III. D'AUTRES ACTIONS PLUS PONCTUELLES OU PARTIELLES

A. LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE : UNE POLITIQUE MULTI-MISSION

Prévue dans les deux programmes, cette action se compose d'un objectif et de cinq indicateurs. Toutefois, ces deux actions jumelles ne permettent d'appréhender qu'une partie de la lutte contre la violence routière.

1. Une politique transversale

Comme l'indique le document de politique transversale relatif à la sécurité routière joint au projet de loi de finances, ce sont six missions qui concourent à cette politique en 2006, pour les montants figurant dans le tableau ci-dessous.

Consolidation des moyens budgétaires
dévolus à la sécurité routière

Moyens consacrés
en 2005

Moyens prévus pour 2006

Programme
- Actions du programme

CP

(en
millions
d'euros)

soit,
en %
CP de
l'action

AE
(en
millions
d'euros)

CP
(en
millions
d'euros)

soit,
en %
des AE
de
l'action

Sécurité routière

- Observation, prospective, réglementation et soutien au programme

21,49

100

24,82

24,12

100

- Démarches interministérielles
et communication

33,05

100

34,5

34,5

100

- Education routière

16,65

100

19,3

16,2

100

- Gestion du trafic et information des usagers

51,96

100

47

47,2

100

Conduite et pilotage des politiques d'équipement

- Personnels oeuvrant pour les politiques du programme « sécurité routière »

129,46

100

132,24

132,24

100

Police nationale

- Sécurité routière

341,73

100

550,77

550,77

100

Gendarmerie nationale

- Sécurité routière

661,18

100

689,17

689,17

100

Réseau routier national

- Développement des infrastructures routières

30

9,3

30

20

12

- Entretien et exploitation

275

46

291

274

47

- Politique technique, action internationale et soutien au programme

0,27

1

0,27

0,27

0,9

Contrôle et sanction automatisés
des infractions au code de la route

- Radars

120

120

100

- Aide au financement du permis de conduire des jeunes

11

11

100

Justice judiciaire

137,69

-

138,28

138,28

-

Administration pénitentiaire

109,1

-

109,1

109,1

-

Enseignement scolaire public du premier degré / du second degré

55,56

2,3

59,35

59,35

3

Sport

- Promotion du sport pour le plus grand nombre

0,12

0,3

0,12

0,12

0,2

Totaux

1.863,48

2.235,32

2.265,92

Source : Document de politique transversale « Sécurité routière ».

Avec 1.239,94 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement, police et gendarmerie totalisent 55 % des crédits de la politique transversale.

2. Un objectif : renforcer l'efficacité dans la lutte contre l'insécurité routière

Depuis la mise en oeuvre de la nouvelle politique de sécurité routière sur une période de trois ans, de mai 2002 à mai 2005, ce sont plus de 6000 vies qui ont été sauvées et près de 100 000 blessés épargnés . En 2004, 5232 personnes sont mortes sur la route (8412 en 1995 et 7720 en 2001). L'objectif pour 2005 est de passer en dessous de la barre symbolique de 5000 personnes tuées.

La part des services de police et de gendarmerie dans ces résultats est éminente, bien qu'elle reste difficilement quantifiable. Rappelons seulement que la police et la gendarmerie consacrent respectivement 8,3 % et 14 % de leurs crédits à la sécurité routière.

Toutefois, au vu des résultats de 2004 , trois zones d'ombre ressortent de ce bilan :

- la mortalité des jeunes ;

- la mortalité des conducteurs de deux roues motorisés ;

- l'accidentalité enregistrée sur les trajets de proximité.

Dans un contexte de baisse générale de l'accidentologie en 2004, le nombre de personnes tuées parmi les 18-24 ans augmente de 0,7 %. Alors que cette tranche d'âge ne représente que 9 % de l'ensemble de la population, elle constitue 23,5 % des tués (1227 tués sur 5532).

La police et la gendarmerie devront concentrer leurs efforts sur ces trois catégories de conducteurs, notamment en ciblant les contrôles et la répression. Toutefois, il faut être conscient de l'insuffisance de ces mesures pour résorber ces trois zones d'ombre. Particulièrement en ce qui concerne les jeunes, les efforts en faveur de l'éducation et de la formation seront essentiels mais ne produiront leur effet qu'au terme de plusieurs années.

Concernant les indicateurs de performance choisis 17 ( * ) , votre rapporteur estime qu'ils mesurent assez bien l'efficacité des contrôles et leur ciblage sur les populations et les portions du réseau routier à risque. Toutefois, il est regrettable, notamment en ce qui concerne la police, que la moitié des indicateurs ne soient pas renseignés.

B. LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE : LE MONOPOLE DE LA POLICE NATIONALE ?

Le programme « Police nationale » comporte une action qui lui est propre, celle relative à la police des étrangers et à la sûreté des transports internationaux. Cette action regroupe le contrôle des personnes aux frontières, la lutte contre l'immigration clandestine, le démantèlement des filières ainsi que la sûreté des moyens de transports internationaux (ports, aéroports, trains internationaux).

La lutte contre l'immigration irrégulière est devenue une des priorités de l'action du Gouvernement. Elle mérite un traitement distinct au sein de la mission « Sécurité ». A cet égard, il faut signaler la création par le Sénat le 27 octobre dernier d'une commission d'enquête relative à l'immigration clandestine. Elle rendra ses conclusions avant la fin du mois d'avril 2006.

1. Une priorité : l'éloignement des étrangers en situation irrégulière

Quatre indicateurs mesurent la performance de l'action « Police des étrangers et sûreté des transports internationaux ».

Trois d'entre eux se rapportent au premier objectif « Contribuer à l'amélioration des reconduites à la frontière ».

L'indicateur sur le coût moyen d'une rétention administrative est intéressant dans son principe. Malheureusement, il ne prend en compte que les moyens du ministère de l'intérieur ce qui réduit sa signification sur le coût global d'un éloignement. Certes, la police nationale n'a à sa charge qu'une partie de ce coût. Mais la LOLF a précisément pour but de passer outre les logiques ministérielles. Cet indicateur ne sera disponible qu'à partir du projet de loi de finances pour 2007.

L'indicateur sur le nombre d'éloignements du territoire d'étrangers en situation irrégulière, en application d'une mesure administrative ou d'une décision judiciaire, est bien entendu intéressant. A cet égard, la hausse très importante des éloignements depuis trois ans témoigne incontestablement de l'efficacité accrue des services de la police aux frontières que l'augmentation de ses moyens ne peut que partiellement expliquer. La loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration a également donné de nouveaux instruments juridiques.

Un aménagement de cet indice consisterait à évaluer le taux d'exécution des mesures administratives et des décisions judiciaires d'éloignement du territoire. Serait alors mesuré le « taux de réponse » donné par la police à la question qui lui est posée, celle de l'éloignement de personnes identifiées. Un tel indicateur mesurerait la performance des services.

Toutefois, si cette solution était retenue, il faudrait garder à l'esprit que l'immense majorité des décisions d'éloignement n'est pas à ce jour exécutée car la plupart sont des arrêtés de reconduite à la frontière notifiés par voie postale. Ces arrêtés ne font pas suite à l'interpellation d'un étranger en situation irrégulière. Ils sont le plus souvent adressés après que le préfet a rejeté une demande d'autorisation de séjour.

En l'état, l'objectif pour 2006 est ambitieux puisque 25 000 éloignements pour la seule métropole sont attendus contre 23 000 prévus en 2005 et 15 660 réalisés en 2004.

Enfin, le troisième indicateur mesure le « taux de remise en liberté de personnes placées en rétention administrative par le juge des libertés et de la détention pour vice de procédure imputable aux services de police ». Cet indicateur, bien que non renseigné pour cette année, est excellent. Grâce à lui sont mesurés à la fois la qualité de la formation juridique des policiers, le respect de la légalité et, pour une part, le respect de la déontologie. Rien ne sert en effet de faire beaucoup de procédures si elles sont bâclées ou faites dans la précipitation. Au final, elles sont inefficaces puisqu'elles ont un coût, démoralisent les personnels et renforcent le sentiment d'impunité.

Un indicateur de ce type pourrait être retenu pour évaluer, de manière plus générale, l'action de police judiciaire de la police et de la gendarmerie nationales. Il serait ainsi mesuré le nombre de procédure annulée pour vice de procédure imputable aux services de police et de gendarmerie.

Le quatrième indicateur se rapporte au second objectif de l'action : « Améliorer la lutte contre l'immigration irrégulière organisée ». En hausse depuis deux ans, il mesure le nombre d'interpellations de personnes aidant à l'immigration clandestine.

Ces indicateurs sont principalement tournés vers l'objectif d'éloigner les étrangers.

2. Des moyens renforcés

Pour atteindre ces objectifs ambitieux en matière d'éloignement, des moyens supplémentaires sont prévus.

Comme l'a indiqué M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, lors de son audition devant la commission, la lutte contre l'immigration irrégulière accapare tous les moyens nouveaux du programme « police nationale » hors LOPSI en 2006, soit 38,4 millions d'euros.

En outre, en sus de la création au niveau interministériel du Comité interministériel du contrôle de l'immigration, une circulaire du 23 août 2005 fixe l'organisation, les attributions respectives et le fonctionnement des services chargés de la police de l'immigration. Cette police de l'immigration s'organiserait autour de la PAF. L'impact en effectifs de cette réforme est évalué à 220 personnels supplémentaires.

Ces crédits doivent aussi financer le plan de construction et d'entretien des centres de rétention administrative.

Au regard de ce coût très élevé de la lutte contre l'immigration irrégulière, des résultats significatifs doivent être atteints ainsi qu'une meilleure performance.

Incidemment, votre rapporteur invite le Gouvernement à utiliser la possibilité offerte par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration de délocaliser dans des salles d'audience situées à proximité des zones d'attente ou des centres de rétention administrative les audiences devant le juge des libertés et de la détention des étrangers maintenus en rétention ou placés en zone d'attente. Cette faculté n'est en effet utilisée qu'à Coquelles. Or l'on sait la charge que le transfèrement des étrangers représente. Il est très dommageable que la salle d'audience située à proximité de la zone d'attente de Roissy ne soit toujours pas utilisée alors qu'elle est terminée depuis plus de quatre ans.

Par ailleurs, le déploiement des visas biométriques dans l'ensemble de nos consulats doit être accéléré. A tout le moins, l'échéance de 2007 fixée par le ministère des affaires étrangères, dont ce projet relève, devra être respectée.

3. Vers la création d'une action « miroir » au sein du programme « gendarmerie nationale » ?

La gendarmerie nationale contribue à la lutte contre l'immigration irrégulière de manière importante . Le « bleu » de la présente mission indique que, durant l'année 2004, la gendarmerie a accueilli 6.182 immigrés dans l'un des trois centres de rétention administrative dont elle a la charge. Elle a, la même année, relevé 10.118 infractions à la législation sur les étrangers. Pour le premier trimestre 2005, les faits constatés pour la seule métropole ont progressé de 64,9 %. Outre-mer, 3845 faits ont été enregistrés sur les neuf premiers mois de l'année 2005 18 ( * ) .

En outre, des gendarmeries spécialisées, la gendarmerie des transports aériens et la gendarmerie maritime, assument sans ambiguïtés des missions de contrôle des frontières et de lutte contre l'immigration clandestine en plus des missions de police générale en mer ou liées à la défense nationale. Elles sont fortes respectivement de 1000 et 1100 militaires. Les missions de surveillance maritime sont intégrées dans l'action « Exercice des missions militaires » du programme « Gendarmerie nationale ».

Selon le « bleu budgétaire », « le rapprochement poussé des programmes de la gendarmerie et de la police (...) ne doit pas masquer les spécificités de chacune des deux institutions qui résultent des différences de mission, d'une part, et d'organisations territoriales particulières, d'autre part ».

Votre rapporteur s'associe au rapporteur spécial de la commission des Finances qui estime, au contraire, que les missions doivent prévaloir sur les institutions et organisations. Constituerait un progrès le fait que la police des étrangers soit identifiée par des actions identiques au sein des deux programmes de la mission « Sécurité ».

Cela permettrait une véritable analyse comparative du coût de cette politique de lutte contre l'immigration clandestine.

C. LES « OPEX » : LA MARQUE DE L'IDENTITÉ MILITAIRE DE LA GENDARMERIE NATIONALE

Le programme « Gendarmerie nationale » comporte une action qui lui est propre, celle relative à « l'exercice des missions militaires ». Elle permet de prendre en compte la spécificité de l'institution en matière de missions militaires, tant sur le territoire national qu'à l'étranger dans son engagement sur les théâtres d'opérations extérieures également appelées « OPEX ».

Au 1 er juillet 2005, 560 militaires de la gendarmerie étaient déployés sous engagement international ou commandement national. Rappelons également que la gendarmerie participe à la force de gendarmerie européenne (FGE) créée 2004. Elle possède une capacité initiale de réaction rapide d'environ 800 personnels sous un délai de 30 jours. La gendarmerie est en effet particulièrement adaptée à la gestion de crise en fonction de son intensité. Elle est formée pour faire face à la phase militaire de la crise, la phase de transition, la phase de théâtre stabilisé ou la phase d'engagement à titre préventif.

Cette polyvalence doit être entretenue. Lors de son audition par la commission des Finances du Sénat, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, a d'ailleurs déclaré que l'objectif fixé était que, d'ici cinq ans, tous les officiers de la gendarmerie nationale aient fait au moins une OPEX.

Votre rapporteur, en dépit des contraintes lourdes que les OPEX font peser sur les autres missions de la gendarmerie, notamment sur la sécurité publique ou le maintien de l'ordre public, souscrit à cet objectif. Les OPEX sont en effet une source d'enrichissement humain et professionnel considérable qui ne peut que bénéficier en retour aux missions de sécurité plus traditionnelles.

Toutefois, votre rapporteur regrette le choix des indicateurs qui ne mesurent en aucune façon une quelconque performance.

Le premier évalue la part de l'activité consacrée aux missions militaires de protection et de contrôle. Le second mesure le nombre de jours-gendarmes projetés en OPEX. Ces indicateurs rendent compte uniquement d'un état de fait. Il n'est pas indiqué s'ils doivent évoluer à la hausse ou à la baisse.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois a donné un avis favorable aux crédits inscrits au titre de la mission « Sécurité » dans le projet de loi de finances pour 2006.

* 17 Taux de dépistage positif d'alcoolémie ; taux de dépistage positif de produits stupéfiants ; nombre d'infractions vitesse par heure de fonctionnement des systèmes embarqués de contrôle automatisé ; nombre d'infractions vitesse relevées hors contrôle automatisé embarqué par heure personnel de contrôle.

* 18 Pour plus de précisions, voir l'avis relatif à l'outre-mer de notre collègue M. Christian Cointat.

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