 1994

Avocat

décret n° 93-492 du 25 mars 1993

Architecte

décret n° 92-619 du 6 juillet 1992

Chirurgien-dentiste

décret n° 92-740 du 29 juillet 1992

Avoué à la Cour

décret n° 93-362 du 16 mars 1993

Géomètre-expert

décret n° 92-618 du 6 juillet 1992

Pharmacien d'officine

décret n° 92-909 du 28 août 1992

Notaire

décret n° 93-78 du 13 janvier 1993

Expert-comptable et comptable agréé

décret n° 92-1124 du 2 octobre 1992

Directeur et directeur adjoint de laboratoires d'analyses de biologie médicale

décret n° 92-545 du 17 juin 1992

Huissier de justice

Décret n° 92-1448 du 30 décembre 1992

Commissaire aux comptes

décret n° 92-764 du 3 août 1992

Vétérinaire

décret n° 92-788 du 4 août 1992

Greffier de Tribunal de commerce

Décret n° 93-86 du 21 janvier 1993

Conseil en propriété industrielle

décret n° 93-1105 du 17 septembre 1993

Sage-femme

décret n° 92-739 du 29 juillet 1992

Administrateur judiciaire

Décret n° 93-892 du 6 juillet 1993

Expert agricole et foncier et expert forestier

décret n° 92-789 du 4 août 1992

Professions paramédicales

décret n° 92-741 du 29 juillet 1992

Mandataire judiciaire

Décret n° 93-1112 du 20 septembre 1993

Commissaire-priseur

Décret n° 92-1449 du 30 décembre 1992

2. Le projet de loi : de nouvelles possibilités pour encadrer plus strictement les modalités de détention du capital majoritaire des SEL

? Des modifications justifiées par une situation préoccupante pour l'indépendance de certaines professions

L'ouverture des modalités d'organisation et de financement des professions libérales réglementées n'est pas sans soulever d'importantes questions.

Depuis près de vingt ans, le législateur est guidé par le souci d'éviter que l'ouverture excessive du capital des SEL nuise à la qualité des prestations des professionnels sans qu'il soit question pour autant de refuser toute modernisation.

Or, l'entrée en vigueur de l'article 5-1 de la loi du 31 décembre 1990 fait craindre à certains professionnels libéraux, notamment ceux exerçant dans le domaine de la santé, des dérives susceptibles de porter atteinte à leur indépendance.

Comme l'ont fait valoir les représentants de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL) et du Comité de liaison inter-ordres (CLIO) entendus par votre rapporteur, l'indépendance de certaines professions, en particulier des pharmaciens d'officine et des directeurs de laboratoires d'analyses de biologie médicale, semble être mise à mal par la prise de contrôle à des fins purement capitalistiques de SEL par des actionnaires extérieurs aux professionnels en exercice dans les sociétés concernées. Les professionnels entendus craignent, dès lors, d'être soumis à une logique purement commerciale et d'être privés de leur liberté d'exercice.

A la différence des professions juridiques et judiciaires, certaines professions de santé et certaines professions « techniques » (architectes ou géomètres experts) ont des besoins de financement très importants en raison du matériel fort onéreux qu'ils doivent acquérir. Cette évolution est de nature à attirer plus particulièrement des investisseurs guidés par des objectifs susceptibles de heurter l'indépendance et la déontologie des professionnels.

Cette situation est à ce jour imputable aux sociétés constituées pour l'exercice de la profession - désormais autorisées à prendre des participations majoritaires dans le capital des SEL 88 ( * ) - et non aux SPFPL qui ne peuvent être créées par les professions précitées, faute de publication des décrets d'application.

L'origine des capitaux qui financent des SEL devient de plus en plus difficile à retracer en raison de l'arrivée de nouveaux investisseurs extérieurs à la société. Ainsi que le souligne l'exposé des motifs du projet de loi, « les montages que permet [la loi MURCEF] complexifient et nuisent à la transparence financière » des sociétés. Les ordres professionnels ont d'ailleurs confirmé cette analyse, après avoir expliqué qu'ils étaient confrontés à des difficultés pour contrôler la conformité des statuts des SEL aux obligations inscrites dans la loi du 31 décembre 1990. Les représentants de l'UNAPL et du CLIO se sont en particulier inquiétés de la prise de contrôle de certains secteurs d'activité par quelques grands opérateurs financiers.

Pour toutes les raisons précédemment évoquées, le présent article propose d'encadrer plus rigoureusement les modalités de détention majoritaire du capital dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat .

? Des solutions pour préserver l'indépendance des professionnels proposées par le projet de loi

Le projet de loi apporte deux aménagements à l'article 5-1, l'un pour y déroger, l'autre pour l'encadrer davantage.

Le du présent article tend à compléter l'article 5-1 par deux nouveaux alinéas tendant à :

- écarter l'application de ce même article à certaines professions. A cet effet, il serait renvoyé à des décrets en Conseil d'Etat le soin de préciser les professions susceptibles d'être exclues de son bénéfice et, donc, pour lesquelles le contrôle d'une SEL serait exclusivement réservé aux professionnels en exercice dans cette structure.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès du Gouvernement, certains professionnels de santé et quelques professions techniques seraient plus particulièrement visés. Cet ajout n'aurait, en aucun cas, vocation à concerner les professions juridiques et judiciaires, qui s'estiment d'ailleurs pleinement satisfaites des avancées permises par la loi MURCEF , comme l'ont d'ailleurs confirmé à votre rapporteur certains de leurs représentants ;

- prévoir un dispositif transitoire tendant à permettre aux sociétés constituées avant l'entrée en vigueur des décrets précités de se mettre en conformité avec les nouvelles règles de détention majoritaire du capital. Ces sociétés disposeraient d'un délai de deux ans à compter de la publication desdits décrets. Au terme de ce délai, tout intéressé pourrait introduire une action en justice pour demander la dissolution de la société. Le tribunal pourrait accorder un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. Il s'agit d'une procédure classique reprise de la loi du 31 décembre 1990 89 ( * ) .

Le du présent article propose d'insérer un nouvel alinéa à l'article 6 de la loi du 31 décembre 1990 pour autoriser, dans l'hypothèse où le contrôle majoritaire d'une SEL par des personnes extérieures à cette société serait autorisé, une limitation des prises de participations croisées ou en cascade entre plusieurs associés.

Il permettrait de limiter le nombre de SEL constituées pour l'exercice d'une même profession dans lesquelles une même personne morale exerçant celle-ci ou une même SPFPL pourrait détenir directement ou indirectement des parts sociales. Le contenu de ces restrictions et les professions susceptibles d'être concernées seraient renvoyés à un décret en Conseil d'Etat. Ce dispositif constitue le décalque d'une règle applicable à la détention de la fraction minoritaire du capital prévue à l'article 5 de la loi de 1990 dans sa rédaction actuelle. Ces dispositions ne viseraient pas les professions juridiques et judiciaires exclues du bénéfice de l'actuel article 6 de la loi de 1990 par son dernier alinéa.

A l'instar du 1° du présent article, un dispositif transitoire serait défini pour permettre aux sociétés constituées antérieurement aux futurs décrets précités de se mettre en conformité avec les nouvelles règles de détention majoritaire du capital.

? La prise en compte du nouveau régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales

Le du présent article réécrirait entièrement l'article 9 de la loi du 31 décembre 1990 afin de prendre en compte les modifications apportées au régime des valeurs mobilières par l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières et extension à l'outre-mer des dispositions ayant modifié la législation commerciale.

En premier lieu, le texte proposé modifierait les dispositions relatives aux actions à dividende prioritaire sans droit de vote .

Dans sa rédaction actuelle, l'article 9 interdit aux professionnels exerçant au sein d'une SEL de détenir des actions à dividende prioritaire sans droit de vote. Cette mesure d'interdiction tend à préserver l'influence des personnes exerçant leur activité professionnelle au sein de la société.

Or, l'ordonnance précitée a supprimé la catégorie des actions à dividende prioritaire sans droit de vote, pour la fondre, avec d'autres catégories d'actions, dans une catégorie unique rassemblant des « actions de préférence » 90 ( * ) . L'article L. 228-29-8 du code de commerce laisse cependant subsister les actions à dividende prioritaire déjà créées ou dont la création a été décidée par les assemblées d'actionnaires avant la publication de cette ordonnance.

De ce point de vue, le premier alinéa du texte proposé par le 3° du présent article ne ferait qu'adapter la rédaction actuelle à la nouvelle situation juridique créée. Ainsi, dans les SEL :

- la création de nouvelles actions à dividende prioritaire sans droit de vote serait désormais interdite ;

- dans l'hypothèse où de telles actions auraient été créées avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée du 24 juin 2004 ou émises après cette date en vertu de décisions d'assemblées générales antérieures à l'entrée en vigueur de ce texte 91 ( * ) , les professionnels exerçant leur activité au sein de la société ne pourraient en détenir aucune.

En second lieu, le texte proposé encadrerait l'usage des droits particuliers conférés aux actions de préférence.

L'article L. 228-11 du code de commerce permet l'émission par les sociétés commerciales d'actions « avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent ». La société émettrice peut donc désormais décliner ses titres selon ses propres besoins, au cas par cas.

Or, les droits particuliers attachés aux actions de préférence ne doivent pas servir à contourner les règles destinées à garantir l'indépendance des professionnels exerçant au sein des SEL . C'est pourquoi le dernier alinéa du texte proposé préciserait que les droits conférés à ces actions ne pourraient faire obstacle :

- ni à l'application « des règles de répartition du capital et des droits de vote ». Cette formule générale renvoie en réalité, pour l'essentiel, aux articles 5 à 7 de la loi du 31 décembre 1990, qui encadrent la détention du capital et le droit de vote dans les SEL ;

- ni aux « dispositions de l'article 12 » de la loi du 31 décembre 1990, qui imposent notamment que certaines fonctions de dirigeants sociaux soient réservées aux seuls professionnels exerçant dans la société . Cet article prévoit notamment que les gérants, le président et les dirigeants de la société par actions simplifiée, le président du conseil d'administration, les membres du directoire, le président du conseil de surveillance et les directeurs généraux ainsi que les deux tiers au moins des membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance dans la société anonyme doivent être des associés exerçant leur profession au sein de la société. Il dispose également que seuls les professionnels exerçant au sein de la société peuvent prendre part aux délibérations prévues par ces textes lorsque les conventions en cause portent sur les conditions dans lesquelles ils y exercent leur profession.

3. La position de votre commission

Il paraît particulièrement préoccupant que les instances ordinales ne soient plus en mesure d'exercer leur rôle capital de régulateur de la profession . En effet, les conditions dans lesquelles les agréments des sociétés sont instruits ne sont pas satisfaisantes car les ordres ne disposent pas de capacités d'expertise à la hauteur de la complexité des nouveaux instruments d'ingénierie juridico-financière mis à la disposition des professionnels. Or, il convient de leur donner les moyens d'assurer un contrôle effectif sur les pratiques professionnelles afin d'éviter des dérives préjudiciables à la clientèle, voire à l'ordre public s'agissant des professions de santé.

Il convient également de définir des garde-fous suffisamment efficaces pour éviter que des logiques trop éloignées des règles déontologiques qui s'imposent aux professionnels libéraux ne prennent le pas.

Au surplus, cette démarche ne paraît nullement contradictoire avec les avancées accomplies par le législateur en 2001. Votre commission est convaincue qu'au contraire, le présent projet de loi apporte une réponse appropriée de nature à apaiser les inquiétudes de certains professionnels. Il convient d'éviter que la loi du 31 décembre 1990 soit considérée seulement comme une arme redoutable contre l'exercice libéral.

Tout en approuvant les principes proposés par le projet de loi, votre commission vous propose d'améliorer le dispositif sur plusieurs points. A cet effet, elle vous soumet un amendement de réécriture du 1° et 2° de l'article 45  et vous propose :

- d'apporter des précisions au regard de la délégation, trop large, accordée au pouvoir réglementaire . En permettant au décret de déroger - sans autre précision - à la loi, le présent projet de loi tend à placer sur un pied d'égalité le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire. Cette rédaction ne paraît donc pas conforme à la hiérarchie des normes. Une telle dérogation ne serait envisageable que sous réserve de conditions fixées par la loi. A défaut, le Conseil constitutionnel, gardien des domaines respectifs de la loi et du règlement, pourrait censurer le législateur. Il semble donc nécessaire d'encadrer le dispositif avec une plus grande rigueur en définissant les critères sur lesquels le pouvoir réglementaire pourrait s'appuyer pour exclure certaines professions du bénéfice de l'article 5-1.

Votre commission vous propose de viser les hypothèses dans lesquelles la détention majoritaire du capital porterait « atteinte à l'exercice de la profession concernée, au respect de l'indépendance de ses membres et de ses règles déontologiques propres ». En outre, il semble nécessaire de faire référence « aux professions juridiques et judiciaires », afin de marquer clairement qu'elles seraient exclues du bénéfice de la dérogation . Il paraît en effet important de cibler davantage les professionnels auxquels le dispositif aurait vocation à s'appliquer pour ne pas vider l'article 5-1 de sa portée.

- d'encadrer plus strictement l'ouverture du capital majoritaire à des personnes extérieures aux professionnels en exercice au sein de la SEL en étendant « aux personnes physiques » la limitation du nombre de SEL - constituées pour l'exercice d'une même profession - dans lesquelles une même personne est autorisée à détenir des participations ; cet ajout constitue une garantie supplémentaire pour éviter tout dévoiement de la loi du 31 décembre 1990 et rendre plus transparent le statut des SEL.

Votre commission vous soumet en outre des modifications de pure forme afin de :

- transférer les dispositions transitoires, qui ont vocation à disparaître, sous un article distinct au sein des dispositions diverses de la loi du 31 décembre 1990 ;

- déplacer l'encadrement prévu au 2° pour le faire figurer au sein de l'article 5-1 relatif aux règles de détention majoritaire du capital des SEL auquel il se rapporte et non à l'article 6 dont l'objet concerne les modalités de détention de la fraction minoritaire du capital des SEL.

Saisi, par délégation de la commission des affaires économiques, de l'examen au fond de cet article, votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 45 ainsi modifié .

* 69 Les premières sociétés de médecins sont apparues vers 1930.

* 70 Telles que les sociétés coopératives entre médecins, les sociétés civiles de moyens respectivement instituées en 1965 et 1966 ou encore, de création plus récente (1989), les groupements d'intérêt économique.

* 71 Voir la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles.

* 72 Relative à l'exercice sous forme de sociétés de professions libérales soumises à un statut législatif et réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales.

* 73 Qui peut être constituée sous la forme d'une entreprise unipersonnelle (ELURL).

* 74 Qui peut également être une société unipersonnelle (SELASU).

* 75 Voir avis n °10 (Sénat, 2000-2001).

* 76 Les SELARL représentent plus de 85 % des SEL.

* 77 Les SELAS représentent 4,4 % des SEL .

* 78 Sur les sociétés commerciales.

* 79 Ce même article 5 restreint à cinq catégories de personnes ayant un lien avec les professionnels en exercice au sein de la société la possibilité de détenir la fraction minoritaire des parts sociales d'une SEL. Sont mentionnés les membres de la même profession exerçant hors de la société (les concurrents) (1°), les anciens associés pendant dix ans après le cessation d'activité (2°), les ayants droits des associés, des anciens associés exerçant au sein de la société et des associés en exercice hors de la société, dans un délai de cinq ans suivant leur décès (3°), la société de type holding ayant procédé au rachat d'entreprise par les salariés (RES) sur la SEL (4°) et les membres exerçant l'une des professions libérales apparentées au même secteur d'activité que celui de la SEL (d'une part, les professions juridiques et judiciaires, d'autre part, les professions de santé et, enfin, les professions techniques) (5°).

* 80 Rapport n° 336 (Sénat, 2000-2001).

* 81 Dans sa version initiale, adoptée par le Sénat en première lecture, cette disposition avait vocation à s'appliquer aux seuls avocats. En nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, son champ d'application a été étendu à l'ensemble des professions libérales réglementées.

* 82 Avant 2001, seule la détention du complément du capital leur était ouverte.

* 83 Les SPFPL constituent une nouvelle forme sociale à la disposition des professions libérales réglementées ayant pour objet la détention de parts ou d'actions de SEL.

* 84 Voir les décrets n°s 2004-852 à 2004-856 en date du 23 août 2004. Les principales dispositions figurant dans ces textes sont exposées dans une réponse du ministère de la justice à une question écrite de M. Philippe Marini, JO Sénat, Questions écrites, 30 septembre 2004, p. 2235 et suivante, question n° 11471.

* 85 Notaire, avoué près les cours d'appel, commissaire-priseur judiciaire et huissier de justice, à l'exclusion des greffiers des tribunaux de commerce en raison des règles propres à l'organisation judiciaire.

* 86 En application du décret n° 2004-199 du 25 février 2004.

* 87 Voir par exemple, pour les pharmaciens, l'article R. 5125-18 du code de la santé publique.

* 88 En pratique, il s'agit d'ailleurs principalement de SEL elles-mêmes .

* 89 Voir les articles 5 et 18.

* 90 Ces actions sont définies par l'article L. 228-11 du code de commerce comme des actions « avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent ». La société émettrice peut donc désormais décliner ses titres selon ses propres besoins, au cas par cas.

* 91 Situation résultant du renvoi par le texte proposé à l'article L. 228-29-8 du code de commerce.

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